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75-94
Vanda Mikšić
Laboratoire de Linguistique Textuelle et de Pragmatique
Cognitive
Université Libre de Bruxelles
Kordunska 5, HR - 10000 Zagreb
vanda.miksic@zg.t-com.hr
Cet article présente les résultats d’une recherche menée dans le cadre du
projet ARC 06/11-342 « Les organismes culturellement modifiés : «Ce que
cela veut dire d’être humain» à l’âge de la culture », financé par le Ministère
de la Communauté française - Direction générale de l’Enseignement non
obligatoire et de la Recherche scientifique (Belgique).
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B. [silence]
A. Tu la protèges toujours.
B. [silence]
Cette fois-ci, le silence est choisi comme moyen d’expression et
de communication et, en tant que tel, il représente une véritable
action. Sur ce point, nous rejoignons Kurzon (1997, 25) :
On being asked a question, the addressee has been given a verbal
stimulus, but s/he has a choice between speech and silence as the
answer. This choice creates meaning, thus silence has meaning.
If so – and I think this assumption is generally accepted, we must
ascertain firstly whether silence is regarded as an act and whether
its meaning may be derived from an equivalent speech act fol-
lowing Searle’s approach [...] If an act is the deliberate activity on
the part of an individual, then an addressee’s decision to remain
silent is such an act. Since the alternative to this act of silence is
speech, then we may say that such silence is also a speech act. Of
course, not all acts are deliberate [...] one can be silent without
intending to be so.
Cependant, à la différence de Kurzon, nous ne nommerons pas
« acte » un comportement non-intentionnel.
De manière générale, nous considérerons que l’action de silence
peut revêtir soit la forme d’un « acte de silence » (comme dans
l’exemple cité), soit celle d’une activité, constituée d’un ensemble
d’actes (identiques ou différents) et manifestant une attitude (cf.
von Wright, 1963). Jaworski (1993, 78), quant à lui, utilise le terme
« activité » dans un sens générique, qui couvre à la fois les actes et
les activités au sens strict :
Silence is an activity. The occurring silence is subject to interpre-
tation in the same manner as other instances of linguistic communi-
cation following the principle of relevance. A linguistic item becomes
classified as an instance of silence when minimal contrast to a formal
act of nonspeaking takes place. Implicatures, undifferentiated repe-
tition (nonformulaic), refraining from speaking and acts of failing to
mention something fall into this category.
Pour notre part, nous considérons que les actes constituant une
Bien entendu, il peut être difficile de distinguer une activité (qui est in-
tentionnelle) d’un état (qui est, lui, non-intentionnel) : si quelqu’un tape
nerveusement des doigts sur la table, il peut s’agir d’un état (qui livre un
indice) ou d’une activité (qui produit un signe).
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B. [silence]
B. [silence]
B. Oui.
À deux reprises, le locuteur B ne dit rien : cette abstention ré-
pétée revient à un refus illocutoire d’affirmer ou de nier le contenu
propositionnel des questions posées. En principe, la dénégation
s’appliquera plutôt aux actes illocutoires qui risquent de heurter ou
de blesser l’interlocuteur ; la situation (le niveau de l’attente) et la
structure communicative (la typologie des questions, par exemple)
favorisent ce mécanisme par défaut. En conséquence, l’abstention
revient ici au refus de nier ; il en découle un acte illocutoire indirect
d’affirmation, que le locuteur B saisit sans difficulté, puisqu’il réagit
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B. [silence]
B. [silence]
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A. [silence]
B. [silence]
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B. [silence]
A. Dis-moi, sincèrement.
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4. Conclusion
Résumons brièvement le statut des actes de silence à l’intérieur
de la théorie des actes de langage :
1) aux niveaux phonétique (ou graphique) et phatique, un acte
de silence équivaut à zéro ;
2) un acte de silence conventionnel possède un aspect rhétique
(un contenu propositionnel) direct, un aspect locutoire direct (l’ex-
pression d’un état mental) et une force illocutoire directe ;
3) dans de nombreux cas, un acte de silence non-conventionnel
possède un aspect rhétique (un contenu propositionnel) indirect, un
aspect locutoire (l’expression d’un état mental) indirect et une force
illocutoire indirecte ;
4) dans certain cas, seule une interprétation centrée sur les effets
perlocutoires permet de donner du sens à l’abstention illocutoire.
Au début de cet article, nous avons énuméré les raisons qui
peuvent amener un locuteur (un silens) à produire un silence non-
intentionnel. Nous pouvons à présent nous demander pourquoi un
locuteur préfère recourir à un acte – ou, plus généralement, à une
action – de silence (non-conventionnel) plutôt qu’à la parole.
Mihailă considère que l’acte de silence est utilisé, en tant qu’abs-
tention, soit pour « éviter le déclenchement des effets, ce qui cor-
respondrait à une conservation d’état », soit « comme un moyen de
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