Le Soir Vendredi 11 février 2011

Pourquoi la présomption d’innocence devrait être appliquée pour Eric Woerth ou Michèle Alliot-
forum
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Marie et pas pour les magistrats ? Si Nicolas Sarkozy a oublié ce qu’est la présomption d’inno-
cence, qu’il révise son droit. » VIRGINIE VALTON, VICE-PRÉSIDENTE DE L’UNION SYNDICALE FRANÇAISE DES MAGISTRATS, AU « NOUVEL OBSERVATEUR »

Charles Bricman aux sources

du malentendu national
GASTON EYSKENS, en 1970, a dé-
claré l’Etat unitaire dépassé par
les faits. Bricman : « Après 40 ans,
on n’a toujours pas trouvé ce qui
allait le remplacer. » © D.R.

Charles
Bricman
Journaliste (notamment
au Soir, jusqu’en 1990),
blogueur avisé
(http://blog.pickme.be),
il observe la vie politique
avec malice depuis une
quarantaine d’années.

HISTOIRE
d’un pays
allant
au fédéralisme
avec un ADN
confédéraliste.
ENTRETIEN ment, un parlement. Mais avec qué la bonne méthode. On s’est lan- de la majorité tempérée par le res- n’étaient pas le français. Oui. Etienne Davignon a dit un
e vous fiez pas à son petit deux pays devenus différents. On cé dans un processus de dissocia- pect des droits de la minorité. Et là, jour : « En Belgique, on n’aime pas

N gabarit (tout mouillé, ce li-

vre fait 125 pages). Et pour-
tant, il nous convie à un sacré voya-
peut régionaliser un Etat, comme
on le fait en France, pour autant
que l’on garde un Etat central puis-
tion. Il aurait fallu partir de l’idée
que tout est séparé et se dire :
« Qu’est-ce qu’on fait pour construi-
la minorité s’est imposée.

