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Décembre
2012
Primatologie :
Apprendre des singes
■ Japon : Les macaques de l'île montagne
L 15519 - 6 - F: 7,50 € - RD
Appel à contribution
Vous êtes chercheur, étudiant
ou amateur éclairé ? Envoyez vos articles
à c.breton@especes.org
(les contributions sont bénévoles)
Parrainage :
Patrick Poivre d'Arvor, journaliste et écrivain.
André Santini, ancien ministre, député et maire
d’Issy-les-Moulineaux.
Les jeunes macaques du Japon (Macaca fuscata yakui) apprennent à sélectionner leurs
nourritures solides au contact des adultes. Ici, un jeune explore des fruits verts de
Mokutachibana (Ardisia sieboldii) sur une grappe abandonnée par un adulte qui en a
consommé les fruits mûrs (cliché L. Tarnaud).
Méfiez-vous
D
ans l’ambiance pré-apocalyp- Il faudra, en effet, plus de 40 ans pour
tique qui baigne le bouclage comprendre que ce crâne n’était qu’un
de ce numéro, nous aurions habile assemblage entre une mandibule
été curieux de voir monter de la mer d’orang-outan et un crâne médiéval
la « bête qui avait dix cornes et sept têtes » humain.
dont parle saint Jean, ne serait-ce que
par intérêt pour l’anatomie d’un ani- Craniométrie, phrénologie ou ADN, les
mal portant 1,4285714 corne par tête. outils changent, les idées reçues restent,
Contre toute attente, c’est le yéti qui véhiculées par des raccourcis efficaces
(res)sort du bois. En effet, en cette fin comme « l’homme descend du singe » et
novembre 2012, une vétérinaire texane des images simplistes. C’est contre ces
a lâché une bombe sur la toile : grâce à images que Stephen Jay Gould nous met
des analyses ADN (non encore publiées particulièrement en garde, évoquant l’il-
et réalisées sur… quoi ?) elle est par- lustration des milliers de fois reproduite
venue à prouver que non seulement le montrant sapiens (dressé) guidant les
sasquatch existait bel et bien mais aussi autres hominidés (courbés) sur le chemin
qu’il aurait aggravé son cas en fautant du progrès. Flattant notre ego, encou-
L’échelle des races humaines selon Nott
avec des femelles Homo sapiens. En mai, et Gliddon dans Types of Manking (1854).
rageant notre paresse à la réflexion, les
c’était un généticien britannique et un Pour S. J. Gould, qui reproduit cette planche images s’incrustent définitivement dans
zoologiste suisse qui se lançaient dans dans La mal-mesure de l’homme, le crâne du notre imaginaire.
l’analyse des “nombreux échantillons” chimpanzé a été volontairement augmenté On peut légitimement espérer que
du yéti. On attend de leurs nouvelles. et la mâchoire du Noir allongée. l’homme entre le Grec et l’animal figu-
rant sur cette planche a définitivement
Après tout, il semble aussi logique disparu de l’esprit de la plupart d’entre
qu’Homo sapiens ne soit pas la seule espèce à peupler la nous ; mais, comme le souligne Frédéric Joulian, nous
terre aujourd’hui, que paraissait évidente à J. C. Nott et comparons encore hommes et singes en distribuant les
R. Gliddon, en 1854, la raison pour laquelle le profil du bons et les mauvais points. Ne cherchons pas seulement
Noir s’intercale si parfaitement entre celui du chimpanzé chez les singes ce qu’ils peuvent nous apprendre de nous.
(prognathe) et de l’Apollon du Belvédère (rétrognathe). Il
n’y a pas de fumée sans feu. Il y a dans le mythe de l’homme-singe un peu de sur-
Bien malgré lui, Darwin a rendu l’homme-singe pos- homme (grand et fort) et un peu de sous-homme (à l’esprit
sible, voire probable, et provoqué une chasse frénétique lent). Cet incontournable de la cryptozoologie incarne
au “chaînon manquant”, frénésie à laquelle on doit l’un notre idée de l’animalité. C’est pourquoi la réapparition de
des canulars les plus réussis de l’histoire de la paléontolo- l’indestructible icône du yéti, paré de justifications géné-
gie : l’homme de Piltdown (Homo (Eoanthropus) Dawsoni). tiques, est si inquiétante.
