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Le Principal d'Auguste
Réalités et représentations du pouvoir
Autour de la Res publica restìtuta
Ύ
Actes du colloque
de l'Université de Nantes
er
l -2 juin 2007
Collection « Histoire
Le Principat d'Auguste
Réalités et représentations du pouvoir
Autour de la Res publica restituiti,
Collection Histoire
Presses Universitaires de Rennes
2009
© PRESSES UNIVERSITAIRES DE RENNES
UHB Rennes 2 - Campus de La Harpe
2, rue du doyen Denis-Leroy
35044 Rennes Cedex
www.pur-editions.fr
e
Dépôt légal: 2 semestre 2009
ISBN: 978-2-7535-0952-8
ISSN: 1255-2364
Les auteurs
1. Pour un bilan de la production scientifique relative à Auguste et parue ces dix dernières années,
cf. H U R L E T Fr„ «Une décennie de recherches sur Auguste. Bilan historiographique (1996-2006) »,
Anabases 6, 2007, p. 187-218.
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
2
utilisée par Christian Meier . I l existait en vérité une alternative, à savoir
donner au nouveau régime, sans aucun doute monarchique dans les faits,
les apparences d'une restauration et inscrire les pouvoirs d'Auguste dans
le prolongement des pratiques républicaines. L'existence de ce qu'on a pu
appeler la façade républicaine du principat ne se discute pas : toute fiction,
3
si elle doit être dénoncée, ne peut être niée . Mais dans le même temps, si
les institutions républicaines servirent toujours de cadre institutionnel au
fonctionnement du nouveau régime (comment en aurait-il pu aller autre
ment?), l'image que les Romains se faisaient de la République romaine
évolua au fil des années passées par Auguste à la tête de Rome et de l'Em
pire. « Combien restait-il de gens qui avaient vu la Res publica ? », s'exclame
4
Tacite en décrivant le contexte politique à la fin du principat d'Auguste .
Il faut donc prendre en compte la dimension chronologique qui fit de la
République et de ses pratiques un souvenir estompé au fur et à mesure que
le temps passait et un précédent de moins en moins contraignant. On a
depuis longtemps, et à juste titre, fait remarquer que l'ambiguïté est un trait
inhérent à un nouveau régime qui a toujours refusé de dire ce qu'il était.
Il importe désormais de dépasser ce constat avéré et de partir de l'idée que
cette ambiguïté se manifestait de différentes façons selon la période et les
sources prises en compte. La fiction républicaine exploitée par Auguste pour
mettre en forme le nouveau régime a elle aussi une histoire.
Une étape capitale dans la mise en place du nouveau régime est le
moment où celui que l'on appelait jusqu'alors César (le Jeune) fut amené
à rétablir la paix et la stabilité au sein de l'Empire romain à l'issue de sa
victoire à Actium au terme de plus d'une décennie entrecoupée de conflits
civils. I l a été pendant longtemps admis sans la moindre discussion qu'à
son retour à Rome en 29 av. J.-C, le vainqueur de Marc Antoine et de
2. Sur la notion de «crise sans alternative», cf. M E I E R Ch., Res publica amissa. Studie zu Verfassung
e
und Geschichte der späten römischen Republik, 2 éd., Wiesbaden, 1980 ; sur la solution trouvée par
Auguste, cf. du même auteur, « Augustus. Die Begründung der Monarchie als Wiederherrstellung der
Republik», dans Ohnmacht des allmächtigen Dictators Caesar. Drei biographische Skizzen, Fran
1980, p. 225-287 [traduction italienne dans Cesare. Impotenza e onnipotenza di un dittatore. Tr
profili biografici, Turin, 1995, p. 195-251] et César, trad, française de l'édition allemande de 1982
par J. Feisthauer, Paris, 1989, p. 474-476. Sur la place de cette interprétation dans l'historiographie
actuelle, cf. B R U H N S H., «Crise de la République romaine? Quelle crise?», Fondements et crises
du pouvoir, F R A N C H E T D ' E S P E R E Y S. - F R O M E N T I N V. - G O T T E L A N D S. - R O D D A Z J.-M. (dir.),
Bordeaux, 2003, p. 373-376 qui réévalue positivement, ajuste titre, une notion de crise sans alter
native peu prise en compte par l'historiographie actuelle et souvent critiquée sans être sérieusement
examinée, mais qui juge sans trop approfondir la question que l'alternative réalisée par Auguste pour
sortir de la crise affaiblit l'ensemble de la théorie (p. 375).
3. Comme l'a rappelé M A G D E L A I N Α., Auctoritas principis, Paris, 1947, p. 75.
4. Ann., I, 3, 7 : quotus quisque reliquus qui Rem publicam vidisset. On traduit généralement Res pu
par « République» (cf. Gcelzer dans la C. U.F. ; Burnouf, Tacite, Annales dans la Collection Garnier-
Flammarion et Grimai, Tacite, Annales, dans la Collection Folio), ce qui revient à adopter une signi
fication spécifique de Res publica qui n'est apparue qu'à l'époque impériale. Si l'on gardait le sens
traditionnel et neutre de «chose publique», «bien commun» ou «État» (ce que nous entendons par
République se traduit d'ordinaire en latin par Res publica libera ou libertas), il faudrait comprendre
que dans l'esprit de Tacite, il y avait, à lafindu principat d'Auguste, très peu de gens qui avaient
vu l'État romain comme une chose publique ou, si l'on veut, comme un État de droit; la remarque
de l'historien romain n'en serait que plus mordante. Il est difficile de privilégier l'une ou l'autre des
solutions présentées. Cf. aussi, dans le même sens que Tacite, D I O N , LVI, 44, 3-4.
10
INTRODUCTION
5. La légende libertatis p(opuli) R(omani) uindex apparaît sur le droit d'un cistophore sur le revers
2
duquel il est fait référence à la Pax (RPC, I, 2203 = RIC, I 79 Augustus Nr. 476) ; cf. aussi dans
ce sens les Res Gestae diui Augusti, 1.1 (on consultera la nouvelle édition et les analyses de J. Scheid
dans la C. U.F., 2007). Les emplois de la formule Res publica restituta sont étudiés dans le paragraphe
suivant.
6. Cf. dans un sens très proche les propos méthodologiques de F I N L E Y M.I., L'invention de la politique,
traduit de l'anglais par J. Carlier, Paris, 1985, p. 53.
7. Comme l'a déjà souligné M I L L A R F., «Triumvirate and Principate »,JRS 63, 1973, p. 63-64 [= Rome,
the Greek World, and the East, vol. I. The Roman Republic and the Augustan Revolution, éd. p
Cotton et C M . Rogers, Chapell-Hill - Londres, 2002, p. 264].
8. II, 1. 25-26 : pacato orbe tenarum, resftitutja re publica, quieta deinde nfobis etfelicia]/tempo
2
gerunt (FIRA, III ,69). On consultera sur ce document l'édition de D U R R Y M., Élogefunèbre d'une
e
matrone romaine (Éloge dite de Turia), Paris, 1950 (2 tirage revu et corrigé par Lancel S., 1992) ;
cf. aussi K I E R D O R F W., Laudatiofunebris. Interpretationen und Untersuchungen zur Entwicklung
römischen Leichenrede, Meisenheim am Glan, 1980, p. 36.
2
9. CIL, I, p. 312 et 384 = CIL, I , p. 231. La restitution de Mommsen a été adoptée par D E G R A S S I ,
7«ίίτ./ί.,ΧΙΠ,2,ρ. 113.
11
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
10
moins convaincantes ont été proposées . Quoi qu il en soit, l'ampleur des
lacunes est telle quii vaut mieux ne fonder aucune conclusion historique
sur un fragment épigraphique aussi mutilé. I l faut ajouter un passage de
Tite-Live où la formule Res publica restituta est utilisée dans le contexte de
réaction des sénateurs à un discours de fermeté prononcé par Cincinnatus
en 460 sans doute par analogie avec la situation politique dans lequel s'ins
crivait la rédaction de la première décade (dans le courant des années 20,
n
plus précisément au début de cette décennie) . Par la suite, elle est attes
tée sur la dédicace de l'arc sévérien du forum romain où elle est associée à
l'idée d'agrandissement de l'Empire pour souligner les hauts-faits militaires
accomplis par Septime Sévère à l'occasion des conflits civils et des guerres
12
contre les Parthes . Le (relatif) petit nombre de références de cette formule
n'a pas empêché un grand nombre de savants, depuis Mommsen au moins,
de faire de la Res publica restituta un élément constitutif de la politique
augustéenne dans le courant des années 20, et dans le même temps l'une des
manifestations les plus visibles de l'ambivalence d'un pouvoir qui n'en était
13
pas moins devenu monarchique . Deux interprétations ont été présentées
à ce sujet, qui ont en commun de s'interroger sur la sincérité d'Auguste :
la restauration de la Res publica doit-elle être analysée comme un moyen
formel d'inscrire le principat dans une forme de continuité historique et
érigée au rang de lien manquant entre République et Empire ? ou s'agit-il
d'un simple mensonge, voire d'un artifice qui est à mettre sur le compte
10. Pour une autre proposition de restitution, cf. J U D G E Ε.Α., «'Respublica restituta': A Modern
Illusion», E V A N S J.A.S. (dir.), Polis and Imperium, Toronto, 1974, p. 298: corona querc[ea autem
id est ciuica uti super ianuamjΊAugustiponerfetur quod ciuibus ab eo seruatis ipse]/p(opulus) R
rest[i]tu[i sibi uidebatur eodem s.c. sanctum est] ou pour les deux dernières lignes [— ipsum
p(opulum) R(omanum) rest[i]tu[isse]. Tirant parti de Y aureus de 28 av. J.-C. qui a été récemment
publié et sur lequel nous reviendrons, M I L L A R E , «The First Revolution: Imperator Caesar, 36-
28 BC», La révolution romaine après Ronald Syme: biUns et perspectives, éd. par A. Giovannini
Vandœuvres-Genève, 2000, p. 6-7 a proposé pour les deux dernières lignes une restitution qui
reprend le contenu de la légende de cette monnaie : [quod leges et iura]/p. R. rest[it]u[it]. Il faut
toutefois se demander s'il est justifié d'exploiter une formule utilisée dans le contexte de l'année
28 pour procéder à une restitution à propos d'un événement qui eut lieu l'année suivante, en
27 av. J.-C. La meilleure proposition de restitution est, à notre sens, celle qu'a proposée tout
récemment T O D I S C O E . , «La res publica restituta e i Fasti Praenestini», PANI M. (dir.), Epigrafia e
territorio. Politica e società. Temi di antichità romane, t. Vili, Bari, 2007, p. 353 où le verbe restitu
est conjugué au participe passé passif dans le cadre d'un ablatif absolu : corona querc[ea a senatu,
1
uti super ianuam Imp. Caesarisj /Augusti ponerfetur, decreta quod dues seruauit, re publica
R(omani) rest[itu]t[a] (cf. aussi p. 353, n. 47 où sont présentées diverses variantes qui ne remettent
pas en cause la construction avec l'ablatif absolu). Il est à noter que dans tous les cas sûrs où Res
publica est associé à restituere (cf. les notes suivantes), le verbe est toujours conjugué au passif: on
ne dit pas que quelqu'un a restitué au peuple Romain la Res publica, mais on précise simplement
que la Res publica a été restituta (que ce soit ou non dans le cadre d'un ablatif absolu).
11. Lrv., III, 20, 1 : erecti patres restitutam credebant Rem publicam.
12. CIL, VI, 1033 = 31230 = 36881, cf. p. 4318: ob Rem publicam restitutam imperiumque populi
Romani propagatum.
13. Les premières lignes du chapitre du Staatsrecht de Mommsen consacré au principat et à ses origines
portent sur les événements du 13 janvier 27 av. J.-C. et rappellent qu'à cette date, après avoir mis
fin aux pouvoirs du triumvirat, «le second César... restitua ce pouvoir lui-même au sénat et au
peuple» (DPR, V, p. 1-2). Il enregistre ensuite le 13 janvier 27 au nombre des jours de naissance
du principat, ce qui en dit long sur sa perception d'un nouveau régime qui restaure autant qu'il
innove. Une telle analyse a été prolongée et affinée sans être radicalement remise en question dans
E
un grand nombre d'études publiées au X X siècle (cf. à ce sujet la note suivante).
12
INTRODUCTION
14
de l'hypocrisie du nouveau régime ? Cette question est au cœur de la
problématique du colloque et doit être réexaminée à travers de nouveaux
angles d'approche qui vont être présentés, mais sans que l'on soit en mesure
de percer tous les secrets d'Auguste et de mettre au jour ses pensées les plus
intimes. I l est en revanche possible de scruter avec le maximum de soin les
manifestations formelles du nouveau régime à ses débuts, ainsi que l'image
qui en a résulté pour les contemporains et l'historiographie ultérieure.
L'opinion commune qui a fait de la Res publica restituta le point central
d'un programme politique mis en application à partir de la victoire finale
du jeune César avec plus ou moins de zèle a été remise en cause durant les
e
dernières décennies du xx siècle dans deux études qui ont été consacrées
spécifiquement à cette question, mais qui n'emportent pas la conviction.
En 1974, E.A. Judge a fait de cette notion ce qu'il a appelé «a Modem
15
Illusion ». Un examen des attestations et des différentes significations
du substantif res publica et de son association avec le verbe restituere l'a
conduit à minimiser la portée d'une telle formule et aboutit à deux prin
cipaux résultats, d'inégale valeur. I l faut tout d'abord le créditer d'avoir
définitivement écarté l'idée selon laquelle Auguste aurait affirmé par un
16
acte solennel avoir rétabli la République en tant que régime politique .
Cette version constitutionnelle de la restitutio Rei publicae est présentée
comme étant hautement invraisemblable pour plusieurs raisons : elle n'est
attestée par aucune source, va à l'encontre d'un examen terminologique
- Res publica désignant d'ordinaire à cette époque ce que nous appelons
14. Sur l'ambivalence de la notion de Res publica restituta et pour un très utile état de la question,
3
cf. K I E N A S T D., Augustus. Prinzeps und Monarch, Darmstadt, 1999 , p. 80-98 où l'on trouvera
les principales références bibliographiques (notamment p. 90, n. 38-39). Pour une analyse repré
sentative de la première interprétation, on citera deux études de E D E R W., dont les titres sont
révélateurs: « Augustus and the Power of Tradition : The Augustan Principate as Binding Link
between Republic and Empire», R A A F L A U B K.A., T O H E R M. (dir.), Between Republic and Empire.
Interpretations of Augustus and his Principate, Berkeley-Los Angeles-Oxford, 1990, p. 71-122 et
« Augustus and the Power of Tradition», G A L I N S K Y K . (dir.), The Cambridge Companion to the
Age of Augustus, Cambridge, 2005, p. 13-32; cf. aussi B L E I C K E N J., «Prinzipat und Republik.
Überlegungen zum Charakter des römischen Kaisertums», Sitzungsberichte der wissenschaftlichen
Geselhchaft an der Johann Wolfgang Goethe-Universität Frankfurt am Main, t. XXVII 2, Stuttg
1991, p. 80 [= Gesammelte Schriften, t. II, Stuttgart, 1998, p. 802] qui va dans le même sens en
rappelant que le principat est «der Aufbau einer monarchischen Ordnung ab eine Rechtsordnung»
le Recht étant défini par le savant allemand comme le droit public de la République. Pour une
analyse plus représentative de la seconde interprétation (la Res publica restituta comme mensonge
re
ou artifice), il faut citer le nom de S Y M E R., La révolution romaine, Oxford, l éd. en anglais 1939,
e
traduction de R. Stuveras d'après la 2 éd. de 1952, p. 298-299 et 307.
15. « 'Res publica restituta': A Modem Illusion », E V A N S JÄ.S. (dir.), Polis and Imperium, Toronto, 1974,
p. 279-311. L'analyse développée de E A. J U D G E recoupe les intuitions éclairantes exprimées à peu
près au même moment par M I L L A R E, «Triumvirate and Principate» art. cité supra η. 7, p. 63-64
[= Rome, the Greek World, and the East, I, p. 264].
16. Une telle interprétation a reposé uniquement sur le passage des Fastes de Préneste à la date du
13 janvier, dont on a pu supposer qu'il reproduisait une partie du sénatus-consulte adopté en cette
journée décisive de l'année 27 av. J.-C. L'idée que le rédacteur de ce calendrier - en l'occurrence
Verrius Flaccus, un proche d'Auguste - s'inspira d'un document officiel n'est pas en soi invraisem
blable, mais il faut mettre au crédit de Judge d'avoir démontré de façon persuasive que la restitution
de Mommsen (/— quod Rem publicam] p(opulo) R(omano) rest [it]u[it]) ne s'imposait pas pour
différentes raisons qu'il détaille. Il propose lui-même, en y ajoutant toutes les réserves d'usage, une
autre restitution qui a été reproduite supra, n. 10.
13
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
17. «Res publica restituta. A Roman Myth», Studies in Latin Literature and Roman History, IV
D E R O U X C . (dir.), Bruxelles, 1986, p. 302-340.
18. Cf. R I C H J . W . , W I L L I A M S J.H.C., « Leges et iura P. R Restituiti a New Aureus of Octavian and the
Settlement of 28-27 BC», NC, 1999, p. 169-213. Cf. aussi M I L L A R F., «The First Revolution»,
art. cité supra η. 10, p. 5-7; R O D D A Z J . - M . , «La métamorphose: d'Octavien à Auguste»,
F R A N C H E T D ' E S P E R E Y S. - F R O M E N T I N V. - G O T T E L A N D S. - R O D D A Z J.-M. (dir.), Fondements
et crises du pouvoir, Bordeaux, 2003, p. 398-402 et B R I N G M A N N Kl., «Von der res publica amissa
zur res publica restituta. Zu zwei Schlagworten aus der Zeit zwischen Republik und Monarchie»,
S P I E L V O G E L J. (dir.), Res publica reperta. Zur Verfassung und Geseüschafi der römischen Republik und
frühen Prinzipats. FestschriftfurJochen Bleicken zum 75. Geburtstag, Stuttgart, 2002, p. 113-1
14
INTRODUCTION
19
ses lois et de ses droits ; ou bien technique, les lois et les droits du peu
ple Romain passant pour avoir été rétablis à la suite d'un édit attesté par
Dion Cassius (LUI, 2 5) qui mit fin aux illégalités commises à l'époque
triumvirale en matière de droit privé (les confiscations et les assignations de
20
biens de tous genres) . La question reste pour le moment ouverte.
19. C'est l'interprétation défendue par Rieh et Williams et devenue depuis lors Vopinio communis
(cf. dans ce sens les conclusions de Roddaz, Millar et Bringmann).
20. C'est l'interprétation présentée récemment par M A N T O V A N I D., « Leges et iura p(opuli) R(omani)
restituit. Principe e diritto in un aureo di Ottaviano », Athenaeum 96, 2008, p. 5-54.
15
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
passage allusif de la Laudatio dite de Turia dont il a déjà été question. Elle
conduit ensuite à accorder le plus grand crédit aux affirmations d'Auguste
lui-même dans ses Res Gestae sur le caractère évolutif de la restitutio Rei
publicae: «Pendant mes sixième et septième consulats {i.e. en 28/27), après
avoir éteint les guerres civiles, in emparant de tout pouvoir par le consen
tement universel, j'ai fait passer la Res publica de ma potestas au pouvoir
21
du Sénat et du peuple Romain . » Tout indique que la restauration de la
Res publica est à analyser comme un processus qui s'étala sur deux années.
Le jeune César renoua tout d'abord à partir de janvier 28 avec un exercice
strictement collégial du consulat, redonna au peuple Romain la plénitude
de ses fonctions électives et abrogea dans le domaine du droit privé les
mesures prises entre 43 et 29, ce qui eut pour effet de rendre toute leur
22
force aux lois et aux droits . Les décisions de 27 relatives à la question du
gouvernement provincial constituèrent la dernière étape du processus de
restitutio Rei publicae entamé l'année précédente. Les journées de janvier 27
(le 13, peut-être le 15, en tout cas le 16) apparaissent assurément comme un
moment fort de cette restauration. La mise en scène qui vit le jeune César
remettre les prérogatives du pouvoir sur les provinces au peuple Romain et
au Sénat, lequel conféra le 16 janvier au prince toute une série d'honneurs,
dont le surnom d'Augustus, fit de cette assemblée la source apparente de
son auctoritas. De fait, le prince affecta ne devoir sa position au sein de
l'État qu'au primat moral que lui reconnurent les autres sénateurs, au rôle
providentiel qui lui aurait permis de rétablir les institutions républicaines et
lui aurait conféré son auctoritas, un privilège de nature morale autant que
politique et purement personnel dont il ne manquait pas de se prévaloir
fièrement dans les Res Gestae: Post idtemfpus ajuctoritate [omnibuspraestiti,
potestjatis auftem njihilo ampliufs habu]i quam cet[eri, qui m]ihi quoque in
25
mafgisjtraftju conlegaeffueruntj .
Il faut nuancer l'analyse de Judge, dont le scepticisme est excessif, et
admettre que le Jeune César afficha bel et bien sa volonté de «restauration»
24
à partir des années 28-27 . On n'ira pas pour autant jusqu'à dire que la
restitutio Rei publicae constitua, dans la réalité, une restauration du gou
vernement d'avant les guerres civiles, de ce que les modernes appellent la
République en opposant ce régime à la monarchie. Mais on imagine que
le flou entourant une machine institutionnelle encore en évolution, et les
quelques gestes accomplis susceptibles de donner l'impression d'un retour
à la normalité politique, permettaient d'alimenter les espoirs de ceux qui
rêvaient de l'ancienne République. Chacun avait de solides raisons de pen-
21. Res Gestae, 34.1 : in consulate sexto et septimo, postquafm bjelfla ciuiljia exstinxeram, per
sum uniuersorum [pojtens refrujm omfnjium, rem publicam ex mea potestate in senatfus p
R[om]ani fajrbitrium transtuli.
22. D I O N , L U I , 2, 5.
23. Res Gestae, 34, 3.
24. Sur cette atmosphère de restauration et de conservatisme durant les années 28-27, cf. C A R T L E D G E P.,
«The Seconds Thoughts of Augustus on the res publica in 28/27 B.C.», Hermathena 119, 1975,
p. 37-39.
16
INTRODUCTION
25. Cf. S A L M O N E.T., «The Evolution of Augustus' Principate», Historia 5, 1956, p. 456-478
et F E R R A R Y J.-L., «Respublica restituta et les pouvoirs d'Auguste», F R A N C H E T D ' E S P E R E Y S. -
F R O M E N T I N V. - G O T T E L A N D S. - R O D D A Z J.-M. (dir.), Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux,
2003, p. 421.
26. La notion de res publica devrait être entendue dans ce contexte comme elle l'est dans le De Republica
de Cicéron, à savoir comme un État de droit où se trouvent reconnus le primat des lois romaines et
la souveraineté populaire, à l'inverse de ce qui se passe dans un régime tyrannique. La res publica est
la respopuli, soit la propriété du peuple. Il convient ici de s'appuyer sur la définition que propose
Cicéron dupopulus, dans lequel il reconnaît la réunion d'une masse d'individus réunis en vertu de
l'acceptation commune du droit et par la jouissance collective des avantages que procure cette asso
ciation (Cic, Rep.y 1.39). Il est du reste remarquable que pour Cicéron, le principe de la souverai
neté populaire prévalut dès les premiers temps de la période royale : F E R R A R Y J.-L., « L'Archéologie
du De re publica (2,2, 4-37, 63) : Cicéron entre Polybe et Platon », JRS 74, 1984, p. 87-98. Pour
une analyse du sens de res publica dans le De Republica de Cicéron, cf. S C H O F I E L D M., Saving the
City, Londres, 1999, p. 178-194.
27. Bien des indices nous montrent, en effet, que Y auctoritas impériale était reconnue dès les premiers
temps du principat, notamment la fameuse inscription de Kymé qui prouve l'omniprésence et
la promptitude de l'autorité de l'empereur même dans les provinces que le partage de 27 avait
théoriquement affectées au seul Sénat (cf. à ce sujet et en dernier lieu H U R L E T Fr., Le proconsul et
le prince d'Auguste à Dioclétien, Bordeaux, 2006, p. 204-209).
28. Bien des contemporains ne sefirentaucune illusion sur le pouvoir augustéen : cf. C O R N É L I U S
N É P O S , Au., 20, 5; V I T R U V E , I, 1-2; O V I D E , Fastes, I, 531-532; II, 138-144. Cf. à ce sujet
R O D D A Z J.-M., « La métamorphose : d'Octavien à Auguste» [cité supra, n. 18], p. 410.
29. L'instauration du principat ne se limita pas à la restitutio Reipublicae des années autour de 28/27.
Dans les décennies qui suivirent, les pouvoirs du prince furent encore précisés : en 19, Auguste
obtint d'être précédé des douze licteurs consulaires à l'intérieur de la Ville et de siéger sur une
chaise curule entre celles des consuls. L'année suivante, puis en 8 av. J. C. et enfin en 14 ap. J. C,
la censoria potestas fut attribuée à l'empereur lors de la lectio senatus sans qu'il exerçât pour autant
le consulat, dès lors qu'il se trouvait à Rome et qu'il était pourvu d'un imperium consulaire. Dans
le même temps, les pouvoirs du prince en matière de juridiction s'étaient également développés.
Mais ce fut sans doute surtout à partir du moment où le prince commença à afficher son ambition
dynastique en adoptant ses deux petits-fils, Caius et Lucius en 17 av. J.-C, tous deuxfilsd'Agrippa
et de Julie, qu'il cessa de masquer la nature monarchique du pouvoir, laquelle était n'importe
comment devenue depuis longtemps un secret de Polichinelle.
17
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
30. Au concept de propagande, usé par les abus de langage et une utilisation trop galvaudée, est pré
férée la notion, en vogue en Allemagne, d'« auto-représentation » ou celle d'apparat (cf. V E Y N E P.,
« Lisibilité des images, propagande et apparat monarchique dans l'Empire romain », RH, 2002, p. 3-
30 [propos repris et amplifiés dans L'Empire gréco-romain, Paris, 2005, p. 379-418] et W E B E R G . et
Z I M M E R M A N N M. (éd.), Propaganda - Selbstdarstellung- Repräsentation im römischen Kaiserräch d
I. Jhs. n. Chr., Stuttgart, 2003). S'il est vrai que ce terme peut paraître excessif en ce qu'il désigne
de nos jours une mise en condition des masses populaires par un régime politique autoritaire,
l'idée selon laquelle Auguste utilisa les potentialités de la machine administrative impériale pour
faire diffuser à Rome et dans l'Empire la nouvelle idéologie et sa propre image n'est pas non plus
sérieusement contestable.
31. CIL, VI, 873, cf. p. 4301 avec les commentaires de G . Alföldy = ILS, 81.
32. S U É T . , Aug., 28.1 : De reddenda Re p. bis cogitauit. Cf. à ce sujet G I R A R D E T KLM., «Das Edikt
des Imperator Caesar Augustus in Suetons Augustusvita 28,2. Politisches Programm und
Publikationszeit», ZPE131,2000, p. 231-243 [= Rom auf dem Weg von der Republik zum Prinzipat
Bonn, 2007, p. 363-384].
33. Dans le même sens que Judge, cf. plus récemment G A L I N S K Y K., Augustan Culture: an Interpretive
Introduction, Princeton, 1996, p. 63-66 et B L E I C K E N J., Augustus. Eine Biographie, Berlin, 1998,
18
INTRODUCTION
p. 324 et 332; cf. aussi R I C H et W I L L I A M S , «A New Aureus of Octavian» [cité supra, n. 18],
p. 204-213 et G R U E N E., « Augustus and the Making of the Principate», G A L I N S K Y Κ. (dir.),
The Cambridge Companion to the Age of Augustus, Cambridge, 2005, p. 34. Contra C A R T L E D G
«Seconds Thoughts of Augustus on the res publica» [cité supra, η. 24], p. 38 qui n'emporte pas ici
la conviction en écrivant que « it is idle to pretend that there was a significant difference between
« reddo » and « restituo » ».
34. Cf. M I L L A R E, «The First Revolution», art. cité supra, n. 10, p. 6.
35. Ον., Fast., I, 589 : Redatta est omnispopuloprouincia nostro.
36. FERRARY J.-L., «Respublica restituta et les pouvoirs d'Auguste» [cité supra, n. 25], p. 421 qui juge
assez secondaire le fait que la formule Rem publicam populo Romano restituere ait ou non figuré
dans le SC du 13 janvier 27 (et reprise de ce texte par les Fastes de Préneste).
37. V I T R . , I, 1-2: Cum diuina tua mens et numen, Imperator Caesar, imperio potiretur orbis ter
inuictaque uirtute cunctis hostibus stratis triumpho uictoriaque tua dues gloriarentur etge
subactae tuum spectarent nutum populusque romanus etsenatus liberatus timore amplissi
tationibus consiliisquegubernaretur... Cum uero adtenderem te non solum de uita commu
curam publicaeque rei constitutione habere. Sur cette préface, composée aux environs de l'année 2
et renvoyant aux réalités politiques de cette époque, cf. les remarques de N O V A R A Α., Auetor in
bibliotheca. Essai sur les textes préfacieh de « Vitruve» et une philosophie ktine du Livre, Louva
2005, p. 26-34.
38. SUÉT., Aug., 28.2. Sur la question de la datation de cet édit, cf. l'étude de Girardet citée supra,
n. 32.
u
39. Comme l'a souligné B R U N T P.A., « Augustus e la respublica"», Rivoluzione romana inchiesta tra gl
antichisti, Naples, 1982, p. 239.
40. Sur le poids de la tradition sous la République romaine et Auguste, l'importance des exempla et les
modalités de leur fabrication, cf. L I N K E Β. E T S T E M M L E R M. (dir.), Mos maiorum. Untersuchungen
zu den Formen der Identitätsstiftung und Stabilisierung in der römischen Republik, Stuttgart, 2
en particulier l'étude de W. Blösel qui retrace l'histoire du concept de mos maiorum jusqu'à la
naissance du régime impérial et souligne que c'est précisément à partir du moment où Auguste
affirma vouloir donner à la postérité ses propres exempla à imiter que le mos maiorum sefigeadéfi
nitivement et cessa de faire partie du jeu politique proprement dit pour être confiné dans le milieu
des antiquaires et des spécialistes du droit (« Die Geschichte des Begriffes Mos Maiorum von den
Anfangen bis zu Cicero», p. 88-90).
19
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
dans le regard porté sur le nouveau régime par les contemporains du prince
- poètes et historiens avant tout.
Quatre thèmes principaux seront développés, formant autant de parties.
La première question est celle des modalités de cette restauration, mais aussi
de ses limites. En d'autres termes, il reste à articuler la volonté clairement
affichée par le Jeune César d'un rétablissement d'anciennes pratiques avec
la réalité incontestable que constitue le changement de régime politique.
Plusieurs domaines seront étudiés dans cette perspective.
La première partie étudie la mise en place progressive de la notion de Res
publica restituta. En guise de préambule, M . Spannagel a étudié le contexte
politique antérieur aux années 31 à 27 en montrant dans quelle mesure le
Jeune César chercha à se présenter comme un princeps depuis l'année 44,
du moins de façon rétrospective, avant d'apparaître comme un restaura
teur de la Res publica. Ce résultat présente l'intérêt de souligner toutes les
ambiguïtés de la restauration augustéenne. Si on se place d'un point de vue
institutionnel, il est bien connu que le Jeune César exploita les potentialités
de la tradition républicaine (le mos maiorum) pour se faire reconnaître après
Actium une primauté qui présentait toutes les assurances de la légalité. On
reviendra dans ces conditions sur la nature des pouvoirs dont le Jeune César
fut investi de 31 à 27 (Fr. Vervaet) et sur cet événement emblématique que
fut la célébration par le vainqueur d'Actium du (triple) triomphe en août
29 (M. Tarpin). La restauration de la Res publica passait également d'un
point de vue social par un rétablissement des structures traditionnelles de
la société romaine. Les sénateurs étaient les premiers concernés. Détenteurs
sous la République du cœur d'un pouvoir qu'ils furent contraints d'aban
donner à un seul d'entre eux à partir de 31, ils retrouvèrent avec la mise
en place de la Res publica restituta un espace de liberté qu'ils avaient perdu
sous les triumvirs et auquel le jeune César redonna vie en contribuant à
ranimer à la tête de l'Etat une concurrence de nouveau subordonnée à
des règles strictes, mais désormais placée sous son contrôle. La nécessaire
invention d'un mode de relations entre les sénateurs et le prince résulta
d'un processus qui fut loin d'être linéaire et dont i l convient de définir
les formes institutionnelles inévitablement complexes (Fr. Hurlet). Quant
aux chevaliers, leur place dans la Res publica restituta est étudiée à partir du
cas singulier d'un personnage central et emblématique de cette période de
transition, Mécène, dont la place détenue durant les années 30 fut suivie
à partir de 29 par une plus grande discrétion de ses interventions politi
ques. Le retrait de Mécène de la vie publique, souvent interprété comme
la conséquence d'une «disgrâce» liée à la conspiration de Murena de
23 ou de 22, fait l'objet d'une analyse qui justifie son comportement moins
par un engagement politique quelconque que par un contexte particulier
qui redonna aux sénateurs les premières places dans le nouveau régime et
confina ainsi les chevaliers dans un rôle subalterne, voire dans la recherche
de Yotium (Ph. Le Doze). I l faut enfin traiter de la place de la religion dans
20
INTRODUCTION
21
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
22
Première panie
Martin SPANNAGEL
Résumé
1. Den Kern der folgenden Überlegungen habe ich bereits skizziert in S P A N N A G E L M., Exempkria
Principis. Untersuchungen zu Entstehung und Ausstattung des Augustusforums, Heidelberg,
337 f. Vorläufige Versionen dieses Vortrags habe ich im Februar 1999 am Seminar für Alte
Geschichte sowie im Mai 2007 am Archäologischen Institut der Universität Heidelberg vorgetra
gen ; anregende Diskussionsbeiträge verdanke ich Fritz Gschnitzer, Géza Alföldy, Angelos Chaniotis
und Tonio Hölscher. Für die Einladung zum Colloquium in Nantes und für die französische
Übersetzung des Résumés möchte ich Frédéric Hurlet herzlich danken. Großen Dank schulde ich
auch Pierre Assenmaker, Louvain-la-Neuve, der meinen damaligen Text für den Vortrag in Nantes
ins Französische übertragen hat ; aufgrund der zahlreichen späteren Veränderungen konnte diese
Übersetzungfìirdie Publikation leider nicht mehr verwendet werden.
25
MARTIN SPANNAGEL
Zusammenfassung
26
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VONAUGUSTUS'PRINCIPAT...
2. MOMMSEN Th., Römisches Staatsrecht II 2 , Leipzig, 1887. Zu dem von Mommsen unterstellten
magistratischen Charakter der Stellung s. S. VI (= DPR V p. II ; aus dem Vorwort, das Mommsen
seit der 2. Auflage von 1877 diesem Halbband vorangestellt hat, um seine Neuartigkeit zu unter
streichen), wo er den Principat als ausserordendiche Magistratur (magistrature extraordinaire) sowie
S. 749 (= DPRV p. 6) in margine, wo er ihn einfach als Magistratur bezeichnet.
3. M O M M S E N Th., ibid., 745 f. (= DPRVp. 3) ; ebenso schon in der 1. und 2. Auflage, Leipzig 1875
bzw. 1877, S. 708 bzw. 724. Zu den gemeinten Vorgängen s. besonders RgdA 34 In consulatu sexto et
septimo,postqua[m b]el[la civiltà exstinxeram, perconsensum universorum \po\tens re[ru]m
rem publicam ex mea potestate in senat[us populi]que R[om]ani [a]rbitrium transtuli. Quo
meo senat[us consulto Au]gust[us appe]llatus sum et laureis postes aedium mearum v[est
coronaq]ue dvica super ianuam meamfixaest (Text nach S C H E I D 2007) ; Ov. Fast. I 589-616; D
LUI 2, 7 - 22, 1 ; Inscr. Ital XIII 2, 396-397. 400. Vgl. G U I Z Z I F., //principato tra «respublica» e
potere assoluto, Napoli, 1974, 127ff.; L I E B E S C H U E T Z J . H. W. G., «The Settlement of 27 B. C. »,
D E R O U X C. (Hrsg.), Studies in Latin Literature and Roman History IV, Bruxelles, 1986, 345-365 ;
B L E I C K E N J., «Zwischen Republik und Prinzipat. Zum Charakter des Zweiten Triumvirats», Abh.
d. Ak. d. Wiss. Göttingen, phiL-hist. Kl. 3. F. Nr. 185, Göttingen, 1990, 86ff.; L A C E Y W. K., Augustu
and the Principate. The Evolution of the System, Leeds, 1996, 77-99 ; B L E I C K E N J., Augustus. E
Biographie, Berlin, 1998, 324ff.; K I E N A S T D., Augustus. Prinzips und Monarch, 3. Aufl., Darmstadt
1999, 83ff.;R I C H J. W. - W I L L I A M S J. H. C , « Leges et Iura P. R. Restituii. A New Aureus of
Octavian and the Settlement of 28-27 BC», NC 159, 1999, 169-213:188ff.; T O D I S C O E „ «La res
publica restituta e i Fasti Praenestini», PANI M. (dir.), Epigrafia e territorio. Politica e società. T
antichità romane, t. Vili, Bari, 2007, 341-358.
4. MOMMSEN Th., ibid., 749 (= DPR V p. 6).
5. s. oben Anm. 3.
6. Dio LIU 2, 5 ; TAC. Ann. III 28,2.
27
MARTIN SPANNAGEL
früheren Jahres liefert ein damals geprägter Aureus, der die Restituierung
7
von Gesetzen und Rechten durch den jungen Caesar feiert .
Doch mir geht es nicht um die zeitliche Festlegung der in Mommsens
Staatsrecht als Geburtsstunde des Principats hingestellten Neuordnung,
sondern um die Frage nach den antiken Vorstellungen vom Beginn von
Augustus' Principat bzw., denn hiervon ist der abstrakte Begriffprincipa
ls ja erst sekundär abgeleitet, vom Beginn seiner Rolle als princeps. Daß
Mommsens Zeitgrenze in der Antike keine besondere Rolle spielte, hat
schon er selber festgestellt. In der 3. Auflage des Staatsrechts von 1887
schrieb er kurz nach der zitierten Stelle : „Indess wurde die Herrschaft des
ersten Monarchen bei seinen Lebzeiten wie später anders datirt", wobei
er im Anschluß die Übernahme des Imperium am 7. Jan. 43 v. Chr., den
Antritt des ersten Consulats am 19. Aug. desselben Jahres sowie - als von
Augustus selber ausschließlich verwendete Zählung — die hier auf den
8
1. Juli 23 v. Chr. festgelegte Übernahme der tribuniciapotestas nannte .
Und in einem bereits 1882 erschienenen Aufsatz über das sog. Feriale
Cumanum hatte er die unterschiedlichen Angaben zum Herrschaftsbeginn
sogar generell unter den Principatsbegriff subsumiert und zudem bereits
den Consulatsantritt als den von Augustus bevorzugten Ausgangspunkt
9
angesehen . Mommsen selber war sich also durchaus der Tatsache bewußt,
daß seine zeitliche Abgrenzung des Principats in den Quellen keinen rech
ten Rückhalt hat, doch seine eigentliche Darstellung nahm darauf keine
Rücksicht, und unter dem Einfluß dieser Darstellung ist schließlich auch
das Gespür für die Problematik von Mommsens Terminologie verloren
gegangen. Ich möchte daher die Frage, wann der Principat des Augustus
bzw. dessen Rolle als princeps nach antiker Auffassung begonnen hat,
neu aufrollen. Hierzu möchte ich, nach Bemerkungen zu den genann
ten Termini princeps und principatus und ihrer Anwendung auf Augustus,
zunächst einen Überblick über die antiken Aussagen zu Beginn und Dauer
von dessen Regierung unabhängig von deren jeweiliger Bezeichnung
7. R I C H & W I L L I A M S , «Aureus », op. cit. ; M A N T O V A N I D., « Leges et iura p(opuli) R(omani) restituit.
Principe e diritto in un aureo di Ottaviano», Athenaeum 96, 2008, 5-54.
8. M O M M S E N , ibid., 746 sq. (= DPRVp. 3-4). In den früheren Auflagen werden die von Mommsens
Ansatz abweichenden Datierungen noch nicht im Haupttext, sondern nur in den Anmerkungen
berücksichtigt; zudem werden dort die Belege fur den Herrschaftsbeginn im Jahr 43 v. Chr. - trotz
der Erwähnung der Ara Narbonensis und des Feriale Cumanum (s. unten Anm. 46. 53. 55 f.) -
summarisch allein späteren Historikern zugeschrieben und als willkürlich betrachtet, und überdies
läßt Mommsen, entsprechend seiner von der Frage nach der Rechtsstellung ausgehenden Konzeption,
innerhalb des Jahres 43 allenfalls den Beginn des Triumvirats als für den Herrschaftsbeginn
angemessenen Termin gelten, der allerdings gerade nicht berücksichtigt worden sei.
9. M O M M S E N Th., «Das Augustische Festverzeichniss von Cumae», Hermes 17, 1882, 631-643 =
ders., Gesammelte Schriften IV {= Historische Schriften Γ), Berlin, 1906, 259-270 : 638 bzv. 266.
Ausgehend von der These, das Festjahr in Cumae habe am Jahrestag des Consulatsantritts des Jahres
43 v. Chr. begonnen, schrieb er dort : "Damit ist also durch ein gleichzeitiges und urkundliches
Zeugniss entschieden, dass unter den mancherlei Tagen, welche als Ausgangspunkt des Principats
betrachtet werden konnten und betrachtet worden sind, Augustus selbst den der ersten Uebernahme
der höchsten ordendichen Gewalt als solchen angesehen wissen wollte und Tacitus also diesen mit
Recht als seinen Antrittstag bezeichnet." Zum Feriale Cumanum und Mommsens - in Wahrheit
keineswegs gesicherter - Festlegung des Beginns des dortigen Festjahrs s. unten Anm. 46, zur
Tacitusstelle unten Anm. 24.
28
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS' PRINCIPAT...
geben, sodann möchte ich zeigen, daß die bei weitem am häufigsten
belegte Auffassung hierüber, nämlich die, daß er die Herrschaft: bereits im
Jahr 43 v. Chr. angetreten habe, tatsächlich schon auf seine Zeit zurück
geht, und erst dann möchte ich, ausgehend von den Res gestae, den
Zusammenhang dieser Auffassung mit dem Principatsbegriff erörtern.
Daß princeps als eigentliche Bezeichnung für Augustus' Stellung in
dem von ihm reformierten Staat gelten konnte, ist gut bezeugt ; so schreibt
Tacitus gleich im ersten Abschnitt der Annalen über ihn : cuncta discordiis
civilibus fessa nomine principis sub Imperium accepit-, etwas später heißt es
im sogenannten Totengericht : non regno tarnen neque dictatura, sedprincipis
10
nomine constitutam rem publicam . Doch ursprünglich war princeps, eine
Bezeichnung, die schon in der Zeit der Republik vielfach auf die fuhrenden
Politiker angewandt wurde, gerade kein staatsrechdich relevanter, an irgend
ein Amt gebundener Terminus ; vielmehr galt als princeps einer, der auf
grund seines durch herausragende Leistungen erworbenen Ansehens andere
11
Mitglieder der obersten Führungsschicht überragte . Der Begriff ent
spricht damit tatsächlich weitgehend dem, was Augustus im 34. Kapitel der
Res gestae im Zusammenhang mit den Verfassungsreformen von 28/27 über
sich schrieb, nämlich daß er in der Folgezeit - post idtempus - an auctoritas
alle übertroffen, an Amtsgewalt, potestas, aber nicht mehr besessen habe als
12
seine jeweiligen Amtscollegen . Trotz der in diesem Satz enthaltenen zeit
13
lichen Komponente darf man daraus jedoch keine generelle Festlegung
des Beginns der Rolle als princeps ableiten. Denn am Beginn eben dieses
Kapitels schreibt Augustus schon über seine Situation vor den Reformen, er
sei per consensum universorum \po]tens re[ru]m om[n]ium gewesen ; das aber
14
impliziert geradezu ein Höchstmaß an auctoritas . Tatsächlich ist es auch
10. TAC. Ann. 11,1 ; 19, 5 ; s. auch III 28, 2 sowie Ov. Fast. II 142.
11. Zum Sprachgebrauch im politischen Bereich s. W I C K E R T L., REXXll 2 (1954), 1998-2296
s. v. Princeps (civitatis); zum weiteren Wortgebrauch s. S C H W I N D B., Thesaurus Linguae LatinaeX
2 rase. VIII-Di (1995) 1275-1290 s. v.princeps 1995. Vgl. W A G E N V O O R T H. « Princeps», Phibbgus
91,1936,206-221 ; 323-345 (deutscher Text; englisch leicht verändert in ders., Studies in Roman
Literature, Culture and Religion, Leiden, 1956,43-79) ; W E B E R W, Princeps. Studien zur Geschi
des Augustus, Bd. I (mehr nicht erschienen), Stuttgart - Berlin, 1936; P R E M E R S T E I N A . V . , «Vom
Werden und Wesen des Prinzipats »,ABAW"N. F. 15, München, 1937; B É R A N G E R J., Recherches sur
l'aspect idéologique du principat, Bâle, 1953,31ff.; W I C K E R T L., « Princeps », Mélanges d'archéobgie
d'épigraphie et d'histoire offerts à Jérôme Carcopino, Paris, 1966, 979-986; G U I Z Z I F., Principat
op. cit., 34ff.;W I C K E R T L., «Neue Forschungen zum römischen Principat», ANRWll 1, Berlin
- New York, 1974,3-76 ; D R E X L E R H . , « Principes - princeps », Politische Grundbegriffe der Römer,
Darmstadt, 1988, 100-120:107 ff; S T A H L M A N N I., Von der Ideengeschichte zur Ideologiekritik.
Lothar Wickerts Beitrag zum Verständnis des Augusteischen Principats, AAWMNr. 9, Stuttgart
K I E N A S T , Augustus op. cit., 204ff.; S P A N N A G E L M„ Exemplaria Principis op. cit., 326ff.337 ff
348 ff.
12. RgdA 34 Post id tem\pus a]uctoritate [omnibuspraestiti, potest]atis au[tem n]ihib ampliu[
quam cet[eri, qui m] ihi quoque in ma\gis] tra[t] u conlegaef[uerunt].
13. In der griechischen Version fehlt ein Äquivalent zu post id tempus.
14. s. ο. Anm. 3. - Zum consensus universorum vgl. I N S T I N S K Y H. U., « Consensus universorum », He
75, 1940, 265-278 = (mit Ergänzungen) in: O P P E R M A N N (Hrsg.), Römische Wertbegriffe, Wege
der Forschung, Bd XXXIV, Darmstadt, 1967, 209-228 ; W I C K E R T L., RES. V. Princeps (civitatis),
2264-2269 ; P E T Z O L D K.-E. « Die Bedeutung des Jahres 32 fur die Entstehung des Principats »,
Historia 18, 1969, 334-351 = ders., Geschichtsdenken und Geschichtsschreibung. Kleine Schri
zur griechischen und römischen Geschichte, Historia Einzehchriften 126, Stuttgart, 1999, 608-6
29
MARTINSPANNAGEL
K I E N A S T D., Augustus op. cit., 67-69 ; 78-81 ; 214. 521 ; L O B U R J A , Consensus, Concordia, and th
Formation of Roman Imperial Ideology, New York - London, 2008, 12 ff. ; zum Begriff der auctori
tas, W I C K E R T L . , RE S. V. Princeps (civitatis), 2287-2290 ; K I E N A S T D., Augustus op. cit., 84 f.
15. Dies zeigt die Dokumentation bei Hajdu, Thesaurus Linguae LatinaeX, 2 fase. DC (1995) 1300-
1305 s. v. principatus. Vgl. B É R A N G E R J . Recherches, op. cit., 55 ff. sowie G R U E N E . S., « Augustus
and the Making of the Principate», G A L I N S K Y K . (dir.), The Cambridge Companion to the Age
of Augustus, Cambridge, 2005, 33 f., der das Fehlen von principatus als Bezeichnung für die
Regierungsform zumindest fur die Zeit des Augustus konstatiert.
16. S E N . Clem. 19, 1 Divus Augustusfuit mitis princeps, si quis illum a principatu suo aestimare inc
in communi quidem rei publicae gkdium movit; vgl. R I C H T E R W., RhM 108, 1965, 146-170, bes.
151 ff. Vgl. auch A U R . V I C T . Epit. 1, 29 nam et in adipiscendo principatu oppressor libertatis es
habitus, et in gerendo, cives sic amavit, ut triduifrumentoin horreis quondam viso, statuisset
mori, si eprovinciis classes interea non venirent, wo man angesichts der vergleichbaren Aussage woh
von einer entsprechenden zeidichen Abgrenzung des principatus ausgehen darf. Bei E U T R . VII 8, 4
wird die milde Phase der Regierung des Augustus explizit mit der 44jährigen, d. h. ab der Schlacht
von Actium gerechneten (s. unten Anm. 19) Alleinherrschaft verbunden : quadraginta [et] quattuor
annis, quibus solus gessit Imperium, civilissime vixit, in cunetos liberalissimus, in amicos fidissimus
quos tantis evexit honoribus, utpaene aequaretfastigio suo ; zu den positiven Charakteristika an d
Stelle s. R A T T I S., Les empereurs romains d'Auguste à Dioclétien dans le Bréviaire dEutrope, Pa
1996, 75 ff. 99 f. 197 f.
17. E U T R . VII 8, 1-3; vgl. auch unten Anm. 43. In der griechischen Übersetzung von Paianios
(ed. H. Droysen, MGH auet. antiquiss. II, 1879, p. 119) fehlt der Satz über die Dauer des
principatus.
30
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
Laufbahn bezeichnet, die dabei eindeutig der zwölf Jahre kürzeren Zeit
seiner Alleinherrschaft gegenübergestellt wird.
Somit stehen sich in den antiken Quellen zwei grundsätzlich verschie
dene Auffassungen über den zeitlichen Umfang von Augustus' principatus
gegenüber, eine, die diesen mit der Alleinherrschaft verknüpft und damit
seinen Beginn zumindest in eine gewisse zeitliche Nähe bringt zu der für
Mommsens Terminologie ausschlaggebenden Verfassungsreform, und eine,
die von einem 56 Jahre andauernden, somit bereits 43 v. Chr. beginnenden
principatus ausgeht. Freilich entstammt der Beleg für die zweite Auffassung
einer ausgesprochen späten, zudem gerade hier keineswegs korrekten Quelle,
denn die Aufteilung in eine 12 Jahre gemeinsam mit den übrigen Triumvirn
und eine 44 Jahre allein ausgeübte Herrschaft stimmt nur dann, wenn man
die Zeitgrenze nicht wie in Eutrops Text bei der im Jahr 29 v. Chr. erfolgten
18
Rückkehr nach Rom , sondern bei der Schlacht von Actium zwei Jahre
19
zuvor ansetzt . Trotzdem glaube ich, daß die Anwendung des Begriffs
20
principatus auf die insgesamt 56jährige politische Karriere des Augustus
eher dessen Vorstellungen entspricht als die Anwendung auf die kürzere
18. Daß auch im Jahr 29 v. Chr. eine Epochengrenze angesetzt werden konnte, zeigen Dio LH 1, 1
und O R O S . VI 20, 1 f., die beide hier den Beginn der Monarchie ansetzen (bei Dio in Konkurrenz
mit anderen Daten; s. unten Anm. 36. 41) und die Bedeutung des Jahres überdies durch die
ausdrückliche Datierung in das 725. Jahr der Stadt hervorheben ; vgl. M A N U W A L D B., Cassius Dio
und Augustus. Philologische Untersuchungen zu den Büchern 45-56 des dionischen Geschi
Wiesbaden, 1979, 83 Anm. 39. "wahrend es bei Dio dabei primär um die Frage nach der Verfassung
geht, legt Orosius den Fokus auf die mit dem dreifachen Triumph verbundene Rückkehr nach
Rom, die er aber, um den postulierten Zusammenhang zwischen Augustus und Christus zu unter
streichen, zugleich falschlich auf den 6. Januar - den Tag des christlichen Festes der Epiphanie -
legt und mit Augustus' erstmaliger Schließung des Ianus sowie der Verleihung des Augustusnamens
kombiniert (VI 20, 1-3. 8 ; vgl. I 1, 6 ; VI 22, 1. 5 ; VII 2, 16, wo die Geburt Christi in das Jahr
der dritten Schließung gesetzt wird). - Zur Betonung der Rückkehr aus dem Osten s. auch Veli.
II 89, 1 ff.
19. Vgl. die genauere, ausdrücklich auf Actium bezogene Angabe "44 Jahre weniger 13 Tage" bei
Dio LVI30, 5 (unten Anm. 36). Zur Aufteilung in 12 + 44 Jahre vgl. S U E T . Aug. 8, 3 ; A U R . V I C T .
Epit. 1, 30 (unten Anm. 25 f.) ; zu den 44 Jahren s. auch A U R . V I C T . de Caes. 1, 2 ; zur Schlacht
von Actium als Beginn von Augustus' Monarchie Dio LI 1, 1 f. sowie Hier, chron. 163 c Helm
z. J. 31 v. Chr. (unten Anm. 36 f.). Eutrop hat somit offenkundig die Zahlen aus der auf Actium
als Zeitgrenze bezogenen Überlieferung übernommen (auch die bei Paianios [oben Anm. 17]
eingefügte Nennung von Augustus' 32. Lebensjahr führt in das Jahr der Schlacht) ; die Bemerkung
von H E L L E G O U A R C ' H J., Eutrope, Abrégé d'histoire romaine, CUF, Paris, 1999, 88 Anm. 3, die
44 Jahre seien "approximativement de 29 avant à 14 après J.-C." gerechnet, ergibt keinen Sinn.
Vgl. auch R A T T I , Les empereurs romains op. cit., 190 f.
20. Der Wert von Eutrops Verwendung des Begriffs für das Verständnis der augusteischen
Principatsvorstellung wird sehr unterschiedlich beurteilt. So hat schon A N D E R S E N Η. Α.,
Cassius Dio und die Begründung des Principates, Berlin, 1938, 51 Anm. 148 die Formulierung
- wenn auch mit einer versehentlichen Zuschreibung an Euseb statt Eutrop - hervorgehoben
und in den Zusammenhang eines frühen Ansatzes des Principatsbeginns (s. unten Anm. 91)
gerückt; auch S C H M I T T H E N N E R W., «Octavians militärische Unternehmungen in den Jahren
35-33 v. Chr. », Hutoria7,1958,200 Anm. 1 zitiert die Stelle als Beleg fur einen frühen Principatsbeginn ;
BERANGER, Recherches, op. cit., 28 stellt fest : « Il n'y a donc pas obligatoirement correspondance entre
"principat" et collation des pouvoirs constitutionnels » ; nach R A T T I , Les empereurs romains, op. cit.,
191 hat der Terminus principatus hier, da er eindeutig auf die ganzen 56 Jahre angewandt wird,
„un sens affaibli". Hellegouarc'h {ibid.) läßt diese Verwendung von principatus hingegen unkom
mentiert, und S I O N - J E N K I S K., Von der Republik zum Prinzipat. UrsachenfiirdenVerfassungswec
in Rom im historischen Denken der Antike, Stuttgart, 2000, 30 bezieht den Ausdruck an dieser Stelle
sogar fälschlich auf die Alleinherrschaft (vgl. auch ebd. 60).
31
MARTIN SPANNAGEL
21. Übersichten über die verschiedenen Angaben zur Regierungsdauer geben M O M M S E N , Staatsrecht
3
II 2 , 747 (= DPR V p. 3-4) mit Anm. 1 f. (deren Text gegenüber denfrüherenAuflagen verän
dert ist; vgl. oben Anm. 8) ; B É R A N G E R , Recherches, op. cit., 26; Eusebius Werke VII, Die Chro
des Hieronymus, hrsg. und in zweiter Auflage bearbeitet von R Helm, Berlin, 1956, 389 zu S.
Rom.
22. TAC. Dial. 17, 2-3 nam ut de Cicerone ipso loquar, Hirtio nempe et Pansa consulibus, ut Tiro
eius scribit, septimo idus Decembris occisus est, quo anno divus Augustus in locum Pansae
Q. Pedium consules suffecit. statue sex et quinquaginta annos, quibus mox divus Augustus
rexit.
23. Zum Datum s. Dio LVI30, 5 sowie unten Anm. 44-46 ; zu den Umständen der Wahl B E L L E N H.,
„Cicero und der Aufstieg Oktavians", Gymnasium 92, 1985, 161-189 (= ders., Politik - Recht
- Geseüschaft. Studien zur Alten Geschichte, Historia Einzelschritten 115, Stuttgart, 1997 = 47-70) :
178-187 (= 62-69) ; S U M I G.S., Ceremony and Power. Performing Politics in Rome between Re
and Empire, Ann Arbor, 2005, 181 ; B R I N G M A N N Κ., «Von der res publica amissa zur res publica
restituta. Zu zwei Schlagworten aus der Zeit zwischen Republik und Monarchie », S P I E L V O G E L
J. (dir.), Res publica reperta. Zur Verfassung und Geselhchafi der römischen Republik und des
Prinzipats. Festschriftfur Jochen Bleicken zum 75, Geburtstag, Stuttgart, 2002, 58 f.
24. TAC. ann. I 9, 1 quod idem dies accepti quondam imperii princeps et vitae supremus; Dio LV
5.
25. S U E T . Aug. 8, 3 Atque ab eo tempore exercitibus comparatisprimum cum M. Antonio M.que
deinde tantum cum Antonio per duodecim fere annos, novissime per quattuor et quadragint
p. tenuit; vgl. auch unten Anm. 43.
26. A U R . . V I C T . Epit. 1, 30 imperavit annos quinquaginta et sex, duodecim cum Antonio, quadr
et quattuor solus; Tert. Adv. lud. 8, 10, 5 item adhuc Cleopatra conregnavit Augusto annis
post Cleopatram Augustus aliis annis XL et III imperavit - nam omnes anni imperii Augusti
L et VI; A U S O N . de XII Caes. 3, 2 Augustus post lustra decern sex prorogai annos; Chron.
min. I (= MGHauct. antiquiss. IX, 1892) p. 520 (Polemius Silvius; mit falscher Ausdehnung der
Alleinherrschaft auf die gesamten 56 Jahre) ; II (= MGHauct. antiquiss. XI, 1854) p. 453 (Isidorus
iunior) ; III (= MGHauct. antiquiss. XIII, 1898) p. 419 (Laterculus imperatorum ad Iustinum I).
435 (Laterculus Malalianus; überliefert 55 Jahre, angesichts der Parallelüberlieferung zweifellos
Schreibfehler fur 56).
32
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
27
Tag , was fast genau auf seine erste Imperator-Akklamation am 16. April
28
43 v. Chr. zurückführt ; als weitere, jedoch nicht näher erklärbare
29 30
Summen sind 56 Jahre und 6 Monate , 57 Jahre oder gar 57 Jahre,
31
6 Monate und 2 Tage überliefert. Auch Angaben, die sich nicht eigentlich
auf die Dauer von Augustus* Herrschaft beziehen, können einen Ansatz
von deren Beginn im Jahr 43 v. Chr. implizieren. So endet nach dem
Breviarium des Festus die 467jährige Zeit sub consulibus mit Hirtius und
Pansa, den in bzw. kurz nach der Schlacht von Mutina am 21. bzw. 23.
April 43 v. Chr. gestorbenen ordentlichen Consuln dieses Jahres, worauf
mit Octavianus Caesar Augustus die bis zur Gegenwart des Autors bereits
32
407 Jahre währende Zeit sub imperatoribus beginnt ; die Geburt Christi
aber wird von christlichen Autoren meist, ausgehend von einem Ansatz in
33
unser Jahr 2 v. Chr., in das 42. Regierungsjahr des Augustus gesetzt .
Es gibt also eine Fülle von Quellen, wonach die Herrschaft des Augustus
bereits 43 oder gar schon 44 v. Chr. begonnen hat; der Sieg im Bürgerkrieg
wird hierbei nur insofern berücksichtigt, als in einem Teil von ihnen die
gesamte Regierungszeit in eine Phase gemeinsam mit anderen und eine allein
ausgeübter Herrschaft unterteilt wird. Doch kann auch jene Gesamtzeit
einheitlich als monarchische Herrschaft aufgefaßt werden, vor allem wenn,
wie in nahezu allen Chroniken, nicht Augustus, sondern bereits Caesar als
27. THEOPH. ANTIOCH. adAutol. 3,27 (nach Chryseros, einem Freigelassenen des Marc Aurel) ; C L E M .
ALEX, ström. I 21 § 144, 4 (überliefert sind hier 46 Jahre, was aber nach der Parallelüberlieferung
sicher zu korrigieren ist); Chron. min. I p. 145.
3
28. Cf. M O M M S E N Th., Staatsrecht II 2 , 747 Anm. 1 (= DPR V p. 3 n. 3). - Die Imperator-
Akklamation bezog sich auf den Sieg Octavians sowie der Consuln Hirtius und Pansa über
M.Antonius im Gefecht von Forum Gallorum am 15. (oder 14.; so Ovid, Fast. IV 625
ff.) April; am 20. April traf die Siegesmeldung in Rom ein, am 21. hielt Cicero die XIV.
Philippica, in der er u. a. die Bestätigung des Imperator-Titels, ein fünfzigtägiges Dankfest
sowie ein Monument für die gefallenen Soldaten beantragte. Vgl. dazu Inscr. Ital. XIII 2,
441 f.; B E N G T S O N H., «Untersuchungen zum Mutinensischen Krieg», Kleine Schrifien zur Alten
Geschichte, München, 1974, 479-531 ; B E L L E N , «Cicero » [zit. oben Anm. 23], 173-178 (= 57-
61) ; W O Y T E K B., Arma et Nummi, Forschungen zur römischen Finanzgeschichte und Münzpräg
der Jahre 49-42 v. Chr., Wien, 2003, 353; speziell zur Imperator-Akklamation s. C O M B È S R.,
Recherches sur l emploi et la signification du titre d'Imperator dans la Rome républicaine, Pa
87 f. ; 458 ; zu dem Monument s. S P A N N A G E L M., Exemplaria Principis op. cit., 75. Vgl. auch unten
Anm. 53 zur Berücksichtigung dieser Vorgänge im Feriale Cumanum.
29. Hier. Chron. p. 157 Helm; Chron. min. I p. 405 (ProsperTiro). 638 (Chronica Gallica a. DXI, wo
ann. D/Im. XVI \n ann. V/Im. VI zu korrigieren ist) ; II p. 134. 136 (Cassiodor; die Rückführung
der Angabe auf Aufidius Bassus durch B É R A N G E R , op. cit., 26 nach Peter überzeugt mich nicht).
Nach M O M M S E N (Staatsrecht, II 2\ 747 Anm. 1 = DPRVp. 3 n. 3), ist die Angabe möglicherweise
von Octavians dies imperii am 7. Januar 43 v. Chr. (dazu s. unten Anm. 54) abgeleitet.
30. E U S E B . Hist. eccL 19,2 (unter Berufung auf Iosephus) ; Chron. min. I p. 137, 378 (libergenerationis
/beim Chronographen von 354). Vgl. auch F L O R . Epit. II 14, 7 Marco Antonio Publio Dolabella
consulibus Imperium Romanum iam ad Caesarem transferente fortuna...
31. los. Bell. II 9, 1 § 168 ; Ant. XVIII 2, 2 § 32.
32. F E S T . Brev. 2, 1. 3. 4; vgl. S I O N - J E N K I S , op. cit., 29.
33. O R O S . 11, 6; VII 2, 14 f. (vgl. VII 3, 1: 752. Jahr der Stadt) ; H I P P O L Y T . R O M . , comm. in Daniel.
IV23; Eus. Hist. eccl. I 5, 2; H I E R . Chron. p. 169 c Helm; Chron. min. I p. 194 (liber genealo-
gus : 41. oder 42. Jahr) ; II p. 499 (Chron. Pseudoisidoriana) ; III p. 435 (Laterculus imperatorum
Malalianus). Allein das 41. Regierungsjahr nennt T E R T . C. lud. 8, 11 (mit gleichzeitiger Datierung
in das 28. Jahr nach dem Tod der Cleopatra), das 43. Sync. 315d (597,5). Vgl. H E L M , op. cit.,
395 zu S. 169 c (mit weiteren Belegen).
33
MARTIN SPANNAGEL
34
erster römischer Kaiser gilt . So wird etwa in der Chronik des Hieronymus
das Jahr 44 v. Chr. als das fünfte Regierungsjahr des ab 48 v. Chr. für
4 Jahre und 7 Monate als Romanorum primus herrschenden Caesar gezählt,
das Jahr 43 v. Chr. hingegen als das erste von insgeamt 56 einheitlich
durchlaufenden, bis 13 n. Chr. reichenden Jahren des Octavianus Caesar
35
Augustus ; so erscheint dieser, ungeachtet des tatsächlichen zeitlichen
Abstandes, als unmittelbarer Nachfolger seines ,Vaters.
Daß ein Historiker allein den Beginn der mit dem Sieg im Bürgerkrieg
einsetzenden eigentlichen monarchischen Phase als Ausgangspunkt von
Augustus Herrschaft nennt, ist hingegen selten. Immerhin ist für Cassius
Dio der Tag der Schlacht von Actium das entscheidende Datum, das er nicht
nur nach deren Schilderung, sondern auch in seinem Rückblick anläßlich
36
von Augustus' Tod hervorhebt , und in der Chronik des Hieronymus
findet sich zum Jahr der Entscheidungsschlacht zumindest der Zusatz,
37
daß Einige die Monarchie des Augustus von hier an berechneten . Für
andere Autoren ist dieses Jahr nicht so sehr das erste der Alleinherrschaft
3S
des Augustus als vielmehr das erste der Kaiserherrschaft überhaupt . Doch
eine größere Rolle für die Zeitrechnung spielt die Schlacht von Actium nur
als Ausgangspunkt weitverbreiteter, aber gleichwohl lokal begrenzt verwen
deter städtischer oder provinzialer Ären im griechischen Osten, die sich
weniger durch allgemeine Erwägungen zur Regierungszeit des Augustus als
vielmehr durch den Wechsel der Herrschaft in den betreffenden Gebieten
34. Als erster Kaiser gilt Caesar in sämtlichen oben Anm. 26 f. 29 f. für eine mindestens 56jäh-
rige Regierung des Augustus angeführten Chroniken außer dem liber generationis I (Anm. 30)
und den laterculi imperatorum ad Iustinum I bzw. Malalianus {Anm. 26) ; außerdem zusätzlich
in der Chronica Pseudoisidoriana attributa Augustino et Hieronymo {Chron. min. II p. 499,)
enge Verbindung zwischen einem Beginn der Kaiserherrschart mit Caesar und einer langen
Regierungszeit des Augustus wird besonders deutlich bei C L E M . A L E X . Strom. I 21 § 144, wo
nacheinander zwei unterschiedliche Listen der römischen Kaiser zitiert werden ; die erste beginnt
mit Augustus, der hiernach 43 Jahre (d. h. ab 30 v. Chr. ; vgl. unten Anm. 40) regierte, die zweite
mit Caesar, wobei die (fehlerhaft überlieferte ; vgl. oben Anm. 27) Angabe der Regierungsjahre des
Augustus vom Jahr 43 v. Chr. ausgeht. Hinzu kommen weitere literarische Belege fur Caesar als
ersten Kaiser : V I T R . I praef. 2 ; P L I N . Ep. V 3, 5 ; T A C . Ann. XIII 3, 1 ff. ; F R O N T O epist. ad Verum
imperatorem II 1, 10 pag. 123 van den Hout; los., AJ, XVIII 2, 2 § 32; 6, 10 § 224; XLX 2, 2
§ 173-174; 2, 3 § 187; Axv.prooem. 6, 22-23; P L U T . Num. 19, 6 ; T H E O P H . Apnoen. AdAutol.
3,27 (nach Chryseros ; vgl. oben Anm. 27) sowie die Aufnahme Caesars in den Biographienzyklus
Suetons, die Epigrammzyklen des Ausonius oder Julians Caesares. Vgl. H Ä U S S L E R R., Tacitus und
das historische Bewußtsein, Heidelberg, 1965, 253 f. ; G E I G E R J., «Zum Bild Julius Caesars in der
römischen Kaiserzeit», Historia 24, 1975, 444-453; D O N I É P., Untersuchungen zum Caesarbild in
der römischen Kaiserzeit, Hamburg, 1996, 95. 152 f. Anm. 18; 158 f. 181. 215 f. 237 f. ; S I O N -
J E N K I S , op. dt., 53 fT. (dort 55 Anm. 254 ist S U E T . Calig. 60 zu streichen) ; K I E N A S T D., « Augustus
und Caesar», Chiron 31, 2001, 1-26, bes. 25.
35. H I E R . Chron. S. 156 f. Helm.
36. Dìo LI 1,1 f. ; LVI30, 5. Vgl. M A N U W A L D B., Cassius Dio und Augustus op. cit., 79; S I O N - J E N K I S ,
op. cit., 61 f.
37. p. 163 c Helm; vgl. ibid. 392 (weitere Belege).
38. A U R . V I C T . de Caes. 1,1; A U R . V I C T . Epit. 1, 1 ; in beiden Abrissen wird der Übergang zur
Kaiserherrschaft in das 722. Jahr der Stadt gesetzt. Nach der varronischen Chronologie wäre dies
32 v. Chr. ; vgl. jedoch die um ein Jahr abweichende Chronologie der Fasti Capitolini, wonach 722
a. u. c. 31 v. Chr. entspricht. Zum Verhältnis der beiden Geschichtsabrisse zueinander s. S C H L U M -
B E R G E R J., Die Epitome de Caesaribus. Untersuchungen zur heidnischen Geschichtsschreibu
Jahrhunderts n. Chr., München, 1974 , 17 ff.
34
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
39
erklären . Dementsprechend geht die Zeitrechnung in Ägypten auch nicht
von Actium, sondern von der Eroberung von Alexandrien am 1. August
40
30 v. Chr. aus .
Noch geringer ist die Rolle, die die für Mommsen so entschei
dende Neuordnung des Staates nach dem Ende der Bürgerkriege für
die Zeitrechnung spielt. Ausdrückliche Verknüpfungen des Beginns der
Monarchie mit der Verfassungsreform finden sich nur an zwei weiteren
Stellen bei Cassius Dio, nämlich im Zusammenhang mit der 29 v. Chr.
angesetzten, die Vor- und Nachteile der jeweiligen Systeme darlegenden
fiktiven Beratung Octavians mit Agrippa und Maecenas sowie anläßlich
41
der Reformen vom Januar 27 v. Chr. . Daneben ist noch Censorinus zu
nennen, der in seiner Schrift de die natali das Jahr 27, ausgehend von
der Verleihung des Augustusnamens, als erstes in einer Reihe von anni
42
Augustorum zählt .
Soweit der Überblick über die antiken Vorstellungen vom Zeitpunkt
des Beginns der Herrschaft des Augustus. Am häufigsten wird er im Jahr
43 v. Chr. angesetzt. Nirgends außer bei Eutrop findet sich freilich eine
Andeutung, daß dieser Ansatz etwas mit dem Principatsgedanken zu tun
haben könnte. Deutlich wird nur, daß er vom Konzept der Monarchie
zu trennen ist, denn es wird zwar vielfach die gesamte Regierungszeit als
Einheit gesehen und damit der Kaiserherrschaft zugerechnet, doch soweit
ausdrücklich von der Alleinherrschaft des Augustus die Rede ist, wird
- gleich ob mit ihr seine Herrschaft insgesamt oder nur die zweite Phase
seiner mindestens 56jährigen Regierung gemeint ist - deren Beginn frühe
stens bei der Schlacht von Actium angesetzt. Als Ausgangspunkte fur die
auf einen frühen Herrschaftsbeginn bezogenen Zeitangaben lassen sich der
Antritt des ersten Consulats am 19. August und mit einiger Sicherheit die
erste Imperator-Akklamation am 16. April 43 v. Chr. fassen. Der Triumvirat
hingegen wird zwar berücksichtigt, wo es darum geht, eine Phase gemein
sam mit Anderen ausgeübter Herrschaft von der monarchischen Phase zu
43
trennen, doch für die Zeitangaben spielt er offenbar keine Rolle . Im
35
MARTIN SPANNAGEL
übrigen sind die Quellen fur die Dauer bzw. den Beginn der Regierung,
sieht man von den unmittelbar auf den Herrschaftswechsel in den betref
fenden Regionen bezogenen lokalen Ären ab, durchweg erst nachaugu
steisch, so daß das deutliche Übergewicht des Ansatzes im Jahr 43 v. Chr.
noch nichts über die Vorstellungen von Augustus' eigener Zeit aussagen
muß. Gleichwohl ist zu fragen, wie die in auffalligem Gegensatz zur neu
zeitlichen Geschichtsschreibung stehende Tendenz der antiken Autoren,
den Beginn seiner Herrschaft derart früh anzusetzen, zustandekommt, und
ob ihre Wurzeln nicht schon in der augusteischen Zeit liegen. Tatsächlich
wurden auch zu Augustus' Lebzeiten Vorgänge des Jahres 43 in einer Weise
hervorgehoben, die hieran kaum zweifeln läßt.
Zunächst zum Consulatsantritt, der ja den Ausgangspunkt der
56 Regierungsjahre bildet, und dessen Tag von Tacitus später als dies
44
accepti quondam imperii princeps bezeichnet w i r d . Aufschlußreich ist
hier zunächst die im Jahr 8 v. Chr. erfolgte Umbenennung des Monats
Sextiiis zu Ehren des Herrschers. Denn daß man hierfür eben den Sextiiis
wählte und nicht etwa den gleichfalls in Betracht gezogenen September, in
dem Augustus geboren war, hatte zwar primär wohl damit zu tun, daß der
neue Monat Augustus dadurch, anstatt die Reihe der lediglich nach Zahlen
benannten Monate zu unterbrechen, an den nach Caesar benannten Iulius
anschloß, doch die offizielle Begründung in dem durch Macrobius über
lieferten Dekret des Senats zielte allein auf die Bedeutung des Sextiiis für
die bisherige Laufbahn des Geehrten. Und hierbei wurde an erster Stelle
der Antritt des ersten Consulats im Jahr 43 genannt, sodann - in einer
weder an der Chronologie der Ereignisse noch an der Abfolge der jeweiligen
Jahrestage im Kalender ausgerichteten Aufzählung - die drei Triumphe des
Jahres 29, die wiederum in das Jahr 43 gehörende Herabfuhrung künftig
seinen Auspizien folgender Legionen vom Ianiculus und schließlich die
30 v. Chr. erfolgte Unterwerfung Ägyptens und das damit verbundene
45
Ende der Bürgerkriege . In Cumae war nach dem dort gefundenen
Antiquitas, 1 Bd. 53, Bonn, 2007, 315-332; vgl. die Diskussion bei H U R L E T Fr., «Le passage de
la République à l'Empire: questions anciennes, nouvelles réponses», REA 110, 2008, 215-236:
227-230). Von keinem dieser Daten lassen sich in den Angaben zur Herrschartsdauer Reflexe
fassen ; andererseitsfindensich in Quellen, die die gemeinsame Regierung der Triumvirn von
der Alleinherrschaft des Augustus trennen, Spuren anderer, unmittelbar auf diesen bezogener
Ausgangspunkte. So wird bei Eutrop (s. oben Anm. 17) zunächst der Consulatsantritt genannt,
und bei Sueton (s. oben Anm. 25) bezieht sich das ab eo tempore am Beginn des Satzes auf die
zuvor beschriebene Annahme von Caesars Erbe, die am 8. Mai 44 v. Chr. stattgefunden hatte
( S C H M I T T H E N N E R W., Oktavian und das Testament Caesars. Eine Untersuchung zu den politis
Anfangen des Augustus, 2. Aufl., München, 1972 ; G O T T E R U., Der Dictator ist tot! Politik in Ro
zwischen den Iden des März und der Begründung des zweiten Triumvirats, Stuttgart, 1996, 56-
S C H U M A C H E R L., « Oktavian und das Testament Caesars », ZRG116,1999, p. 49-70), während die
kaum zufallig an RgdA 1 anknüpfende Formulierung exercitibus comparatis zunächst auf Vorgänge
im Herbst desselben Jahres verweist (s. unten Anm. 63 f.).
44. TAC. Ann. 19, 1 ; s. oben Anm. 24.
45. M A C R . Sat. I 12, 35 : cum Imperator Caesar Augustus mense Sextiii etprimum consulatum i
triumphos très in urbem intulerit et ex Ianiculo legiones deductae secutaeque sint eius auspic
sed etAegyptus hoc mense in potestatem populi Romani redacta sitfinisquehoc mense belli
impositus sit atque ob has causas hic mensis huic imperio felicissimus sit ac fuerit, piacere
hic mensis Augustus appelletur. Vgl. auch S U E T . Aug. 31,2 Annum a Divo Tulio ordinatum, se
36
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
(hier 1436 zum Feriale Cumanum). - Die fragliche Notiz ist die oberste erhaltene in dem allseitig
fragmentierten Verzeichnis, das zwischen 4 und 14 n. Chr. entstanden sein muß. Ob ihre in der auf
Mommsen zurückgehenden Ergänzung vorausgesetzte Fesdegung auf den 19. August zutrifft, ist
umstritten : da in den beiden folgenden Zeilen die irgendwann nach der Schlacht von Naulochos
erfolgte Unterwerfung des Heeres des Lepidus sowie der Geburtstag des Augustus (am 23. Sept.)
genannt werden, hat sie zur Folge, daß in dem Feriale (in dem, jedenfalls nach Mommsens
Ergänzung, das Gefecht von Forum Gallorum sogar doppelt berücksichtigt war; s. unten Anm.