Le mouvement flamand est fon-

ge : celui de nos aventures institu-
tionnelles et communautaires. Un
récit synthétique, gorgé de souve-
nirs personnels et servi par la plu-
me savoureuse de Charles Bric-
man. Entretien avec l’auteur.
Pourquoi ce livre, au fond ?
C’est une somme de ma vie de
journaliste, de 40 ans d’observation
du conflit communautaire en Belgi-
que. J’ai commencé à m’intéresser à
ça quand j’avais 17 ans, quand Gas-
ton Eyskens est monté à la tribune
de la Chambre pour déclarer :
« L’Etat unitaire est dépassé par les
faits. » Ça m’avait choqué à l’épo-
que ; comme tout francophone bru-
xellois de bonne famille, j’étais un
Belgicain. Comme journaliste, plus
tard, j’ai cru qu’on arriverait à faire
quelque chose de définitif – comme
lors de la réforme de 1988. Dans ce
livre, j’essaie de comprendre pour-
quoi ça n’a pas été le cas. Et l’analy-
se de Bart de Wever est correcte : la
Belgique n’existe plus en tant que
démocratie fonctionnelle. C’est tou-
jours un Etat avec un gouverne-
sant. Mais en Belgique, les vérita-
bles souverains, au fond, ce sont
nos deux opinions concurrentes.
A qui adressez-vous ce livre ?
A tout qui veut comprendre le pro-
blème belge. Le livre a été écrit pour
pouvoir être lu sans prérequis, sans
connaissance préalable de la Belgi-
que. C’est une tentative de compren-
dre ce qui se passe dans ce pays exo-
tique. Toutes les nations se définis-
sent par des caractéristiques pro-
pres – la France, ce sont les droits de
l’homme, la République… La Belgi-
que se définit en creux – elle n’est
pas la France, elle n’est pas les Pays-
Bas. Et en même temps, elle est un
peu tout ça. C’est un pays métis.
Le déclic, qui éveille votre inté-
rêt pour la politique, c’est donc
Gaston Eyskens quand il enga-
ge la première réforme de
l’Etat, en 1970…
Il a donc dit : l’Etat unitaire est dé-
passé par les faits. Et après 40 ans,
on n’a toujours pas trouvé ce qui al-
lait le remplacer. On n’a pas appli-
Et pour ça, comme dit dans le
livre, il fallait des… instituteurs.
Il aurait fallu une véritable politi-
manier les concepts. » C’est vrai. On
a peu de penseurs, ici. Quand on
joue trop avec les concepts, on se
re une fédération ? » Quand les 13 damentalement basé sur une sé- que d’éducation nationale. Et l’Égli- prend parfois les pieds dans le tapis,
colonies américaines forment la rie de souffrances – culturelle, se s’y est opposée. La Belgique s’est comme en France. Mais quand on
confédération, c’étaient 13 Etats sociale – que les francophones fondée sur le compromis entre l’opi- ne le fait pas du tout, on verse dans
souverains, à la base. Idem avec les ont longtemps ignorées. nion libérale et l’opinion conservatri- la gestion épicière.
26 cantons qui ont décidé de former A la fin du XIXe la Belgique s’est ce-catholique. Et la liberté d’ensei-
la confédération suisse et de lui con-démocratisée via deux canaux – le gnement, c’était la liberté pour l’Egli- Pas de ténors : ça vient d’où ?
fier certaines matières – affaires mouvement socialiste et le mouve- se de construire le quasi-monopole On n’enseigne pas la philo, à l’éco-
ment flamand. Le pour l’école catholique. le… Le Belge est pragmatique… Et
« Le rejet de la culture flamande a rendu mouvement socialiste puis, jusqu’en 1830, l’État a toujours
les Flamands distants de la Belgique. Elle n’a est entré au gouverne- Les électeurs flamands ont plus été un corps étranger, chez nous. Il
jamais été un pays à aimer, pour les ment au moment de voté pour Bart De Wever que n’y a pas d’idéologie d’État. On a
Flamands – ils n’y avaient pas leur place » la Première Guerre pour la N-VA. Le jeu est tronqué. moins de vision globale. Mais ici, je
mondiale. Le mouve- Oui. Et c’est une grande question n’émets que des hypothèses…
étrangères… On a là, dans ces deux ment flamand, lui, après la guerre, posée à la démocratie. Les gens ne
cas, un État fédéral qui a son propre n’a pas été intégré dans le système votent pas toujours selon leurs inté- En 184 ans, on aurait pu la déve-
espace politique. Et en Belgique, il belge. Et le malheur vient un peu de rêts ou leurs préférences car les dis- lopper, cette idée commune.
n’y a pas d’espace public fédéral. là – ce rejet de la culture flamande, cours ne correspondent pas aux po- On aurait pu… Mais, encore une
qui a rendu les Flamands distants litiques annoncées. L’article 1er des fois, on joue peu avec les con-
Pourquoi ? par rapport à la Belgique. Elle n’a ja- statuts de la N-VA, c’est une Flandre cepts… On est des pragmatiques. ■
Il est séparé en deux. Nous som- mais été, pour eux, un pays à aimer indépendante. Il n’y a pas si long- Propos recueillis par
mes un pays unitaire, qui prétend al- – ils n’y avaient pas leur place. Il y a temps, les statuts du PS proposaient PIERRE BOUILLON
ler vers le fédéralisme et dont l’ADN eu un manque d’empathie à l’égard encore la nationalisation complète
présente des traits de confédéralis- de ce que ressentaient les Fla- de tous les moyens de production. Comment peut-on être
me. Et cet ADN remonte à la Ques- mands. Il y avait deux façons intelli- Ces idéaux ne sont pas nécessaire- belge ?
tion royale. En dépit de la consulta- gentes de procéder. Promouvoir un ment le reflet de la politique menée. CHARLES BRICMAN
tion populaire, majoritairement fa- pays bilingue, comme le Grand-Du- Flammarion,
vorable au Roi, la Wallonie obtient ché où tout le monde se comprend. Vous écrivez : les « hommes et collection Café Voltaire,
son retrait. Cela a traumatisé la Ou la méthode française, qui a éra- les femmes politiques de chez 130 pages.
Flandre. La démocratie, c’est la loi diqué toutes les langues qui nous sont ennuyeux. » 12 euros