№ 6 3
4
Éditorial
Décembre 2012 par Cécile Breton
4 Sommaire
9 BD La chronique de
Raymond le bousier
par Arnaud Rafaelian
6 Actualités
10 Primatologie
Dossier :
30 Recherche
10 Frédéric Joulian
Primates en culture
Entretien avec Cécile Breton 30 La France peu à
peu envahie par le
frelon asiatique
14 Les yakuzarus
macaques
par Éric Darrouzet
et Jérémy Gévar
de l’île montagne
par Laurent Tarnaud
36 Les géants
des Kem Kem
22
par Béatrice Pellegrini,
Chimpanzés Émilie Läng et Lionel Cavin
de Guinée
une liberté…
suivie par satellite
par Jérôme Grenèche
44 Conservation
60 Carnet d’expédition
Le Matarombeo,
l’entre deux mondes
44 LaChronique
rythine de Steller
d’une
par Jean-Michel Bichain
extinction programmée
par Fabrice Genevois
66 Vous n’avez
rien compris à…
52 Lalumineuse
pollution Le phytoplancton
par Marie Garrido, Alain Couté,
écologique Catherine Perrette,
par Thomas Le Tallec Vanina Pasqualini
72 Carte blanche
Petits et moches :
les oubliés
de la biodiversité
Guillaume Lecointre
74 Entr’espèces
Des abeilles pour
éloigner les éléphants
par Bruno Corbara
76 Portrait d’espèce
La valse du pipa
par Emmanuelle Grundmann
78 À voir et à lire…
un outil de détective
des organismes et des populations
à l’université de Bourgogne
D ans la série des études qui, à première vue, n’ont aucune utilité évidente,
trois chercheurs italiens ont mis en évidence une certaine asymétrie
dans les mouvements de la queue des chiens soumis à différents stimuli. La
présence du maître, d’un inconnu ou d’un chat provoque des battements plus
marqués à droite, alors que l’apparition d’un mâle dominant, provoque une
asymétrie à gauche. Cette étude semblerait confirmer l’hypothèse selon laquelle
l’hémisphère gauche (asymétrie droite) contrôlerait les processus d’approche et
le droit (asymétrie gauche) de retrait. Le contrôle des fonctions liées à l’émotion
serait donc latéralisé dans le cerveau (gauche = positif et droit = négatif ) comme
ceci a déjà été observé chez d’autres espèces dont l’homme. [C. B.] ❁
D es chercheurs de l’université
d’Exeter, au Royaume-Uni, ont
essayé de comprendre l’avantage évo-
lutif de la très longue ménopause des
femelles orques. Après les humains,
les orques ont la plus longue vie
post-reproductive.
Après avoir analysé les probabili-
tés de survie de plus de 500 indivi-
dus sur de nombreuses générations
d’orques de la côte ouest américaine
et canadienne, les scientifiques ont
observé que la probabilité de survie
des adultes sans mère était beaucoup
plus faible. Cela est particulièrement Cliché N. Novack/Horizon.
vrai pour les mâles, et surtout pour
ceux de plus de 30 ans. Cette relation les fils plus que les filles ? Les sociétés rester au sein du groupe, augmentant
entre survie des adultes et présence de d’orques sont matrilinéaires et mul- la densité du groupe et donc la com-
la mère est très forte quand la mère ti-générationnelles : les jeunes (mâles pétition interne au groupe pour les
est ménopausée. Ainsi, un mâle âgé et femelles) restent toute leur vie ressources. Alors que la progéniture
de plus de 30 ans sans mère méno- avec leur mère. Dans un groupe, on du fils naîtra et restera dans un autre
pausée, a une probabilité de survie trouve la mère avec ses enfants et ses groupe. La mère orque qui aide son
14 fois inférieure à celle d’un mâle petits-enfants. Les accouplements se fils adulte s’assure donc de la trans-
qui a encore sa mère. Il semble que font avec un autre groupe lors d’une mission de ses gènes sans augmenter
les mères assistent leurs fils dans leur rencontre éphémère. Ainsi la progé- le nombre de bouches à nourrir dans
recherche alimentaire et lors d’af- niture d’une fille va-t-elle naître et son groupe. [C. L.] ❁
frontements avec d’autres mâles. En
termes de transmission de gènes, on
>F
oster E., Franks D., Mazzi S., Darden S., Balcomb K., Ford J., Croft D., 2012 -
comprend donc aisément l’avantage “Adaptive Prolonged Postreproductive Life Span in Killer Whales”, SCIENCE, vol. 337,
adaptatif de l’aide aux jeunes en âge sept 2012.