53) weder die Schlacht von Actium noch die von Naulochos (am 2. bzw. 3. September) genannt
gewesen sein können. Deshalb nahm B O S W O R T H A. B„ « Augustus and August : Some Pitfalls of
1
Historical Fiction» , HSPh 86, 1982, 151-170 an, als Termin des Consulatsantritts hätte hier der 22.
September gegolten, eine Terminvariante, die nur bei Veil. 2, 65, 2 vorkommt und deshalb meist
als Fehler dieses Autors betrachtet wird, von Bosworth aber auf die Autobiographie des Augustus
zurückführt wird. Schon wegen der Rolle des Termins im Sextiiis bei dessen Umbenennung ist
diese Lösung aber kaum plausibel ; zudem fuhrt sie dazu, daß dann im Feriale fur die Unterwerfung
von Lepidus' Heer kein eigener Tag mehr zur Verfugung stünde. - Unklar ist auch, wann das vom
Kalenderjahr abweichende Festjahr in Cumae begonnen hat. Mommsen, der den untersten von
ihm ergänzten Eintrag (in der vorletzten erhaltenen Zeile) auf den Geburtstag Caesars am 12. Juli
bezogen hat, hat angenommen, daß der ihm zufolge am Beginn stehende 19. August zugleich
als lokaler Neujahrstag gegolten hätte, und hat darin einen Beleg für seine Vermutung gesehen,
daß Augustus selber den Consulatsantritt als Ausgangspunkt seines Principats betrachtet hätte
(s. oben Anm. 9). Doch auch die Ergänzung der unteren Zeilen ist unsicher (s. B O R M A N N E.,
AEM19, 1896, 118 f. ; S P A N N A G E L , op. cit., 42 Anm. 170 = AE1999, 28), und so kommen als
Neujahrstag des dortigen Festjahrs ebensogut der 1. Juli (so B O R M A N N a. O. in Analogie zu Pompeji
und Venusia), der 1. August (an ihm traten in Rom die Vicomagistri ihr Amt an: Inscr. Ital.
XIII 1 S. 289 f.; XIII 2 S. 490; N I B B L I N G G., Historia 5, 1956, 323 ff.) oder (gemäß S U E T . Aug.
59 quaedam Italiae civitates diem, quo primum ad se venisset, initium annificerunt)ein aus ö
Gegebenheiten abgeleiteter Tag in Frage.
47. Inscr. Ital. XIII 1 S. 282. 287 Taf. 86. 88 ; Inscr. Ital. XIII 2 S. 93 Taf. 24 f. ; B O D E L J., ZPE105,
1995,283 f. ; R Ü P K E J., Kalender und Öffentlichkeit. Die Geschichte der Repräsentation und religiö
Qualifikation von Zeit in Rom, R G W 40, Berlin - New York 1995, 59 ; allgemein zu den Fasti
ministrorum vici s. auch L O T T J.B., The Neighborhoods of Augustan Rome, Cambridge, 2004, 91 ff.
mit Abb. 7; 194 ff. Nr. 22. Auch weitere mit Kaiendarien kombinierte Consullisten könnten mit
dem 1. Consulat des späteren Augustus begonnen haben, so etwa die der Fasten von Tauromenium
( R U C K B., ZPE 111, 1996, 274), wo die erhaltenen Fragmente der Liste die Jahre 39-34 und 30-
37
MARTIN SPANNAGEL
28 v. Chr. betreffen, oder die der Fasti Praenestini (Inscr. hai XIII 1, S. 260; erhalten 5-7 und
18-19 n. Chr.). Zur Bedeutung als Epochengrenze vgl. das Breviarium des Festus (oben Anm. 32),
wo die Republik mit Hirtius und Pansa endet.
48. S U E T . Aug. 95 primo autem consulatu et augurium capienti duodecim se vultures utRomub ost
et immoknti omnium victimarum iocinera replicata intrinsecus ab ima fibra paruerunt, nem
torum aliter coiectante quam laetaper haec et magnaportendi; APP. Civ. III 94, 388 ; Dio XLVI
2-3 ; O B S E Q . 69. Vgl. E R K E L L H., Augustus, Felicitas, Fortuna. Lateinische Wortstudien, Götebor
1952, 30-32; S P E Y E R W, RAC9, Stuttgart, 1976, s. v. Geier 1976, 450 f.; S P A N N A G E L , op. cit.,
188 f. mit Anm. 649; S C H E I D J., «Ronald Syme et la religion des Romains», G I O V A N N I N I
A. (Hrsg.), La révolution romaine après Ronald Syme, Entretiens sur l'antiquité classique XLVI
Vandceuvres-Genève 6-10 sept. 1999, Genève, 2000, 39-72: 43-45; H U R L E T Fr., «Les Auspices
d'Octavien/Auguste », CCG 12, 2001, 156; S U M I G.S., Ceremony and Power op. cit., 312 f.
Anm. 59 zu S. 179; E N G E L S D., Das römische Vorzeichenwesen (753-27 v. Chr.). Quellen,
Terminologie, Kommentar, historische Entwicklung, Stuttgart, 2007, 685 f. RVW 350.
49. Cic. Diu 1, 107-108 = Ε Ν Ν . Ann. 72-91 Sk; Lrv. I 5, 4 - 7, 1 ; Ov. Fast. IV 813-818; D I O N .
H A L . Ant. I 86, 1 - 87, 1 ; P L U T . Rom. 9, 5 ff. Vgl. S P E Y E R W, RAC9, 448-450; S P A N N A G E L ,
op. cit., 179 ; D E M A G I S T R I S E., Paestum e Roma Quadrata. Ricerche sullo spazio augurale, Na
2007, 99 ff.; E N G E L S , op. cit., p. 307-309 RVW 11.
50. Bezeugt durch eine vielleicht vom Templum gentis Flaviae stammende Reliefdarstellung:
H O M M E L P., Studien zu den römischen Figurengiebeln der Kaiserzeit, Berlin, 1954, 9-22 Taf. 1 ;
R I T T E R S., Hercules in der römischen Kunst, Archäologie und Geschichte Bd. 5» Heidelberg, 1995,
142-146 Taf. 10, 6; S P A N N A G E L , op. cit., p. 189 mit Anm. 660.
51. Ε Ν Ν . Ann. 155 Sk Augusto augurio postquam incluta condita Roma est (= "VARRÒ Rust. III 1,2 ; S U
Aug. 7, 2, wo der Vers zur Erläuterung des Augustusnamens herangezogen ist). Vgl. S P A N N A G E L ,
op. cit., 179 mit Anm. 585 ; zu den Implikationen des Namens s. auch E R K E L L , op. cit., 9-39;
G U I Z Z I F., Principato op. cit., 137 ff.; S P E Y E R W, «Das Verhältnis des Augustus zur Religion»,
ANRWll 16, 3, Berlin - New York, 1986, 1797; S P A N N A G E L , op. cit., 188 f. mit Anm. 651.
52. A P P . Civ. III 92, 381 ; Dio XLVI 45, 2; vgl. A L F Ö L D I Α., «Der Einmarsch Octavians in Rom,
August 43 v. Chr.», Hermes 86, 1958, 483-486 = ders., Caesariana. Gesammelte Aufsätze zur
Geschichte Caesars und seiner Zeit, Bonn, 1984, 295-316; B O T E R M A N N H., Die Soldaten und die
römische Politik in der Zeit von Caesars Tod bis zur Begründung des Zweiten Triumvirats, Münche
1968, 153. 203; W O Y T E K B., Arma, op. cit., 363 f.
38
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNGVONAUGUSTUS'PRINCIPAT...
53
in Cumae . Noch bedeutsamer ist die Überlieferung zu einem weiteren
Datum des Jahres 43, nämlich zum 7. Januar, an dem Octavian in Spoletium
das ihm fünf Tage zuvor auf Antrag Ciceros vom Senat zuerkannte pro-
54
prätorische Imperium angetreten hatte . Die an diesem Tag in Cumae
veranstalteten Supplicationen, zu deren Erläuterung es im Feriale hieß: [eo
die Caesar] primum fasces sumpsit, galten dem Iuppiter Sempiternus, so daß
55
hier der Gedanke der Ewigkeit mitspielte . Und bei dem 11 n. Chr. von
der Plebs der Narbonensier dem Numen des Augustus gestifteten Altar, wo
dies gleichfalls einer der vorgesehenen jährlichen Opfertermine war, lautete
%
die Begründung : qua die primum imperium orbis terrarum auspicatus est ;
der Tag wurde also mit der Verheißung der Weltherrschaft des Augustus
57
verbunden . Über die damalige Einholung der Auspicien ist sonst nichts
bekannt, doch wird mehrfach von einem besonderen Vorzeichen berichtet,
das sich bei einem anläßlich dieser Kommandoübernahme von Octavian
58
durchgeführten Opfer gezeigt haben soll . Im Bericht hierüber spricht
Plinius vom primo potestatis suae die, und tatsächlich hat Augustus von da
59
an bis an sein Lebensende kontinuierlich über ein imperium verfugt .
53. Inscr. ltd. XIII2 S. 279, Ζ. 15 f. : [XVII k. Mai. Eo die Caesar primum vicit. Suppli]catio Victor
Augustae bzw. [XVI k. Mai. Eo die Caesar primum imperator app]ellatus est. Supplicatio F
Imperi. Zu den Vorgängen s. oben Anm. 28.
54. Zu den Vorgängen s. K I E N A S T D., Augustus op. cit., 31 f.
55. Inscr. Ital. XIII 2 S. 279, Z. 9 : VII idus Ianuar(ias). [Eo die Caesar] primum fasces sumpsi
Supp<l>icatio Iovi Sempiterno] ; zum Tag und einer entsprechenden Eintragung in den Fasti
Praenestini s. auch ebd. S. 392. Als Epiklese des Iuppiter ist Sempiternus nur hier bezeugt;
vgl. K O C H C , «Roma aeterna», Gymnasium 59, 1952, 209 = ders., Religio. Studien zu Kult und
Glauben der Römer, Nürnberg, 1960, 173 = K L E I N R. (Hrsg.), Prinzipat und Freiheit, Wege der
Forschung 135, Darmstadt 1969, 64 Anm. 49. Allgemein zum römischen aeternitas-Gedanken
s. I N S T I N S K Y H.U., «Kaiser und Ewigkeit», Hermes 77, 1942, 313-355 = in: K L O F T H. (Hrsg.),
Ideologie und Herrschaft in der Antike, Wege der Forschung 528, Darmstadt, 1979, 416-472;
weitere Lit. bei A L F Ö L D Y G., Athenaeum 61, 1983, 372 = Anm. 23.
56. CIL XII4333 = ILS 112 = E-J, Nr. 100 Z. 23-28 : VII quoq(ue) idus Ianuar(ias), qua die primum
imperium orbis terrarum auspicatus est, thure vino supplicent et hostias singul(as) inmol
incolisque thus vinum ea diepraestent; zum Kult, vgl. K N E I S S L P., «Entstehung und Bedeutung
der Augustalität. Zur Inschrift der ara Narbonensis (CIL XII 4333) », Chiron 10, 1980, 291-326 ;
A L B E R T R., op. cit., 97 f.; zur Bedeutung des Numen Augusti auch P Ö T S C H E R W, «Numen und
numen Augusti», ANRWll 16, 1, Berlin - New York, 1978, 380 fF., zu den Supplicationen,
F R E Y B U R G E R G., ibid., II 16, 2,1435 f.
57. Zur Formulierung ist die an die Auspizien des Romulus geknüpfte Prophezeiung der Weltherrschaft
Verg. Aen. VI 781 fF. (en huius, nate, auspiciis illa incluta Roma/imperium terris, animos ae
Olympo...) zu vergleichen, zur Bezugnahme auf den orbis terrarum außerdem der Kommentar zum
Geburtstag des Augustus in derselben Inschrift: qua die eum saeculifélicitas orbi terrarum rectorem
edidit. Vgl. VOGT ]., Orbis. Ausgewählte Schriften zur Geschichte des Altertums, Freiburg - Bas
Wien, 1960,151-171 ; M O Y N I H A N R., « Geographical Mythology and Roman Imperial Ideology »,
W I N K E S R. (Hrsg.), The Age of Augustus. Conference held at Brown University Providence, Rhode
Island, 1982, Providence - Louvain-la-Neuve, 1985, 149-162; N I C O L E T C , L'Inventaire du Monde.
Géographie et politique aux origines de l'Empire romain, Paris, 1988, 41 ff. sowie unten Anm. 91
58. O B S E Q . 69 Caesari cum honores decreti essent et imperium adversus Antonium, immolanti d
exta apparuerunt; P L I N . Nat. XI 190 Divo Augusto Spoleti sacrificanti primo potestatis sua
sex victimarum iocinera replicata intrinsecus ab imafibrareperta sunt responsumque dup
intra annum imperium ; Dio XLVI 35, 4 ; vgl. auch S U E T . Aug. 95 (oben Anm. 48), der dasselbe
Vorzeichen auf den Consulatsantritt bezieht. Vgl. E N G E L S , op. cit., 685 RVW 349.
59. G i R A R D E T K. M., « Imperium maius : Politische und verfassungsrechdiche Aspekte. Versuch einer
Klärung», G I O V A N N I N I , Révolution, op. cit. (s. oben Anm. 48), 167-236 = G I R A R D E T , Rom, op. cit.
(s. oben Anm. 43), 461-521.
39
Die Annahme, der in der späteren Geschichtsschreibung dominierende
Ansatz des Beginns der Herrschaft des Augustus in das Jahr 43 v. Chr.
gehe schon auf seine Zeit zurück, findet in diesen Quellen zweifellos eine
Stütze. Freilich haben sie kaum etwas mit der Principatsideologie zu tun.
Denn während diese auf die zivile Stellung des Augustus zielte, implizie
ren jene Quellen eine geradezu religiöse Überhöhung. Gleichwohl dürften
auch sie auf Vorstellungen des Augustus Bezug genommen haben, schon
deshalb, weil es sowohl bei dem neuen Monatsnamen als auch bei den
Opfern an einzelnen Gedenktagen ja letztlich darum ging, ihn in möglichst
anspruchsvoller Form zu ehren, und hierbei bezog man sich zweifellos
auch auf Erwartungen, die man dem Geehrten selber zuschrieb. So stellt
sich zwangsläufig die Frage, welchen Stellenwert die Vorgänge vom Beginn
seiner politischen Karriere eigentlich für ihn besaßen, und ob sie nicht
wenigstens in seinen Augen mit seiner Rolle als Princeps zu tun hatten, die
er ja als die eigentliche Grundlage seiner Herrschaft hinstellte. Tatsächlich
glaube ich, daß auch er selber schon seinen spektakulären Eintritt in die
Politik durchaus seinem Principat zurechnete. Ich möchte dies anhand
seiner Res gestae zeigen.
Zunächst zur Verwendung des Begriffs princeps. Bekanndich kann keine
Rede davon sein, daß Augustus dessen Anwendung auf sich selbst auf die
Zeit nach den Reformen der Jahre 28/27 beschränken würde. So heißt
es über die dreimalige Schließung des Ianus: [Ianum] Quirin[um... ter
meprinci\pe senat]us claudendum esse censui[t]; der erste der hier erwähn
ten drei Senatsbeschlüsse aber erfolgte bereits am 11. Januar 29 v. Chr.,
so daß Augustus diesen Tag hier zweifelsfrei der Zeit seiner Stellung als
60
princeps zuordnet . Und eine weitere Stelle bezieht sich schon auf die
Zeit des Triumvirats. Im 30. Kapitel schreibt Augustus, als Einleitung
zu dem Bericht über die Eroberung Pannoniens durch seinen Stiefsohn
Tiberius: Pannoniorum gentes, qua[s d\nte meprincipempopuli Romani
exercitus nunquam adit... ; da aber er selber im Rahmen seiner illyrischen
Unternehmungen in den Jahren 35-33 v. Chr. bereits zu pannonischen
Völkerschaften vorgedrungen war, hat er auch diese Zeit hier offenbar sei
61
nem Principat zugerechnet .
Wenn nun aber Augustus in den Res gestae schon seine Stellung in der
Mitte der 30er Jahre unter seine Rolle als princeps subsumiert, so zeigt
das unmißverständlich, daß der Begriff in seinen Augen nichts mit der
60. RgdA 13 ; zu den Schließungen unter Augustus s. S Y M E R., History in Ovid, Oxford, 1978, 170 f. ;
K I E N A S T D., Augustus op. cit., 222 f. ; zur Konsequenz im Hinblick auf die zeitliche Ausdehnung
der Rolle als princeps s. A N D E R S E N H.A., op. cit., 51 ; G U I Z Z I E, Principato, op. cit., 35.
61. RgdA 30; zur daraus resultierenden Einbeziehung der entsprechenden Jahre in den Principat
s. A N D E R S E N , op. cit., 51 ; S C H M I T T H E N N E R , « Octavians mil. Untern. » (zit. oben Anm. 20), 200,
Anm. 1 ; G U I Z Z I E, Principato op. cit., 37. W E B E R , op. cit., 211 und I N S T I N S K Y H.U., «Ante me
principem», Hermes 87, 1959, 380 f. (akzeptiert von W I C K E R T L., Neue Forschungen (zit. oben
Anm. 11), 26 ; vgl. auch die widersprüchliche Darstellung von W I C K E R T L . , RES. V. Princeps [civi
tatis], 2070 f.) haben diese Konsequenz bestritten, doch ohne überzeugende Argumente.
40
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
62
Alleinherrschaft oder gar der ,Principatsverfassung zu tun hat ; vielmehr
geht er offensichtlich von einem früheren Beginn seines Principats aus. Wo
aber ist dieser Beginn dann anzusetzen ? Ich denke, es kommen allein die
Ereignisse in Frage, mit denen Octavians selbständige politische Karriere
einsetzt. In den Res gestae sind jedenfalls allein sie genügend hervorgeho
ben, um einen solchen Anspruch zu rechtfertigen ; mit ihnen, genauer
mit der noch im Herbst 44 erfolgten Aufstellung eines Heeres, setzt der
Tatenbericht wie mit einem Paukenschlag ein, während die Vorgänge der
30er Jahre nur eher beiläufig an verschiedenen Stellen erwähnt werden.
Betrachten wir dieses erste Kapitel etwas genauer. Zunächst den ersten
Satz. Er lautet : Annos undeviginti natus exercitum privato Consilio et privata
impensa comparavi, per quem rempublicam a dominationefactionis oppressam
60
in libertatem vindicavi .
Der Vorgang, der sich hinter diesem Satz verbirgt - das eigenmächtige
Anwerben von Soldaten für eine gegen den rechtmäßigen Consul
64
M. Antonius gerichtete Privatarmee im Spätherbst 44 v. Chr. - war alles
andere als gesetzlich. Aber indem er als Befreiungstat für den Staat hinges
65
tellt wird, erscheint er als positive Leistung , wobei die Hinweise auf das
62. Daß er auch von anderen schon vor 27 v. Chr. als princeps angesprochen wurde, zeigt Hör.
carm. I 2, 50 (verfaßt wohl 29/28 v. Chr.) hic ames dici pater atque princeps. V E L L . II 81, 1
bezeichnet Augustus im Zusammenhang mit Ereignissen des Jahres 36 v. Chr. als princeps ;
s. S C H M I T T H E N N E R W. (zit. oben Anm. 20), p. 200 Anm. 1 ; T I M P E D., Untersuchungen zur
Kontinuität desfrühenPrinzipats, Wiesbaden 1962, 21 f.; K I E N A S T D., Augustus op. cit., 205 f.
Anm. 10 ( S C H W I N D , Th. L. L. s. v. princeps, col. 1283,64 wird die Stelle hingegen als Verwendung
per άναχρονισμόν betrachtet). Vgl. auch S I O N - J E N K I S , op. cit., 28 zur Verwendung des Begriffs
princeps bei Florus.
63. RgdA 1 ; vgl. W E B E R , op. cit., 136 ff.; 134* ff.; S K A R D E., «ZU Monumentum Ancyranum < 1 >»,
5031,1955,119-121 ; B R A U N E R T H., «Zum Eingangssatz der res gestae Divi Augusti», Chiron 4,
1974,343-358 = ders., Politik, Recht und Gesehschaftin der griechisch-römischer Antike. Gesamm
Aufsätze und Reden, Stuttgart, 1980, 238-254; E H R H A R D T C , «TWO quotations by Augustus
Caesar», LCM11, 8, 1986, 132 f. ; G A L I N S K Y K„ Augustan Culture. An Interpretive Introduction,
Princeton 1996,42 ff. ; L E H M A N N G A , « Der Beginn der Res gestae des Augustus und das politische
exemplum des Cn. Pompeius Magnus», ZPE148, 2004, 151-162; weitere Lit. bei MATIJEVICÎ Κ.,
Marcus Antonius. Consul-Proconsul-Staatsfeind. Die Politik der Jahre 44 und 43 v. Chr.,
Westf., 2006,189 f. Anm. 293.
64. Vgl. W A L S E R G . , «Der Kaiser als Vindex Libertatis», Historia 4, 1955, 353-367:357 ff.;
B O T E R M A N N H., op. cit. ; A L F Ö L D I Α., Oktavians Aufstieg zur Macht, Bonn 1976, p. 105-116;
B E L L E N , «Cicero» (zit. oben anm. 23), 163-168 (= 49-53) ; G A L I N S K Y K., Augustan Culture, op.
cit., 43 f. ; W o Y T E K , op. cit., 345 ff.
65. Zum hier zugrundeliegenden Konzept des Vindex Libertatis vgl. Weber, op. cit., 137* ff. Anm.
557 ; W I C K E R T , RES. V. Princeps, 2080 ff. ; WULSER, op. cit. ; S T Y L O W A.U., Liberias undLiberalitas.
Untersuchungen zur innenpolitischen Propaganda der Römer, Diss. München 1970, Münche
1972, p. 28 ff.; S C H E E R R., « Vindex Libertatis», Gymnasium 78, 1971, 182-188; W E L W E I K.W.,
« Augustus als vindex libertatis. Freiheitsideologie und Propaganda im frühen Prinzipat», AU
16, 3, 1973, 29-41 = ders., Res publica und Imperium. Kleine Schriften zur römischen Geschich
Stuttgart, 2004, 217-229; M A N N S P E R G E R D., «Apollon gegen Dionysos. Numismatische
Beitrage zu Octavians Rolle als Vindex Libertatis», Gymnasium 80, 1973, 381-404 ; R A M A G E E.S.,
The Nature and Purpose of Augustus Res Gestae, Stuttgart, 1987, 66 ff. ; G A L I N S K Y K., August
Culture, op. dt., 52-57 ; K I E N A S T Ό., Augustus, op. cit., 90 ff. ; R I C H & W I L L I A M S , «Aureus» (zit. oben
Anm. 3), 183 ff. ; SPANNAGEL, op. cit., 338 Anm. 541 f.
41
66 67
jugendliche Lebensalter und die Eigeninitiative die Besonderheit dieser
Leistung noch zusätzlich unterstreichen. Bekanntlich war diese Sicht der
Dinge von Cicero vorgegeben, der den jungen Caesar bereits in den höch
68
sten Tönen als Befreier des Staates gepriesen hatte . Die Formulierung
der Res gestae knüpft unmittelbar an diese Vorgaben Ciceros an. In der
3. Philippica heißt es etwa : qua peste - gemeint ist die Bedrohung durch den
69
Consul M . Antonius - privato Consilio rem publicam... Caesar liberavit ;
auch sonst finden sich in den orationes Philippicae mehrfach Hinweise auf
Octavians privaten Entschluß, auf den Einsatz seines privaten Erbes und
70
auf die Freiheit des Staates als Ziel seines Handelns . Dabei hat Cicero
es zwar vermieden, den jungen Mann explizit als princeps im Sinne einer
herausragenden Persönlichkeit zu bezeichnen, doch hat er das Wort in
anderen Bedeutungen gleichwohl mehrfach auf ihn angewendet, wenn es
in der V. Philippica einerseits heißt, daß der Senat am 20. Dezember bei
den Ehrungen und Belohnungen derjenigen, die sich um den Staat verdient
gemacht hätten, an erster Stelle - principem - den jungen Caesar genannt
hätte, andererseits, daß dieser persönlich die Einberufung eines Heeres und
die Aufstellung von Schutztruppen veranlaßt hätte - ipse princeps exercitus
11
faciendi etpraesidi comparandi fuit . Es liegt nahe, hierin eine bewußte
71
Anspielung auf eine Stellung als princeps zu sehen . Ganz ähnlich war
Cicero auch in de re publica verfahren, der Schrift, in der er die wichtigsten
73
theoretischen Grundlagen fur den Principatsgedanken gelegt hatte ; dort
hatte er, nachdem er die Befreiungstat des L. Iunius Brutus, des Begründers
66. Zu der - nach traditionellem römischem Verständnis eigentlich ein selbständiges politisches
Agieren verbietenden - Jugend s. Cic. Phil. III 3 ; V 43 fF. ; Dio LUI 5,2 ; LVI36, 5 ; V E L L . II 61,
3 (unten Anm. 83 f.) ; vgl. W E B E R , op. cit., p. 135* Anm. 549a; G A L I N S K Y K., Augustan Culture,
op. cit., 48 f.; R A T T I , Les empereurs romains op. cit., 175 f.; H E L L E G O U A R C ' H J., op. cit., p. 194
Anm. 7 zu S. 84 (zu difFerierenden Angaben zum Alter Octavians) ; S P A N N A G E L , op. dt., p. 136
Anm. 297.
67. Zur Formel privato Consilio s. W E B E R , op. dt., 135* Anm. 550 ; M A G D E L A I N Α., Auctoritas Principis,
Paris, 1947, 22 f.; B É R A N G E R J . , «L'accession d'Auguste et l'Idéologie du Privatus», Palaeologia
7, 1958, 1-11 = ders., Principatus. Études de notions et d'histoire politiques dans l'Antiquité gréc
romaine, Genève, 1973, 243-258; deutsch in: K L O F T , Ideologie (zit. oben Anm. 55), 315-335;
G A L I N S K Y K . , op. cit., 49 fF.
68. W\LSER G., op. cit., 355-357 ; S C H Ä F E R M., « Cicero und der Prinzipat des Augustus », Gymnasium
64, 1957, 310-335, bes. 322-324; W I R S Z U B S K I Ch., Liberias ah politische Idee im Rom der spä
ter Republik und des früher Prinzipats, Darmstadt, 1967, 124 fF. ; B E L L E N , «Cicero» (zit. oben
Anm. 23) ; R A M A G E , Nature, op. cit., 66 fF. ; G O T T E R , op. cit., 275 f.
69. Cic. Phil. III 5.
70. Cic. Phil. III 3. 14; IV 2.4; V 3. 43 fF.; VII 10; X 23; XI 20. Vgl. O R T M A N N U . , Cicero,
Brutus und Octavian - Republikaner und Caesarianer. Ihr gegenseitiges Verhältnis im Krise
44143 v. Chr., Bonn, 1988, 167 fF.; 200 fF.
71. Cic. Phil. V 28. 44. Vgl. auch Cic. Phil XIV 20, wo Cicero über sich selbst sagt: Memoria tenent
me ante diem XIII. Kalendas Ianuarias principem revocandae libertatis fuisse.
72. M A G D E L A I N Α., Auctoritas Principis, Paris, 1947, 38 und G U I Z Z I F., Principato op. cit., 35 mit
Anm. 74 verstehen die Stellen sogar im Sinne einer Anrede als princeps. Der Auffassung, wonach
es sich zumindest um eine Anspielung auf eine Rolle als princeps handelt, widerspricht auch nicht,
daß Cicero sonst vorwiegend sich selber in der Rolle des princeps civitatis gesehen hat (s. etwa Cic.
Phil. VII 20; XIV 18-20) ; vgl. M A R T I N P.M., «Cicéron Princeps», Latomus 39, 1980, 850-878.
73. Zur Diskussion hierüber s. S C H Ä F E R M., « Cicero », 320 fF. ; S C H M I D T PL., « Cicero "De re publica" :
Die Forschung der letzten fünf Dezennien», in ANRWl 4, Berlin - New York, 1973 262-333, bes.
323-332 ; Drexler, « Principes - princeps » (zit oben Anm. 55), 315-335, bes. 107 fF. ; B O N N E F O N D -
C O U D R Y M., Le Sénat de k République romaine, Rome, 1989, 696 fF.
42
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
74. Cic. Rep. II 46 qui cum privatus esset, totam rem publicam sustinuit, primusque in hac civita
in conservanda civium liberiate esse privatum neminem, quo auctore et principe concitata
Vgl. auch Cic. Phil. III 11... a L. Bruto, principe huius maxime conservanti generis et nomini
Cic. Brut. 53 L. Bruto Uli, nobilitatis vestrae principi. Nach " W A G E N V O O R T , « Princeps » (zit.
oben Anm. 11), 328 (= Studies, 61 f.) galt Brutus für Cicero als princeps', dagegen fehlt er in
der Liste republikanischer principes bei "WICKERT, RES. V. Princeps (civitatis), 2016, der derartige
Anspielungen grundsätzlich nicht berücksichtigt.
75. W A G E N V O O R T , «Princeps», 332 f. 341-345 (= Studies 66 f. 75-79)-, zustimmend zitiert von
V O L K M A N N H.,JAW279, 1942, 87, mit anschließender Einschränkung auch von B R A U N E R T ,
«Eingangssatz», 355 f. (= Politik, 250 f.).
76. Bell. Afr. 22, 2 ; im Anschluß daran ist (22, 3) von dem durch diese Taten erworbenen Ansehen
die Rede : Quibus ex rebus, sibi earn dignitatem quae estpergentes clarissima notissimaque
adukcentulusque atque eques Romanus triumphavit.
77. Vgl. SKARD E., «Mon. Anc. » (zit. oben Anm. 63) ; G A L I N S K Y K., Augustan Culture op. cit., 50 f. ;
SPANNAGEL, op. cit., 230; 329; 331 ; L E H M A N N G.A., «Der Beginn der Res gestae des Augustus
und das politische exemplum des Cn. Pompeius Magnus», ZPE148, 2004, 151-162; H U R L E T F.,
«Auguste et Pompée», Athenaeum 94, 2006, 467-485.
78. F L A I G E., Den Kaiser herausfordern. Die Usurpation im Römischen Reich, Frankfurt/M., 1992,
174 ff. spricht hier vom "Akzeptanz-System» ; vgl. H U R L E T F. «Une décennie de recherches sur
Auguste. Bilan historiographique (1996-2006) », Anabases 6, 2007, 187-218: 200 ff.
43
MARTIN SPANNAGEL
79. RgdA 1 Eo [nomi]ne senatus decretis honorij[i]cis in ordinem suum m[e adlegit C. Pansa et
consulibus con[sula]rem locum s[ententiae dicendae tribuens eti]mperium mihi dedit. Res
quid detrimenti caperei], me pro praetore simulcum consulibus pro[videre iussit. P\opulus a
anno me consulem, cum [cos. uterqu]e in bel[lo cect\disset, ettriumvirum rei publicae co
creavit]. - Auch Dio LVI 36, 5 (in der Leichenrede des Tiberius auf Augustus; vgl. unten
Anm. 93), wird die (hier generell dem angesprochenen Volk zugeschriebene) Verleihung von
Ämtern mit dem Dank für die Rettung des Staates begründet.
80. Vgl. B E L L E N H., «Cicero» (zit. oben Anm. 23), 163-173 (= 53-57) ; M A T I J E V I C , op. cit., 297 ff.
81. Cic.PM.V45f.
82. Lrv. Per. CXVIII.
83. Cic. Ad Brut. I, 15 (= 23 Sjögren; 16 Kasten), 7; V E L L . II 61, 3; A P P . Civ. III 51, 209; Dio
XLVI 29, 2. Vgl. M A N N S P E R G E R D., «Annos undeviginti natus. Das Münzsymbol für Octavians
Eintritt in die Politik», Praestant Interna. Festschrift fur U. Hausmann, Tübingen, 1982, p. 331-
337; B E R G E M A N N J., Römische Reiterstatuen. Ehrendenkmäler im öffentlichen Bereich, Mainz,
1990, 34; 161-163 Kat. L 25; zur Inschrift s. auch A L F Ö L D Y Α., « Augustus und die Inschriften:
Tradition und Innovation. Die Geburt der imperialen Epigraphik», Gymnasium 98, 1991,
307 f., wonach Augustus sie im Eingangssatz der Res gestae zitiert.
84. Cic. Phil. V 49. In hoc spes libertatis posita est; ab hoc accepta iam salus; huic summt ho
exquiruntur etparati sunt; vgl. auch IV 2.... maximis senatus hudibus ornatus est sowie V E L L . II
3 zur erwähnten Reiterstatue : Eum senatus honoratum equestri statua, quae hodieque in rostri
aetatem eius scriptum indicai, qui honor non alii per trecentos annos quam L. SulUte et Cn
etC. Caesari contigerat.
85. B L E I C H E N J., Lex Publica. Gesetz und Recht in der Römischen Republik, Berlin - New York, 1975
497 f.; id., Augustus. Eine Biographie, Berlin, 1998, 105.
44
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
αρξαντες, sie werden also für die griechischen Leser als die ehemaligen
Inhaber der höchsten Ämter beschrieben, und genau unter solche, die
86
Consulares, wurde Octavian im Januar 43 eingereiht .
So denke ich, daß die Eingangssätze der Res gestae bezweckten, Augustus
von seiner ,Befreiungstat' vom Spätherbst 44 und den daran anknüpfen
den Ehrungen vom Januar 43 an als princeps erscheinen zu lassen. Die Res
gestae insgesamt wären dann nichts als eine Schilderung seines Principats.
Freilich war der ,Principal der Bürgerkriegszeit, wo Octavian noch
verschiedene Konkurrenten neben sich hatte, etwas anderes als der des
faktischen Alleinherrschers Augustus. Doch die Mehrdeutigkeit des Begriffs
princeps, der sowohl einen alle anderen überragenden Einzelnen wie ein
Glied einer ganzen Gruppe herausragender Persönlichkeiten bezeich
87
nen konnte , erlaubte es, diesen Gegensatz zu überspielen. So konnte
die gesamte politische Karriere des Augustus von seinen revolutionären
Anfängen an unter seiner Rolle als princeps zusammengefaßt werden, ja
diese Rolle bot im Grunde die einzige Möglichkeit zu einer solchen die
Unterschiede der tatsächlichen Herrschaftsformen bewußt außer acht
lassenden Zusammenfassung, so daß die Vorstellung von einem frühen
Regierungsbeginn nicht von der Principatsidee zu trennen ist.
Dies ist zunächst von Bedeutung für die Beurteilung der oben zusam
mengestellten Nachrichten zur Regierungsdauer. Denn auch wenn in
ihnen die spezifische Betrachtung als Principat kaum eine Rolle spielt, ist
es doch deutlich, daß diejenigen Quellen, die die Herrschaft des Augustus
43 oder gar schon 44 v. Chr. beginnen lassen, eher seiner Konzeption ent
sprechen als die, welche den entscheidenden Wendepunkt beim Ende der
Bürgerkriege oder der anschließenden Verfassungsreform ansetzen. Diese
Vorgänge werden vielmehr mit dem Beginn der Monarchie in Verbindung
gebracht, einer Staatsform, die - im Gegensatz zum griechischen Osten,
wo man mit ihr vertraut war — im republikanisch bestimmten Rom weitge
88
hend abgelehnt wurde . So kann auch die Unterteilung der insgesamt 56
in 12 + 44 Jahre kein genuin augusteisches Konzept sein, und zwar nicht
nur deshalb, weil hier der monarchische Charakter der zweiten Phase der
89
Ideologie der res publica restituta widerspricht . Vielmehr paßt auch die
86. RgdA 12. - Eine ähnlich aufschlußreiche Umschreibung findet sich in der griechischen Übersetzung
von RgdA 7, wo \p]rinceps s[enatus...fai]durchπρώτον αξιώματος τόπον εσχον της συνκλήτου
wiedergegeben wird; hier wird anstelle der titularen Rangbezeichnung, die selbstverständlich auch
den Anspruch auf eine allgemeine Stellung als princeps implizierte (s. S P A N N A G E L , op. cit., 342), das
in der Stellung enthaltene Ansehen betont (zu αξίωμα vgl. RgdA 34, 3, wo es für das lateinische
auctoritas steht).
87. Vgl. D R E X L E R , «Principes - princeps» (zit. oben Anm. 11) ; S P A N N A G E L , op. cit., p. 328 mit Anm.
453.
88. Vgl. M A R T I N P. M., L'idée de royauté à Rome, II. Haine de la royauté et séductions monarchique
Clermont-Ferrand, 1994; S P A N N A G E L , op. cit., 284 mit Anm. 174.
89. Zum Konzept der restitutio reipublicae s. C A S T R I T I U S H . , Der römische Prinzipat ab Republik,
Husum, 1982; M A C K I E N.K., «Respublica restituta: A Roman Myth», in D E R O U X , Studies W
(zit. oben Anm. 3), 302-340 ; R I C H & W I L L I A M S «Aureus» (zit. oben Anm. 3), 204 ff. ; S P A N N A G E L ,
op. cit., 328 Anm. 454; B R I N G M A N N K, « Von der res publica amissa zur res publica restituta. Z
zwei Schlagworten aus der Zeit zwischen Republik und Monarchie», in : S P I E L V O G E L (Hrsg.), Res
45
MARTIN SPANNAGEL
publica reperta. Zur Verfassung und Gesellschaft der römischen Republik und des frühen Pri
FestschriftfirJochen Bleicken zum 75. Geburtstag, Stuttgart, 2002, 113-123; T O D I S C O E . , «La r
publica restituta e i Fasti Praenestini, op. cit. », sowie weitere Aufsätze in den Akten des Kolloquium
Nantes, 2007.
90. S. oben Anm. 43.
91. A N D E R S E N H. A, ibid., p. 51 f. hat übrigens bereits die Notiz der ara Narbonensis zum 7. Januar
(s. oben Anm. 56) mit der Vorstellung einesfrühenPrincipatsbeginns in Verbindung gebracht,
diese jedoch primär den Initiatoren der dortigen Kultstiftung zugeschrieben.
92. RgdA 35 ; S U E T . Aug. 101, 4 ; Dio LVI 33,1 ; vgl. S P A N N A G E L , op. cit., 350.
93. Dio LVI 34,4 - 42, 1 ; S U E T . Aug. 100, 3. Vgl. K I E R D O R F W., Laudatio Funebris. Interpretationen
und Untersuchungen zur Entwicklung der römischen Leichenrede, Meisenheim am Glan, 1980, 7
46
A N N O S U N D E V I G I N T I N A T U S . . . DIE RÜCKFÜHRUNG VON AUGUSTUS'PRINCIPAT...
Cassius Dio, in dem als früheste Ereignisse, auf welche Bezug genommen
wird, wiederum jene Vorgänge von 44/43 v. Chr. erscheinen, findet sich
bereits in der Behandlung der Neuordnung des Staates im Januar 27 ; es
ist die Erklärung, mit der der junge Caesar den Verzicht auf seine umfas
94
sende Vormachtstellung bekanntgab , wobei er Dio zufolge sein einstiges
Eingreifen als die - durch die Notlage des Staates veranlaßte - Übernahme
95
der Herrschaft dargestellt hat, die er nun niederzulegen gedächte . Und
schon in den Reden, die er 36 v. Chr. nach dem Sieg über Sex. Pompeius
vor Senat und Volk gehalten und anschließend publiziert hat, hat er laut
Appian seine Werke und seine Politik vom Beginn bis zur damaligen
96
Zeit aufgezählt ; auch hier dürfte also sein Vorgehen im Herbst 44 den
Ausgangspunkt gebildet haben, von dem er wohl damals schon seinen
Führungsanspruch abgeleitet hat. Wenn dies zutrifft, dann war selbst bei
der Entstehung des 'Principats' im Sinne von Mommsens « Römischem
Staatsrecht» die Vorstellung, daß der Schöpfer dieses neuen Systems schon
seit den Anfängen seiner Karriere die Rolle eines princeps erfüllte, längst
vorbereitet.
78; 113; 146 Nr. 26; 150; 154-158; G I U A Μ. Α., «Augusto nel libro 56 della storia romana
di Cassio Dione », Athenaeum 61, 1983, 439-456; K I E R D O R F W., «Funus und consecratio. Zu
Terminologie und Ablauf der römischen Kaiserapotheose», Chiron 16, 1986, 43-69: 56 f.;
SPANNAGEL, op. cit., 338; 351 Anm. 621 ; SWAN P. M., The Augustan Succession: An Historical
Commentary on Cassius Dio's Roman History, Books 55-56 (9 B.C. - A.D. 14), New York, 200
325-339.
94. Dio LUI 2,7 - 11, 1 ; zur Ausgestaltung durch Dio s. M I L L A R F., A Study of Cassius Dio, Oxford,
1964,101 ; R I C H J. W., Cassius Dio. The Augustan Settlement (Roman History 53-55.9), Warmins
1990, 136; ich sehe jedoch keinen zwingenden Grund, weshalb dieser Text nicht auf dem tat
sächlichen Inhalt der damaligen Erklärung beruhen sollte. Auch in seiner Autobiographie dürfte
Augustus das Jahr 43 ausführlich behandelt haben ; vgl. D O B E S C H G., «Nikolaos von Damaskos
und die Selbstbiographie des Augustus », GBl, 1978, 91-174: 174 Anm. 256.
95. Dio LUI 5,1-3; zum Motiv der Notlage vgl. C i c Phil. XI20; APP. Civ. III 41, 169; Dio LV 9,
2. Der Triumvirat, der in der modernen Diskussion über Octavians rechtliche Stellung eine so
große Rolle spielt, bleibt in der Rede vom Januar 27 unerwähnt.
96. APP. Civ. V 130, 539; vgl. P A L M E R R. Ε. Α., «Octavians First Attempt to Restore the
Constitution (36 B.C.) », Athenaeum 56, 1978,_315-328: 319 f. 324 ; Y A V E T Z Z., « The Res Gestae
and Augustus' Public Image», F. M I L L A R - E. S E G A L (Hrsg.), Caesar Augustus. Seven Aspects,
Oxford, 1984, 5; S U M I G.S., Ceremony and Power, op. cit., 205 f. (der vermutet, der Bericht
habe mit der Einrichtung des Triumvirats begonnen) ; R I C H J., « Octavian and the Thunderbolt :
the Temple of Apollo Palatinus and Roman Traditions of Temple Building», CQ 56, 2006,
149-168: 150-152; A S S E N M A K E R P., «CAESAR DIVI F et IMP CAESAR. De la difficulté de
dater des émissions monétaires», M O C H A R T E Gh. et al. (Hrsg.), Liber amicorum Tony Hackens,
Louvain-la-Neuve, 2007, 166. - Möglicherweise ist die Reiterfigur auf einem zwischen 36
2
und 27 v. Chr. geprägten Aureus der CAESAR DIVI F-Serie (RIC I 262) auf die 43 v. Chr.
gestiftete Reiterstatue Octavians (s. oben Anm. 83) zu beziehen, doch ist dies umstritten;
vgl. M A N N S P E R G E R D., «Annos undeviginti natus», art. cit., 331-337; B E R G E M A N N J., Römische
Reiterstatuen, op. cit., 161 f. 171 Kat. M26Taf. 90f; A S S E N M A K E R P., art. cit., 175 f.
47
In What Capacity Did Caesar Octavianus
Restitute the Republic ?
Frederik J. VERVAET
Introduction
1. R I C H J.W. & W I L L I A M S J.H.C., « Leges et Ivra RR Restitvit: A New Aureus of Octavian and the
Settlement of 28-27 BC», NC 159, 1999, p. 169-213.
2. In consulate sexto et septimo, pfojstquam bfellaj ciuilia extinxeram, per consensum uniuers
rerufm omjnium, rem publicam ex mea potestate in senates populique Rom[ani] arbitrium
3. R I C H & WILLIAMS, op. cit., p. 197, 201 & 212
49
FREDERIK J. VERVAET
4. For a summary of this seemingly endless debate, see, e.g., R E I N H O L D M., From Republic to Principate.
An Historical Commentary on Cassius Dios Roman History Books 49-52 (36-29B. C), Atlanta,
p. 224f. and, esp., G I R A R D E T K.M., « Der Rechtsstatus Oktavians im Jahre 32 V. Chr. », RhMlòò,
1990, p. 324 n. 2 & 4 and 325 n. 6 & 7.
5. A P P I A N Be IV, 2 (καινην δέ αρχήνές διόρθωσιν των εμφυλίων νομοθετηθέναι Λεπίδω τε καί
Άντωνίφκαί Καίσαρι, ην επίπενταετές αυτούς αρχειν, ίσον ίσχύουσανύπάτοις) & 4,7 (ένομο-
θέτεικαινην άρχην επίκαταστάσει τωνπαρόντωνέςπενταετές είναι τριών ανδρών, Λεπΐδου
τεκαί Αντωνίουκαί Καίσαρος, ίσον ίσχύουσανύπάτοις) ; for the magistracy being in quinquen
nium, see also A P P I A N 5CV,13, 15 & 43 ; D I O XLVI, 55, 3 & Lrw, Per., 120. In Diu. Aug. 26, 1,
S U E T O N I U S , too, hints at the unprecedented nature of this magistracy: Magistratus atque honores et
ante tempus etquosdam novi generis perpetuosque cepit.
6. On the basis of the Fasti Colotiani, M I L L A R F., «Triumvirate and Principate », JRS 63, 1973, p. 51 ;
B R I N G M A N N Kl., « Das zweite Triumvirat. Bemerkungen zu Mommsens Lehre von der ausser
ordentlichen konstituierenden Gewalt», K N E I S S L P. & L O S E M A N N V. (dir.), Alte Geschichte und
Wissenschaftsgeschichte. Festschrift für Karl Christ zum 65. Geburtstag, Darmstadt, 1988, p.
B L E I C K E N J., Zwischen Republik und Prinzipat: zum Charakter des Zweiten Triumvirats, Göttin
1990, p. 14 & G I R A R D E T , op. cit., p. 329 righdy concluded that 31 December 38 was thefinalday
of thefirsttriumviral quinquennium.
2
7. D E G R A S S I , Inscr. It. 13.1, p. 273 f. (= CIL I p. 64).
50
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
8
τα πρότερα έξεληλύθει, επέτρεψαν . In BC V, 95, Appian, too, relates
that both dynasts renewed their triumvirate for five years, without having
recourse to the People, although he somewhat inaccurately suggests that
their first term "was about expiring" at this time :έπεί δε ό χρόνος αύτοις
έληγε της αρχής, ή τοις τρισίν έψήφιστο άνδράσιν, έτέραν έαυτοις
9
ωριζονπενταετΐαν, ουδέν ετι του δήμου δεηθέντες .
There are, however, several indications that strongly suggest that well
before the expiry of their first statutory quinquennium, Caesar Octavianus
and Marcus Antonius had already decided to stay in office beyond
December 38. Dios observation in XLVI, 55, 3 that the quinquennial
duration of the triumvirate was merely pretence, and that the triumvirs
really intended to stay in power permanently can probably be explained
10
as retrospective insight . In XLVIII, 36, 4f, however, Dio records that at
the pact of Puteoli in 39, Caesar Octavianus and Marcus Antonius conce
ded that, among other things, Sextus Pompeius "should be chosen consul
and appointed augur... and should govern Sicily, Sardinia and Achaea for
n
five years " . This arrangement virtually proves that already at that time,
12
Caesars chief heirs had decided to cling to the triumvirate after 38 . It is
simply inconceivable that they should have abandoned their office at the
end of 38 whilst leaving their arch-rival in command of a most strategic
province with a formidablefleetand for the next five years.
The two leading triumvirs' decision to appoint the consuls-designate
for several years past 38 is equally revealing of their intent to retain their
plenipotentiary magistracies after the first quinquennium. In XLVIII, 35, 1,
Dio claims that yet before the compact of Puteoli, the triumvirs appointed
8. Although the use of the plusquamperfectum speaks for itself, Dios subsequent clarification (in
XLIX, 1,1) that "all this happened in the winter in which Lucius Gellius and Cocceius Nerva
became consuls" strongly suggests that the summit between Octavianus and Antonius took place
during the second half of 37. In XLIX, 23, If., Dio explicitly indicates that Antonius spent the
entire year 37 in reaching Italy and returning again to Syria. Therefore, B R O U G H T O N T.R.S., The
2
Magistrates of the Roman Republic, Vol. 2 (= MRR 2), Ann Arbor, 1968 , p. 396 wrongly claims
that the meeting at Tarentum took place in the spring of 37, obviously on the basis of A P P I A N ,
BCVy 93. Although Appian indeed writes that Antonius set sail for Italy at the beginning of the
spring of 37, the rest of his account clearly shows Octavianus deliberately caused a protracted delay,
among other reasons because his own warships had to be finishedfirst.Since both Dio (XLVIII,
54,7) and APPIAN (BC V, 95) tell us that Antonius hastened back to Syria after the meeting, and
Dio (XLIX, 23) explains that his return to Italy cost him the opportunity offered by a year of
dynastic struggles in Parthia, Antonius cannot have been back before late in 37, which further
suggests a meeting in the late summer or even autumn of that year.
9. GABBA E., "La datafinaledel secondo triumvirale", RFIC9S, 1970, p. 10 brands Appians use of
the aorist as "una gravissima inesattezza", since thefirstterm had come to an end on 31 December
38. In my opinion, Appian is simply being a bit confused as regards the precise chronology of the
first triumviral quinquennium.
10. Compare Dios similar comment (in XLVIII, 36, 6) on the fact that Octavianus and M. Antonius
granted Sextus Pompeius a quinquennial command in 39 : "They limited him to this period of
time because they wished it to appear that they also were holding a temporary and not a permanent
authority."
11. As praefectus classis et orae maritimae - contra B R O U G H T O N , MRR 2, p. 388 : "Probably Proconsu
of Sicily, Sardinia, and Corsica."
12. APPIAN suggests in BCV, 13 & esp. 15 that the triumvirs were planning on a second quinquenium
as early as 41, before the outbreak of the bellum Perusinum.
51
FREDERIK J. VERVAET
the consuls-designate for no less than eight consecutive years, viz. from 38
up to and including 31. The treaty of Puteoli must have involved a subs
tantial adjustment of this settlement, since Dio subsequently indicates in
XLVIII, 36, 4f that Sextus Pompeius fetched in a number of magistracies
and priesthoods for his partisans and himself. Finally, in L, 10, 1, at the
very outset of his account of the decisive year 31, Dio calls to mind that
before Marcus Antonius deposition, it had been the original plan for him
and Octavianus to jointly hold this year s consulship, and explains that this
arrangement had been made "at the time when they settled the offices for
13
eight years at once, and this was the last year of the period " . In 5CV, 73,
however, Appian records that on the second day of the Puteoli summit,
άπέφηναν δέ της έπιούσης ύπατους ές τετραετές Άντώνιον μεν και
Λίβωνα πρώτους, αντικαθιστάντος δμα>£ Αντωνίου, δν αν βούλοιτο, ém
δ ^έκεινοις Καίσαρα τε καίΠομπήιον, είτα Άηνόβαρβον καιΣόσιον, ειτ'
αύθις Άντώνιον τε καί Καίσαρα, τρίτον δή τότε μέλλοντας ύπατεύσειν
καί έλπιζομένους τότε και άποδώσειν τφ δήμω πολιτείαν.
"they designated the consuls for the next four years, for the first year
Antonius and Libo, Antonius being privileged to substitute whomever he
liked in his own place ; next Caesar and Pompeius; next Ahenobarbus and
Sosius ; and,finally,Antonius and Caesar again ; and as they would then
be consuls the third time it was expected that they would then restore the
government to the people".
Apart from the apparent contradiction between both accounts, each ver
sion is problematic in itself. Even though it is obvious that in 39, the trium
virs were planning on a second quinquennium from 37 up to and including
33, Dio's assertion that they designated the consuls as far ahead as 31,
two years past the expiry of their second term, strains belief. The problem
with Appian is that according to his scheme, the consuls-designate for the
next four years were M . Antonius & L. Scribonius Libo (38), Octavianus
& Sextus Pompeius Magnus Pius (37), Cn. Domitius Ahenobarbus
& C. Sosius (36) and M . Antonius & Octavianus (35), whereas in reality,
the ordinary consulships of these years were held by Ap. Claudius Pulcher
& C. Norbanus Flaccus (38), M . Vipsanius Agrippa & L. Caninius Gallus
(37), L. Gellius Publicola & M . Cocceius Nerva (36) and Sex. Pompeius
& L. Cornificius (35). At any rate, the fact that the consulships of 37
were held by none other than Agrippa and L. Caninius Gallus strongly
suggests that the consulships of 38 and 37 had already been designated
before the pact of Puteoli. Since the first triumviral term would lapse on
January 1,37, Octavianus and M . Antonius had to make sure that the consuls
of that year would be loyal and trustworthy partisans, as an additional pre
14
cautionary measure . Therefore, it is more likely that the short-lived agree
ment of Puteoli settled the magistracies for the years 36 up to and including
52
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
33 and that Appian produces the original list of consuls-designate for these
years. This reconstruction perfectly accounts for Appians valuable notes
{BC V, 72) that Pompeius was granted the privilege to hold his consulship
in absentia, "through any friend he might choose", and that he "should
govern Sardinia, Sicily, and Corsica, and any other islands in his possession,
as long as Antonius and Caesar should hold sway over the other countries".
If we accept that the three peacemakers of Puteoli partitioned consulships
and provincial commands from 36 through 33, then everything makes
perfect sense indeed. The triumvirs were to add another quinquennium to
their tenure, beginning 1 January 37 and conveniently capped by the joint
third consulship of M . Antonius and Octavianus in 33. I f need be, M .
Antonius, who had ambitious plans of his own in the East, could appoint
a suffect consul at his own discretion in 36. Sextus Pompeius, finally, was
to hold his powerful naval command from January 38 till January 33, with
the right to hold the consulship of 35 in absentia. As Appian emphatically
indicates that the triumvirs were expected to abdicate their office during the
third consulship of Antonius and Octavianus, a solemn return to constitu
tional normality in, perhaps, January of that year would indeed imply that
15
Pompeius had held his command as long as the triumvirs theirs . History,
however, decided otherwise, as the renewal of mortal struggle between
Octavianus and Sextus Pompeius from 38 and M . Antonius' cumbersome
military campaigns and preparations in the East meant that the treaty of
1<s
Puteoli and much of its planning was to remain dead letter .
Although most scholars now believe that the grant of 37 retroactively
renewed the triumvirate from 1 January of that year, which by definition
17
implies that the second term was to lapse on 1 January 32 , there is every
indication that the second quinquennium officially ran from 1 January 36.
First, Appian produces some unequivocal evidence in Ilfyr., 28, where he
records that,
Νουμηνίςι δ ' έτους άρξάμενος ύπατεύειν, και την αρχήν αυτής
ημέρας παραδους Αύτρωνίςρ Παίτφ, ευθύς έξέθορεν αύθις επί τους
Δαλμάτας, άρχων έτι τήν των τριών αρχήν* δύογαρ έλειπεν έτη τή
δευτέρα πενταετία τήσδε τής αρχής, ην επί τή πρότερα σφίσιν αύτοις
έψηφίσαντο καί ό δήμος έπεκεκυρώκει.
"Entering upon his new consulship on the Kalends of January, and deli
vering the government to Autronius Paetus the same day, he started back
to Dalmatia at once, being still triumvir ; for two years remained of the
15. Contra, e.g., B R O U G H T O N , MRR 2, p. 388, 392, 397, 402 & 408, who systematically terms Sextus
Pompeius "Cos. Desig. 33", which indicates that he believes that Pompeius at Puteoli gained the
consulship of 33, i.e., the year after hisfive-yearcommand, and that A P P I A N in BC V, 73 produces
the names of the consuls of the last four years of the alleged eight-year arrangement of 39. Had
Sextus Pompeius really been appointed consul-designate for 33, thefirstyear after his quinquennial
command, his privilege to hold the consulship in absentia would have made no sense at all.
16. For brief outlines of the most important events of 38 and 37, see B R O U G H T O N , MRR 2, p. 390-392
&396.
17. For what is by now the standard view, see also B R O U G H T O N , MRR 2, p. 396 : "A second term of
five years, counting retroactivelyfromthe end of thefirston December 31, 38."
53
FREDERIK J. VERVAET
second five-year period which the triumvirs themselves had ordained and
the People confirmed."
18. Among others, B R I N G M A N N , op. cit., p. 28 & G A B B A , op. cit., p. 10 rightly conclude that the tri
umvirs* decision to extend their tenure by another quinquennium was ratified by the People. Con
U., « Sui limiti di durata delle magistrature romane », Studi in onore di Vincenzo Arangio- Ruiz
nelXLVanno del suo insegnamento, Napoli, 1953, p. 415 makes the rather implausible suggestion
that only Octavian, "volendo apparire più rispettoso dei limiti costituzionali", bothered to have
the People ratify his second term.
19. G A B B A , op. cit., p. 11, followed by, e.g., A N E L L O P., « Lafinedel secondo triumvirato »,Φιλίας
χάριν - Miscellanea di studi classici in onore di E. Mannt, I, Roma, 1980, p. 109ff. M O M M S E N
3
Th., Römisches Staatsrecht, Leipzig 1887 , p. 718 n. 1 & B L E I C H E N , op. cit., p. 14 n. 28 reject this
evidence from Appian.
20. The year 37 turned out to be a veritable interlude in many respects (comp. Dio XLXI, 23, 1). This
irregular situation not only confused modern scholars, since Appians potentially misleading state
ment that thefirsttriumviral term was "expiring" (BCV, 95) at the time of the second five-year
grant is at odds with his unambiguous explanation in Illyr., 28 and wrongly creates the impression
that the first triumviral quinquennium ran from January 41 to January 36.
21. In L, 3,2, Dio records that Octavianus again convened the Senate after the departure of the consuls
of 32. See, e.g., G E L L . XIV, 7, 5 for the fact that, extraordinario iure, the triumuiri r.p.c causa had
the ius consulendi senatum.
22. As A P P I A N in BCIV, 7 indicates that Octavianus, Antonius and Lepidus in 43 entered Rome
with their respective praetorian cohorts and one legion each, it is clear that the lex Titia merely
sanctioned a privilege that they had already appropriated for themselves.
54
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
23
formal replacement by M . Valerius Messalla Corvinus early in 3 2 , he
and Octavianus were scheduled to jointly hold the consulship precisely in
31 makes perfect sense only if one takes Appian s note in Illyr., 28 at face
value. In the above, it has been argued that as part of the decision-making
at Puteoli, the consulships as well as other public offices were assigned
for the period 36-33. In XLVIII, 54, 6, Dio records that at Tarentum in
37, Octavianus and Antonius inevitably deprived Sextus Pompeius of his
augurate as well as of the consulship to which he had been appointed.
Since Dio proceeds to tell that this meeting also occasioned the postponed
extension of the triumvirate by another five years (cf. supra), it should not
be doubted that the triumvirs decided on a reshuffle of existing arrange
ments concerning the years 36 (L. Gellius Publicola & M . Cocceius Nerva),
24
35 (Sex. Pompeius & L. Cornificius), 34 (M. Antonius & L. Scribonius
Libo) and 33 (Octavianus & L. Volcatius Tullus), completed with a series
of additional designations for 32 (Cn. Domitius Ahenobarbus & C. Sosius)
25
and, finally, 31 (M. Antonius & Octavianus) . A considerable change of
the political constellation simply required a comprehensive and expedient
new arrangement. As the second quinquennium was now bound to expire
on January 1,31, Antonius and Octavianus made sure that their long
planned joint consulship should conveniently close their second triumviral
26
term . This projected calendar must have fed the expectation that at long
last, they intended to abdicate their triumvirate and so restore the traditio
nal political order either at the very end of 32, or, more probably, as consules
tertium on January 1,31.
In 1953, the Italian historian Ugo Coli wrote a brilliant but sorely
ignored paper on the temporal limitation of Roman magistracies in which
he deepens and significandy improves the relevant views of Th. Mommsen.
It is this pioneering study that holds the true key to resolve the question
of Octavianus official position from January 31 to the historic settlement
27
of January 27 .
23. BROUGHTON, MRR 2, p. 4l9f.
24. To my thinking, Sextus Pompeius Magnus Pius* replacement by another Sextus Pompeius was a
deliberate choice that was meant both as a sarcastic insult to the former and a public hint that even
Pompeii were eligible for the hightest honours if loyal and obedient.
25. As APPIAN (BC V, 73) lists Antonius and Libo for 38 (= 36) ; Octavianus and Sextus Pompeius
for 37 (= 35) ; Ahenobarbus and Sosius for 36 (= 34) ; and Antonius and Octavianus for 35
(= 33), all but one of the designations of Puteoli were simply postponed by two years, whereas new
arrangements had to be made for 36 and 35.
26. Dios untenable claim that the triumvirs in 39 assigned the consulships for the next eight years
becomes perfecdy explicable if we assume that he lumps the multi-year designations of 39 and 37
together and mistakenly believes the original arrangement of 39 to include the years 38 and 37,
too.
27. «Sui limiti di durata delle magistrature romane», Studi in onore di Vincenzo Arangio-Ruiz nelXLV
anno del suo insegnamento, Napoli, 1953, p. 395-418. This fundamental paper being published
in a Festschrift rather than in a journal probably accounts for its unfortunate and undeserved
obscurity.
55
FREDERIK J. VERVAET
Coli first points out that, whereas the basic principles of the Republican
polity required all Roman magistracies be ad tempus, some were ad tern-
pus certum, with a well-defined duration, and others ad tempus incertum,
without a fixed term. Given the continuous indispensability of their func
tions, the consulship and all other permanently recurring magistracies were
limited to one year. Those magistracies, however, that carried exceptional or
unusual responsibilities had inherent temporal limitations, since their raison
d'être ceased to exist from the moment their designated task was fulfilled.
The best know examples of the latter category are the dictatorship, its dif
ferent causae defining its specific functions, and the censura. Although the
dictatura rei gerundae causa and the censorship were indeed limited to six
and eighteen months respectively, these tempora were meant as maximum
terms for the completion of the set task.
In correlation with this sharp distinction there also existed a fundamen
tal difference as regards the cessano of both categories of magistracies. Once
their term expired, the magistratus annui lapsed automatically, ipso iure. If
they had not been granted the right to further exercise the potestas of the
magistracy concerned by virtue of explicit prorogation (again ad tempus
certum or incertum), their occupants irreversibly became private citizens.
This form of cessano was termed magistratu abire and was an involuntary
28
act . The magistracies ad tempus incertum, however, could not cease ipso
iure, since their occupants had to abdicate, i.e., to commit the act of uolun-
tate abire magistratu. On the one hand, it was indeed generally expected
that the magistrate concerned should lay down his office as soon as the task
to which he had been appointed was completed. From this very moment,
there no longer was any cause for the magistracy and staying in office
was considered a censurable abuse. On the other hand, these magistrates
nonetheless continued to hold office until formal and explicit abdication.
Against Th. Mommsen, Coli rightly insists that even the tempora of the
dictatura ret gerundae and the censura did not involve automatical termi
nation, as formal abdication was still required to make these offices cease.
Coli explains that these tempora were purely comminatory, indicating the
29
absolute maximum term for completion of the set task , and continues to
argue that the same was true for the terms of all magistracies that were crea
ted outside the regular order of the magistratus annui. For this quite diverse
category of magistracies with extraordinary or unusual commissions, like,
28. Contra L A N G E L . , who confounds both procedures, C O L I 404 rightly explains that "il giuramento
in leges e il discorso in contione erano formalità άάΥ abire magistrato, paragonabili alle formalità
dell'aia? magistratum; ma Y abire magistratu, ossia l'uscita dalla carica, poteva aver luogo automati
camente, per l'arrivo della scadenzafissa,ο volontariamente, per abdicazione. L'abdicazione veniva
fatta dal magistrato che non era soggetto ο non era ancora soggetto a perdere la carica per effetto
della scadenza".
29. C O L I , op. cit., p. 406 : "Essi erano dei termini puramente comminatorii, entro i quali il dittatore
e i censori dovevano assolvere i rispettivi incarichi e abdicare, ma la carica cassava pur sempre con
l'abdicazione e non con lo spirare dei termini" ; comp, also p. 408 : "Il termine Massimo fissato
dalla legge alla durata di queste magistrature non aveva altro scopo se non d'impedire che i loro
titolari impiegassero troppo tempo a esaurire quelle incombenze."
56
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
e.g., the dictatorship and the magisterium equitum, the censura, the IHuiri
00
mensarii, the III/XXuiri agris dandis adsignandis or coloniae deducendae,
de Iluiri aedi dedicandaellocandae and the Iluiri classis ornandae reficien-
daeque, the procedure of abdicare se magistratu was, apart from, of course,
31
the occupants decease or abrogation, the only possible means to end .
It is, at any rate, most important to emphasize that under normal circums
tances, continuatio of these magistracies was highly unlikely, regardless of
this remarkable common feature. First, there was the unwritten rule that
the occupant should abdicate his magistracy immediately upon execution
of his chief and only task. Secondly, the possible additional definition of
a maximum term of fulfillment necessarily implied the threat of criminal
prosecution in case of continuation past the terminus ante quern without
proper authorization or a generally accepted ratio publica.
Concerning the triumuiratus r.p.c, Coli correctly indicates that the very
fact that the triumvirs stayed in office past 31 December 38 shows that
that the triumviral quinquennium was a comminatory term. As regards the
second triumviral quinquennium, Coli points out that Marcus Antonius
considered himself triumvir until his death in 30, and cautiously suggests
that if Octavianus had not already abdicated at the end of 32, he did so
only in January 27. Therefore, Coli rightly concludes that,
"Comunque è positivo che nè il primo nè il secondo termine avevano
efficacia estintiva di pien diritto e che la magistratura triumvirale poteva
32
cessare solamente con l'abdicazione dei suoi titolari ."
30. COLI,op. cit., p. 4l2f., suggests that the constitutive lex Sempronia of 133 provided for the annual
election of IHuiri agris assignandis and that, until its annulment by the lex Thoria (dated by C O L I
to 118), this Gracchan magistracy thus lapsed ipso iure after the expiry of the annual term. In a
forthcoming article, C. J. D A R T , « The Impact of the Gracchan Land Commission and the Dandis
Power of the Triumvirs », Hermes 137, 2009 will demonstrate that, in perfect keeping with tradi
tion, this land commission, too, was ad tempus incertum.
31. COLI, op. at., p. 397-412. Although C O L I (p. 41 If.) insists "che la distinzione fra magistrature
permanenti e non permanenti non coincide con la distinzione fra magistrature ordinarie ο straor
dinarie", it is important to ascertain that all non-annual magistracies alike could only end by means
of formal abdication on the part of the occupant, and that the so-called extraordinary magistracies
always belonged to the category of the non-annual magistracies.
32. COLI, op. cit., p. 406 & 415. In case Octavianus had indeed abdicated the triumvirate in December
32, Coli suggests that he at any rate continued to wield the triumuiralispotestas until January 27.
COLI (op. cit., p. 413 & 415) righdy explains that whereas the triumvirate r.p.c. and Sullas dicta
torship both belonged to the category of magistracies that could only cease to exist by virtue of
abdication, the latter office simply lacked afixed,comminatory term for completion of its specific
task. For a discussion of this and all other constitutional aspects of Sulla's unprecedented dictator
ship, see VERVAET HJ., «The Lex Valeria and Sullas Empowerment as Dictator*, CCG 15, 2004,
p. 37-84.
33. For Lepidus' deposition, see, e.g., Dio XLLX, 12, 3f. & A P P I A N BC V, 126. For SPQR depriving
M. Antonius of all his official authority in 32, see Dio L, 4, 3. C O L I apparendy overlooks statutory
abrogation as an "external" means to terminate an extraordinary magistracy.
57
FREDERIK J. VERVAET
58
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
term of office. If you had begun this reform you alone would have reaped
the glory. Since I was not able to persuade you, I thought to march against
the City and to use force, being a citizen, a nobleman, and a consul. These
are the causes of the war I waged and these alone : not my brother, nor
Manius, nor Fulvia, nor the colonization of those who fought at Philippi,
nor pity for the cultivators who were deprived of their holdings, since
I myself appointed the leaders of colonies to my brothers legions who
deprived the cultivators of their possessions and divided them among the
soldiers. Yet you brought this charge against me before the soldiers, shifting
the cause of the war from yourself to the land distribution, and in this
way chiefly you drew them to your side and overcame me, for they were
persuaded that I was warring against them, and that they were defending
themselves against my wrong-doing. You certainly needed to use artifice
while you were waging war. Now that you have conquered, if you are the
enemy of the Fatherland you must consider me your enemy also, since I
wished what I thought was for her advantage, but was prevented by famine
34
from accomplishing it ."
L. Antonius explains that the destruction of Cassius and Brutus had
been the main cause for the creation of an unprecedented, plenipotenti
ary magistracy and the temporary suspension of the traditional balance of
power. He next clarifies that after Philippi there was no further reason for
the triumvirate to exist, especially since what at first was an instrument for
restoring order in the Republic now became a source of fear and continued
armed strife. Therefore, Antonius claims, he as consul demanded the resti
tution of consular supremacy and the traditional order, something which
could, of course, only be realized through the triumvirs formal abdication.
Antonius next insists that he had even hoped for his brother to return to
Rome and make this dream come true during his own consular tenure,
and blames Octavianus for not having induced this glorious return to nor
malcy by abdicating first on his own initiative. As there were still almost
three years left of the (first) quinquennial tempus at the time of Lucius
capitulation address, this argument becomes perfectly clear only i f one
fully considers the specific nature of the triumviral tempus and that of all
non-annual magistracies alike, regardless of his note that the triumviral
term, too, continued to run out. I f the triumvirate and its term had had the
qualities and characteristics of, for example, the consulship and its tempus,
both the tenor and the timing of these words would be quite nonsensical
indeed.
January 31 to January 27 :
Caesar's discretely clouded continuano
Since almost all scholars believe the triumvirate to have lapsed on either
1 January 32 or 1 January 31, it should not come as a surprise that there
exists a great variety of divergent theories on Octavianus official position
59
FREDERIK J. VERVAET
until the settlement of January 27. For the growing majority of historians
who believe the Second Triumvirate to have ended on 31 December 33,
the year 32 has caused additional headaches. Some scholars think that
Octavianus heavily relied on the consensus uniuersorum mentioned in
RG 34, 1, wrongly lumped together with the oath of 32 (RG 25, 2), to
35
wield discretionary and overriding powers . In a more elaborate attempt
to solve the problem, K.M. Girardet argues that Octavianus ceased to be
triumvir after 33 but continued command his vast prouincia (the Western
provinces plus the war against Egypt) by virtue of the so-called consukre
imperium militine, first pro consule in 32 and from 31 through his succes
36
sive consulships . J.-M. Roddaz rightly objects, however, that - among
many other problems - this hypothesis requires its adherents to believe
that Octavianus did not cross the pomerium at all in 32 and necessitates a
rather desperate demonstration that all acts of this year in which he played
37
a prominent role actually took place outside the Urbs . J.-M. Roddaz
currently is the chief advocate of the hypothesis that Octavianus simply
continued to exercise his triumviral powers till the arrangements of 28
and 27. Although Roddaz, too, believes "La charge et le titre de trium
<< ,,
vir" to have lapsed certainement on 31 December 33, he convincingly
demonstrates that both M . Antonius and Octavianus continued to wield
00
the triumuiralispotestas from 32, just like they had already done in 37,
35. Sec, for example, R I C H & W I L L I A M S , op. cit., p. 188 : "The triumvirate, belatedly renewed in 37,
expired at the end of 33. Octavian, however, continued to exercise extensive powers, and his defeat
of Antony in 31-30 made him sole ruler of the Roman world. From 31 he held the consulship
continuously, but his power did not rest on any formal basis. In the Res Gestae (34,1, cited below)
he claimed rather to have been in possession of supreme power by universal consent. This consent
had received symbolic expression in the oath sworn in 32 by the people of Italy and the western
provinces, demanding him as leader in the war which he won at Actium (RG 25, 2)"
36. G I R A R D E T , op. cit., p. 324ff. (comp, also I D . , "Die Entmachtung des Konsulates im Übergang von
der Republik zur Monarchie und die Rechtsgrundlagen des Augusteischen Prinzipats", G Ö R L E R W.
& K O S T E R S. [dir.], Pratum Saraviense, FestgabefirPeter Steinmetz, Stuttgart, 1990, p. 100-104
"Zur Diskussion um das imperium consulare militiae im 1. Jh. v. Chr.", CCG 3, 1992, p. 217);
for a more or less similar argument, see already B E N A R I O H„ "Octavians Status in 32 B.C.",
Chiron 5, 1975, p. 301-309. Girardet's argument is based on his erroneous view {op. cit.
"Entmachtung", p. 96f. ; accepted by R O D D A Z J.-M., "La Métamorphose : d'Octavien à Auguste",
Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux, 2003, p. 403) that the consukre imperium of the tri
umvirs consisted of two distinct components, viz. the (consulare) imperium domi and the (consul-
are) imperium militiae. Inevitably, however, Girardet {op. cit. "Rechtsstatus", p. 347-350) has to
speculate that in 32, on the demand of tota Italia {Res Gestae 25, 2), Senate and People invested
Octavianus with "die prouincia 'Krieg gegen Kleopatra"', and that, "Ganz sicher sind ihm auch
noch - und wieder ohne daß man aus den Res gestae Einzelnes erführe - gewisse Privilegien zuer
kannt worden, die seine Rechtsstellung angesichts der 'Bedrohung aus dem Osten wohl derjenigen
annäherten, die er bis 33 v. Chr. als IHuir innegehabt hatte", a situation that lasted until the mea
sures of 28/27. For the view that after 33, the consulship was Octavianus' only public office, see
also M I L L A R F., "The First Revolution : Imperator Caesar, 36-28 BC", La revolution romaine après
Ronald Syme, bilans et perspectives, Fondation Hardt, Genève, 2000, p. 3 : "After the termination
of the Triumvirate, at the end of 33, as is now generally agreed, the only official element which
distinguished him was the successive consulates, current or prospective, of31, 30, 29, 28 and 27"
& p. 22 : in 32, "his only public position was as consul désignants for the third time for 31".
37. R O D D A Z , op.cit., p. 405f. Roddaz (p. 406) righdy observes that Dio L, 2,4 unambiguously shows
that Octavianus had been present in Rome (= intra urbem) at the outset of 32. Roddaz (406f.) also
demolishes the suggestion that from 31 to 27, Octavianus exclusively relied on the consulship as
his legal power base.
38. S E N E C A Dial. XI, 16, 1 : triumuiralispotestas.
60
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
39. RODDAZ, op.cit., p. 397-418 ; esp. 405-409. In this paper, Roddaz further refines an argument first
developed in a paper from 1992 which was more or less a critical assessment of Girardet's view to
the point.
40. Although R O D D A Z , op.cit., p. 403 rightly explains that "le triumvirat na pas crée un nouvel ordre
constitutionel - tel n'était pas d'ailleurs l'objectif proclamé dans la titulature- mais s'est surimposé
aux institutions républicaines sans toutefois les faire disparaître", he wrongly claims that "il est, en
effet, difficile de concevoir, à cette époque, un commandement dans le domaine provincial autre
qu'un proconsulat avec un imperium militiae consulare et Y imperium triumviral en dehors de l'Italie
était X imperium militiae des consuls qu'ils exerçaient pro consule" - comp, also p. 404 : "La nature
de Ximperium des triumvirs était fondé principalement sur les compétences militiae" and defines
them as "gouvernants pro magistrate". As regards the provincial commanders of the triumviral
era, Roddaz (loc. cit.) draws a distinction between the legati (propr.) and the "autres proconsuls".
Although the triumvirs certainly relied on their vast armies to impose their overriding authority,
it still concerns a magistrates Populi Romani with consulare imperium and a series of prerogatives
domi militiaeque. It would at any rate be a grave mistake to consider the triumvirate as a sort of
unprecedented promagistracy even if only in the militiae sphere.
41. RODDAZ, op. cit., p. 409.
42. Dio, L, 4,3.
61
F RED ERIK J. VERVAET
43. For this speech I have used the excellent translation by R I C H J . , Cassius Dio. The Augustan Settlement
(Roman History 52-55.9), Warminster 1990, slightly modified where necessary.
44. LIII, 3,3 (νυν δ* οπότε ευθύςκαί τήμερον επακολουθήσει τοέργον αύτφ).
45. Dio, L, 7, If.
62
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
that you may learn from my actions themselves that I did not set out from
the start to win a position of power, but genuinely wanted to avenge my
father, who had been foully murdered, and to rescue the City from the great
46
troubles that assailed it one after another ."
Caesar Octavianus proceeds to complain that the job of triumvir r.p.c.
was forced upon him by the Romans themselves, and that the survival of
Rome had always been his only goal. As he has now accomplished his task
of preserving the Republic, he gladly resigns to make way for SPQR to fully
resume their traditional roles and exercise their customary prerogatives :
επειδή δε καλώς ποιούσα ή τύχη καί τήν ειρήνην αδολον καί τήν
δμόνοιαν άστασίαστον δι' έμοΰ ύμιν άποδέδωκεν, απολάβετε καί τήν
έλευθερίαν και τήν δημοκρατίαν, κομίσασθε και τα δπλα και τα εθνη
τα ύπήκοα,και πολιτεύεσθε ωσπερ είώθειτε.
"Since fortune has smiled on you and, through my agency, has restored
to you unsullied peace and undisturbed harmony, receive back freedom and
democracy, take back the armies and the provinces, and govern yourselves
47
as you used to do ."
In return for abdicating his omnipotent magistracy, he shall earn eternal
glory:
αν τεκαι το εύκλεές, ούπερ ένεκα πολλοίκαι πολεμειν και κινδυνεύ-
ειν πολλάκις αίροϋνται, πώς μεν ουκ εύδοξότατόν μοι εσται τηλικαύτης
αρχής άφέσθαι, πώς δ' ούκ εύκλεέστατον εκ τοσούτου ηγεμονίας δγκου
έθελοντΐ ιδιωτεΰσαι; ωστ' εί'τις υμών άπιστει ταΰτ' δντως τινά άλλον
και φρονήσαι έπ' αληθείας και ειπείν δύνασθαι, εμοιγε πιστευσάτω.