le courrier
Une charte pour une Belgique efficace
l faut considérer notre pays comme une en-
I treprise. Dès lors, tout comme cela serait le
cas dans le privé, engageons des candidats
ayant le profil de l’emploi : être bilingue ou tri-
lingue, posséder un diplôme en fonction du
poste visé et avoir au moins dix ans d’expérien-
ce dans le domaine. In fine, signer un contrat
d’emploi avec interdiction de cumuler deux
fonctions et sans aucune impunité politique
ou autre, avec un précompte et des taxes à
payer comme tout le monde.
Finalement, retour à un seul gouvernement
national, plus de régions, plus de fédéral et
pour les élections : fini droite-gauche ou franco-
phone-flamand… Dorénavant, un tableau de
postes à pourvoir et tout candidat ayant les
qualités requises pourra se présenter. On re-
et de gérer le pays au mieux. (…) Et si on ne
trouve que des Flamands répondant à ces con-
ditions, pourquoi pas.
FRANÇOISE DELCOURT, PAR COURRIEL
Voyages ministériels obligatoires
J ’ai toujours pensé que si nos dirigeants
voyageaient un peu plus, le pays s’en porte-
rait mieux. Ils verraient des exemples qui mar-
chent, ou qui ne marchent pas, ils compren-
draient que nous ne sommes plus le nombril
du monde, que nos leçons agacent, et qu’un
peu plus d’empathie avec les autres peuples
nous ferait le plus grand bien…
Et patatras, après l’affaire MAM et l’affaire
Fillon, on va fortement restreindre les voyages
à l’étranger pendant les vacances ! On va donc
encore accentuer le repli sur soi de notre classe
moins 3 langues. La France, ils ont toute leur Exprimez-vous
activité de ministre pour la connaître !
ALINE ADAM (PARIS), PAR COURRIEL
via le Belgomaton
Postez vos réactions et solutions à la
« Habemus gouvernementum » crise, sans insultes ni menaces,
en quelques mots :
JOnecélérer
propose à mon tour une solution pour ac-
les discussions : copier le Vatican.
placerait tous les présidents, j’ai bien dit
http://belgomaton.lesoir.be/
Nous publions chaque jour au moins
tous les présidents de parti, en maison fermée. l’une d’entre elles.
On les mettrait au pain sec et à l’eau.
« Marre des médias
On supprime complètement leurs émolu-
ments (c’est trop facile de faire traîner les dis- qui nous matra-
cussions et de se remplir les poches). quent d’infos subjec-
Et comme ils aiment bien couper les cheveux tives... Et si on de-
en quatre, on couperait également le chauffa- mandait a chaque
ge central mais on leur mettrait à disposition population de se pro-
un feu et quelques stères de bois. noncer sur son désir
Sans oublier de prévoir des produits pour 13 JUIN de construire un ave-

vend tous les parlements devenus doublons
pour en garder un seul. On instaure aussi une
vignette annuelle de roulage belge pour nos
autoroutes. On demande aux nouveaux minis-
tres de mettre de côté leurs couleurs politiques
J+243
dirigeante. Dans un monde complexe et multi- blanchir ou noircir la fumée. nir commun... ou
polaire ce n’est certainement pas une bonne Il ne resterait plus qu’à attendre pour qu’en- non... »
idée ! Moi je dis qu’on devrait rendre obligatoi- fin nous puissions entendre : « Habemus gou-
res les vacances des ministres à l’étranger, et vernementum » !
les obliger par la même occasion à parler au GUY VERHELST COMINES

1NL www.lesoir.be

10/02/11 21:59 - LE_SOIR du 11/02/11 - p. 16