de se reproduire. Mais pourquoi aider
Des coléoptères
de la Renaissance
S uite à l’accélération des mouvements de popula-
tion de ces cent dernières années, de nombreuses
espèces d’insectes – et notamment les coléoptères
xylophages qui ont profité du commerce du bois – se
sont répandues dans toute l’Europe. Mais ce n’était
pas encore le cas à la Renaissance : c’est ce qu’a pu
déterminer Blair Hedges, professeur à l’université de
Penn State (Pennsylvanie), grâce à une étude origi-
nale qui a porté sur près de 500 ouvrages imprimés
en Europe entre le xve et le xixe siècle et utilisant la
technique de la gravure sur bois. Les trous creusés par
les larves pour se nourrir laissent, lors de l’impres-
sion, des “blancs”, et leur action est aussi détectable
À gauche, travail de l’espèce du nord de l’Europe. À droite, travail de l’espèce
du sud sur des gravures imprimées montrant les “manques” provoqués par les
dans les reliures ainsi que dans les blocs gravés. Le
galeries des larves et des blocs gravés percés par ces mêmes galeries. En bas, chercheur a pu ainsi identifier une espèce “nordiste”
coupe schématique des galeries des deux espèces dans le bois (Biology Letters, et une espèce “sudiste” (probablement Anobium
Royal Society). punctatum et Oligomerus ptilinoides), en fonction de la
taille et de la forme de ces empreintes. Outre l’inté-
>H
edges S. B., 2012 - “Wormholes record species history in space and rêt purement biologique de l’étude, cette découverte
time”, Biology Letters 9 (http://dx.doi.org/10.1098/rsbl.2012.0926) permettra aussi aux “bibliologues” de connaître le
lieu d’impression de certains ouvrages. [C. B.] ❁
Primatologie
Frédéric Joulian
Propos recueillis
par Cécile Breton
Primates en culture
Lorsqu’une question le taraude, Frédéric Joulian ne recule devant
rien pour la résoudre, même s’il faut user de la machette dans les
forêts de la Côte d’Ivoire ou convaincre des préhistoriens de faire
de la primatologie. On pourrait dire, en paraphrasant Boris Vian,
qu’il aime à se poser les questions « auxquelles il pense que les
autres ne penseront pas », car lorsqu’on parle de l’homme et du
singe, le plus difficile est surtout de se poser les bonnes !
Vous êtes à la fois anthropologue, parcimonieuse pour rendre compte de l’outil, la pensée réfléchie, le langage,
ethnologue, primatologue, la continuité comportementale, cogni- et les archéologues avaient du mal à
préhistorien. Il n’est pas facile de tive et sensible entre “eux” et “nous”. accepter que ces outils en pierre, qui
constituent leur principale matière à
vous “définir”.
Votre premier amour, c’est tout de étude, aient pu être utilisés, voire fabri-
même la préhistoire ? qués par des animaux.