"If glory is made the criterion, for whose sake many choose to go to war
and risk their lives, what could be more glorious than for me to give up so
great an office ? What could bring me greater fame than from so exalted a
position of power to become a private citizen of my own free will ? Thus
if there is any of you who does not believe that any one else could really
decide in earnest to do what I am doing and announce it, at least let him
48
believe it of me ."
Although the statement that he had now become a private citizen is
rhetorical to the extent that he was still holding the consulship of 27, it
perfectlyfitsthe procedure of abdicare se magistrate which normally auto
matically implied the occupant s return to the status of priuatus.
After making the boastful claim that his decision to lay aside his monar
chical position surpassed "the deeds of all our forefathers in the whole of
our previous history", Caesar Octavianus in quite modest words calls to
mind that the rule that abdication from a non-annual magistracy like the
triumvirate still remained a wholly voluntary act was particularly true in
his case:
63
FREDERIK J. VERVAET
In light of the above, it should not be doubted that Dio here describes
Caesar Octavianus' abdication (speech). Only i f one understands these
64
IN WHAT CAPACITYDID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
53. Compare OVID, who in his Fasti (I, 589f.) relates that, Redditaque est omnispopuloprouincia nostro
let tuns Augusto nomine d'ictus auus: 'On that day [i.e., on 13, January 27], too, every province w
restored to our people, and thy grandsire received the title of Augustus."
54. M I L L A R , op. cit.
55. /1577.
65
FREDERIK J. VERVAET
from 31, placing the emphasis entirely on his successive imperial salutations
56
and consulships . After defeating Antonius and Cleopatra, he orchestrated
a phased return to normalcy and (temporary) consular supremacy, a process
culminating in the theatrical and momentous acts of 28 and January 27.
During these crucial years, too, Octavianus consistently presented himself
as Imperator Caesar Diui Iuli filius and consul rather than as triumuir: see,
e.g., ILS 79 (31 : cos. Ill) ; ILS 80 (29 : cos. V) ; the famous inscription from
his campsite memorial in Nicopolis (29 : Imperator Caesar diui filius, cos. V
7
& imp. VIP ) ; ILS 81 (29 : Senatus Populusque Romanus Imp. Caesari diui
Iulif. cos. quinct. cos. design, sext., imp. sept., re publica conseruatd) ; a letter
of his to Ephesus (29 BCE: [Αυτοκράτωρ Καίσαρ θε]οΰ υιός, ύπατος
5 8
το ε, αυτοκράτωρ το ζ ) ; and, of course, his remarkable aureus of 28
59
(obv. : IMP-CAESAR- DIVLF>COS-VI) . In sum, Octavianus and, after
his example, the Senate and the People of Rome completely ceased to style
him (self) as triumuir from 31, when the second triumviral quinquennium
had expired. Henceforth the emphasis was invariably placed on the unique
name he had assumed from 38 at the latest, viz. Imperator Caesar diui filius,
on his successive consulships(-elect) and on his cumulative imperatorial
salutations, regardless of the fact that he stuck to his triumvirate and its
vast powers until its grand finale on 13 January 27.
There is every indication that after he had reinvented himself as
Imperator Caesar Augustus and laid the foundations of his New Order
from 27 to 19, Octavianus decided to regularize and correct his past and so
further obscure the truth about his prolonged continuation for all posterity.
In his Res Gestae from 13 C.E., he makes the notorious claim to have held
the triumvirate per continuos annos decern, a highly biased version of history
indiscriminately reproduced by Suetonius in Diu. Aug. 27.1 : Triumuiratum
m
ret p. constituendae per decern annos administrauit . As this term perfectly
corresponds with the triumvirs' two official quinquennial tempora and since
the Fasti Consulares list Lepidus, Antonius and Imperator Caesar as triu
61
mvirs for the year 37 , there is every reason to believe that Augustus had
the second triumviral term follow directly on the first one, running from
62
1 January 37 to 31 December 33 .
56. Roman Documentsfromthe Greek East. Senatus Consulta and Epistulae to the
SHERK R . K . ,
of Augustus, Baltimore, 1969, nr. 58 ; see esp. 11. 73f. (31 BCE : imp. VI, cos. III, cos. desig. IV)
& 11. 85f. (30 BCE : imp. VI, cos. IV).
57. For the most recent reconstruction of this inscription, see MURRAY W.M. & PETSAS P.M.,
'Octavians Campsite Memorial for the Actian War", Transactions of the American Philosophical
Society. Vol. 79 Part 4. Philadelphia, The American Philosophical Society, 1989, p. 86.
58. AE1993, 1461 = KNIBBE D., ENGELMANN Η. & IPLIKÇIOGLU Β., "Neue Inschriften aus Ephesos
YirjÖAIGl, 1993, Hauptblatt, p. 113-150, no. 2.
59. R I C H & WILLIAMS, op. cit., p. 169.
60. BLEICKEN, op. cit., p. 13 n. 29 rightly deduces that Suetonius must have used either the Res Gestae
or Augustus' memoirs.
61. DEGRASSI, Inscr. It. XIII, 1, p. 58f.
62. Since Dio records in L, 3, 1-3 that Antonius' divorce of Octavia was one of the reasons for Titius
and Plancus to team up with Octavianus early in 32, it is clear that Livy's epitomator {Per. 132)
believes the second tempus to have lapsed on 31 December 33. Apart from the fact that this suggests
66
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
At last, in his sixth consulship, Augustus Caesar, feeling his power secure,
cancelled the behests of his triumvirate, and presented us with laws to serve
our needs in peace and under a prince.
Dio further completes Tacitus' summary note in LIII, 2, 5 :
επειδή τε πολλά πάνυ κατά τε τάς στάσεις καν τοις πολέμοις, άλλως
τε καί έν τη του Αντωνίου του τε-Λεπίδου συναρχΐςι, καί άνόμως καί
that Livys account paid lip service to Augustus' representation of history and his biased official
statement on the duration of the triumvirate, this also indicates that, post factum, Augustus has
indeed made the second quinquennium follow immediately upon thefirstone.
63. Dio, LUI, 1,1.
64. As there is no evidence of massive legislation in 28 or 27, on the model of what Sulla had done as
dictator in 81, and since Octavianus in 28 merely annulled all his triumviral acts that ran counter
to existing laws and traditions, 'Populi Romani' is to be preferred over Populo Romano' : contra,
e.g.. RICH & WILLIAMS, op. cit., p. 182.
65. RICH & WILLIAMS, op. cit., p. 186f.
67
FREDERIK J. VERVAET
66. See Livy III, 33,3 & III, 34, 8 for references to (the fundamental distinction between) the consulum
nomen imperiumque.
67. RODDAZ'S observation {op. cit., p. 402, n. 43) that "cette remarque est éclaircie, en ce qui concerne
la chronologie, par Tacite, Ann., III. 28, et RGDA, 34", which implies that Octavianus laid down
his triumvirate during his sixth consulship, i.e., in 28 BCE, is in contradiction with the rest of his
argument on Octavianus' official position after 31 December 33.
68
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
69
FRED ERIK J. VERVAET
Conclusion
After the official outbreak of war early in 32 rendered much, i f not all,
previously planned arrangements for 31 (and after) null and void, Caesar
and his confederates concocted a simple plan to maintain and further
consolidate his supremacy in the Roman world, viz. a low profile continua
tion of the plenipotentiary triumvirate r.p.c. combined with a sustained and
69. Lrw,VII,3,4&VII,3,9.
70. See BROUGHTON, MRR 2, p. 118 for (the sources for) the fact that Manlius Imperiosus was also
accused for raising a levy with too great severity and for mistreatment of his son, who eventually
compelled the tribune to give up the prosecution.
71. Compare also M. Antonius' statements from34 (Dio XLIX, 41,6) and 32 (Dio L, 7, If).
72. Dio L, 2, 3-5 (first Sosius and next Octavian made many accusations against one another at the
outset of 32) & Per. 132. It should not be doubted that Caesar Octavianus accused M. Antonius
of refusing to return to Rome for the purpose of abdicating his triumvirate. Mutatis mutandis,
RODDAZ, op. cit., p. 407 righdy suggests that Vest très probablement l'abandon de ces pouvoirs
que les consuls, et tout particulièrement Sosius, voulurent exiger d'Octavien au début de l'année
32, avec les conséquences et le succès que l'on sait".
70
IN WHAT CAPACITY DID CAESAR OCTAVIANUS RESTITUTE THE REPUBLIC?
71
L'aristocratie augustéenne
et la Res publica restituta
Frédéric HURLET
73
FRÉDÉRIC HURLET
2. Cf. sur ce point l'analyse récente et éclairante de WINTERLING Α., « Dyarchie in der römischen
Kaiserzeit. Vorschlag zur Wideraufhahme der Diskussion », NIPPEL W, SEIDENSTICKER B. (dir.),
Theodor Mommsens Langer Schatten. Das römische Staatsrecht ab bleibende Herausforderu
Forschung, Hildesheim - Zürich - New York, 2005, p. 177-198 où l'on trouvera un état de la
question complet sur la dyarchie mommsénienne, ainsi que sur les interprétations et les critiques
que cette théorie a suscitées.
3. Cf. à ce sujet en dernier lieu WINTERLING Α., « "Staat", "Gesellschaft" und politische Integration in
der römischen Kaiserzeit», KHo 83, 2001, p. 93-112.
74
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÊENNEETLA RESPUBLICA RESTITUTA
4. Sur la question des relations entre le prince et les sénateurs, l'ouvrage de référence reste la Révolution
re
romaine de R. SYME (l éd. en 1939), complété et amendé par son ouvrage plus récent sur l'aristo
cratie augustéenne {The Augustan Aristocracyy Oxford, 1986).
5. Cf. dans ce sens MEIER Chr., « Augustus. Die Begründung der Monarchie als Wiederherrstellung
der Republik», Ohnmacht des allmächtigen Dictators Caesar. Drei biographische Skizzen, Francf
1980, p. 268 [traduction italienne dans Cesare. Impotenza e onnipotenza di un dittatore. Tre profil
biografia, Turin, 1995, p. 235] pour qui il est absolument douteux qu'Auguste ait eu dès le départ
un plan pour l'édification successive de son pouvoir.
6. HINARD Fr., «Entre République et principat. Pouvoir et urbanité», HANTOS Th. (dir.), Laurea
internationalis. Festschrift fur Jochen Bleicken zum 75. Geburstag Stuttgart, 2003, p. 334-336
rappelle à juste titre qu'on oublie trop souvent le sentiment de fragilité qu'une espérance de vie
réduite procurait aux acteurs de la vie politique et « qui donc... donnait à chacun de leurs actes une
valeur particulière dans la mesure où ils n'étaient guère assurés de pouvoir en contrôler les effets
75
FRÉDÉRIC HURLET
à long ni même à moyen terme». L'idée selon laquelle la disparition d'Auguste pouvait survenir à
tout moment durant les années 20 en raison de ses multiples maladies et plonger Rome dans une
nouvelle crise politique est également très présente dans la synthèse de CROOK J. (« Political History,
2
30 B.C. to A.D. 14», CAH, X . Cambridge, 1996, p. 78-84).
7. Comme le rappelle E C K W., Augustus und seine Zeit, p. 44.
8. G R U E N E . , « Augustus and the Making of the Principate», GALINSKY Κ. (dir.), The Cambridge
Companion to the Age of Augustus, Cambridge, 2005, p. 39 précise en ce sens avec raison qu'une
disparition d'Auguste en 23 aurait pu avoir des conséquences calamiteuses : « ruinous domestic
discord and civil war».
9. Cf. à ce sujet E C K W., « Senatorial Self-Representation : Developments in the Augustan Period »,
MILLAR F. et SEGAL E . (dir.), Caesar Augustus. Seven Aspects, Oxford, 1984, p. 131 où il est précisé
à juste titre que si la notion de Res publica restituta ne dit rien des conditions réelles dans lesquelles
le pouvoir était exercé, elle eut pour quelque temps une signification considérable dans les
formes extérieures de la vie publique ; cf. aussi E D E R W., « Augustus and the Power of Tradition »,
GALINSKY K. (dir.), The Cambrìdge Companion to the Age of Augustus, Cambridge, 2005, p. 25.
76
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
10. Sur la naissance de la cour impériale et la question de l'articulation de la faveur impériale avec
l'idéal poliade fondé sur l'exercice des magistratures et l'appartenance au Sénat, cf. WINTERLING
A (dir.), Zwischen «Haus» und «Staat» : antike Höft im Vergleich, Munich, 1997, et WINTERLING Α.,
Aula Caesaris. Studien zur Institutionalisierung des römischen Kaiserhofes in der Zeit von August
Commodus (31 ν. Chr. - 192 η. Chr.), Munich, 1999.
11. Sur ce sujet, on renverra à l'étude approfondie de FERRARY J.-L., «À propos des pouvoirs d'Auguste »,
CCG 12, 2001, p. 101-154 et à l'intervention de Fr. Vervaet dans le cadre de ce colloque.
12. Res Gestae, 34, 1 ; Dion, LUI, 1-2; Tac., Ann., III, 28, 1 ; sur Xaureus de 28 av. J.-C, cf. R I C H J.W.
& WILLIAMS J.H.C., * Leges et iura P. R. Restituiti a New Aureus of Octavian and the Setdement
of 28-27 BC», NC, 1999, p. 169-213; BRINGMANN KL, «Von der res publica amissa zur
res publica restituta. Zu zwei Schlagworten aus der Zeit zwischen Republik und Monarchie »,
SPIELVOGEL J. (dir.), Res publica reperta. Zur Verfassung und Geselhchaft der römischen Republik
und des frühen Prinzipats. Festschrift fur Jochen Bleicken zum 75. Geburtstag, Stuttgart, 2002
p. 113-123 et MANTOVANI D., « Leges et iura p(opuli) R(omani) restituii. Principe e diritto in un
aureo di Ottaviano », Athenaeum 96, 2008, p. 5-54.
77
FRÉDÉRIC HURLET
restaura pour cela les modes de désignation traditionnels : élections par les
comices pour les magistrats à partir de Tannée 28 ; tirage au sort au Sénat
pour les proconsuls à partir de Tannée 27. I l faut ajouter les différentes
mesures datées de 28 qui faisaient partie d'une réforme plus générale redon
13
nant au Sénat et au peuple Romain le contrôle du trésor . Pour donner
une meilleure idée de la manière dont la Res publica restituta fut perçue et
vécue par les principaux sénateurs, i l est nécessaire d'étudier en détail le
fonctionnement de la magistrature et de la promagistrature qui étaient les
plus élevées dans la hiérarchie traditionnelle et dont les titulaires furent les
figures les plus représentatives de la nouvelle Res publica.
Le consulat
78
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
18. Il est vraisemblable que les consuls étaient toujours escortés tout au long de l'année chacun par
douze licteurs, ce qui faisait qu'il pouvait y avoir vingt-quatre licteurs simultanément à Rome
lorsque les consuls s'y trouvaient tous les deux, mais les faisceaux n'étaient attribués qu'à un seul
consul en fonction du mois. La question des rapports entre les consuls se résolvait lorsqu'un d'entre
eux franchissait le pomerium pour partir en compagne : dans le domaine de Y imperium militiae, il
n'y avait pas de partage des faisceaux, ni de roulement, sauf lorsque deux généraux avaient le même
statut et la même prouincia (ce qui n'est jamais le cas à l'époque augustéenne). Sur ces questions,
cf. la synthèse récente de VERVAET Fr., The Principle ofthe summum imperium auspiciumque und
the Roman Republic, à paraître.
19. DION, Uli, 1,1.
20. DION, LUI, 1, 1 et 2.
21. Bien que W.K. Lacey ait développé l'idée selon laquelle Agrippa aurait été investi dès janvier 27
d'une préfecture maritime qui lui aurait conféré un imperìum sur la Méditerranée et ses côtes à
l'exemple des pouvoirs conférés à Pompée en 67 {Augustus and the Principate. The Evolution ofthe
System, Leeds, 1996, p. 117-131, cf. mes critiques exprimées dans Latomus, 57y 1998, p. 453-454),
il semble toujours préférable dans l'état actuel de notre documentation de continuer de voir en
Agrippa un priuatus au terme de son dernier consulat.
79
FRÉDÉRIC HURLET
V imperium militiae d'Agrippa avait été limité aux environs de Rome sans
qu'il ait été amené à suivre Auguste en dehors de l'Italie. Si aucun argument
définitif ne peut être présenté dans un sens ou dans un autre, c'est cette
dernière solution qui paraît préférable dans la mesure où le prince avait
besoin d'être représenté à Rome par un proche aussi fidèle et compétent
qu'Agrippa pendant qu'il était en mission dans les provinces de l'Empire.
Les fréquentes absences d'Auguste de Rome contribuèrent à renforcer
l'idée selon laquelle les Romains avaient le sentiment de vivre durant les
années 20 dans une Res publica qui pouvait être qualifiée de restituta sans
que ce qualificatif apparaisse comme une contre-vérité trop évidente. On
sait qu'il quittaΓ Vrbs dès mai/juin 27, soit quelques mois à peine après les
mesures décisives de janvier de cette année, pour se rendre en Gaule, puis
dans la péninsule Ibérique pour conduire la campagne contre les Cantabres.
Ce voyage l'éloigna du centre du pouvoir pendant plusieurs années et i l
ne fut de retour à Rome qu'au début de l'année 24. I l partit de nouveau
en 22 pour une longue tournée en Orient qui dura environ quatre années
22
(il revint à Rome le 12 octobre 19) . I l est évident qu'il veilla à faire
défendre ses intérêts et celui du régime qu'il était en train de mettre en
place par ses plus fidèles conseillers, qu'il faut identifier pour cette épo
que moins avec Mécène que des sénateurs consulaires comme Agrippa ou
T. Statilius Taurus. I l demeure que l'absence physique d'Auguste des réu
nions du Sénat ou des comices contribua dans une certaine mesure d'un
point de vue formel à faire fonctionner l'État romain sans que la mainmise
d'un seul homme et de sa famille n'apparaisse à Rome comme trop pesante
et ne fasse disparaître des rouages de l'État les principales gentes de l'aristo
23
cratie romaine . Un seul exemple suffira. L'élection en 25 de M . Iunius
Silanus au consulat, à un moment où Auguste se trouvait en tant que
consul en Espagne, signifia que ce descendant d'une antique famille noble
plébéienne rallié à Auguste après avoir été antonien et promu quelques
années plus tôt au rang de patricien se trouva seul à Rome pour diriger les
affaires civiles. I l convoqua le Sénat et les comices, fixa l'ordre du jour de
ces réunions, présida les élections des consuls et préteurs pour l'année 24 et
fut dans la hiérarchie le plus haut personnage présent dansΓ Vrbs pendant
une année.
L'analyse prosopographique des titulaires du consulat de 28 à 17 est un
dernier élément à prendre en compte pour mieux évaluer les modalités de
la restauration de la Res publica, mais aussi l'évolution et les limites d'un
tel programme politique. Au départ, de 28 à 23, le nombre de nouveaux
consuls fut fortement réduit en raison de la monopolisation du consulat par
22. Sur les déplacements d'Auguste de 27 à 19, cf. HALFMANN H., Itinera principum: Geschichte und
Typologie der Kaiserreisen im römischen Reich, Stuttgart, 1986 et KIENAST D., Römische Kaisertab
2
Darmstadt, 1996 , p. 63.
23. Cf. dans ce sens BLEICKEN, Augustus, p. 354; ANDO Cl., Imperial Ideology and Provincial Loyalty
in the Roman Empire, Berkeley, 2000, p. 139 et RAINER J.M., Römisches Staatsrecht. Republik un
Prinzipat, Darmstadt, 2006, p. 196.
80
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
Auguste et, dans une moindre mesure, par Agrippa et T. Statilius Taurus.
Une telle situation ne manqua pas de poser problème à la fois parce qu'elle
contrevenait à l'interdiction de l'itération du consulat avant un délai de
dix années et qu'elle mécontenta l'aristocratie sénatoriale romaine en la
dépossédant de ce qui restait la magistrature suprême. L'abdication en 23
du consulat au profit de la puissance tribunicienne se justifie d'ailleurs
autant - sinon plus - par la crainte des sénateurs d'être concrètement privés
du gouvernement des provinces consulaires que par les difficultés institu
tionnelles créées par l'exercice continu d'une magistrature qu'il n'était pas
24
d'usage de détenir aussi longtemps . Cette réforme conduisit à l'élection
de quatorze nouveaux consuls pour la période qui va de 23 à 17. On revien
dra infra sur la question de leur origine sociale.
Bilan. Au terme d'une évolution qui trouve son point de départ dans
le contexte de l'année 28, la magistrature consulaire retrouva des règles de
fonctionnement qui avaient été perturbées par les pratiques d'époque triu
mvirale. Élections des consuls par les comices, alternance des faisceaux et
du praetorium, serment prêté en fin de d'année, ces éléments s'inscrivaient
d'autant mieux dans le cadre d'une restauration de la Res publica qu'Auguste
fut fréquemment absent de Rome tout au long des années 20. S'y ajoute
qu'en dépit de diverses analyses récentes, aucune disposition légale n'est à
ce jour connue pour avoir introduit de réforme qui allait dans le sens d'un
affaiblissement des pouvoirs des consuls par rapport à ceux du prince. La
restauration du consulat, si elle est avérée à bien des égards d'un point de
vue formel, ne signifie toutefois pas que rien n'avait évolué dans l'exercice
même de cette magistrature. Le changement le plus important tient dans
le fait qu'à l'exception du prince, tous les consuls restèrent à Rome pendant
les douze mois de l'année sans jamais partir en campagne. I l s'agissait là
d'une déviation par rapport à une norme républicaine bien connue qui
ER
était toujours en vigueur durant la première moitié du I siècle av. J.-C.
Une telle « sédentarisation » des consuls, qui ne fit pas l'objet d'une mesure
législative et relevait plutôt d'une nouvelle pratique de gouvernement, eut
pour conséquence de les priver de facto de l'exercice de X imperium militiae,
composante de X imperium consulaire désormais réservé à Auguste et aux
autres gouverneurs de provinces.
24. Cf. Dion, LUI, 32, 3 qui précise qu'Auguste abandonna le consulat «afin que le plus grand nombre
possible (de sénateurs) puissent devenir consuls» ; cf. déjà dans ce sens MOMMSEN DPR, V, p. 147,
n. 1 ; cf. maintenant CARTLEDGE P., «The Second Thoughts of Augustus on the res publica in
28/7 B.C. », Hermathena, 119, 1975, p. 34 ; BLEICKEN J., Zwischen Republik und Prinzipat. Zum
Charakter des zweiten Triumvirats, Göttingen, 1990, p. 94-95 ; DETTENHOFER M . H . , Herrschaft un
Widerstand im augusteischen Principat. Die Konkurrenz zwischen res publica und domus Augu
Stuttgart, 2000, p. 103; EDER, « Augustus* [cité supra, η. 9], p. 25; GRUEN, « Augustus » [cité
supra, η. 8], p. 36.
81
FRÉDÉRIC HURLET
25. Cf. RODDAZ J.-M., «Les Triumvirs et les provinces», H E R M O N E . (dir.), Pouvoir et imperium
(IIP av. J.-C.-I« ap. J.-C), Naples, 1996, p. 77-96.
26. Je renvoie à ce sujet à l'étude de Ferrary, citée supra, n. 11.
27. Cf. sur cette question H U R L E T Fr., «Auguste et Pompée», Athenaeum 94, 2006, p. 474-476.
82
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÊENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
savoir des anciens préteurs et anciens consuls auxquels ces provinces étaient
désormais réservées. Là encore, la condamnation des pratiques triumvirales
fut articulée avec l'imitation du modèle pompéien pour donner toutes les
apparences d'un retour aux normes républicaines. Les similitudes entre la
lex Iulia de 27 et la lex Pompeia de 52 furent en effet si nombreuses que la
prégnance du modèle pompéien passait à l'époque augustéenne pour avoir
été incontestable. Réintroduction du tirage au sort, réinstauration du délai
quinquennal entre l'exercice de la preture ou du consulat et l'admission
au tirage au sort, rétablissement de la durée annuelle du gouvernement
de ces provinces publiques, ces éléments montrent que la restauration de
la Res publica, loin d'être un mensonge, trouvait une traduction dans des
réalités institutionnelles. Les différences constatées entre les deux lois, au
demeurant peu nombreuses (le fait que tout gouverneur de province publi
que portait depuis 27 le titre de proconsul quelle que fût la magistrature
exercée précédemment ou encore présence dans la lex Iulia d'une clause
qui faisait du mariage et de la paternité des candidats au proconsulat un
critère à prendre en compte pour le tirage au sort), restent très techniques
et s'expliquent par un contexte qui avait bien changé. Elles ne remettent
en tout cas nullement en question l'idée selon laquelle avaient été fixées de
nouveau des règles strictes empruntées à un passé républicain pas si lointain,
mais appliquées à partir de 27 dans un tout autre esprit.
Les gouverneurs des provinces publiques étaient des dignitaires de haut
rang dont le nombre fut comparativement important à l'échelle de l'Empire
romain tel qu'il fut organisé au lendemain de la bataille d'Actium. De
27 à 22, on compte chaque année neuf proconsuls sur un total d'une ving
taine de gouverneurs. Ce chiffre monte à onze en 22 avec l'intégration de
Chypre et de la Narbonnaise au rang de provinces publiques, puis à douze
sans doute entre 16-13 avec le transfert de la Bétique dans le domaine du
peuple Romain pour retomber à dix lorsque l'Illyrie et la Corse-Sardaigne
devinrent des provinces impériales (respectivement à la fin des années
10 av. J.-C. et en 6 ap. J.-C). Si on se place d'un point de vue formel, la
nouvelle situation issue du partage de janvier 27 ne se laisse pas assimiler
à une simple mainmise d'Auguste sur l'Empire : près de la moitié des pro
vinces furent gouvernées tout au long du principat d'Auguste par des pro
consuls dont le pouvoir était entièrement indépendant de celui du prince,
en théorie du moins. S'y ajoute que sur la dizaine de proconsuls désignés
chaque année, trois au moins continuèrent à commander des légions et
furent amenés pour cette raison à faire usage de leur imperium militiae (pro
28
consuls d'Afrique, de Macédoine et d'Illyrie) . Qui plus est, les proconsuls
d'Afrique étaient des consulaires placés à la tête d'au moins une légion, voire
de plusieurs durant les décennies 20-10, et entourés dans l'exercice de leurs
29
fonctions de douze licteurs portant autant de faisceaux munis des haches .
28. HURLET Fr., Le proconsul et le prince d'Auguste à Dioclétien, Bordeaux, 2006, p. 135-154.
29. HURLET Fr., «Le proconsul d'Afrique d'Auguste à Dioclétien», Pallas 68, 2005, p. 153-154.
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FRÉDÉRIC HURLET
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L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
30. Bien étudié par GALINSKY K . , Augustan Culture: an Interpretative Introduction, Princeton, 1996,
p. 63-64 et p. 80-140.
31. C'est en ce sens que le passage de la République à l'Empire ne s'accompagna d'aucune mutation
sociale et fut caractérisé par Fr. D E MARTINO comme « une révolution manquée » (« Une rivoluzione
mancata», Rivoluzione romana inchiesta tra gli antichisti, Naples, 1982, p. 20-33).
32. Sur les origines de Ventidius Bassus, cf. FERRIES M.-CL, «Nam mulas quifricabat, consulfactus est»,
REA 98,1996, p. 79-90.
33. Cf. à ce sujet l'article de Le Doze Ph. dans ce volume.
85
FRÉDÉRIC HURLET
34. Sur la lex Saenia, cf. Dion, L U , 4, 5 ; Res Gestae, 8 et Tac, Ann., X I , 25, 2.
35. Cf. à ce sujet le commentaire de Scheid dans la nouvelle édition des Res Gestae (Paris, CUF, 2007,
p. 39-40).
36. D I O N , LIV, 13-14.
86
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÊENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
87
FRÉDÉRIC HURLET
Valerius Messalla (cos 29), M . Iunius Silanus (cos 25), C. Norbanus Flaccus
(cos. 24), Cn. Calpurnius Piso (cos 23), M . Claudius Marcellus Aeserninus
(cos 22), Q. Aemilius Lepidus (cos 21) et les deux Cornelii de 18 dont Tun
- Cn. Cornelius Lentulus Marcellinus - était un descendant de Scipion
41
rAfricain . Si on laisse de côté Octavien/Auguste, consul sans interruption
de 31 à 23, on conviendra que seule une minorité de consuls n était pas ori
ginaire de Rome durant les premières années du nouveau régime. En dépit
de leur importance politique, Agrippa et T. Statilius Taurus représentèrent
l'exception plus que la règle pour ce qui est de l'origine familiale des consuls
de cette époque. L'élargissement de la classe dirigeante aux élites italiennes,
si elle constitua une réalité, ne se manifesta donc que progressivement pour
ce qui touche les consuls. Durant les années 20 et au début des années 10,
le contexte de restauration de la Res publica ne manqua pas d'avantager
l'ancienne noblesse romaine dans les diverses compétitions électorales. Une
telle situation perdura jusqu'en 4 av. J.-C, en tout cas pour le consulat,
voire se renforça, puisque les consuls en fonction de 17 à 4 av. J.-C. étaient
42
presque tous issus de la noblesse .
Il faut enfin s'interroger sur l'attitude adoptée par Octavien/Auguste
dans ses relations avec l'ancienne noblesse républicaine, à laquelle il n'ap
partenait pas par sa naissance. Son adoption posthume par Jules César fit de
lui un membre à part entière d'une atsgentes proprement romaines, préten
dant être liée à la fondation même de Rome, même si elle ne fit pas totale
ment oublier ses origines - du moins au départ. Le retour à un ordre social
traditionnel accentua la volonté d'Auguste, qui était aussi une nécessité, de
renforcer ses liens avec les grandes familles de Rome. Les modalités de cette
stratégie étaient multiples. Son mariage avec Livie n'avait pas été dénué
d'une signification politique qui lui attacha lagern Livia et h gens Claudia.
Une dizaine d'années plus tard, après sa victoire à Actium, il continua à
nouer des liens avec d'autres gentes par le biais d'alliances matrimoniales qui
passèrent par d'autres princesses de la famille impériale. Sa propre fille Julie
fut tout d'abord donnée en mariage à son neveu, M . Claudius Marcellus, le
fils d'Octavie, qui faisait partie d'une branche influente de la gens Chudia,
avant que la mort de ce dernier en 23 ne l'amenât à épouser peu après
Agrippa. Les deux Marcella et Antonia Maior furent elles aussi impliquées
dans des stratégies matrimoniales datées des années 20 et 10 av. J.-C.
Née vers 43, Marcella Maior, qui était la fille d'Octavie et de C. Claudius
Marcellus, fut donnée en mariage à Agrippa, puis à Iullus Antonius après
qu'Agrippa eut divorcé pour épouser Julie en 22-21. Née probablement
en 39, Marcella Minor eut selon toute vraisemblance trois maris, dont le
premier reste inconnu ; le second fut un membre de la noblesse romaine,
M . Valerius Messala Barbatus, un des consuls de 12 av. J.-C. (le mariage
41. Cf. dans ce sens la récente synthèse de ETCHETO H., «La parenté de Cornelia Scriboniaefilia et le
tombeau des Sapions», REA 110,2008, p. 117-125.
42. Pour un état de la question, cf. BIRLEY A.R., «Q. Lucretius Vespillo (cos. ord. 19)», Chiron 30,
2000, p. 722-723, n. 46.
88
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
eut lieu à la fin des années 20 ou durant les années 10) ; à la mort de ce
dernier, elle épousa en troisièmes noces un autre noble issu d'une famille
43
prestigieuse, Paullus Aemilius Lepidus (cos 34 av. J.-C.) . Antonia Maior
fut donnée en mariage à L. Domitius Ahenobarbus, le consul de 16 av.
44
J.-C, également durant les toutes premières années du nouveau régime .
La belle-fille d'Auguste, Cornelia, issue du premier mariage de Scribonia
avec un Cornelius, fut mariée à Paullus Aemilius Lepidus également durant
ces années, tandis que sa cousine germaine Marcia - fille de L. Marcius
Philippus (cos suif 38) et d'Atia Minor - épousa Paullus Fabius Maximus
(cos 11 av. J.-C.) vers le même moment. I l faut ajouter que Sex. Appuleius,
le consul ordinaire de 29, était le neveu du prince en tant que fils de la
demi-sœur d'Auguste, Octavie (Maior). Au total, le prince s'assura dès les
années 20 des alliances avec d'autres puissants personnages issus de grandes
45
gentes . I l s'imbriqua ainsi au sein des grandes familles républicaines, liées
à sa famille par ce que le droit successoral qualifie d'adfinitas, parenté par
alliance. I l devint à ce titre un primus inter pares d'un point de vue non
seulement institutionnel comme i l a déjà été souligné dans la première
partie, mais aussi social grâce à l'étroit réseau d'alliances qu'il sut mettre
en œuvre.
43. Sur les mariages de Marcella Minor, cf. Fusco U. et GREGORI G.-L., «A proposito dei matrimoni
di Marcella Minore e del monumentum dei suoi schiavi e liberti», ZPE 111, 1996, p. 226-232.
44. Antonia Maior futfiancéeà L. Domitius Ahenobarbus alors quelle avait à peine deux ans en 37,
en relation avec les accords de Tarente conclus entre Octavien et Marc Antoine. Le mariage eut
lieu sept années plus tard.
45. Sur ces questions, cf. C O R B I E R M., «La Maison des Césars», BONTÉ P. (dir.), Épouser au plus
proche. Inceste, prohibitions et stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Paris, 199
p. 243-291, en particulier p. 259-261 pour la multiplicité des alliances pour la période qui va de 43 à
28 av. J.-C.
89
FRÉDÉRIC HURLET
46. Sur les rapports qui se sont établis dans la Rome républicaine entre le consensus (sur la nature
aristocratique du régime) et la concurrence (entre les aristocrates), cf. HÖLKESKAMP K . - J . ,
Rekonstruktionen einer Republik. Die politische Kultur des antiken Roms und die Forschung d
ten Jahrzente, Munich, 2004 (traduction française : Reconstruire une république, Nantes, 2008) qui
a montré que ces deux concepts souvent opposés l'un à l'autre étaient en réalité complémentaires
sous la République ; cf. aussi tout récemment HÖLKESKAMP, « Images of Power : Memory, Myth and
Monuments in the Roman Republic», SCI24, 2005, p. 249-271 et «Konsens und Konkurrenz.
Die politische Kultur der römischen Republik in neuer Sicht», Klio 88, 2006, p. 360-396.
47. L'idée d'une collaboration entre le prince et le Sénat, voire d'un accord (= Übereinstimmung) était
présente chez MEYER E . , Kaiser Augustus, Kleine Schrifien zur Geschichtstheorie und zur wirtsch
chen und politischen Geschichte des Altertums, 1.1, Halle, 1910, p. 444-449. Sur l'emploi du terme
« compromis », cf. MOMMSEN, DPR, VII, p. 486 ; BLEICKEN J., « Prinzipat und Dominât. Gedanken
zur Periodisierung der römischen Kaiserzeit», Wiesbaden, 1978 (Frankfurter Historiche Vortrage
6), p. 12 [= Gesammelte Schriften, t. II, Stuttgart, 1998, p. 824] ; Verfassungs-und Sozialgeschic
2
des römischen Kaiserreiches, 1.1, Paderborn, 1981 , p. 25 ; Zwischen Republik und Prinzipat, zum
Charakter des zweiten Triumvirats, Göttingen, 1990, p. 7; «Prinzipat und Republik. Überlegungen
zum Charakter des römischen Kaisertums », Sitzungsberichte der wissenschaftlichen Geselbchaft
der Johann Wolfgang Goethe-Universität Frankfurt am Main, t. XXVII 2, Stuttgart, 1991, p. 81
[= Gesammelte Schriften, t. II, Stuttgart, 1998, p. 803] ; Augustus, p. 327; CASTRITIUS H., «Das
römische Kaisertum als Struktur und Prozess», HZ, 230, 1980, p. 92; KIENAST D., Augustus.
Prinzeps und Monarch, Darmstadt, 1999 , p. 90-92 et 153; RICH-WILLIAMS, «A New Aureus of
3
90
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNEETLA RES PUBLICA RESTITUTA
Octavian and the Settlement of 28-27 BC» [cité supra, n. 12], p. 203; EDER, « Augustus » [cité
supra, n. 9], p. 25.
48. DETTENHOFER, Herrschaft und Widerstand [η. 24].
49. Pour une critique plus développée des positions de Dettenhofer, cf. mon c.r. dans Latomus, 62,
2003, p. 192-195.
91
FRÉDÉRIC HURLET
50. Sur l'existence dans les années 20 av. J.-C. d'une concurrence entre le prince et un certain nombre
de représentants de familles de la noblesse romaine, cf. l'article de CARTLEDGE, « The Second
Thoughts of Augustus » [cité supra n. 24], p. 30-40.
92
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÊENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
51
12 octobre 21 et L. Cornelius Balbus le 27 mars 19 . Il est bien connu que
le triomphe de L. Cornelius Balbus fut le dernier à avoir été célébré par un
général qui ne fut pas membre de la famille impériale, mais on oublie sou
vent de souligner ce que la permanence d'une concurrence dans le domaine
triomphal durant les années 20 impliquait d'un point de vue politique et
institutionnel. Ce phénomène signifiait que huit généraux romains tous
consulaires et à ce titre issus de l'élite du Sénat reçurent le même honneur
qui avait été décerné à Auguste en août 29. La préséance militaire du prince
ne se discutait pas en raison de l'état des forces militaires en présence,
mais la restauration de la Res publica créa un contexte favorable au départ
au maintien d'autres uiri triumphales. Une attention portée aux interven
tions dans l'urbanisme de Rome depuis l'époque triumvirale jusqu'aux
années 20 aboutit à une conclusion identique. Elle a conduit François
Hinard à la conclusion qu'Octavien/Auguste, loin d'avoir conçu d'emblée
un véritable projet urbain, partagea le privilège d'imprimer sa marque sur
52
Γ Vrbs avec vingt-quatre autres uiri triumphales entre 43 à 19 . Si le prince
apparaît comme celui qui commandita et finança le plus grand nombre des
constructions « triomphales » de cette période, l'existence assurée de quel
ques opérations prises en charge par d'autres membres de la noblesse après
Actium invite à ne pas faire remonter aux premières années du nouveau
53
régime le monopole impérial exercé à Rome dans le domaine édilitaire .
L'évolution était en tout cas loin d'être achevée en la matière en 29-27. La
question était à l'époque de savoir jusqu'où pouvait aller une telle rivalité.
L'épisode du refus des dépouilles opimes à M . Licinius Crassus à son
retour à Rome en 28 constitue à n'en pas douter un moment-charnière dans
l'évolution de la concurrence entre le prince et les principaux sénateurs. I l
est bien connu que cet ancien partisan de Marc Antoine rallié à Octavien
à la fin de la guerre civile réclama pour avoir tué de sa propre main le
chef des Bastarnes, Deldo, cet honneur militaire suprême, qui n'avait été
décerné auparavant qu'à trois généraux romains (Romulus selon la tradition,
e
A. Cornelius Cossus à lafindu V siècle et M . Claudius Marcellus en 222)
et qu'Octavien n'avait jamais été en mesure de demander. I l y avait donc
pour le prince un risque réel de voir son prestige militaire amoindri et
contrebalancé par les hauts faits d'un sénateur influent et issu de la vieille
noblesse romaine. Sans entrer dans le détail d'une affaire qui est complexe
51. Sur ces cérémonies triomphales, cf. les Fasti triumphales Capitolini et les Fasti triumphales
2
Barberiniani {CIL, I , p. 50 et 77 = Inscr. It., XIII, 1, p. 568-571). Cf. aussi les exemples de
M. Nonius Gallus et T. Statilius Taurus, qui furent salués tous deux imperator à la suite de succès
militaires remportés en 29 (Dion, LI, 20, 5; CIL, IX, 2642 = ILS, 895; CIL, II, 3556 = ILS,
893; CIL,X, 409 = ILS, 893a).
52. Cf. HINARD, «Entre République et principat» [cité supra, n. 6], p. 336-348.
53. Sur cette question, outre l'étude de Hinard citée à la note précédente, cf. ECK, « Senatorial Self-
Representation » [cité supra, n. 9], p. 139-141. Il ressort que sur les huit proconsuls qui triom
phèrent après la victoire à Actium, trois d'entre eux sont connus pour être intervenus dans le
financement de constructions triomphales : C. Calvisius Sabinus et M. Valerius Messala Corvinus
pour la restauration de portions de la uia Latina; L. Cornelius Balbus pour la construction du
théâtre qui porte son nom.
93
FRÉDÉRIC HURLET
54
d'un point de vue institutionnel , Crassus n'eut finalement pas gain de
cause, puisqu'il célébra uniquement le triomphe le 4 juillet 27, tardivement,
sans avoir été autorisé à déposer les dépouilles opimes dans le temple de
55
Jupiter Feretrius . Son échec, lié peut-être au fait qu'on n'entendit plus
jamais parler de lui par la suite, montra aux Romains qu'une opposition
frontale au nouveau pouvoir était contre-productive, voire dangereuse.
C'était sans doute le meilleur moyen de faire comprendre que les rivalités
pouvaient continuer à se manifester au sein de l'élite sénatoriale à la condi
tion expresse de ne pas concurrencer la position du prince. Cette prise de
conscience, qui fut sans nul doute rapide, explique que l'opposition au
prince et à son régime se soit manifestée par d'autres canaux que la voie
légale. Elle fut contrainte dans ces conditions de s'exprimer à travers les
conspirations qui furent au besoin inventées par le prince pour éliminer des
56
rivaux potentiels, en tout cas instrumentalisées par le nouveau régime .
Cette forme d'opposition, attestée dès l'époque triumvirale et peu après la
victoire d'Actium avec les agissements du fils du triumvir Lèpide, réapparaît
à partir de lafindes années 20 avec Murèna (23 ou 22) et L. Egnatius Rufus
(19) en partie parce que l'assassinat du prince fut considéré comme le seul
moyen de mettre fin à sa suprématie. L'évolution de la Res publica restituta
est donc à lier au glissement de sens d'une concurrence qui se déplaça du
centre du pouvoir finalement accepté comme tel par une grande partie
des sénateurs pour se limiter à l'octroi des honores secondaires auxquels les
mêmes sénateurs continuèrent à aspirer.
54. Cf. en dernier lieu TARPIN M., «M. Licinius Crassus imperator, et les dépouilles opimes de la
République», RPh 77, 2003, p. 275-311.
55. Sur le refus d'octroyer à Crassus les dépouilles opimes, l'étude de R I C H J.W., « Augustus and the
spolia opima», Chiron 26, 1996, p. 85-127, a proposé une nouvelle interprétation en cherchant à
montrer que le prince aurait très bien pu manifester son opposition non pas officiellement, mais
de façon officieuse - « behind the scènes» - et sans avoir eu à intervenir au Sénat.
56. Sur l'instrumentalisation de l'opposition par le nouveau régime, cf. ROHR VIO Fr., Le voci del dis
senso. Ottaviano Augusto e i suoi oppositori, Padoue, 2000 et COGITORE I., La légitimité dynast
dAuguste à Néron à l'épreuve des conspirations, Rome, 2002.
57. Vu par SYME, RR, p. 395 : «Malgré cela, ils pouvaient prospérer à l'ombre de la monarchie, pour
suivre leurs vieilles querelles, conclure de nouvelles alliances - bref s'approprier une part non
négligeable du pouvoir et de ses profits»; cf. aussi PANI M., Potere e valori a RomafraAugusto e
e
Traiano, 2 éd., Bari, 1993, p. 29-37 qui montre que les différentes forces sociales de l'époque
julio-claudienne (c'est-à-dire l'ancienne nobilitas républicaine, une partie du nouveau Sénat...)
ne se tapissaient pas dans la Pax Augusta, mais reproduisaient la lutte politique comme à l'époque
républicaine, sous une forme toutefois différente (émeutes populaires, conjurations, révoltes de
palais jusqu'au « style de vie ») et sans remettre en question l'existence même d'un prince.
94
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÊENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
58. MILLAR F., «Triumvirate and Principate », JRS 63, 1973, p. 63 [= Rome, the Greek World, and
the East, vol. I. The Roman Republic and the Augustan Revolution, H . M . Cotton et G . M . Rogers
(éd.), Chapell-Hill - Londres, p. 264] a bien vu que le véritable changement en 28-27 était «the
recommencement of genuine competition for election ».
59. C'est la situation qui se produisit en 21 lorsque M . Lollius entra seul en fonction en tant que
consul, après qu'Auguste eut refusé d'être son collègue au consulat en dépit de son élection par
les comices centuriates. Dion 54.6.2-3 rapporte que deux candidats se présentèrent aux élections
consulaires pour occuper la fonction vacante, en l'occurrence Q. Aemilius Lepidus (Barbula; sur
ce personnage et sa carrière, cf. l'étude exhaustive d e T A N S E Y P., « Q . Aemilius Lepidus [Barbula?]
cos. 21 B.C.», Historia 57', 2008, p. 174-207) et L. Silvanus, et que le premier fut finalement
élu au terme une campagne électorale marquée par des troubles (sur ce Silvanus, qu'il faut peut-
1
être analyser comme une erreur d'un copiste et identifier comme un Silanus, cf. PIR I 827 ;
SYME, Augustan Aristocracy [supra, n. 4], p. 191 ; R I C H J.W., Cassius Dio and the Augustan Settl
[Roman History 53-55.9], Warminster, 1990, p. 179; E C K W . , Neue Pauly, 6, 1999, col. 69;
BIRLEYAR., «Q. Lucretius Vespillo [cos. ord. 19] », Chiron 30,2000, p. 715, n. 17). Des circons
tances presque identiques sont attestées de nouveau au début de l'année 19, si ce n'est qu'un des
candidats, M. Egnatius Rufus, fut écarté par le seul consul en fonction, C. Sentius Saturninus, et
au bout du compte exécuté au motif qu'il avait organisé un complot contre Auguste.
95
FRÉDÉRIC HURLET
60. SYME, RR, p. 357 a bien vu à propos de l'attribution du consulat durant les premières années du
consulat que « la compétition était intense et violente».
61. Cf. H U R L E T , Le proconsul et le prince [supra, n. 28], p. 36-49 à partir d'une analyse du témoignage
de Dion, LUI, 14, 3.
96
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÉENNEETLA RES PUBLICA RESTITUTA
62. Comme l'ajustement souligné FERRARY, «Pouvoirs d'Auguste» [cité supra, n. 11], p. 128.
97
FRÉDÉRIC HURLET
63. Cf. les proconsulats d'Asie de Sex. Apuleius (cf. FERRARY J.-L., « Les inscriptions du sanctuaire de
Claros en l'honneur des Romains », BCH124, 2000, p. 331-376 = AB, 2000, 1392) et de Potitus
Valerius Messala (CIL, VI, 37075 et 41061 = ILS, 8964), tous deux datés de lafindes années
20 av. J.-C.
98
L'ARISTOCRATIE AUGUSTÊENNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
64. Sur la question complexe des étapes conduisant à la création de Tordre sénatorial, cf. N I C O L E T CL,
«Le cens sénatorial sous la République et sous Auguste», JRS 66, 1976, p. 21-38, en particulier
p. 30-32 [republié dans Des ordres à Rome, Paris, 1985, p. 143-174] et « Augustus, Government,
and the Propertied Classes», MILLAR F. et SEGAL E . (dir.) Caesar Augustus. Seven Aspects, Oxford,
1984, p. 90-96; CHASTAGNOL Α., Le Sénat romain à l'époque impériale, Paris, 1992, p. 31-35 ;
SYME R., Augustan Aristocracy [cité supra, n. 4], p. 80, n. 118; E C K W., «La riforma dei gruppi
dirigenti. L'ordine senatorio e l'ordine equestre», Storia di Roma, II (L'impero mediterraneo),
2 (I principi e il mondo), éd. sous la direction de A. Schiavone, Turin, 1991, p. 75-79.
65. Sur ce double message délivré par le Forum d'Auguste, cf. SPANNAGEL M., Exemplaria principis.
Untersuchungen zu Entstehung und Ausstattung des Augustusfbrums, Heidelberg, 1999.
66. Ann. I, 3. Cf aussi dans ce sens DION, LVI, 44, 3-4.
67. On se reportera à ce sujet à la contribution d'Emmanuelle Rosso dans ce volume.
99
Aux origines d'une retraite politique :
Mécène et la Res publica restituta
Philippe LE DOZE
La question de la disgrâce
1. WILLIAMSG., «Did Maecenas "fall from favor" ? Augustan literary patronage», RAAFLAUB ΚΑ. et
ToHER M.(dir.), Between republic and empire: interpretations of Augustus and his principate, B
University of California Press, 1990, p. 258-275; W H I T E P., « Maecenas' retirement », CPh, 86,
1991, p. 130-138.
2. « [Maecenas] secretum de comperta Murenae coniuratione uxori Terentiae prodidisset», Suéton
Aug., 66. Murena, que l'on identifie parfois avec le consul de 23, avait été, avec Caepio, l'un des
principaux meneurs d'une conspiration contre Auguste qu'il est difficile de dater avec précision
(23 ou 22 av. J.-C). Il s'était déjà fait remarquer lors du procès de M. Primus (dont la date est
également sujette à caution) pour avoir critiqué la notion a'auctoritas, pilier du régime augustéen
(DION, U V , 3,4).
101
PHILIPPE LE DOZE
3. SYME R., La révolution romaine, Paris, 1967 (traduction française de R. Stuvéras à partir de l'édition
de 1952), p. 323-325 ; BYRNE S., Maecenas, Evanston, Northwestern university, 1996, p. 72-76.
4. Sur l'inimitié entre les deux hommes, cf. MARX R, « M . Agrippa und die zeitgenössische römische
Dichtkunst», RhMlA, 1925, p. 174-194; SYME R., op. cit., p. 324 et 368; REINHOLD M., Marcus
Agrippa, a biography, Rome, 1965, p. 66-68; ANDRE J.-M., Mécène, essai de biographie spiritue
Paris, 1967, p. 97; D E L L A CORTE E, Agrippa e Mecenate, Opuscula 13, Gènes, 1992, p. 119-135;
BYRNE S., op. cit., p. 67-73.
5. RODDAZ J.-M., Marcus Agrippa, Rome, 1984, p. 216-229.
6. SÉNÈQUE LE RHÉTEUR, Controu, II, 4,12-13; DION, LIV, 30,4; LV, 7; SÉNÈQUE, De ben., 6, 32,4.
102
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE : MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
pas de disgrâce : citant ceux qui avaient connu une telle mésaventure, il
ne mentionne que Salvidienus Rufus et Cornelius Gallus. Les autres amis
d'Auguste «connurent jusqu'au terme de leur vie la puissance et la pros
7
périté ». Ce qui n'empêcha pas des dissensions épisodiques: ce n'est qu'à
ce moment là que l'exemple de Mécène est introduit. Précisons que si ce
dernier avait été disgracié, la punition paraîtrait avoir été bien légère compa
rativement à la faute : l'aide apportée à un comploteur méritait au moins la
relégation, sinon la déportation. Ovide fut puni bien plus sévèrement pour
une faute qui, pour obscure qu'elle soit, paraît avoir été bien plus bénigne.
Révéler à un factieux que son complot avait été éventé revenait à porter
secours à un camp hostile à Auguste. Cela relevait quasiment du crime de
lèse-majesté. Or on sait qu'Octavien/Auguste savait frapper durement les
8
proches qui le trahissaient .
Par ailleurs, on n'a pas nécessairement pris toute la mesure de l'interven
9
tion d'Auguste dans un tribunal en faveur de Mécène en 12 av. J.-C. : en
intercédant ainsi, Auguste sacrifiait aux devoirs de l'amitié, valeur essentielle
chez les Romains qui attendaient de leurs amis qu'ils les aident dans tous
les aléas de la vie. En tout état de cause, l'anecdote est très intéressante :
Auguste n'avait pas que de très bons souvenirs de ses interventions, notam
10
ment comme témoin, dans les tribunaux . Sa prise de parole impromp
tue, alors qu'il n'était invité par aucune des parties à s'exprimer et qu'il ne
présidait pas le procès, risquait d'apparaître comme un abus de pouvoir
(comme l'avait été sa venue au procès de M . Primus) : en occupant le siège
du préteur et en donnant un ordre aux accusateurs, il se conduisit comme
s'il présidait le procès. L'affaire montre suffisamment la solidité des liens
n
entre Auguste et Mécène .
XLVIII, 33,1-3).
9. DION, LIV, 30,4.
10. Cf. BADEL G, « L'empereur romain, un témoin impossible ? », GARNOT B. (dir.), Les témoins devant
la justice. Une histoire des statuts et des comportements. Rennes, Presses universitaires de Rennes,
2003, p. 33-42. Lors du procès de M. Primus, Auguste était venu témoigner de sa propre initiative,
alors qu'il aurait été nécessaire qu'il fût invité par l'une des deux parties (MOMMSEN T., Le droit
pénal romain, II, Paris, traduction de J. Duquesne, 1907, p. 84-87). Cette présence ne pouvait que
fausser le déroulement du procès, Yauctoritas du Princeps, supérieure à toutes les autres, ne pouvant
que décider de l'issue du jugement. Cet épisode occasionna un fort mécontentement qui, selon
C. Badel, joua un rôle non négligeable dans la naissance de la conspiration de Murèna. En tout état
de cause, en intervenant de nouveau dans un tribunal en 12 av. J.-C, Auguste risquait à nouveau
d'apparaître comme celui qui abusait de son auctoritas. La démarche est donc très significative,
surtout si l'on s'en tient à la conclusion de C. Badel : « L'empereur n'avait pas sa place dans un
procès» (BADEL G , op. cit., p. 38).
11. On pourrait arguer que c'était un homme affaibli, parce que désormais éloigné de la cour, qui
était attaqué en 12 av. J.-G, mais ce n'était pas seulement Mécène qui était ici pris à partie, mais
lui et son collègue Apuleius. Surtout, il n'est pas inutile de rappeler qu'on n'hésitait pas à Rome à
s'attaquer lors de procès à des hommes forts, notamment sous la République, afin de se forger un
nom. Ici, les modalités changent quelque peu, mais l'attaque pouvait avoir une portée politique
non négligeable. Il n'est pas sûr qu'Auguste ait été à ce point craint que l'on n'osât pas insulter
ses proches : encore une fois, en 23 ou en 22, Auguste lui-même, rétabli de sa maladie, se vit
103
PHILIPPE LE DOZE
de dater mais qui fut écrit après la parution des trois premiers livres des
Odes en 23 et qui fut inséré dans le quatrième livre publié probablement
en 13. Horace aurait-il agi ainsi si l'Arétin avait alors été persona non grata
12
à Rome ? On songe aux Tristes d'Ovide où le poète craint de mettre en
difficulté ses amis en les nommant dans ses pièces, rendant ainsi publique
leur amitié pour l'exilé. Enfin, on a, à notre connaissance, négligé jusqu'à
e
ce jour le témoignage de Sénèque. La 19 lettre à Lucilius est une invitation
à Yotium, à la retraite, loin des affaires de la cité et des mondanités, du
stoïcien adressée à son élève. Cette lettre est particulièrement intéressante
pour nous dans la mesure où elle laisse clairement entendre que Mécène a
lui-même effectué cette démarche de se retirer du monde: «Voilà le terme
qui t'attend, si tu ne te décides sur l'heure à plier la voile, et, comme il [ille :
demander vertement lors du procès de M. Primus ce qu'il venait faire là. Suétone mentionne une
autre intervention d'Auguste dans un tribunal : Asprenas Nonius, un de ses familiers, avait été
accusé d'empoisonnement. Le Princeps demanda au Sénat s'il devait paraître au tribunal (mais il
risquait alors d'être accusé d'abuser de son pouvoir) ou s'il devait s'en abstenir (et faillir aux lois de
Yamicitia) : le Sénat lui conseilla de siéger sur un des bancs de la défense, mais sans rien dire. Ce
qu'ilfit(SUÉTONE, Aug., 56). Dans le cas de Mécène, en dépit des risques potentiels, Auguste alla
donc beaucoup plus loin.
12. On a souvent interprété la place restreinte accordée à Mécène dans le livre IV des Odes comme
le signe d'une reprise en main du cercle de Mécène par Auguste. L'idée serait séduisante si, d'une
part, les cercles avaient constitué une réalité augustéenne, ce qui n'est assurément pas le cas, et si,
surtout, Auguste avait eu l'intention de contrôler la république des lettres. Or, même si nous ne
pouvons nous étendre sur la question dans le cadre de cette étude, cette hypothèse apparaît comme
très peu vraisemblable. Quant à dire que si Mécène n'est plus cité qu'une seule fois dans ce livre et,
qui plus est, dans un poème qui n'est pas placé en évidence dans le recueil, c'est parce qu'il a été
disgracié, c'est peut-être aller trop vite en besogne. Quelque chose a effectivement changé, on ne
peut l'ignorer, mais il s'agit moins de la situation de Mécène vis-à-vis d'Auguste que celle d'Horace
à l'égard de son protecteur. Ici encore, nous ne pouvons développer outre mesure la question. Mais
il est plus que probable que c'est à travers les rapports de client à patron qu'il faille envisager la
question. Le système clientélaire est basé sur des relations d'échange, même si les services échangés
n'ont pas la même valeur. Les deux parties doivent y trouver un intérêt. Surtout, et c'est là tout le
paradoxe (paradoxe sur lequel a insisté J.-R Medard, cf. MEDARD J . - R , «le rapport de clientèle»,
Revuefrançaisede science politique, 26, 1, 1976, p. 103-131), le système aboutit à une inégalité
des échanges au bénéfice du client qui reçoit plus qu'il ne donne. Quand Horace se plaint déjà
des exigences de Mécène dans YEpître, 1,7 (qu'il est difficile de dater exactement, mais le premier
livre des Epîtres a probablement été publié avant lafinde l'année 20), cela peut s'entendre dans le
cadre d'une réévaluation des bénéfices qu'il tirait de sa relation avec ce dernier. Horace avait pris
un ascendant moral certain sur son protecteur ; poète à l'honneur lors des Jeux Séculaires, il était
désormais bien installé et reconnu dans la société romaine; il était un proche d'Auguste (dont il
refusait néanmoins d'être le client direct). Sa relation avec Mécène, il la voulait maintenant plus
égalitaire : ce dernier avait autant à gagner, sinon plus, que lui de cette proximité (moralement,
mais également dans la perspective de l'immortalisation de son nom ou du prestige qu'il pouvait
tirer de cette intimité). Se considérant de plus en plus comme l'ami de l'Arétin, plus que le client,
il voulut faire comprendre publiquement que son statut avait changé. La place moindre de Mécène
dans le livre IV des Odes est, par conséquent, plutôt à interpréter comme une revendication et,
dans une certaine mesure, une provocation dont Horace savait qu'elle n'entraînerait pas de rupture
avec son puissant ami. La difficulté du système clientélaire résidait dans le fait que la balance des
échanges et leur valeur étaient difficilement quantifiables. La dimension subjective est évidente.
Le lien de dépendance, en partie symbolisé par la dédicace à Mécène du premier livre du recueil,
n'apparaît légitime que tant que le client pense recevoir plus qu'il ne donne. Or, lors de la parution
du quatrième livre, la contrepartie ne paraît plus à Horace aussi évidente. Mécène n'est, dès lors,
plus cité que comme l'on cite d'autres amis.
104
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE : MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
13
Mécène] l'a voulu trop tard, à raser la rive . » Sénèque établit donc une
analogie entre la démarche du conseiller d'Octavien/Auguste et celle que
doit suivre Lucilius. Or la lettre laisse clairement entendre que ce dernier
ne connaît aucun discrédit : bien au contraire, Sénèque explique un peu
plus haut dans son épître que Lucilius fait une brillante carrière qui l'a
mené jusqu'à la procuratèle de Sicile et qu'il peut s'attendre à des fonctions
14
toujours plus prestigieuses . Mais c'est parce qu'il n'y a rien à attendre
de tous ces honneurs, c'est parce qu'on n'en est jamais rassasié, qu'il invite
Lucilius à se retirer et à devenir un priuatus. D'où l'utilisation du fragment
de Mécène tiré de son Prométhée qui sonne comme une condamnation de
15
l'ambition . Sénèque indique bien que l'Arétin a voulu (uoluit) se retirer
même si, selon lui, il le fit trop tard (car alors, nous apprend-il dans une
16
autre lettre, « l'excès de prospérité lui avait porté à la tête », d'où les excen
tricités si peu romaines de son mode de vie, et c'est contre cela qu'il met en
garde Lucilius). I l complète ainsi le propos que Tacite prête à Néron: son
trisaïeul Auguste avait autorisé Mécène à prendre du repos après les travaux
17
qu'il avait menés {ptium post labores concessa .
105
PHILIPPE LE DOZE
21. Prudens futuris temporis exitum /caliginosa node premi deus/ridetque, si mortalis ultra/fas
HORACE, Carm., 3, 29, 29-32.
22. HORACE, Carm., 3, 8, 26.
23. V E L L E I U S PATERCULUS, I I , 88; TACITE, Ann., V I , 11 ; PLINE, H. Ν., X X X V I I , 10; SÉNÈQUE,
ad Luc, 114, 6.
24. Sur les allusions au rôle de Mécène en 36 à Rome, cf. aussi Appien, BC, V, 10, 99 et V, 11, 112.
25. D I O N , X L I X , 16, 2; L I , 3, 5-6; LV, 7, 1.
106
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE: MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
Les années qui vont d'Actium à 27 av. J.-C. sont celles d'une « norma
lisation » institutionnelle et il était difficile pour Octavien d'octroyer une
nouvelle fois à son ami une mission qui correspondait à un déni flagrant
de ses intentions déclarées. En effet, les pouvoirs de Mécène entre 31 et
26. Certains chercheurs prétendent encore que Mécène gérait seul les affaires de Rome et de l'Italie
pendant les absences d'Octavien entre 36 et 33 av. J.-C, cf. par exemple, MAC N E I L L R., Horace:
image, identity and audience, Baltimore, Johns Hopkins university Press, 2001, p. 98.
27. Parmi les chercheurs supposant une prorogation des pouvoirs de Mécène après 29,
cf. GARDTHAUSEN V., Augustus und seine zeit, Leipzig, Aalen, 1891 (édition de 1964), p. 766;
KAPPELMACHER A. et STEIN Α., «C Maecenas », Real-Encyclopädie, 14,1,1928, col. 212 ; SYME R.,
op. cit., p. 315 (selon lui, Auguste pouvait quitter Rome tranquille, « les principaux membres de son
parti, Agrippa, Taurus et Mécène, étaient là pour prévenir tout désordre ») et 367 ; FOUGNIES Α.,
Mécène, ministre d'Auguste, protecteur des lettres, Bruxelles, 1947, p. 25 et 29 (qui reste cependan
prudent) ; VITUCCI G., Ricerche sullapraefectura urbi in età imperiale (sec. I-III), Rome, 1956, p. 22
(selon lui, Mécène fut préfet de la Ville) ; GRENADE P., Essai sur les origines du principat, Paris,
1961, p. 463-464; A v A L L O N E R., Mecenate, Naples, 1962, p. 18 et p. 228, η. 22 et AVALLONE R.,
«Mecenate: uomo, scrittore, ispiratore», RSA 25, 1995, p. 134; RODDAZ J.-M., op. cit., p. 222-
223,231 et 309-310; GRIMAL P., Rome. La littérature et l'histoire, Paris, 1986, p. 824; COSME P.,
Auguste, Paris, 2005, p. 148. S. Byrne, à la suite de P. White (WHITE P., op. cit.), est quant à elle
plus prudente. Mécène n'occupe plus de fonctions publiques après 29 mais demeure selon elle
très actif durant toutes les années 20 : « Though he held no official position, Maecenas would still
have been an influential presence behind the scene of Rome, keeping an eye on the newly coopted
Senate in the absence of Augustus from 27 to 24 during the latter's visit to Gaul and Cantabrian
war, and ensuring mishaps such as Messalla's abandonment of the praefectura urbis after only
a few days did not diminish the auctoritas of Augustus » (BYRNE S, op. cit., p. 62). La véritable
retraite politique n'interviendra qu'à lafindes années 20 en liaison avec les luttes de succession
et l'affaire Murena (ibid., p. 65-76). C'est aller beaucoup trop loin sans preuve, si ce n'est l'ode 3,
29 dont nous avons vu ce qu'il fallait en penser. J.-M. André voit, pour sa part, Mécène assurer la
responsabilité d'une police occulte après l'échec de la préfecture de la Ville (ANDRE J.-M., op. cit.,
p. 65). A.J.M. Watson, 1994, ne prend en compte dans son étude sur l'administration de Rome
et de l'Italie par Mécène que les périodes 36 et 31-29. Il n'entre pas dans le cadre de son étude
de savoir si Mécène put ou non exercer le même type de pouvoir par la suite (WATSON A.J.M.,
«Maecenas'administration of Rome and Italy», Akroterion 39, 1994, p. 98-103).
107
PHILIPPE LE DOZE
29, plus importants encore à notre sens que ceux quii se vit attribuer en
28
36 av. J.-C. , constituaient une novation qui allait à l'encontre du concept
de Res publica restituta. Jamais un chevalier n avait exercé un tel pouvoir, pas
même C. Oppius et L. Cornelius Balbus au nom de Jules César. Ces deux
29
«chevaliers fameux par le pouvoir», pour reprendre l'expression de Tacite ,
ne pouvaient aucunement constituer un précédent même si nombre d'his
30
toriens ont vu en eux les maîtres de Rome, les «fondés de pouvoir » de
César. Que les deux hommes aient été en liaison constante avec le dictateur,
31
toute une correspondance en fait f o i . I l s'agissait de tenir le général au
courant de tout ce qui se passait dansΓ Urbs durant ses nombreuses absen
ces. Mais il semble que les deux hommes ne se contentèrent pas de remplir
le rôle d'une officine d'information. Ils s'occupèrent des relations avec les
32
personnalités les plus en vue de l'État romain, en premier lieu Cicéron .
Nous avons là une première différence avec le rôle joué par Mécène en 36
et en 31-29 : à aucun moment les sources ne laissent entrevoir que l'Arétin
eut pour fonction de rallier des adversaires potentiels à Octavien.
Mais l'essentiel n'est pas là. La principale différence entre Balbus,
Oppius et Mécène réside, selon nous, dans le fait que les deux premiers
ne paraissent pas avoir disposé d'une réelle autorité politique. À aucun
moment on ne les voit investi d'un pouvoir de répression et s'occuper du
maintien de l'ordre. Par ailleurs, les deux hommes ne disposèrent pas des
sceaux du dictateur et ne prirent pas de décisions en son nom. A contrario,
les pouvoirs de Mécène, essentiellement entre 31 et 29, paraissent avoir été
108
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE : MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
33
extrêmement importants . Pline l'Ancien et Dion Cassius s'accordent sur
un point: Mécène disposait (avec Agrippa) de l'un des deux sceaux d'Octa-
34
vien représentant un sphinx . Il pouvait recacheter les lettres du vainqueur
d'Actium après les avoir lues et, éventuellement, modifiées. I l était pleine
ment, avec Agrippa, l'homme de confiance d'Octavien dans la capitale, et
35
l'importance des affaires traitées imposait l'usage d'un code secret . On
sait par ailleurs que Mécène disposait de son propre sceau, figurant une
grenouille, qui lui permettait d'agir officiellement, probablement dès 36 :
«Bien sûr, la grenouille de Mécène était aussi fort redoutée lors des percep
36
tions d'impôts », nous apprend Pline l'Ancien. I l est symptomatique que
pour certains actes l'Arétin n'ait pas eu recours à l'empreinte d'Octavien.
Un élément, néanmoins, doit retenir notre attention : le sceau de Mécène
paraît avoir été utilisé lors de la perception des impôts, ce qui n'était pas une
fonction régalienne puisque l'État romain se contentait, via les censeurs,
de les affermer à des compagnies de publicains. A priori Mécène n'agissait
donc pas ici au nom d'Octavien. Pourtant, la question est peut-être plus
complexe qu'elle n'y paraît car la phrase est sibylline : que voulait dire Pline ?
de quels impôts s'agissait-il ? Le tributum avait été rétabli en 43, probable
ment pour 7 ans. Sa perception était faite par les tribuns du Trésor (tribuni
aerarti), sans doute des citoyens désignés pour faire l'avance des sommes
dues. On sait par ailleurs que de 43 jusqu'en 36 et la victoire sur Sextus
3 7
Pompée, voire jusqu'en 3 1 , les Romains sont soumis à un maelstrom
fiscal, les proscriptions ne pouvant suffire à couvrir tous les besoins. Trois
hypothèses s'offrent à nous: soit Mécène était l'un des directeurs (magis-
tri) d'une société de publicains à qui l'État affermait les impôts directs et
indirects (il était bien placé pour emporter de tels contrats, mais on ne voit
pas pourquoi il faisait alors usage de son propre sceau) ; soit il était chargé
de régler les contentieux (et les abus étaient nombreux dans ce système),
mais ils étaient en théorie du ressort des tribunaux; soit il était chargé de
rétablir l'ordre lors d'émeutesfiscales: les triumvirs avaient fait l'expérience
38
de troubles, par exemple en 43, en 40 et juste avant Actium . Lorsque
Pline écrit que la grenouille de Mécène in magno terrore erat, il fait proba
blement référence à une de ces deux périodes, 43-36 ou 31 (étant entendu
que le spectre de telles contributions ne disparut réellement qu'avec la fin
des guerres). Cette dernière hypothèse a notre préférence car l'usage du
33. Sur les pouvoirs dont avait été investi Mécène, cf. WATSON A.J.M., op. cit., p. 102-103 (il serait
cependant nécessaire de nuancer plus ou moins fortement ses conclusions).
34. PLINE, H. Ν., XXXVII, 10; D I O N , LI, 3, 5-6.
35. DION, LI, 3,7. Sur l'idée, peufiableà notre sens, que Mécène ne partagea pas en 31-29 le pouvoir
avec Agrippa, cf. \GATSON A.J.M, op. cit., p. 101.
36. Quippe etiam Maecenatis rana per collationes pecuniarum in magno terrore erat, PLINE, H
XXXVII, 10.
37. DION, L, 6, 2 et L, 10,4-5.
38. APPIEN, BC, TV, 32-34; V, 67-68; D I O N , L, 10, 4-5.
109
PHILIPPE LE DOZE
39. Les excès de l'imposition ont donc provoqué un fort mécontentement. Cela peut, peut-être, contri
buer à expliquer le retrait de Mécène, mais cela ne saurait suffire. La décision de créer les nouveaux
impôts ne lui appartenait certainement pas et le nom du véritable responsable était évident pour
tous. D'ailleurs, nous le verrons, il y avait pour les hommes les plus influents de Rome des raisons
plus profondes et moins circonstancielles pour souhaiter le départ de l'ami d'Octavien.
40. V E L L E I U S PATERCULUS, II, 88; APPIEN, BC, IV, 50; Lrv., Per., 133, 3 et SUÉTONE, Aug., 19.
Cf. également COGITORE I., La légitimité dynastique d'Auguste à Néron à l'épreuve des conspiration
Rome, 2002, p. 55 sq.
41. Prérogative qu'ils devaient à la lex Titia, cf. DION, XLVI, 55, 3. Ils ne se gênèrent d'ailleurs pas
pour user de ce droit, cf. LAFFI U., «Poteri triumvirati e organi repubblicani», FORABOSCHI D . et
110
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE: MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
GARA A. (dir.), Il triumvirato constituante allafinedella Repubblica romana, Come, 1993, p. 42-4
Plus largement, sur les pouvoirs des triumvirs, cf. APPIEN, BC, IV, 2, 5-12.
42. Sur la permanence de l'activité des Comices et du Sénat, cf. M I L L A R F., «Triumvirate and
Principate»,yZ?S63, 1973, p. 52-54; LAFFI U., op. cit., p. 47-55; RODDAZ J.-M., «Les triumvirs
e
et les provinces», HERMON E. (dir.), Pouvoir et Imperium (III s. av. J.-C.-I" s. ap. J.-C), Naples,
1996, p. 88-91 et p. 95.
43. DION, XLLX, 41, 4-5. Marc Antoine voulut faire ratifier ces donations par le peuple. Les deux
consuls, alliés du triumvir, craignant les réactions hostiles, refusèrent prudemment une lecture
publique, malgré l'insistance d'Octavien.
44. RODDAZ J.-M., op. cit., p. 91.
45. TACITE, Ann., III, 28, 2; D I O N , LUI, 2, 5.
46. TACITE, Ann., III, 28.
47. Sur cette lectio, cf. DION, XLVIII, 34 et LU, 42 : la guerre civile avait permis de faire entrer à la
Curie nombre de chevaliers, desfilsd'affranchis voire des fantassins. Aussi le Sénat était-il désormais
composé de mille membres. Cf. également SUÉTONE, Aug., 35, qui parle d'un Sénat peuplé de
toute une foule mêlée et sans prestige (numerum deformi et incondita turba). Octavien décida par
conséquent de le ramener au chiffre d'autrefois afin, dit Suétone, de restaurer son antique éclat.
Velleius Paterculus confirme que l'action du nouvel homme fort de l'État romain avait permis de
rendre sa majesté au Sénat (senatui maiestas, II, 89).
111
PHILIPPE LE DOZE
48. Pour officiel qu'il fut, le triumvirat constitua une magistrature extraordinaire. Velleius Paterculus
note clairement cette volonté de revenir à une situation normalisée (VELLEIUS PATERCULUS, I I ,
89).
49. Sur la nécessaire recherche du consensus, un des moteurs de la vie politique romaine, cf. HURLET Fr.,
ER E
«le consensus et la concordia en Occident (I -III siècles après J.-C). Réflexion sur la diffusion de
l'idéologie impériale», INGLEBERT H . (dir.), Idéologies et valeurs civiques dans le monde romain:
hommage à Claude Lepelley, Paris, 2002, p. 163-178. Cf. également, les considérations sur cette
question dans H U R L E T Fr., « Une décennie de recherches sur Auguste. Bilan historiographique
(1996-2006) », Anabases 6, 2007, p. 187-218, et notamment la critique de la position de E. Flaig.
Remarquons simplement ici que la concorde était déjà l'objectif d'Enée, du moins dans l'esprit de
Virgile : «Je ne réclamerai pas pour moi la royauté : que les deux nations invaincues s'unissent sous
des lois égales, inaugurant une alliance éternelle» (Virgile,^«., 12, 190-191).
50. MINEO B., Tite-Live et l'histoire de Rome, Paris, 2006, p. 58-59.
51. Ibid., p. 64. L'auteur écrit également que «les tâches doivent être harmonieusement réparties au
sein de la cité afin d'y favoriser la concorde qui seule peut garantir la bonne santé de l'orga
nisme civique» (ibid., p. 338). Sur le fait que chaque ordre doit conserver son rang, cf. également
SYME R., op. cit., p. 334.
112
AUX ORIGINES DVNE RETRAITE POLITIQUE: MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
52. DION, XLIX, 16, 2; LI, 3, 5 ; LV, 7, 1 ; TACITE, Ann., VI, 11 ; V E L L E I U S PATERCULUS, II, 88 ;
PROPERCE, EL, 3, 9, 1 ; HORACE, Carm., 1, 1, 1 ; 1, 20, 5 ; 3, 16, 20 et 3, 29, 1. Dans la première
ode, le terme de chevalier est utilisé essentiellement pour faire sentir l'honneur insigne qu'avait reçu
Mécène en étant applaudi au théâtre par la foule. La seconde a un caractère personnel. Cependant,
le poète utilise le plus souvent des qualificatifs à valeur morale quand il parle de Mécène.
Cf. également Carm., 1, 1, 1 («Mécène, issu d'aïeux royaux») et Carm., 3, 29, 1-2. L'allusion
à cette prestigieuse ascendance est plus discrète dans la satire, 1, 6, 1-4, mais immédiatement
compréhensible par tous les lecteurs. Sur cette ascendance royale, cf. aussi El. Maec, 1, 13;
MARTIAL, XII, 4,2 ; SILIUS ITALICUS, X, 40 (« Les sceptres étrusques »).
53. DION, L, 11,5.
54. Res Gestae, 4, 8,12, 13, 34.
55. BADEL G, La noblesse de l'empire romain. Les masques et la vertu, Seyssel, Champ-Vallon, 2005
p. 59.
56. SUÉTONE, Aug., 36.
57. DEMOUGIN S., L'ordre équestre sous les Julio-Claudiens, Rome, 1988, p. 135 et 169. L'idée d'une
stratégie de rééquilibrage entre les ordres se trouve également chez CRESCI G., « Maecenas, equitum
decus», RSA 25,1995, p. 174-175 (l'objectif de ce rééquilibrage tel qu'il est présenté ici nous paraît
néanmoins erroné: selon l'auteur, Octavien/Auguste aurait songé à faire jouer un rôle nouveau à
l'ordre équestre par le biais d'un cursus séparé, afin de contrebalancer la puissance de la nobilitas
tout en la ménageant. Mécène aurait alors symbolisé le prestige de l'ordre des chevaliers et aurait
113
PHILIPPE LE DOZE
dans ce cadre : si Ton considère que chaque ordo était chargé d'une mission
précise au sein de la cité, il avait amplement outrepassé ses prérogatives.
Mécène pouvait symboliser les prétentions illégitimes de cet ordre dans
l'État au regard de la tradition. Nous avons rappelé plus haut qu'Octa-
vien décida, lors de sa censure avec Agrippa, de revenir à une situation
plus orthodoxe. Mais, plutôt que d'effacer autoritairement de Valbum les
chevaliers qui y avaient pénétré sans en avoir les titres, il les engagea à se
retirer d'eux-mêmes. Cinquante d'entre eux, nombre relativement limité,
58
s'exécutèrent sur le champ . I l est vraisemblable que le retrait volontaire
de Mécène de ses fonctions ait été un préalable et qu'il ait eu pour objectif,
entre autres, d'influencer la décision de ses collègues de l'ordre équestre.
