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Après avoir démontré qu’il était impossible de fonder l’induction sur elle
même, et que la théorie de la probabilité subissait le même sort, nous allons
montrer comment Popper réussit à donner une assise logique à la science.
Afin de résoudre le problème posé par Hume, et montrer ainsi qu’il existe
bien une différence entre les énoncés scientifiques et les pseudo énoncés,
Popper va adopter une perspective radicalement nouvelle. L’auteur de
Conjectures et Réfutations s’accorde avec Hume pour affirmer qu’une théorie
ne peut être justifiée par l’accumulation d’expériences concluantes. Un million
d’expériences ne suffisent pas à justifier un énoncé, mais une seule peut suffire
à le réfuter définitivement. Le développement de la connaissance ne peut donc
se faire par l’accumulation d’observations qui justifieraient une théorie.
Popper désigne sous le terme vérificationniste les philosophes partisans de la
justification de la connaissance. Selon eux, une théorie est vraie si et seulement
si on la justifie positivement ou en ayant recours aux probabilités. Popper tient à
se démarquer de ce courant et prône une approche fondée sur la réfutation. Les
réfutationnistes revendiquent une philosophie de la connaissance faillibiliste.
Seule une théorie susceptible d’être fausse par un examen critique mérite qu’on
s’y intéresse voir qu’on y adhère provisoirement. « La rationalité de la science
ne réside pas dans un recours constant à des données empiriques qui viendraient
en étayer les affirmations dogmatiques […] mais uniquement dans la démarche
critique qui est la sienne. » Popper se distingue donc de Hume au moins sur ce
point : la science n’a pas pour but de justifier les énoncés, mais de les réfuter, de
les remettre en question. Dès lors, elle ne tire pas sa rationalité de l’induction
mais en recourant à la méthode « des essais et erreurs ». Ce qui confère à une
théorie son caractère rationnel provient du fait qu’on puisse la soumettre à des
tentatives de réfutations. Une théorie scientifique est donc une théorie
falsifiable. Il ne faut pas chercher à prouver mais à réfuter. Car la réfutation ou
falsification, est (à la différence de la justification) quelque chose dont on ne
peut douter. En effet, l’expérience ne peut pas se tromper, si l’énoncé est
falsifié, alors nous avons la certitude d’être dans l’erreur. Le scientifique doit
donc soumettre ses théories à la nature qui est la seule juge. Popper assigne
donc à la science une nouvelle tâche; celle de discriminer les énoncés faux des
énoncés vraisemblables. La conception de Popper fait donc de chaque théorie
scientifique une hypothèse qu’il s’agit de réfuter par tous les moyens possibles
afin de savoir si elle est fausse ou si elle peut prétendre à la vérité. Dès lors la
question de savoir quand est ce qu’une théorie est vraie n’a plus aucun sens et
doit être abandonnée, car comme nous l’a montré l’induction, cette question
n’admet jamais de réponses. Si les vérificationnistes cherchaient à discriminer
les énoncés vrais des énoncés vraisemblables, Popper adopte une position
symétriquement inverse. La science est rationnelle car elle distingue le faux du
vraisemblable.
Si la rationalité de la science repose donc entièrement sur sa capacité à
distinguer le faux du vraisemblable, alors cette distinction doit se faire par des
critères objectifs et jamais subjectifs. Dans le cas contraire, la science reposerait
de nouveau sur un processus psychologique, ce qui lui ôterait toute rationalité.