Je suis un anthropologue au sens Ma première idée était donc de travail-
anglo-saxon du terme. L’anthropologie Oui, comme discipline attachée à la ler sur les techniques des chimpanzés
dépasse l’ethnologie et peut intégrer matérialité et aux questions d’origine, et j’ai déposé un sujet de maîtrise en
la dimension diachronique contenue mais je suis parti très vite sur les pri- archéologie qui a été refusé et c’est
dans l’étude des hommes anciens, mais mates, dès le début des années quatre- un anatomopathologiste du musée de
aussi d’autres disciplines, dont l’étude vingt : j’étais fasciné par la littérature l’Homme, Michel Sakka, qui m’ins-
des primates. En fait, je suis un anthro- éthologique, les travaux comme ceux crivit. J’ai ensuite travaillé en anthro-
pologue un peu particulier qui déplace de Jane Goodall ou de Benjamin Beck pologie funéraire sur les sépultures
les concepts et méthodes des sciences qui décrivaient des outils complexes collectives de la fin du Néolithique, et
de l’homme pour les appliquer à des chez les primates. Or, c’était en contra- alterné fouilles de sites paléolithiques
“non-humains”. Et cela parce qu’il m’a diction avec ce qu’on m’enseignait à la et technologie culturelle, avec les
semblé, dès le début de mes recherches, Sorbonne et avec la doxa paléoanthro anthropologues de l’équipe Techniques
que c’était la voie la plus juste et pologique d’alors : l’homme, c’était et culture qui publiaient la revue que je
dirige aujourd’hui. C’est la rencontre permis de poser les pieds sur terre et
avec Glynn Isaac, un grand préhisto- de me méfier des envolées théoriques
rien américain des années 1970-1980, des scientifiques de cabinet ou de zoo
qui va me permettre de réaliser la jonc- sur les cultures animales ! Ce sont mes
tion. Il travaillait en Afrique de l’Est étudiants qui mesurent aujourd’hui les
et s’était déjà intéressé aux modèles forêts ! [rires]. Puisque la méthodolo-
territoriaux des primates pour ten- gie était identique sur tous les lieux
ter de mieux comprendre les sites du étudiés, il a été possible de constituer
Plio-Pléistocène d’Afrique de l’Est. des bases de données environnemen-
Je suis donc finalement parti (après tales et comportementales et de mettre
Les forêts perlées de pluie et les reliefs escarpés de l’île de Yakushima ont
inspiré l’animation Princesse Mononoké, ode à la nature du réalisateur
japonais Miyazaki. Les primatologues, quant à eux, se sont passionnés pour
la petite société de macaques qui l’occupe. Interactions sociales com-
plexes, apprentissage, exploitation du milieu, les macaques du Japon nous
parlent un peu de nous.
Les yakuzarus :
macaques de l’île
montagne
Texte et clichés Laurent Tarnaud
Chercheur associé au laboratoire d’éco-anthropologie
et d’ethnobiologie du Muséum national d’histoire naturelle
Cette flore est aussi caractérisée par un très grand nombre pour écrire son film d’animation mondialement connu,
d’épiphytes et de ptéridophytes (plus de 300 taxons), ainsi Princesse Mononoké.
que par plusieurs espèces rares de lichens. Yakushima abrite,
en outre, la mangrove la plus septentrionale du globe. Quatre Les yakuzarus (ヤクザル)
sous-espèces de mammifères et d’oiseaux endémiques y
vivent, dont les macaques et les cerfs du Japon (Cervus nip- Pour le primatologue, Yakushima présente l’intérêt d’abriter
pon yakushimae). C’est, enfin, un lieu de ponte pour les tor- une population de primates non approvisionnée en
tues vertes (Chelonia mydas) et caouannes (Caretta caretta). nourriture et étudiée depuis les années soixante-dix : la sous-
C’est aussi au cœur des forêts millénaires de Yakushima, où espèce de macaques japonais Macaca fuscata yakui, localement
croissent les yakusugi (les cèdres du Japon, Cryptomeria japo- et trivialement désignée sous le vocable de yakuzaru, le
nica) – dont les plus célèbres sont âgés de 1000 à 3000 ans singe de Yakushima, “saru” signifiant singe, en japonais.