Dès lors que l'on admet que Y Ode 3, 8 constitue le dernier indice d'un
pouvoir exercé par Mécène et que celle-ci date de 29 av. J.-C. ; qu'aucune
allusion n'est plus faite chez aucun historien antique d'une quelconque
gestion de Rome et de l'Italie par Mécène après 29 ; que la Res publica res
tituta impliquait un retour à une gestion plus orthodoxe de la péninsule ;
que la lectio senatus de 28 entraînait une réévaluation parallèle de la place
de l'ordre équestre afin d'atténuer certaines résistances, il apparaît comme
plus que vraisemblable que Mécène perdit toute responsabilité politique
durant l'année 29, peu avant ou peu après l'été au cours duquel fut fêté le
triple triomphe d'Auguste.
114
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE: MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
115
PHILIPPE LE DOZE
65. SÉNÈQUE, ad Luc, 114, 4 et 6. Les Elégies à Mécène, en évoquant la tenue vestimentaire de ce
dernier, prouvent qu'il fut aussi attaqué par ses contemporains sur ce point.
66. Dans Salluste, par exemple, la mise de Catilina traduit son désordre intérieur (Cat,, 15).
67. SUÉTONE, Caes., 45. La toge était considérée comme le symbole de Rome : cf., par exemple, Y Ode,
3, 5, 1 d'Horace où le poète déplore que des soldats de Crassus, aient pu accepter de vivre sous le
joug du vainqueur parthe, acceptant des épouses barbares, oublieux « du nom romain, de la toge, de
l'éternelle Vesta» (v. 10-11). Cf. également Lrv., XXLX, 19 et VIRGILE, Aen., 1,282. La toge était si
caractéristique de la romanité que Cicéron, plutôt que de la Gaule Cisalpine, parle de la Gaule en
toge, afin de mieux l'opposer à la Gaule Chevelue (Phil, 8, 27). Lorsque l'Arpinate attaque Marc
Antoine, il déclare porter la toge et les chaussures (calceis et toga), alors que l'on a vu son adversaire
avec des sandales gauloises et portant la cape. La tenue vestimentaire était à ce point importante que
le grand orateur Hortensius dut lui-même faire face aux sarcasmes et aux injures en raison de son
élégance (AULU G E L L E , N.A.,l, 5, 2-3). Scipion reproche également à Sulpicius Galus de porter
des tuniques descendant jusqu'à la naissance des mains, presque jusqu'aux doigts, ce qui était,
selon lui, déshonorant pour un Romain (AULU G E L L E , Ν. Α., VI, 12). Cette question de la tenue
vestimentaire revient d'ailleurs fréquemment chez Aulu Gelle (cf. aussi XIII, 22). Pour une des
rares études sur le rôle politique du vêtement à Rome, cf. FREYBURGER-GALLAND M.-L., « Le rôle
politique des vêtements dans l'histoire romaine de Dion Cassius », Latomus 52, 1993, p. 117-128.
Elle précise notamment que lorsqu'une personnalité arborait une tenue «grecque» ou fantaisiste,
cela entraînait systématiquement la réprobation de Dion. Dans cette société très hiérarchisée, le
costume avait une valeur symbolique évidente et il constituait un signe d'appartenance à un ordo.
Le respect du code vestimentaire constituait un devoir et tout écart ne manquait pas d'entraîner la
réprobation des pairs (à moins, comme le montre l'étude, qu'un changement de tenue, un magistrat
s'habillant comme un sénateur ou un sénateur comme un chevalier, ne soit légitimé par une bonne
raison : le deuil, la colère, etc.). À ces critiques d'ordre vestimentaire, il faudrait ajouter la noncha
lance reprochée à Mécène. Curieusement, ces attaques rappellent les critiques touchant le jeune
Scipion Emilien, perçu par ses concitoyens comme apathique et endormi. Epaulé par Polybe, il
allait s'attacher à corriger cette fâcheuse réputation avant de se lancer dans la vie politique (POLYBE,
31, D, 1,23-24). Ces propos sont à mettre en parallèle avec ceux de VELLEIUS PATERCULUS, II, 88,
concernant Mécène (portrait positif mais qui signale bien la singularité de cet individu) : certains
comportements étaient la marque d'une incapacité à gouverner.
68. GRIMAL P., « Une intention possible de Pétrone dans le Satiricon », GRIMAL P., Voyage à Rome, Paris,
2004, p. 549-550.
69. Lrv., XXIX, 19-20.
70. L'image que nous avons conservée de Marc Antoine doit certainement beaucoup à sa liaison avec
la reine d'Egypte et à sa fascination pour l'Orient. Ces deux éléments donnaient à ses adversaires
des armes facilement exploitables. Ils venaient renforcer le portrait plus que négatif (mais finale
ment très conventionnel dans le cadre de telles rivalités) dressé par Cicéron dans les Philippiques.
N'oublions pas non plus qu'il fallut légitimer la guerre d'Actium, la présenter comme une guerre
juste, menée au nom du peuple Romain. Montrer, par une propagande active sinon subtile, que
Marc Antoine était un débauché, buveur invétéré, prisonnier de la volupté et manipulé par une
reine étrangère à la beauté ensorceleuse dont il s'était rendu l'esclave, servait la cause d'Octavien.
116
AUX ORIGINES D'UNE RETRAITE POLITIQUE: MÉCÈNE ET LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A
tout état de cause que la position de Mécène était difficilement tenable dans
la perspective d'un retour apparent vers un fonctionnement normalisé de
l'État. I l est peu probable qu'elles aient touché un simple priuatus. I l est
vraisemblable que c'est lors de ses fonctions à la tête de Rome et de l'Italie
71
que l'on a forgé un portrait dont Sénèque a assuré la survivance . Ce
portrait témoigne selon nous du malaise créé par la position d'un chevalier
72
au sommet de l'État . C'est pourquoi, loin d'avoir été une disgrâce, la
retraite politique de Mécène en 29 av. J.-C. constituait le premier jalon
d'une stratégie politique. Les privilèges des nobiles étaient en quelque sorte
un palladium. Les fouler au pied trop ouvertement revenait à contredire la
prétention à restaurer la Res publica et risquer de subir l'accusation d'aspi
rer à un nouveau regnum. Rien ne permet de penser que Mécène n'ait pas
pleinement accepté cette stratégie.
Pour se défendre, il dut écrire un petit ouvrage, le De sua ebrietate, peu avant Actium (PLINE,
ÄJV..XTV, 148).
71. H est plus que probable que le stoïcien tire ses informations d'une tradition « giàformatae orientata»
(NiCASTRi, op. cit., p. 298).
72. À titre de comparaison, les nobiles n'ont jamais admis la position privilégiée dans l'État de l'obs
cur Agrippa qui faisaitfigurede parvenu. Il fut proche d'accéder au pouvoir suprême puisque
l'attribution, successivement, de la tribunicia potestas, puis de Y imperium proconsular faisaient de
lui le successeur officieux d'Auguste. On se rappelle également que c'est à lui que le Princeps avait
remis son sceau en 23, de préférence à Marcellus (DION, LUI, 30, 1-2). Le mécontentement de
l'aristocratie s'exprima de façon éclatante lorsqu'ils refusèrent d'assister à ses funérailles. Sur ces
dernières, cf. FRASCHETTI Α . , Rome et le prince, Paris, 1994 (traduction française de V. Jolivet à
partir de l'édition de 1990), p. 293 sq. On imagine que leur état d'esprit n'était guère mieux disposé
à l'encontre de Mécène.
117
Les restaurations religieuses
d'Octavien /Auguste
John SCHEID
119
JOHN SCHEID
3. Voir SCHEID J., «Auguste et le grand pontificat. Politique et droit sacré au début du Principat»,
RHD 77y 1999, p. 1-19; ID., «Ronald Syme et la religion romaine», GIOVANNINI A. (dir.), La
Révolution romaine après Ronald Syme. Bilans et perspectives (Entretiens sur l'antiquité classique
vol. 46), Vandoeuvres-Genève, 2000, p. 39-72.
4. RGDA 24, 1 : In templis omnium ciuitatium proufincijae Asiae uictor ornamenta reposui, q
liatis temfplis is], cum quo bellum gesseram, priuatim possederai. Auguste a, par exemple, resta
revenus sacrés d'Artémis d'Éphèse (IEphesos la, n° 18b). Pour les temples-cités, BROUGHTON T.R.S.,
«New Evidence on Temple Estates in Asia Minor», Studies in Roman Economic and social History,
in Honour of A. C.Johnson, Princeton, 1951, p. 236-250.
5. D I O N XLIV, 4, 3 : σκΰλά τέ τινα όπιμα ές τον τουΔιός του Φερετρίου νεών άναθειναί οι
ωσπερ τινάπολέμιον αύτοστράτηγον αυτοχειρίαπεφονευκότι.
6. Voir pour tout ceci Lrv., I, 10, 5; IV, 20, 7; NEP. ATT. 20, 3; cf. 4, 20, 7; D I O N . HAL. II, 34,
3 suiv. ; PROP. 4, 10; PAUL. FEST. p. 189 L; FLOWER H . , «The Tradition of the Spolia Opima:
M. Claudius Marcellus and Augustus », Class. Ant. 19, 2000, p. 34-64, avant tout p. 46, n. 75.
7. GRANINO C E C E R E M. Gr., in GRANINO C E C E R E M. Gr., SCHEID J., « Les sacerdoces publics éques
tres», DEMOUGIN S., DEVIJVER H . , RÄP&ET-CHARLIER M. 1h. (dir.), Ordo equester. Histoire dune
aristocratie, Rome 1999, p. 79-113, surtout p. 99 suiv.
120
LES RESTAURATIONS RELIGIEUSES DOCTAVIEN'/AUGUSTE
8. Cf. SCHEID J., «Les frères arvales, où comment construire une étiologie pour une restauration
religieuse», CHASSIGNET M. (dir.), L'étiologie dans la pensée antique, Tournai, 2008, p. 293-303.
9. Α£Ί997,1425 :... ιερέα σακερδωτίουΤατίου...
10. Seul le viens Augustanus, situé à côté du site-sanctuaire pourrait renvoyer à un intérêt d'Auguste
pour le site.
11. SUÉTONE, Aug. 31, 3: sacerdotum et numerum et dignitatem sed et commoda auxit, praecip
Vestalium.
12. /ZS251 : Imp. Caesar/Vespasianus/Aug., cos. VIII (= 77),/fines agrorum/dicatorum/Dianae
Cornelio Sulla/exformaDiuilAug. restituit.
13. K E P P I E L . , Colonisations and Veteran Settlement in Italy, 47 BC-14 AD, Rome, 1983, p. 169.
121
JOHN SCHEID
14
Hispellum, qui était peut-être un grand sanctuaire ombrien , et attribua
15
à la nouvelle colonie le sanctuaire des sources du Clitumne . Une autre
colonie paraît avoir été fondée à Fanum Fortunae, qui ne semble avoir été
16
qu'un temple à l'époque de César .
En Asie Mineure, Auguste fit restituer aux temples les objets volés par
17
Marc Antoine . Et puis le silence retomba, jusqu'en 18 av. J.-C, quand
d'après la doctrine officielle i l restaura la vieille cérémonie des Jeux sécu
laires. Lorsqu'on lit les récits des historiens et les protocoles des quindé-
cemvirs, on se rend compte que cette restauration aussi fut en grande partie
18
une invention à partir de quelques traditions plus anciennes . Enfin, en
12 av. J.-C, après son élection commepontifex maximus, un certain nom
bre d'autres institutions religieuses furent prises. Un flamine de Jupiter fut
19
investi de sa fonction, peut-être même un flamine de Mars . De même le
nombre régulier des Vestales fut rétabli. Dans les quartiers de Rome, les uici
eurent le droit de disposer de magistri, qui célébreraient les jeux des compi-
20 e r
talia , interdits après les désordres du milieu du I s. av. J.-C. I l fait aussi
commencer une vérification, qui aboutit en 8 av. J.-C. à la correction du
21
calendrier fondé par César, et conféra le nom d'Augustus au mois Sextilis .
Restent un certain nombre de nouveaux cultes qui célébraient les vertus
d'Auguste et les effets de son action, dont certaines connurent une longue
postérité : Fortuna redux, Pax Augusta, dementia, Iustitia, etc.
Tout cela est bien connu, mais moins bien compris. Même si personne
ne parle plus de décadence ou de cynisme, comment interpréter toutes
ces initiatives ? Était-ce simplement de la propagande ? Octavien-Auguste
e
aurait-il gouverné, comme les Führer ou Duce du XX siècle, grâce à la pro
pagande organisée ? I l faut souligner que les Anciens n'ont jamais mis en
22
doute sa sincérité. On a critiqué, à sa mort, sa divinisation , mais on n'a
jamais moqué sa piété, on n'a jamais prétendu que c'était de la propagande
14. COARELLI F., «Il rescritto di Spello e il santuario "etnico" degli Umbri», Umbria cristiana. Dalla
diffusione del culto al culto dei santi (sec. IV-X). Atti del XV Congresso internazionale di studi
sull'alto medioevo (2000), Spolète, 2001, p. 39-52.
15. PLINE, Ep. Vili, 8, 6.
16. CESAR, BC, I, 11 : Erat iniqua condicio postulare ut Caesar Arimino excederet atque in proui
reuerteretur ipsum [...]. 4. Itaque ab Arimino M. Antonium cum cohortibus VArretium mit
Arimini cum duabus [legionibus] subsistit ibi que dilectum habere instituit Pisaurum Fanum
singulis cohortibus occupât. Cf. CHAMPEAUX ]., Fortuna. Recherches sur le eulte de la Fortune à R
et dans le monde romain des origines à la mort de César. I. Fortuna dans la religion romaine
Rome 1982, p. 190 et n. 220; 454.
17. Cf.n.4.
18. WEISS P., « Die Säkularspiele der Republik - eine annalistische Fiktion ? Ein Beitrag zum Verständnis
der kaiserzeidichen Ludi saeculares», MDAIR 80, 1973, 205-217; SCHEID J., «Dell' importanza
di scegliere bene le fonti. L'esempio dei Ludi secolari», Scienze dellAntichità; Storia Archeologia
Antropologia 10, 2000, p. 645-657.
19. D I O N , LIV, 36,1 et T A C , Ann. III, 58 ; IV, 16, 4. Voir SCHEID 2000 pour la date précise. D'après
la datation de la monnaie de L. Cornelius Lentulus par GIARD J.-B., Catalogue des monnaies de
2
l'Empire romain. I. Auguste, Paris, 1988 , 115 n° 555- n° 559, leflaminede Mars semble avoir été
pris en 12. Voir pour les autres hypothèses PHP s.v. Cornelius n° 1384.
20. FRASCHETTI Α., Roma e il principe, Rome 1990 (tr.fr.1994), p. 250 sq.
21. Pour les détails, voir SCHEID J., «Auguste et le grand pontificat art. cité», p. 1-19.
22. TAC, Ann. I, 10,6.
122
LES RESTAURATIONS RELIGIEUSES D'OCTAVIEN/AUGUSTE
23. WEBER Gr. et ZIMMERMANN M., « Propaganda, Selbstdarstellung und Repräsentation. Die Leitbegriffe
des Kolloquiums in der Forschung zur frühen Kaiserzeit», WEBER Gr. et ZIMMERMANN M. (dir.),
Propaganda, Selbstdarstellung und Repräsentation im römischen Kaiserreich des I. Jhs. n. Chr.,
2003, p. 11-41.
123
JOHN SCHEID
24. GIRARDET Kl. M., «Der Rechtsstatus Oktavians im Jahre 32 ν. Chr.», RhM 133, 1990, p. 322-
350, notamment p. 326-329 [= GIRARDET, Rom auf der Weg von der Republik zum Prinzipat,
Bonn, 2007, p. 333-362] ; GIRARDET, « Die Entmachtung des Konsulates im Übergang von
der Republik zur Monarchie und die Rechtsgrundlagen des augusteischen Prinzipats », Pratum
Saraviense. Festgabefur P. Steinmetz (Palingenesia vol. 30), Stuttgart 1990, p. 89-120 [= GIRARDET,
Rom aufder Weg von der Republik zum Prinzipat, Bonn, 2007, p. 385-423] ; GIRARDET, « Per con-
tinuos annos decern {res gesta divi Augusti 7,1). Zur Frage nach dem Endtermin des Triumvirats»,
Chiron 25, 1995, p. 147-161 [= GIRARDET, Rom auf der Weg von der Republik zum Prinzipat,
Bonn, 2007, p. 315-332] ; ID., «.Imperium "maius". Politische und verfassungsrechdiche Aspekte.
Versuch einer Klärung», Giovannini A. (dir.), La révolution romaine après Ronald Syme. Bilans
et perspectives (Entretiens sur l'Antiquité classique, vol. 46), Vandoeuvres-Genève, 2000, 167-
237 [= GIRARDET, Rom auf der Weg von der Republik zum Prinzipat, Bonn, 2007, p. 461-521] ;
FERRARY J.-L., «À propos des pouvoirs d'Auguste», CCG 12, 2001, p. 101-154; ID., «Respublica
restituta et les pouvoirs d'Auguste», FRANCHET D'ESPÈREY S., FROMENTIN V., GOTTELAND S.,
RODDAZ J.-M. (dir.), Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux, 2003, p. 419-428.
25. BOTTERI P., « L'integrazione mommseniana a Res Gestae Divi Augusti 34, 1 "potitus rerum omnium
e il testo greco», ZPE 144, 2003, p. 261-267; DREW-BEAR Ih. et S C H E I D J., «La copie des
Res Gestae d'Antioche de Pisidie», ZPE 154, 2005, p. 217-260.
26. D I O N , LUI, 1, 1; 3-18.
124
LES RESTAURATIONS RELIGIEUSES D'OCTAVIEN/AUGUSTE
romains qui avaient été oubliés, tous leurs biens qui étaient tombés en
ruines et gisaient abandonnés, tout cela Octavien le restaura après en avoir
dressé l'inventaire. Le fait que la plupart des restaurations aient été réalisées
entre 32 et 27 prouve qu'elles faisaient partie de la stratégie politique que
le triumvir entendait appliquer dès sa victoire. I l ne s'agit pas d'improvisa
tions, mais d'une stratégie mûrement réfléchie et préparée, qui aboutit en
même temps que la restitution des droits et des lois au peuple Romain.
Ne serait-ce pas en fin de compte de la politique malgré tout?
Certainement, mais pas dans le sens où les propagandistes des états totali
taires la mettaient en œuvre. Les initiatives d'Octavien correspondaient à
ce qui était annoncé. I l ne s'agissait pas de paroles grandiloquentes gonflant
les projets ou certains aspects de l'action du prince, mais d'actes réels. Et ces
actes correspondaient à ce que les Romains attendaient de la piété. Dans le
culte public, ce qui était en cause, ce n'était pas la piété au sens moderne,
chrétien, du terme qui était en cause. Il ne s'agissait pas de piété intériorisée,
qui contemplait son lien avec l'ineffable, mais d'actes matériels qui plaçaient
ou replaçaient les dieux au centre de la vie sociale romaine. Ne pas faire cela
correspondait à tolérer une éthique sociale dévoyée, propre aux temps de
guerre civile. Et Octavien ne se contentait pas seulement de distribuer des
subventions aux prêtres et aux lieux de culte. Les restaurations d'Octavien
entraînaient également une implication profonde des élites, des sénateurs et
des chevaliers jusqu'aux habitants libres, affranchis ou esclaves des quartiers
de Rome. Tous devaient désormais donner de leur temps et de leurs moyens
pour maintenir ces obligations rituelles, plus riches que jamais, qu'Octavien
a (re)construites entre 32 et 27. I l faut se rappeler qu'un frère arvale, par
exemple, devait consacrer un minimum cinq à six jours complets par an
à la célébration du culte, et rapidement davantage. En outre, quand son
tour venait d'être «supérieur» annuel de la confrérie (magister), il devait
gérer le bois sacré et le temple de la déesse, avec l'aide de son appariteur,
des esclaves publics du collège et de son propre personnel. Pendant l'année
de cette charge, sa maison contenait même une chapelle publique de Dea
Dia. Et ce n'était là qu'une des fonctions religieuses du frère arvale. Il était
aussi père de famille, magistrat, et souvent membre d'autres collèges sacer
dotaux, ce qui permet de multiplier le temps et les moyens investis dans le
culte public et privé. Le peuple Romain avait droit à ce service car c'était
la charge des sénateurs et des chevaliers de rendre en son nom le culte aux
dieux, comme magistrats, et/ou comme prêtres. Le peuple ne pouvait qu'en
bénéficier, et en revanche la négligence des élites pouvait entraîner l'ire des
dieux, qui risquait de provoquer des catastrophes. Remplir à la perfection
ses devoirs religieux était une obligation politique, comme les autres attri
butions d'un magistrat supérieur. C'était un geste politique parce que cette
activité faisait partie des activités de gouvernement. Le faire mieux que
personne auparavant était cependant une qualité politique remarquable qui
attirait forcément l'attention.
125
JOHNSCHEID
126
LES RESTAURATIONS RELIGIEUSES D'OCTAVIEN/AUGUSTE
29. EICH Α., « Die Idealtypen "Propaganda" und "Repräsentation" als heuristische Mittel bei der
Bestimmung gesellschaftlicher Konvergenzen und Divergenzen von Moderne und römischer
Kaiserzeit», WEBER Gr. et ZIMMERMANN M. (dir.), Propaganda, Selbstdarstellung und Repräsentation
im römischen Kaiserreich des I. Jhs. n. Chr., Stuttgart, 2003, p. 41-8$.
127
JOHNSCHEID
30. WEBER Gr. et ZIMMERMANN M., « Propaganda, Selbstdarstellung und Repräsentation. Die Leitbegriffe
des Kolloquiums in der Forschung zur frühen Kaiserzeit », WEBER Gr. et ZIMMERMANN M. (dir.),
Propaganda, Selbstdarstellung und Repräsentation im römischen Kaiserreich des I. Jhs. n. Chr.
2003, p. 11-41.
128
Le triomphe d'Auguste :
héritage de la République ou révolution?
Michel TARPIN
129
MICHEL TARPIN
1
nous semblent suspects . Enfin, la question de l'origine du cortège, fête
de Jupiter, cérémonie de purification, imitation de cortèges dionysiaques,
est sans intérêt pour notre propos, pour autant même qu'elle ait un intérêt
historique. La question du triomphe républicain, dans une lecture hyper-
critique est d'autant plus délicate que les triomphes sont devenus rares sous
l'Empire (BARINι C , Triumphalia. Imprese ed onori militari durante l'impero
Romano, Turin, 1952) et que la cérémonie n'est que très rarement décrite.
Paradoxalement, s'il est aisé de dire que le rituel impérial a contaminé les
récits des triomphes républicains, il est plus délicat de définir un triomphe
«impérial», qui se singulariserait à l'égard du triomphe républicain. Nous
nous intéresserons donc ici plus particulièrement à ce moment charnière
que représente le triple triomphe de 29 av. J.-C, chronologiquement encore
républicain, mais censé être un moment de basculement de la cérémonie.
1. Je tiens ici à me démarquer d'une attitude fréquente dans la littérature hypercritique ; pratique qui
consiste à refuser dans les récits des périodes anciennes tout ce qui paraît crédible au nom même
d'une crédibilité qui est jugée comme une preuve de fabrication. On peut se tromper autant par
scepticisme que par naïveté.
2. Il donne cependant un détail technique : on doit conserver en vie le chef ennemi pour l'exécuter
le jour même du triomphe. Cic, 2 Vert., 5, (30), 77 : At etiam qui triumphant eoque diutius uiuos
hostium duces reseruant ut his per triumphum duetts pukherrimum spectaculumfructumqueu
populus Romanus percipere possit, tarnen cum deforo in Capitolium currusflectereincipiunt,
in carcerem iubent, idemque dies et uictoribus imperii et uictis uitae finemfacit.
130
LE TRIOMPHE D'AUGUSTE: HÉRITAGE DE LA RÉPUBLIQUE OU RÉVOLUTION?
3. L'archétype de la cérémonie est à rechercher non tant dans l'entrée cérémonieuse de Romulus
porteur des dépouilles d'Acron, que dans les triomphes du dernier siècle de la monarchie et du
E
début du V siècle. Pour Tite Live (I, 38, 3), suivi par Eutrope (1, 6, 1), le premier triompha
teur est Tarquin l'Ancien, ce qui suppose une perception historicisée de l'évolution de la guerre :
Romulus pratique encore un combat « homérique ». Pour Eutrope (II, 2,2), Cincinnatus est le troi
sième triomphateur, mais le premier pour lequel le triomphe est «decretus». Denys d'Halicarnasse
(II, 34,3), en revanche, attribue à Romulus d'emblée un triomphe déjà complètement formé, avec
une séquence du cortège qui est celle que nous connaissons pour lafinde la République.
131
MICHEL TARPIN
132
LE TRIOMPHE D'AUGUSTE: HÉRITAGE DE LA RÉPUBLIQUE OU RÉVOLUTION?
verbes comme άγεΐν rappelle que le général conduit devant lui le butin et
les captifs. L'absence de comparaison avec un rituel grec précis me laisse
penser que Polybe n'a pas en tête un cortège précis, comme la pompé
dionysiaque, par exemple. On peut ajouter ici un élément qui vient, ce
me semble, confirmer notre propos. On sait qu'en 205 av. J.-C. Scipion
avait peut-être espéré un triomphe, mais n'avait pas insisté face aux réserves
du sénat. Dépourvu de véritable magistrature, il ne pouvait pas forcer la
main aux pères. Or Polybe dit de lui (XI, 33,7) : κάλλιστονθρίαμβονκαι
καλλίστην νίκην τή πατρίδι κατάγων. En effet, on sait pas ailleurs que
Scipion avait pris la précaution de ramener un butin exceptionnel et de
nombreux captifs. Tout ce qu'il fallait pour un beau triomphe, en somme.
Mais privé d'une entrée solennelle dans la ville, il se contenta de faire por
4
ter en grande pompe le produit de ses victoires au trésor . Autrement dit,
Scipion, qui n'a pas triomphé, a eu quand même unθρίαμβος ; le triomphe
proprement dit, pour Polybe, qui n'a pas de mot pour le désigner, est donc
ailleurs que dans le cortège. L'acte que représente l'entrée dans la Ville est
en effet fondamental, au point que Cicéron, pourra se moquer de Gabinius,
5
entré en cachette et de nuit dans la ville, comme un envahisseur . Cicéron
6
paraît d'un avis différent à propos de Pison , mais, là encore, il insiste,
indépendamment de la question de l'exposition du butin, sur la manière
7
d'entrer dans Rome . On se rappelle que le premier triomphe prétorien,
0
celui de Purpureo, en 200, était dépourvu de pompa . Sa situation était
donc l'antithèse de celle de Scipion. Ce dernier avait eu un cortège glorieux,
mais pas de triomphe, le premier eut l'entrée solennelle mais pas de cortège.
Pour la tradition, seul Purpureo avait «triomphé».
Cette remarque de fond nous permet de passer à un historien volontiers
décrié par les hypercritiques, et qui, pourtant, a connu la République en ses
dernières années. Tite-Live est l'auteur antique à qui nous devons le plus
de notices triomphales. Or, sans même en faire l'inventaire exhaustif - qui
serait sans doute révélateur - , on peut noter que nombre de ses notices
4. Lrv., XXVIII, 38,4 : Ob has resgestas magis temptata est triumphi spes quam petita pertinaci
neminem ad earn diem triumphasse qui sine magistratu res gessisset constabat. (5) Senatu
est ingressus, argenti queprae se in aerarium tulit quattuordecim milia pondo trecenta quad
etsignati argenti magnum numerum [...].
5. Cic., Q_.fr-, 3,2,2: Cognosce nunc hominis audaciam et aliquid in re publica perdita delecta
Gabinius, quacumque ueniebat, triumphum se postulare dixisset subitoque bonus imperat
urbem hostium plane inuasisset, in senatum se non committebat.
6. O c , Pis., 25, 60: Vertes te ad alteram scholam; disseres de triumpho : «quid tandem habet ist
quid uincti ante currum duces, quid simulacra oppidorum, quidaurum, quid argentum, quid
equis et tribuni, quid clamor militum, quid tota illa pompa ì Inania sunt ista, mihi crede, del
paenepuerorum, captare plausus, uehi per urbem, conspici uelle. »
7. Ibid., 61: Quin tu me uides qui, ex qua prouincia T. Fkmininus, L . Paulus, Q. Metellus,
T. Didius, innumerabiles alti Imitate et cupiditate commoti triumpharunt, ex ea sic redii u
Esquilinam Macedonicam lauream concukarim, ipse cum hominibus quindecim male uestit
Caelimontanam sitiens peruenerim; quo infocomihi libertus praeclaro imperatori domum
biduo ante conduxerat; quae uacua si nonfuisset, in campo Marno mihi tabernaculum con
8. Lrv., XXXI, 49, 2 : Triumphauit de Gallis in magistratu L. Furiuspraetor et in aerarium tulit tre
uiginti milia aeris, argenti centum septuaginta milia mille quingentos. (3) Neque captiui
currum ducti neque spolia praelata neque milites secuti : omnia praeter uictoriam penes co
apparebat.
133
MICHEL TARPIN
134
LE TRIOMPHE D'AUGUSTE: HÉRITAGE DE LA RÉPUBLIQUE OU RÉVOLUTION?
10
de l'argent a posteriori . Pour le reste, ni le texte de Polybe ni les notices
liviennes, pourtant souvent sénatoriales, n'indiquent que l'accord du sénat
n
soit obligatoire pour triompher au sens moderne du m o t . On ne manque
pas d'épisodes dans lesquels des généraux triomphent de leur seule volonté.
Et ce même Nasica, après sa victoire sur les Boïens, aurait licencié son armée
en lui donnant rendez-vous pour le triomphe sans même attendre un avis
du sénat. La recherche des «critères» d'attribution du triomphe est donc
passablement vaine, pour la simple raison que le pouvoir du sénat en ce
domaine est un pouvoir d'obstruction, qui va croissant avec le temps, et
12
non une obligation légale . Il n'y a d'ailleurs pratiquement pas de mention
de texte normatif, si ce n'est la loi, très discutée, qui limiterait la capacité
à triompher en fonction du nombre d'ennemis tués (5 000 au minimum),
pour éviter que n'importe qui ne puisse triompher (VAL. MAX., I I , 8, 1 ;
OROS., V, 4, 7). Mais, là encore, les sources ne précisent pas si la loi porte
sur l'entrée cérémonielle de l'armée dans la ville ou sur le cortège.
En bonne logique, l'application de la loi est du ressort des magistrats,
ce qui peut expliquer que le scandaleux triomphe d'Ap. Claudius Pulcher
en 143 se soit heurté au veto d'un tribun de la plèbe et que le consul ait dû
13
prendre sa sœur, vestale, sur son char, pour bénéficier de son immunité .
Le sénat paraît avoir été impuissant. Mais surtout, il faut tenir compte
de la modification du statut des triomphateurs pour mieux comprendre
l'écart entre Polybe et Tite-Live sans avoir à rechercher une manipulation
er
historique de la part du second: les triomphes du I siècle sont le fait de
promagistrats, qui ne peuvent légalement entrer dans la ville devant leur
armée que s'ils sont revêtus d'un imperium compétent; et cet imperium
doit justement être voté sous la forme d'une lex. L'exemple bien connu du
scandaleux triomphe de Pomptinus, en 54 éclaire parfaitement la situation :
Cicéron le rappelle, la loi avait été votée avant l'aube - ce qui l'invalidait
d'office - et par une poigné d'amis de l'impétrant, conduits par Servius
Galba, qui avait été son légat durant la campagne. Il avait fallu acheter, et
fort cher, des témoins (Cic., Att., 4,18). \1 imperium voté, la seule opposi
tion possible est la force: plusieurs magistrats, dont l'inévitable Caton, alors
préteur, tentent de bloquer le cortège à la porta triumphalis. Des magistrats
de plus haut rang, comme le consul Ap. Claudius Pulcher, et des consulaires
10. Cf. ABERSON M., Temples votifs et butin de guerre dans k Rome républicaine, Rome, 1994,
p. 22-26. Liv., XXXVI, 36,2 : Nouum atque iniquumpostukre est uisus; censuerunt ergo quos l
+ sine consultu senatus + ex sua unius sententia uouisset, eos uel de manubiis, si quam pecu
reseruasset, uel sua ipse impensafaceret.
11. Si Ton admet, comme je le fais, queθρίαμβος/triumphus désigne le cortège proprement dit, et
non la procédure d'entrée de l'armée dans la ville, la mention d'un triomphe «décrété» pour
Cincinnatus ne fait pas problème : le sénat peut décider definancerle cortège (et le coût important
des victimes) en faveur du héros, dont on doit supposer qu'il n'aura presque pas écorné les finances
publiques qui lui ont été confiées pour la guerre, puisqu'elle n'a duré que vingt jours (EVTROP.,
II, 2, 2 : Quae omnia ab eo gesta sunt uiginti diebus, triumphusque ipsi decretus). Le Sénat
comme un général face à un héros: il paie la récompense.
12. On ne saurait opposer l'exemple de Scipion, cité ci-dessus. Son imperium de priuatus ne lui donnait
aucune autorité pour pénétrer en armes dans YVrbs.
13. Cic, Pro Caelio, 14,34 ; VAL. MAX., V, 4, 6 ; SVET., Tib., 2, 9 ; OROS., V, 4, 7.
135
MICHEL TARPIN
Le triomphe d'août 29 :
rituel révolutionnaire ou triomphe républicain?
14. Si Ton suit les tableaux de T. ITGENSHORST, ont triomphé comme consuls: Cn. Pompeius Sex.
f. Cn. n. Strabo co(n)s(ul) de Asculaneis Picentibus (89); Q. Fabius Q.f Q. n. Maximus co(n)s
ex Hispania (45) ; L. Antonius M. f. M. n. co(n)s(ul) exAlpibus (41) ; L. Marcius L.f. C. n. Cen
rinus co(n)s(ul) ex Macedonia (39). Il faut y ajouter César, comme dictateur en 46 et 45, ainsi que
le triomphe de 40, célébré par Marc Antoine et Octavien pour avoir fait la paix. À l'exception
du triomphe de Pompeius Strabo, tous les autres sont des triomphes des guerres civiles. Et le
précédent triomphe consulaire datait de 129: C. Semfpjronius Cf. C. n. Tuditan(us) co(n)s(ul)
de Iapudibus.
15. Près d'un quart des mentions de triomphes chez Suétone se trouvent dans la vie de César.
16. S VET., Aug., 22, 1 : Bis ouans ingressus est urbem, post Philippense et rursus post Siculum
Curulis triumphos tris egit, Delmaticum, Actiacum, Alexandrinum continuo triduo omnes
17. Le texte de Dion est en effet le principal document. La mention du triomphe de 29 chez Velleius
(II, 89) n'apporte strictement rien.
136
LE TRIOMPHE D'AUGUSTE: HÉRITAGE DE LA RÉPUBLIQUE OU RÉVOLUTION?
18
mentionnée (LI, 19, 1) est le vote de νικητήρια en l'honneur d'Octavien .
Le mot n'est guère employé pour désigner le triomphe. À Athènes, il cor
respond à une fête mal connue du mois de Boedromion, peut-être ajustée
sur la célébration de la victoire de Platée. I l est aussi décidé que le Vestales,
le sénat et le peuple iraient l'attendre hors de Rome, rôle normalement
19
dévolu aux proches du magistrat vainqueur (LI, 19, 2). Cet honneur fut
décliné (LI, 20, 4). L'été suivant, à l'annonce de la mort de Marc Antoine
(LI, 19, 4-5), on vota de nouveaux honneurs, dont des couronnes, des
20
supplications d'action de grâce et des επινίκια . Le mot, qui est le titre
donné aux poèmes de Pindare, est sans doute ici synonyme de νικητήρια.
La traduction de M.-L. Freyburger et de J.-M. Roddaz adopte pour les
deux termes la traduction « triomphe ». Cependant ce vote intervient avant
er
la validation des actes du consul, qui ne prit place que le 1 janvier 29
(LI, 20, 1). D'ordinaire, la ratification des actes, sur rapport du magistrat
intervient avant la délibération sur le triomphe. Cependant, on peut sup
poser que fut reproduit de précédent de Cincinnatus, c'est-à-dire la décision
de financer une pompé pour célébrer la victoire sur Cléopâtre, puis sur
l'Egypte. Le verbe αγαγείν rappelle justement la distinction que j'ai relevée
plus haut entre l'entrée en ville de l'armée et le cortège.
Dès le premier janvier du cinquième consulat d'Octavien (29 av. J.-C),
21
ses actes furent ratifiés en bloc , ce qui ramenait le jeune homme à la posi
tion normale d'un magistrat s'apprêtant à triompher.
Octavien rentre en Ville (LI, 2 1 , 1 : και αυτού ές την πόλιν έσελθόντος
οιτε άλλοι αθυσαν). L'expression désigne très certainement l'aggloméra
tion et non le pomerium. À cette occasion, Potitus, le consul sufFect, offre
des sacrifices d'action de grâce au nom du peuple et du sénat, ce qui, dit
22
Dion, ne s'était jamais produit auparavant . Octavien félicite ses officiers
et les décore, en même temps qu'il fait une distribution à ses hommes.
Cela correspond à une contio classique. Nous en avons mention surtout
sur le champ de bataille, le lendemain de la victoire, mais il est plus que
probable que les contiones pré-triomphales étaient de norme, même si
25
nous n'en avons que de rares mentions . Octavien procéda aussi à une
18. DION, LI, 19, 1: τάτε γαρ νικητήρια αύτω,ωςκαι της Κλεοπάτρας,και αψίδα τροπαιοφόρον
εν τε τω Βρεντεσίωκαιέτέραν εν τη 'Ρωμαία άγοραέδωκαν.
19. On pressent ici révolution qui conduira Auguste à se poser au centre de son forum, entouré des
summi uiri comme un patricien au milieu de ses ancêtres:Γ identification de l'État comme famille
du futur Auguste est déjà en cours après Actium.
20. DION, LI, 19, 5 : και προσεψηφισαντο τω Καισαρικαι στεφάνουςκαι ιερομηνίαςπολλάς,και
αύτωκαιέτερα επινίκιαως καί των Αιγυπτίων αγαγείν εδοσαν.
21. D I O N , LI, 20, 1 : τότε μεν δη ταΰτ'έγνώσθη, ύπατεύοντος δ' αυτού το πέμπτον μετάΣέξτου
Άπουλειου τά τεπραχβένταύπ' αυτούπάντα εν αύτη τη τοΰ Ιανουαρίου νουμηνία ορκοις
έβεβαιώσαντο.
22. D I O N , LI, 21, 2: ούτος (ΠοτΓΐος) ούν δημοσίακαι αυτόςυπέρ τε τοΰ δήμου καιυπέρ της
βουλής επί τη τοΰ Καίσαρος άφΰξει έβουθύτησεν' δ μήπω πρότερον επί μηδενός άλλου
έγεγόνει.
23. PINA POLO Fr., Las contiones civiles y militares en Roma, Saragosse 1989, p. 199-208; PINA POLO,
«Procédures and functions of civil and military "condones" in Rome», Klio 77, 1995, p. 203-
216, p. 214-215 ; DAVID J.-M., «Les "contiones"militaires des colonnes trajane et aurélienne: les
nécessités de l'adhésion », SCHEID J. et H U E T V. (dir.), Autour de h cohnne aurélienne, Turnhout
137
MICHEL TARPIN
remise de dettes et refusa toutes les couronnes votées par les cités italiennes
(LI, 2 1 , 4). Cela se place forcément avant le triomphe, puisque les couron
nes sont normalement destinées à y être présentées.
Dion enchaîne directement sur le triomphe proprement dit, qui est très
brièvement décrit: premier jour: victoires de 3 5 / 4 sur les Pannoniens, les
Dalmates, les Iapyges, quelques Gaulois et Germains (LI, 2 1 , 5). Octavien
exploite sans doute son autorité sur Caius Carrinas, qui avait remporté
24
des victoires en Gaule . Mais les Fastes semblent indiquer que Carrinas a
triomphé en 28. Deuxième jour: victoire d'Actium; troisième jour : victoire
d'Alexandrie (LI, 2 1 , 7 ) . Dion précise cependant que le butin d'Egypte
25
servit aux trois triomphes , ce qui est bien probable, les victoires, d'ailleurs
discutables, de Pannonie n'ayant sans doute pas donné grand chose de spec
taculaire. La célèbre mention de la statue de Cléopâtre, remplaçant la reine
qu'Octavien n'avait pu prendre vivante, en position de suicide n'a rien pour
surprendre (LI, 2 1 , 8) : elle figure dans le cortège, en avant du char, ce qui
est la place des captifs (μετά τε των άλλων αιχμαλώτων), comme l'indique
par ailleurs la présence de ses enfants. Pompée avait déjà fait figurer dans
son cortège l'image de Mithridate se suicidant, ainsi que celles des membres
de sa familles qui l'avaient suivi dans la mort. Bien auparavant, Scipion
avait fait figurer dans son cortège un tableau représentant Hannibal en fuite
(SILIVS, 17, 6 4 3 - 6 4 4 ) . En effet, le général punique n'avait pas été capturé.
Dion précise, lorsqu'il arrive à la position d'Octavien, que ce der
nier avait suivi précisément la tradition (LI, 2 1 , 9 : τα μεν αλλα κατά το
νομιζόμενον έπραξε). La suite met en évidence ce qui est pour Dion une
anomalie dans ce triomphe: le second consul, ainsi que les sénateurs sui
26
vaient le char, au lieu de le précéder, comme le voudrait la coutume . Là
s'arrête la description du triomphe. Celui-ci achevé, Octavien s'occupa des
jeux, des dédicaces et des temples.
Si nous tentons maintenant de comparer les éléments du rituel répu
blicain, au sens où l'entend T. Itgenshorst, et cette brève description du
triomphe de 29, il est difficile d'identifier des différences vraiment notables.
Le retour à Rome, accompagné au moins d'une partie de l'armée est parfai
tement naturel. Le refus de l'or coronaire et la remise des dettes ne peuvent
prendre place qu'en amont du triomphe, et ne constituent donc pas une
révolution dans la pratique du triomphe. En revanche, le sacrifice d'ac-
2000, p. 213-226. Fulvius Nobilior tint une contio dans le cirque de Flaminius avant d'entrer en
ville (Lrv. XXXLX, 5, 17). On rencontre même la mention d'une contio le lendemain du triomphe,
ce qui est surprenant, puisque le général a alors déposé son imperium: Lrv., XXXVI, 40, 14.
24. Cf. Lrv., Per., 131, 2 : Caesar seditionem ueteranorum cum magnapernicie motam inhibuit, Iapyd
et Dalmatas et Pannonios subegit.
25. Dio, LI, 21,7 : επιφανείς μενδη καί αί αλλαιπομπαίδια τα άπ' αυτής (seil. Αιγύπτου)λάφυρα
έγένοντο (τοσαΰτα γάρ ήθροίσθη ωστε πάσαις έπαρκέσαι), πολυτελέστατη δ' ούν καί
αξιοπρεπέστατη αΰτηή Αιγύπτια.
26. Dio, LI, 21,9:Μετάδε δη τοΰτο ο Καίσαρέφ' απασιν αύτοίςέσελάσας τα μεν αλλακατά
το νομιζόμενονέπραξε, τονδε δη συνύπατον τους τε λοιπούς άρχονταςπεριείδε παρά το
καθεστηκοςέπισπομενους οί μετά τωνλοιπώνβουλευτών τών συννενικηκότων* είωθεσαν
γαρ οι μενήγείσθαι οιδεέφέπεσθαι.
138
L E T R I O M P H E D ' A U G U S T E : HÉRITAGE D E L A RÉPUBLIQUE O U RÉVOLUTION?
tion de grâce célébré par le consul suffect Potitus est tout-à-fait nouveau,
selon Dion. La pratique de Taction de grâce est cependant bien attestée à
Rome (HALKIN L., Les supplications d'actions de grâce chez les Romains, Paris,
1953 ; FREYBURGER G., «La supplication d'action de grâces sous le Haut
Empire», ANRW, I I . 1 6 . 2 , 1 9 7 8 , p. 1 4 1 8 - 1 4 3 9 ) . La nouveauté peut être
cherchée dans le thème du sacrifice, réalisé en vue du retour d'Octavien.
Les actions de grâce traditionnelles visent à remercier les dieux pour leur
action positive en faveur de Rome (cf., par exemple, Lrv., XXXVI, 2). Ici,
on voit poindre les vœux impériaux, liés à la santé, au voyage ou au retour
du Prince. L'expression adoptée par Dion n'exclut d'ailleurs pas que la pro
cédure se soit reproduite par la suite, voire soit devenue rituelle, à l'occasion
de Xaduentus. Il n'est peut-être pas indifférent que Dion ait choisi de placer
le récit du triomphe immédiatement après les honneurs divins acceptés par
Octavien en Orient, et après la remarque que seuls les mauvais empereurs
avaient accepté des sanctuaires à leur noms en Italie.
L'autre étrangeté, bien relevée comme telle par Dion, est la position des
sénateurs, qui suivent le cortège au lieu de le précéder. En effet, la tradi
tion, bien représentée par Tite-Live, mais aussi par Denys d'Halicarnasse,
veut que la population de la ville, sénat en tête, accueille le vainqueur et le
guide en quelque sorte dans la ville. C'est en somme la vision développée
de la scène iïaduentus des reliefs de la Chancellerie : on y voit Domitien,
encadré par le Sénat et le Peuple romain, accueillir Vespasien, couronné
par la Victoire (fig. 1). Rien n'indique que l'ordre adopté par Octavien ait
139
M I C H E L T A R P I N
été suivi par les empereurs postérieurs. Le récit de Flavius Josephe (VII, 5,
4-5) ignore autant les sénateurs que les soldats. Les petites frises de Tare de
Titus et de l'arc de Trajan à Bénévent ne donnent pas non plus d'indica
tion directe. On pourrait à la rigueur supposer que les deux personnages
acéphales qui accompagnent Titus sur le relief intérieur nord de l'arc de
la voie sacré soient le peuple et le sénat (plutôt quHonos et Virtus), ce qui
indiquerait l'adoption définitive de la procédure augustéenne (fig. 2).
27. RGDA, 25 : lurauit in mea uerba tota Italia sponte sua, et me belli quo uici ad Actium ducem depo-
poscit; iurauerunt in eadem uerba prouinciae Galliae, Hispaniae, Africa, Sicilia, Sardinia. Qui sub
signis mets tum militauerintfuerunt senatoresplures quam DCC, in iis qui uelantea uelpostea consul
facti sunt ad eum diem quo scripta sunt haec LXXXLII, sacerdotes circiter CLXX.
140
LE TRIOMPHE D'AUGUSTE: HÉRITAGE DE LA RÉPUBLIQUE OU RÉVOLUTION?
28. Ante hune diem nihil praeter pecora Volscorum, greges Sabinorum, carp
FLORVS, I , 13, 2 6 :
Gallorum,fractaSamnitium arma uidisses: tum si captiuos aspiceres, Molossi, Thessali, M
Bruttius, Apulus atque Lucanus; sipompam, aurum, purpura, signa tabuke Tarentinaeque
Sed nihil libentius populus Romanus asp exit quam illas, quam timuerat cum turribus suis b
non sine sensu captiuitatis submissis ceruicibus uictores equos sequebantur.
141
MICHEL TARPIN
142
Deuxième partie
Arnaud SUSPÈNE
1. Je remercie M. Michel Amandry, M. Jean-Louis Ferrary et M. John Scheid qui ont bien voulu lire
une version antérieure de cet article, et M. Dario Mantovani qui a généreusement accepté de me
communiquer avant sa publication dans Athenaeum l'article fondamental qu'il a consacré à Yaureus
de 28.
2. RICH J.W. et WILLIAMS J.H.C., « Leges et iura p.R. restituiti A New Aureus of Octavian and the
Setdement of 28-27 B.C. », NC 159, 1999, 169-213 (fig. I).
3. ABDY R. et HARLING N., «Two Important New Roman Coins», NC 164, 2005, 175-178. La
monnaiefiguraitdans la collection Hart, entrée au musée de Blackburn en 1946. Quoiqu'un peu
abîmée, elle reste parfaitement lisible, pèse un peu plus lourd que la monnaie publiée en 1999
(8,03 g contre 7,95 g) et a été frappée avec les mêmes coins.
4. Cf. RICH et WILLIAMS, « New Aureus », art. cit.
5. Pour une analyse de la scène, voir aussi ZEHNACKER H., « Quelques remarques sur le nouvel aureus
d'Octavien (28 av. J.-C.)», BSFN7003, p. 1-3.
145
ARNAUD SUSPÈNE
6
les pouvoirs du peuple romain : leges et iura PR restituii . On ne s'attendait
guère à ce qu'une pareille thématique se déploie sur une émission frappée
7
en Orient, fût-elle destinée à l'armée . I l faut probablement faire preuve
de prudence sur les conditions de production de ces monnaies, bien que
les parentés relevées par Rieh et Williams avec les cistophores soient incon
testables : peut-être des graveurs avaient-ils suivi Octavien en Occident,
peut-être n'y a-t-il là qu'inspiration commune ou imitation. I l faut garder
en mémoire que rien n'est vraiment assuré à propos des ateliers monétaires
augustéens, surtout dans la première partie du principat, et il faut se défier
de l'aspect imposant des catalogues des grandes collections, comme du RIC
lui-même, qui présentent comme sûres des attributions qui sont de simples
8
(et souvent de fragiles) hypothèses .
La typologie de cet aureus intéresse de près le thème idéologique de
la Res publica restituta. Selon Rieh et Williams, la scène et la légende de
revers renvoient à l'abolition par Octavien d'un certain nombre de pratiques
abusives de l'époque triumvirale dans le domaine juridique, mais aussi, de
manière plus générale, au procédé graduel par lequel Octavien-Auguste, en
28 et en 27, revint à un fonctionnement traditionnel des institutions (par
exemple selon eux, le rétablissement des élections). En choisissant une inter
prétation large, Rieh et Williams soulignent qu'Octavien-Auguste a pris
certaines mesures destinées à remettre à l'honneur la légalité républicaine
et à refaire de l'État romain ce que nous appellerions un État de droit.
Pourtant, leurs conclusions restent très prudentes sur l'utilisation du thème
de la Res publica restituta par Octavien-Auguste lui-même, en quoi ils tien
9
nent compte des mises en garde de Miliar et de Judge .
Depuis la parution de l'article de Rieh et Williams, D . Mantovani a
suggéré de se montrer plus prudent encore en plaidant pour une inter
prétation plus restrictive et plus technique du revers de Xaureus', il serait
simplement question du droit privé romain, que le Prince aurait remis à
neuf en le débarrassant des « superstructures » qui lui avaient été imposées
6. C'est à partir de cette légende que MILLAR F. («The First Revolution: Imperator Caesar, 36-28
BC », A. Giovannini (dir.), La Révolution Romaine après R Syme, Bilans et Perspectives, Vandœuvre
Genève, 2000, p. 1-31) suggère de rétablir [quod leges et iura]/p. R. restfijtufitj dans l'inscription
Inscrit., XIII, 2, p. 113.
7. La surprise est d'autant plus grande qu'à cette période même sont probablement frappées à Rome ou
dans ses environs des monnaies de campagne certes un peu en retrait par rapport à l'iconographie
triumvirale, mais dont les types sont nettement moins civiques que Y aureus oriental : e.g. la victoire
sur l'Egypte sur les deniers RIC 275b (fig. 8).
8. Cf. B U R N E T T Α., «Catalogues, coins and mints », JRS 1978, 173-178 (voir aussi RN 2002,
p. 426). Pour une présentation générale des hypothèses, voir WOLTERS R., «Die Organization der
Münzprägung in iulisch-claudischer Zeit», NZ 1999, 75-89; Nummi Signati. Untersuchungen zu
römischen Münzprägung und Geldwirtschafi. Vestigia 49, Munich, 1999, p. 115-144. Dans la préface
donnée en 2001 à la nouvelle édition de son catalogue, J.-B. Giard suggère qu'une refonte complète
serait nécessaire {Catalogue des Monnaies de L'Empire romain I. Auguste, Bibliothèque Nationa
France, Paris, 2001, p. ix).
9. MILLAR F., «Triumvirate and Principate»,JRS63, 1974, p. 50-67; JUDGE E A , «Respublica restituta.
A Modern Illusion ?», Polis and Imperium. Studies in Honour ofE. T. Salmon, Toronto, 1974, 279-
311.
146
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÊENNE
10
à l'époque triumvirale . I l n'y aurait donc aucune allusion à l'élection
des magistrats ni à une quelconque mesure concernant le droit public ou
les institutions, même implicitement : la mesure serait juridique et non
politique. Son raisonnement repose sur un certain nombre de parallèles
avec des usages de restituere (notamment dans les domaines de la santé et
n
de la construction ) et avec des occurrences de leges et iura en contexte
juridique, où cette expression désigne les normes définissant le droit objec
tif romain, c'est-à-dire d'abord le droit privé. Mantovani propose aussi un
développement des lettres PR au génitif et non au datif, car le choix du datif
signifierait qu'Auguste aurait rendu ses lois au peuple romain selon une
formule utilisée pour une communauté vaincue ayant fait acte de deditio
et que le vainqueur souhaite rétablir dans une forme (très relative) d'auto
nomie : une interprétation peu vraisemblable dans le contexte de 28-27, si
12
on en croit Dion et les Res gestae .
Que l'on suive Rieh et Williams ou Mantovani, i l est de toute façon
clair que Xaureus renvoie bien au rétablissement par Auguste d'une partie au
moins de la légalité traditionnelle dès 28 (ce qui confirme la chronologie des
RGDA et infirme celle de Dion), mais qu'il ne prouve ni qu'Auguste ait voulu
restaurer la République, c'est-à-dire le régime oligarchique lui-même, ce que
presque personne ne croit aujourd'hui, ni même qu'il ait prétendu le faire,
13
ce sur quoi les avis sont plus partagés ; et il faut reconnaître que Xaureus de
14
28 ne fait pas la moindre allusion à la Res publica en tant que telle .
Mais le nouvel aureus n'épuise pas les enseignements que la numis
matique peut apporter à ce sujet. En effet, il existe plusieurs autres mon
naies augustéennes dont les types et l'épigraphie évoquent explicitement la
Res publica.
C'est le cas en particulier de deux séries d'un triumvir monétaire de l'an
née 16 av. J.-C, L. Mescinius Rufus, un des rares triumvirs dont l'activité
soit précisément datée (par la mention de la huitième puissance tribuni-
15
cienne d'Auguste sur un de ses aurei ). Ces séries sont connues de longue
date mais elles ne bénéficient pas toujours de l'attention souhaitée.
10. MANTOVANI D., « Leges et Iura P(opuli) R(omani) Restituii. Principe e diritto in un aureo di
Ottaviano», Athenaeum 96, 2008, p. 5-54.
11. Ajoutons une occurrence augustéenne de restituere presque contemporaine de Yaureus: la lettre
de L. Vinicius, proconsul d'Asie, ordonnant quefigurerincription Imp. Caesar Deiuei f. Augustus
restituii sur la chapelle du thiase de Kymé en vertu d'un édit consulaire de 27 (SEG, 18, 555;
RDGE61,1. 9). Sur les mots restituere/restitutio, voir les remarques de D. Mantovani, mais aussi les
analyses de RICH et WILLIAMS, «New Aureus », art. cit. ; KOMNICK H., Die Restitutionsmünzen der
frühen Kaiserzeit: Aspekte der Kaiserlegitimation, Berlin, 2001, p. 3-8; STROTHMANN M., August
- Vater der res publica. Zur Funktion der drei Begriffe restitutio - saeculum - pater patriae im augu
steischen Principat, Stuttgart, 2000, passim.
12. À cet argument, qui me semble décisif, D. Mantovani ajoute une série de parallèles tirés de l'usage
latin confirmant sa lecture.
13. Qu'Auguste ait fait preuve sur ce point d'une hypocrisie calculatrice est une idée que l'on trouve
fréquemment chez les auteurs modernes et quifiguredéjà dans Macrobe : itaque inter amicos dixit
duos habere sefiliasdelicatas, quas necesse haberetferre, rem publicam etluliam {Sat. II. 4. 2
14. C'est aussi pour cette raison que la démonstration de D. Mantovani, dont je n'ai mentionné plus
haut qu'une partie des arguments, me semble devoir emporter la conviction.
15. RIC550.
147
ARNAUD SUSPÈNE
16. Sur les imagines clipeatae, voir SAURON G., Quis deum ? L'expression plastique des idéologies pol
et religieuses à Rome à lafinde la République et au début du principat, Rome, 1994, p. 62-78. Sur
l'insertion a'imagines dans les enseignes militaires, voir COSME P., «L'image de l'empereur dans
les camps romains», MOLIN M. (dir.), Images et représentations du pouvoir et de l'ordre social da
l'Antiquité, Paris, 2001, p. 261-268.
17. C'est le mot CONS(eruatam) qui est le plus difficile à lire. Mais j'ai pu vérifier le texte sans doute
possible sur l'exemplaire BNC 343, grâce à l'obligeance de Dominique Hollard.
18. RGDA 9, 1; cf. S C H E I D J., «Les vœux pour le salut d'Octavien de 32 av. J.-Chr.
(RGDA 9, 1) », HANTOS Th. (dir.), Laurea internationalis. Festschrifi fur Jochen Bleichen zum 7
Geburstag, Stuttgart, 2003, p. 359-365. Ces vœux sont à distinguer des vœux annuels pour le
salut de la Res publica et du Sénat, auquel le Prince fut associé au moins depuis 30 av. J.-C.
(cf. SCHEID J., Romulus et sesfrères.Le collège desfrèresarvales, modèle du culte public romain d
k Rome des empereurs, Rome, 1990, p. 299-316).
19. On ne sait pas quelle était exactement la teneur de ces vœux. On avait quelques années plus tôt
décidé de célébrer des vœux annuels pro salute en l'honneur de César (sans doute conjointement
avec les vœux annuels pour la République et le Sénat) et peut-être ces vœux avaient-ils été aussi
prononcés pour les successeurs de Césars (cf. SCHEID J., Romulus et sesfrères,ibid.)', il y avait
eu aussi des vœux extraordinaires pour le Salut d'Hirtius en 43 (Cic. Phil. 7, 12; 10, 16). Un
précédent (mais dans le cadre italien et non romain) existait enfin en faveur de Pompée en 50
( C I C . Att. 8.16.1 ; VELLEIUS II, 48; D I O N XLI, 6, 3-4; cf. DALY L.W., Vota publica pro salute ali-
cuius, TAPha 81, 1950, p. 164-168). C'est peut-être en relation avec ces vœux que le monétaire
Mn. Acilius frappe la même année des monnaies évoquant au droit Salus, au revers Valetudo
(RRC442), une association intéressante puisque, comme le rappelle John SCHEID («Vœux», art. cit.,
p. 363), les Romains ne confondent jamais des vœux pour la Salus et des vœux pour la Valetudo.
20. L'existence d'émissions «espagnoles» (RIC57) commémorant ces vœux montre bien que les triu
mvirs choisissaient leurs types en accord avec le Prince, dans le cadre d'un programme iconogra
phique cohérent.
21. Voir infra.
148
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
22. D I O N L I V , 15, 1.
23. Sur une variante (RIC 357;fig.3), le revers porte un cippe encadré des lettres SC où se lit le texte
suivant: IMP/CAES/AVGV/COMM/CONS. La mention COMM CONS est souvent interprétée
communi consensu, mais on ne saurait exclure non plus communi conservatori, à cause des rapport
que ce titre aurait avec la légende de droit (cf. "WALLACE-HADRILL Α., « Image and authority in the
Coinage of Augustus », JRS 76, 1986, p. 66-87, n. 73 ; voir aussi la légende de RIC 99 : parenti
consumatori ì) suo et VITR., I., 1-2 : cum uero adtenderem te non solum de uita communi omnium
curam publicaeque rei constitutione habere). Ce revers se retrouve aussi, cependant, sur des mon
naies qui ne portent pas la légende ob rem republicam conservatam où il paraît même plus fréquent
(RIC 358). Aussi ne faut-il peut-être pas chercher à mettre en rapport les légendes de droit et de
revers de la variante RIC 357. En faveur d'une interprétation communi consensu, avec d'intéressants
parallèles, cf. H U R L E T Fr., « Une décennie de recherches sur Auguste. Bilan historiographique »,
Anabases 6, 2007, p. 202.
24. Les émissions d'Antistius, qui sont réalisées avec beaucoup de soin (voir par exemple les aurei RIC
369, qui sont une des plus belles réussites de l'art monétaire augustéen), sont la seule référence
à la santé physique du Prince attestée entre 19 et 16, période pour laquelle Dion ne mentionne
aucune maladie. Il faut donc penser ou bien que le récit de Dion omet de signaler une rechute du
Prince en 16 (c'était l'hypothèse de Mattinglydans le BMCRE), ou bien que ces vœux sont liés
au souvenir du précédent voyage d'Auguste en Gaule, voyage au cours duquel le Prince avait été
très souffrant (cf. H E I N E N cité par Scheid, «Vœux», art. cit., p. 363). Enfin, il pourrait aussi s'agir
de la commémoration anniversaire d'un retour à la santé d'Auguste (cf. HORACE, Od. 2, 13 ; 3, 8
pour des parallèles).
25. L'expression Res publica conservata est connue aussi par une inscription ordinairement attribuée à
un arc honorifique en l'honneur d'Auguste et datée de 29 [CIL VI 873). L'inscription, aujourd'hui
disparue, mentionne simplement SENATVS POPVLVSQVE ROMANVS/IMP. CAESARI DIVI
NU F COS QVINCT/COS DESIGN SEXTIMP SEP/REPVBLICA CONSERVATA. Aucun lien
n'est établi entre le salut du Prince et la conservation de la République, mais le rapprochement avec
la légende de 16 incite à considérer que l'allusion n'est pas à une action ou à une mesure d'Octavien
mais au fait qu'il est sain et sauf, ce qui garantit la paix civile et les succès à l'extérieur.
149
ARNAUD SUSPÈNE
lit très facilement une dédicace à Jupiter Optimus Maximus qui doit se
développer comme suit: I(OVI) O(PTIMO) M(AXIMO) S(ENATVS)
P(OPVLVS)Q(VE) R(OMANVS) V(OTA) S(VSCEPTA) PR(0) S(ALVTE)
IMP(ERATORIS) CAE(SARIS) QVOD PER EV(M) R(ES) P(VBLICA) IN
AMP(LIORE) ATÇtfVE) TRAN(QVILLIORE) S(TATV) E(ST). Le revers
porte le même type que sur une variante de rémission précédemment citée:
un cippe encadré des lettres SC et où Ton peut lire IMP/CAES/AVGVI
COMMICONS.
Ces monnaies renvoient également aux vœux pris en 32 et cette fois,
l'action du Prince sur la Res publica est évoquée en détail. Grâce à cette
monnaie, on a une idée plus claire de ce qu'Auguste a pu prétendre appor
ter à la Res publica, et de ce que le Sénat et le peuple Romain ont souhaité
approuver de façon très solennelle à l'occasion de l'acquittement pério
dique des vœux pris pour le salut du Prince : une nouvelle extension et
la paix (in ampliore atque tranquilliore statu). L'extension territoriale doit
faire allusion à la conquête de l'Egypte et de l'Arménie, la paix est un des
thèmes constants de la communication augustéenne, depuis les cistophores
d'Ephèse jusqu'à YAra Pacis.
Le texte épigraphique figurant sur la monnaie relève très certainement
du sénatus-consulte correspondant aux jeux de 16. Sa formulation fait pen
ser à un texte de Valére Maxime rapportant une altération que Scipion
Emilien aurait introduite dans la prière des censeurs lors de sa censure de
142. Selon Valére Maxime, la prière habituelle était adressée aux di immor-
tales « utpopuli Romani res meliores amplioresque facerent». Mais Scipion, à
l'issue de sa censure, aurait déclaré: « satis bonae et magnae sunt: ita precor
ut easperpetuo incolumis seruent» et il aurait modifié le texte de la prière en
conséquence. La parenté entre le SC de la monnaie de 16 et la prière des
censeurs avant la modification supposée de Scipion est indubitable (amplior
par exemple ne se trouve que dans ces deux textes).
Il faut sans doute penser que le texte traditionnel de cette prière n'avait
26
pas été altéré par Scipion, contrairement à ce qu'affirme Valére Maxime , et
qu'Octavien-Auguste et le Sénat ont pu s'en inspirer ou bien dès 32, lors de
la prise des vœux correspondant à la campagne d'Egypte, ou bien en 30, ou
encore lors de la célébration des jeux en accomplissement de ces vœux.
Bien que la similitude générale entre les deux textes soit claire, il y a aussi
des différences notables. Tout d'abord, il ne s'agit pas du même contexte
rituel. D'autre part, l'action du Prince est directement mentionnée dans
26. C'est ce que pensait Astin en se fondant sur les travaux de ses prédécesseurs : la version de Valére
Maxime contredit une information de Cicéron, selon qui ce n'est pas Scipion mais son collègue qui
aurait prononcé la prière, et paraît invraisemblable aussi bien pour des raisons religieuses (pouvait-
on ainsi modifier une prière traditionnelle?), qu'historiques (la situation en 142 ne se prêtait pas
à une semblable autosatisfaction) ou politiques (les adversaires de Scipion n'auraient pas manqué
de lui reprocher une attitude si désinvolte). Pour toutes ces raisons, Astin pensait que l'anecdote
livrée par Valére Maxime avait été forgée sous Tibère au moment où l'on recherchait des cautions
pour renoncer à une politique d'expansion territoriale (ASTIN A.E., Scipio Aemilianus, Oxford,
1967, p. 325-331).
150
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
27
l'épigraphie monétaire au moyen de l'expression per eum , alors que la
prière des censeurs, de portée générale, n'était liée à l'action d'aucun magis
trat en particulier. Le formulaire enfin comporte des écarts importants :
amplior est passé en première position et melior a laissé la place à tranquil-
lior, et à l'expression populi Romani res (au pluriel) a succédé Res publica
au singulier. Ces décalages, à l'intérieur d'une similitude globale, montrent
qu'un véritable travail de réécriture a été réalisé.
La prière des censeurs n'était au demeurant pas le seul modèle dispo
nible : le texte de Tite-Live fournit un certain nombre de parallèles inté
ressants. A plusieurs reprises dans le récit, notamment lors de la deuxième
guerre punique, des vœux sont pris pour que la République soit maintenue
28
à l'identique (in eodem statu esse/permanerei stare) sur une période fixe . Ce
sont des vœux à caractère défensif pris dans une situation de danger que
l'on soit en Italie ou dans une campagne lointaine (après Trasimène, avant
la campagne contre Persée, etc.).
Si d'après le témoignage de Tite-Live le formulaire traditionnel de prise
ponctuelle de vœux pour la préservation de la Res publica lors de circonstan
29
ces particulièrement graves était plus modéré que la prière des censeurs ,
les vœux de 32 s'affirmaient comme une création très originale à l'inspi
ration variée. Sans reproduire les vœux traditionnels pris par un magistrat
au moment de marcher à l'ennemi, ni reprendre strictement la prière des
censeurs, ces vœux s'ancraient dans la plus lointaine antiquité en même
temps qu'ils soulignaient l'importance inédite de la campagne de 32. Lors
de l'acquittement de ces vœux en 16 (et sans doute déjà en 28, 24 et 20),
on reconnut à Octavien-Auguste une influence déterminante sur le destin
30
impérial de Rome : sur ce point la présence du per eum est éloquente .
On peut sans doute être plus précis encore sur le sens de la légende
monétaire de 16: les adjectifs utilisés dans le formulaire renvoient certes à
l'expansion territoriale de Rome, mais aussi à la paix intérieure. L'adjectif
tranquillus en particulier est nouveau dans ce contexte et il sous-entend que
27. Cette expression est mal gravée sur un certain nombre de monnaies (GIARD, BNC345 par exemple),
signe quelle devait être inhabituelle et peut-être difficile à comprendre.
28. Lrv. 21.62.10 (en 218, à la suite de présages inouïs) : C. Atilius Serranuspraetor vota suscipere iussus
si in decern annos res publica eodem stetisset statu; Lrv. 22.9.10 (en 217, après consultation des libr
sibyllins, vœux de plus grande ampleur) si bellatum prospere esset res publica in eodem quo ante
bellum fuisset statupermansisset; Liv. 23.24.2 (en 208, vœux du dictateur T. Manlius Torquatus)
in quintum annum si eodem statu res publica staret (confirmé en Liv. 30.27.11) ; Lrv. 42.28.9
(en 172, vœux pour la guerre contre Persée) : Eodem die decreuit senatus C. Popilius consul ludospe
dies decern Ioni optimo maximofieriuoueret donaque circa omnia puluinaria dari, si res pub
annos in eodem statu fuisset. Dans tous les cas il s'agit de décisions officielles (sénatus-consultes ou
décision du dictateur; en 172, le grand pontife dicte la formule des vœux).
29. C'est ce formulaire qui a pu inspirer Valère-Maxime ou ses sources au moment de l'invention du
dictum de Scipion Emilien.
30. Quelques années plus tard, les Jeux Séculaires virent se développer d'autres formules adaptées au
projet d'expansion impériale mis en avant par Octavien. Voir SCHNEGG-KÖHLER B., Die augusteis
chen Säkularspiele, Leipzig, 2002, lignes 96 et 129 (mais le texte est restitué d'après les documents
épigraphiques sévériens) : remquep(ublicam) populi R(omani) [Quiritium saluam seruetis maior
que faxitis...]; remquepublifcam p(opuli) R(omani) Quiritium saluam serues maioremque f
151
ARNAUD SUSPÈNE
31
la situation générale est stable et que la paix règne désormais . L'adjectif
amplus renvoie certainement à une extension territoriale mais il comporte
32
aussi une idée d'enrichissement et d'embellissement . L'expression Res
publica possède une riche polysémie (comme en témoignent les catégories
de sens isolées par Judge), bien plus que les res Populi romani de la prière
des censeurs, et renvoie peut-être à une forme de restauration légaliste que
33
le terme status peut également évoquer .
Assurément le SC correspondant aux vœux pro salute acquittés en 16,
et dont nous avons deux échos sur les monnaies de Mescinius Rufus, avait
34
été composé avec soin : il incorporait des éléments anciens empruntés à
la religion publique, reprenait et concluait l'impérialisme traditionnel et
caractérisait, sans entrer dans le détail et en restant à un niveau de généralité
qui pouvait tout laisser entendre, l'action bienfaisante du Prince sur une
Res publica dont il était désormais inséparable. Les jeux périodiques étaient
ainsi l'occasion pour le Sénat, au moyen de SC appropriés, de réaffirmer
solennellement l'indissoluble solidarité du Prince et de la Res publica, comme
les consuls et les prêtres le faisaient chaque début d'année au moins depuis
30 av. J.-C. à l'occasion des vœux annuels pour le salut de la République
35
et du Prince .
Enfin, une quatrième et dernière monnaie, tout aussi spectaculaire que
la monnaie de 28, touche directement à notre sujet, à la fois par sa typolo
gie et par sa légende. I l s'agit là encore d'un aureus, probablement frappé à
Rome en 12 av. J.-C. par le triumvir monétaire Cossus Cornelius Lentulus
qui est sans doute le consul de 1 av. J.-C. La monnaie est connue par un
36
exemplaire unique, publié en I960 dans une revue italienne et appar-
31. Le seul point de comparaison livien ne laisse guère de doutes. Il s'agit du débat sur le sort des
Tarentins en 208 : Senatus consultum in sententiam M'. Acili factum est ut oppidum praesidio
diretur, Tarentinique omnes intra moenia continerentur, res integra postea referretur, cu
status Italiae esset (Lrv. 25.27.2).
32. Il me semble qu'on retrouve ces deux aspects, l'expansion et le renouvellement intérieur, sur l'ins
cription sévérienne CIL VI 10333 = 31230 = 36881 (ob rem publicam restitutam imperiumque
populi Romani propagatum).
33. Cf. l'édit de date inconnue rapporté par Suétone « ita mihi saluam ac sospitem rem publicam in
sua sede liceat atque eius reifructum percipere, quem peto, ut optimi status auctor dicar et
feram mecum spem, mansura in uestigio suofondamentareipublicae quae iecero» (SUET. Aug.
Le mot status est commun aux deux textes ; dans Suétone, il a incontestablement un sens institu
tionnel. Signalons que le texte de l'édit semble en contradiction avec une réflexion d'Auguste à
propos de Caton rapportée par Macrobe : quisquispraesentem statum ciuitatis commutari non u
etciuis et uir bonus est (Sat. II. 4. 18, cité par CARTLEDGE P., «The Second Thoughts of Augustus
on Res Publica in 28/27 B.C.», Hermathena 119, 1975, p. 30-40). Sur le texte de cet édit, qui
prouve qu'Auguste n'a pas caché qu'il avait modifié la Res publica, voir FERRARY J.-L., « Res publica
restituta et les pouvoirs d'Auguste», S. FRANCHET D'ESPEREY, V. FROMENTIN, S. GOTTELAND,
J.-M. RODDAZ (dir.), Fondements et crises du pouvoir, Bordeaux, 2003, p. 419-428 ; pour sa date et
sa publication, voir GIRARDET Kl., « Das Edikt des Imperator Caesar in Suetons Augustusvita 28,
2. Politisches Programm und Publikationszeit», ZPE131, 2000, p. 231-243 (= Rom auf dem Weg
von der Republik zum Prinzipat, Bonn, 2007, p. 363-384).
34. SUTHERLAND C.H.V., Coinage in Roman Imperial Policy (31 B.C.-A.D. 68), Londres, 1951, p. 51
attribuait cette légende à un proche du régime et suggérait Tarius Rufus, alors consul et qui aurait
pu animer le Sénat.
35. SCHEID, Romulus et ses frères, op. cit., p. 299-301.
36. VERMEULE C , «Un aureo augusteo del magistrato monetario Cossus Lentulus», Numismatica,
1960, p. 5-11.
152
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÊENNE
37. Cette monnaie est depuis passée en vente chez Leu (vente 54, 28 avril 1992, n° 216). Je remercie
M. Michel Amandry qui m'a fourni cette information.
38. Voir cependant le sesterce de Tibère pour les cités d'Asie, seule attestation d'une restitutio à l'époque
julio-claudienne {RIC4S).
39. VERMEULE, «aureo», art. cit., p. 9. Dans les représentations postérieures, la scène est souvent une
scène de restitutio et la légende le précise régulièrement. Sur les occurrencesflaviennesde cette
scène, voir la communication d'Emmanuelle Rosso dans ce même volume. L'exacte correspondance
de la typologie confirme l'authenticité de Vaureus RIC 413 et incite à considérer son type de revers
comme une scène de restitutio.
40. RRC 401/1. M. Crawford voit dans cette scène une allusion aux beneficia reçus par la Sicile. On
pourrait aussi citer une très rare monnaie d'un partisan de Sextus Pompée {RRC510/Ì). Crawford
évoque enfin les reliefs sculptés représentant César et Oikouménè (DION, XLIII, 15, 6 et 21, 1),
mais on ne sait pas quelle était exactement la nature de la scène. Les monnaies de Turpilianus (RIC
292) et d'Aquillius (RIC 306) portant Armenia capta citées par Vermeule comme un des modèles
possibles me semblent très différentes : l'Arménie (ou plutôt un Arménien) est en position de
suppliante et il n'y a personne pour recevoir sa reddition ou la relever.
41. Restauration partielle puisqu'elle ne concerne qu'une face de la monnaie (cf. K O M N I C K ,
Restitutionsmünzen, op. cit., p. 3-8), l'autre étant occupée par le portrait d'Auguste.
42. C'est plutôt ainsi qu'il faut comprendre la scène : la province n'est pas soumise, mais au contraire
restaurée (pace ZANKER P., The Power of Images in the Age of Augustus, Ann Arbor, 1988, p. 91, selon
qui \'aureus de Cossus Lentulus fait au contraire penser à l'humiliation des provinces).
153
ARNAUD SUSPÈNE
154
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
Prince sur la Res publica (mis à part sur Yaureus de 28, qui relève des mon
nayages de campagne dans lesquels il était par définition impossible que le
Sénat intervînt, et à une date où de toute façon l'atelier de Rome n'était pas
en fonction). Le Sénat est donc au centre du processus d'élaboration du dis
46
cours officiel . Dans une certaine mesure, ceci conduit à nuancer fortement
le célèbre passage des RGDA 34.1 par lequel Auguste évoque le transfert de
47
la République de son pouvoir à Yarbitrium du peuple et du Sénat : le Sénat
est certes en position de fonctionner normalement, en coopérant avec des
magistrats subalternes et en passant des SC. Mais il n'est pas le dépositaire
des intérêts de la République et il ne paraît pas en position de la diriger :
cela relève du Prince et les émissions monétaires évoquant la Res publica
sont très explicites sur ce point. L'on pourrait même dire qu'en célébrant les
mérites du Prince, le Sénat assure la continuité entre l'ancien régime et la
forme nouvelle qui lui a été conférée par Octavien-Auguste, dont il garantit
la légitimité. Je ne crois pas en tout cas que ces monnaies expriment une
nostalgie sénatoriale, ni qu'elles procèdent d'une tentative pour inspirer au
Prince un plus grand «républicanisme»: d'une part il y a une cohérence
entre les types de ces monnaies et Yaureus de 28, qui relève entièrement
d'Octavien-Auguste, ou les émissions d'Espagne qui dépendent de son légat;
d'autre part les monétaires sont très probablement d'ardents collaborateurs
du nouveau régime. Ainsi Mescinius Rufus exalte dans l'ensemble de son
monnayage tous les actes d'Auguste (dont, sur des aurei, les Jeux séculaires
accomplis par le Prince comme XVvir et la distribution des suffimenta à
laquelle il avait alors procédé) avec un zèle presque trop scrupuleux: on
connaît peu de coins par types, ce qui trahit probablement une volonté très
affirmée de varier la typologie afin de développer un discours complet, très
48
impérial dans le ton , plus même que les émissions des autres triumvirs de
16 dont la typologie fait parfois une certaine place à des thèmes personnels.