Pour y parvenir Popper propose donc un critère de distinction : le critère de
démarcation. Nous allons maintenant définir ce critère, ainsi on comprendra
pleinement pourquoi ce changement de perspective permet de donner une
rationalité à la science. Pour distinguer un énoncé scientifique d’un pseudo
énoncé, il suffit de pouvoir le falsifier. Un énoncé est falsifiable sous trois
conditions. Tout d’abord il faut que l’énoncé puisse être soumis à une
expérience. Autrement dit, un énoncé scientifique doit admettre qu’il existe une
classe d’énoncés qui le contredise. Ces énoncés sont qualifiés de falsificateurs
potentiels (ou falsificateurs virtuels). Si ces énoncés sont vrais alors la théorie
est fausse. La deuxième condition que doit remplir un énoncé scientifique, est
de pouvoir être testé à plusieurs reprises. Tout énoncé qui ne satisferait pas ces
deux conditions serait un énoncé métaphysique. Ainsi un énoncé comme «Dieu
est cause de toutes choses » ne peut être qualifié de scientifique car il ne
respecte pas la première condition. En effet le terme « Dieu » ne renvoie à
aucune expérience possible. Il ne peut donc jamais être réfuté. Néanmoins ces
deux conditions ne sont pas suffisantes. Un énoncé du type : « Pour les
gémeaux, l’association de Mars et de Saturne, en fin de semaine, est
annonciateur d’une excellente nouvelle. » est dans une certaine mesure
falsifiable puisqu’il respecte les conditions émises plus haut. On peut en effet
attendre la fin de la semaine pour observer si oui ou non les individus nés entre
le 21 mai et le 21juin ont reçu une excellente nouvelle. Cet énoncé n’a rien de
métaphysique. Or, il ne fait aucun doute pour Popper que l’astrologie n’a rien à
voir avec la science. Il faut donc ajouter une troisième condition pour pouvoir
distinguer les énoncés scientifiques des énoncés pseudo scientifiques. Un
énoncé scientifique doit être aussi précis que possible et interprété d’une
manière unique. L’exemple précédent ne remplit manifestement pas cette
condition puisque « l’excellente nouvelle » n’est pas quantifiable et prête à des
interprétations différentes. En effet à partir de quand reconnaît on qu’une
nouvelle est excellente ? De plus, ce qui apparaît comme excellent pour une
personne peut être simplement satisfaisant pour une autre. L’astrologue aura
beau jeu de voir dans chaque évènement une « excellente nouvelle », et de ce
fait sa prédiction sera toujours vérifiée. Un énoncé scientifique ne doit donc pas
être vague, auquel cas il risque de ne jamais être réfuté ce qui contrevient au
premier principe de démarcation.
Le critère de démarcation permet de rejeter tous les énoncé qui ne
seraient pas falsifiables et donc qui nous empêcherait de faire la distinction
entre un énoncé faux (c’est-à-dire un énoncé contredit par une expérience) et un
énoncé vraisemblable (c'est-à-dire un énoncé qui a été testé par une expérience
mais qui n’a pas été contredit par cette dernière). De plus, en ayant recours à
l’expérience, la science ne s’appuie plus sur des critères subjectifs mais
objectifs. Ainsi le discours du scientifique a plus de valeur que le discours de
l’astrologue ou de l’aliéné car les énoncés qu’il formule résistent à l’expérience.
Une théorie scientifique est donc un énoncé qui prend le risque d’être réfutée.
Toutefois, on pourrait rétorquer à Popper que sa solution est stérile car elle ne
nous permet de savoir que ce qui est faux et jamais ce qui est vrai. Dans ces
conditions on voit difficilement comment notre connaissance du monde peut
s’accroître si nous devons abandonner toute prétention à détenir la vérité.
Popper répond à cette objection en proposant une définition originale de la
vérité qui peut être déduite du critère de démarcation. Ce dernier permet de
distinguer les énoncés non falsifiables des énoncés falsifiables. Les énoncés
scientifiques sont les énoncés falsifiables car ils émettent une théorie sur le
monde qui peut être réfutée par une expérience. La majorité des énoncés
scientifiques sont falsifiés très facilement, d’autres résistent à la falsification, ils
sont donc corroborés. La recherche de la vérité est donc un processus qui repose
sur l’élimination. Le progrès de la connaissance ne se confond pas avec
l’accumulation de connaissances, mais en n’en excluant le maximum possible.
Plus nous falsifions les théories et plus l’éventail des théories susceptibles d’être
vraies s’amenuise. La vérité chez Popper a donc le statut d’une Idée régulatrice
de la connaissance. Nous nous rapprochons toujours un peu plus de la vérité à
chaque fois que nous réfutons une théorie. Popper utilise une métaphore pour
décrire ce processus. La vérité est comparée à la cime d’une montagne voilée
par les nuages. L’alpiniste (le scientifique) ignore toujours s’il atteint la cime (la
vérité) de la montagne ou bien un sommet de moindre envergure. Néanmoins, il
peut à chaque instant se retourner et apprécier l’étendue du chemin parcouru.
Le falsificationnisme défendu par Popper est donc un réalisme convergent.
Chaque théorie est dépassée par une autre qui nous rapproche toujours plus de
la vérité.
La falsification permet donc de donner une assise logique aux sciences tout
en lui permettant de progresser dans sa recherche de la vérité. Toutefois, cette
solution soulève de nombreuses difficultés. En affirmant que les théories
scientifiques sont au mieux vraisemblables, comment fait on pour distinguer
deux théories qui résistent à la falsification ?
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