–, que le cinéaste japonais Miyazaki a puisé son inspiration Son observation a permis d’importantes découvertes dans
opportunistes, omnivores, ils exploitent un très large éventail (Macaca tonkeana), ont organisé leurs relations sociales autour
de nourriture : plus de 250 espèces végétales ingérées par de la tolérance. Comme chez la plupart des autres simiens, les
ces singes ont ainsi été recensées. En 2008, il a été mis en mâles dominent les femelles et chaque sexe obéit à des règles
évidence la consommation de feuilles de graminées dentées de dominance qui lui sont propres. Les comportements
et agrémentées de poils que les animaux roulaient en boule agonistiques indirects ou de soumission comme le “sourire”
dans leur bouche avant de les avaler. Ces observations (retroussement des lèvres qui découvre la dentition)
complètent les preuves déjà nombreuses de l’utilisation des sont fréquents. À l’approche d’un dominant, l’individu
plantes par les primates pour se soigner. Les macaques roulent subordonné tourne généralement le dos ou s’esquive. Les
aussi les chenilles entre les paumes des deux mains pour combats sont d’autant plus violents chez cette espèce qu’il
retirer leurs poils urticants, puis ingèrent immédiatement existe un système d’alliances où mâles et femelles peuvent
après des feuilles matures ou mortes, certainement pour prêter main-forte à un individu agresseur ou agressé. Ces
piéger les poils restants et faciliter la digestion. alliances dépendent des “intérêts” de chacun : se faire bien voir
des dominants ou défendre un “parent” (pour les femelles).
Organisation sociale Pour apaiser les tensions, les macaques se réconcilient en se
toilettant mutuellement. Le toilettage est aussi un moyen de
Les macaques du Japon sont des primates dont l’organisation marquer son rang hiérarchique, le subordonné toilettant le
sociale repose sur une hiérarchie stricte et sur le népotisme. dominant plus souvent et plus longuement que ce dernier
Le non-respect des rangs de dominance donne lieu à des ne le fait.
comportements agressifs (agonistiques). A contrario, d’autres Les groupes sociaux de macaques japonais sont matrili-
espèces du genre Macaca, comme le macaque de Tonkéan néaires. Ils sont constitués de plusieurs lignées de femelles
ratio) en faveur des mâles est observé chez les sujets de plus
de trois ans. Un même déséquilibre du sexe-ratio est observé
les années de forte production fruitière (“mast-fruiting”). Le
développement d’un mâle est énergiquement plus coûteux
pour la mère que celui d’une femelle. Les jeunes macaques
naissent à la fin du printemps, alors que le milieu est riche
en ressources alimentaires. Cette richesse et cette diversité
permettent aux mères de satisfaire leurs besoins énergétiques
accrus par l’allaitement et le transport du jeune.
Dès la seconde semaine de vie, sous la surveillance
maternelle, les jeunes macaques japonais explorent leur
environnement. Jusqu’à la fin de leur première année, leur
mère leur servira de modèle pour apprendre à sélectionner
et manger les ressources du milieu. Au contact de leurs
congénères, ils maîtriseront aussi, peu à peu, les règles de la
Reproduction et développement
par le mâle dominant qui maintient la femelle en œstrus à Les mâles dominants accaparent autant que faire se peut les femelles
son contact, dissuadant ainsi les autres prétendants. Mais, les en œstrus. Le couple copulera de nombreuses fois pendant cette
femelles peuvent choisir de quitter le groupe pendant cette période qui dure 2 à 3 jours.
période. À Yakushima et dans l’île de Kinkazan, il a ainsi été
estimé que 41 % des copulations étaient le fait de mâles d’un
autre groupe.
Les jeunes naissent après 172 jours de gestation en moyenne,
aux mois de mai et juin de l’année suivante. Les femelles,
devenues reproductrices à l’âge de cinq ans, mettent bas
tous les deux ans (un peu plus fréquemment à Yakushima
que dans le reste de l’aire de répartition de l’espèce,
respectivement 2,2 ans pour 2,4 ans). Un quart des jeunes
succomberont avant la fin de leur première année de vie.