Quant à Cossus Cornelius Lentulus, le monétaire de 12 av. J.-C, c'est pro
49
bablement un des grands proconsuls du principat d'Auguste .
46. Sur la question de la formation du discours numismatique, discours adressé au Prince par des
aristocrates, mais discours conçu en parfaite cohérence avec ses intentions, et en tenant compte
des attentes du peuple romain, voir la position équilibrée de WALLACE-HADRILL, « Image and
authority », art. cit., n. p. 68, et de LEVICK B., « Messages on the Roman coinage : types and inscrip
tions», G.M. PAUL et M. IERARDI, Roman coins and Public Life under the Empire, Ann Arbor, 1999,
p. 41-60.
47. Rempublicam ex meapotestate in senatfuspopulique Rom]ani fajrbitrium transtuli (RGDA
48. Voir les remarques de SUTHERLAND C. H. V, «The senatorial gold and silver coinage of 16. BC »,
ÌVC3, 1943, p. 40-49. Il faut toutefois rester prudent sur la taille et l'organisation de l'émission,
en l'absence d'une étude détaillée sur le nombre "de coins et le rapport entre coins et exemplaires
conservés qui seule permettrait de conclure. Notons enfin que Mescinius est un des premiers
monétaires à ne pas faire systématiquementfigurerson titre de triumvir sur ses monnaies.
49. Sur ce personnage, voir en dernier lieu HURLET Fr., Le proconsul et le prince dAuguste à Dioclétien,
Bordeaux, 2006. Cossus Lentulus est le premier monétaire à ne jamais mentionner son titre sur ses
monnaies (Q. Rustius est un cas à part : on ne sait s'il s'agit d'un monétaire ou d'un représentant
du Prince, légat ou préfet, cf. Wallace-Hadrill, «Image and Authority », art. cit., p. 73, n. 63). Sur
l'appartenance des monétaires aux grandes familles de l'aristocratie augustéenne, voir WALLACE-
HADRILL, « Image and authority, art. cit. », p. 86 : on trouve un Statilius Taurus, un Calpurnius
Pison, un Asinius Gallus, un Rubellius Blandus, un Valerius Messala, etc. On rappellera que le triu
mvirat monétaire devint ensuite une promesse d'avancement rapide dans la carrière sénatoriale.
155
ARNAUD SUSPÈNE
50. Ainsi dans SUET. Aug. 23 comme dans les RGDA 34.1, les allusions à l'action d'Auguste au bénéfice
de la Res publica sont immédiatement suivies de la mention des honneurs qui lui ont été conférés
par le Sénat, dont on sait qu'ils constituaient une grande partie de son auctoritas.
51. Sur cette double nature du regime augustéen, cf. FERRARY, «Respublica restituta», art. cit.
52. H. M. Cotton et A. Yakobson ont aussi fait observer que le discours d'Auguste pouvait varier
considérablement et receler de nombreuses ambiguïtés, voire des contradictions lorsque le Prince
y trouvait avantage: rien ne l'obligeait après tout à être toujours cohérent et il arrivait aussi bien à
Auguste de faire très clairement sentir son pouvoir (COTTON H . M. et YAKOBSON, Α., «Arcanum
imperii: the Powers of Augustus », CLARK G. et RAJAKT. (dir.), Philosophy andPowerin the Graeco-
Roman World. Essays in Honour ofM. Griffin, Oxford, 2002, p. 193-209).
53. Citons exempli gratia la restauration des routes (RIC 360), l'édification d'une nouvelle curie (RIC
266), le retour des enseignes parthes et des prisonniers de Carrhes (RIC 131), la construction des
temples de Jupiter Tonans (RIC 64) et de Mars Ultor (RIC 72), les allusions possibles à l'âge d'or
(cf. DESNIER J.-L., « Ob dues servatos», RSN72, 1993, p. 113-131, etc.).
54. La notion de souveraineté reste commode, bien qu'elle doive être maniée avec prudence ; le décret de
Sestos prouve au moins que les monnaies permettent une promotion de l'image et du prestige de la
cité, assurément liée à une affirmation politique, et le discours de Mécène chez Dion atteste la valeur
de la monnaie comme marque d'identité, là encore dans une perspective politique (voir BURNETT Α.,
«The Roman West and the Roman East», HOWGEGO Α., HEUCHERT V. et BURNETT A (dir.), Coinage
and Identity in the Roman Provinces, Oxford, 2005, 171-180, p. 174).
55. Marc Antoine avait lancé de grands programmes de frappes pour ses légions, dont d'innombrables
exemplaires circulaient toujours (cf. SAURON G., L'Histoire végétalisée. Ornement et politique à Rome
Paris, 2001, p. 103), il avait conduit d'astucieuses réformes sur le bronze et il avait naturellement
frappé avec Cléopâtre.
156
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
56. Je me concentrerai ici sur la monnaie proprement romaine, à l'exclusion des monnayages pro
vinciaux. Certes l'œuvre monétaire d'Octavien-Auguste portait également sur les monnayages
provinciaux (voir par exemple le diorthôma thessalien IG, IX, 2, 415), mais la question de la
Res publica restituta doit être abordée à partir du monnayage propre à la République romaine,
monnayage civique contrôlé par le Sénat et par des magistrats spécifiques.
57. SUTHERLAND C. H. V., The Emperor and the Coinage, Julio-Claudian Essays, Londres, 1976,
p. 10-11.
58. Sur les problèmes posés par ces ateliers « espagnols », voir VOLK T. R., « Hispania and the gold and
silver coinage of Augustus », La moneda en temps dAugust. Curs d'Història monetària d'Hispania
Gabinet Numismatic de Catalunya, Museu Nacional d'art de Catalunya, Barcelone 1997, p. 59-
90.
59. GIARD, CBN, p. 5 ; Le monnayage de l'atelier de Lyon. Des origines au règne de Caligula (43 avan
J.-CAl après J.-C), Wetteren, 1983, p. 18.
60. Les séries IMP CAES et DIVI F étaient de ce point de vue un cas extrême : elles ne mention
naient pas même le titre de triumvir RPC, contrairement à l'immense majorité du monnayage de
Marc Antoine lui-même, et portaient au droit un portrait anonyme, représentation habituelle
ment réservée aux Dieux (sur ces séries, voir notamment Gurval, p. 52-3). Mannsperger remarque
que ces monnaies substituent au nom du monétaire le nom d'Auguste sous ses deux variantes
(MANNSPERGER D., « Die Münzprägung des Augustus », G. BINDER [dir.], Saeculum Augustum III,
Darmstadt, 1991, p. 348-399).
61. MANNSPERGER, «Münzprägung», art. cit., p. 376.
157
ARNAUD SUSPÈNE
62. Je me rallie pour la chronologie à l'arrangement proposé par Mattingly dans le BMCRE, qui reste
le plus vraisemblable malgré les solutions différentes proposées par Kraft et adoptées par Giard
(cf. l'exposé de BURNETT, « Authority to coin», art. cit.).
63. BURNETT, « Authority to coin, art. cit. », p. 51-2. Il y a aussi des monnaies à l'effigie de Numa et
de César dont l'authenticité paraît plus assurée (voir sur ces monnaies KIENAST D., « Augustus und
Caesar», Chiron 31, 2001, p. 1-26, p. 20).
64. P L I N E Λ/7/34.1 avec WALLACE-HADRILL, «Image and authority », art. cit., p. 82 et KIENAST,
« Augustus », art. cit., p. 21. Wallace-Hadrill postule un SC proposé par le consul de 23, lui aussi
un Calpurnius Pison (qui est peut-être le monétaire pompéien qui déjà frappait à l'effigie de Numa,
cf. RRC 446).
65. Une décision dont on a souligné le côté délibéré et spectaculaire, cf. PANVINI-ROSATI R, « Le emis
sioni in oro e argento dei Tresuiri monetales di Augusto », Arch. Class. 3, 1951, p. 66-85, p. 67. Nul
besoin de penser, au contraire, que cette décision lui a été «arrachée» {contra LEVICK, «Message,
art. cit. », p. 54). Auguste savait qu'il ne risquait pas grand-chose à rétablir les monétaires : en
44 av. J.-C. déjà, et à nouveau au moment de la période triumvirale, les monétaires s'étaient mis au
service d'un pouvoir monarchique avec une très grande efficacité (pour 44, voir RRC 4&0 ; pour la
période triumvirale, voir RRC 494). Sur les modalités de cette coopération à l'époque impériale,
voir WOLTERS R . , «Die Geschwindigkeit der Zeit und die Gefahr der Bilder: Münzbilder und
Münzpropaganda in der römischen Kaiserzeit», Gr. WEBER et M. ZIMMERMANN (dir.), Propaganda
- Selbstdarstellung - Repräsentation im römischen Kaiserzeit des I.Jhs. n. Chr.> Stuttgart, 2003
p. 175-204.
158
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÊENNE
En 19, une nouvelle étape est franchie: les triumvirs monétaires frappent
de l'or et de l'argent et continueront à le faire jusqu'en 12. Dans le même
temps, on voit apparaître des types parlants (Florus par exemple), des types
familiaux (le denier des Aquillii), des jeux d'énigme et d'allusions dont
66
on sait combien ils étaient appréciés de l'aristocratie romaine , bref une
prolifération kaléidoscopique qui rappelle le foisonnement des types répu
67
blicains . Parallèlement, le Sénat est très présent sur les types monétaires,
68
en particulier sur les monnaies de bronze . Dans les premières années du
principat d'Auguste, la monnaie romaine renaît et la chronologie de cette
renaissance est très parlante: 27, 23, 19. On retrouve les grandes dates de
l'action du Prince sur les institutions et il est donc probable que cette action
avait un volet monétaire.
Cette renaissance pourtant devait être de courte durée. Dès 15 av. J.-C,
69
les monétaires deviennent de plus en discrets sur eux-mêmes et de plus
en plus volubiles sur les mérites du Prince puis, à partir de 13, sur les
membres de sa famille : Agrippa, Julie, Caius et Lucius font leur apparition
70
sur le monnayage de Rome . À vrai dire, ce n'est là qu'un développement
de ce qui se trouvait en germe sur les premières monnaies : en effet, si les
premières émissions augustéennes de l'atelier de Rome rappelaient irrésisti
blement la période républicaine par de nombreux aspects, en un contraste
marqué avec la période triumvirale, elles n'oubliaient pas dans le même
temps de rendre au Prince un hommage appuyé. Auguste est présent sur
chaque pièce frappée à partir de 23, sur le monnayage précieux comme sur
le monnayage vil, que ce soit par son nom, par ses honneurs ou par son
71
portrait . Une monnaie qui ne ferait pas mention du Prince n'était plus
envisageable. La restauration de la monnaie républicaine s'accompagnait
d'une promotion systématique de l'image du Prince. Et si la monnaie de
Rome n'avait jamais été si brillante (on frappait désormais les trois métaux,
66. Sur les possibilités offertes à ce moment aux jeunes aristocrates, ZANKER, Power, op. cit., p. 160 ;
WALLACE-HADRILL, «Image and authority*, art. cit., p. 79 et de manière générale, E C K W,
«Sénatorial self-representation: Developments in the Augustan period », F. MILLAR et E . SEGAL
(dir.), Caesar Augustus - Seven Aspects, Oxford, 1984, p. 129-167.
67. Les monétaires augustéens surpassent même, dans la variété typologique, leurs prédécesseurs répu
blicains. Le collège composé de P. Petronius Turpilianus, L. Aquillius Florus et M. Durmius, qui
inaugure le monnayage précieux des triumvirs, fait ainsi réaliser plus de quarante variétés de mon
1
naies, un chiffre sans équivalent (cf. SUTHERLAND, RIC , p. 32). Le bronze reste plus stéréotypé,
comme à la période républicaine (cf. MANNSPERGER, «Münzprägung», art. cit., p. 386). Pour une
interprétation suggestive de la typologie, voir DESNIER, « ob dues servatos», art. cit.
68. Sur les nombreuses allusions sénatoriales sur le monnayage des triumvirs, WALLACE-HADRILL,
«Image and authority », art. cit., p. 78. Je n'entre pas dans la question complexe de l'éventuel par
tage des responsabilités de la frappe entre le Sénat et le Prince en fonction du métal utilisé. Voir sur
ces questions, avec la bibliographie précédente, WOLTERS, Nummi signati, op. cit., p. 115-144.
69. Wallace-Hadrill a bien mis en évidence cette tendance irréversible à l'anonymat (Image and
Authority, art. cit., p. 78-9).
70. Voir par exemple RIC'207 (fig. 9). Sur ces questions, cf. FULLERTON M., «The Domus Augusta in
imperial iconography of 13-12 BC», AJA 89, 1985, 473-483 ; MLASOWSKY Α., «Nomini acfortu
me Caesarum proximi. Die Sukzessionspropaganda der römischen Kaiser von Augustus bis Nero
im Spiegel der Reichsprägung und der archäologischen Quellen », JDAI111, 1996, p. 249-388,
p. 272-294.
71. Cf. WUXACE-HADRILL, « Image and authority », art. cit., p. 71. César n'était pas allé aussi loin.
159
ARNAUD SUSPÈNE
72
ce qui ne s'était jamais produit , et l'on disposait d'un système complexe
avec des numéraires convertibles), c'était un effet de son charisme aussi bien
que la conséquence des versements importants qu'il consentait à Vaerarium
sur sa fortune personnelle. Au fond, on retrouve un schéma familier : la
consolidation institutionnelle de la position du Prince allait de pair avec
des concessions apparentes aux vieux symboles de la République, réinvestis
d'une charge symbolique nouvelle.
Progressivement, les thèmes centraux du pouvoir impérial s'écartèrent
de la tradition républicaine : les honneurs du Prince eux-mêmes, dont la
73
représentation monétaire avait encore des précédents républicains , furent
moins souvent évoqués et la monnaie devint de plus en plus un lieu d'ex
pression du discours dynastique. Les monnaies qui annoncent l'avènement
74
de Tibère à partir de 13 ap. J.-C. parachèvent le processus . Maintenir
l'atelier de Rome avait dès lors de moins en moins de sens : au fond il
fallait mieux rapprocher les monnaies de ceux à qui elles devaient être
distribuées et qui étaient aussi les premiers destinataires de leur message
75
idéologique, c'est-à-dire les soldats . La centralisation globale que l'on
7 6
observe en matière monétaire pendant le principat d'Auguste amena le
Prince à ne plus laisser à Rome que des frappes de bronze, qui elles-mêmes
s'interrompirent en 4 av. J.-C, et à confier à l'atelier de Lyon toutes les
frappes en métal précieux.
Il convient donc de distinguer deux moments dans l'œuvre monétaire
77
d'Auguste , une oeuvre qui reste empirique et dont il ne faut pas s'exagérer
72. L'or n'était frappé massivement que depuis César et le bronze avait disparu à Rome depuis Sylla.
Pour le rétablir, Auguste s'était inspiré des tentatives de la période triumvirale, les siennes et celles
de Marc Antoine (cf. AMANDRY M., « La genèse de la réforme monétaire d'Auguste en Occident »,
Cercle d'études numismatiques, Bulletin, 23, 1986, p. 21-34; sur la situation à l'époque triumvirale,
voir BUTTREYT.V., « Halved coins, the Augustan Reform and Horace Odes l.ò», AJA 76, 1972,
31-48). Ce monnayage de bronze était particulièrement spectaculaire: les as et les sextans étaient
rouge vif et les dupondii, sesterces et semisses dorés. Le nouvel éclat de la monnaie romaine était
perceptible à chaque instant pour tous les Romains. Notons également que c'est à cette période
que les triumvirs auro aere argentoflandoferiundo eurent pour la première fois l'occasion de mériter
leur nom. C'est donc d'une certaine façon l'apogée du triumvirat monétaire.
73. ZANKER, Power, op. cit. p. 92.
74. RIC 226 par exemple.
75. KUNISZ Α., Recherches sur le monnayage et la circulation monétaire sous le règne d'Auguste, W
1976, p. 27.
76. SUTHERLAND, The Emperor and the Coinage, op. cit., p. 49.
77. Sur l'implication d'Auguste dans les réformes monétaires, citons KUNISZ, Recherches, op. cit.,
p. 119 : « En ce qui concerne la réforme monétaire, c'est à Auguste et à son entourage le plus proche
qu'en revient principalement l'initiative. Ce n'est pas par hasard que les plus grands changements
dans le monnayage avaient toujours lieu là où Auguste se trouvait à ce moment. On pourrait citer
à l'appui de nombreux exemples. Le long séjour d'Octavien en Orient après sa victoire sur Marc
Antoine, a apporté une abondante émission à'aurei et de deniers dans les ateliers de là-bas ; sa
seconde venue en Asie a amené une notable augmentation des émissions de monnaies impériales
sur ces territoires. Le séjour d'Auguste en Espagne, lors des combats qui y eurent lieu, est à la base
du monnayage impérial en métal précieux qui prit une grande extension dans plusieurs ateliers
espagnols. De même lorsque l'empereur revient d'Orient en 19 av. J.-C, l'atelier romain com
mença à émettre des pièces d'or et d'argent. Il semble qu'Auguste ait surveillé personnellement
l'organisation de l'atelier impérial de Lyon lorsqu'il visitait la Gaule. »
160
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
78
la portée ni le caractère systématique : entre 27 et 12 av. J.-C, un temps
de restauration de la monnaie civique, gérée par des magistrats de la Cité,
7 9
renouvelés annuellement, avec des émissions qui semblent modestes ; à
partir de 15 et surtout de 12 av. J.-C, un temps de création d'une nouvelle
monnaie, impériale et centralisée, mais frappée loin de Rome, dans une
province du Prince, selon un rythme qui n est plus annuel mais ponctuel et
qui échappe donc au rythme civique, marqué par la rotation des triumvirs,
pour se modeler sur la vie de l'Empire tout entier.
Peut-être cependant ne faut-il pas forcer l'opposition. La monnaie civi
que voisinait déjà avec des frappes de type impérial héritées de la période
triumvirale et comprenait de toute façon une référence constante au Prince:
la Res publica restituta en matière monétaire se heurtait aux mêmes limites
que dans le domaine institutionnel. La monnaie de Lyon, d'autre part, est
plutôt la relève que l'antithèse des monnayages républicains, avec qui elle
cohabite toujours dans les trésors, où les monnaies républicaines sont même
les plus nombreuses au moins jusqu'à la période flavienne, ce qui montre
80
bien qu'elles s'échangeaient sans problème dans la circulation courante .
Il se pourrait même que certaines phases du monnayage lyonnais aient été
des tentatives pour réaliser une sorte de synthèse: je pense à l'imposant
monnayage d'or et d'argent à l'effigie de Caius et Lucius réalisé à partir de
2-1 av. J.-C. et jusqu'à une date qu'il est à l'heure actuelle impossible de pré
81
ciser . En effet, on dispose avec ces monnaies d'un numéraire particulier qui
en rappelle peut-être un autre et sur lequel il n'est pas inutile de revenir.
Les monnaies en l'honneur des Césars relèvent clairement du mon
nayage impérial : frappées selon toute vraisemblance à Lyon, au cœur d'une
province impériale, et supervisées par le Prince, peut-être via le légat de
Lyonnaise, elles portent au droit le buste d'Auguste, avec une titulature
classique et le titre tout récent de Père de la Patrie (fig. 10). Au revers figu
rent Caius et Lucius, les héritiers annoncés. La représentation des Césars
en qualité de Princes de la Jeunesse, chargés d'animer la Iuventus de Γ Vrbs,
relève d'une incontestable volonté d'identification avec un autre couple fra
ternel d'ascendance divine, qui a souvent été relevée : les Dioscures, figures
78. Voir les mises en garde de WUXACE-HADRILL, « Image and authority », art. cit., p. 70 ; GIARD, BNC,
p. 9 ; MANNSPERGER, «Münzprägung», art. cit., p. 391.
79. Les émissions portant le nom des monétaires jouaient un rôle bien moindre dans la circulation
monétaire que les monnaies émises à Lyon à partir de 2 av. J.-C. : ils n'apparaissent qu'en très petites
quantités dans les trésors, y compris en Italie (cf. KUNISZ, Recherches, op. cit., p. 105).
80. Sur la nature des numéraires en circulation en Occident à l'époque julio-claudienne, voir
AMANDRY M. et AUBIN G., «Le trésor d'aurei augustéens de la Gaumont/Saint-Martin à Angers
(Maine-et-Loire)», 1991, Trésors Monétaires XX, 2001-2002, p. 43-56; ESTIOT S. et AYMAR L,
«Le trésor de Meussia (Jura) : 399 monnaies d'argent et d'or d'époques républicaine et julio-
claudienne», Trésors Monétaires XX, 2001-2002, p. 69-160.
81. Les dates couramment proposées pour ce monnayage varient entre 2-1 av. J.-C. pour l'inter
valle le plus court (interprétation qui repose sur le consulat désigné des Césars), et 2 av. J.-G-
14 av. J.-C. pour les arcs les plus larges. Sur la nécessité de travaux complémentaires sur ce mon
nayage, voir les remarques d'AMANDRY, «Trésor», art. cit. (avec la bibliographie antérieure), et
l'article récent de WOLTERS R., « Gaius und Lucius Caesar als designierte Konsuln und principes
2
iuventutis. Die lex Valeria Cornelia und RIC l 205 ff», Chiron 32, 2002, p. 297-323.
161
ARNAUD SUSPÈNE
82
tutélaires de l'aristocratie équestre . La monarchie augustéenne est pré
sente sur ces monnaies jusque dans son arrangement dynastique. Pourtant,
l'allure générale des monnaies renvoie également à des modèles civiques.
On y repère tout d'abord des éléments traditionnels faisant allusion à
la citoyenneté romaine (la toge), aux magistratures (le consulat désigné) et
aux prêtrises (les emblèmes de l'augurât et du pontificat). D'autre part, les
armes dont sont affublés les Princes de la Jeunesse sont les armes d'honneur,
83
lance et bouclier d'argent, dont les sénateurs leur ont fait l'hommage .
Mais surtout l'iconographie des Césars en Dioscures me semble renvoyer à
des modèles numismatiques familiers aux Romains.
De fait, une monnaie de la fin de la République montre les Dioscures
84
dans une attitude qui annonce celle des Césars (fig. 11) . Mais c'est sur
tout à une autre série de monnaies que le type des monnaies aux Césars
fait penser : entre la seconde guerre punique et le milieu du deuxième
siècle av. J.-C, les deniers républicains portaient le type immuable de Castor
et Pollux armés d'une lance et chargeant un ennemi invisible (fig. 12). Ces
monnaies ont circulé abondamment dans le bassin méditerranéen et on les
trouve encore en nombre significatif dans les trésors d'époque impériale:
85
cela suffit à prouver qu'elles n'étaient pas oubliées et leur prestige devait
être considérable.
82. Pour les contributions les plus récentes, voir SAURON G., Histoire végétalisée, op. cit, p. 65-
80; SPANNAGEL M., Exemplaria principis. Untersuchungen zur Entstehung und Ausstattung d
Augustusforums, Heidelberg, 1999, p. 28-34 et surtout LA ROCCA E., «Memore di Castore:
Principi come Dioscuri », Castores. L'immagine dei Dioscuri a Roma, a cura di L. Nista, Rome,
1994, p. 73-90. Sur le choix d'un système à deux héritiers, dont la théorisation la plus poussée
reste le «Doppelnachfolge» de E. Kornemann, voir le bilan critique de H U R L E T Fr., Les Collègues
du prince sous Auguste et Tibère. De la légalité républicaine à la légitimité dynastique, Rome, 199
p. 374-380. Notons que d'autres couples fraternelsfigurentsur le monnayage républicain, qui
ont pu servir d'inspiration complémentaire : Romulus et Rémus naturellement, sur les premiers
didrachmes à caractère nettement romain (RRC 20), puis à nouveau de manière sporadique
(RRC2S7) ou encore les frères de Catane, modèle de piétéfiliale(RRC 511/3a). À la période
augustéenne elle-même, Tibère et Drususfigurenttrès probablement sur les premières monnaies
de l'atelier de Lyon (RIC 164-165). Il est donc aussi envisageable qu'Auguste et les Césars aient
souhaité oblitérer le souvenir de ce premier couple fraternel du Principat, désormais importun. Sur
la rivalité entre claudiens et juliens et l'utilisation du culte des Dioscures par les deux partis, voir
POULSEN B., « Ideologia, Mito e Culto dei Castori a Roma: dall'età repubblicana al tardo-antico»,
Castores. L'immagine dei Dioscuri a Roma, a cura di L. Nista, Rome, 1994, p. 91-100 et SUSPÈNE Α
«Tiberius Claudianus contre Agrippa Postumus: autour de la dédicace du temple des Castors»,
RPh 75.1, 2001, p. 99-124. Le destin tragique de Caius et Lucius enfin contribuait à renforcer
l'assimilation : les deux frères semblaient refuser d'être séparés par la mort (sur les particularités
de leur statut posthume, voir H U R L E T Fr., «Le statut posthume de Caius et de Lucius César»,
M. CHRISTOL, D. DARDE [dir.], L'expression du pouvoir au début de l'Empire. Autour de la Maiso
Carrée à Nîmes. Actes du Colloque de Nîmes du 20-22 octobre 2005, Paris, 2009, p. 75-82).
83. Grâce à cet équipement martial, les Césars reprennent à leur compte les promesses de victoire (voir
également l'émission RIC 198-9 en faveur de Caius César seul datée de 8 av. J.-C.), mais ils
sont aussi sensiblement plus pacifiques: ils sont en toge et ne chargent pas. Ils traduisent bien la
promesse augustéenne : une continuité dans la suprématie militaire, mais aussi un âge de paix et
d'épanouissement civique.
84. RRC 515/2. On notera que cette émission comprenait aussi des aurei portant au droit les têtes
accolées des Dioscures. Ce bimétallisme est encore un point commun avec lesfrappesen l'honneur
de Caius et Lucius.
85. On ne cessa jamais de frapper à l'image des Dioscures pendant la période républicaine, y compris
après la diversification typologique de lafindu deuxième siècle (voir le bilan détaillé de VALIMAA J.,
«I Dioscuri nei tipi monetali della Roma repubblicana», STEINBY E. M. (dir.), Lacus Iuturnae I,
162
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
Rome, 1989, p. 110-126). D'autre part, l'iconographie des Dioscures faisait partie du répertoire
figuratif familier à tout citoyen romain, les monnaies n'étant qu'un support parmi d'autres.
86. L'importance de la typologie pour les usagers des monnaies antiques a souvent été mise en dou
te (voir le point sur ce débat dans LEVICK, « Messages, art. cit. », avec la bibliographie). Mais il est
évident que les Anciens accordaient toute l'attention nécessaire au métal dans lequel était frappée
la monnaie! Auguste et les Césars devaient être liés dans l'esprit des Romains à un monnayage
de masse en or et en argent, de bonne facture globalement: ce monnayage d'or et d'argent avait
sans nul doute un aspect plus brillant que le vieux monnayage républicain, frappé entièrement en
argent et en bronze. Le contraste entre les espèces de la vieille république, très usées mais toujours
présentes dans l'usage quotidien, et qui attirait même parfois une sorte de curiosité erudite et
superstitieuse (cf. O V I D E , Fast. I, 227-246), et les monnaies aux Césars devait produire un effet
puissant.
87. Mackie parle d'un «mythe», c'est-à-dire non pas une illusion, comme le voulait Judge, mais un récit
structurant qui s'apparente à un fait et repose en partie sur des faits (MACKIE N.K., «Res Publica
Restituta: a Roman myth», C. DEROUX (dir.), Studies in Latin Literature and Roman History, 4
Bruxelles, 1986, p. 302-340).
88. Il n est pas exclu que le Prince ait également mis en valeur le temple de Junon Moneta et l'atelier
monétaire qui en dépendait (voir par exemple l'article deTucci PL., «The «Tabularium» and the
temple of Juno Moneta »,JRA 18, 2005, p. 6-33). Il convient cependant de rester très prudent sur
l'utilisation de l'atelier lui-même comme lieu symbolique: cf. BURNETT Α., «The invisibility of
Roman Imperial Mints », / Luoghi della moneta. Le sedi delle zecche dall'antichità all'età modern
Atti del Convegno Internazionale, Milano 22-23 ottobre 1999, Milan, 2001, p. 41-48.
163
ARNAUD SUSPÈNE
Figure 2.
89. O V I D E , Fastes, I, 221-223; 227-246. Les écrits historiques, pour des raisons de genre littéraire,
sont plus discrets sur les questions de cet ordre, qui ne correspondent pas à l'idée que les Anciens
se faisaient de l'écriture de l'histoire. Le témoignage d'Ovide doit donc être considéré comme
particulièrement significatif.
164
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A AUGUSTÉENNE
Figure
Figure 6.
165
ARNAUD SUSPÈNE
Figure 10.
166
ASPECTS NUMISMATIQUES DE LAKES PUBLICA RESTITUTA AUGUSTÉENNE
Figure 12.
Échelles variées.
167
Les limites d'un compromis historique :
de la domus vitruvienne
à la maison augustéenne du Palatin
Pierre GROS
1. Pour nous en tenir aux études les plus importantes de ces dernières années, citons SAURON G., Quis
deum ? L'expression plastique des idéologies politiques et religieuses à Rome à hfindelà Répub
au début du Principat, BEFAR 285, Rome, 1994,p. 577-592; IACOPI I., article Domus : Augustus
(Paktium), dans Lexicum topographicum Urbis Romae, II, 1995, p. 46-48; ROYO M., Domus imp
ratoriae. Topographie, formation et imaginaire des palais impérìaux du Palatin, BEFAR 303, R
1999, p. 119-172 ; MAR R., El Palati. La formacio dehpalaus imperiales a Roma, Tarragone, 2005
p. 76-104 ; GROS P., L'Architecture romaine du début du IHème s. av. J.-C. à lafindu Haut-Empi
e
2, Maisons, palais, villas et tombeaux, 2 éd., Paris, 2006, p. 233-240.
2. Voir par exemple sur la localisation et l'aspect de ce portique, outre les études citées ci-des
sus, STRAZZULA M . J., // Principato di Augusto. Mito e propaganda nelle lastre campane del te
pio di Apollo Palatino, Rome, 1990; BALENSIEFEN L., «Überlegungen zu Aufbau und Lage der
Danaidenhalle auf dem Palatin», RM 102, 1995, p. 189-209; PENSABENE P., «Elementi architet
tonici della casa di Augusto sul Palatino», RM 104, 1997, p. 149-172; MAR R., op. cit., p. 84-95 ;
Q u E N E M O E N C.K., «The Portico of the Danaids: A new Reconstruction», AJA 110, 2006,
p. 229-250.
3. Pour un état de ces questions, voir notre article Apollo Palatinus du Lexicon topographicum Urbis
Romae,l, 1993, p. 54-57.
4. La meilleure synthèse sur cette difficile question, qui a donné lieu naguère à des controverses
passionnées, est celle de CECAMORE Cl., Palatium. Topografia storica del Palatino tra III sec. A. C.
I sec. D. C, Rome, 2002, p. 155-159. Sur la portée idéologique de l'intégration du temple de Vesta,
FRASCHETTI A, Roma e il Principe, Rome, Bari, 1990, p. 342-360.
169
PIERRE GROS
genres d'habitats pour lesquels Octave et ses architectes ont opté entre
42 et 28 av. J.-C, afin de mieux cerner, en suivant les phases d'une opé
ration qui fut rapide en termes de chronologie, mais singulièrement syn
copée dans sa progression, l'évolution de l'idée que le Princeps s'est faite
de sa propre résidence au cours d'une période cruciale, et la façon dont,
finalement, mais non sans remords ni hésitations, il a fini par élaborer un
véritable ensemble palatial. Cet essai de déchiffrement, à partir des éléments
dont nous disposons aujourd'hui, est de ceux qui, croyons-nous, peuvent
restituer sous sa forme la plus concrète le cheminement d'un projet poli
tique dont l'inscription sur le terrain, compte tenu de la puissance sym
bolique des lieux investis et des formes retenues, constitue une illustration
5
assez claire . Et dans cette démarche, nous disposerons d'un témoignage
dont l'importance a souvent été oubliée, celle des notices du livre VI du
De Architectures sur la maison des responsables politiques, dont l'actualité,
comme celle de plusieurs autres passages du traité, n'a pas été toujours
6
appréciée à sa juste valeur . Sans aller, comme le suggère Sh. Haies, jus
qu'à établir d'étroites correspondances entre la domus sénatoriale, telle que
la conçoit le théoricien, et la « description » de la demeure du Palatin par
Suétone, on ne peut qu'être frappé par certaines similitudes qui ne sont
7
assurément pas le fait du hasard . En d'autres termes, nous allons tenter,
sans méconnaître les difficultés inhérentes à l'état des sources et des vestiges,
une lecture typologique des maisons successives d'Auguste.
On connaît par les textes les étapes de l'implantation d'Octave, et un
article de Mireille Corbier a restitué avec précision les conditions dans
lesquelles la première domus, celle de Q. Hortensius, fils aîné et héritier de
l'orateur, mort à la bataille de Philippes dans l'armée des Césaricides, a été
8 9
confisquée en 42 . C'est encore une maison modeste au dire de Suétone ,
mais elle présente pour le futur Auguste l'avantage insigne, Dion Cassius
ne s'y trompe pas, de se trouver à proximité de l'endroit où la tradition
10
situe la casa Romuli . Peu de temps après, en 36, au retour de la campagne
victorieuse de Sicile, plusieurs autres demeures sont acquises par l'intermé-
5. Les modalités et les étapes du cheminement du Princeps dans l'élaboration d'un nouveau régime
et les ambiguïtés de la « restitution » de la légalité républicaine ont encore fait récemment l'objet
d'études inégales qui témoignent des difficultés d'une approche purement politique. Voir
SPIELVOGEL J., Res publica reperta. Zur Verfassung und Gesellschaft der römischen Republik und de
frühen Prinzipats, Festschrift fur Jochen Bleichen zum 75. Geburtstag, Stuttgart, 2002 et SCHÄFE
Th., Augustus und die Begründung des römischen Kaisertums, Berlin, 2002.
6. Sur VITRUVE, VI, 5, 2 nous disposons maintenant des excellentes éditions commentées de
CORSO Α., dans Vitruvio. De Architettura, II (a cura di GROS P.), Turin, 1997, p. 844 et p. 947-951
et de CALLEBAT L., Vitruve. De VArchitecture livre VI, Paris, CUF, 2004, p. 21 et p. 179-185.
7. HALES Sh., The Roman House and Social Identity, Cambridge, 2003, p. 28.
8. CORBIER M., « De la maison d'Hortensius à la curia sur le Palatin», MEFRA 104, 1992, p. 871-
916. Voir aussi maintenant GUILHEMBET J.-P., «Acquérir, louer ou négocier des biens immobiliers
de prestige à Rome à lafinde la République et aux premiers siècles de l'Empire», Cahiers de la
Maison de la recherche en Sciences humaines, Caen, 46, 2006, p. 100-101.
9. SUÉTONE, Aug., 72, 1. Les termes employés par cet auteur sont intéressants en ce qu'ils tendent à
évoquer une demeure dépourvue des caractéristiques essentielles de la belle domus selon Vitruve,
à savoir l'espace (laxitas) et les grands portiques (porticus breves).
10. DION, XLIX, 15, 5. Voir aussi VARRON, De lingua latina, V, 54, 1 et PLUTARQUE, Rom., 20, 4.
170
L E S L I M I T E S D'UN C O M P R O M I S H I S T O R I Q U E .
15. IACOPI I., TEDONE G., « Bibliotheca et Porticus ad Apollinis », RM 112, 2005-2006, p. 351-378.
171
PIERRE GROS
172
L E S L I M I T E S D'UN C O M P R O M I S H I S T O R I Q U E . . .
173
PIERRE GROS
nous ignorons, sans cloute liées aux contraintes d'une installation antérieure
21
au changement de propriétaire, elle reste décalée vers le nord-est .
L'acquisition, en 36, des habitations limitrophes eut pour conséquence
immédiate l'extension de ces modicae aedes Hortensianae, puisqu'un second
péristyle, symétrique du premier, fut édifié à l'est de celui-ci. Cette recher
che d'un amplum laxamentum, première exigence de l'exhibition sociale,
qui devait aboutir au doublement de la surface antérieurement construite,
et satisfaire, chez le futur Princeps, cet attrait pour lapukhritudo iungendisi
répandu dans la classe dirigeante de cette fin de la République, impliquait
une refonte complète des installations antérieures : les anciens portiques de
la cour occidentale furent en effet reconstruits en travertin et munis d'archi
traves de tuf, sur le modèle de ceux qui furent alors mis en place autour de la
cour orientale, communément désignée, à tort dans cette deuxième phase,
comme le «cortile delle biblioteche» (fig. 2). Pour assurer la cohérence de
ces deux unités contiguës une galerie couverte en voûte régnait sur leur face
sud-ouest, vers la vallée, sur laquelle fut percée une grande entrée, imposant
corridor situé entre les péristyles, dont la présence eut pour résultat d'inter
rompre et probablement de rendre définitivement impraticable la rampe
22
transversale ci-dessus désignée, voisine du salon tétrastyle . Cette ordon
23
nance relativement ambitieuse , assortie d'une tentative d'unification des
structures au moyen d'un accès axial, ne devait jamais être conduite à son
terme, et la plupart des pièces qui auraient dû s'ouvrir derrière les portiques,
anciens ou nouveaux, ne furent pas achevées. Un tel changement de parti,
après les efforts déjà considérables pour doter la domus de ce luxe des deux
peristylia, et des commodités qu'il offrait en principe pour la modulation
des activités d'accueil et de représentation témoigne du fait, à nos yeux
capital pour la compréhension des comportements augustéens, que le vain
queur de Nauloque est désormais convaincu du fait qu'il n'a rien à attendre
24
d'une vaine rivalité avec les riches propriétaires du Palatin ou d'ailleurs ,
et que sa résidence devrait se signaler par d'autres éléments, sans rapport
direct avec les poncifs de la belle demeure patricienne, et d'abord par une
confusion savamment entretenue entre espaces privés et lieux publics, entre
aires profanes et aires sacrées, selon le programme défini en termes généraux
dès 36, qui promettait de réserver sa maison et ses dépendances publicis
25
usibus . Si l'on s'arrête toutefois un instant sur ce projet non abouti,
quelques observations s'imposent, qui donnent une idée de la pression des
modèles dominants, et plus encore des innovations qui, sur la colline du
ER
Palatin, se multiplient dans la seconde moitié du I siècle av. J.-C. : les
21. IACOPI L, TEDONE G., «Bibliotheca et Porticus ad Apollinis», art. cit., p. 363 etfig.5 p. 365.
22. Ibid., pl. 7, p. 372-373.
23. Cette démarche correspond à la procédure normale d'extension de la domus patricienne, souvent
vérifiée dans les maisons pompéiennes, par l'acquisition de propriétés adjacentes et l'ouverture de
péristyles supplémentaires (Vitruve, VI, 5, 2: peristylia amplissima).
24. IACOPI L, T E D O N E G., « Bibliotheca et Porticus ad Apollinis », art. cit., p. 367-375.
25. VELLEIUS PATERCULUS, II, 81, 3 : publicis se usibus destinareprofessus est. Voir aussi DION, LIV, 27,
3 et LV, 12, 5.
174
L E S U M I T E S D'UN C O M P R O M I S H I S T O R I Q U E . . .
Xu^i.ML i
175
PIERRE GROS
er
nombreux sont les cas où Ton observe, tout au long du I siècle av. J.-C, la
duplication des péristyles par la monumentalisation de Xhortus ou Tachât
26
de propriétés voisines . Mais, comme Ta récemment souligné E. Papi dans
la publication du quartier qui entre Palatin et Velia domine la via Sacra,
les transformations qui affectent les résidences de ce secteur au cours des
dernières décennies républicaines sont pour la plupart dictées par la mise en
oeuvre de solutions inédites dans la disposition des pièces et leur utilisation:
les disponibilités financières des propriétaires, leurs goûts et leur culture, la
recherche effrénée de l'inédit ou au contraire l'affectation d'un traditiona
lisme archaïsant contribuent à la création d'unités où l'on éprouve beaucoup
27
de peine à retrouver les schémas éprouvés au cours de siècles précédents .
C'est dans ce climat d'émulation où toute une classe politique rivalise d'in
géniosité sur les lieux les plus emblématiques de Γ Urbs qu'il convient de
replacer les moments successifs de l'aménagement de la maison d'Auguste,
et particulièrement de cette deuxième phase. Evidemment ce qu'il en sub
siste, puisqu'elle est, nous l'avons dit, seulement ébauchée ne permet pas
des analyses approfondies, mais on peut comprendre qu elle participe, avec
les contraintes spécifiques d'un terrain difficile en raison des dénivellations
qu'il comporte, de la seule constante identifiable dans les autres domus
contemporaines de la colline, à savoir la promotion des péristyles et des jar
dins portiques au rang d'espaces centraux de la vie domestique et de tous ses
rituels sociaux. Déjà la demeure de Clodius, dans sa phase de plus grande
extension, c'est-à-dire pendant les mois d'exil de Cicéron, avait donné le
ton : le peristylium amplissimum qui sur l'emplacement probable de la domus
de Seius et de la porticus Catuli faisait plus que doubler la superficie de son
habitation initiale, et plus encore Yambulatio qui longeait l'ensemble sur la
pente septentrionale du Palatin, comparable, toutes proportions gardées,
à la galerie sus-mentionnée de la maison d'Auguste, définissaient avec une
redoutable efficacité les objectifs vers lesquels s'orienteraient désormais, avec
28
de multiples variantes, les résidences patriciennes (fig. 3). Certes l'ouver
ture d'aires de détente ou de promenade dans les demeures urbaines de
cette zone avait toujours été l'un des signes les plus patents de la richesse et
de la puissance du propriétaire: Cicéron parle en 59, c'est-à-dire avant que
sa maison ne soit détruite par Clodius, d'une palaestra, et il ne manquera
pas, au moment de sa reconstruction, après être rentré dans ses droits en
55, de mentionner la promenade arborée qui en fait le charme, célébrant,
l'année suivante avec son frère, l'agrément de ses horti, pourvus d'un pra-
29
tulum . Mais les efforts déployés ensuite pour gagner sur les pentes ou sur
les propriétés adjacentes des aires aplanies où se déploieront des portiques
semblent avoir pris des proportions auparavant inusitées.
176
L E S L I M I T E S D'UN C O M P R O M I S H I S T O R I Q U E . . .
Figure 3.- La domus Clodii et ses annexes lors de sa plus grande extension,
en 58-57av. J.-C. Plan schématique d'après R. Mar.
177
PIERRE GROS
178
LES UMITES D'UN COMPROMIS HISTORIQUE..
comme dans certaines domus de la colline déjà citées, à des usages subalter
nes. Dans le même temps, de puissants murs périmétraux dont subsistent
des traces en fondation englobèrent l'essentiel des constructions attribuées
à la «maison de Livie», celui qui longe la plate-forme du temple à l'ouest
de ce dernier marquant la limite entre le secteur public et le secteur privé.
Si l'on ajoute que le même projet comportait la création de la bibliothèque
latine et grecque, dont il semble établi maintenant qu'à la différence de ce
que suggère la Forma Urbis sévérienne, qui donne évidemment l'état domi-
tianique de la zone, elle ne comportait initialement qu'une grande salle à
abside semi-circulaire centrée sur l'axe longitudinal du vaste quadriportique
qui occupe dès lors sans solution de continuité, et à une cote nettement
33
supérieure, la superficie des deux péristyles antérieurs , on obtient une
image d'ensemble sensiblement différente de celle à laquelle nous nous
étions accoutumés.
Cette démonstration bouleversante mais convaincante, due encore une
fois à I . Iacopi et à G. Tedone, et dans le détail de laquelle il n'est pas utile
d'entrer ici, autorise une lecture précise du complexe dans sa version défi
nitive, et permet d'en proposer une interprétation plus cohérente. Après
les premières implantations, marquées par la volonté de suivre, tout en s'en
démarquant autant que possible, les tendances principales de l'évolution
de la résidence de prestige, telle qu'elle s'affirmait alors dans le voisinage
immédiat du domaine d'Octave, la nouvelle composition rassemble dans
un système d'une rare efficacité, et qui transcende toutes les tentatives
antérieures des imperatores ou des membres de l'oligarchie sénatoriale, les
formes et les messages nécessaires à l'affirmation d'un pouvoir sacralisé.
L'unité constituée par le temple apollinien, la porticus de Suétone et de
34 35
Velleius Paterculus ,l'aurea Phoebiporticus de Properce ou l'enclos sacré
36
(«téménisma») de Dion Cassius et la ou les bibliothèques, selon qu'on
évoque le monument lui-même ou ses deux sections, unité restituée pour
la première fois dans son extension sur la base d'observations archéologi
ques, peut être dès lors mieux comprise dans son organisation syntaxique.
L'axialité impérieuse du temple par rapport au quadriportique, sur lequel
son escalier frontal empiète en interrompant la galerie nord, traduit sur le
57
terrain la formule de Properce : medium claro surgebat marmore templum .
Cette centralité était encore accentuée par la présence probable, au cœur
même de l'aire libre du péristyle, de l'autel monumental qui faisait partie
intégrante du sanctuaire, si du moins on admet l'hypothèse que j'avais
émise naguère selon laquelle la structure quadrangulaire munie sur deux
de ses faces d'un emmarchement formant escalier dont la Forma Urbis
33. IACOPI L , T E D O N E G., «Bibliotheca et Porticus ad Apollinis», art. cit., p. 352-355 et pl. 3,
p. 360-361.
34. SUÉTONE, Aug., 29,4. VELLEIUS PATERCULUS, I I , 81, 3.
35. PROPERCE, 11,31,1-2.
36. DION, LUI, 1,3.
37. PROPERCE, II, 31,9.
179
PIERRE GROS
nous a conservé l'image sur 1 'area Apollinis n'était autre que cette ara, dont
Properce précise qu'elle était entourée des agmenta Myronis, les fameuses
statues de Myron représentant des bovins, image pétrifiée et sublimée des
38
animaux sacrificiels . La présence d'une structure de ce genre paraît de
toute façon confirmée par les puissantes substructions retrouvées au centre
du téménos, au point de convergence des deux médianes perpendiculaires.
Ce point focal de toute l'ordonnance en exprime la sacralité globale, celle-
ci valant pour la bibliothèque dont l'unicité monumentale et la situation
elle aussi dominante, mais cette fois par rapport à l'axe longitudinal du
péristyle, vient d'être démontrée par les mêmes recherches récentes sur le
terrain.
Cette bibliothèque mérite, dans l'état où elle apparaît aujourd'hui, un
réexamen attentif, et les textes anciens qui la mentionnent en lui attribuant
des fonctions parfois inattendues prennent dans cette perspective un relief
particulier. Conservée seulement en fondation, mais d'une façon suffisam
ment explicite pour qu'une restitution en soit proposée, cette salle, orien
tée nord-ouest/sud-est, et parfaitement centrée sur le petit côté oriental du
péristyle, longue de près de 25 m et large de 20 hors tout et de 18 m sur
15 pour l'espace utile interne, présentait des dimensions sensiblement équi
valentes à celles qui sont attribuées à la curia Iulia. L'aula était semble-t-il
divisée intérieurement en un secteur central dallé d'un opus sedile de mar
bres colorés et deux secteurs latéraux relativement étroits, probablement
animés par une colonnade qui longeait les murs nord et sud et se retournait
devant l'abside, selon un schéma que l'on pourrait dire pseudo-basilical.
Dans l'abside fut identifiée la sous-base d'un podium puissant, destiné sans
39
doute à supporter une statue . Ces caractères structurels, joints à la posi
tion de l'édifice, évidemment conçu pour faire partie du même ensemble
que le temple lui-même, rendent plus que probable son identification à
la bibliotheca ad Apollinis, dont D.L. Thompson avait dès 1981 postulé la
40
parenté avec la nouvelle curie césarienne . La connexion entre l'édifice
cultuel et la bibliothèque était du reste suggérée par le caractère elliptique
de la description périégétique de l'Ovide des Tristes, qui passe directement
des candida tempia dei aux lieux « où sont offertes au lecteur les créations
des doctes esprits, tant anciens que modernes», le passage des uns aux autres
41
s'effectuant à travers le Portique des Danaïdes : tout se passe comme si le
voisinage topographique se doublait d'une correspondance fonctionnelle,
les deux monuments s'avérant étroitement complémentaires. La subdivision
entre section latine et section grecque, suggérée par Suétone, mais surtout la
38. GROS P., article Apollo Palatinus, dans Lexicon topographicum Urbis Romae, I, Rome, 1993, p.
PROP., I I , 31, 7-8.
39. IACOPI I. TEDONE G . , « Bibliotheca et Porticus ad Apollinis », art. cit., p. 353 sq.
40. THOMPSON D.L., «The meetings of the Roman Senate on the Palatine», AJA 85,1981, p. 335-339.
Sur cette question, voir maintenant BONNEFOND-COUDRY M., Le Sénat de la République romaine
de la Guerre d'Hannibal à Auguste, BEFAR 273, Rome, 1989, p. 179-182 et PALOMBI D., article
Curia in Palatio, dans Lexicon topographicum Urbis Romae, I, Rome, 1993, p. 334.
41. O V I D E , Tristes, I I I , 1, 59-64.
180
LES UMITES D'UN COMPROMIS HISTORIQUE..
présence d'une statue d'Auguste habitu ac statu Apollinis, selon les commen
42
taires du Pseudo Acron et de Servius , statue en situation de domination
par rapport à l'espace interne, selon toute vraisemblance donc dans l'abside
sus-mentionnée, comme un véritable simulacrum, c'est du reste le terme
Aò
employé dans la Tabula Hebana , confirment, s'il en était besoin, le carac
tère religieux sinon cultuel de la bibliothèque, qui n'est pas seulement « près
du temple d'Apollon», mais également, et pleinement, «apollinienne» ; la
niche architecturée qui servait d'écrin à cette statue, surmontée d'un fronton,
44
fastigium, confirme la signification de cette mise en scène .
L'ambiguïté entretenue sur la définition de cette curieuse bibliothèque se
retrouve dans les diverses dénominations et fonctions que lui confèrent les
textes antiques. C'est faute d'avoir pris la mesure de sa dimension véritable
que plusieurs auteurs anciens ou récents ont proposé le temple d'Apollon
lui-même comme lieu périodique de réunions du Sénat, sous Auguste ou
les premiers Julio-Claudiens. En fait, inaugurée comme la curia Iulia, cette
bibliotheca, désignée comme une curie par Tacite et comme un templum
par la Tabula Hebana ou la Tabula Siarensis, où du reste elle est présentée
comme une composante intégrée au quadriportique qui constitue le témé-
nos du temple (in porticu(m) quae est ad Apollinis), elle présente toutes les
caractéristiques d'une aedes sive curia, comme l'a bien démontré avec de
nouveaux arguments Mireille Corbier, bien qu'elle fût encore tributaire de
45
l'hypothèse des salles jumelées . Les assemblées sénatoriales convoquées
au Palatin se sont vraisemblablement toutes déroulées, contrairement à ce
que j'ai pu dire moi-même naguère, dans cette curia in Palatio, qui n'était
autre que la bibliothèque, et non pas la «bibliothèque latine». Et de fait on
comprend mieux, en passant en revue les diverses fonctions impliquées dans
ces définitions à la fois larges et précises, que ce type d'édifice aurait perdu
l'essentiel de sa puissance et de sa signification tant fonctionnelle que sym
bolique s'il avait revêtu l'aspect, qu'on lui reconnaissait jusqu'à présent, de
deux salles accolées, identiques certes, mais pourvues d'entrées différentes :
comment l'une d'elles aurait-elle pu être un templum rituellement inauguré
et pas l'autre? Et inversement comment concevoir l'inauguration de deux
salles contiguës dont l'une seulement aurait contenu l'équivalent d'une
statue cultuelle? La découverte archéologique de l'unicité de la bibliothè
que du Palatin constitue en ce sens, et ce n'est pas le moindre de ses titres
à la crédibilité, une mise au point et une pleine confirmation des données
textuelles. Nous n'ignorons pas que Dion Cassius évoque des bibliothèques
46
lorsqu'il parle de la dédicace du complexe apollinien , mais outre que ce
pluriel peut s'expliquer par la présence de deux sections à l'intérieur d'un
181
PIERRE GROS
même édifice, on ne peut exclure le fait que l'image du complexe ait été
pour lui largement informée et donc altérée par celle qu'il avait sous les yeux
e
au début du 111 siècle, et qui remontait, au mieux, à la refonte complète du
temps de Domitien, dont nous savons qu'elle eut entre autres pour résultat
de mettre en place au même endroit, mais pas au même niveau, les deux
47
salles absidées dont la Forma Urbis a conservé le plan .
La charge sémantique supplémentaire de la bibliothèque nous incite
à reconsidérer la partie « publique » de cette résidence augustéenne. On a
souvent insisté, à juste titre, sur ses aspects hellénistico-orientaux en tirant
le meilleur parti du précédent pergaménien, effectivement caractérisé par la
confusion entre les composantes proprement palatiales et les composantes
sacrées à vocation non seulement dynastique mais poliade. La filiation est
indéniable, si l'on considère la sacralisation de la lignée et la protection
divine revendiquée par un pouvoir qui, dans le cas d'Auguste, ne peut
encore s'affirmer comme dynastique mais est déjà implicitement régalien.
Marianne Bonnefond-Coudry a naguère souligné avec raison l'importance
de la notice de Servius qui explique que Latinus, tel qu'il est mis en scène
par Virgile, consulte le Sénat dans sa maison, addomum regis, tout comme il
était, du temps de ses ancêtres, dit le glossateur, c'est-à-dire, de son point de
48
vue, au début de l'Empire, consulté in Palatii atrio . À ce titre, le complexe
augustéen mérite d'être comparé aux « basileia» les plus élaborés, et du reste
la description du palais du vieux roi dans Y Enéide contient, on l'a souvent
49
dit, des allusions assez directes à la domus palatine . Mais il est une autre
conséquence qui se dégage, croyons-nous, de la nouvelle ordonnance du
grand péristyle et de ses annexes cultuelles, culturelles et religieuses, telles
qu'elles se laissent reconstituer désormais.
Il convient ici de revenir à Vitruve, qui donne de la demeure de ceux
qu'il appelle les potentes une description très ambitieuse dont on peine
à retrouver les témoins archéologiques. Plus que la maison de Clodius
au temps éphémère de ses annexions abusives, plus que celle de Scaurus,
dont l'ampleur de Vatrium a été relevée comme exceptionnelle par Filippo
50
Coarelli , celle d'Auguste semble répondre, en première lecture, à la célèbre
notice de De Architectura, V I , 5, 2: si l'on cumule les données du terrain
et celles des textes, on peut en effet y retrouver les péristyles immenses, les
51
parcs (silvae) , les promenades, les bibliothèques et les basiliques d'une
47. RODRIGUEZ ALMEIDA R., Forma Urbis Marmorea. Aggiornamento generale 1980, Rome, 1981,
pl. XIV.
48. S E R V I U S , ^ » . 11, 235. BONNEFOND-COUDRY M., op. cit., p. 181.
49. Voir sur ce point ZANKER R, «Der Apollotempel auf dem Palatin», Città e Architettura nella
Roma imperiale, Rome, 1983, p. 21-40 et notre étude «Les palais hellénistiques et l'architecture
augustéenne : l'exemple du complexe du Palatin », Basileia. Die Palaste der hellenistischen Könige,
Mayence, 1996, p. 234 -239. Dans le même volume, l'article de FÖRTSCH R, « Die Herstellung von
öffendichkeit in der spätrepublikanischen Wohnarchitektur als Rezeption hellenistischer Basileia»,
p. 240-249 élargit le débat aux grandes domus patriciennes.
50. COARELLI F., loc. cit. supra n. 19.
51. GROS P., « Le bois sacré du Palatin : une composante oubliée du sanctuaire augustéen d'Apollon »,
RA, 2003, p. 51-66.
182
L E S L I M I T E S D'UN C O M P R O M I S H I S T O R I Q U E . .
52. Dès son premier livre, Vitruve avait identifié les demeures des « puissants dont la pensée gouverne
l'état» à des édifices publics (I, 2, 9). Mais c'est évidemment le passage déjà cité de VI, 5, 2 qui
contient les éléments les plus clairs de ce point de vue.
53. GROS P., « La basilique dans la maison des notables », Autocélébration des élites locales dans le monde
romain, Clermont-Ferrand, 2003, p. 311-328.
54. CICÉRON, De domo sua, 115-117.
55· Sur la nature juridique du sol où a été construit le temple, SPANNAGEL M., Exemplaria Principis.
Untersuchungen zu Entstehung und Ausstattung des Augustusforums, p. 18, n. 26. Voir D I O
XLLX, 15,5etLIV,27, 3.
183
PIERRE GROS
56. Voir les analyses magistrales de SAURON G., op. cit. p. 577-592.
y
184
L E S L I M I T E S D'UN C O M P R O M I S H I S T O R I Q U E . .
60. VITRUVE, V, 1, 7.
61. NOVARA Α., Auetor in bibliotheca. Essai sur les textes préfaciels de Vitruve et une philosophie latine
du livre, Louvain, Paris, 2005, p. 52, 138-139 et 162.
185
Du triumvirat au début du principat :
la construction du mythe augustéen
Gilles SAURON
Je ne voudrais ici tenter d'explorer qu'un terrain assez marginal par rap
port aux problèmes posés par notre rencontre. I l ne s'agira donc nullement
des aspects institutionnels concernant l'évolution du cadre politique du
triumvirat et les transformations du pouvoir augustéen, mais uniquement
d'un des arrière-fonds idéologiques du déploiement de cette révolution
politique. Et, de ce point de vue, on ne peut nier l'évidente volonté de
rupture qui s'est manifestée de la part du princeps et du premier cercle de
ses conseillers.
Ce qui m'intéresse ici, c'est la volonté de tous les protagonistes du triu
mvirat de s'inscrire dans un contexte héroïque, ou, si l'on veut, de penser
le monde au bouleversement duquel ils prenaient une part décisive comme
une scène tragique.
Il n'y avait de ce point de vue rien de nouveau par rapport au climat des
dernières décennies de la république, qui avaient vu s'affronter Pompée et
César avec leurs partisans. Le théâtre de l'un, construit au centre du Champ
de Mars, dont la décoration statuaire m'avait paru évoquer la dimension
mythique de Pompée comme conquérant de la terre jusqu'à l'Océan, sera
suivi du projet jamais réalisé par César de creuser un théâtre au flanc du
Capitole, ce qui aurait eu pour effet d'assimiler Rome à une capitale royale
hellénistique et à faire implicitement de lui-même un basileus basileôn.
Le thème cynique de l'assimilation de la vie au théâtre était aussi omni
présent dans la vie des Romains de ce temps. La célèbre formule « la vie
est un théâtre» (σκηνή ό βίος) inscrite sur un gobelet en argent du trésor
de Boscoreale se retrouve presque identique sous la plume d'un poète de
XAnthologie palatine (X, 72, 1 : «Toute la vie est un théâtre», Σκηνή πας
òβίος), et plus tard sous celle de Clément d'Alexandrie (Protreptique, I I ,
12,1 : «... comme sur la scène de la vie », ... οίον επί σκηνής τοΰ βίου).
E
Diomede, un grammairien latin du IV siècle, mentionnait la définition
du mime par les Grecs comme «une imitation de la vie» {Grammatici
latini, III, 491 Keil: μίμος έστιν μίμησις βίου), en sorte que, on le voit, le
187
GILLES SAURON
1. PAQUET L., Les Cyniques grecs. Fragments et témoignages, avant-popos par Marie-Odile Goulet-Cazé,
Paris, 1992, p. 173-189.
2. Musée archéologique de Naples, inv. 109982 : D E CARO S., Museo archeobgico di Napoli, Naples,
1999, p. 73 etfig.p. 76.
188
D U T R I U M V I R A T A U DÉBUT D U PRINCIPAT: L A CONSTRUCTION D UM Y T H E AUGUSTÉEN
3. CARETTONI G.F., Das Haus des Augustus auf dem Palatin, Mayence, 1983, p. 23-27 et pl. coul.
A-I, SAURONG., Quis deum Ì L'expression plastique des idéologies politiques et religieuses à Rom
lafinde la République et au début du Principat (BEFAR, 285), Rome, 1994, p. 586-592 (salle des
Masques).
4. Monnaies émises en 189/180 et 82 av. J.-C. : CRAWFORD M., Roman Republican Coinage, Cambridge,
e
1974 (4 éd., 1989), n° 149 et 362.
189
GILLES SAURON
190
DU TRIUMVIRAT AU DÉBUT DU PRINCIPAT: LA CONSTRUCTION DU MYTHE AUGUSTÉEN
lius aurait cité les paroles qu'Homère avait placées dans la bouche d'An-
dromaque {Iliade, V I , 429-430: «Hector, toi, tu es à la fois mon père,
mon auguste mère et mon frère; et de plus tu es mon époux vigoureux»,
"Εκτορ, άταρ συ μοίέσσι πατήρ καί πότνια μήτηρ/ήδέ κασιγνητος, συ
δέ μοιθαλερός παρακοίτης), à quoi Brutus aurait répondu qu'il n'aurait
pas l'idée de citer les vers où Hector renvoie son épouse à ses travaux
domestiques {ibidem, 490-492: «Va donc à la maison, occupe-toi de tes
propres travaux, la toile, la quenouille, et ordonne à tes servantes de se
mettre au travail», 'Αλλ' εις οίκον ιοΰσα τα σ' αυτής έργα κόμιζε,/ίστόν
τ ήλακάτην τε, καί άμφιπόλοισι κέλευε/εργον έποίχεσθαι). Le
même Brutus, célébrant son anniversaire après l'assassinat de César, aurait
cité un vers d'Homère préfigurant sa fin tragique sous les coups de Marc
Antoine et d'Octavien, qui, nous précise Valére Maxime (I, 5, 7), devai
ent prendre le nom d'Apollon comme signe de ralliement à la bataille de
Philippes. I l s'agit en effet d'un vers qu'Homère avait placé dans la bouche
de Patrocle à l'instant de sa mort de la main d'Hector, et qui disait: «Je
meurs victime de la Parque funeste et du fils de Léto », (Homère, Iliade,
XVI, 349 : Άλλα μεΜοιρ' όλοή καί Λητούς εκτανεν υιός).
Certaines de ces assimilations étaient désobligeantes et émanaient d'ad
versaires. Ainsi, lorsque Cicéron compara Marc Antoine à Hélène de Troie
{Philippiques, I I , 55), un mensonge grossier selon Plutarque {Antoine, 6, 1).
L'ascendance vénusienne que César ne cessait de proclamer lui valut plus
d'un sarcasme d'adversaires, comme Cicéron, qui le disait « né de Vénus »
(a Venere ortus) en rappelant ses amours dénaturées avec le roi Nicomède
(Suétone, Divin Jules, 49, 7), et M . Caelius Rufus, qui le traitait sembla-
blement de « rejeton de Vénus » (Venereprognatus) dans une lettre à Cicéron
{Lettres à ses familiers, V I I I , 15, 2). Plus tard, l'œuvre d'Ovide, et en par
ticulier les Métamorphoses, sont remplies d'allusions ironiques à l'égard
6
d'Auguste par dieux ou héros interposés .
Mais les Romains ne faisaient qu'adopter ici les modes de pensée hel
lénistiques. Ainsi, l'épisode le plus spectaculaire illustrant ce genre d'assi
milation se situe à la cour du roi d'Arménie. I l concerne la triste fin dont
fut victime Crassus, dont nous connaissons le récit par Plutarque {Vie de
Crassus, 33) et Polyen {Stratagèmes, 7, 41). Orodès, le roi des Parthes qui
venait de vaincre le Romain dans la plaine de Carrhes, se trouvait à la
cour d'Artavazdès, roi d'Arménie, pour sceller une alliance antiromaine
par le mariage de la sœur du roi avec son fils Pacorus. Au cours du ban
quet, une représentation des Bacchantes d'Euripide, où l'acteur Jason de
Tralles jouait le rôle d'Agave, fut interrompue par l'arrivée d'un officier
parthe qui apportait la tête de Crassus. L'acteur échangea le masque qui
figurait la tête de Penthée (fig. 4) contre la tête de Crassus, et déclama avec
transport ces vers de la pièce : « Nous apportons, de la montagne, vers ce
6. LUNDSTRÖM S., Ovids Metamorphosen und die Politik des Kaisers (Acta Universitatis Upsaliens
Uppsala, 1980.
191
GILLES SAURON
7. Plutarque ditθήραμα.
8. Plutarque ditΤις έφόνευσεν.
192
D U T R I U M V I R A T AUDÉBUTDUPRINCIPAT: L A CONSTRUCTION D U M Y T H E AUGUSTÉEN
ses enfants, avait repoussée, alors quelle lui avait permis de conquérir la
Toison dOr. On mesure ici tout de suite quelle affinité existait entre César
et ces deux héros de tragédie : ils avaient en commun d'avoir été les victi
mes exemplaires de ces perversions de la justice, du droit et du regard que
sont l'iniquité (iniquitas), l'injustice (iniuria), la jalousie (inuidia). Toute
la tradition historiographique, à commencer par les écrits de César lui-
même, nous propose comme justification du franchissement du Rubicon
la gravité de l'injustice (iniquitas) subie par César de la part de Pompée et
de la majorité des sénateurs (César, Guerre civile, I, 6, 8 ; Suétone, Divin
Jules, 32, 3; Lucain, Pharsale, I, 340). César voulait ainsi manifester que,
de son côté, il avait été certes contraint à la guerre civile par les injustices
infligées par ses ennemis, mais qu'il avait toujours préféré la clémence à la
vengeance, et on pouvait comprendre qu'il devait cette singularité héroïque
au lien particulier qui l'unissait à la Vénus de Troie, et que matérialisait aux
yeux de tous sa propre statue équestre placée au centre du forum, et qui
9
faisait face à l'idole cultuelle de Vénus Genetrix .
Mais César fut une seconde fois comparé à Ajax, au lendemain de
sa mort. On entendit, en effet, au cours de ses funérailles, de la bouche
même de Marc Antoine, les lamentations d'Ajax tirées du Jugement des
armes de Pacuvius : « Fallait-il les sauver pour qu'ils devinssent mes meur
triers ? » (Suétone, Divin Jules, 84, 3 : «Men semasse, ut essent qui me perde-
renti», Appien, Guerre civile, II, 146 : «έμε δεκαί τούσδε περισώσαι τους
κτενοΰντάς με ; »). C'est en tenant compte de ce climat que j'avais proposé
il y a quelques années d'attribuer à Marc Antoine l'utilisation à des fins
politiques du célèbre groupe statuaire connu depuis la Renaissance sous le
nom de « Pasquino » (fig. 5), voire même de lui attribuer la commande de
cette fameuse sculpture représentant selon les uns Ménélas sauvant le corps
de Patrocle, selon les autres Ajax sauvant celui d'Achille, et Bernard Andreae
a même proposé de voir, mais seulement dans la copie de Sperlonga, la
représentation d'Ulysse sauvant le cadavre d'Achille. Marc Antoine, qui,
après avoir été retenu aux portes de la curie de Pompée par Trebonius tan
dis que Casca portait le premier coup à César, lui que les conjurés avaient
envisagé de mettre à mort en même temps que César et qui dut s'enfuir
et se cacher dans les heures qui suivirent l'assassinat, Marc Antoine était
en droit de se prévaloir de la valeur d'Ajax : si les césaricides furent dissua
dés de jeter au Tibre le cadavre de celui qu'ils appelaient le "tyran", c'est,
nous dit Suétone, qu'ils craignaient Marc Antoine, le consul, et Lèpide, le
magister equitum, autrement dit les deux magistrats ayant l'autorité légale
sur les forces militaires (Suétone, Diu. lui., 82, 5 : Fuerat animus coniuratis
corpus occisi in Tiberim trahere, bona publicare, acta rescindere, sed metu
9. SAURON G., «Vénus entre deux fous au Forum de César», EVERS C. etTSINGARIDA A. (dir.), Rome
et ses provinces. Genèse et diffusion d'une image du pouvoir - Hommages à Jean Charles Ba
rassemblés par Bruxelles, 2001, p. 187-199; analyse voisine de HARRIS W.V., «Un indicio de ira
en el tempio de Venus Genetrix de Julio César », Semanas de estudios romanos, vol. XI, Universidad
Católica de Valparaiso, Valparaiso (Chili), 2002, p. 21-30.
193
GILLES SAURON
10. En octobre de cette même année 44, Cicéron reproche à Marc Antoine d'avoir organisé les « funé
railles du tyran », en soulignant qu'il y a là une formule paradoxale et même contradictoire (par
définition, il ne peut y avoir de funérailles pour un tyran) : «.. .funeri tyranni, si illudfunus fuit,
sceleratissimepraefitisri »(Ciceron, Philipp., II, 90).
11. Voir par ex. TOYNBEE J.M.C., Roman Historical Portraits, Londres, 1978, p. 41 etfig.40.
194
D U T R I U M V I R A T A U DÉBUT D U PRINCIPAT: L A CONSTRUCTION D UM Y T H E AUGUSTÉEN
leste insimulare coepit, in quo turpiter deprehensa eius uanitas est; Appien,
BCy III, 14 : « [Marc Antoine] se trouvait dans les jardins que lui avait offerts
César et qui avaient appartenu à Pompée ; comme César [seil. Octavien]
fut obligé d'attendre un certain temps à proximité des portes, il interpréta
le fait comme une manifestation de mépris de la part d'Antoine... », όδέ
ήν ένκήποις, ους ό Καίσαρ αύτω δεδώρητο Πομπηίου γενομένους*
διατριβής δέ άμφί ταςθύρας πλείονος γενομένης ό μεν Καίσαρκαί
τάδε ές υποψίαν Αντωνίου της άλλοτρίωσεως ετίθετο...). I l semble
bien en tout cas que les références héroïques eurent leur place dans le
débat entre les deux hommes : s'il faut en croire Appien, Octave aurait
argué d'une surprenante hiérarchie des ascendances pour expliquer à Marc
Antoine que César, qui n'était qu'un simple Enéade, n'avait pas osé le choi
sir lui, un descendant d'Héraclès, comme fils adoptif (Appien, BC, I I I ,
16: ...καί τάχα αν αύτω καίθετον γενόμενον, ει ηδει σε δεξόμενον
Αινεάδην αντί Ήρακλείδου γενέσθαι) !
Il n'est pas interdit de penser que le Pasquino éponyme fut l'original
d'une série de onze copies à l'heure actuelle connues, toutes découvertes
en Italie, si l'on excepte celle qui appartenait à l'impressionnante collec
tion de sculptures de la villa d'Hérode Atticus à Luku, l'antique Eva, entre
12
Argos et Sparte . En tout cas, dans cette hypothèse, Marc Antoine aurait
pu désigner au sculpteur un modèle qu'il connaissait bien, le groupe du
Gaulois qui se suicide et qui retient son épouse mourante (fig. 7), dont
César avait fait copier l'original pergaménien pour ses jardins du Pincio
en vue de célébrer en privé sa victoire sur la Gaule, selon l'ingénieuse et
13
très convaincante hypothèse de Filippo Coarelli , modèle qu'il aurait pu
combiner avec celui d'une autre représentation pergaménienne, mais cette
fois en deux dimensions, montrant le sauvetage du corps d'Achille par
Ajax. La frise de Civitalba est le seul témoin de l'existence de ce modèle au
E
début du II siècle av. J.-C, mais des copies ou des transpositions devaient
12. Mentionnée par W.M. Leake en 1830, puis perdue, cette copie du Pasquino a été retrouvée en
1995 par Th. Spyropoulos.
13. Voir l'impeccable démonstration de COARELLI R , Pergamo e Roma. I Galati nella città degli Attalidi,
Rome, 1995. De la même façon, le groupe d'Achille et Penthésilée aurait pu être transposé du
groupe du Gaulois qui se suicide, voire du «Pasquino».
195
GILLES SAURON
196
D U T R I U M V I R A T A U DÉBUT D U PRINCIPAT: L A CONSTRUCTION D U M Y T H E AUGUSTÉEN
16. BARDON H., La littérature latine inconnue, I, L'époque républicaine, Paris, 1952, p. 327 sq.
197
GILLES SAURON
17. Die Bildnisse des Augustus. Herrscherbild und Politik im kaiserlichen Rom, cat. Expo., Mun
1979.
18. BÖSCHUNG D., Die Bildnisse des Augustus (Das römische Herrscherbild, I, 2), Berlin, 1993.
198
D U T R I U M V I R A T A U DÉBUT D U PRINCIPAT: L A CONSTRUCTION D UM Y T H E AUGUSTÉEN
199
GILLES SAURON
même faire croire quii y avait dans son regard comme une autorité divine
et, quand il le fixait sur quelqu'un, il aimait à lui voir baisser la tête, comme
ébloui par le soleil » (Diu Aug., 79, 3). En somme, le type de représentation
imaginé par Auguste, après la destruction de ses plus précieuses statues du
temps des guerres civiles, l'identifiait à un nouvel Enée, chargé d'accomplir
le plan divin figuré sur le bouclier d'Énée, mais que ce dernier ne pouvait
pas comprendre (Enéide, V I I I , 729-730).
Ces quelques observations n'avaient pour but que de rappeler à la fois
la radicalité de la révolution augustéenne, au moins sur le terrain de l'idéo
logie, plaçant Rome et le monde sous l'autorité d'un instrument terrestre
d'Apollon, mais en même temps privilégiant les messages subtils, voilés, les
symboles sans texte. Auguste a fait de l'implicite un formidable instrument
de domination sur les esprits.
200
D U T R I U M V I R A T A U DÉBUT D U PRINCIPAT: L A CONSTRUCTION D U M Y T H E AUGUSTÉEN
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202
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205
GILLES SAURON
GILLES SAURON
208
Le thème de la Res publica restituta
dans le monnayage de Vespasien :
pérennité du «modèle augustéen»
entre citations, réinterprétations et dévoiements
Emmanuelle Rosso
1. GOWING Α., Empire and Memory. The Representation of the Roman Republic in Imperial Cultu
Cambridge, 2005, p. 104 : « In some respects an odd and abbreviated iteration of the Julio-Claudian
[dynasty] ».
2. HURLET Fr., « La Lex de imperio Vespasiani et la légitimité augustéenne », Latomus 52,1993, p. 263 :
« [Vespasien] aurait pu profiter de la crise politique pour lever [...] le voile de lafictionrépublicaine
et gouverner l'empire comme un véritable monarque. Ce n'est pas du tout ainsi qu'il a agi. Vespasien
préféra jouer la carte de la restauration et dans le contexte des années 69-70, après l'expérience
désastreuse de Néron, le modèle ne pouvait être qu'augustéen».
3. GRENADE P., Essai sur les origines du Principat. Investiture et renouvellement des pouvoirs impér
{BEFAR, 97), Paris, 1961, Préface, p. vn.
209
EMMANUELLE ROSSO
4. MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, p. xxxviii, XLIII : « restored types are a persistent feature
of the reign » ; CARRADICE I. Α., «Towards a new introduction to the Flavian Coinage », AUSTIN M.,
HARRIS J., SMITH C. (dir.), Modus operandi. Essays in Honor ofG. Rickman London, 1998, p. 94.
y
210
L E T H È M E D EL A RES PUBLICA RESTITUTA DANS L E M O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . . .
5. Après l'étude fondatrice d'E. Bianco, l'article de BUTTREYT. V., « Vespasian as Moneyer», NC,
12, 1972, p. 89-109, eut un retentissement important: l'auteur y met en évidence une tendance
« antiquaire » globale du monnayage de Vespasien. Il l'explique par le fait que Vespasien aurait revêtu
au début de sa carrière la charge de triumvir monétaire, à l'occasion de laquelle il aurait acquis « de
l'intérieur» un savoir historique sur le monnayage de Rome. H. Mattingly se livre de même à une
série de développements sur une possible volonté, de la part de Vespasien, de sauver de l'oubli ou
de la destruction un certain nombre de types monétaires devenus «obsolètes»; MATTINGLY H.,
BMCEmp, II, introduction, xxxvrii. Indéniablement, les références et les citations sont empruntées à
des époques différentes : c'est ainsi que la « version originale » du reversfigurantRoma accompagnée
de la louve et des jumeaux reproduit un denier de 105 av. J.-C. {BMCRep, II, n° 562 p. 284).
6. MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, p. xxxrx: « There is certainly method in the choice of
types for restoration. »
7. C'est le cas en particulier de la célébration monétaire de la victoire sur la Judée, mais aussi de certains
monnayages dynastiques.
8. LAFFRANCHI L., « Un centenario numismatico nell'antichità», RIN24, 1911, p. 427-436. Plus tard,
GRANT M., Roman Anniversary Issues. An exploratory study ofthe numismatic and medallic com
2
ration ofanniversary years (49B.C.-A.D. 375), Cambridge, 1950 (1977 ) étendit cette théorie des
« anniversary issues » à de nombreuses autres émissions flaviennes.
211
EMMANUELLE ROSSO
9
d'un article sur Vespasien et Auguste , selon lequel Y imitano Augusti ne
serait apparue pleinement et de façon officielle qu'à partir de 74 ap. J.-C,
10
quand le pouvoir de Vespasien était complètement affermi . La principale
question est donc de savoir quelle res publica Vespasien entendait restaurer:
celle qu'Auguste lui-même prétendait faire revivre, de tonalité « républi
caine», ou au contraire celle d'Auguste lui-même, pleinement impériale?
Par ailleurs, quel Auguste Vespasien imite-t-il et à quelle occasion ? S'inspire-
t-il plutôt de la phase de fondation, et en particulier de la période comprise
entre 31 et 27 av. J.-C, ou des étapes ultérieures du règne?
9. ISAGER J., «Vespasiano e Augusto», Studia Romana in honorem R Krarup septuagenarii, Odense,
1976, p. 64-71.
10. ISAGER, «Vespasiano e Augusto», art. cit., p. 68 : «va notato che Vespasiano non si sostituisce di
colpo all'imperatore Augusto, ma lascia che l'idea si depositi nella coscienza del popolo per poi
manifestarla apertamente al momento opportuno» ; n. 7 p. 70.
11. Cf. les deniers hispaniques et gaulois au nom d'Auguste : GIARD J.-B., Monnaies de l'empire romain,
III. Du soulèvement de 68 après J.-CàNerva. Catalogue, Paris-Strasbourg, 1998, n° 48-54 p. 28-29,
pl. 2. La variété des légendes associées à la tête lauree ou radiée d'Auguste est surprenante : AVG,
IMP, AVG DIVI F, CAESAR AVGVSTVS...
12. BMCRE, I, « Augustus and divus Augustus groups », p. cxcvii, n° 300 et suiv.; GIARD, Monnaies
de l'empire romain, III, op. cit., n° 63-65, p. 30, pl. 2 (Espagne et Gaule, deniers, 68-69 ap. J.-C.)
et n° 66-70, pl. 2-3 (Espagne et Gaule, aurei, 68-69 ap. J.-C). Pour une étude détaillée de ces
« monnaies oppositionnelles », voir NICOLAS E.P., De Néron à Vespasien. Etude et perspectives histo
riques suivies de l'analyse, du catabgue et de la reproduction des monnaies « oppositionnelles»
des années 67 à 70, Paris, 1979, p. 1343-1346, 1377-1387, catalogue Al à A30 p. 1437-1442,
pl. XX-XXII.
13. NICOLAS, De Néron à Vespasien op. cit., p. 1377 : « Ces monnaies [...] sont expliquées par la volonté
de Vindex et de Galba d'associer à leur entreprise le souvenir ravivé, l'image sacro-sainte du fon
dateur du Principat. »
212
LE THÈME DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS LE MONNAYAGE DE VESPASIEN..
14. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 58-60 p. 29, pl. 2 (deniers, Espagne, 68-69
ap. J.-C.) ; voir notamment NICOLAS, De Néron à Vespasien, op. cit., n° 24 à 28, 30-31 p. 1419-
1420, n° 32-34 p. 1421, n° 38 p. 1422. L'association presque systématique du Génie du peuple
Romain à Mars Vltor sur le monnayage de la guerre civile (cf. notamment les deniers de l'atelier
d'Espagne : GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 4-6 p. 23, n° 7 p. 24, pl. 1, frappés
en 68-69 ap. J.-C.) n'est d'ailleurs pas sans intérêt dans le cadre d'une étude sur la pérennité du
réfèrent augustéen.
15. Cf. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 8 et 9 p. 24, pl. 1 (atelier d'Espagne, libertas
restituta) ou n° 29 p. 26, pl. 1 (atelier gaulois, Roma restituta).
16. HURLET Fr., « La Lex de imperio Vespasiani» art. cit., p. 261-280. Le précédent augustéen est expli
citement mentionné dans quatre clauses différentes ; il est introduit par des formules telles que ita
uti licuit diuo Augusto.
17. ISAGER, «Vespasiano e Augusto», art. cit., p. 65; HURLET, «La Lex de imperio Vespasiani»,
art. cit., p. 264.
18. En dépit de son importance idéologique, ce thème est peu célébré dans l'imagerie officielle - et
absent du monnayage; MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, xxxv, interprète cette absence
par la réticence de Vespasien à se présenter sur ce point dans la continuité de Néron. Dans ce cas,
le précédent néronien, temporellement plus proche, fait écran et obstacle à l'établissement du
parallèle entre Auguste et Vespasien.
213
EMMANUELLE ROSSO
19. C'est le cas de i'amphithéâue Fiavien: SvÉro~e,Vesp., 9 , l : item amphitheamm urbe media, ut&-
tinane compereratAugustum(ISAGER,"Vupasiano e Augusto 9, art. cit., p. 67). O n sait aujourd'hui
que la Meta S d n s flavienne constituait une version plus imposante d'une fontaine augustéenne
que les aménagements néroniens avaient oblitérée: Rosso E., rn Les desuns multiples de la domus
aurea. L'exploitation de la condamnation de Néron dans l'idéologie flaviennen, BENOIST,S.,
DAGUET-GAGEY, A. di^), Un discours en images de la condamnation & mimoire, Men, 2008,
p. 65-66.
20. Sur cette insmmentaiisation de l'héritage julio-claudien par les Flaviens -la plus imposante de ces
daiisaaons étant l'achèvement du tempfumdiui Chu& -, cf. Rosso E., n Culte impérial et image
dynastique: l u diui et diuae de la Gms Fkzviau, NOGALES T.,GONWZ J. (dir.), CuftoImperial:
pofitacaypo&r, Rome, 2007, p. 127-134.
21. RIC, 1, no 413; VERMEULE C. C., n Un aureo augusteo del magistato monetaie Cossus Cornelius
Lentulusn, Numismatica, n. S. 1, 1960, p. 1-7; RICH J.W. et WILLIAMSJ.H.C., ~Legeset Iura
PR mtituit: a New Aureus of Octavian and the Settlement of 28-27 BC B, Numismatic Chronick-,
1999, p. 208-209, pl. 20, 11.
22. BMCEmp, II, no 549 p. 118, pl. 2 1 , l ; GIARD, Monnaies& limpire m i n , I. Auguste, Patis, 1976,
rékd. revue et corrigée, 1988, no 506 p. 144, pl. 45 (Rome, sesterce, 71 ap. J.-C.).
23. BMCEmp, II, no 565 p. 121, pl. 2 1,9 ; G w ,Monnaies & limpire romain, III, op. kt., no 530
p. 148, pl. 47 (Rome, sesterce, 71 ap. J.-C.).
LE THEME DE LA RES PUBLICA RESTITUTA DANS LEMONNAYAGE DE VESPASIEN...
24. GLUW,Monnak & I'empitr romain, III, op. rit., no 243 p. 59, pl. 18 (Rome, sesterce, juillet 68-
janvier 69 ap. J.-C.)
: u Galba, debout A gauche en habit militaire et tenant une lance, tend la main
Rome A genoux, qui tient un enfant. n
25. GOWING, Empitr a n d M m o g op. rit, p. 18.
26. ~ ~ ~ N H., G L nSome
Y Historicai Coins of the First Century AD., jRS 10, 1920, p. 40-41.
EMMANUELLE ROSSO
27. C'est ainsi que MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, p. XLVI, identifie une double représen
tation de Rome : au premier plan, la personnification « géographique » ou politique proprement
dite, et à l'arrière-plan la « déesse Rome » (« the goddess Roma, here clearly distinguished from the
earthly city, is in attendance of the scene »). GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., p. 148
(à propos du n° 530) reprend cette lecture à son compte.
28. BMCEmp, II, n° 531 p. 114, pl. 20, 2 (Rome, sesterce, 71 ap. J.-C).
29. BMCEmp, II, * p. 121, pl. 22, 2 (Rome, sesterce, 71 ap. J.-C).
30. BMCEmp, II, n° 504 p. 106, pl. 18, 18 (Antioche, aureus, 72 ap. J.-C).
31. On sera tenté de voir dans cette représentation « achilléenne » de l'empereur une adaptation de
l'image romaine au langagefiguratiforiental.
32. Cf. supra n. 14; Liberias y est représentée au droit sous la forme d'un buste féminin drapé.
33. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 243 p. 59, pl. 18 (Rome, sesterce, juillet 68-
janvier 69 ap. J.-C.) : « Galba, debout à gauche en habit militaire et tenant une lance, tend la main
à Rome à genoux, qui tient un enfant. »
216
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L EM O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . . .
34. Sur cette question, ZANKER P., « Le donne e i bambini barbari suirilievidella Colonna Aureliana»,
POLITO E . (dir.), Un arte per l'impero. Funzione e intenzione delle immagini nel mondo romano^
Milan, 2002, p. 63-78.
35. Libertas Publica-. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 502-505 p. 144, pl. 44-45
(Rome, sesterce, 71 ap. J.-C). Libertas restituta: GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit.,
n° 500 p. 144, pl. 45 (Rome, sesterce, 71 ap. J.-C).
217
EMMANUELLE ROSSO
36. RIC, II, 411 ; GIARD, Monnaies de lempire romain, III, op. cit., n° 468 p. 139, pl. 42 (Rome,
sesterce, 70 ap. J.-C.).
37. WATSON Α., « Vespasian: adsertor libertatis publicae», CR, 23, 1973, p. 127-128, p. 127-128.
Cf. également RIPOLL F., «Aspects et fonctions de Néron dans la propagande flavienne»,
Neronia V(Coll. Latomus, 247), Bruxelles, 1999, p. 141-142.
38. GOWING, Empire and Memory op. cit., n. 1 p. 102.
39. Cf. infra p. 235.
40. BMCEmp, I, n° 4, n° 691-693 (28 av. J.-C) ; sur la notion, SCHEER R., « Vindex Libertatis»,
Gymnasium 78, 1971, p. 182 sq. et WIRSZUBSKI C H . , Libertas as a Political Idea at Rome during
the Late Republic and Early Principate, Cambridge, 1960, p. 100-106; pour une interprétation de
cette émission augustéenne, voir MANNSPERGER D., «Apollon gegen Dionysos. Numismatische
Beiträge zu Octavians Rolle als Vindex Libertatis», Gymnasium, 80, 1973, p. 381-404. Sur la signi
fication de la monnaieflavienne,cf. BIANCO E., «Indirizzi programmatici e propagandistici nella
monetazione di Vespasiano », RIN70, 1968, p. 153 et le rappel par M . HAMMOND, 1963, p. 94-96
des différentes interprétations possibles de la monnaie; en dernier lieu, JACOBO PEREZ Α., Auctoritas
et maiestas. Historia, programa dinastico e iconografia en U moneda de Vespasiano, Alicante,
p. 84-85.
41. SCHEER, «Vindex Libertatis », art. cit., p. 182-188; l'auteur analyse l'expression comme topos du
langage politique romain et souligne l'importance croissante du thème à partir de l'époque de
César.
218
LE THÈME DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS LE MONNAYAGE DE VESPASIEN.
A1
tem uindicaui . L'image monétaire, inscrite dans une couronne de laurier,
figure Pax tenant le caducée, debout près de la ciste mystique. Le message
de ces frappes augustéennes est donc à la fois singulier et spécifique : i l
commémore le retour de la paix civile à travers la figure de Pax associée à la
couronne de laurier, mais aussi la légalité de l'action d'un Auguste combat
tant pour le populus, le tout dans le contexte oriental de YAsia Recepta.
42. Res GestaeDiuiAugusti, I, 1-2; MANNSPERGER, «Apollon gegen Dionysos», art. cit., p. 381, 398-
401.
43. RICH J.W. et WILLIAMS J.H.C., «New Aureus of Octavian», art. cit., η. 59 p. 186.
44. SUÉTONE, Galba, 9, 2.
45. BMCEmp I, p. 294 ; JUCKER H., « Der Ring des Kaisers Galbas », Chiron, 1975, p. 352.
46. BMCEmp, I, p. 308 ; NICOLAS, De Néron à Vespasien op. cit., n° 4 p. 1331, n° 21 p. 1418, pl. xix
(argent, Trêves, 70 ap. J.-C.) : la frappe est attribuée aux «tenants de Y imperium Galliarum» et
l'auteur l'interprète comme une célébration de « l'affranchissement du joug de Rome».
47. Claude est vindex libertatis sur l'arc de Cyzique: ILS, 217. RICH et WILLIAMS, «New Aureus of
Octavian», art. cit., p. 186.
219
EMMANUELLE ROSSO
été quelque peu altéré par l'image d'un Auguste «vengeur» de la mort
48
de César ; or c'est là un thème qui n'avait pas réellement sa place dans
le cadre de la politique flavienne de réconciliation nationale. I l se peut
donc que son remplacement par un synonyme ait été dicté par l'exigence
d'évacuer toute connotation belliqueuse ou vengeresse, pour ne retenir que
l'idée de défense et de protection dupopulus Romanus. L'emploi d'un terme
juridique renvoie quant à lui à un motif de prédilection de la première
idéologieflavienne,à savoir le jeu ostentatoire de la légalité.
Mais c'est au plan strictement iconographique qu'apparaît le plus net
tement la différence de perspective derrière l'apparent décalque textuel:
alors que la monnaie augustéenne insiste sur le résultat de cette action
libératrice - le retour de Pax - et donc sur son lien avec la Victoire, le ses
terce de Vespasien évacue au contraire toute référence «triomphaliste» au
profit d'une version épurée du message, à savoir la légende, qui demeure en
réalité l'unique motif central du revers. De façon significative, la couronne
qui cerne l'ensemble n'est plus la couronne de laurier, mais la couronne de
chêne, octroyée ob cives servatos. Enfin, la dernière différence notable ré
side dans le sujet « grammatical » de la légende : dans le premier cas, c'est
IMP CAESAR D I V I F COS V I qui est présenté comme Libertatis P(opuli)
R(omani) vindex. Sous Vespasien en revanche, c'est le Sénat et le peuple
Romain qui rendent hommage au nouvel empereur (adsertori libertatis
publicae). L'emploi assez inhabituel du datif fait en quelque sorte de cette
émission une commémoration ou une dédicace du Sénat concernant le rôle
du principal « défenseur» de la liberté civique. C'est pourquoi on a pu l'in
terpréter comme un témoin de l'octroi par le Sénat de la couronne civique à
49
Vespasien «en raison de sa qualité de champion de la liberté publique ».
Au total, l'analyse comparée de ces deux frappes directement apparentées
révèle à la fois le choix indubitable d'un réfèrent et la distance qui sépare
les deux fondateurs : à travers un texte très proche, on voit transparaître
des nuances, des adaptations et une réorientation riches de sens. Vespasien
« réactive » certes le thème augustéen de la restauration de la libertas du
peuple Romain, mais avec une tonalité davantage empreinte de modestia,
plus civique et plus légaliste ou constitutionnelle encore, qui évacue toute
référence directe à la guerre civile.
Le choix du texte inscrit dans une couronne comme motif unique des
revers paraît caractéristique non seulement de Ximitatio Augusti de Vespasien,
mais également d'une série assez restreinte d'émissions à la connotation
explicitement politique, c'est-à-dire renvoyant par exemple à l'octroi d'hon
neurs exceptionnels par senatus consultum. C'est ainsi que les émissions ob
dues seruatos de Vespasien, proches du type adsertor libertatis publicae par
leur thématique comme par leur présentation formelle, ne peuvent avoir
d'autre fonction que celle de célébrer la sauvegarde de l'État romain dans un
220
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L E M O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . .
contexte de politique intérieure. Présentes dès 70 ap. J.-C. sur des deniers
50
de Rome , elles sont elles aussi des copies précises d'émissions augus-
téennes et désignent comme réfèrent indubitable les honneurs décernés à
51
Auguste par le Sénat . L'ajout, sur les émissions lyonnaises, de la mention
52
SPQR en position privilégiée en tête de la légende souligne l'initiative
du Sénat ; en outre, une telle formulation présente l'avantage de consentir
une évocation de la victoire militaire au moyen d'un champ lexical civil.
Ainsi, la victoire, toujours anonyme et abstraite, évoquée par le monnayage
flavien renvoie à la fin des guerres civiles sans s'y référer explicitement. Dans
le même ordre d'idées, on peut également citer Y aureus d'origine gauloise
53
où Mars porte l'épithète de Conseru(ator) .
On pourrait être tenté d'en dire autant des frappesflaviennesfigurantles
deux lauriers de la demeure palatine d'Auguste, parfois associées au clipeus
virtutis, types qui sont de nouveau des emprunts directs au monnayage
augustéen et dont on ne sait s'ils correspondent à l'octroi à Vespasien d'hon
neurs équivalents à ceux du premier princeps. C'est ce que semble suggérer
la légende du revers, ex s(enatu) c(onsulto). Ces frappes plus étroitement
liées, à l'origine, à la personne même d'Auguste plus qu'à des actes de gou
vernement, représentent en réalité une forme de transition entre des revers
qui «citent» des événements politiques ou des honneurs précis et ceux
qui marquent un degré supplémentaire dans l'assimilation des symboles
politiques augustéens, dans la mesure où ils révèlent une véritable réappro
priation, voire une annexion par les Flaviens des signes les plus personnels
d'Auguste — ceux qui, en première lecture, peuvent apparaître comme les
moins susceptibles d'être transposés hors du contexte augustéen.
C'est tout d'abord le thème du Capricorne, éminemment lié au destin
54
d'Auguste puisqu'il s'agit de son signe de naissance , qui peut paraître
étrange dans le contexte flavien ; en réalité, certaines légendes attachées
à ce motif à l'époque augustéenne, telles que l'expression signis receptis,
suggèrent une valence triomphale qui a pu être retenue dans la « version »
flavienne, notamment à l'occasion de la célébration des victoires rempor
tées en Judée (fig. 6a-b). Si tel est le cas, il s'agirait d'un cas intéressant de
glissement de symbole personnel à symbole universel de retour de la paix.
Cette réappropriation visait à souligner que Vespasien avait été lui aussi
55
«désigné comme sauveur dès sa naissance ». Par ailleurs, cette interpré
tation pourrait éclairer également la signification des frappes précoces à
50. BMCEmp, p. 7.
51. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 551-552 p. 150, pl. 49 (Rome, sesterce,
71 ap. J . - C ) .
52. BMCEmp n° 391 p. 80 pl. 13, 10 (denier, Lyon, non daté).
53. BMCEmp, n° 371 p. 75, pl. 12, 14 (denier, sans date, attribué à un atelier gaulois) ; JACOBO
PEREZ A, Auctoritas et maiestas op. cit., p. 55 ; GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit.,
n° 26 p. 90, pl. 38 (Rome, aureus, 69-70 ap. J . - C ) .
54. SUÉTONE, Aug., 94, 18 ; KRAFT K., « Zum Capricorn auf den Münzen des Augsutus », Jahrbuch fur
Numismatik und Geldgeschichte 17, 1967, p. 17-27.
55. GIARD J.-B., «Signis Receptis. Armenia Capta. Images de reconquête à Rome», Bull. Bibl. Nat, 2,
1977, p. 26.
221
E M M A N U E L L E ROSSO
56. BMCEmp II, Vesp., n° 231-233; GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 205-206
pl. 333 {aureus, Rome, 77-78 ap. J.-C.) ; MATTINGLY H., BMCEmp II, introduction, p. XLI.
57. BMCEmp I, n° 10 sq., p. 3.
58. HALFMANN H., Itinera principum. Geschichte und Typologie der Kaiserreisen im römischen Reich,
Stuttgart, 1986, p. 41 ; LEVICK B., Vespasian, Londres-New York, 1999, η. 9 p. 189.
222
LE THÈME DE LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS LE MONNAYAGE DE VESPASIEN.
Figure 8. - Vespasien assis sur la sella curulis; J.-B. GIARD, 1998, n° 86, pl. 2 9
(aureus, Rome, 7 3 ap. J . - C ) .
223
tion augustéenne de la fin de la guerre civile entre en parfait écho avec la
politique de réconciliation nationale et la commémoration de la concorde
retrouvée, caractéristiques de la première idéologieflavienne: l'évocation de
la guerre civile y est systématiquement allusive, détournée et anonyme, elle
tend à éluder la rupture inhérente au bellum ciuile, c'est-à-dire l'idée même
de la guerre, pour ne retenir que la re-création du lien entre les différents
organes de l'État. Autrement dit, la guerre civile n'est évoquée que dans son
dépassement, réalisé sous l'égide de Vespasien, et la victoire apparaît ainsi
comme le facteur déclenchant la transition de l'état de chaos à l'état de paix.
Autrement dit, l'habillage augustéen que revêt l'évocation de la restauration
d'un état antérieur au double chaos, celui du règne de Néron et celui de la
guerre civile, est efficient en ce qu'il permet de couvrir l'entreprise flavienne
d'un voile de légitimité. I l permet d'établir un lien avec l'insigne précédent
augustéen, tout en passant sous silence les épisodes délicats des premiers
mois du pouvoir flavien en Orient.
La thèse de J. Isager selon laquelle Vespasien n'aurait officiellement imité
63
Auguste qu'à partir de 74 ap. J.-C. se trouve donc amplement démentie
par cette première série de reprises, dont la plupart remontent au tout
premier monnayage flavien à Rome, en 70-71 ; en outre, il est intéressant
de noter que les véritables modèles de ces frappes sont empruntés au mon
nayage provincial d'Orient et qu'ils renvoient à la phase de formation du
principat augustéen davantage qu'à sa phase de consolidation. En outre,
on note que pendant les deux premières années du principat de Vespasien,
le précédent constitué par Galba et le modèle augustéen coexistent dans la
figuration de l'idéologie officielle; par la suite, la référence au premier, qui
fait office de relais, va en s'atténuant au profit du second. La raison en est
probablement que les thèmes de la propagande de Galba étaient davantage
appropriés à la connotation plus nettement anti-néronienne des débuts de
64
la période . Cela ne signifie en aucune façon que les références directes
au « premier » Auguste n'aient pas été présentes dès les toutes premières
formulations flaviennes.
224
L E T H È M E D E L A RES PUBLICA RESTITUTA DANS L EM O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . . .
66. Cf. notamment BMCEmp, II, n° 3 p. 1, pl. 1, 1 (Rome, aureus, 69-70 ap. J.-C.) ; n° 368 p. 73,
pl. 12, 4 (denier, atelier gaulois, sans date); n° 429 p. 88, pl. 15, 8 (Asie Mineure, denier,
69-70 ap. J.-C); n° 433 p. 89, pl. 15, 12 (Asie Mineure, denier, 69-70 ap. J.-C); n° 455 p. 95,
pl. 16, 7 (Éphèse, denier, 71 ap. J.-C). Cette liste ne vise pas à l'exhaustivité et ne présente qu'une
sélection des frappes romaines et provinciales présentant cette iconographie. La physionomie des
princes varie d'ailleurs d'un atelier à l'autre ; en outre, ils sont parfoisfigurésimberbes, et parfois
barbus; en revanche, le principe des portraits «jumeaux» demeure.
67. BMCEmp, II, n° 528 p. 113, pl. 20, 1 (Rome, sesterce, 71 ap. J.-C); n° 752 p. 183, pl. 32, 3
(Tarragone, sesterce, 71 ap. J.-C.) ; n° 755 p. 183, pl. 32, 4 (Tarragone, sesterce, 71 ap. J.-C.) ;
n° 798 p. 196, pl. 37, 6 (Lyon, sesterce, 71 ap. J.-C) ; n° 814 p. 203, pl. 39, 3 (Lyon, sesterce,
71 ap. J.-C).
68. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 4 p. 87, pl. 27 = BMCEmp, II, n° 6 p. 2,
pl. 1, 2 (Rome, aureus, 69-70 ap. J.-C); BMCEmp, II, n° 430 p. 89, pl. 15, 9 (Asie Mineure,
denier, 69-70 ap. J.-C); avec patere mais sans rouleau: n° 443 p. 92, pl. 15, 20 (Asie Mineure,
denier, 70 ap. J.-C.) ; n° 456 p. 96, pl. 16, 8 (Éphèse, denier, 71 ap. J.-C) = GIARD, Monnaies de
l'empire romain, III, op. cit., n° 349-350, pl. 38.
69. BMCEmp, II, n° 395-396 p. 80-81, pl. 13, 14-15 (Lyon, deniers, sans date: 71 ap. J.-C ?) ; n° 426
p. 87, pl. 15, 5 (Ilfyricum, denier, 69-70 ap. J.-C); n° 750 p. 181, pl. 31, 5 (Tarragone, sesterces,
69-70 ap. J.-C). GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 28-29 p. 90, pl. 28 (Rome,
deniers, 69-70 ap. J.-C). Un sesterce de l'atelier d'Illyricum constitue une intéressante variante
de ce type: les princes cavaliers y sont précédés d'un fantassin tenant un vexillum: BMCEmp, II,
n° 878 p. 217, pl. 42-7.
70. BMCEmp, II, n° 45-46 p. 8, pl. 1-14 (Rome, denier, 70 ap. J.-C.) ; n° 392-394 p. 80, pl. 13-11,
13-12 (Lyon, aureus et denier, 70 ap. J.-C.) ; GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit.,
n° 381- 390, pl. 39 (atelier oriental, 69-70 ap. J.-C.)
71. BMCEmp, II, n° 751 p. 182, pl. 31-9 (Tarragone, sesterce, 70 ap. J.-C).
72. GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., * p. 182, pl. 66a (exemplaire d'Oxford) (Espagne,
sesterce, 69-70 ap. J.-C).
225
EMMANUELLE ROSSO
Figure 11. - Titus et Domitien en toge, BMCEmp, II, n° 456, pl. 16, 8
= J.-B. GIARD, 1998, n° 349-350, pl. 38 (Éphèse, denier, 71 ap. J . - C ) .
226
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L E M O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N .
Figure 13. - Titus et Domitien assis sur une chaise curule et tenant un rameau d'olivier,
BMCEmp, II, n° 392, pl. 13-11 (Lyon, aureus, 70 ap. J . - C ) .
73
Dans cette série monétaire fortement unitaire , la cohérence théma
tique se double d'une cohérence référentielle et iconographique : en effet,
non seulement ces frappes présentent un même schéma de composition,
consistant à associer sur un même revers les deux princes côte à côte dans la
même position, selon un principe de duplication stricte de la même image,
mais toutes imitent avec plus ou moins de précision des revers augustéens.
La plupart sont des décalques de revers qui figuraient initialement soit
Auguste et Agrippa, c'est-à-dire le prince et son premier «co-régent», soit
les premiers princes de la jeunesse, Caius et Lucius Caesares, qui ont fourni
les paradigmes de la figuration monétaire des «princes héritiers». Si les
bustes affrontés des fils de Vespasien (fig. 9) ne rappellent que de façon
74
lointaine le droit des as de Nîmes , ils sont étonnamment proches d'émis
sions hispaniques d'époque tibérienne consacrées à Germanicus et Drusus
75
Minor (fig. 14). Les types avec deux togati debout tenant patere et rou
leau ou assis côte à côte sont plus directement issus d'émissions frappées en
76
13-12 av. J.-C., qui associaient Auguste et Agrippa (fig. 15 et 16). Mais
73. Sur l'ensemble de ces types, cf. JACOBO PEREZ A , Auctoritas et maiestas, op. cit., p. 115-119.
74. RIC, I, n° 155, 159-160 (as, Nîmes, 20-10 av. J . - C ) .
75. RPC, I, 74 (Romula, règne de Tibère).
76. GIARD, Monnaies de l'empire romain I op. cit., n° 539-540 p. 112, pl. 25 (Rome, denier de
C. Sulpicius Platorinus, 13 av. J.-C.) = HURLET Fr., Les collègues du prince sous Auguste et Tibère
De la légalité républicaine à la légitimité dynastique, Rome, 1997,fig.1 et GIARD, Monnaies d
l'empire romain I op. cit., n° 521 p. 110 et 528 p. 111, pl. 25 = HURLET, Les collègues du prince,
227
EMMANUELLE ROSSO
op. cit.yfig.2 (Rome, denier de C. Marius, 13 av. J.-C.) ; JACOBO PEREZ Α., Auctoritas et maiestas,
op. cit., p. 116. Auguste et Agrippa en toge tiennent chacun un rouleau; une capsa à leurs pieds.
77. Harlan J. Berk, 138th Buy or Bid Sale, 1 June 2004, lot 223 = 140th Sale, 27 October 2004,
lot 280.
78. RIC, I, n° 34; BMCEmp, I, Caligula, n° 44 (Rome, dupondius, 37-38 ap. J.-C).
228
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L EM O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . .
Or, une fois de plus, derrière l'apparente similitude des situations, qui
entraîne naturellement celle des formulations iconographiques - en l'occur
rence celle de deux frères, fils de l'empereur régnant et ayant reçu les titres
et les charges caractéristiques de la « co-régence » - , on ne peut manquer
de souligner de frappantes différences. Titus et Domitien ne sont pas des
fils adoptifs, mais bien des héritiers directs ; en second lieu, si la gémellité
229
EMMANUELLE ROSSO
L'imagerie actiaque
79. SAURON G., L'histoire végétalisée. Ornement et politique à Rome, Paris, 2000, p. 69, à propos de
Caïus et Lucius Caesares représentés comme des jumeaux et ainsi assimilés aux Dioscures : «Toute
la construction idéologique repose ici sur cette approximation. »
80. ISAGER J., «Vespasiano e Augusto », art. cit., p. 248-260 ; pour ses applications dans le domaine du
monnayage, cf. JACOBO PEREZ Α., Auctoritas et maiestas, op. cit.., p. 167-191.
81. Victoria Galbae: GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 62-63 p. 39, pl. 5; Victoria
Othonis: GIARD, Monnaies de l'empire romain, III, op. cit., n° 18 p. 68, pl. 20; n° 20 p. 69, pl. 20
(Rome, aurei, 69 ap. J.-C.) : victoire sur globe avec couronne et palme ; cf. également HÖLSCHER T.,
Victoria Romana. Archäologische Untersuchungen zur Geschichte und Wesensart der römischen
Siegesgöttin von den Anfingen bis zum Ende des 3. Jhs n. Chr., Mayence, 1967, p. 18, 164.
230
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L E M O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . .
Figure 19. - Denier de Neptune Redux, BMCEmp, II, n° 14, pl. 1-5
(Rome, 69-70 ap. J.-C).
82. SUÉTONE, Vesp., 6, 6 : Tiberius Alexander [...]primus in uerba Vespasiani legiones adegit kal lu
également TACITE, Hist, II, 79.
83. STRABON, 17, 8 0 ; KEES H . , S. V. Nikopolis, RE, XXVII, 1, 1936, n° 9 col. 5 3 8 - 5 3 9 .
84. BMCEmp, II, n° 14 p. 3 , pl. 1- 5 (Rome, denier, 6 9 - 7 0 ap. J . - C ) .
85. BMCEmp, II, n° 10-12 p. 2, pi. 1-4 {aureus et deniers, Rome, 6 9 - 7 0 ap. J . - C ) .
86. Texte de l'inscription, selon la lecture donnée par MURRAY W. M . , PETSAS P., Octavians Campsite
Memorialfor the Actian War {Transactions of the American Philosophical Society, 79, 4), Philad
1989 : Imp(erator) Caesajr Diu[i Iuli]flilius) uictforiam consecutus bell]ο quodpro frje pfublicaj g
in hoc region fe consjul [quintum ijmperatfor sejptimum pace parta terra [marique Neptjuno et
cjastra [ex] quibufs adhostem in]sequendum egr]essu[s est naualibus spoli]is [exorna]ta cfonsa
87. BMCEmp, I, introduction, p. cxxiii; n° 615 p. 100, pi. 15-5 (denier, atelier oriental, 31-29 av. J . - C ) .
231
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L E M O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . .
Figure 21a. - Tétradrachme cistophorique d'Auguste: victoire sur ciste mystique entourée
de serpents (RIC, I, n° 276).
Figure 21b. - Aureus de Vespasien: victoire sur ciste mystique entourée de serpents,
RIC, II, n° 92; BMCEmp, II, 168 (Rome, aureus, 75 ap. J . - C ) .
96. LAFFRANCHI L . , «Un centenario numismatico nell'antichità», RIN, 24, 1911, p. 427-436;
ID., «Sulla numismatica dei Flavi», RIN, 1915, p. 139-156.
97. BIANCO, «Indirizzi», art. cit., p. 210-213; cf. également GRANT M., Roman Anniversary Issues.
An exploratory study of the numismatic and medallic commemoration of anniversary years (49 B.C.
2
A.D. 375), Cambridge, 1950 (1977 ), p. 88-98, 179-180.
98. MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, p. xxxvui-xxxix.
233
EMMANUELLE ROSSO
99. PICARD G.-CH., Les trophées romains. Contribution à l'histoire de la religion et de l'art triomphal à
Rome (BEFAR, 187), Rome, p. 343.
100. JACOBO PEREZ Α., Auctoritas et maiestas, op. cit., p. 182.
234
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L EM O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . . .
101. LUCREZI E, Leges supra principem. La « monarchia costituzionale» di Vespasiano, Naples, 1982, p. 50 :
« una scelta e una vittoria del Levante».
102. GIARD, Monnaies de l'empire romain I, op. cit., n° 905 p. 144, pl. 35 (Éphèse, denier, 28 av. J.-C.) ;
ce denier est frappé la même année et l'année suivante à Pergame : GIARD, Monnaies de l'empire
romain I, op. cit., n° 928 p. 146, pl. 36; cf. également Y aureus émis en 27: ibid., n° 935 p. 147.
103. Pour une analyse trèsfinede ce changement, voir l'étude de SPANNAGEL M., «Armenia RECEPTA
aut CAPTA ? Zur Veränderung einer augusteischen Münzlegende», KLUGE B., WEISSER B. (dir.),
XII. Internationaler Numismatischer Kongress, Berlin, 1997, Akten, I, Berlin, 2000, p. 622-629.
235
EMMANUELLE ROSSO
104. BMCEmp, II, n° 31-34 p. 5, pl. 1-10, l-ll(Rome, aurei, 69-70 ap. J.-C); deniers, n° 37 à42,
p. 6.
105. BMCEmp, II, n° 371 p. 74, pl. 12-11 (Gaule, denier, sans date) ; n° 388-391 p. 79, pl. 13-9 (Lyon,
deniers, sans date). MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, p. LIX, souligne l'adéquation entre
image et légende - à défaut d'une adéquation entre fait historique et célébration monétaire : « The
epithet, "devicta", makes explicit what is clearly implied in the type itself. »
106. Cf. supra n. 99.
107. Il est significatif à cet égard que sur les premièresfigurationsmonétaires, la captive juive ne soit
pas enchaînée à un palmier, mais à un trophée d'armes : cf. supra n. 104.
108. RIC, I, n° 155, 159-160; RPC, n° 523-525 (as, Nîmes, 20-10 av. J.-C).
109. Rome, Musei Capitolini, inv. 3284. VON MERKLIN E., Antike Figuralkapitelle, Berlin, 1962, n° 631,
p. 267; GROS P., Aurea Tempia. Recherches sur l'architecture religieuse de Rome à l'epoque dAuguste (BEF
231), Rome, 1976, p. 181 ; VISCOGLIOSI Α., dans Kaiser Augustus unddie verlorene Republik, 1988,
n° 33 p. 140-141,fig.La partie centrale du chapiteau est occupée par une cuirasse; le départ des
bras se végétalise également en palme.
110. Il convient de souligner que le symbolisme du palmier de l'as de Nîmes est plus ambigu : alors que
les monnaiesflaviennesfigurentindiscutablement l'arbre, la représentation nîmoise ressemble à
une palme, qui pourrait être celle de la victoire, placée en position verticale.
236
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L EM O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . . .
111. BELLONI G. G., «Significati storici-politici dellefigurazionie delle scritte delle monete da Augusto
a Traiano», ANRW, II, 1, Berlin, 1974, p. 1062. On trouve sous Titus de véritables frappes de
restitution, répliques parfaitement exactes - il s'agit en réalité de rééditions — qui conservent au
revers la titulature originale et le portrait des princes Julio-claudiens (BMCEmp, II, n° 261-306
p. 281-293). Ces frappes, qui forment une série conséquente et cohérente, constituent Tune des
traductions monétaires les plus explicites de la restitutio julio-claudienne voulue par les Flaviens.
De façon significative, elles concernent, outre Auguste, Tibère, Claude et Galba, une série de
«co-régents» (Agrippa, Drusus le Jeune, Germanicus) mais aussi de princesses (Livie, Agrippine
l'Ancienne). Je ne les analyse pas dans la présente étude parce qu'elle ne porte que sur le règne de
Vespasien. Sur ce monnayage et sa signification, MATTINGLY H., «The "restored" coins of Titus,
Domitian and Nerva», Numismatic Chronicle, 20, 1920, p. 177-207; ID, BMCEmp, I I , intro
duction, p. L x x v i i - L v w i i i ; Rosso E., «Culte impérial et image dynastique: les divi et divae de
la Gens Flavia», NOGALES, T., GONZALEZ, J. (dir.), Culto Imperial: politica y poder, Rome, 2007,
p. 133.
112. JACOBO PEREZ, Auctoritas et maiestas, op. cit., p. 171.
237
EMMANUELLE ROSSO
113
au cours du principat de Vespasien . La relation instaurée entre Auguste
et Vespasien par le biais de cette imitano multiforme est proprement ana
logique, elle ne vise pas davantage à l'assimilation quelle ne constitue une
reprise objectivée et distante de l'imagerie actiaque augustéenne; s'il est
difficile de démontrer que la reprise de l'imagerie représenta une commé
moration, au sens strict du terme, de l'événement d'Actium en tant que tel,
il paraît en revanche difficile de nier que les Flaviens s'employèrent à doter
leur avènement d'une signification quasiment séculaire; ils procédèrent à
une inflexion de la représentation de leur propre avènement dans le but
précis de le faire coïncider avec Actium, afin de le présenter comme le retour
cyclique d'une ère de paix sous l'égide d'un homme providentiel.
La reprise de Xexemplum d'Actium, qui s'exprime de façon privilégiée
dans le monnayage du fait du nombre élevé des reprises iconographiques
et symboliques, est en réalité le moyen par lequel la première idéologie
flavienne parvient à sauver le mythe de la res publica restituta: c'est par
la synthèse ou le recouvrement des événements de la guerre civile et des
campagnes en Judée que le paradigme augustéen pourvoyeur de légitimité
devient opératoire.
Conclusion
113. BIANCO E., « Indirizzi », art. cit., p. 170-171, le note à propos des types de la victoire tenant palme
et couronne ; JACOBO PEREZ, Auctoritas et maiestas, op. cit., p. 171, 182 (à propos de la uictoria
naualis sur proue).
114. GOWING, Empire and Memory op. cit., passim, en particulier p. 2-21 ; p. 2 : « For Romans the past
wholly defined the présent». Cf. en dernier lieu BENOIST S., DAGUET-GAGEY A. (dir.), Un discours
en images de la condamnation de mémoire, Metz, 2008.
238
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L EM O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . .
de construction avait besoin d'un trait d'union plus marqué, plus signi
fiant avec Auguste. Vespasien souhaitait en réalité être accueilli comme le
second fondateur du principat et c'est la raison pour laquelle le thème de
la restauration étatique revêtait une importance particulière. A ce niveau se
place un premier dévoiement non négligeable : après la chute de Néron en
effet, le projet de restaurer la République traditionnelle, fut-il exclusivement
discursif, n'est plus mis en avant. La res publica restituta est à comprendre
dans le sens d'une restauration étatique consécutive à une guerre civile et la
libertas à rendre aux Romains après une « parenthèse » tyrannique ne saurait
115
se concevoir désormais que dans le cadre du principat . De ce point de
vue, dans le monnayage, Vespasien reprend à son compte le rôle du princeps
augustéen : celui d'un homme qui se tient à la disposition de l'État comme
recours dans le danger.
L'esquisse de ce cadre général met en évidence l'intérêt d'une analyse
fonctionnelle des reprises vespasianiques. I l en ressort que la réappropria
tion de l'imagerie augustéenne liée à la restauration étatique s'organise prin
cipalement autour de trois thèmes : la célébration directe de la res publica
restituta, la mise en scène de l'idée dynastique à travers la représentation
des princes héritiers, enfin l'exaltation de la Victoria Augusti qui passe par
la récupération des symboles les plus personnels d'Auguste. Or, à chacun
de ces thèmes correspond une mise en œuvre iconographique différen
ciée, qui permet l'ébauche d'une typologie des emprunts de Vespasien : les
modalités ou les degrés d'imitation observables dans le monnayage sont
d'une extrême variété — entre décalque parfait (image ^légende), reprise de
l'image avec modification de la légende, reprise de la légende avec modifica
tion de l'image ou simple évocation d'un symbole augustéen, la palette très
large des principes de citations ne peut que refléter le caractère minutieux
de la sélection et le soin apporté à l'altération sémantique des messages.
C'est ainsi qu'un même revers flavien peut constituer la synthèse complexe
de plusieurs types monétaires, empruntés à différentes étapes, périodes ou
aires géographiques du monnayage augustéen. Il s'agit toujours de citations,
de reprises, de transpositions, mais pas de reproductions au sens strict du
terme.
Le thème de la res publica restituta ou, de façon plus générique, de
la renaissance de Rome, est sans aucun doute celui qui présente la plus
complexe stratification référentielle: si le prototype de l'image présentant
une allégorie de Rome (en tant que ville ou en tant qu'État) « relevée » par
l'empereur remonte indéniablement à"la seconde décennie avant le change
ment d'ère, l'image utilisée par Vespasien témoigne d'autres filtres, d'autres
relais, d'autres prismes : Galba et peut-être Vitellius s'étaient en effet déjà
réapproprié la notion et l'image. Il semble dangereux toutefois de conclure à
l'antériorité ou à la prépondérance, dans les premières années de la seconde
115. GOWING, Empire and Memory, op. cit., p. 4-5, 102, 104.
239
EMMANUELLE ROSSO
116
dynastie, de la référence à Galba par rapport la référence à Auguste: les
deux « modèles » se cumulent plus qu'ils ne se succèdent, ce qui ajoute à la
complexité du message.
De même, la présentation monétaire des princes héritiers Titus et
Domitien marque un retour aux premières formulations figurées caracté
ristiques d'un pouvoir s'affirmant progressivement comme dynastique et
suit de très près les images créées pour mettre en scène Auguste et Agrippa,
les premiers princes de la jeunesse, Caïus et Lucius, mais aussi les autres
Caesares julio-claudiens. Dans ce cas, la reprise des images est donc le strict
correspondant iconographique de la réactivation des principes institution
nels de la « co-régence » augustéenne. Tout à fait naturellement, c'est par
conséquent le monnayage des années 13 av. J.-C.-4 ap. J.-C. qui est parti
culièrement mis à contribution.
Le thème de la Victoire est enfin celui qui fait l'objet du plus grand
nombre de reprises de revers augustéens ; en tant que source principale de
la légitimité flavienne, Victoria devait tout à fait normalement figurer au
premier rang des « qualités » impériales célébrées par le monnayage. Le phé
nomène est si massif qu'on a voulu y voir des séries commémoratives cohé
rentes : ces frappes célébreraient soit le centenaire d'Actium, soit l'année
27 av. J.-C, conçue comme le véritable «avènement» du principat augus
téen. Elles seraient donc assimilables à des «émissions jubilaires», en quel
que sorte. Le fait que cette célébration ne soit pas limitée à la date anniver
saire précise de ces centenaires, soit 70 et 74 ap. J.-C, mais très étalée dans
le temps, nous paraît être un premier élément allant à l'encontre de cette
hypothèse ; en outre, si les imitations sont effectivement précises, le règne
de Vespasien ne connaît pas les véritables rééditions monétaires - telles que
les frappes dites « de restitution » des règnes de Titus et Domitien - qui
auraient été davantage appropriées dans le cadre d'une commémoration
en bonne et due forme. En outre, l'idée - légèrement différente de celle du
centenaire quoique liée à elle - selon laquelle la prise de Jérusalem aurait
été mise en scène comme « l'Actium des Flaviens » ne paraît pas non plus
pleinement convaincante: tout démontre que X imitano Augusti commença
à Alexandrie dès 69 et non à l'été 70 - et encore moins en 74 comme le
117
prétend J. Isager ; les premières apparitions monétaires de ludaea Capta,
qui témoignent d'une synthèse entre les événements égyptiens et judaïques
établie en fonction du modèle et pourrait-on dire, de l'horizon actiaque,
comptent parmi les toutes premières frappes romaines des Flaviens. Le
«déclenchement» du réfèrent hautement privilégié que constitue Actium
est immédiat et non différé : il fait partie des actes fondateurs du nouveau
pouvoir, au même titre que la lex de imperio Vespasiani, et représente un
thème à la fois permanent et omniprésent de l'idéologie flavienne.
116. RIPOLL R, «Aspects et fonctions de Néron», art. cit., p. 144; cf. supra n. 64.
117. Cf. supra n. 10.
240
L E T H È M E D E L A R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L E M O N N A Y A G E D E V E S P A S I E N . . .
118. MATTINGLY H., BMCEmp, II, introduction, p. LXXVII: « Vespasian had almost confined his atten
tion to gold and silver and gave no indication of restoration beyond the type itself. »
119. De la même façon, les motifs repris par le monnayage « oppositionnel » de l'année 68-69 ont fré
quemment leur origine à l'époque augustéenne dans les émissions des ateliers gaulois ou espagnols :
SUTHERLAND, RIC, I , 1984, p. 199.
120. On peut étendre cette observation aux reprises de types augustéens ne relevant pas de la théma
tique ici analysée.
121. TACITE, Hist., II, 82 (à propos des événements de juillet 69) : apud Antiochenses aurum argentumque
Signatur. Je développe l'influence de ces premiers monnayages orientaux dans un article intitulé
«Entre Orient et Occident : création et diffusion de l'image impérialeflavienne(69-71 ap. J.-C.) »
dans un article à paraître dans les actes du colloque « Des rois aux princes : pratiques du pouvoir
E ER
monarchique dans l'Orient hellénistique et romain (fin IV s. av. J.-C. - I s. ap. J.-C.) », Paris,
INHA, 23-24 mai 2008.
122. MATTINGLY H., «The Mints of Vespasian », Numismatic Chronicle, 1921, p. 223-224; CARRADICE
I.A., «Towards a new introduction to the Flavian Coinage », AUSTIN, M., HARRIS, J., SMITH,
C. (dir.), Modus operandi. Essays in Honor of G. Rickman, London, 1998, p. 94-95. Sur les ateliers
orientaux et leur fonctionnement sous Vespasien, voir METCALF W.E., « The Flavians in the East »,
HACKENS, T., WEILLER, R. (dir.), Proceedings of the 9th International Congress of Numismatics, Ber
1979, Louvain 1982, p. 321-339.
241
EMMANUELLE ROSSO
123
conseruator caerimoniarum publicorum et restitutor aedium sacrarum , en
une formulation qui n est pas sans rappeler certaines tournures des Res
Gestae divi Augusti, témoigne de l'étonnante pérennité, vitalité et actualité
du thème augustéen de la res publica restituta.
Bibliographie
123. CIL, VI, 934 ; CIL, VI, 934 add. ; ILS, 252.
242
Troisième partie
Mario CITRONI
1. MILIAR E, «The First Revolution : Imperator Caesar, 36-28 BC», GIOVANNINI A. (dir.), La révolu
tion romaine après Ronald Syme. Bilans et perspectives, Fondation Hardt, Entretiens sur l'Antiquité
classique 46, Vandoeuvres - Genève, 2000, p. 6 et s. suggère, sur la base de la légende de Y aureus
du 28 récemment publié, leges et iura p. R restituii. Une tentative de reconstruction très différente
chez JUDGE Ε. Α., « "Respublica restituta". A Modern Illusion ?», EVANS J. A. S. (dir.), Polis and
Imperium. Studies in Honour of Edward Togo Salmon, Toronto, 1974, p. 288-298.
2. MILLAR F., «Triumvirate and Principate », JRS 63, 1973, p. 64 et suiv. souligne que selon Suétone
Auguste en réalité décida de ne pas «restituer» la res publica (28, 1 in retinenda perseveravit) et
signale l'ambiguïté de l'expression de Res gestae 34 : Auguste ne dit pas avoir transféré le contrôle de
l'État, mais la décision (arbitrium) sur celui qui devait le contrôler. Il est donc improbable qu'avec
une formule comme res publica restituta, il ait pu officiellement professer avoir lui-même cédé le
contrôle de l'État. Millar rappelle aussi que dans Appien et Cassius Dion, comme dans Suétone, les
245
M A R I O C I T R O N I
3
Romain, qui avait été bouleversé et gravement endommagé . Dans un
passage de la «laudatio Turiae» (II 25) on lit pacato orbe terrarum, res[titut]a
re publica : la reconstitution de restituta doit être considérée ici comme cer
taine, et le sens est évidemment le « rétablissement » de l'État, bouleversé
auparavant par les guerres. Il a été souvent observé que, même si nous étions
autorisés à déduire de ces deux témoignages un usage relativement stable,
ou même officiel, de la formule en référence à la politique d'Auguste, elle
n'aurait pas pu, quoi qu'il en soit, signifier le prétendu « rétablissement de
l'ordre républicain», dans le sens où l'historiographie moderne l'emploie
habituellement, car avant la consolidation du nouveau régime impérial res
publica ne pouvait pas signifier «république», en opposition à un régime
différent qu'on ne connaissait pas encore, mais « l'État » tel que les Romains
4
l'avaient hérité et connu depuis toujours . On observe que Res publica n est
pas attesté avec le sens clair de «république», en opposition à un système
constitutionnel différent (celui de l'empire) avant certains passages bien
connus de Tacite, qui continue de toute façon à utiliser habituellement res
5
publica à propos de l'État romain impérial .
En réalité, comme on le tire clairement de Cicéron, dans la locution res
publica, on reconnaissait le sens étymologique de respopuli, et une opposi
tion implicite (qui parfois devient explicite) était ressentie avec res privata,
et donc avec un régime potentiel qui ne respecterait pas la nature profonde
de la res publica, qui est justement de garantir la gestion des intérêts de
6
toute la communauté . L'expression res publica implique en soi l'oppo
sition à un régime tyrannique, et en premier lieu, et emblématiquement,
au gouvernement du dernier roi de Rome, dont l'inique tyrannie avait
justement provoqué la naissance de la res publica. Elle comporte en outre
une opposition moins lointaine et moins abstraite aux régimes autoritaires
et « tyranniques » qui de temps en temps pouvaient se profiler à l'horizon,
quand un des dynastes de l'oligarchie, ou une faction, prenait le dessus :
comme cela était advenu justement dans le cas de César et comme on
pouvait craindre - à raison - qu'il adviendrait encore. Dans ce cadre, le
concept de «rétablissement» de l'État de sa crise pouvait donc comporter
les résonances de l'angoisse de nombreux citoyens face à la perspective selon
laquelle la res publica, tout en continuant à exister comme «État», aurait
pu perdre sa vraie nature de res publica et se transformer en tyrannie. De
cette angoisse, qui parcourt la scène politique de l'âge de César et de l'âge
déclarations formelles où Auguste se dit disposé à procéder à la « restitution » du pouvoir, tant dans
la période triumvirale qu'après Actium, sont présentées comme non réalisées.
3. Excellente argumentation en faveur de cette interprétation dans MANTOVANI D., « Leges et iura
p(opuli) R(omani) restituii. Principe e diritto in un aureo di Ottaviano», Athenaeum 96, 2008,
p. 22-27.
4. Ainsi, par exemple MILLAR, «Triumvirate and Principate », art. cit., p. 63 ; MEIER Chr., Res publica
amissa. Eine Studie zu Verfassung und Geschichte der späten römischen Republik, Francfort a. M.
rc 2
(l éd. 1966), 1980 , p. 1.
2
5. S u E R B A U M W., Vom antiken zum frühmittelalterlichen Staatsbegriff, Münster, 1970 , p. 87 sq.
6. À propos du sens de res publica chez Cicéron une très bonne exposition chez SUERBAUM, Vom antiken
zum frühmitteUlterlichen Staatsbegriff, op. cit., qui discute largement la bibliographie antérieure.
246
L A REPRÉSENTATION D U POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D ' H O R A C E
7. MEIER, Res publica amissa, op. cit., p. 1 (qui évalue d'ailleurs comme émotivement excessif et
rhétorique ce type de langage de la part d'un Cicéron qui en réalité ne douterait pas sérieusement
de la solidité, et peut être de l'immortalité de l'État de Rome). Alors que Meier et d'autres nient
que res publica ait le sens de « république » avant Tacite, d'autres, tout en soulignant que le terme
n'impliquait pas en soi une forme déterminée de constitution, reconnaissent, avec plus ou moins de
force, qu'il se reportait justement au modèle constitutionnel connu depuis des siècles, avec sa dis
tribution de pouvoirs caractéristiques qui se prêtait à être décrite dans les termes d'une constitution
mixte, qui pouvait apparaître substantiellement contredite par la récente condition de l'État : voir
par exemple STARK R., Res Publica, Diss. Göttingen, 1937 (réimprimé dans OPPERMANN H . (dir.),
Römische Wertbegriffe, Darmstadt, 1967, p. 42-110), p. 43-47 ; MACKIE N. K., «Respublica restituta.
A Roman Myth», DEROUX C. (dir.), Studies in Latin Literature and Roman History, IV, Bruxelles,
1986, p. 328 sq. ; BRINGMANN Kl., 2002, «Von der res publica amissa zur res publica restituta. Zu zwei
Schlagworten aus der Zeit zwischen Republik und Monarchie », SPIELVOGEL J. (dir.), Res publica
reperta. Zur Verfassung und Gesellschaft der römischen Republik und des frühen Prinzipats. Festschrift
farfachenBleicken zum 75. Geburtstag, Stuttgart, 2002, p. 113-23.
8. La seule exception que je connaisse est Judge, «Respublica restituta», art. cit., qui à mon avis ne
donne pas une interprétation satisfaisante des passages en question.
247
MARIO CITRONI
248
LA REPRÉSENTATION DU POUVOIR AUGUSTÉEN DANS LŒUVRE D'HORACE
11. GALINSKY K., Augustan Culture. An Interpretive Introduction, Princeton, 1996, p. 6. Cf. aussi
LITTLE D.M., « Politics in Augustan Poetry », ANRWll 30, 1, 1982, p. 263, p. 285 sq., et voir
ci-dessous, η. 16.
12. Carm. III 6, 1 s. Delieta maiorum inmeritus lues,/Romane, donee tempia refeceris.
13. Carm. IV 15> 4 s. et 12 tua, Caesar, aetaslfruges etagris rettulit ubereslet signa nostro resti
derepta Parthorum superbis!postibus... let veteres revocavit artis. FRAENKEL Ed., Horace 1957, O
1957, p. 450 sq., considère la récurrence du préfixe re- dans ce passage comme l'expression de
l'alignement conscient d'Horace à l'interprétation qu'Auguste se préoccupait de donner de son
nouveau système politique: non pas une «révolution», mais une restitutio de la res publica.
249
MARIO CITRONI
au retour des antiques vertus qui font partie du noyau le plus intime du
14
mos maiorum . I l n'y a aucune référence à la restitution de pouvoirs et
de prérogatives au sénat et au peuple, au rétablissement de règles et de
procédures.
Le phénomène se prête à des interprétations différentes. On pourrait
penser qu'au niveau de l'opinion publique on ne s'était pas encore rendu
compte de l'importance du passage institutionnel qui s'était produit, et
qu'on vivait avec spontanéité le régime d'Auguste comme un retour à l'or
dre qui avait précédé les guerres civiles : comme un retour à un cadre insti
tutionnel où le pouvoir extraordinaire d'une seule personne pouvait quand
même trouver sa place, comme cela s'était produit si souvent dans le passé,
15
sous une forme conjoncturelle et transitoire . Mais on peut aussi penser
que la nouvelle réalité monarchique apparaît déjà au contraire comme une
évidence pacifique, une réalité à laquelle on s'était préparé depuis longtemps
et avec laquelle on pouvait vivre facilement, vu que celle-ci avait représenté
le tournant salutaire depuis longtemps désiré par une communauté déchi
16
rée par les guerres civiles . Cette explication contraste d'autre part avec
la prudence qu'Auguste avait démontrée face à l'acceptation de pouvoirs
exceptionnels et avec l'évidence que cette prudence reçoit dans le texte des
res gestae. On ne peut pas douter que ces précautions présupposent la notion
claire, de la part d'Auguste, du fait qu'une partie significative de l'opinion
publique n'aurait pas accepté de bon gré qu'il assumait explicitement des
17
formes monarchiques de gestion du pouvoir .
La représentation ouvertement monarchique du pouvoir d'Auguste et
le silence substantiel sur la question institutionnelle que nous relevons chez
Horace et en général dans la littérature latine contemporaine, posent donc
des questions complexes auxquelles i l est difficile de donner des réponses
précises et sur lesquelles nous reviendrons brièvement à la fin. Comme la
plupart des textes pertinents de la littérature latine du temps d'Auguste
qui ont été conservés sont des textes poétiques, on a quelquefois attribué la
responsabilité de cette forme de représentation du pouvoir à l'héroïsation
qui caractérise les modalités conventionnelles de présentation poétique des
14. Carm. saec. 57 s. iam Fides et Pax et Honos Pudorquelpriscus et neglecta redire Virtus/audet.
15. GALINSKY, Augustan Culture, op. cit., p. 52-54.
16. C'est la thèse soutenue par MILLAR, «Triumvirate and Principate», art. cit., qui souligne en parti
culier comment dans la littérature contemporaine, il n'y a ni trace de la présumée proclamation de
la restitutio de la res publica en 27, ni même du fait qu'on se garderait un tant soit peu de célébrer
Auguste comme un monarque, autant de la part des poètes, que de la part d'un prosateur comme
Vitruve, dont la préface est écrite justement dans ces années où on présume qu'Auguste était engagé
à se présenter comme le restaurateur de la res publica.
17. EDER W., « Augustus and the Power of Tradition », GALINSKY K. (dir.), The Cambridge Companion
to the Age of Augustus, Cambridge, 2005, p. 13-32 reconstruit avec soin les efforts d'Auguste,
dans le texte des Res gestae et dans ses choix politiques, pour ne pas ressembler à un monarque
(ainsi GRUEN E., « Augustus and the Making of the Principate», GALINSKY (dir.), The Cambridge
Companion to the Age of Augustus, Cambridge, 2005, p. 33-51, bien qu'il souligne lui-même que
la locution res publica restituta n'est pas attestée dans les textes de l'époque), et refuse la thèse d'un
consentement pacifique, ou d'un désir général positif de monarchie de la part de l'opinion publique
romaine : un désir dont seul Auguste ne se serait pas rendu compte.
250
LA REPRÉSENTATION DU POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D'HORACE
personnages illustres ; et on a aussi insisté sur le fait que, dans les odes où il
fait Téloge d'Auguste, Horace utilise des modules déjà proposés par la tradi
tion grecque du panégyrique, en poésie et en prose. Mais Horace démontre
18
qu'il sait agir librement face à cette tradition et il est clair qu'il aurait pu
introduire dans ses éloges des éléments susceptibles de rappeler la nature
constitutionnelle de la souveraineté d'Auguste.
18. DOBLHOFER E., Die Augustuspanegyrik des Horaz informalhistorischerSicht, Heidelberg, 1966 le
démontre efficacement.
19. HEIL Α., «"Caesar qui cogère posset... " Das ^republikanische" Freundschaftsmodell im ersten
Satirenbuch des Horaz», BRODOCZA., MAYER C O . , PFEILSCHIFTER R., WEBER B. (dir.),
Institutionelle Macht. Genese — Verstetigung — Verlust, Cologne-Weimar-Vienne, 2005, p. 75
p. 87 sq., pense qu'Horace, en cohérence avec les autres passages sur le milieu des amis de Mécène
dans le livre I des Satires, veut nous faire comprendre ici qu'Octavien veut se conformer au modèle
«républicain» d'amicitia, sans exercer le potentiel coercitif caractérisant l'amitié avec les puissants.
Je crois plutôt qu'Horace veut exalter le degré extrême de l'obstination de son personnage, inat
taquable même face à la pression la plus forte et la plus contraignante. Mais en tout cas le cadre
des rapports est présenté dans les termes de Yamicitia traditionnelle. Sur l'évolution des rapports
d'amitié à Rome entre république et principat, CITRONI MARCHETTI S., Amicizia e potere nelle
lettere di Cicerone e nelle elegie ovidiane dall'esilio, Florence, 2000.
251
de quelqu'un qui conduit des armées à un choc militaire avec un objectif
20
politique de la plus haute importance .
Dans l'épode 9 qui donne cours à la joie pour les premières nouvelles de
victoire à Actium, Octavien est caractérisé comme chef militaire de façon
plus ouverte : la victoire qu'Horace espère pouvoir fêter bientôt est la sienne
(2 victore laetus Caesare) ; c'est lui, évidemment (même si cela n'est pas dit
explicitement), qui a récemment mis en fuite les navires du capitaine (le
dux Neptuniusy c'est-à-dire Sextus Pompeius) qui avait menacé d'asservir
Rome à ses propres esclaves {épod. 9, 7-10). C'est en invoquant son nom
que mille cavaliers gaulois se sont rangés de son côté: 17 s. at huefremen-
tis verterunt bis mille equosl Galli canentes Caesarem. C'est pour lui qu'on
invoque un prompt triomphe: 21s. io Triumphe, tu morarisaureoslcurruset
intactas bovesi Si Octavien est ici un chef militaire solitaire dans sa grandeur
individuelle, les raisons au nom desquelles i l agit émergent toutefois : et
ces raisons se ramènent à la sauvegarde de la continuité de la res publica en
tant qu'État romain, et des valeurs morales qui en représentent l'identité et
qui sont la base de sa stabilité et de sa durée. En battant Sextus Pompeius,
Octavien a libéré Rome de ceux qui voulaient la réduire au rang d'esclave,
mettant ainsi fin à son existence d'État autonome (9 s. minatus urbi vinch,
quae detraxeratlservis amicus perfidis). Et avec la victoire sur Marc Antoine
il a agi de façon que la honte de l'asservissement d'une armée romaine à
une femme et à ses eunuques reste un épisode, que ce dernier ne représente
pas une fracture déchirante dans la continuité identitaire de l'État, qui
repose sur la sévérité de ses mores et sur l'énergie et le courage de ses soldats
(11-14):
Romanus eheu - posteri negabitis —
emancipatus feminae
fert valium et arma miles etspadonibus
servire rugosis potest
20. Sur l'équilibre délicat entre dimension publique et dimension privée dans l'épode 1, je me limite à
renvoyer à Du QUESNAY I. M. LE M., « Amicus certus in incerta cernitur. Epode 1 », WOODMAN T.,
FEENEY D. (dir.), Traditions and Contexts in the Poetry of Horace, Cambridge, 2002, p. 17-37,
p. 195-210 et WVTSON L.C., A Commentary on Horaces Epodes, Oxford, 2003, p. 51-57, où l'on
trouvera une discussion de l'abondante bibliographie antérieure. Voir aussi FRAENKEL Ed., Horace
1957, op. cit., p. 69 sq.
252
LA REPRÉSENTATION DU POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D'HORACE
21
Romains et la continuité de l'État . Et le triomphe d'Octavien se placera
dans le sillage de ceux de Marius sur Jugurtha et de Scipion sur Carthage,
et il les dépassera (23-26) :
io Triumphe, nec Iugurthino parem
bello reportasti ducem
neque Africanum, cui super Carthaginem
virtus sepulcrum condidit.
Le fait que son vol provienne ab Italia nous dit que nous devons voir
en lui le champion de la res publica et de ses valeurs, autour desquelles tota
Italia a prêté serment. Mais sa figure de sauveur de la communauté et de
ses mores n'en reste pas moins fsolée face à ce qui aurait pu être le funus
imperii: Rome détruite et asservie à une femme et à la cour de ses eunuques
(6-10... dum Capitoliol regina dementis minasi funus et imperio parabatl
contaminato cum grege turpiumlmorbo virorum).
21. Sur la cohérence de ces vers avec les thèmes de propagande en faveur d'Octavien, qui en 28
se proclamait justement libertatisp. R. vindex, documentation et bibliographie chez WATSON,
Commentary on Horaces Epodes, op. cit., p. 313-316.
253
MARIO CITRONI
5
22. Dans leur commentaire, KIESSLING A. et HEINZE R. (dir.), Q. Horatius Fkccus, Satiren, Berlin ,
10
1921 (Dublin-Zürich 1968) envisagent une allusion à des oracles effectivement prononcés
après Actium. L'affinité de ces vers avec des passages contemporains de Virgile est bien connue
{Georg. II 170-172; IV 560-562). DOBLHOFER, Augustuspanegyrik des Horaz, op. cit., 46-50 nous
rappelle que l'insistance sur le jeune âge tout comme la connexion conceptuelle « sur terre et sur
mer», et aussi la prophétie relative à la gloire future étaient des éléments cruciaux de l'éloge du
souverain.
23. De semblables préoccupations d'approche au prince, en tant que poète, avec tout le tact requis,
dans les épîtres plus tardives I 13, et puis II1, 1-4 et 219-21.
254
L A REPRÉSENTATION D U POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D ' H O R A C E
comportements et les choix des citoyens. D'autant plus que, comme cela
sera indiqué vers la fin de cette même satire (83-85), il a aussi le pouvoir
24
d'engager les procédures judiciaires .
Dans les odes des livres I-III, édités conjointement en l'an 23, Auguste
apparaît régulièrement comme la figure solitaire du chef militaire, conqué
rant de vastes territoires à Y imperium de Rome, et comme triomphateur.
Cet aspect se représente continuellement, soit isolé (comme en I I 9, posté
rieur à l'an 27, en I I 12, postérieur à l'an 29, et encore en epist. I I 1, 251-56,
25
probablement de l'an 13 av. J.-C.) , soit associé à d'autres aspects de la
représentation de son pouvoir. En I 35, qui est probablement antérieur à
26
Actium , Horace invoque la déesse Fortune pour qu'elle protège César et
son armée lors de ses futures expéditions de conquête (29 ss. serves iturum
Caesarem in ultimoslorbis Britannos...), qui sont ici souhaitées comme un
tournant heureux (38 ss. Ο utinam nova incude diffingas...) par rapport à
une phase historique où les armées des Romains s'étaient retournées contre
les Romains eux-mêmes : une discontinuité qui, comme dans les poèmes
sur Actium et sur Cléopâtre, doit être comprise comme un rétablissement
de la continuité par rapport aux temps où la communauté des Romains
employait les armes pour se défendre contre les ennemis extérieurs et pour
conquérir le monde.
Mais cette figure de chef militaire et de restaurateur de l'État après une
phase de guerre civile et de reniement des valeurs identitaires, morales et
religieuses, de la communauté (I 35, 34-38), n'est pas seulement un pro
tégé de la Fortune : sa condition tend continuellement à empiéter sur la
condition divine et le sépare profondément du reste des concitoyens. Cet
aspect est un de ceux qui sont les plus étudiés et je pourrai me limiter ici
27
à quelques indications . Horace représente Auguste tantôt comme dieu
vivant, tantôt comme un homme à qui la divinisation après la mort est déjà
24. Dans ce passage Horace fait allusion au fait qu'Octavien conditionne, avec son jugement, la renom
mée des œuvres littéraires, se servant d'un langage qui à son tour rappelle son pouvoir de se charger
de l'instruction des procès.
25. Carm. II 9, 19-21 (à l'ami poète Valgius) cantemus Augusti tropaealCaesaris etrigidumNiphatenJ
Medumqueflumengentibusadditum... ; II12,10-12 (àMécène) dices... proelia Caesaris,!...duct
per viaslregum colla minacium; epist. II 1, 251 ss. Res... gestaslterrarumque situs etflumina
arcesl... et barbara regna tuisquelauspiciis totum confecta bella per orbem.
26. La date de l'ode est habituellement placée en 27 ou en 26, mais NISBET R.G.M. et HUBBARD M.,
A Commentary on Horace: Odes, Book I, Oxford, 1970, p. xxviii s. et p. 387 proposent une date
antérieure à Actium (35 av. J.-C.) en raison également de l'angoisse persistante pour les guerres
civiles exprimée aux vers 14-16 et dans les deux strophes finales.
27. La bibliographie, déjà vaste, relative au culte impérial s'est enrichie ces dernières années d'ultérieures
analyses et de débats animés, aussi sur la base d'une nouvelle documentation archéologique. Pour
la situation augustéenne, je signale seulement les synthèses de KIENAST D., Augustus. Prinzeps
und Monarch, Darmstadt, 1982, p. 185-214 et de FEARS J.R., «Herrscherkult», Reallexikon fur
Antike und Christentum, t. XIV, Stuttgart, 1988, p. 1056-63, avec la bibliographie essentielle, et le
récent volume de GRADEL L, Emperor Worship and Roman Religion, Oxford, 2002 (en particulier
p. 109-139), à intégrer avec les importantes observations de SCHEID J., «Comprendre le culte dit
impérial. Autour de deux livres récents», A C 73, 2004, p. 239-249, p. 244-249. En ce qui concerne
la position d'Horace envers Auguste et l'idéologie augustéenne, la contribution de LA PENNA Α.,
Orazio e l'ideologia delprincipato, Turin, 1963 reste fondamentale. Les notes de Nisbet et Hubbard
et de Nisbet et Rudd aux passages pertinents sont souvent précieuses.
255
MARIO CITRONI
28. On a beaucoup discuté, et on continue de le faire, pour savoir si Horace entend ici dire qu'Auguste
est un dieu au sens propre. À mon avis, ses mots ne sont pas ambigus, hormis le fait que la pré
sence sur la terre de Mercure/Octavien pour sauver Rome est introduite comme la dernière d'une
série d'hypothèses, seulement possibles, d'interventions de dieux divers. Mais qu'il ne s'agisse pas
uniquement d'une hypothèse dans ce dernier cas ressort non seulement de l'appellatif Caesar, en
évidence à lafinde l'ode, mais aussi du rôle de Caesaris ultor attribué au dieu, rôle, et fonction,
qui avait déjà été rempli par Octavien. Sur la signification de cette forme de divinisation dans
l'ode, il y a de très bonnes observations dans NISBET et HUBBARD, A Commentary on Horace: Odes,
Bookl, op. cit., p. 19 sq., p. 34-36.
256
L A REPRÉSENTATION D U POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D ' H O R A C E
par son avènement parmi les dieux est adoptée dans l'ode I I I 3, que l'on
date de l'an 27 ou peu après. En récompense de ses mérites, il sera accueilli
parmi les dieux après sa mort comme d'autres grands bienfaiteurs mythi
ques de l'humanité, les Dioscures, Hercule, Bacchus, mais aussi Romulus
29
(9-16) :
hac arte Pollux et vagus Hercules
enisus arcis attigit igneas,
quos inter Augustus recumbens
purpureo bibet ore nectar,
hac te merentem, Bacche pater, tuae
vexere tigres indocili iugum
collo trahentes, hac Quirinus
Martis equis Acheronta fugit.
L'idée selon laquelle Auguste est sur la terre un homologue du roi des
dieux, et donc lui-même un monarque doué d'un pouvoir d'ordre supé
30
rieur , se trouve dans l'ode 112, datable entre l'an 25 et l'an 23 : Auguste
jouit ici de la protection particulière de Jupiter, et comme son «second» sur
terre, il triomphera des ennemis de Rome en assurant la sécurité de l'Italie,
et gouvernera avec justice un monde heureux (49-60) :
gentis humanae pater atque custos,
orte Saturno, tibi cura magni
Caesaris fatis data: tu secundo
Caesare règnes,
ilk seu Parthos Latto imminentis
egerit iusto domitos triumpho
sive subiectos Orientis orae
Seras et Indos,
te minor latum reget aequos orbem :
tu gravi curru quaties Olympum...
29. Le motif de la divinisation d'hommes exceptionnels en raison de leurs mérites envers l'humanité,
diffus en Grèce, souvent traité par Cicéron, et adopté ensuite officiellement à Rome à travers
l'apothéose de l'empereur qui eut bien mérité, est habituellement illustré avec ces mêmes exemples.
Dans Horace cf. aussi carm. 112, 21 s. ; III 14, 1-4; IV 5, 35 s. ; epist. II 1, 5-17. Le motif avait déjà
été utilisé pour soutenir la divinité d'Alexandre le Grand. Cf. BELLINGER A.R., «The Immortality
of Alexander and Augustus », YCIS 15, 1957, p. 93-100; LA PENNA, Orazio, op. cit., p. 88-94;
DOBLHOFER, Augustuspanegyrik des Horaz, op. cit., p. 122-41 ; BRINK C O . , Horace on Poetry:
Epistles Book II: The Letters to Augustus andFlorus, Cambridge, 1982, p. 39-57; EIDINOW J.S.C.,
«"Purpureo bibet ore nectar*: a Reconsideration », CQ 50, 2000, p. 463-71, p. 466-69;
NISBET R.G.M., RUDD N., A Commentary on Horace: Odes, Book III, Oxford, 2004, p. 30
(n.àlll 2,21s.).
30. JOCELYN H.D., «Carm. 1.12 and the Notion of a Pindarising Horace», Sileno 19, 1993, p. 101-
29, 103, met en évidence que dans ce passage un pouvoir providentiel (fata), supérieur à celui de
chaque divinité olympique, joue le rôle de garant du pouvoir d'Auguste.
31. LA PENNA, Orazio, op. cit. a analysé avec une attention particulière l'évolution des choix d'Octavien
sur sa propre divinisation, et leur reflet dans l'œuvre d'Horace. Qu'Octavien, après des concessions
257
MARIO CITRONI
Mais dans la même ode I 12, on trouve une référence explicite à la nature
divine d'Auguste, à travers l'évocation du sidus Iulium : 46 ss. micat inter
omnislIulium sidus velut inter ignislluna minores. Habituellement on pense
qu'Horace parle de la comète qui avait « certifié » l'apothéose de son père
Jules César, mais d'autres pensent que l'astre représente ici directement
32
Auguste . Et dans l'ode I I I 5, qui date de la fin de l'an 27, Horace pro
clame solennellement, en ouverture, qu'après la conquête de la Bretagne
et du royaume des Parthes qui s'annonçait imminente, Auguste sera juste
33
ment, par reconnaissance générale, deus praesens, dieu sur terre , comme
Jupiter est dieu dans les cieux (1-4) :
Caeb tonantem credidimus Iovem
regnare : praesens divus habebitur
Augustus adiectis Britannis
imperio gravibusque Persis.
34
La condition de deus praesens est ici projetée dans le futur , mais nous
verrons maintenant que dans un texte plus tardif, Horace la proposera à
nouveau comme reconnue communément pour Auguste vivant.
Dans l'ode III 25, de datation incertaine, l'objet du chant d'Horace est
la divinisation d'Octavien au moyen du catastérisme (3-5) :
quibus
antris egregii Caesaris audiar
aeternum meditans decus
stellis inserere et Consilio Iovis ?
initiales à son propre culte, soit devenu ensuite plus prudent, et qu'Horace à son tour se soit pro
gressivement conformé à une plus grande modération dans la divinisation du prince, était déjà la
thèse de FRAENKEL Ed., Horace 1957, op. cit. (p. 297, p. 353 sq., p. 356). Au contraire par exemple
TAYLOR L. R., The Divinity ofthe Roman Emperor, Middeltown, 1931, p. 235 sq., parle d'un passage
progressif, chez Horace, e: ensuite chez Ovide, de l'éloge du prince exprimé en termes religieux à
l'acceptation formelle de sa divinité.
32. Ainsi NISBET ET HUBBARD, A Commentary on Horace: Odes, Book I, op. cit., p. 162 sq., pour qui
un renvoi direct à César est improbable, en raison de la prudence bien connue d'Auguste à se
référer à la mémoire de ce dernier. Ils admettent la possibilité d'une allusion à la comète de César,
qui toutefois, comme le souligne aussi WEINSTOCK S., Divus Julius, Oxford, 1971, p. 378 sq.
(et cf. p. 371), devrait être comprise comme garante directe d'Auguste et du nouvel âge qui avait
été ouvert par lui, selon l'interprétation qu'Auguste lui-même aurait préféré en donner (cf. PLIN.,
NH, II 94). À propos de Yastrum Caesaris et de façon plus générale sur l'utilisation de la part d'Oc
tavien de la condition divine attribuée à César, voir WEINSTOCK, Divus Julius, op. cit., p. 367 sq.
Une analyse utile des sources relatives à la comète dans CLAUSS M., Kaiser und Gott. Herrscherkult
2
im römischen Reich, Munich-Leipzig, 2001 , p. 57 sq. (mais la thèse de ce dernier à propos d'une
acceptation générale de la divinité du prince vivant aussi à Rome et en Italie, à partir de César, a
suscité de nombreuses objections et apparaît insoutenable).
33. Sur le concept de deus praesens (etθεός επιφανής), excellent développement chez BRINK, Horace
on Poetry op. cit., p. 49-53, avec une ample bibliographie. Voir aussi CLAUSS, Kaiser und Gott,
op. cit., p. 482-87.
34. Selon LUTHER Α., «Zur Regulus-Ode (Horaz, c. 3,5) », RhM 146, 2003, p. 10-22, à la date de la
publication des trois premiers livres des odes (23 av. J.-C), un équilibre dans les relations de Rome
avec les Partes et les Bretons avait été trouvé, que la propagande romaine pouvait faire passer pour
un assujettissement de ces peuples, et donc la condition imposée ici par Horace pour la divinité
d'Auguste vivant aurait dû être comprise comme déjà réalisée dans le présent. La thèse ne se concilie
pas facilement avec le futur habebitur.
258
L A REPRÉSENTATION D U POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D ' H O R A C E
35. BRINK, Horace on Poetry, op. cit., p. 51 sq., en doute lui aussi.
36. Voir ci-dessous, n. 4 1 .
37. NIEBLING G . , « Laribus Augusti magistriprimi. Der Beginn des Compitalkultes der Lares und des
Genius Augusti», Historia 5, 1956, p. 3 0 3 - 3 3 1 .
38. Cf. GRADEL, Emperor Worship, op. cit., p. 237.
259
MARIO CITRONI
59
bonis) , et, dans la deuxième strophe, le poète attribue à l'apparition de
40
son visage le pouvoir surnaturel, littéralement divin , d'accroître, comme
l'avènement du printemps, la splendeur du jour. Le peuple tout entier prie
pour son retour, conscient que la paix, la sécurité, la prospérité, les bonnes
mœurs dépendent de lui. Et chacun, après sa journée de travail, rentre chez
soi (carm. IV 5, 31-36) :
ad vina redit laetus et alteris
te mensis adhibet deum.
te multa prece, te prosequitur mero
defuso pateris, et Laribus tuum
miscet numen uti Graecia Castoris
et magni memor Herculis.