S’il naît autant de mâles que de femelles à Yakushima, un
déséquilibre entre le nombre de mâles et de femelles (sexe-
La primatologie japonaise
La primatologie japonaise est, à bien des égards, précurseur de la
primatologie occidentale moderne. En 1948, le chercheur Imanishi est
allé étudier, avec deux étudiants devenus célèbres, Itani et Kawamura,
les macaques de l’île de Koshima. Son objectif était de comprendre
l’origine de la société humaine. Pour ce faire, il a utilisé une méthode
éthologique devenue classique en primatologie : l’identification et
l’observation individuelle des animaux. Il a aussi eu recours à la
distribution de nourriture pour les habituer à l’homme, méthode qui sera
employée par Jane Goodall avec les chimpanzés, quelques années plus
tard. L’observation quotidienne d’animaux dans leur milieu naturel faisait
écho à la démarche méthodologique et contemporaine des éthologues
européens Tinbergen et Lorenz. Aux États-Unis, cette approche fut
novatrice, car les chercheurs travaillaient, sous l’impulsion du courant
behavioriste, sur des animaux captifs.
Les apports scientifiques d’Imanishi, d’Itani et de Kawamura sont
nombreux. Ce sont les premiers à avoir mis en évidence les mécanismes
sociaux régissant la vie de groupe des macaques sauvages. Imanishi
proposa le concept de culture animale pour les décrire, concept qui
continue de faire débat en sciences… et bien au-delà de la seule
primatologie. En 1953, Kawamura rapporta le comportement innovant
d’une jeune femelle, Imo, qui lavait dans l’eau de mer les patates douces
distribuées par l’homme pour en retirer les grains de sable. Elle fera de
même, plus tard, avec du riz. Ce comportement de lavage s’est ensuite
Apprendre “quoi”, “où”, “quand” et “comment” manger au contact transmis aux autres jeunes puis a été diffusé entre les générations.
d’individus expérimentés est vital pour le jeune macaque qui sera sevré Imanishi et Itani seront aussi les premiers primatologues à étudier
à l’entrée de l’hiver. les grands singes en Afrique. Leurs travaux influenceront de nombreux
étudiants et chercheurs.
Nous devons à Imanishi Le monde des êtres vivants, un livre dans
vie en société. Les apprentissages précoces sont primordiaux
lequel il propose une approche globale (holistique) et philosophique de
et se déroulent au contact des autres membres du groupe qui la biologie pour expliquer pourquoi l’homme vit en société. Largement
offrent, de manière répétée, à la fois des mises en situation ignoré hors des frontières japonaises, bien que proposant une alternative
(expositions) et des modèles : au jeune, ensuite, d’apprendre à un certain réductionnisme de la théorie darwinienne, cet ouvrage a
individuellement par essais et erreurs. Ces apprentissages se façonné la primatologie japonaise moderne… dont le dynamisme est
déroulent pendant des périodes sensibles de développement. toujours salué.
Il a ainsi été montré que, si le jeune macaque observe avec
attention sa mère manipuler des aliments dès son premier
mois d’existence, ce n’est qu’une fois sevré qu’il se met à
les manipuler, à flairer la bouche de l’adulte et à fouiller là À Yakushima, plusieurs groupes de macaques ont été habitués
où son modèle a fouillé avant lui. Cette phase d’exploration à la présence d’observateurs scientifiques.
Yakuzaru et conservation
Chimpanzés
22
de Guinée :
23
C
’est une première mondiale. Nanou, Lottie, Robert,
Albert, Rappa, Zira, Mama, Andrew ont enfin
retrouvé leur liberté… Au total, ce sont douze
chimpanzés adultes qui sont retournés à l’état sauvage en
2008, dans les forêts sèches du parc national du haut Niger,
leur habitat privilégié en République de Guinée. Suivis
grâce à des colliers Argos qui enregistrent régulièrement
leurs positions GPS, ces chimpanzés rescapés ont pu goûter
au plaisir d’une liberté volée quelques années plus tôt.
Victimes du braconnage dès leur plus jeune âge et confrontés
à la destruction galopante de leur habitat, nos plus proches
cousins de Guinée sont en effet menacés d’extinction. Seuls
550 d’entre eux subsistent dans le parc national du haut
Niger. La lutte contre le braconnage de cette sous-espèce
d’Afrique de l’Ouest (Pan troglodytes verus), déjà menacée par
la surexploitation forestière, est plus que jamais déterminante.