Ce passage témoigne du succès obtenu, au moins sur le plan des usages
privés, par la décision du sénat en l'an 30 av. J.-C. (Cassius Dion 51, 19)
d'introduire une libation au prince dans tous les banquets, publics et privés.
La référence aux Lares et au numen d'Auguste font certainement allusion à
des formes de culte qui anticipent, comme je l'ai déjà indiqué, la formali
sation de l'introduction du Genius Augusti dans la célébration des lares com-
pitales et le culte du numen Augusti. Il est difficile d'établir s'il existe ou non
un rapport entre numen et Genius et de quelle nature : en effet, Horace, dans
une ode qui s'ouvre avec lafigured'un prince doué de pouvoirs surnaturels,
choisit de le désigner, de la bouche même de celui qui l'invoque durant ses
rites domestiques, comme un deus (v. 32), et ensuite comme un numen
(v. 35), concept dont l'équivalence substantielle avec deus est confirmée ici
par le parallèle avec deux des héros grecs toujours cités comme divinités
41
reconnues et objet de culte .
39. L'interprétation de divis bonis comme un ablatif absolu (« né grâce à la faveur des dieux»), défen
due efficacement par FRAENKEL Ed., Horace 1957, op. cit., p. 440-42, est préférable par rapport à
celle qui en fait un ablatif d'origine (« descendant de dieux propices »), mais également en faveur
de cette dernière interprétation (récemment suivie par exemple par Du QUESNAY I. M. L E M.,
«Horace, Odes 4. 5 : Pro reditu Imperatoris Caesaris Divi Filii Augusti», HARRISON S.J. (dir.),
Homage to Horace. A Bimillenary Celebration, Oxford, 1995, p. 128-87, 153 sq.) militent des
parallèles très significatifs {carm. saec. 50 Veneris sanguis-, VERG. Aen., V I , 792 Augustus Caesar,
divi genus et d'autres), et il est vraisemblable qu'Horace ait joué de l'ambiguïté de l'expression. De
brèves synthèses sur le débat portant sur ce passage dans DOBLHOFER E., « Horaz, c. I V 5 - Eine
literarische "Kippfigur" ? », AAHung 39, 1999, p. 105-14, 106-08 ; KAMPTNER M., « Gedanken zu
Horaz, carm. 4, 5», WS 114, 2001, p. 285-87.
40. En particulier sur la connexion d'Auguste avec le soleil, qui rentre dans le vaste cadre de l'assimi
lation de la majesté avec le soleil, et qui chez Horace revient aussi dans carm., I V 2, 46 ss. et epist.,
II 1, 17, voir WEINSTOCK Divus Julius, op. cit., p. 383 s. ; cf. aussi Du QUESNAY, «Horace, Odes
4. 5», art. cit., p. 157 sq.
41. L'idée courante est que dans ce passage numen soit utilisé comme l'équivalent de Genius, et que la
libation comme l'insertion entre les Lares se réfère au Genius. GRADEL, Emperor Worship, op. cit.,
p. 207-212 fait cependant noter que toutes les sources attribuent les libations au souverain lui-
même, non pas à son Genius, et soutient (235-50), avec des arguments d'un poids certain, que le
culte du numen d'Auguste n'est pas assimilable à celui de son Genius, mais coïncide, comme simple
variante linguistique, avec le culte du souverain même en tant que dieu. Le passage d'Horace en
donnerait une confirmation (246 s.) : ici la libation s'adresse au prince en tant que deus (et non
pas à son Genius) et le numen du prince vivant est objet de culte comme les Dioscures et Hercule,
qui sont des dieux déjà consacrés. Sur le rapport entre Genius et numen, concepts certainement
distincts mais en relation, et sur l'histoire de ce débat complexe, voir, en référence à Auguste,
surtout PÖTSCHERW, « "Numen" und "numen Augusti"», ANRW2, 16, 1, 1978, p. 380-392 et
260
L A REPRÉSENTATION D U POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D ' H O R A C E
Comme objet de culte alors qu'il est vivant parmi les hommes (praesens)
on reconnaît donc implicitement à Auguste la qualification de deus praesens,
42
jamais attestée pour lui dans aucun document , et son numen est invoqué
comme garantie des serments, comme pour une divinité.
Je ne pense donc pas qu'il y ait chez Horace le souci de s'en tenir stricte
ment à de prudents compromis relatifs à la divinisation d'Auguste. Horace
devait évidemment savoir que dans l'espace de l'œuvre poétique, ce souci
n'était pas requis. De même que, plus en général, il devait évidemment
savoir que, dans l'espace de l'œuvre poétique, le souci de représenter le
pouvoir d'Auguste comme inséré à l'intérieur du cadre des magistratures de
la res publica et comme un pouvoir partagé avec le Sénat ne s'imposait pas.
L'épître à Auguste est aussi particulièrement significative de cette dernière
perspective. Le premier vers justement, le moment le plus délicat de ce texte
très délicat, a comme mot-clé, comme mot qui porte le rythme, la syntaxe
et le sens, l'adjectif solus (epist. I I 1, 1 ss.) :
Cum tot sustineas et tanta negotia solus,
res Itaks armis tuteris, moribus ornes,
legibus emendes,
FISHWICK D., The Imperial Cult in the Latin West, vol. 2, 1, Leyde, 1991, p. 375 sq. Sur le fait
que le culte du Genius du prince, de ses virtutes et surtout de son numen, remplace un culte reli
gieux formel au souverain vivant, cf. par exemple TAYLOR, Divinity ofthe Roman Emperor, op. cit.,
p. 193; FEARS J.R., «The Cult of Virtues and Roman Imperial Ideology »,ANRW II, 17, 2, 1981,
p. 827-948; BRINK, Horace on Poetry, op. cit., p. 55 sq. et FEARS J.R., «Herrscherkult», Reallexikon
fur Antike und Christentum, t. XIV, Stuttgart, 1988, p. 1061.
42. BRINK, Horace on Poetry, op. cit., p. 51.
43. Cf. sat., II 1, 10-17; epist., I 3, 7 s.; II 1, 229-231, et aussi carm., IV 5, 22 où la gratitude pour
avoir rétabli mos et lex est exprimée à un prince qui se trouve loin de Rome, engagé dans des
campagnes militaires. Dans les éloges des souverains la priorité des mérites militaires par rapport
aux mérites civils était une tradition stable, que l'on peut faire remonter jusqu'à Homère, qui était
garantie par les préceptes des rhéteurs, et à laquelle on contrevenait très rarement : cf. DOBLHOFER,
Augustuspanegyrik des Horaz, op. cit., p. 22-26. C'est encore DOBLHOFER, 92-108, qui soutient
qu'Horace, dans sa représentation du pouvoir d'Auguste, donne en réalité beaucoup plus d'es
pace au thème de la paix qu'à celui de la guerre. Je n'en suis pas sûr, et de toute façon il est clair
261
MARIO CITRONI
que les bénéfices de la paix ont pour Horace comme prémisses nécessaires les victoires militaires
(cf. LA PENNA, Orazio, op. cit., p. 73-78).
44. C. s. 17 s. (prière à Diane) producas subolem patrumquelprospères decreta super iugandislfemin
prolisque novae feraci! lege marita.
262
LA REPRÉSENTATION DU POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D'HORACE
45. NISBET et HUBBARD, A Commentary on Horace: Odes, Bookl, op. cit., p. 261 considèrent l'omission
du Sénat dans ce passage une «énormité constitutionnelle», d'autant plus que la locutionpopu-
lusque patresque est très fréquente en poésie comme équivalent de la formule senatus populusque
Romanus, et notent qu'au temps de Néron encore, selon Suétone {Nero, 37, 3), ne pas citer le Sénat
avec le prince et le peuple était considéré comme impropre.
46. Pour une analyse approfondie de ce passage, en relation à la topique du panégyrique antique, voir
DOBLHOFER, Augustuspanegyrik des Horaz, op. cit., p. 52-66.
263
M A R I O C I T R O N I
mais cet État de droit réglé par le Sénat n'apparaît pas dans la res publica
restituta d'Horace.
La représentation horatienne du pouvoir augustéen est bien loin du
risque d'assumer des couleurs « tyranniques » en raison d'une série de
caractéristiques bien évidentes auxquelles nous avons déjà fait référence
dans les pages précédentes : l'insistance sur le rapport d'affection qui lie le
prince à son peuple; la mise en relief du sens de responsabilité envers le
peuple qui lui est confié, auquel renvoient les qualifications de pater (qui
anticipe l'attribution officielle du titre de pater patriae, qui adviendra en
47
l'an 2 av. J.-C.) et custos ; l'insistance sur la récupération augustéenne du
mos maiorum, qui implique des comportements publics et privés caracté
risés par une exemplaire rectitude en conformité avec les lois. La grande
importance qu'assument, dans la quatrième ode romaine, les concepts du
lene consilium et de la vis temperata (III 4, 41 et 66) qui doivent guider le
souverain, en l'invitant à se garder des tentations tyranniques, confirment
l'importance et la délicatesse qu'Horace attribuait à la question. Mais ce
ne sont pas les aspects «constitutionnels», ce n'est pas le rôle du Sénat, des
magistrats, des comices qu'Horace invoque pour garantir la qualité non
tyrannique du pouvoir d'Auguste. Au contraire, le rapport d'Auguste avec
ces pouvoirs constitutionnels n'apparaît pas dans son oeuvre qui propose
le profil d'un monarque qui opère de la meilleure façon dans l'intérêt des
citoyens et de l'humanité.
47. À propos de ces qualifications et sur leur valeur idéologique, LA PENNA, Orazio, op. cit., p. 86-88,
p. 105 ; Du QUESNAY, « Horace, Odes 4. 5, 157 s. », art. cit., p. 153.
264
LA REPRÉSENTATION DU POUVOIR AUGUSTÉEN DANS L'ŒUVRE D'HORACE
tion qui mène aux guerres civiles est même déjà inscrite dans le mythe de
fondation, lequel fait intervenir un fratricide (17-20 ; cf. aussi epod. 16, 9 s. ;
carm. I I 1, 4 s.). L'idée d'une faute atavique à expier est au reste également
présente dans l'ode I 2 (cf. 17-20), que l'on date du temps d'Actium. Dans
la sixième ode romaine, de l'an 28 peut-être, qui identifie dans la défaillance
de la religiosité la cause authentique de la crise, Horace affirme en ouver
ture, avec une emphase prophétique, que les Romains sont en train de payer
pour les fautes des aïeux, placés dans un passé indéfini (Delicta maiorum
immeritus lues. Romane donec tempia refeceris...) ; il poursuit avec une allu
sion tout aussi indéfinie aux saecula (v. 17 s.) qui ont pollué la chasteté des
relations conjugales en donnant ainsi naissance à la corruption actuelle, et il
conclut le poème en affirmant un principe général de décadence de la com
munauté romaine de génération en génération ; une décadence dont on ne
connaît pas le début, et qui n'a peut-être pas de fin (carm. I I I 6, 45-48) :
damnosa quid non inminuit diesi
aetas parentum peior avis tulit
nos nequiores, mox daturos
progeniem vitiosiorem.
Dans ce cadre d'indétermination chronologique, les points de référence
positifs du passé avec lesquels Auguste reconstitue la continuité de la res
publica sont les symboles d'un mos maiorum qui peuvent se situer, sur le
plan chronologique, aussi bien à la période des rois qu'à celle toute récente
des guerres civiles. Caton d'Utique, le martyr de l'opposition à la nouvelle
monarchie tentée par Jules César, peut maintenant devenir partie inté
grante du panthéon des représentants symboliques des valeurs que le fils
et vengeur de César veut restaurer, pourvu que son sacrifice soit interprété
comme l'emblème d'une virtus qui fait passer la cohérence rigoureuse et
le sens de l'État avant les intérêts personnels, jusqu' à la totale abnégation
48
de soi . Mais ce panthéon des figures symboliques de la res publica avec
lequel Auguste restaure la continuité s'étend en même temps sans difficulté
en arrière, jusqu'aux rois de Rome. En premier lieu à Romulus qui, comme
nous l'avons vu, représentait le précédent romain des héros divinisés pour
leurs mérites envers l'humanité à la série desquels venait s'ajouter main
tenant Auguste, qui tirait aussi du parallèle avec Romulus-Quirinus une
image de refondateur de l'État qui comportait donc une récupération de
continuité avec toute l'histoire de cet État, y compris de la période des
49
rois . Le texte le plus éloquent dans ce sens est l'ode I 12, où Romulus,
Numa, les Tarquins se trouvent dans une même série, au cours d'une seule
48. Sur l'utilisation de lafigurede Caton d'Utique de la part de l'idéologie augustéenne, voir LA PENNA,
Orazio, op. cit., p. 98-103.
49. Sur les différentes significations de la comparaison entre Auguste et Romulus voir MERKELBACH R.,
« Augustus und Romulus (Erklärung von Horaz Carm. 112, 37-40) », Philobgus 104,1960, p. 149-
153; LA PENNA, Orazio, op. cit., p. 92 sq. (avec une ultérieure bibliographie). Chez LA PENNA,
Orazio, op. cit., p. 95-104 excellent développement des valeurs idéologiques de l'ode I 12.
265
MARIO CITRONI
50
strophe, justement avec Caton d'Utique ; viennent ensuite d'autres figures
symboles du mos maiorum de l'âge républicain qui représentent la tradition
et l'identité de l'État romain, à partir de l'âge des rois, avec lequel le nou
veau César réconcilie le présent et le futur de Rome.
L'importance attribuée à l'âge des rois dans l'exposition à grands traits de
ce passé de Rome avec lequel Auguste restaure la continuité est cohérente
avec ce qui ressort des considérations, que nous avons développées ci-des
sus, des formes de représentation du pouvoir augustéen : Horace ne semble
pas s'intéresser à valoriser la dimension constitutionnelle spécifiquement
«républicaine» du pouvoir augustéen.
Comme je ne doute pas qu'Horace entende présenter les thèmes poli
tiques et idéologiques sous la forme la plus cohérente avec les attentes de
Mécène et d'Auguste, et du milieu élevé de relations où sa poésie trouvait
le contexte de communication le plus direct, je crois qu'il nous faut prendre
acte, comme je l'ai déjà précisé, du fait que la poésie était considérée comme
un espace de communication où i l n'était pas nécessaire de tenir compte
des médiations constitutionnelles difficiles dans lesquelles le régime était
engagé pour se proposer d'être cohérent avec les institutions de la libera res
publica. Malgré la proximité remarquable entre les grands poètes augus-
téens, la personne du prince et son entourage, malgré aussi l'influence de
leurs oeuvres sur le public, leur voix était apparemment considérée, du point
de vue de l'engagement idéologique, comme analogue à celle des manifesta
tions privées, non officielles, de célébration augustéenne, qui, comme nous
le savons, n'hésitaient pas à rendre un culte à Auguste, comme à un dieu
vivant. I l ne paraît pas possible d'établir s'ils avaient en cela transgressé la
volonté du prince ou interprété en réalité le véritable désir d'Auguste, ins
pirés par un enthousiasme sincère ou par un zèle adulateur intéressé. Quoi
qu'il en soit, la tendance de la poésie à recourir à des formulations pourvues
d'une efficacité symbolique, étrangères aux détails d'ordre «technique»,
permettait aux poètes de transmettre une représentation plus directe du
pouvoir augustéen, moins prudente, mais plus vraie en définitive, plus
proche de la substance des choses et aussi de la perception qui prévalait
parmi leurs contemporains, que celle qui était construite par la diplomatie
prudente du prince.
50. Le placement de Caton immédiatement après les rois vise probablement à dissiper les associations
« tyranniques » que la référence aux rois pouvait comporter: ainsi MERKELBACH « Augustus und
Romulus », art. cit.
266
Res publica non restituta
La réponse d'Ovide : la legende de Cipus
Paul M . MARTIN
267
PAUL M. MARTIN
2
divinisation de son «fils» Auguste . Ovide n'y fait que réciter, sinon pieu
3
sement, du moins avec une feinte application , le «catéchisme» du régime,
4
abondamment attesté par ailleurs chez les auteurs contemporains .
C'est dans cet ensemble de tonalité politique apparemment homogène
5
que s'inscrit l'épisode de Cipus . Notons d'abord que c'est la seule méta
morphose survenue, à lire Ovide, à l'époque républicaine - du moins si
l'on excepte la venue d'Esculape en serpent et si l'on considère qu'avec la
divinisation de César, Rome est déjà sortie de cette période. Le poète avait
pourtant matière à écrire : apparition des Dioscures après la bataille du lac
Régule, animation du corbeau sur le casque du champion gaulois opposé
à Valerius... Au lieu de ces épisodes connus de tous parce qu'ils faisaient
partie de l'imagerie « d'Épinal » du récit annalistique relatif aux siècles répu
blicains, Ovide a choisi de raconter l'étrange - et confidentielle - histoire de
Cipus. S'il a fait ce choix, c'est qu'il avait, comme on dit, « une idée derrière
la tête». Mais laquelle?
Le récit fait suite, de manière chronologique, à deux épisodes : la nais
sance miraculeuse du prophète étrusque Tagès à partir d'une motte de terre
et la transformation de la lance de Romulus, fichée dans le mont Palatin,
en arbre vivace, eux-mêmes précédés - avec une rupture chronologique
cette fois - de la transformation, beaucoup plus «classique», de la veuve
6
éplorée de Numa, la nymphe Egèrie, en source . Sans transition, le poète
enchaîne de la stupéfaction de Romulus au spectacle de sa lance se couvrant
7
de feuilles, à celle de Cipus :
Autsuaflumineacum uidit Cipus in unda Ou quand Cipus vit ses cornes (car il les vit!)
Cornua (uidit enim) fahamque in imagine credens
dans Tondefluvialeet qu'incrédule devant cette
Essefidem,digitis adfrontem saepe relatis, image qu'il croyait fausse, portant à plusieurs repri
Quae uidit, tetigit; nec iam sua lumina damnans
ses ses doigts à son front, il toucha ce qu'il avait
Restitit, ut uictor domito remeabat* ab hoste,
vu ; cessant dès lors d'accuser ses yeux, il s'arrêta,
Ad caelum oculos eteodem bracchia tollens: au moment de retourner victorieux de l'ennemi
« Quidquid » ait «superi, monstroportenditurdompté,
isto, et levant au ciel ses yeux et ses bras :
Seu ketum est, patriae laetum populoque Quirini;
« Quoi que ce soit, dit-il, ô dieux, qu'annonce ce
Siue minax, mihi sit;» uiridique e caespitefactas
prodige, s'il est heureux, qu'il le soit pour la patrie
Plaçât odoratis herbosas ignibus aras et le peuple de Quirinus ; s'il est menaçant, qu'il
Vinaque datpateris mactatarumque bidentum, le soit pour moi seul»; et, sur les autels herbus de
Quidsibi significent, trepidantia consulti exta.
vert gazon qu'il dresse, il cherche à apaiser les dieux
Quae simul inspexit Tyrrhenae gentis haruspex,
avec des feux odorants, verse du vin avec une patere
2. OVIDE, Afrt XIV 581-608 (Énée); 805-851 (Romulus et Hersilie); 745-851 (César et Auguste).
3. Sur Ovide « athée » de l'idéologie augustéenne, voir notre article « Les poètes élégiaques entre consen
sus et intégration difficile », Properzio nel genere elegiaco. Modelli, motivi,riflessistorici. Atti del Co
Internaz. Assisi 2004 (C. Santini, E Santucci edd.), Assise, 2005, p. 147-186. Nous ne partageons
pas pour autant les thèses passablement délirantes de MALEUVRE J.-Y., Vrais etfaux héros dans les
Métamorphoses d'Ovide, Villiers-sous-Mortagne, 2005.
4. Cf. MARTIN P. M., L'Idée de Royauté à Rome, Clermont-Ferrand, 1994, II, p. 395-411.
5. OVIDE, Met. XV, 565-621.
6. OVIDE, Met. XV 547-564.
7. Le texte suivi est celui de la CUF. La traduction est originale.
268
R E S P U B L I C A N O N R E S T I T U T A , LA RÉPONSE D'OVIDE: LA LÉGENDE DE CIPUS
Magna quidem rerum molimina uidit in illis, et, dans les entrailles palpitantes des jeunes brebis
Non manifesta tarnen. Cum uero sustulit aere sacrifiées, il cherche ce que cela signifie pour lui.
Apecudisfibrìs ad dpi cornua lumen: À ce spectacle, un haruspice du peuple tyrrhénien
«Rex, » ait «ο salue! Tibi enim, tibi, Cipe, Puisque
y voit naître dans l'effort une immense révolution,
Hic locus et Latiae parebunt cornibus arces.sans fatalité absolue néanmoins. Et quand du foie
Tu modo rumpe moros portasque intrare patentes des bêtes il lève les yeux vers les cornes de Cipus :
Appropera; sicfata iubent; namque urbe reeeptus « Roi, dit-il, salut ! Car c'est à toi, oui à toi, Cipus,
Rex eris et seeptro tutus potière perenni. » et à tes cornes qu'obéiront cette terre et les cita
Rettulit ille pedem toruamque a moenibus delles urbis du Latium. Toi cependant cesse de tarder et
Auertensfaciem: «Procul, a!proculomina» dixit hâte-toi de franchir les portes ouvertes ; ainsi l'or
« Talia dipellant; multoque ego iustius aeuum donnent les destins ; de fait, une fois reçu dans la
Exsulagam, quam me uideant Capitolia regem. ville, tu» seras roi et, sans danger, tu t'empareras du
Dixit et extemplo populumque grauemque senatum sceptre à jamais. » Mais lui fait un pas en arrière
Conuocat, ante tarnen capitis noua cornua etlauro
détournant des murs de la ville son visage dur :
Vekt et aggeribus factis a milite forti «Arrière, ah ! arrière de tels prodiges, dit-il, que les
Insistitpriscosque deos e moreprecatus: dieux les écartent ! Il est beaucoup plus juste que
«Est» ait «hic unus, quem uos nisipellitis urbe,
je passe ma vie en exil, plutôt que le Capitole me
Rex erit. Is qui sit, signo, non nomine dicam; voie roi. » Il dit et aussitôt convoque le peuple et
Cornuafrontegerit; quem uobis indicaiaugur, le grave sénat, non sans avoir auparavant caché les
Si Romain intrarit, famularia iura daturum. cornes nouvelles de sa tête sous un laurier ; et, sur
Ille quidem potuit portas irrumpere apertasi le merlon élevé par le brave soldat, il monte ; puis,
Sed nos obstitimus, quamuis coniunctior ilio, ayant prié selon l'usage les dieux ancestraux : « Il
Nemo mihi est. Vos urbe uirum prohibite, Quintes,
y a, dit-il, ici un homme, un seul, qui, si vous ne
Vel si dignus erit, grauibus uincite catenis, le chassez pas de la ville, sera roi. Qui il est, je vais
Autfinite metum fatalis morte tyranni. » vous l'indiquer par un signe distinctif, non par son
Qualia succinctis, ubi trux insilibat Eurus, nom : il porte des cornes sur le front ; ce que vous
Murmura pinetisfiunt,aut qualia fluctus fait savoir l'augure, c'est que, s'il entre dans Rome,
Aequoreifaciunt, siquis procul audiat illos,il vous donnera des lois asservissantes. Il a pu,
Tale sonatpopulus; sedper confusa frementis certes, franchir les portes ouvertes ; mais je me suis
Verba tarnen uulgi uox eminet una: mis en travers, bien que nul ne soit plus proche de
«quis ille est?» lui que moi. Mais c'est à vous, citoyens, de frapper
Etspectantfrontes praedictaque cornua quaerunt.cet homme d'interdiction ou, s'il le mérite, de le
Rursus adhos Cipus: « Quem poscitis» charger de lourdes chaînes, à moins que vous ne
inquit «habetis, » mettiez finà votre crainte en tuant le fatal tyran. »
Et, dempta capiti, populo prohibente, corona, Semblable aux grondements dans les pins parasols
Exhibuit gemino praesignia tempora cornu.quand bondit l'Eurus furieux, ou à celui des flots
Demisere oculos omnes gemitumque dedere maritimes pour qui les entend de loin, est le bruit
Atque illud mentis ckrum (quis credere possiti)du peuple ; mais à travers les paroles confuses de
Inuiti uidere caput; nec honore carere la foule grondante jaillit un cri unanime : « Qui
Vlterìus passi, festam imposuere coronam. est-ce ? », et l'on regarde les fronts, on cherche les
Atproceres, quoniam muros intrare uetaris, cornes annoncées. Derechef, Cipus leur parle :
Ruris honorait tantum tibi, Cipe, dedere, « Celui que vous réclamez, le voici », et, ôtant la
Quantum depresso subiectis bubus aratrocouronne de sa tête malgré les protestations du
Complecti posses adfinemlucis ab ortu; peuple, il a montré ses tempes où se reconnais
Cornuaque aeratis miram reforentia formam sent les deux cornes. Tous ont baissé les yeux en
Postibus insculpunt, bngum mansura per aeuum. poussant un gémissement, et c'est à contre-cœur
(qui pourrait le croire), qu'ils ont considéré cette
tête illustrée de mérites ; refusant de souffrir plus
longtemps qu'il soit dépouillé de cet honneur, ils
l'ont forcé à remettre sa couronne festive. Quant
aux grands, puisqu'il t'était interdit de franchir les
269
PAUL M. MARTIN
D'où Ovide sort-il cette histoire ? On n'en trouve que deux autres attes
tations, toutes postérieures à lui, chez Pline et chez Valére Maxime. Le
premier «juge fabuleuses les histoires d'Actéon et, dans la tradition latine,
8
de Cipus ». La légende grecque du chasseur Actéon, transformé en cerf par
Artémis qu'il avait surprise au bain, et déchiré par ses propres chiens, avait
9
été racontée par Ovide dans un livre antérieur des Métamophoses . À vrai
dire, le rapport établi par Pline entre les deux légendes est très superficiel :
la légende d'Actéon obéit au schéma grec classique de la métamorphose
d'un être humain en animal (ou en plante) par la divinité en punition
d'une faute commise contre elle. Cipus, lui, n'est pas métamorphosé en
animal, mais il voit pousser sur son front un attribut animal étranger à la
condition humaine. Les deux légendes, quoi qu'en dise Pline, ne sauraient
être réduites l'une à l'autre.
Le témoignage de Valére Maxime, est plus intéressant, car plus déve
loppé. Voici en quels termes il rapporte, dans la partie de son oeuvre consa
10
crée à ceux qui ont bien mérité de la patrie, l'histoire de Cipus :
8. PLINE, NHX1, 123 : Acteonem enim et Cipum etiam in Latia historia fabulosos reor.
9. OVIDE, Met. III, 155-252; cf. aussi, pour la littérature latine, Hyg. Fab. 180.
10. \ALÈRE MAXIME V, 6, 3 (texte et traduction empruntées à l'édition de Valére Maxime dans la C U F
par COMBES R., Paris, 1997, II, p. 118 sq.).
270
R E S P U B L I C A N O N R E S T I T U T A , LA RÉPONSE D'OVIDE: LA LÉGENDE DE CIPUS
11. Il semble bien que l'allusion ovidienne au « merlon élevé par le brave soldat» renvoie à celle-ci :
Cipus parle depuis le haut de la muraille servienne, afin d'éviter d'entrer dans la Ville et donc de
réaliser la prophétie.
12. VARRON LL V 163 (Deinde Rauduscula, quod aerata fuit Aes raudus dictum)-, cf. PAUL. FEST. 339 L
(... quod rudis et impolita sit relieta, uel quia raudo, id est aere, fuerìt uincta).
13. VARRON F 221 Cardauns (= Arnob. Nat. 4, 3).
14. Lrv.II,52;DH,LX,27.
15. Lrv. II, 54; DH, Di, 37-38; X, 38,4.
16. Lrv. III, 33, 3-4 ; DH, 54, 4 ; 56, 2.
17. Lrv. IV, 7, 1;DH, 53, 1.
18. Lrv. VII, 6, 10-12.
19. Cf. MASSA-PAIRAULT F. H., «Ovide et la mémoire plébéienne ou l'étrange prodige de Genucius
Cipus », Mélanges LévêqueV, 1990, 287-305.
271
PAUL M. MARTIN
20 21
antérieure à la seconde guerre punique et son cognomen est un hapax .
Cependant il est certain qu'Ovide connaît la qualité de magistrat supérieur
attribuée par Valére Maxime à Cipus, puisqu'elle seule lui donne le droit
de convoquer peuple et sénat.
C'est même cette qualité qui permet à Ovide de donner une version
du récit un peu différente de celle de Valére Maxime. La version ovidienne
accentue l'aspect politique et même idéologique de celle-ci, présent aussi
dans la version du prosateur, quand il juge supérieur aux sept rois de Rome
traditionnels le personnage de Cipus. Si le paludato de Valére Maxime ren
voie en effet au uictor domato... ab hoste ovidien pour désigner dans les deux
cas un général, le texte du prosateur ne précise pas qu'il était victorieux. Et
pour cause : dans le récit de Valére Maxime, Cipus sort de la Ville - pour
se porter, selon toute vraisemblance, à la rencontre de l'ennemi - alors que
chez Ovide Cipus y revient victorieux; et c'est alors qu'il s'apprête à y entrer
qu'il découvre le prodige dont i l est l'objet. Si Valére Maxime ne donne
pas l'identité de celui qui interprète celui-ci, Ovide précise qu'il s'agit d'un
haruspice étrusque ; or on sait à quel point les prodiges annonciateurs de
22
royauté étaient une spécialité de la disciplina etrusca . La manière même
dont le prodige est expliqué est très étrusque: ce qu'il annonce n'est pas
fatal et peut être évité. Si l'on se souvient que c'est Tagès qui avait enseigné
23
aux Étrusques leur religion , un lien avec les épisodes immédiatement
antérieurs du récit ovidien pourrait bien se dessiner : celui de l'annonce
d'un destin royal. Rappelons en effet que le lancer de la lance par Romulus
24
eut lieu lors de l'auguration, selon Servius , c'est-à-dire au moment où
les dieux allaient marquer sa supériorité sur son frère pour le titre royal. La
25
lance apparaissait donc bien comme summa armorum et imperii .
Autre point spécifique à Ovide : la mention du laurier dont Cipus se
ceint les tempes pour cacher ses cornes, dans laquelle on reconnaît sans
peine la couronne du triomphateur; tout se passe comme si Ovide propo
sait ici une étiologie de la couronne lauree du triomphe, rendue possible
dans sa version de la légende par le fait qu'il revient vainqueur de l'ennemi,
ce qui n'était pas le cas chez Valére Maxime. Les sources antiques voyaient
généralement l'origine du triomphe, à juste titre, dans une pratique étrus-
20. BROUGHTON T.R.S., II, 464 ne trouve nulle trace de sa prétendue preture. La période se déduit de
l'usage de Valére Maxime de classer ses exemph à peu près par ordre chronologique : or le suivant,
après Genucius, Aelius, serait contemporain de la bataille de Cannes (Val. Max. V, 6, 4).
21. Peut-on le mettre en rapport avec le mot cippus (cette orthographe du nom se trouve dans certains
manuscrits) ? Cela aurait-il alors un rapport avec la récompense de son civisme ? Cippus peut en
effet désigner la borne d'un champ. Ou bien faut-il le rapprocher du gentilice Cipius, attesté par
ailleurs (TLL Onom. C, s.v. Cipius, c. 453,56-82) ? Aucune des deux pistes ne mène bien loin.
22. MARTIN P.M., « Les signes de souveraineté dans la tradition sur les rois de la Rome étrusque et leurs
résurgences républicaines et impériales », La Divination dans le monde étrusco-italique (Table Ronde
de IVA. 041162 du CNRS), Tours, 1986, p. 16-36.
23. Cf. CICÉRON, De diu. I I , 23; FESTUS S.V.
24. SERVIUS adAen. III, 46.
25. PAUL. 55 L; cf. ALFÖLDI Α., «Hasta summa imperii. The Spear as Embodiment of Sovereignty in
Korne», AJPh 63, 1959, p. 1-27.
272
R E S P U B L I C A N O N R E S T I T U T A , LA RÉPONSE D'OVIDE: LA LÉGENDE DE CIPUS
26
que introduite à Rome par les Tarquins . Cependant certaines sources
27
désignaient Romulus comme l'inventeur du rite triomphal or le prodige y
28
de la lance et la divinisation de Romulus encadrent la légende de Cipus .
Que le renvoi se fasse à la cérémonie triomphale des rois étrusques ou aux
trois triomphes romuléens, i l devient clair que la légende baigne dans une
forte ambiance monarchique. Mais l'institution monarchique y est conno-
tée négativement, puisque c'est pour éviter à ses concitoyens le retour de ce
régime abhorré que Cipus préférera s'exiler. Double positif d'un Romulus
«négative», Cipus pourrait bien être né, selon nous, d'une tradition gen-
e
tilice des Genucii dans le contexte des luttes patricio-plébéiennes des V et
rv* siècles, en réplique à la valorisation contemporaine de Romulus par le
29
patriciat .
Telle qu'elle est racontée par Ovide, la légende, par d'autres détails,
semble d'autre part être un patchwork de topoi historico-mythologiques,
au point qu'on peut soupçonner le poète d'avoir enrichi la légende avec ce
que Jacques Poucet appelle des «motifs libres». Nous en décelons au moins
deux. Le premier est l'invocation initiale du héros pour que le prodige,
s'il est bénéfique, le soit pour sa patrie, s'il est maléfique, ne le soit que
pour lui. On reconnaît là un thème historico-littéraire assez banal. I l est
révélateur que l'exemple de Cipus soit aussitôt suivi, chez Valère-Maxime,
30
par celui d'un autre préteur tout aussi inconnu, Aelius , sur la tête de
qui un pic-vert s'était posé, ce qui annonçait soit le bonheur pour lui et sa
famille, mais le malheur pour l'État s'il le laissait vivre, soit l'inverse s'il le
31
tuait; Aelius tua l'oiseau . À la suite de quoi, il perdit dix-sept membres
32
de sa famille à la bataille de Cannes . De même, après la prise de Véies,
Camille demanda aux dieux d'attirer sur lui plutôt que sur Rome leur
26. Cf. CICÉRON, Rep. II, 36; Lrv. I, 35, 7-9; DH III, 68; PLUTARQUE, Rom. 16, 8; EUTROPE, I, 6.
Sur l'origine étrusque du triomphe, voir BONFANTE MARREN L., « Roman Triumph and Etruscan
kings », JRS 60, 1970, p. 49-66; LEMOSSE M., «Les éléments techniques de l'ancien triomphe
romain et le problème de son origine», ANRWl, Berlin-New York, 1972, p. 442-453. Mise au
point de la question par BASTIEN J.-L., Le triomphe romain et son utilisation politique, Rome, 2007,
p. 121-137.
27. Les raisons pour lesquelles Denys d'Halicarnasse II, 34, 1 ; 54, 2; 55, 5, et peut-être avant
lui Valerius Antias donnent le triomphe pour une institution romuléenne sont examinées par
MARINO R., «Tradizione storiografica sull'introduzione del trionfo a Roma», StudRom 28, 1980,
p. 161-171. Β RIQUEL D., «Trois études sur Romulus », Recherches sur les religions de l'Antiquité
classique, Genève-Paris, 1980, p. 310-319 invite à faire remonter cette tradition jusqu'à l'idéologie
tripartite indo-européenne.
28. Sur la proximité de Cipus à Romulus dans le livre XV, voir MARKS R., «Of Kings, Crowns and
Boundary Stones : Cipus and the hasta Romuli in Met. XV», TAPhA 134, 2004, p. 107-131.
29. Sur cette valorisation romuléenne par le patriciat, voir MARTIN P.M., L'Idée de Royauté à Rome, I,
Clermont-Ferrand, 1982, p. 329 sq.
30. Cf. BROUGHTON, II, 462.
31. Le pic-vert, animal de Mars le père de Romulus, n'est lui-même pas sans rapport avec la royauté:
il succède à son beau-père Janus comme roi au Latium (OVIDE, Met. XIV, 320 sq.) ; Virgile le saisit
dans la fonction augurale (Aen. VII, 187) et c'est dans son temple que le roi est intronisé (Aen.
VII 174 sq.), tandis qu'Ovide lui fait révéler à Numa les rituels de fulguration (FUI, 292 sq. ;
cf. Val. Ant. ap. Arnob. VI, 1 ; PLUTARQUE, Num. 15, 3-10).
32. VALÉRE MAXIME, V, 6, 4. Un lecteur sceptique pourrait objecter que le gain obtenu par Rome ne
fut guère probant dans l'immédiat. Mais Valére Maxime prévient l'objection en soulignant que la
puissance de Rome n'a cessé depuis de croître.
273
PAUL M. MARTIN
33
Némésis . Enfin, quand Paul-Emile, au sommet de sa gloire, perdit ses
fils, il se réjouit que, conformément au voeu qu'il avait fait, la Fortune, en
le frappant, eût détourné de Rome la Némésis que risquait de lui valoir ses
succès
L'autre motif est constitué par la récompense que lui vaut son action.
On sait qu'à l'aube de la République, seul Horatius Codés, pour avoir sauvé
35
Rome de Porsenna, reçut la même récompense . I l est symptomatique
qu'Ovide en crédite un homme qui, lui aussi, préserve Rome de retomber
dans le régime odieux du regnum. Excepté le mystérieux Aelius, toutes
les figures qu'on peut rapprocher des deux «motifs libres» du mythe de
Cipus sont donc — notons-le - de hautes figures républicaines : Horatius
Codés, Camille, Paul-Émile. Le caractère ouvertement républicain et anti
monarchique du récit ne fait aucun doute. La conclusion du récit fait par
Valère-Maxime va dans le même sens : la gloire de Cipus l'emporte sur celle
des sept rois de Rome de la tradition. En face des sept rois fondateurs de
36
Rome et de leurs épigones, de Camille à Auguste en passant par Marius,
37
Sylla et Cicéron , Cipus s'inscrit donc dans la tradition antimonarchique
38
des conditores libertatis , qui va d'un Brutus à l'autre. De ce point de vue,
l'anecdote de Cipus « fait tache » en face des autres épisodes de cette fin du
livre XV, qui narrent avec une apparente complaisance les divinisations
passées de Romulus, de César et celle, future, d'Auguste, et qui magnifient
la figure de Romulus, sur laquelle le Prince, après César, fondait en partie
39
l'idéologie de son pouvoir .
Pourtant l'histoire de Cipus est unanimement, obstinément interprétée
par les commentateurs modernes comme une allusion à la solennelle restitu
4 0
tio rei publicae de 27 ; on trouve aussi, comme variante d'interprétation, la
crise de 23, où Auguste, croyant sa fin prochaine, loin de désigner Marcellus
comme successeur, remit à Pison un breuiarium totius imperii — un « état de
l'Empire» - et son anneau à Agrippa, semblant ainsi cautionner un retour
33. Lrv. V, 21, 14-15; DH XII, 14-16; VALÉRE MAXIME, I, 5, 2; PLUTARQUE, Camil. 5.
34. Lrv. XLV, 41 ; PLUTARQUE, Paul-Aem. 36; VELLEIUS PATERCULUS, I, 10; \ A L E R E MAXIME, V, 10, 2;
ZONARAS, 9, 2.
35. Lrv. II, 10, 12 ; DH V, 25, 2 ; PLUTARQUE, Popi 16, 9 ; Moral. 820 E ; Vir. ULI 1 ; Tz. H. 3,826f;
Cf. PLINE, HNIS, 9 (qui prétend que c'était la récompense habituelle pour imperatorum acjortium
ciuium) ; \ A R R O N , Rust. I, 10, 1.
36. Cf. Lrv., II, 1 ; POUCET J., «La fonction fondatrice dans la tradition sur les rois de Rome»,
L'invention des grands hommes de la Rome antique, Paris, 2001, p. 195 sq. ; MARTINEZ PINNA J
« Sobre la funcación y los fundadores de Roma», Initia rerum - Sobre el concepto del origen en el
mundo antiguo, Malaga, 2006, p. 163-183.
37. Cf. MARTINEZ PINNA, op. cit.
38. Lrv., VIII, 34, 3.
39. Sur le romulisme de César et d'Auguste, voir MARTIN P.M., L'Idée de Royauté à Rome, II, Clermont-
Ferrand, 1994, p. 290-294 et p. 405-411 ; V E R E E K E M., La République et le roi. Le mythe de
Romulus à lafinde la République romaine, Paris, 2008, p. 357-486.
40. Auguste, RG 34, 1 ; cf. O V I D E , F. I, 589; VELLEIUS PATERCULUS, II, 89; Lrv. Per. 134; CIL VI,
873; 1527,1. 25.
274
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41
à l'État républicain . L'épisode de Cipus serait l'habillage mythique de cet
42
acte essentiel du régime - ou de la tentation de 23 .
Ce qui semble justifier cette interprétation c'est qu'en effet les rappro
chements entre la promesse de royauté contenue dans les cornes apparues
sur la tête de Cipus et la personne d'Auguste ne manquent pas, même si
le texte a été trop souvent surinterprété: car, à l'examen, certains de ces
rapprochements s'avèrent ou banals, ou superficiels.
1. L'apostrophe de l'haruspice annonçant à Cipus la royauté sur Rome a
été rapprochée du prodige qui, selon l'archiviste d'Auguste Julius Marathus,
annonçait, peu avant la naissance d'Octave, que « la nature avait enfanté
43
un roi pour le peuple Romain ». L'examen par l'haruspice du foie des
victimes pour interpréter le prodige a pu être rapproché de la conclusion
qu'en avaient tirée, de même, les haruspices alors qu'Octavien était encore
44
à Apollonie en 43 . Mais le lien entre haruspicine étrusque et annonce de
royauté est - nous l'avons vu - une donnée fort banale de la tradition.
2. On a dit que les cornes de Cipus rappelaient les cornes de feu qui
4 5
avaient couronné le chef d'Octavien à Actium ; mais le prodige, égale
46
ment échu à Iule , renvoie plutôt au prodige des flammes entourant la
47
tête de Servius , car il s'agit d'un prodige igné et temporaire, alors que les
cornes de Cipus n'ont aucun rapport avec le feu et que, selon toute vrai
semblance, i l les garda jusqu'à la fin de sa vie.
3. Faut-il penser aux cornes d'Ammon et au modèle alexandrin ? Mais
Auguste a bien pris garde, depuis le conflit avec Marc Antoine, de se
démarquer du conquérant macédonien, dont le pouvoir était synonyme de
48
basiléia et renvoyait fâcheusement à l'image de son rival .
4. Plus intéressant est le rapprochement des cornes de Cipus avec le cha
risme augustéen du Capricorne, dont le Prince joua en effet pour donner
une base mystique à un pouvoir qui s'affirmait de plus en plus ouvertement
49
comme monarchique .
Mais justement, c'est là où le bât blesse. Tous les rapprochements qui
ont été faits entre Octavien-Auguste et la légende de Cipus sont marqués
au coin d'une ambiguïté fondamentale. Nous sommes bien d'accord que,
41. DION, L U I , 30, 1-2; SUÉTONE, Aug. 2 8 ; 101, 6. Sur la crise de 23, voir notamment
KIENAST D., Augustus, Prinzeps und Monarch, Darmstadt, 1982, p. 84-92; BRUNT P A , « Augustus
e la Respublica», La Rivoluzione Romana. Inchiesta tra gli antichisti, Naples, 1982, p. 236-244;
LACEY W.K., « Augustus and the Senate: 23 B.C.» Antichthon 19, 1985, p. 60-63.
42. Cf. en dernier lieu, SCHMITZER U., Zeitgeschichte in Ovids Metamorphosen - Mythologische Dicht
unter politischen Anspruch, Stuttgart, 1990, p. 260-272, avec bibliographie antérieure.
43. SUÉTONE, Aug. 94 :... regem populo Romano naturam parturire.
44. SUÉTONE, Aug. 95.
45. VIRGILE, Aen. V I I I , 680 sq.
46. VIRGILE, Aen. I I , 682 sq.
47. Lrv. I , 39; DH IV, 2; PLINE, NH II, 101 et 241.
48. Cf. MARTIN, L'Idée de Royauté... II, p. 420-423.
49. Sur Auguste et le Capricorne, à la bibliographie que nous en avons donnée dans L'Idée de
Royauté II, p. 431, n. 323, il faut ajouter essentiellement: SIMON E., «Die drei Horoskope der
Gemma Augusta», NAC 15, 1986, p. 179-186 ; ABRY J.H., «Auguste : la Balance et le Capricorne »,
REL66, 1988, p. 103-121.
275
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276
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contemporaines. I l faut attendre un siècle pour lire chez Florus l'aveu sans
fard qu'il n'y avait pas d'autre moyen pour le peuple Romain d'être sauvé
56
que de se précipiter dans la servitude . I l faut s'interroger sur cette appa
rente cécité des Romains, que ce colloque a largement contribué à éclairer.
Il est certain que le retour à la paix civile et au fonctionnement régulier des
institutions, même vidées de leur contenu d'efficacité politique, explique
en grande partie le fait qu'aucun texte, en prose ou en poésie, ne contredise
57
l'affirmation officielle de la res publica restituta .
Aucun texte, hormis justement celui-ci. Pourquoi ? Parce qu'il faut pren
dre garde aux dates. La plupart des poètes augustéens ont connu les horreurs
de la guerre civile et, lorsqu'ils chantent Auguste, ils le font à une époque
où le régime apparaît d'abord comme dispensateur d'ordre et de paix, alors
qu'il n'a pas encore achevé sa mutation monarchique — bref une époque
58
où la « Révolution romaine » n'est pas encore sentie comme telle . Virgile
commence son épopée vers 29. De même, le 1. IV des Élégies de Properce,
59
dont la sincérité générale n'est pas douteuse , a été écrit à partir de 23.
Enfin la perte des derniers livres de Tite-Live nous interdit de savoir ce que,
vers la fin de sa vie, celui-ci pensait de l'évolution d'un régime dont toute
l'œuvre, commencée autour de 30 - du moins toute l'œuvre que nous avons
60
conservée - approuve sans nul doute l'orientation générale . En somme,
tous ceux dont nous avons le témoignage ont écrit avant que ne soit achevé
le virage idéologique du régime, avant que le masque républicain dont il
s'était affublé ne tombe définitivement. Certes, Horace ne meurt qu'en
8 av. J.-C. et i l est vrai qu'il fut sans solution de continuité un thurifé
raire sincère d'Auguste, mais ce fils d'affranchi, immensément honoré par
l'amitié du Prince, n'avait pas les mêmes raisons idéologiques que d'autres,
citoyens élevés dans les valeurs de la République, d'émettre la moindre
réticence à l'égard d'un régime à qui il devait tout.
Le bonheur d'Ovide fut aussi son malheur : bonheur de vivre une épo
que de paix, la Pax Augusta, quand les autres avaient connu les guerres
civiles, malheur d'avoir vécu à une époque où le caractère monarchique du
régime, par son tournant dynastique, ne pouvait plus faire de doute pour
personne, mais où il fallait faire semblant de croire encore à la res publica
restituta, obstinément affirmée comme telle par Auguste jusqu'au bout,
jusque dans son testament politique. On n'a pas assez souligné le fait que,
56. FLORUS, I I , 14.
57. Récemment, OSGOOD J., Caesars Legacy. Civil War and the emergence of the Roman Empire,
Cambridge, 2006, a mis en évidence, à l'aide de documents épigraphiques, la réalité de cet immense
soulagement devant le retour à la paix civile et à la prospérité.
58. Sur cette expression célèbre de SYME R., une table ronde a eu lieu il y a déjà vingt-huit ans, où se
sont affrontés partisans et adversaires de cette notion : voir La Rivoluzione Romana. Inchiesta tra gli
antichisti, Naples, 1982.
59. Même si sa manière réductrice de chanter les grands mythes Romains pourrait bien trahir chez
cet «écorché vif» une forme de réticence à l'égard d'un régime né dans le sang des siens. Cf. nos
travaux: «Les poètes élégiaques... », art. cit.; «Apollon chez les Élégiaques latins: entre poétique
et politique», SAUZEAU P. e t T u R P i N J.-Cl. (dir.), Philomythia. Mélanges offerts à Alain Moreau,
Montpellier, 2008, p. 67-74.
60. Cf. MINEO B., Tite-Live et l'Histoire de Rome, Paris, 2006, notamment p. 74 sq. ; p. 337 sq.
277
PAUL M. MARTIN
par une démarche inouïe dans l'histoire de Rome, pour la première fois,
il était demandé aux Romains de croire à un dogme politique. Jusqu'alors
Rome avait fonctionné sur des valeurs admises de tous, hormis par la contes
tation élégiaque - fruit de la déstabilisation de la cité et donc de la perte de
ces valeurs. La religion romaine elle-même n'était pas Ghubefrage. Et voilà
que, tout à coup, il faut croire à la divinité récente de César et à celle, future,
du maître de Rome et, malgré une évidence de plus en plus frappante, à
la res publica restituta. Ou, du moins, il faut faire semblant d'y croire. Les
Chrétiens apprendront bientôt, aieurs dépens ce qu'il en coûte de ne pas
adhérer à cette foi idéologique, la première de l'Histoire. Ovide aussi.
A la date de son bannissement, de son propre aveu, le poème des
Métamorphoses était inachevé, « encore en pleine croissance et ébauche
61
grossière ». Partant pour l'exil, Ovide brûla son manuscrit. Encore une
fois, la question se pose : est-ce seulement, comme pour Virgile, parce que
l'œuvre était imparfaite ? Mais voilà qu'il s'aperçoit que des copies en cir
culaient dans Rome. Là-dessus, dépêchant à Rome son livre I I I des Tristes,
il découvre que toute son oeuvre est interdite dans les bibliothèques publi
6 2
ques ; il supplie alors le bibliothécaire Hygin de prendre soin de ses livres
63
«enfants de l'exilé» et, parmi eux, des «trois fois cinq livres », c'est-à-dire
des Métamorphoses. Pourquoi faudrait-il prendre soin de cet ouvrage plus
que d'autres ? Pour que le Prince, en les relisant, change d'avis à son égard ?
C'est ce qu'il prétend :
« Nous avons chanté, bien qu'il ait manqué à l'entreprise la dernière main,
les transformations inédites des êtres. Si seulement tu réfrénais un peu ton
courroux, si tu t'imposais, à loisir, d'en faire lire quelques passages, tu verrais
que j'ai pris l'univers à son origine pour mener l'œuvre sans interruption
jusqu'à ton époque ! Tu découvriras que tu as dilaté mon inspiration et que
ma ferveur te chante, toi et les tiens . »
Mais c'est en même temps l'aveu que le Prince, à la lecture de l'œuvre,
risquait de «mal interpréter» celle-ci. Et pour cause! Relisons en effet le
livre XV, celui où se trouve l'histoire de Cipus et posons-nous la question :
comment le Prince, spontanément, pouvait-il interpréter un récit qui faisait
si manifestement allusion à lui et qui, en même temps, mettait en scène
comme un héros national un personnage qui était dépeint très exactement
comme son contraire ?
Et ailleurs dans le livre : en quoi, par exemple, mettre sur le même plan
la métamorphose de Daphne en laurier et celle de César en astre est-elle flat
teuse, et surtout plausible, surtout quand il est manifeste qu'Ovide ne croit
pas une seconde à toutes les métamorphoses grecques qu'il narre sur treize
livres ? Faut-il penser que, brusquement, il va se mettre à croire, à partir de
la fin du livreXIII, aux «métamorphoses» romaines qu'il raconte? Nous
278
R E S P U B L I C A N O N R E S T I T U T A , LA RÉPONSE D'OVIDE: LA LÉGENDE DE CIPUS
279
La Res publica restituta
dans l'œuvre de Virgile
Alain DEREMETZ
Le dossier historique
Avant d'esquisser une réponse à ces deux questions, il m'a été nécessaire,
étranger que je suis à la recherche historique, de prendre quelque peu la
mesure du problème soulevé. Car j'en étais resté à l'idée, que nous avons
sans doute tous partagée à un moment ou à un autre, que la Res publica res
tituta était un slogan augustéen lié aux événements politiques de l'année 27
et, plus particulièrement, à la restitution par Auguste de leurs pouvoirs au
Sénat et au peuple de Rome, c'est-à-dire en gros à ce qui est consigné dans
le texte de présentation du colloque qui rappelle «qu'une de ses caractéris
tiques est l'ambivalence d'un nouveau pouvoir qui était monarchique dans
les faits en prétendant ne pas rompre avec les institutions traditionnelles
de la République romaine... » et plus loin que le thème de la Res publica
restituta est « à la fois un slogan et un programme politique qui faisaient
d'Auguste le restaurateur de l'État romain».
Cette doxa s'appuie généralement sur divers éléments et arguments,
au centre desquels se trouve toujours citée cette confidence personnelle
1
d'Auguste, tirée de son testament :
1. In consulatu sexto et septimo, postquam bella civiltà exstinxeram, per consensum universor
rerum omnium, Rem publicam ex mea potestate in senatus populique Romani arbitrium tran
281
ALAINDEREMETZ
pro merito meo senatus consulto Augustus appellatus sum et laureis postes aedium mearum
coronaque civica super ianuam meamfixaest et clupeus aureus in curia Miapositus, quem mi
populumque Romanum dare virtutis clementiaeque iustitiae etpietatis caussa testatum est p
inscriptionem. Post id tempus dignitate omnibus praestiti, potestatis autem nihilo amplius
ceteri qui mihi quoque in magistratu conlegae fuerunt (Res Gestae, 34).
2. La traduction est de A. Cornu (http://www.noctes-gallicanae.org).
3. Quod si vos vestrum mihi Studium, patres conscripti, ad communem dignitatem defendend
mini, perficiam profecto, id quod maxime res publica desiderai, ut huius ordinis auctoritas,
maiores nostros fuit, eadem nunc longo intervallo Reipublicae restituta esse videatur.
282
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L'ŒUVRE DE VIRGILE
apudmaiores nostros fuit, eadem nunc longo intervallo rei publicae restitut
A
esse videatur ).
Ces derniers confirment que les instruments du pouvoir étaient bien
restitués en droit aux organes politiques, magistrats et assemblées, mais
qu'ils étaient en fait confiés à un seul homme, ainsi doté d'une capacité
5
d'action exceptionnelle .
D'autres sont plus réservés qui pensent qu'il s'agit de la légende officielle
du régime impérial, telle qu'Auguste voulait qu'elle se répandît, mais qu'il
y a eu en réalité bien plus qu'un titre nouveau : toutes ces mesures, officiel
les ou non, de l'année 27, étaient destinées à mettre ne place un système
de gouvernement, qui, quel que soit le nom qui lui a été donné, est bien
monarchique.
C'est à ce stade de l'enquête que j'ai cherché à approfondir la question
et que je me suis aperçu, en me plongeant dans la gigantesque bibliographie
qui lui est consacrée, que le problème était complexe et que cette différence
d'appréciation reposait sur toute une série de prises de position relatives à
quelque points centraux, notamment :
6
• Celui de la réalité historique et de l'attestation, certains, tel Mackie ,
parlant à propos de cette expression de «mythe» ou tel Judge, considérant
qu'Auguste ne l'a employée que dans des consultations privées et qu'elle n'a
jamais accompagné un programme politique officiel.
7 8
• Celui du sens de l'expression, Judge et Millar , par exemple, affir
mant que le sens de l'expression, dans les années 20 av. J.-C, ne renvoie
pas à la restauration des institutions républicaines, mais à la remise en état,
c'est-à-dire « en bonne santé » de l'État romain, cette question étant à met
tre en rapport avec l'existence attestée d'autres expressions, Le. Res publica
reddita ou reperta (par opposition à amissa).
Avant d'aborder le dossier poétique, et sans me prononcer sur le fond
9
du problème comme l'a fait J. L. Ferrary dans deux articles récents , pour
283
ALAINDEREMETZ
Fondements et crises du pouvoir, textes réunis par Sylvie Franchet d'Espèrey [et al], Bordeaux, 2003,
p. 419-428.
284
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L'ŒUVRE DE VIRGILE
285
ALAINDEREMETZ
« Quand une fois tu auras succombé et que Minos aura rendu sur toi sa
sentence éclatante, ni ta naissance, Torquatus, ni ton éloquence, ni ta piété
15
ne te feront revivre . »
Tous ces exemples plaident de manière univoque en faveur d'un même
sens pour restituera: celui de redonner la vie, la force et la santé; et aucun
n atteste que les poètes ont donné à un moment ou à un autre le sens poli
tique qu'on lui a conféré généralement.
Le poète et le prince
4
13. Les traductions des Odes sont empruntées à F. Villeneuve, CUF, 1964 .
14. Les traductions de VEnéide sont de A.M. Boxus et Jacques POUCET, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg.
286
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L'ŒUVRE DE VIRGILE
287
ALAINDEREMETZ
288
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L'ŒUVRE DE VIRGILE
Une enumeration semblable d»'hommes divins» avait déjà été établie par
Homère dans les vers 384-385 du chant XVII de l'Odyssée; ces vers sont mis
dans la bouche du porcher Eumée qui, en réponse à un reproche d'An-
tinoos, précise quels sont ces hommes divins que les rois vont quérir à
l'étranger:
«Antinoos, tu ne parles pas à propos, bien que tu sois noble! Quels
hôtes s'en va-t-on quérir à l'étranger sinon l'un de ces artisans, un devin,
un médecin ou un charpentier ou encore un aède inspiré qui charme par
son chant. »
Dans une remarquable étude intitulée « Ulysse l'aède et Homère le char
18
pentier», E Bertolini explique les raisons qui fondent la parenté fonction
nelle de toutes ces personnages dans le système sociopolitique archaïque :
« Se ora, a conclusione delle considerazioni sin qui fatte, torniamo alla
lista dei demiourgoi enunciata da Eumeo ad Antinoo, possiamo constatare
una singolare corrispondenza tra le professioni stesse e le funzioni che la
tradizione epica assegna alla poesia. Indovino, medico, carpentiere e aedo
sono chiaramente professioni autonome e distinte, ma mantica, iatrice e
carpenteria in quanto funzioni della poesia sembrano costituire un com
plesso solidale. »
Callimaque, qui bénéficiait à Alexandrie des faveurs de Ptolémée
Philadelphe (situation que les poètes romains pouvaient juger compara
ble à la leur), ne refusait pas lui non plus cette solidarité du monarque et
du poète, en rappelant qu'elle dépend des attributs et pouvoirs du dieu
Apollon : « Personne qu'Apollon n'a tant d'arts en sa main, i l a dans son
lot et l'archer et l'aède - car l'arc est son bien, et le chant aussi. À lui pro
phetesses et devins ; et de Phoibos aussi les médecins tiennent la science de
19
retarder la mort » (Hymne à Apollon, 42-46).
À Rome même, à l'époque augustéenne, la coopération du prince et du
poète dans la production artistique et la création poétique est d'abord située
sur un plan extérieur à la genèse du poème ; le prince ou le mécène sont des
destinateurs réels qui participent concrètement et matériellement à l'activité
artistique, soit comme commanditaires ou conseillers qui poussent le poète
à traiter tel ou tel thème, à choisir tel ou tel genre poétique, soit comme
hommes de pouvoir qui, par leur action, ont favorisé l'établissement de la
pax impériale et offert aux poètes les conditions matérielles ou spirituelles
propices à la création poétique.
LOde 3, 4 d'Horace fournit une illustration typique de cet idéal hésio-
dique de coopération pacifique entre le poète et le prince. Dans une sorte
de réécriture de la scène fameuse de la Théogonie, le poète rapporte, sous la
fiction d'un songe, sa propre élection par les Camènes de Daunie. Un jour
qu'enfant il s'était endormi dans les montagnes de son Apulie, des colombes
vinrent le couvrir de laurier et de myrte, ces feuillages divins des poètes :
18. BERTOLINI E, «Odisseo aedo, Omero carpentiere: «Odissea» 17.384-85», Lexis2, 1988, p. 145-
164.
19. La traduction est de E. Cahen, CUF.
289
ALAINDEREMETZ
20. Pour cette traduction d'un texte très controversé nous avons choisi de suivre une nouvelle fois
l'édition de Villeneuve déjà citée.
21. Voir aussi: Y Ode 3, 25: «Où m'entraînes-tu, Bacchus, tout plein de toi? dans quels bois, dans
quelles grottes m'emporte l'essor d'une inspiration nouvelle ? de quels antres serai-je entendu,
m'essayant à placer la gloire immortelle du grand César parmi les astres. »
290
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A DANS L'ŒUVRE DE VIRGILE
22. Contrairement à l'interprétation commune, nous proposons de faire de la suite du poème le chant
même des Muses : tel qu'il est placé ce chant est le lene consilium dont il est question juste avant.
En outre, en procédant ainsi, Horace imite le début de la Théogonie d'Hésiode qui met le récit
théogonique dans la bouche des Muses, imitation d'autant plus vraisemblable qu'elle poursuit celle
de la scène de l'élection.
23. La traduction est d'A. Bourgery, CUF, 1962.
24. Suétone et Vacca, dont on peut lire la biographie sur Lucain dans la RE., col. 2234 (Marx).
291
ALAINDEREMETZ
réutilisation. Quelques années plus tard, Pline l'Ancien, alors qu'il aborde
un genre nouveau, ne se comporte pas différemment : dans sa dédicace à
Titus, il reprend, en lui donnant un tour juridique, la thématique poétique
de l'éloge de l'empereur et pare le jeune prince du double titre de patronus
et de iudex, de protecteur qui communique avec le divin et de savant dont
le génie sans limite fait un juge idéal du mérite de l'écrivain.
Par ces deux exemples, on voit donc que l'instauration à Rome du pou
voir impérial, que renforce le culte de la personne de l'empereur, favorise
la réutilisation adaptée du motif hésiodique. La relation du roi et du poète
est celle qui lie Jupiter à Apollon, ce dernier révélant l'ordre du monde dont
le premier est le garant; le roi connaît lui aussi les secrets du monde, les
causes profondes des événements, et le poète, à côté de lui, est son exégète,
qui parle en son nom.
292
Quatrième partie
Bernard M I N E O
1. On trouvera une définition plus précise de la res publica restituta dans l'introduction générale de ce
volume.
295
BERNARD MINEO
2. Sur la datation de l'œuvre, cf. MINEO B., Tite-Live et l'histoire de Rome, Paris, 2006, p. 12-14.
3. Dion Cassius (LUI, 16, 7) prétend qu'Auguste avait souhaité être appelé Romulus.
4. MINEO, op. cit., p. 222-241.
5. Lrv. V, 49, 7.
6. MINEO, op. cit., p. 235.
7. Horace, I, 2, 50 : hic ames dici pater atque princeps.
8. VII, 1, 9-10 : « Il se montra véritablement exceptionnel en toute situation et fut le premier citoyen
de Rome en temps de paix comme en temps de guerre avant d'être exilé. Son prestige grandit encore
avec son exil en raison du regret qu'éprouva la cité lorsqu'elle implora son secours en son absence;
il grandit également à cause du bonheur avec lequel une fois rétabli dans ses droits dans sa patrie, il
rétablit cette même patrie dans ses droits. Il fut ensuite pendant 25 ans - telle fut en effet après ces
événements la durée de sa vie - à la hauteur de ce qu'annonçait une si haute gloire et parut digne
d'être tenu pour le deuxième fondateur de Rome après Romulus. » On pourrait encore citer cet
296
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A LP/IENNE: UN PARI SUR LAVENIR
autre passage (Liv. III, 20,1) faisant écho à la Res publica restituta, où la fermeté du discours du
consul L. Quinctius Cincinnatus laisse espérer la fin des bouleversements politiques induits par
les meneurs de la plèbe, de sorte que les Patriciens se prennent à penser que Tordre institutionnel
est rétabli (erecti patres restitutam credebant Rem publicam).
9. Res Gestae, 34 : « C'est par mon autorité que je fus au-dessus de tout le monde, mais je n'eus pas
plus de pouvoir que tous ceux qui furent mes collègues dans l'ensemble des magistratures qu'il me
revint d'exercer. »
10. Lrv. I, 7, 8 (Trad. J. BAILLET).
11. VI, 6, 6-7.
12. Lrv. VI, 6, 6-9.
297
BERNARD MINEO
298
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A LMENNE: UN PARI SUR LAVENIR
299
BERNARD MINEO
300
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A LIVIENNE: UN PARI SUR L'AVENIR
301
BERNARD MINEO
nouvelle pour Rome, cela ne signifie pas pour autant quii faille voir dans le
projet livien l'œuvre d'un thuriféraire ou d'un panégyriste. Certains indices
suggèrent en effet la complexité de la posture de l'historien qui a pu crain
dre une dérive tyrannique du pouvoir, dès lors que celui-ci dépendait si
étroitement de Y auctoritas d'un seul individu. Au demeurant, en proposant
de la sorte, à travers le personnage de Camille, un modèle de comportement
politique idéal, Tite-Live n'a-t-il pas aussi voulu prendre le princeps au mot
et l'inviter à ne pas sortir du cadre politique dessiné par ses premières mesu
res et qui allaient dans le sens d'une Res publica restitutaì
Or le Livre V I présente un récit des plus révélateurs à cet égard. Il s'agit
de la relation des menées révolutionnaires de M . Manlius Capitolinus, un
épisode où le sauveur du Capitole nous est dépeint à l'instar d'un déma
gogue entretenant l'agitation parmi la plèbe à propos du problème de la
31
dette .
La situation historique et narrative des événements décrits rend le pas
sage particulièrement éclairant pour notre propos, puisque cette crise poli
tique intervient plusieurs années après l'épisode de la Prise de Rome par les
Gaulois, alors que Camille et Capitolinus jouissent tous deux à Rome du
prestige que leur vaut le fait d'avoir contribué de façon providentielle au
salut de la cité, l'un en empêchant le paiement de la rançon aux Gaulois
et en les écrasant ensuite militairement, l'autre en repoussant l'assaut des
mêmes envahisseurs sur le Capitole. La position politique des deux person
nages pendant cette période, n'est donc pas sans présenter certaines analo
gies avec la position du princeps à Rome après Actium. Si l'on songe que le
32
Livre V I a été rédigé probablement autour de 25 av. J.-C. , on comprend
que ces ressemblances ne sauraient être fortuites, mais constituent plus
probablement la traduction narrative de la réflexion livienne sur le rôle du
prince au sein de l'État.
Le fait le plus important de cet ensemble narratif tient en particulier
à la construction en contrepoint des deux personnages de Camille et de
Manlius Capitolinus, comme si Tite-Live entendait projeter dans son récit
les deux voies susceptibles d'être suivies par des hommes politiques de cette
envergure.
Pour la période qui précède le récit dans lequel interviendra Capitolinus,
le vainqueur de Brennus nous est en effet dépeint paré de toutes les qualités
augustéennes qui lui ont été reconnues au Livre V. On a déjà vu comment
le consensus s'était naturellement formé autour du personnage au moment
de la guerre contre Antium. L'épisode permettait de mettre en valeur la
33
modestie politique de Camille , lequel n'ayant aucunement recherché de
31. Sur cette mise en scène de la résurgence progressive de la discorde après la réconciliation nationale
qui avait suivi la renaissance de Rome après l'épisode gaulois, cf. MINEO, op. cit., p. 244 sq.
32. D'après RG. WVLSH, Tite-Live écrivait une moyenne de trois livres par an. Or la rédaction de
YAb Vrbe condita a dû commencer en 27 av. J.-C. (MINEO, op. cit., p. 13).
33. V I , 6-8.
302
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A LIVIENNE: UN PARI SUR LAVENIR
303
BERNARD MINEO
sujet, cf. CHASSIGNET M., « La «construction» des aspirants à la tyrannie : Sp. Cassius, Sp. Maelius
et Manlius Capitolinus», Coudry M., Spath Th. (dir.), L'invention des grands hommes de la Rome
antique. Actes du colloque du Collegium Beatus Rhenanus, 2001, p. 86-96). Outre une biblio
graphie fort utile {ibid. p. 94-96), on y trouvera une analyse suggérant l'importance de la tradition
annalistique pro-sénatoriale dans l'élaboration des troisfigures.Tout en rappelant l'importance de
l'épisode des Gracques, celui de Livius Drusus et de Catilina dans l'élaboration de ces épisodes,
M. CHASSIGNET, à la suite d'A. "VALVO (« Le vicende del 44-43 a. C. nella tradizione intorno di
Livio et Dionigi su Sp. Melio», CISA 3, 1975, p. 157-183) et de R PANITSCHEK, («Sp. Cassius,
Sp. Maelius, M. Manlius als exempla maiorum», Philologus 133, 1989, p. 231-241), met en évi
dence l'influence déterminante des événements survenus entre 63 et 44 av. J.-C. dans la formation
de ces récits (l'affaire Catilina, la proposition de loi agraire faite par César en 59 dont la loi de
Cassius serait le reflet) et souligne en particulier le fait qu'il n'existe aucune preuve formelle, avant
Cicéron, de la constitution du triptyque Sp. Cassius, Sp. Maelius et Manlius Capitolinus. Selon
S. P. OAKLEY, (A Commentary on Livy, Books, VI-X, vol. I, Oxford, 1997, p. 476-493) le noyau his
torique du récit de Manlius se limitait à l'histoire de la condamnation du personnage pour atteinte
à la liberté : le détail du récit livien serait le fruit d'une élaboration tardive, en partie livienne.
42. V I , 11, 19.
304
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A LP/IENNE: UN PARI SUR LAVENIR
305
BERNARD MINEO
titre de princeps iuuentutis. En 2 av. J.-C, Lucius reçut les mêmes honneurs
que son frère.
Est-il donc possible de retrouver dans YAb Vrbe Condita des traces d'une
possible désillusion politique suscitée par cette évolution du régime?Tite-
Live a-t-il eu à un moment où à un autre le sentiment que l'esprit de la Res
publica restituta avaitfinalementdisparu ?
Il est impossible de pouvoir atteindre sur ce point quelque certitude que
ce soit, compte tenu de ce que nous avons perdu toute la deuxième moitié
de l'ouvrage de notre auteur. Nous nous contenterons donc de suggérer des
pistes de réflexion par ces quelques remarques.
On notera tout d'abord qu'il ne se rencontre aucune manifestation de
froideur de Tite-Live à l'égard de l'empereur dans toute l'œuvre. Signe de
prudence ? C'est possible. Mais cette interprétation ne rendrait pas compte
des multiples marques d'adhésion, au moins ponctuelles, du Padouan, à
l'égard de la politique du prince.
Ainsi, au Livre IV, les qualités de templorum omnium conditorem ac
restitutorem que Tite-Live reconnaît à Auguste dans le passage relatif aux
46
dépouilles opimes de Cossus sont indubitablement positives, et tendent
même légèrement à l'hyperbole.
Au Livre IX, probablement rédigé autour de 20, l'enthousiasme de Tite-
Live ne s'est pas démenti, puisqu'on le voit conclure son fameux excursus
sur Alexandre par l'évocation enthousiaste de la concordia qui prévaut de
son temps : « Le soldat romain a repoussé et repoussera mille armées plus
dangereuses que celles des Macédoniens et d'Alexandre, pourvu que durent
cet amour de la paix et ce souci de la concorde civile que nous connaissons
47
aujourd'hui . » Cet indice de l'adhésion livienne à la politique augustéenne
est au reste d'autant plus significatif que rien dans le contexte n'obligeait
l'auteur à faire une allusion aussi explicite à son époque.
Au Livre XXVII, Tite-Live s'est attaché à faire de l'année 207 le point
d'inversion de la tendance ascendante initiée aux lendemains de la prise
de Rome par les Gaulois. I l y est parvenu en établissant notamment des
liens analogiques entre la grande cérémonie expiatoire de 207 et les Jeux
48
séculaires de 17, en insistant sur le symbolisme du destin , en faisant
de la bataille du Métaure le moment précis qui permet le passage d'une
tendance historique à une autre, puisque, en effet, le récit livien souligne
49
comment cette victoire fit disparaître le metus hostilis . La mise au point
de l'ensemble de ce dispositif narratif complexe, dont la dispositio s'ap
plique à une grande partie du Livre XXVII, suggère donc que Tite-Live
n'a toujours pas renoncé à son projet initial qui visait à faire du principat
le point de référence idéologique de l'œuvre, puisque cette année 207 se
306
LA R E S P U B L I C A R E S T I T U T A LIVIENNE: UN PARI SUR LAVENIR
50. Sur les problèmes chronologiques des cycles liviens, Cf. MINEO, op. cit., p. 84-108.
51. Lrv. XXVIII, 12, 12 : Itaque ergo prima Romanis inita prouinciarum, quae quidem continentis
postrema omnium nostra demum aetate ductu auspicioque Augusti Caesaris perdomita est.
52. MINEO, op. cit., p. 117-124, p. 335-336.
53. SUÉTONE, Claude, 41,1: Historiam in adulescentiam hortante T. Liuto, Sulpicio uero Fauo et
adiuante, scribere adgressus est.
307
BERNARD MINEO
torien a partagé le même espoir que ses contemporains, celui d'un retour
à la paix civile et à la prospérité. Tite-Live a fait le pari de la réussite de
l'entreprise augustéenne, non sans s'inquiéter des possibles dérives d'un
pouvoir si dépendant de Xauctoritas du prince. Le Padouan reconnaît que
la direction générale est la bonne et apporte sa caution. Mais cela ne l'em
pêche pas d'attirer l'attention du prince sur la nécessité de persévérer dans
l'esprit qui avait inspiré ses initiatives dans les années 20. Il l'invite à être un
nouveau Camille, tout disposé à s'effacer lorsque l'on n'aurait plus besoin de
lui. On sait cependant qu'au lieu d'agir comme l'avait fait sa préfiguration
républicaine, le prince avait fini par donner une dimension dynastique au
nouveau pouvoir. Rien ne laisse néanmoins penser sérieusement que l'his
torien lui en tint rigueur, du moins ouvertement. Après tout Tite-Live avait
peut-être fini par trouver que la présence du prince restait nécessaire pour
parachever et consolider la paix civile, la restauration morale et religieuse:
n'avait-il pas fallu plusieurs rois avant que l'avènement de la République fut
rendu possible ? Tout semblait devoir être préféré au retour de la discorde.
Et c'est peut-être parce que le maintien d'une apparence de consensus autour
du prince offrait à Rome cette assurance contre la discordia que l'historien,
soucieux par-dessus tout de concorde civile, avait fini par goûter aux fruits
de la paix augustéenne au point d'en oublier ou de faire taire sa nostalgie
pour l'ancienne république.
308
Sed aliorum exitus, simul cetera illius aetatis,
memorabo {Ann. III, 24, 2). y
!
E n III, 2 4 , signalant le retour à Rome de D . Iunius Silanus, Tacite
rappelle les mesures qu'Auguste prit contre cet homme, qui avait été accusé
d'adultère avec sa petite-fille Julie, Il annonce alors son intention d'écrire
un jour sur l'époque d'Auguste: Sed aliorum exitus, simul cetera illius aetat
memorabo, si, effectis in quae tetendi, plures ad curas uitam produxero («
je raconterai la fin des autres coupables avec tous les événements de cette
époque, si, après avoir réalisé le dessein que je me suis fixé, je peux pro
longer ma vie pour des tâches nouvelles»). Dans un premier temps, nous
nous attarderons sur l'épisode qui suscite cette déclaration. Nous élargirons
ensuite nos observations aux mentions d'Auguste en I-III. Nous réserve
rons toutefois pour une troisième partie les quinze premiers chapitres des
2
Annales* ceux dans lesquels, conformément à ce qu'annonce la préface ,
la personnalité d'Auguste est davantage présente. De façon générale, nous
n'envisagerons pas en termes de «défavorable» ou de «favorable» l'opinion
qu'avait Tacite d'Auguste, mais nous essaierons de déterminer ce que repré
sentait à ses yeux, en termes d'histoire politique, l'action de ce dernier.
1. En l'absence de précision, les références renvoient aux Annales de Tacite ; les traductions sont celles
de la CUF, parfois légèrement modifiées.
2. 1,1,3 inde consilium mihipauca de Augusto et extrema tradere (« De là mon dessein de consacrer p
de mots à Auguste et seulement à safin»).
309
OLIVIER DEVILLERS
3
de Iunia, celui-ci consacre la mort et l'enterrement de la République . Le
régime instauré par Auguste s'installe définitivement, ce qui favorise une
prise de conscience de l'intérêt que revêt l'époque augustéenne.
Un second motif ressortit à la valeur exemplaire de l'événement lui-
même. En III, 24, 2, Tacite écrit: ut ualida diuo Augusto in rem publicum
fortuna, ita domi improspera fuit (« si la fortune aida le divin Auguste à
exercer sa mainmise sur l'État, elle se montra défavorable dans sa maison »).
Le chiasme souligne l'existence de deux pôles, l'un collectif et relatif à l'État
(rem publicum), l'autre privé et familial (domi). La suite du passage montre
4
ces deux pôles en interaction, puisque l'élément privé détermine l'action
publique d'Auguste, y compris dans son rapport à la tradition antérieure:
clementium muiorum suusque ipse leges egrediebutur (« il dépassait les l
fixées par la clémence des ancêtres et par ses propres lois »). Cette interaction
se poursuit au-delà de son règne dans la mesure où Tibère conserve envers
Silanus les sentiments de son prédécesseur, dont, précise-t-il, la volonté
n'a pas été détruite (III, 24, 4). Le parcours de Silanus permet donc aussi
d'observer la gestion de l'héritage politique d'Auguste.
Par ailleurs, Silanus appartient à la classe sociale la plus élevée. Tacite,
5
historien sénatorial , est sensible aux malheurs de celle-ci, comme l'ijidi-
quent d'emblée les mots inlustrium domuum aduersu «les revers d'illustres y
6
maisons» (III, 24, l ) . En l'occurrence, Silanus, bien qu'Auguste ne lui
7
ait rien signifié de plus qu'une renuntutio umicitiue comprend qu'on lui y
indique l'exil (III, 24, 3). Cette nécessité d'interpréter la parole du prince
est le symptôme d'une dégradation de la communication entre celui-ci
et les élites. Un flou subsiste du reste à cet égard : si Auguste est à l'ori
gine d'une renuntiutio umicitiue interprétée comme un exil, c'est pourtant,
après la mort de celui-ci, à la fois l'empereur et le Sénat qu'implore Silanus
(III, 24, 3). De même, lorsque ce dernier adresse ses remerciements devant
les sénateurs (III, 24, 4 putribus corum)> Tibère lui-même répond, tout
en semblant envisager le point de vue du Sénat, puisqu'il rappelle que ce
personnage n'avait été banni ni par un sénatus-consulte ni par une loi.
La fin du texte, qui apprend que, si Silanus resta par la suite à Rome, il
ne parvint jamais aux honneurs (III, 24, 4), maintient l'ambiguïté, puis
que semble dépendre de Tibère une mesure qui dépend en fait de ceux
qui élisent les magistrats, à savoir, depuis Tibère, les sénateurs. Dans le
même sens, il y a insistance sur la façon dont Auguste s'approprie les lois
3. GINGRAS M.T., « Annalistic Format, Tacitcan Themes and the Obituaries of Annab 3», C] 87,
1991-1992, p. 241 et p. 249.
4. Cf. III, 24,2 impudicitiamfiliaeac neptis\ 24,3 in nepti Augusti adulter.
5. Spec. SYME R., «The Senator as Historian », Histoire et historiens dans l'Antiquité (Entretiens sur
l'Antiquité dassique 4), Genève 1958, p. 187-201.
6. Aussi III, 24,2 casus. Auguste est vu comme une instance qui dispense un châtiment, exil ou mort
(24,2 morte autfugapuniuit; 24,3 saeuitum), et pèse sur la société (24,2 graut).
7. Sur cette pratique, ROGERS R.S., «The Emperor's Displeasure - amicitiam renuntiare», TAPhA 90,
1959, p. 224-237.
310
LE RÈGNE D'AUGUSTE ET LE PROJET HISTORIOGRAPHIQUE DE TACITE
8
(III, 24,2 suasque ipse leges, « ses propres lois ») . On relève également com
ment une appellation ancienne a été récupérée et dotée d'une signification
nouvelle: culpam inter uiros acfeminas uulgatam graui nomine laesar
religionum ac uiolatae maiestatis appellando (III, 24, 2 «en donnant à u
faute si répandue parmi les hommes et les femmes les noms accablants de
9
sacrilège et de lèse-majesté») .
En somme, l'épisode réunit un grand nombre de thématiques suscep
tibles d'être articulées en une réflexion de type historico-politique sur le
régime augustéen. La plupart de ces aspects se retrouvent en filigrane des
références à Auguste en An., I-III.
8. Aussi III, 2 4 , 4 iure... lege. On entrevoit en outre les conséquences de son action dans le domaine
de la religion ( 1 1 1 , 2 4 , 2 ) .
9. On relève une autre subtilité sémantique dans la façon dont libère qualifie par les mots peregrina-
Hone longinqua (III, 2 4 , 4 ) l'absence de D. Silanus. Ainsi, l'exil de ce demier est dit renuntiation
amicitiae par le premier empereur et «long voyage» par son successeur: dans les deux cas, il y a
volonté de travestir la réalité.
10. Cf. H.y 1 , 1 , 1 omnem potentiam ad unum conferri pacis interfuit (« il fallut, dans l'intérêt de la paix,
concentrer tout le pouvoir sur un seul homme ») ; pour ce qui est de la paix apportée par Auguste,
aussi III, 7 5 , 1 pacts decora. Cf. Luc, I, 6 7 0 cum domino pax Uta uenit. Sur le lien entre empire
et paix (sécurité), par ex. Ducos M., «La liberté chez Tacite: droits de l'individu ou conduite
individuelle», BAGB, 1977, p. 1 9 9 - 2 0 0 ; D'ELIA S., «L'evoluzione della storiografia tacitiana»,
RAAN54,1979, p. 40-41 ; HAVAS L., «Éléments du biologisme dans la conception historique de
Tacite», ANRWll 3 3 , 4 , 1 9 9 1 , p. 2 9 7 4 - 2 9 7 5 .
1 1 . L'association entre Principat et absence de liberté est manifeste dans les mots qui suivent: acriora
exeo uincla (III, 2 8 , 3 «dès lors, les contraintes furent plus fortes»).
311
OLIVIER DEVILLERS
rumeur voulait d'ailleurs que Drusus I ait été supprimé pour avoir songé à
la rétablir (II, 82, 2).
Par ailleurs, s'il ne manque pas de rappeler les vicissitudes de la mai
12
son d'Auguste , Tacite s'attache tout autant au souci de ce dernier de
constituer une dynastie. L'idée d'une chaîne de succession apparaît lors
qu'il évoque la puissance tribunicienne, conférée d'abord à Agrippa,
ensuite à Tibère (ne successor in incertoforet,« pour ne laisser aucune incer
titude sur son successeur»), puis demandée par ce dernier pour Drusus II
l3
(III, 56, 1-3) . De même, lors des funérailles de Drusus I, la présence des
images à la fois des Claudii et des Iulii est l'indice d'une intention dynasti
14
que . L'appartenance à la famille impériale devient alors une justification à
diverses revendications. On songe à Agrippine I qui ne manque pas de sou
l5
ligner qu'elle descend d'Auguste (1,40,3) , à son époux Germanicus, pour
16
qui cette union constitute un atout , à la tentative d'un pseudo-Postumus
17 18
Agrippa (II, 39-40) ou aux espoirs de Libo Drusus (II, 27, 2) .
Après sa mort, Auguste devient en outre une référence pour les membres
19 2 0
de sa dynastie, au premier chef pour Tibère , mais aussi pour Germanicus
21 2 2
et pour Drusus I I . Si les passages qui y font écho apportent un éclairage
sur celui qui prend position par rapport au modèle augustéen, en particulier
12. Mort des petits-fils (II, 42,3; III, 6,2; 19,3), de Drusus I, de Marcellus (II, 41,3), adultères des
Iulia (I, 53; III, 18, 1), antagonisme entre C . Caesar et Tibère, contraint de se retirer à Rhodes
(I, 53,1 ; II, 42, 2; III, 48,1-2)...
13. Autre enumeration «dynastique» à propos des Augustaux, I, 54,1 Tiberius Drususque et Claudius
et Germanicus adiciuntur.
14. GINGRAS, «Annalistic Format», art. cit., p. 247.
15. Lors du retour des cendres de Germanicus, la foule appelle la même Agrippine I solum Augusti
sanguinem (III, 4, 2 «le vrai sang d'Auguste»); cf. II, 71, 4 (propos de Germanicus mourant à
ses amis) ostenditepopulo Romano diui Augusti neptem (« montrez au peuple Romain la petite-fille
du divin Auguste»). Lorsqu'elle embarque avec les cendres de Germanicus, elle est dite nobilitate
princeps (II, 75, 1 «la première par la naissance»).
16. I, 33, 1, au moment de la mutinerie en Germanie; II, 43, 5, dans l'optique d'une rivalité avec
Drusus II ; 53, 2, lorsqu'il arrive en Orient.
17. Sur la signification de cet épisode dans l'optique d'une réflexion taci tienne sur la légitimité dynas
tique, DEVILLERS O. et HURLET Fr., « La portée des impostures dans les Annales de Tacite. La
légitimité impériale à l'épreuve», GIUA M.-A. (dir.), Ripensando Tacito (e RonaldSyme). Storia e
storiografia, Pise, 2007, p. 133-152.
18. Aussi III, 23, 1 : Aemilia Lepida, accusée sous divers griefs, suscite l'apitoiement lorsque la foule
se rappelle qu'elle a jadis été destinée comme bru à Auguste.
19. I, 72, 3 ; 77, 3 neque fas Tiberio infingere dicta eius (« et Tibère jugeait sacrilège d'enfreindre ses
paroles ») ; II, 49,1 ; 59,2 ; III, 54,2 ; 56,3-4 ; 71,2. Sans qu'il y ait utilisation d'Auguste comme
modèle, la référence à celui-ci peut apparaître comme une garantie, ainsi lorsque Tibère rappelle
que Pison, qu'il a envoyé en Orient où il entra en conflit avec Germanicus, a été le lieutenant ou
l'ami de son père (III, 12,1) ; cf. aussi IV, 37,3-5 ; VI, 46, 2.
20. I, 34,4 ; 42, 3 et 43, 3. Aussi II, 22,1, Augustefigureà côté de Mars et de Jupiter comme dédi-
cataire du monument érigé après la victoire sur les Germains; 53, 2, visite du site de la bataille
d'Actium.
21. III, 34,6, à propos des femmes des gouverneurs de province. Hors dynastie, l'action d'Auguste sen
aussi de référence: un de ses décretsfigureparmi les mérites dont la cité de Stratonice se prévaut
auprès du Sénat (III, 62,2) ; aussi 1,8, 3.
22. Proches de cette catégorie, les honneurs rendus à Auguste au sein de sa propre famille : 1,73,3 : II,
41,1. On retient aussi la dimension dynastique des honneurs à Germanicus; II, 83, 1 neue quis
flamen aut augur in locum Germanici nisigentis Iuiiae crearetur (« nul ne remplacerait Germanic
commeflamineou augure s'il n'appartenait à la famille Julia»).
312
LE RÈGNE D'AUGUSTE ET LE PROJET HISTORIOGRAPHIQUE DE TACITE
23
sur Tibère , ils reflètent aussi l'emprise qu'a exercée Auguste sur la société
24
à travers la pérennisation de son action par ses successeurs .
23. On retient pour l'essentiel trois cas defigures.Γ La référence à Auguste paraît justifier de sombres
desseins. Ainsi, en III, 6, 2, le rappel par Tibère de la façon dont Auguste avait chassé la tristesse
après la mort de ses petits-fils explique l'absence de chagrin dont lui-même fait preuve lors des
funérailles de Germanicus. En III, 18,1, le fait qu'il invoque les cas de Marc Antoine et de Iullus
Antonius pour ne pas rayer le nom de Pison des fastes sonne comme une forme de complaisance
envers la famille de ce dernier. En III, 68, 1, durant le procès de C . Silanus, il lit un mémoire
d'Auguste sur Voles us Messalla afin de mieux faire accepter, sous couvert de ce précédent, les
mesures qu'il préparait contre l'accusé. 2° La référence à Auguste tourne à la confusion de Tibère,
inférieur à son prédécesseur. Ainsi, en 1,46, 3, le peuple note qu'Auguste visita plusieurs fois les
Germanies, alors que libère laissait Germanicus y régler la situation. En 1,54,2, Auguste apparaît
plus complaisant que Tibère envers les spectacles scéniques, idée qui revient à propos des spectacles
de gladiateurs (1,76,4). En III, 5,1 les funérailles de Germanicus font pâlefigureà côté de celles
de Drusus I, jadis organisées par Auguste. Il vaut la peine de noter que ces comparaisons, toutes
e
favorables à Auguste, sont formulées comme des opinions prêtées au peuple. 3 La comparaison
avec Auguste peut se retourner contre Tibère. En III, 29, 1, Tibère demande aux sénateurs un
certain nombre de privilèges de carrière pour Néron, lefilsde Germanicus, une requête qui ne va
pas sans provoquer des rires ; Tibère alléguait toutefois que pareille demande avait en son temps été
formulée par Auguste pour lui-même et pour son frère. Là intervient une remarque de l'historien ;
il ne doute pas qu'il y eut alors des gens pour railler en secret de telles prières. Tibère joue la carte
de la continuité avec Auguste, mais rien ne dit que ce dernier n'ait pas déjà lui-même prêté le flanc
à la critique. Dès lors, ce qui est recherché comme une continuité dans la légitimité s'avère une
continuité dans le ridicule (III, 29,1 inrisu; 2 inluderent). Ou encore, de façon peu flatteuse pour
les deux hommes, la foule voit une analogie entre la façon dont Tibère aurait éliminé Germanicus
et le sort qu'aurait réservé Auguste à Drusus I.
24. On a ainsi parlé pour le Claude des Annales d'une Augustusthematik : la récurrence de ses références
au fondateur du Principat a pour effet de démontrer son incapacité à égaler son modèle ; SEIF K.P.,
Die Claudiusbücher in den Annalen des Tacitus, Mayence, 1973, p. 259-262.
25. Aussi IV, 21,3.
26. Il y a en outre suggestion d'avarice; III, 25,1 augendo aerano («pour accroître le trésor public»).
313
OLIVIER DEVILLERS
27. La comparaison entre les deux hommes, que séparaient plus de douze ans, a semblé artificielle et
anachronique; GINGRAS, «Annalistic Format», art. cit., p. 255.
28. Cf. dans ce volume HURLET Fr., « L'aristocratie augustéenne et la Res publica restituta».
314
LE RÈGNE D'AUGUSTE ET LE PROJET HISTORIOGRAPHIQUE DE TACITE
couvert de la loi»). E n III, 29, 1, une entorse aux lois est en relation avec
des motifs dynastiques : Tibère n'agit pas autrement qu'Auguste avant lui
en demandant que Néron, fils de Germanicus, obtienne la questure cinq
ans avant l'âge légal.
Pour ce qui est de la religion, un discours prêté à Servius Magulinensis
rend compte du fait que le grand pontife est l'empereur (III, 58, 3), ce qui
remonte à Auguste (12 ap. J . - C ) . La divinisation de ce dernier fait en outre
qu'il reste présent dans la cité: création des Augustaux (I, 54, 1 ; II, 83, 1)
31
et organisation de jeux Augustaux (I, 54, 2) , adorateurs d'Auguste qui
forment dans toutes les maisons une sorte de confrérie (1,73,2), permission
3 2
de lui élever un temple accordée aux Espagnols (I, 78, l ) . . . Les deux
premières accusations de majesté se font au nom de sa divinité (I, 73,2), un
grief qui revient à propos de Granius Marcellus (1,74,3), d'Appuleia Varilla
(II, 50, 1-2) et de C . Silanus (III, 66, 1). O n citera aussi la dédicace de
statues à Bovillae (II, 41, 1) et près du théâtre de Marcellus (III, 66, 2).
Les initiatives d'Auguste deviennent également le pivot de lg politique
extérieure. Le résumé des affaires parthes et arméniennes, en II, 1-4, insiste
sur le rôle qu'il a joué en tant qu'interlocuteur privilégié des rois de ces
régions. E n I I , 4, 1, en particulier, les mots deinde iussu Augusti impositu
Artauasdes et non sine clade nostra deiectus (« ensuite un ordre d'August
leur imposa Artavasdès, qui, non sans dommage pour nous, fut renversé»),
indiquent que les Romains paient collectivement (nostra clade) le prix d'une
01
décision prise par l'empereur (iussu Augusti) \ L'évocation des dispositions
29. O n se demandera s'il n'y a pas malice à juxtaposer le rappel des adultères des Julies et la digression
sur la lex Papia Poppaea* loi instaurée par Auguste qui concernait le mariage.
30. Sur les idées développées par Tacite dans l'excursus, H E I L M A N N W . , « Die Eigenart der Tadteischen
Vorstellung von der Urzeit in ann. 3, 26», Gymnasium 107, 2000, p. 409-424.
31. Aussi présence des Augustaux lors de supplications et de jeux pour la santé de Livie (III, 64,3-4).
32. De même, les Cretois revendiquent pour eux une statue du divin Auguste (III, 63, 4). O u
encore, c'est au nom de l'ancienne opposition d'Athènes au diuus Augustus que Pison estime que
Germanicus aurait dû en traiter les habitants avec moins d'affabilité (II, 55, 1).
33. Aussi II, 1,2 Phraates, quamquam depuUsset exercitus ducesque Romanos, cuncta uencrantium
ad Augustum uerterat (« Phraates, quoiqu'il eût chassé les armées romaines et leurs chefs, avait
tourné vers Auguste tous les hommages du respect» ; rappel de ce pacte en II, 58,1) ; 2,1 magnifi-
cum idsibi credidit Caesar auxitque opibus («cette démarche parut flatteuse à César, qui le combla
de richesses »), phrase dans laquelle le id reprend le fait que les Parthes envoient une ambassade
à Rome, ce qu'Auguste considère comme magnificum sibi (un écho aux RG, 33 est possible) ;
3, 2 datus a Caesare Armeniis Tigranes («Tìgrane donné aux Arméniens par César»).
315
OLIVIER DEVILLERS
34
prises en Thrace va dans le même sens . On se demandera aussi dans quelle
35
mesure la multiplication des rappels de la défaite de Varus n'a pas pour
effet de souligner la dimension personnelle et dynastique de campagnes en
36
Germanie que mènent des membres de la domus impériale . En tout cas,
Arminius lui-même se vante d'avoir remporté une victoire sur «Auguste
élevé au rang des dieux» (I, 59, 5).
Auguste est aussi plusieurs fois cité dans le récit des deux mutineries
37
que provoquent les craintes et les espoirs suscitées par le vide du pouvoir .
En Pannonie, notamment, les soldats reprochent à Drusus II de s'abriter
derrière Tibère comme jadis Tibère s'abritait derrière Auguste (I, 26, 2).
On rappelera aussi qu'à l'annonce de la mort d'Auguste, un esclave avait
conçu le projet d'enlever Agrippa Postumus pour le mener aux armées de
Germanie (II, 39, 1).
Pour ce qui est de la vie sociale, l'indulgence dont Auguste feit montre
38
envers les jeux (I, 54,2 ; 76,4) serait l'indice de son souci de nouer un lien
avec le peuple friand de tels spectacles (ainsi que le fera, à une vaste échelle,
Néron). Sa politique de constructions est également citée (II, 49,1).
On relèvera enfin le détournement des appellations traditionnelles: à
propos de la loi de majesté, nomen apud ueteres idem, sed alia in indicium
ueniebant (I, 72, 2 « nom qui existait chez les anciens, mais sous lequel
étaient englobées des accusations différentes») ; à propos de la puissance
tribunicienne, id summifastigi uocabulum Augustus repperit, ne regis aut
tatoris nomen adsumeretac tarnen appellatione aliqua cetera imperia p
34. II, 64, 2 Augustus partem Thraecum Rhescuporidi,firatrieius, partemfilsoCotyi permisit («Augu
donna une partie des Thraccs à son frère [= de Rhoemetalcès] Rhescuporis, l'autre à son fib
Cotys ») ; 64,3, sa mort suscite un regain d'activité anti-romaine, preuve que c'est à lui que les rois
se sentaient liés.
35. 1,43,1, dans le discours de Germanicus aux mutins, idée de venger cette défaite ; 55 rôle de Ségeste
(aussi 58, 2) ; 57, 2 participation de Ségimond et remords de ce dernier; 57, 5 récupération de
dépouilles de Varus ; 59,3 rappel de sa victoire par Arminius lui-même (aussi 65,4 ; II, 15,1 ; 45,
3-4) ; 60,3 récupération de l'aigle de la dix-neuvième légion (aussi II, 25,1-2 récupération d'une
autre aigle) ; 61-62 Germanicus sur le site de la bataille de Teutoburg; 65, 3 apparition de Varus
à Caecina; 71,1 pardon accordé au fib de Ségimer; II, 7,2-3 destruction du tombeau élevé aux
légions de Varus ; 41,1 dédicace d'un arc en l'honneur des enseignes perdues par Varus et recou
vrées par Germanicus ; 46,1 mention par Maroboduus ; 88,2-3 notice nécrologique sur Arminius
(référence implicite).
36. Cf. aussi 1,46,3 (la foule attend de Tibère qu'il y règle la situation, sur le modèle de ce qu'avait fait
Auguste, qui avait plusieurs fob visité ces régions) ; 50,1 Oes Germains sont plongés dans l'insou
ciance après la mon d'Auguste) ; 58,1 (c'est à travers le droit de cité que lui a conféré Auguste que
Ségeste envisage sa fidélité envers Rome) ; II, 22,1 (présence d'Auguste à côté de Mars et de Jupiter
comme dédicataire du monument érigé par Germanicus après sa victoire) ; 26,3 (Tibère indique
qu'il a été envoyé dans ces régions par Auguste). De même, Maroboduus évoque une résistance
aux légions de Tibère (II, 46,2), et non aux légions romaines.
37. En Pannonie, à la mort d'Auguste et à l'avènement de Tibère, le légat interrompt les exercices habi-
tueb, ce qui est à l'origine de la licence des soldats (I, 16, 1-2); de même, l'annonce de la mort
d'Auguste est à l'origine des troubles en Germanie (1,31,4). En Pannonie, les inquiétudes des soldats
quant aux conditions de leur service après Auguste interviennent (1,16,3); en Germanie, certains
réclament même l'argent légué par Auguste (1,35» 3). Enfin, le souvenir d'Auguste contribue à raison
ner les mutins : en Pannonie, le premier empereur est invoqué sur le même pied que les généraux du
passé (1,19,2) et en Germanie, c'est le soud pour la dynastie - incamée par Agrippine I et Caligula
quittant le camp - qui change les dispositions des soldats (1,41,2; aussi 42,1).
38. Aussi 1,77,3, Auguste était favorable à ce que les histrions fussent exemptés des verges.
316
LE RÈGNE D'AUGUSTE ET LE PROJET HISTORIOGRAPHIQUE DE TACITE
neret (III, 56,2 « tel fut le terme que pour le rang suprême choisit Auguste,
désireux de ne pas prendre le nom de roi ou de dictateur, mais de dominer
toutefois par quelque titre les autres pouvoirs»). Dans cette phrase, les
mots summifastigii pourraient faire écho à une formulation retenue par
39
Auguste lui-même et conservée dans la laudatio funebris d'Agrippa . Une
autre allusion indiquerait l'emprise du prince sur la société; soulignant
que les dépenses somptuaires, remarquables depuis Actium jusqu'à Galba,
ont connu un arrêt à partir de Vespasien, Tacite écrit: nostra quoque aetas
multa hudis etartium imitandaposteris tulit (III, 55, 5 « notre époque auss
a produit beaucoup de vertus et de talents clignes d'être imités par la pos
térité»), phrase qui a été considérée comme une réminiscence de RG, 8, 5
multarum rerum exempla imitanda posteris tradidi («j'ai transmis à la p
40
térité des exemples à imiter dans beaucoup de domaines ») . Derrière le
nostra aetas... tradidit des Annales, il faut reconnaître la première personne
tradidi des Res Gestae: l'époque s'identifie avec le prince.
39. GRAY E.W., «The Imperium of M. Agrippa. A Note on R Colon. Inv. Nr. 4701 », ZPE6,1970,
p. 228, n. 3, repris par KOENEN L., «Summum fastigium. Zu der Laudatio funebris des Augustus
(R Colon. Inv. Nr. 4701, Uff.)»,ZPE6,1970, p. 239.
40. URBAN R., « Tacitus und die Res gestae divi Augusti. Die Auseinandersetzung des Historikers mit
der offiziellen Darstellung», Gymnasium 86,1979, p. 69-70 (autre interprétation que celle qui est
proposée ici).
41. Aussi 1,1,1 cuncta discordiis ciuiUbusfessa(« le monde fatigué des discordes civiles ») ; 2,1 dukedine
otti («la douceur de la paix») ; tuta etpraesentia («la sécurité du présent»).
42. Aussi 1,4,2pauci bona libertatis in cassum disserere («quelques-uns exposent vainement les avan
tages de la liberté»).
317
OLIVIER DEVJLLERS
4 3 . Ces considérations dynastiques l'ont conduit à accélérer la carrière des siens contrairement aux
usages: ainsi Marcellus ( 1 , 3 , 1 ) et les princes de la jeunesse (I,3» 2 ) , voire Tibère ( 1 , 4 , 4 congesto*
iuueni consulates, mumphos, «lui [Tibère] qui avait été hargé dans sa jeunesse de consulats, de
triomphes»). Le recours à la tribuniciapotestas est bien noté dans ce contexte; sur celle-ci comme
signe du pouvoir impérial, aussi 1 , 3 , 3 (à propos de Tibère) consors tribuniciaepotestatis (« associé à
la puissance tribunicienne») ;7>3ne edictum quidem, quo patres in curiam uocabat, nisi tribunic
potestatis praescriptione posuit, sub Augusto acceptae («sur l'édit même par lequel il convoquait
sénateurs à la curie, il ne porta mention que de la puissance tribunicienne reçue sous Auguste»).
4 4 . Idée reprise en 1,3, 5 quopluribus munimentis insisterei (« pour s'appuyer sur plus d'un soutien ») ;
aussi 1 1 , 1 (propos de Tibère) se in partem curarum ab ilio uocatum («lui-même, appelé par ce
prince [Auguste] à assumer une partie des amures»).
4 5 . Ainsi I, 3 , 3 meurtre de Gaius par Livie, puis allusion générale à des intrigues de celle-ci ; 3 , 4
elle aurait dressé Auguste contre son seul petit-fils Agrippa Postumus; 4 , 5 impotentia; 5 , 1 elle
est soupçonnée d'un crime; 5, 2 mort suspecte de Fabius Maximus; 6 , 2 meurtre d'Agrippa
Postumus; 7 , 7 uxorium ambitum. Pour une réévaluation de la présentation de Livie chez Tacite
ainsi que des méthodes utilisées par l'historien, PERKINS C A , « Truth in Tacitus : The Case of Livia
Augusta», DEROUX C . (dir.), Studies in Latin Literature and Roman History XI, Bruxelles 2 0 0 3 ,
p. 4 1 9 - 4 2 7 .
4 6 . I, 3 , 1 integra etiam tum domo sua («bien que sa propre maison fut encore florissante»);
3 , 2 familiam Caesarum; 4 , 4 domo; 6 , 3 domus; 8 , 1 familiamIuliam...
4 7 . La volonté de Tibère de se conformer à Auguste est visible dans son souci de ne pas déroger au
nombre fixé de candidats à la preture dont l'empereur proclamerait les noms ( 1 , 1 4 , 3 ) . La première
invocation qu'il fait des ordres d'Auguste n'est pas moins présentée comme fallacieuse: il prétend
que le meurtre d'Agrippa Postumus a été ordonné par son prédécesseur ( 6 , 1 - 2 ) . De même, l'éloge
d'Auguste comme seul capable d'embrasser par son génie l'ensemble des affaires de l'État ( 1 1 , 1 )
figure dans un discours auquel est reconnu davantage de dignité que de franchise ( 1 1 , 2 ) .
4 8 . De façon plus générale BORGO Α . , «Augusto e l'istituzione del principato. Osservazioni a Tacito,
Ann. 1 , 1 - 1 0 » , Vichiana 15» 1986, p. 85, estime que l'hypocrisie délibère lorsqu'il prend le pou
voir trouve partiellement ses racines et sa justification dans l'attitude préalable d'Auguste.
318
LE RÈGNE D'AUGUSTE ET LE PROJET'HISTORIOGRAPHIQUE DE TACITE
Maximus (I, 5, 1). Dès lors, certains faits demeurent obscurs, aussi bien
pour les Romains de l'époque que pour l'historien : on ne sait si Tibère,
de retour d'Illyricum, trouva Auguste encore vivant (I, 5> 3) et l'on hésite
sur les noms des capaces imperii cités par l'empereur avant de mourir
(I, 13, 3). Une telle situation favorise la propagation de rumeurs: autour
de la la succession d'Auguste (I, 4, 2), d'une réconciliation avec Agrippa
Postumus (I, 5, 1-2), voire d'une élimination de Fabius Maximus, ce qui
rappelle la précarité de la position des élites.
Les premiers chapitres signalent d'ailleurs la disparition des préro
gatives de celles-ci : omnes, exuta aequalitate, iussa principis aspecta
(I, 4, 1 «tous, une fois rejetée l'égalité, attendaient les ordres du prince»).
Lors du meurtre d'Agrippa Postumus, quand Tibère semble tenté de saisir
de l'affaire le Sénat, qui en a dans un premier temps été tenu à l'écart, c'est
vraisemblablement en se fondant sur l'essence du régime tel qu'il a été
instauré par Auguste que Sallustius Crispus exhorte Livie à l'en dissuader:
neue Tiberius uim principatus resolueret cuncta ad Senatum uocando:
condicionem esse imperando ut non aliter ratio constet quam si uni red
(1,6,3 « afin que Tibère ne vînt pas à laisser se déliter l'essence du Principat
en renvoyant tout au Sénat; telle était la bonne règle du pouvoir impérial,
de ne rendre compte qu'à un seul »). Quant aux carrières possibles sous un
tel régime, elles sont une prime à la docilité, voire à la servilité: ceteri nobi-
lium, quanto quis seruitio promptior opibus et honoribus extollerentur (
« les nobles qui subsistaient recevaient, en fonction de leur empressement
à la servitude, richesses et dignités»). Les réflexions attribuées à Auguste
sur ceux qui, parmi les aristocrates romains, pourraient, et voudraient, lui
succéder (1,13,2) indiquent pourtant qu'à cette époque encore, on pouvait
envisager, même comme «cas de figure», un destin d'exception pour les
plus éminents parmi la noblesse.
Il n'empêche, en I, 2, 1, l'asyndète munta senatus, magistratuum, legu
in se trahere (« il tire à lui les attributions du Sénat, des magistrats, des
49
lois») traduit de manière frappante la personnalisation du pouvoir .
Les armées, auxquelles Auguste a présenté Tibère comme son successeur
50
(I, 3, 3)figurentparmi les piliers du régime (I, 6, 3 ) . En Germanie, les
opérations, mises en relation avec la défaite de Varus, ont des allures de
vendetta personnelle; la recherche d'un profit collectif ne semble pas y
entrer en considération (I, 3, 6 abolendae magis infamiae ob amissum cu
Quintilio Varo exercitum quam cupidine proferendi imperii aut dignum
praemium « [ces campagnes] visaient à effacer l'opprobre du désastre subi
y
49. Cf. BORGO, «Augusto e l'istituzione del principato», art. cit., p. 79 («si noti l'efficacia dell'asin
deto»).
50. Aussi 1,2,1 milium donis; 8,2 armée dans les legs d'Auguste (dans ces deux passages, on notera la
mention du peuple à côté de l'armée) ; 8,6 présence de la troupe lors des funérailles d'Auguste.
319
OLIVIER DEVILLERS
public (I, 10, 5 Liuia grauis in rem publicam mater, grauu domui nouerc
«Livie, mère fatale à l'État, marâtrefetaleà la dynastie», expression où l'on
54
relève une construction symétrique) , rôle de la paix (I, 9, 4 non aliud
discordantispatriae remedium, « il ne restait d'autre remède aux discordes de
la patrie » ; 10,4 pacem sine dubio post haec, uerum cruentam, « sans dout
55
paix avait-elle suivi, mais une paix sanglante») , vicissitudes de la domus
impériale (I, 10, 5 nec domesticis abstinebatur, «on n'épargnait pas non
plus sa vie privée»), constitution d'une dynastie (1,10,7), Auguste comme
modèle pour ses successeurs (I, 10, 7 idée de comparano deterrimd), place
des amici (1,10,5), dangers qui menacent les élites (1,10,4), absence d'une
relation franche avec les sénateurs (1,10,7 discours au Sénat contenant sous
couvert d'éloge des pointes contre Tibère), prérogatives du Sénat (I, 10, 7
demande de la puissance tribunicienne pour Tibère), pouvoir d'un seul
(1,9,4 ab uno regeretur), action juridique (1,9, 5 tus apudciues), dimension
56
religieuse (1,10, 6) , action dans les armées et les provinces (1,9, 5 ; 10,4),
politique de construction (1,9, 5), nouvelles dénominations (9, 5 principis
nomine constitutum Rem publicam, «le seul nom de prince avait donné un
57
fondement à l'État») .
Autrement dit, dans le Totengericht, Tacite oppose deux façons de parler
58
d'Auguste, mais non pas, comme on le pense généralement , en bien ou
59
en mal, mais selon des catégories pertinentes ou non . Que l'avis global
soit positif ou négatif compte moins que de rendre cet avis sur la base
60
d'observations valides . D'ailleurs, s'agit-il seulement de deux façons de
parler d'Auguste - en se plaçant sous les auspices soit de la uanitas, soit de la
prudentia - et non, également, de deux façons d'écrire sur Auguste ? Tacite,
à travers sa remarque sur les uana et les prudentes, n'a-t-il pas aussi à l'esprit
des histoires et historiens qui, traitant de l'époque augustéenne, auraient,
ou non, satisfait à ses critères d'écriture de l'histoire? Une telle hypothèse
trouve du crédit dans la convergence thématique entre le Totengericht et
l'épisode de Silanus, qui inspire à Tacite le projet d'écrire sur Auguste.
54. Déjà à propos d'Octave, 1 , 1 0 , 3 quamquam fas sitpriuata odia publias utiUtatibus remitiere (« bie
que la religion permette de renoncer à des haines privées dans l'intérêt public»).
55. Aussi 1,9, 5 quies.
5 6 . Aussi 1,10, 5 consulti per ludibrium pontifices («les pontifes consultés par dérision»).
57. Peut-être aussi 1,10, 1, à propos d'Octave, ùietatcm erga parentem et tempora reipublicae obtentu
sumpta (« sa piétéfilialeet la situation de l'Etat avaient servi de prétextes »). Cette idée de dénomi
nation n'est pas totalement absente des uana: 9 , 2 nomen imperatorissemelatque uiciespartum («
nom âiimperator obtenu vingt et une fois »).
58. Spec. CEAUSESCU P., «L'image d'Auguste chez Tacite», Hermes 5 6 , 1974, p. 1 8 6 - 1 8 8 ; BORGO,
«Augusto e l'istituzione del principato», art. cit., p. 88-94.
5 9 . Dans ce sens, SHOTTER D . C A , «The Debate on Augustus (Tacitus, Ann. I, 9-10) », Mnemosyne
2 0 , 1967, p. 1 7 2 «he is commending both for their attempt to be constructive*, opinion rejetée
par VELAZA J., «Tacito y Augusto {Ann. 1 9 - 1 0 ) », Emerita 6 1 , 1 9 9 3 , p. 3 4 3 .
6 0 . D'ailleurs, immédiatement avant le Totengericht, Tacite admet ( 1 , 8 , 6 ) , à propos de l'assassinat de
César, la possibilité d'une diversité de jugement: cum occisus dictator Caesar aliispessimum, aliis
pukherrimum facinus uideretur (« lorsque le meurtre du dictateur César paraissait aux uns un forfait
abominable, aux autres un exploit magnifique»).
321
OLIVIER DEVILLERS
Conclusion
Au début des Annales, c'est au motif qu'elle a déjà été traitée par de
brillants esprits que Tacite écarte l'idée d'écrire l'histoire d'Auguste
(1,1,2). Mais, dans ce cas, comment le prendre au sérieux quand en III, 24, '
il exprime son désir de produire une telle histoire ? La suite de la préface per
met de mieux comprendre ses raisons : à partir de Tibère s'exerce une répres
sion, associée aux mots metus et odia, qui était absente sous Auguste, pour
lequel il n'est question que d'adulation. Autrement dit, traiter d'Auguste
l'aurait amené à aborder un autre type de Principat que celui qu'il s'apprête
61
à envisager . L'unité thématique de son ouvrage aurait pu s'en trouver
amoindrie et c'est pourquoi il s'en abstient. Il demeure que, dès les premiers
livres des Annales, qui décrivent un Principat encore «en attente» de ses
excès ultérieurs, il s'est forgé une opinion sur Faction politique d'Auguste
aussi bien que sur la façon de la traiter. Ainsi s'explique que, dans le livre III,
à propos d'un épisode significatif à ses yeux - le retour de Silanus - , il fasse
part de son désir de se consacrer plus tard à cette période.
C'est là une perspective qui semble déjà figurer en filigrane du
Totengericht, passage qui ne paraît pas exempt d'implications sur le plan
historiographique. À cet égard, si les avis des prudentes renseignent sur
un certain nombre de thématiques «augustéennes» qu'aurait privilégiées
Tacite et qui se retrouvent du reste en I-III, la lecture des uana éclaire sur
ce que n'aurait pas été cette histoire. Premier point, elle n'aurait pas été pas
biographisante. N'ayant pas à centrer la narration sur les vices du prince
- soit que ceux-ci eussent été moindres à ses yeux, soit qu'il eût été à son
62
époque délicat de les évoquer - , l'historien aurait disposé d'un espace
pour développer, dans une perspective sénatoriale, une interrogation sur
65
l'essence du Principat, la uis Principatus (I, 6,3 ; III, 60, 1) . À ce propos,
et c'est le second point, l'examen des uana, comme celui des références à
Auguste éparses dans la première triade, suggère que l'historien réfutait
l'idée d'une continuité entre République et Principat. Son histoire augus-
ténne se serait sans doute attachée à démonter le mythe d'une Res Publica
64
Restituta . Il s'y serait plutôt montré sensible à la continuité entre Auguste
65
et ses successeurs . Il ne faut pas oublier que le regard qu'il porte sur
Auguste est rétrospectif et que c'est à partir des principats ultérieurs qu'il
61. Cf. BORGO, «Augusto e l'istituzione del principato», art. cit., p. 97.
62. CEAUSESCU, « L'image d'Auguste chez Tacite art. cité», p. 192-196; VELAZA, «Tàcito y Augusto»,
art. cit., p. 340.
63. Aussi III, 36,4 : uim imperii.
64. À cet égard, on note que la liste des honores condamnée par les uana figure dans les Res Gestae ;
URBAN «Taci tus und die Res gestae divi Augusti*, art. cit., p. 67; VELAZA, «Tàcito y Augusto», art.
cit., p. 355.
65. On note à ce propos une expression comme III, 29, 2 (à propos de la demande de la puissance
tribunicienne pour Tibère) tarnen initiafastigii Caesaribus erant (« cependant la grandeur des César
ne faisait que commencer») ; si le pouvoir des princes était à ses débuts, c'est qu'il avait déjà
commencé. Dans le même sens, les mots ïïberiùs uim principatus sibifirmans(III, 60,1 «Tibère
consolidant à son avantage l'essence du Principat») supposent la consolidation d'une situation
déjà existante. De même, en I, 6, 1, nouiprincipatus implique le renouvellement d'un régime en
322
LE RÈGNE D'AUGUSTE ET LE PROJET HISTORIOGRAPHIQUE DE TACITE
juge celui du fondateur, dans lequel se trouvaient déjà en germe les excès
à venir: Auguste, même s'il s'avéra à titre personnel plus modéré que les
autres Julio-Claudiens, avait irrémédiablement imposé un régime, d'ailleurs
qualifié à l'occasion de dominano ou de potential\ qui présentait pour ainsi
67
dire un «défaut de fabrication ». Pour prendre un exemple, l'historien
rappelle que, sous Auguste, il subsistait une munificence privée et que des
nobiles pouvaient encore embellir Rome à leurs propres frais (III, 72, 1).
L'expression qu'il emploie, necAugustus arcuerai, est révélatrice; s'il «n'avait
pas empêché», c'est qu'il était en position de le faire. En d'autres termes,
Auguste peut avoir quelque mérite dans son exercice d'un pouvoir absolu,
il n'empêche qu'un tel pouvoir est fondamentalement fragilisé par le fait
de dépendre de la pratique de celui qui le possède. Une telle position non
seulement concorde avec l'ensemble de l'idéologie tacitéenne, mais elle
est aussi - conformément à l'orientation majoritaire d'une historiographie
68
sénatoriale qui n'est pas oppositionelle - acceptable par le pouvoir en
place dans la mesure où elle renvoiefinalementà la qualité intrinsèque du
prince régnant, une qualité même que ne manque d'exalter aucune propa
69
gande officielle .
Enfin, quelle période l'histoire tacitéenne d'Auguste aurait-elle cou
70
verte? La bataille d'Actium est évoquée en I, 3, 7 , et même si son rôle
71
de tournant est moins marqué que dans les Histoires , elle reste le terme
72
le plus plausible . Toutefois, en I, 2, 1, le chapitre qui évoque l'ascension
politique d'Auguste commence par une évocation de la bataille de Philippes
(Bruto et Cassio caesis, «après la mort de Brutus et de Cassius»); celle-ci
apparaît encore comme un jalon dans la carrière de Pison (II, 43, 2) ainsi
que dans le discours de Cremutius Cordus (IV, 35, 2) ; enfin, le dernier
place. Ou encore le fait qu'on croyait que Drus us I rendrait la liberté (I, 3 3 , 2 ) montre qu'elle
était à rendre.
6 6 . Par ex. 1 , 3 , 1 subsidia dominations ; 8, 6 longa potential 1 0 , 1 cupidine dominandi; II, 5 9 , 3 inte
alia dominations arcana; III, 2 8 , 1 potentiaesecurus; cf. CEAUSESCU, «L'image d'Auguste chez
Tacite», art. cit., p. 1 8 9 - 1 9 0 .
6 7 . Dans ce sens, on peut jusqu'à un certain point rejoindre BORGO, «Augusto e l'istituzione del
principato», art. cit., p. 9 3 . « Il reale significato di questa condanna potrebbe invece essere indivi
duato nell'intenzione dello storico di svelare il vero senso del principato augusteo, demistificando
l'equivoco su cui esso aveva poggiato le basi. » Dans cette citation, toutefois, le terme de «condam
nation » ne paraît pas approprié à la totalité des passages sur Auguste; Tacite, nous semble-t-il, se
livre plutôt à une réflexion politique, non dénuée le cas échéant d'accents critiques, à partir de
l'action de celui-ci.
6 8 . Par ex. MEIER M . , « Das Ende des Cremutius Cordus und die Bedingungen fur Historiographie
in augusteischer und tiberischer Zeit», Tyche 1 8 , 2 0 0 3 , p. 9 3 .
6 9 . Dans ce sens, il ne semble pas - une vue défendue toutefois depuis WILLRICH H . , « Augustus
bei Tacitus », Hermes 6 2 , 1927, p. 5 4 - 7 8 - que la présentation d'Auguste dans les Annales soit à
rapprocher d'une quelconque déception devant l'évolution du règne de Trajan.
7 0 . Aussi III, 5 5 , 1 , à propos du déploiement du luxe.
7 1 . / / . , I, 1 , 1 postquam beUatum apudActium... ueritaspluribus modis infracta («quand on eut livr
la bataille d'Actium... la vérité subit de multiples atteintes»).
7 2 . Le choix de 4 3 , premier consulat d'Octavien, parait exclu par le fait que cette datefiguredans les
uana et qu'il n'aurait pas été judicieux de commencer par l'octroi de la plus haute magistrature
républicaine révocation d'une carrière qui devait précisément amener à lafinde la République. Une
autre division se trouve chez les Anciens : l'année 3 6 av. J.-C. et les premiers essais pour restaurer
la paix et revenir à la légalité ; on n'y voit aucun écho chez Tacite.
323
OLIVIER DEVILLERS
7 3 . Cf. GINGRAS, « Annalistic Format », art. cit., p. 2 5 6 : « Book 3 covers those years in history in which
this transition was especially marked, in which even the mask of Augustus' pseudo-Republic was
dropped and the Realpolitik of the new order was forged. »
324
Res publica restituta chez Dion Cassius
Marie-Laure FREYBURGER-GALLAND
1. Cf. RICH J.W., WILLIAMS J.H.C., « Leges et iura RR Restituit: a New Aureus of Octavian and the
Settlement of 28-27 BC», NC, 1999, p. 169-213.
2. «Res Publica Restituta, a modern illusion», EVANS J. (dir.), Polis and Imperium, Toronto, 1974,
p. 278-311. Voir aussi MACKIE N.K., «Respublica restitua, a Roman Myth», DEROUX C . (dir.),
Studies in Latin Literature and Roma History, IV, Bruxelles, 1986, p. 302-340 ; BRINGMANN Kl.,
«Von der res publica amissa zur res publica restituta. Zu swei Schlagworten aus der Zeit zwischen
Republik und Monarchie», SPIELVOGEL J. (dir.), Res publica reperta, 2002, p. 119-120;
WELWEI K.W., «Respublica und Imperium», Historia 177, 2004, p. 29-41 ; RODDAZ J.-M., «La
métamorphose: d'Octavien à Auguste», Fondements et crises du pouvoir, S. FRANCHET D'ESPEREY,
V. FROMENTIN, GOTTELAND, J.-M. RODDAZ (dir.), Bordeaux, 2003, p. 397-402.
3. Traduction P. JAL, CUF.
325
MARIE-LAURE FREYBURGER-GALLAND
Nous y trouvons res et prouinciae (au pluriel) ainsi que le verbe redigere
qui peut passer pour un équivalent de restituere.
4
Le texte des Fastes d'Ovide pour les Ides de janvier donne le texte:
Reddita omnis populo prouincia nostro (« En ce jour, toute la gestion des
provinces a été rendue à notre peuple»). Il présente la même idée que celui
de Tite-Live, mais au singulier, prouincia, et le verbe est reddere, synonyme
de restituere.
Mentionnons encore le texte plus explicite de Velleius Paterculus : Finita
vicesimo anno bella ciuilia, sepulta externa, reuocatapax, sopitus ubique armo-
rum furor, restituta uis legibus, iudiciis auctoritas, senatui maiestas, imperium
magistratuum ad pristinum redactum modum... Prisca illa et antiqua rei
publicae forma reuocata, rediit cultus agris, sacris honos, securitas hominibus,
5
certa cuique rerum suarum possessio (« Les guerres civiles furent terminées
au bout de vingt ans, les guerres extérieures s'éteignirent, la paix fut réta
blie, la fureur des armes partout s'apaisa; on rendit aux lois leur force, aux
tribunaux leur autorité, au Sénat sa majesté, les pouvoirs des magistrats
retrouvèrent leurs limites originelles... On rétablit également l'antique
structure de l'État; les champs retrouvèrent leurs cultures, la religion sa
dignité, les hommes la sécurité, chacun la possession assurée de ses biens »).
Nous constatons que Res publica n'y est pas d'emblée exprimée mais ses
composantes, leges, iudicia, senatus, magistratus, et que le verbe restituere
y figure au participe restituta en compagnie de variantes, reuocata (utilisé
deux fois), et redactum, comme chez Tite-Live. Res publica arrive ensuite,
complément du nom forma dans un groupe de mots forts avec la répéti
tion voulue de prisca et antiqua, «on rétablit l'antique structure de l'État».
Le texte peut apparaître comme une paraphrase explicative de la formule
lapidaire Res publica restituta. On y notera les termes-clés de la propagande
augustéenne, pax, auctoritas, maiestas, imperium, sacra, securitas, et l'insis
tance de la référence au passé, au retour à un état antérieur, avec le préfixe
re- des trois verbes, re-uocata, re-stituta et red-actum et les trois adjectifs
pristinum, prisca et antiqua.
6
Il faut aussi signaler le texte de Suétone : De reddenda re p. bis cogitauit:
primumpost oppressum statim Antonium, memor obiectum sibi ab eo saepius,
quasi per ipsum staret ne redderetur... Sed reputans et se priuatum non sine
periculo fore et illam plurimum arbitrio temere committi, in retinenda per-
seuerauit, dubium euentu meliore ac uoluntate (« Il songea par deux fois à
rétablir la république : d'abord, aussitôt après avoir écrasé Marc Antoine,
en se rappelant que ce dernier lui avait bien souvent objecté qu'il était le
seul obstacle à son rétablissement... Mais, réfléchissant que le retour à la
vie privée ne serait pas sans danger pour lui, et que, d'autre part, il était
imprudent de remettre l'État entre les mains de plusieurs, i l conserva le
pouvoir, sans qu'on puisse savoir lequel fut le meilleur, du résultat ou de
4. I , 589, t r a d u c t i o n R. SCHILLING, C U R
5. Histoire romaine, II, 89, t r a d u c t i o n J. HELLEGOUARC'H.
6. Aug. 28, 1, t r a d u c t i o n H . AILLOUD, C U F .
326
R E S P U B L I C A R E S T I T U T A CHEZ DION CASSIUS
Tintention»). Nous retrouvons ici Res publica avec le même verbe reddere
que chez Ovide, comme synonyme de restituerez
Naturellement, une mention spéciale doit être faite du texte à la fois
littéraire et épigraphique, au cœur même de la propagande augustéenne et
1
incontournable dans notre thématique, celui des Res Gestae \ In consulatu
sexto et septimo, postquam bella [ciujilia extinxeram, per consensum univer-
sorum poftitus rerum omnjium, rem publicam ex mea potestate in senatfus
e e
populique Romani ajrbitrium transtuli (« Lors de mon 6 et de mon 7 consu
lat, après avoir éteint les guerres civiles, étant investi du pouvoir absolu
par le consentement du peuple dans son ensemble, fai fait passer l'État de
mon pouvoir à la libre décision du sénat et du peuple Romain»). Ce texte
présente bien Rem publicam mais le verbe transtuli, «j'ai fait passer», «j'ai
transféré», qui ne comporte pas le préfixe re-, n'est pas l'équivalent de restituì
ou de reddidi et, pour le sens, serait à rapprocher du commini de Suétone,
d'autant que dans l'un et dans l'autre texte, nous trouvons aussi arbitrium.
Le premier texte grec que je voudrais étudier est évidemment la version
grecque des Res Gestae, souvent délaissée par les historiens:Έ ν ϋπατεί$
έκτη και εβδόμη μετά το τούς εμφυλίους ζβέσαι με πολέμους
[κ]ατα τάς εύχάς των έμών πολει[τ]ών εγκρατής γενόμενος
πάντων των πραγμάτων, έκ τής έμής εξουσίας ε'ις τήν του
συγκλήτου και του δήμου των "Ρωμαίων μετήνεγκα κυριήαν.
On y remarquera que le traducteur ne suit pas exactement le texte latin.
Je ne reviendrai pas sur per consensum universorum rendu par κατά τ ας
εύχας τ ώ ν έμών πολεΐτών, «selon les vœux de mes concitoyens»,
mais je voudrais insister sur la fin de la phrase : transtuli est traduit par
μετήνεγκα, ce qui est parfaitement correct, mais son complément rem
publicam n'est pas exprimé. I l faut le tirer de (εγκρατής γενόμενος)
πάντων τών πραγμάτων du membre de phrase précédent où i l tra
duit le latin (potitus) rerum omnium, à moins que l'on ne voie κυριήαν
comme complément d'objet de μετήνεγκα et non comme traduction de
arbitrium et que l'on comprenne: «J'ai transféré la direction (des affaires)
de mon pouvoir à celui du sénat et du peuple Romain. » En tout cas, dans
le texte grec, ce qui est «transféré», ce sont «les affaires» ou «la direction
(des affaires) », mais pas Rem publicam qui est habituellement rendu par τα
8 9
κοινά πράγματα ou par τα δημοσία πράγματα .
Cette première approche nous a permis, en examinant les textes latins,
de montrer que restituere était souvent paraphrasé ou rendu par des équiva
lents plus ou moins proches. C'est que ce verbe est polysémique. Composé
10
de statuere et du préfixe re-, il a en latin classique trois sens différents :
327
MARIE-LAURE FREYBURGER-GALLAND
1. remettre debout ;
2. rétablir, remettre dans son état normal ou antérieur ;
3. rendre, restituer.
On notera la difficulté d'un complément d'attribution pour les deux
premiers sens alors qu'il est normal pour le troisième. Ce serait alors le
11
sens du texte des Fastes de Préneste s'il on admet la reconstitution populo
romano. Ce serait peut-être aussi le sens dans le texte de Velleius : restituta
uis legibus, iudiciis auctoritas, senatui maiestas... Mais le deuxième sens,
«rétablir», qui s'applique en latin classique à des institutions et à des magis
tratures, conviendrait sans doute mieux, non seulement à restituere mais
aussi à ses équivalents reuocare et redigere et les datifs legibus, iudiciis, senatui
seraient alors des datifs d'intérêt. C'est encore ce sens que l'on retrouve
12
dans le verbe uindicare de l'expression des Res Gestae . On remarquera
aussi que restituere est souvent proche de constituere, qui signifie « mettre
en place» mais aussi « (re)mettre en ordre», « (ré)organiser», sens que l'on
trouve dans l'expression consacrée : triumuiri Rei publicae constituendae dans
laquelle l'idée de « rétablissement», « réorganisation» est évidente. D'ailleurs
13
Tacite ne s'y trompe pas, qui écrit à propos d'Auguste : principis nomine
constitutam Rem publicam. I l faut ajouter à la polysémie de restituere celle
de Res publica qui apparaît nettement dans ses traductions en grec. Nous
avons vu que le sens d ' « affaires publiques » est communément rendu en
grec - notamment dans les Res Gestae - par τα KOlvtì πράγματα ou
τα δημοσία πράγματα. Mais i l y a le sens de « république » pour dési
gner le régime républicain des Romains, qui est rendu par δημοκρατία
chez Dion Cassius par exemple, qui assimile volontairement le régime
de Rome au modèle athénien idéalisé. Enfin i l y a le sens plus général
de « constitution », « régime » qui est le plus souvent rendu en grec par
π ο λ ι τ ε ί α ου πολίτευμα. C'est en effet par le biais des traductions
grecques que nous essaierons de mieux cerner le problème. Si les Res Gestae
ne nous donnent pas grand-chose puisque le mot latin de départ est trans-
tuli, nous possédons en revanche un récit complet, continu et détaillé, de
la fin de la République et du début du Principat, je veux parler de celui de
Dion Cassius.
Cet auteur est abondamment cité par les historiens qui s'intéressent aux
fondements du Principat, malgré les reproches dont il est l'objet. Le premier
est l'éloignement dans le temps puisqu'il écrit l'Histoire Romaine au début
du I I I siècle, sous les Sévères, et fait une relecture du règne d'Auguste à la
E
14
lumière des problèmes de son époque . Je vous propose cependant une
étude lexicale du concept de Res publica restituta dans les livres 50 à 56 de
2
11. CIL I 231 [Quod rem publicam]p(opulo) R(omano) rest[it]u[it].
12. 1,1. rem publicam [a dojminationefactionis oppressam in libertatem uindicafuij.
13. Annales, I, 9, 5.
14. Cf. MILLAR F., A Study ofCassius Dio, Oxford, 1964, p. 102-118 ; REINHOLD M., From Republic to
Principate: an Historical Commentary on Cassius Dio's Roman History Books 49-52, Atlanta
p. 165-210 ; REINHOLD M., SWAN P.M., « Cassius Dios Assessment of Augustus », Between Republic
and Empire, RAAFLAUB K.A. etToHERM. (dir.), Berkeley-London, 1990, p. 155-173.
328
RES P U B L I C A R E S T I T U T A CHEZ DION CASSIUS
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MARIE-LAURE FREYBURGER-GALLAND
330
R E S P U B L I C A R E S T I T U T A CHEZ DION CASSIUS
24. XLIX, 41,6. Voir PALMER R.EA, « OctaviansfirstAttempt to restore the Constitution (36 BC) »,
Athenaeum 56, 1978, p. 315-328.
25. Ibid. Traduction M.-L. FREYBURGER pour la CUE
26. L, 7, 1. Traduction M.-L. FREYBURGER pour la CUE
27. L, 7, 2. Traduction M.-L. FREYBURGER pour la CUE
28. Aug. 28, cf. supra p. 326.
29. LII, 1,2. Cf. i«/>m p. 330.
30. LII, 2-13 ; lafindu discours d'Agrippa et le début de celui de Mécène manquent dans toute la
tradition manuscrite.
31. LU, 5, 3-4.
32. LU, 9, 2.
33. LU, 9, 5. Traduction M.-L. FREYBURGER.
331
MARIE-LAURE FREYBURGER-GALLAND
34
nienne :Ob μέντοι και απλώς ούτω συμβουλεύω σοι τήν αρχήν
άφειναι, ά λ λ α πάντα τά συμφέροντα τω δημοσίω προπραξαι
και δόγμασι και νόμοις ά προσήκει κατακλεισαι, καθάπερ που
και ό Σύλλας έποίησε («Assurément jene te conseille pas de renoncer
purement et simplement au pouvoir, mais de prendre auparavant toutes
les mesures utiles à l'État et de les rendre contraignantes par des décrets et
35
des lois, comme l'a fait Sylla »). En fait, il le dissuade et de « renoncer
à sa charge » (le triumvirat ou son cinquième consulat ?) et d'établir une
μοναρχία qui serait insupportable aux Romains et risquerait de devenir
une tyrannie, encore plus odieuse.
Le premier conseil est naturellement repris par Mécène (ϊνα μή
δόξης τισίν εθελούσιος τής αρχής έφεΐσθαι, «afin de ne pas avoir
36
l'air aux yeux de certains de renoncer au pouvoir délibérément »). En
revanche, très subtilement, Mécène prône un gouvernement qui assurerait
τήν δημακρατίαν τήν αληθή τήν τε έλευθερίαν τήν ασφαλή,
37
«une vraie démocratie et une liberté sûre » et non pas ce que Dion
appelle ici ή του ό χ λ ο υ ελευθερία, «la liberté de la populace», et
38 39
plus l o i n , comme Polybe , ό χ λ ο κ ρ α τ ί α . Mécène conseille nette
ment à Octavien d'établir un régime monarchique, μοναρχείσθαι τον
δήμον, et d'accepter volontiers ce que les Anglais appelleront «leadership»
(προστασία), la « fonction de chef», ou plutôt le fait de ne pas y renoncer
40 41
puisqu'il l'a déjà . Et Mécène de conclure :'Ωστε καί ημών αυτών
ένεκα καί τής πόλεως πεισθώμεν τή τύχη τή τήν μοναρχίαν
σοι διδούση. Καί χ ά ρ ι ν γε μ ε γ ά λ η ν αύτη εχωμεν, οτι μή
μ ό ν ο ν τών κακών τών εμφυλίων άπέλυσεν ήμας, αλλά καί
τήν κατάστασιν τής πολιτείας έπί σοι πεποίηται («Ainsi pour
nous-mêmes et pour la cité, obéissons à la Fortune qui t'a donné le pouvoir
personnel et rendons lui grande grâce non seulement de nous avoir délivrés
des maux des guerres civiles mais encore d'avoir placé entre tes mains la
(ré)organisation de l'État»). Dans ce texte, l'expression τήν κατάστα
σιν τής πολιτείας évoque naturellement la fonction des triumvirs et
42
κατάστασίς pourrait traduire constitutio comme on a vu plus haut
que καθίστασθαι traduisait constituerez Quant à πολιτεία, on peut
se demander si c'est la traduction de Res publica ou un doublet de
πολίτευμα pour désigner un «régime» ou encore ce que Velleius Paterculus
appelle Reipublicae forma. Cette allusion à la Fortune, nous la retrouvons
dans un contexte très semblable, sur lequel nous reviendrons, dans la bouche
332
R E S P U B L I C A R E S T I T U T A CHEZ DION CASSIUS
43
d'Auguste lui-même : Ε π ε ι δ ή δε καλώς ποιούσα ή τύχη και
τήν είρήνην άδολον και τήν όμόνοιαν άστασίαστον δι' έμού
ύμίν άποδέδωκεν, απολάβετε και τ ή ν έλευθερίαν και τ ή ν
δημοκρατίαν, κομίσασθε και τα όπλα και τά εθνη τά ϋπήκοα,
και πολίτεύεσθε ώσπερ είώθείτε (« Puisque, par mon intermédiaire,
la Fortune a bien fait de vous rendre une paix sans ruse et une concorde
sans faction, recouvrez aussi la liberté et la démocratie, récupérez les
armées, les provinces et les pays soumis et soyez gouvernés conformément
à votre habitude»). Et pourtant Mécène va en même temps conseiller à
Octavien de faire procéder à l'élection des préteurs et des consuls της τών
πατρίων μνήμης ένεκα και του μη παντελώς τήν πολιτείαν
μεταλλάττείν δοκείν, « en souvenir des coutumes ancestrales et afin de
44
ne pas sembler changer complètement la constitution ». On remarquera
45
ce verbeδοκείν que l'on a déjà rencontré dans les propos de Mécène et
qui montre bien ce souci de l'apparence mis en valeur par Dion.
Après ces discours, Dion est formel, Auguste préféra les conseils de
Mécène, mais, précise l'historien, i l ne mit pas tout de suite à exécution
toutes les suggestions qui lui avaient été faites de peur d'essuyer un échec
αθρόως μεταρρυθμίσαι τούς ανθρώπους έθελήσας, «en voulant
46
complètement réorganiser le mode de vie des gens ». De fait, Mécène lui
47
avait donné ce conseil avisé :'Ώστε ει τι κήδη της πατρίδος, υπέρ
ής τοσούτους πολέμους πεπολέμηκας, υπέρ ής και τήν ψυχήν
ήδέως άν έπιδοίης, μεταρρύθμισον αυτήν και κατακόσμησον
προς το σωφρονέστερον (« De sorte que, si tu as quelque souci de ta
patrie, pour laquelle tu as mené tant de guerres et aurais si volontiers donné
ta vie, réforme-la et réorganise-la dans un sens plus modéré»). Et Dion
ajoute: άλλα τά μεν παραχρήμα μετεκόσμησε, τα δ'ύστερον, «ilfit
certaines réformes tout de suite, d'autres plus tard». L'utilisation du préfixe
μετα- dans les deux verbes, μετα- ρρυθμίζειν et μετα-κοσμείν, comme
plus haut avec μετ-αλλάττείν, indique bien et l'idée de changement et
l'intention réelle du prince. Parmi les mesures immédiates, signalées par
notre historien, figure l'augmentation des familles patriciennes, décimées
par les guerres civiles «parce que les patriciens sont réputés nécessaires à la
transmission des traditions ancestrales ». Dans ce passage l'ironie de Dion
se mesure à la présence d'un petit δήθεν, «soi-disant» qui accompagne
48
l'énoncé du fait que cette réforme lui aurait été confiée par le sénat .
333
MARIE-LAURE FREYBURGER-GALLAND
49
Au début du livre 53 , pour Tannée 28, l'historien ne manque
pas d'insister sur le retour à la tradition dans le partage des faisceaux
d'Auguste avec son collègue Agrippa et sur le respect (apparent) des cou
tumes ancestrales. Τότε μέν ταύτ' έγένετο, τω δέ έξης ετει έκτον
ό Καίσαρ ήρξε, καί τά τε ά λ λ α κατά το νομιζόμενον από
του πάνυ αρχαίου έποίησε, και τους φακέλους τών ράβδων
τω Άγρίππςί συνάρχοντί οι κατά το επιβάλλον παρέδωκεν,
αυτός τε ταις έτέραις έχρήσατο, και διάρξας τον ορκον κατά
τά πάτρια έπήγαγε («C'est ce qui se passa alors. L'année suivante,
e
César exerça sa charge [de consul] pour la 6 fois et se conforma à tous
les usages établis depuis des temps reculés et notamment il accorda à son
collègue Agrippa les faisceaux de verges auxquels il avait droit, tandis que
lui-même utilisait les autres, et, après avoir exercé sa charge jusqu'au bout,
prêta serment selon la coutume ancestrale»). Le prince prend bien soin de
ne pas se comporter en dictateur, en gardant les 24 licteurs, et de partager,
comme faisaient les consuls de l'ancienne république, justifiant ainsi ce qu'il
énonce gravement dans les Res Gestae: «Je n'ai jamais eu plus de pouvoir
50
que mes collègues . »
Nous en venons maintenant à ce fameux discours du 13 janvier 27:
Πρός με ώστε και πάνυ άν προστατεΐσθαι ϋπ' έμού έθελήσαι.
Οϋ μέντοι και έπί πλείον ϋμας έξηγήσομαι, ουδέ έρεί τιςώς
έ γ ώ τ ή ς α ύ τ α ρ χ ί α ς έ ν ε κ α π ά ν τ α τά π ρ ο κ α τ ε ι ρ γ α σ μ έ ν α
έπραξα· άλλά αφίημι τήν αρχήν άπασαν καί άποδίδωμι ϋμιν
πάντα απλώς, τά όπλα τούς νόμους τά εθνη, ούχ όπως εκείνα
οσα μοι ύμείς έπετρέψατε, α λ λ ά και οσα αυτός μετα ταυθ'
ϋμιν προσεκτησάμην, ϊνα και έξ αυτών τών έργων καταμάθητε
τούθ', ότι οϋδ' άπ' αρχής δυναστείας τινός έπεθύμησα, άλλ' όντως
τω τε πατρί δεινώς σφαγέντι τιμωρήσαι καί τήν π ό λ ι ν έκ
μεγάλων και επαλλήλων κακών έξελέσθαι («Je ne vous dirigerai
plus et personne ne pourra dire que c'est pour exercer le pouvoir absolu que
j'ai accompli tout ce que j'ai fait : je renonce à tout mon pouvoir et vous res
titue absolument tout, l'armée, les lois, les provinces, non seulement toutes
celles que vous m'avez confiées mais encore celles que j'ai conquises pour
vous plus tard, afin que de mes actions mêmes vous tiriez l'enseignement
que dès le début je n'ai pas désiré de "pouvoir discrétionnaire" (triumviral),
mais qu'en réalité j'ai voulu venger mon père cruellement assassiné et libéré
51
la cité des maux qui s'étaient abattus sur elle sans interruption »).
Le vocabulaire du « leadership » est exprimé de diverses manières :
προστατεΐσθαι ϋπ' έμου, έξηγήσομαι, αϋταρχίας avant la phrase-clé
tant attendue: άλλά αφίημι τήν αρχήν άπασαν και άποδίδωμι ϋμιν
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MARIE-LAURE FREYBURGER-GALLAND
56. L U I , 11-12.
57. L U I , 10, 1-2. Traduction M.-L. FREYBURGER.
58. I I I , 12, 3a = M 17.
59. L U I , 11, 5. Traduction M.-L. FREYBURGER.
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par la force des choses, il ne le voulut pas mais, comme un bon médecin,
qui prend en charge un corps malade et le soigne, vous rendit l'État tout
entier après l'avoir guéri»). On notera dans ce passage l'irréel exprimé par
δυνηθείς αν, contredit par le réel έγεγόνεΐ (qui n'est pas sans rappeler
le texte des Res Gestae, εγκρατής γενόμενος qui traduit potitus) et par
l'intention affichée d'Auguste, ούκ ήθέλησεν. On remarquera aussi la
métaphore médicale soigneusement filée qui aboutit à la formule άπέδωκε
πάντα ϋμιν qui permet dans ce contexte métaphorique de la santé de
donner à άποδίδόναί le sens fort qu'il partage avec restituere, «rétablir»,
c'est-à-dire «guérir», puisque l'attribut du complément d'objet est ϋγία.
Signalons que cette image a été utilisée par Livie dans ses conseils à Auguste
66
au moment de la conjuration de Cinna, en 4 de notre ère .
Après ce rappel de la renonciation de 27, Tibère évoque la réaction
des Romains et l'approuve sans aucune pudeur «démocratique». À la
mort d'Auguste les apparences républicaines n'ont plus lieu d'être sau
67
vées. Le seul régime possible est une π ρ ο σ τ α σ ί α ε ν ό ς ανδρός :
Ό θ ε ν π ε ρ καί ϋμείς, καλώς ποιούντες καί ορθώς φρονούντες,
ούκ ήνέσχεσθε ουδέ έπετρέψατε αύτω ίδιωτεύσαι, άλλ' άτε εδ
είδότες ότι δημοκρατία μέν ούποτ' αν τηλικούτοις πράγμα-
σιν άρμόσειεν, προστασία δέ ε ν ό ς ανδρός μάλιστ' αν αυτά
σώσειεν, οΰτε λόγω μέν έπανελθειν ές τήν αύτονομίαν εργφ
δέ ές τους στασιασμούς ήθελήσατε, και ε κ ε ί ν ο ν , ο ν αύτοις
τοις εργοις έδεδοκιμάκειτε, προκρίναντες ήναγκάσατε
χρόνον γέ τινα υμών προστήναι.' Εξ οδ δή πολύ μάλλον αυτού
πειραθέντες, καί δεύτερον αδθις καί τρίτον τεταρ-τόν τε καί
πέμπτον έξεβιάσασθε αυτόν έ ν τή τών κ ο ι ν ώ ν διαχειρίσει
έμμεΐναΐ. Καί μάλα είκότως (« C'est pourquoi, vous, vous avez bien
fait et bien pensé de ne pas accepter ni de lui permettre de redevenir un
simple particulier, mais, conscients qu'une démocratie n'est plus adaptée à
des affaires d'une telle envergure, mais que la direction d'un seul homme
pourrait les sauver, vous n'avez pas voulu retourner à une autonomie théo
rique mais à des factions de fait, et lui, dont vous aviez mesuré la valeur
par ses exploits eux-mêmes, vous l'avez choisi et forcé à être votre chef
pour un certain temps. Ensuite, après l'avoir apprécié encore plus, vous
l'avez obligé à rester dans la conduite des affaires une deuxième, une troi
sième, une quatrième et une cinquième fois. Et vous avez eu raison»). Et
68
Tibère de conclure : Τις μέν γαρ ούκ αν έλοιτο άπραγμόνως
σώζεσθαι καί ακινδύνως εϋδαιμονειν, καί τών μέν αγαθών τών
τής πολιτείας άφθόνως άπολαύειν, ταις δέ δή φροντίσι ταις
υπέρ αυτής μή συνεΐναί; (« Qui ne choisirait pas en effet la sécurité
sans trouble, la prospérité sans danger et la jouissance sans restriction des
bienfaits d'un régime sans en avoir les soucis en permanence?»)
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72. LV,20,2.
341
Conclusions
Jean-Louis FERRARY
343
JEAN-LOUIS FERRARY
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CONCLUSIONS
345
JEAN-LOUIS FERRARY
et sur le petit côté une bibliothèque qui fiat dès l'origine conçue comme
pouvant servir de curie : « la dyarchie du régime, qui s'exprimait encore
sous une forme qui pouvait faire illusion dans le vieux Forum républicain
remodelé par Auguste... n'est plus de mise sur le Palatin..., et en ce sens
le domaine du Palatin, tel qu'en lui-même i l nous est restitué, peut être
déchiffré comme le contrepoint et, d'une certaine façon, le démenti du
prétendu retour à la légalité républicaine» (p. 184-185).
Quelle légalité républicaine d'ailleurs ? En matière de réglementation du
gouvernement des provinces consulaires (FR. HURLET, p. 82-84), comme
en matière d'organisation des procès publics, la législation augustéenne fut
pour l'essentiel un retour à la législation du troisième consulat de Pompée
en 52. Le triple triomphe augustéen de 29, à la seule quoique notable
exception de la place des sénateurs dans le cortège, rappelant qu'ils avaient
eux aussi combattu sous les enseignes du Prince, s'inscrivait essentiellement
dans la tradition des grands triomphes de Pompée en 61, de César en 46
(M. TARPIN). Ainsi que le rappelle fort justement M . SPANNAGEL, le texte
des Res Gestae implique clairement qu'Auguste faisait remonter aux évé
nements de 44-43 son principat et son auctoritas, même si cette dernière
devait devenir déterminante à partir de 27 et de l'octroi du titre £Augustus,
puis culminer avec le titre de pater patriae en 2 av. J.-C, parce que c'est
dès ce moment-là qu'il avait rendu à la liberté la Res publica opprimée par
la tyrannie d'une faction (Rem publicam a dominatione factionis oppressam
in libertatem uindicaui — c. 1) : Auguste, encore une fois, s'inspirait direc
tement d'une phraséologie pompéienne, même si cette dernière nous a été
conservée par un texte du corpus césarien (Beli Afr., 22.2). La curie du tem
ple d'Apollon Palatin et de la maison d'Auguste, enfin, aurait probablement
été plus difficilement concevable s'il n'y avait eu, là encore, des précédents
partiels : la curie de l'ensemble monumental érigé par Pompée sur le Champ
de Mars, et l'annexion de la nouvelle Curia Iulia dans la structure du Forum
de César. La République n'avait pas été une réalité institutionnelle et sociale
homogène et univoque : la Res publica de Sylla déjà n'avait pu ni voulu être
un retour purement réactionnaire à une République pré-gracquienne, et la
Res publica restituta d'Auguste ne prend son sens que si on la compare tout
particulièrement aux tentatives précédentes de Pompée et de César.
On a pu souligner à la fois le pragmatisme et la cohérence de l'œuvre
augustéenne. J. SCHEID l'a montré pour l'œuvre de restauration religieuse,
qui connaît une première phase très active dans les années 36-27, où elle
joue un rôle déterminant dans la formation du consensus qui lui permet
tra de se présenter en chef voulu par l'Italie tout entière contre la menace
égyptienne (et le risque antonien d'un pouvoir romain dénaturé et orienta
lise), puis une seconde lorsqu'en 12 av. J.-C. la mort de Lèpide lui permit
enfin de devenir grand pontife, tandis qu'entre temps était organisée en
17 la cérémonie des jeux séculaires : « une stratégie mûrement réfléchie et
préparée» (p. 125), bien qu'elle se fasse sur une longue durée, au fur et à
346
CONCLUSIONS
347
JEAN-LOUIS FERRARY
348
CONCLUSIONS
pas trop vite conduire à supposer une spécificité du second. C'est plutôt
le discours institutionnel, du moins à Rome, qui est isolé. Les textes poé
tiques (mais on pourrait en rapprocher aussi la préface au premier livre de
Vitruve, sur laquelle P. GROS appelle notre attention à la fin de son texte)
n'entrent pas en contradiction avec les images figurées, et les spécialistes
de la poésie augustéenne seraient peut-être surpris de se trouver à ce point
en terrain connu s'ils lisaient l'extraordinaire document qu'est la lettre du
proconsul Paullus Fabius Maximus au koinon d'Asie, faisant adopter l'anni
versaire d'Auguste comme nouveau point de départ de l'année provinciale
(R. K. Sherk, Roman Documentsfrom the Greek East, n° 65 ; U. Laffi, SCO,
1967, p. 5-98).
Ce volume montre bien, nous semble-t-il, l'extraordinaire complexité
du pouvoir et de ses représentations à Rome durant le principat d'Auguste:
l'évolution chronologique révèle un mélange de pragmatisme et d'oppor
tunisme qui poursuit malgré tout des desseins cohérents ; ces chemine
ments complexes ont été rétroactivement estompés, d'abord par Auguste
lui-même dans ses Res gestae, lorsqu'il reconstruit une ligne droite menant
infailliblement de 44/3 av. J.-C. à 13 ap. J.-C, puis par les «anamorpho
ses » qu'ont imposées à l'image augustéenne les princes qui ont voulu s'en
servir (E. Rosso, p. 210), ou enfin par les anachronismes des historiens,
qui n'ont pu que réinterpréter le principat augustéen à travers l'évolution et
le caractère de plus en plus monarchique du régime dont il était considéré
comme le fondateur. D'autre part, à côté de la construction du principat,
c'est-à-dire du bricolage destiné à créer une nouvelle Res publica conservant
des apparences de compétition aristocratique, d'autorité sénatoriale et de
souveraineté formelle du peuple tout en y insérant au profit du prince une
accumulation de pouvoirs sans précédent, il y a le charisme personnel (dont
Yauctoritas n'est en quelque sorte que la lecture politique) d'un personnage
hors du commun, considéré comme providentiel, choisi par les dieux, voire
d'essence divine, tant la cité et l'Empire de Rome, c'est-à-dire le monde
entier, lui devaient de reconnaissance pour avoir su rétablir et maintenir
la paix après des décennies de guerres civiles. Tout le problème de Tibère
allait être de maintenir le bricolage institutionnel sans disposer pour cela
du charisme augustéen.
349
Table des matières
Les auteurs 7
Première partie
La Res publica restituta
entre réalité et fiction
Martin SPANNAGEL
Annos undeviginti natus...
Die Rückführung von Augustus'Principat aufdie fahre 44143 v. Chr. 25
Frederik J. VERVAET
In What Capacity Did Caesar Octavianus Restitute the Republic ì 49
Frédéric HURLET
L'aristocratie augustéenne et h Res publica restituta 73
Philippe LE DOZE
Aux origines d'une retraite politique: Mécène et la Res publica restituta 101
John SCHEID
Les restaurations religieuses d'Octavien/Auguste 119
Michel TARPIN
Le triomphe d'Auguste: héritage de k République ou révolution ? 129
351
LE PRINCIPAT D'AUGUSTE
Deuxième partie
La Res publica restituta
dans le discours officiel
Arnaud SUSPÈNE
Aspects numismatiques de la Res publica restituta augustéenne 145
Pierre GROS
Les limites dun compromis historiquer
de U domus vitruvienne à la maison augustéenne du Palatin 169
Gilles SAURON
Du triumvirat au début du principat: k construction du mythe augustéen 187
Emmanuelle Rosso
Le thème de la Res publica restituta dans le monnayage
de Vespasien : pérennité du « modèle augustéen »
entre citations, réinterprétations et dévoiements 209
Troisième partie
La Res publica restituta
dans la poésie d'époque augustéenne
Mario CITRONI
Res publica restituta et U représentation du pouvoir augustéen
dans l'œuvre d'Horace 245
Paul M. MARTIN
Res publica non restituta. La réponse dOvide: h légende de Cipus 267
Alain DEREMETZ
La Res publica restituta dans lœuvre de Virgile 281
Quatrième partie
La Res publica restituta
dans l'historiographie antique
Bernard MINEO
La Respublica restituta livienne: un pari sur l'avenir 295
Olivier DEVILLERS
Sed aliorum exitus, simul cetera illius aetatis, memorabo (Ann., III, 24, 2).
Le règne d'Auguste et le projet historiographique de Tacite 309
Marie-Laure FREYBURGER-GALLAND
Res Publica Restituta chez Dion Cassius 325
Jean-Louis FERRARY
Conclusions 343
352
H I S T O I R E
Le principat d'Auguste
Réalités et représentations du pouvoir
Autour de la Res publica restituta
Frédéric HURLET est professeur d'histoire romaine à l'université de Nantes et directeur de VIIFR
Histoire, Histoire de Vart et Archéologie. Il est membre du CRHIA (Centre de Recherche d'Histoire
Internationale et Atlantique, EA 1163). Il vient de publier, aux Presses Universitaires de Rennes, Rome
et l'Occident. Gouverner l'Empire.
Rernard MINEO est professeur de latin à Vuniversité de Nantes et directeur du département de Lettres
Classiques. Il est membre de l'équipe TLI-MMA (Textes, langages, imaginaires/marges, modernité de
l'antique, EA 4276). Il a publié, en 2006 aux Relies-Lettres, Tite-Live et l'histoire de Rome.
19 €
Avec le soutien
Réseau des Universités de l'université de Nantes
OUEST ATLANTIQUE 9"782753"509528 M
www.pur-editions.fr
ISBN 978-2-7535-0952-8