C’est dans cette perspective qu’a été créé, en 1997, le Centre
Le groupe de chimpanzés adultes affectionne tout particulièrement les “gbéis”, également connues sous le nom de lianes à caoutchouc du Sénégal
(Landolphia heudelotti, cliché PPF/CCC).
bébés orphelins qui étaient sur le point d’être envoyés en Chine où lors de sorties en forêt pendant six heures chaque jour », explique
sévit un important trafic », explique Estelle Raballand, directrice Tatyana Humle, primatologue à l’université de Kent (Durell
du CCC. Extraits de leur habitat pendant de nombreuses Institute for Conservation and Ecology) et conseillère
années, ces orphelins ont tout à réapprendre, de la vie en scientifique du CCC. « Réparties sur plusieurs années, elles
groupe à la capacité à se nourrir de façon autonome. Leur constituent l’approche principale de la réhabilitation des chimpanzés
réintroduction peut donc sembler relever du défi au regard et font la particularité du centre ». Organisées dans diverses zones
de leurs traumatismes psychologiques (troubles émotionnels, proches du sanctuaire en présence d’un soigneur guinéen et
tics de balancement, automutilation) liés à leur détention d’un bénévole expatrié, ces sorties ont été mises en place dans
chez des particuliers. C’est dire le travail colossal réalisé l’espoir de réintroduire le plus grand nombre de chimpanzés
quotidiennement au CCC pour répondre aux besoins de orphelins dans leur milieu naturel. Indispensables à leur
ses cinquante pensionnaires actuels et permettre à certains bien-être, elles leur permettent de redécouvrir leur habitat
d’entre eux de retrouver la vie sauvage. d’origine et de tisser des liens avec les autres chimpanzés
À leur arrivée au centre, chaque chimpanzé reçoit les soins du centre. Pour qu’ils puissent retrouver leur autonomie, le
vétérinaires nécessaires à son état et est nourri selon ses contact avec l’homme est donc limité au strict minimum.
besoins propres. Les plus jeunes, qui manquent souvent de Le succès de leur réintroduction dépend en effet de leurs
réconfort maternel, reçoivent une attention particulière. connaissances relatives à leur nouvel environnement et de la
Après une mise en quarantaine de trois mois destinée à force de cohésion du groupe sélectionné.
réduire les risques de transmission d’éventuelles maladies en
apportant les traitements nécessaires et en accomplissant un Une réintroduction suivie par satellite
panel complet de tests vétérinaires, les nouveaux arrivants
sont intégrés dans un groupe d’âge équivalent pour faciliter La réhabilitation des chimpanzés du sanctuaire a fait l’objet
les relations sociales avec les autres orphelins. « Le travail au de plusieurs études comportementales et écologiques –
CCC consiste à réhabiliter en groupe les chimpanzés orphelins menées dès 2006 – pour repérer les meilleurs candidats à
Bébés chimpanzés en pleine séance de jeu dans les arbres, lors d’une
sortie en forêt à proximité du sanctuaire (cliché PPF/CCC).
La directrice du CCC,
Estelle Raballand, avec
Mama, l’une des six
femelles adultes équipées
d’un collier VHF/GPS
(cliché PPF/CCC).
effet la possibilité de récupérer des chimpanzés trop éloignés Les chimpanzés réhabilités parviennent donc à repérer leurs
de la zone protégée. « Leur dispersion pourrait être due au fait congénères sauvages, ce qui est très prometteur quant à
qu’ils ont échangé moins de vocalisations lorsqu’ils se trouvaient à leurs chances de survie. Une carte de la végétation du parc
proximité de chimpanzés sauvages, dans l’aire centrale de la forêt de national du haut Niger, obtenue à partir d’images satellitaires,
la Mafou, concède la primatologue. Les chimpanzés réintroduits, a permis d’identifier les habitats utilisés par les chimpanzés
notamment les mâles, ont un profil particulier d’utilisation du réintroduits. Les profils de répartition, établis à partir des
milieu. Ils évitent l’aire centrale de la Mafou où vit une importante données GPS, montrent que leur utilisation de l’habitat
communauté de chimpanzés sauvages. » ressemble à celle des chimpanzés sauvages, ce qui présage
Répartition des chimpanzés réintroduits selon différents types Distance moyenne parcourue au cours de la journée par les mâles et
d’habitat (d’après Tatyana Humle et al., International journal of les femelles chimpanzés adultes réintroduits (d’après Tatyana Humle et
Primatology). al., International journal of Primatology).
Glossaire >K
ormos, R., Humle, T., Brugière, D., Fleury-Brugière, M.-C.,
Matsuzawa, T., Sugiyama, Y., et al., 2003 - “Status surveys
Transect : itinéraire rectiligne de prospection ou d’échantillonnage and recommendations : Country reports : The Republic of
de la diversité des espèces animales et végétales. Guinea” In R. Kormos, C. Boesch, B. M.I. & T. M. Butynski
Réintroduction : processus qui vise à restaurer des noyaux viables de (Eds.), Status survey and conservation action plan : West African
population d’espèces dans des régions où leurs populations sauvages chimpanzees, p. 63-76. Gland, Switzerland and Cambridge, UK :
ont disparu. Par souci de clarté, le terme “réintroduction” est utilisé ici, IUCN/SSC Primate Specialist Group.
bien que les chimpanzés aient été relâchés dans une zone où vivent
encore des chimpanzés sauvages.
L
Celle de gauche est un frelon européen Vespa crabro,
et celle de droite un frelon asiatique Vespa velutina. e frelon asiatique est présent dans plus de la moitié du
pays, en l’occurrence dans le grand ouest. L’hypothèse
actuelle est qu’il aurait été introduit accidentellement
dans le Lot-et-Garonne par l’importation de poteries en
provenance de Chine. L’espèce s’est acclimatée sans problème
en France. En 2011, son aire de répartition couvrait une
cinquantaine de départements, des Pyrénées-Orientales à la
Normandie (en passant par l’Indre-et-Loire) et des côtes de
l’Atlantique au Languedoc-Roussillon. Il est présent aussi,
de manière ponctuelle, dans d’autres départements. Le frelon
continue année après année son expansion qui est facilitée
par les transports de biens et de personnes, comme l’attestent
des observations de nids en Ille-et-Vilaine et en Côte-d’Or.
On le retrouve aussi dans le Pays Basque espagnol et des
observations ont été effectuées dans le nord du Portugal et
en Belgique.
le frelon asiatique
La lutte s’intensifie
Le frelon asiatique pose un problème en apiculture. Quand de nombreux
frelons attaquent une ruche, l’activité des abeilles à l’extérieur du nid
diminue : elles se consacrent principalement à la défense de la colonie.
Les ouvrières se massent alors sur la planche d’envol pour attaquer un
frelon qui s’approche de la ruche, ceci sans réel succès. La diminution
de la collecte de nourriture et le prélèvement de nombreuses ouvrières
abeilles par les frelons prédateurs vont conduire à une fragilisation de
la colonie, voire à son élimination. Face à cette situation, les apiculteurs
ont mis en place des campagnes de piégeage en vue de capturer les
frelons. Il existe différentes formes de pièges, mais tous ont en commun
un appât alimentaire pour attirer les frelons. Ces appâts sont constitués
soit d’un mélange de bière, de sirop de jus de fruit et de vin blanc, soit de
jus de cirier, soit de poissons ou de crevettes. Plus ou moins efficaces en
ce qui concerne le frelon asiatique, ces appâts présentent un problème
majeur : leur non-sélectivité vis-à-vis des autres insectes. En effet, les
pièges capturent divers diptères, des papillons, des guêpes, du frelon
européen (V. crabro) et parfois même… des abeilles. Pour cette raison, il
est fortement conseillé que seuls les apiculteurs posent des pièges sur
leur rucher en vue de protéger leurs abeilles, et ceci seulement quand
la présence de frelons asiatiques est avérée. D’autres personnes qui
souhaiteraient poser des pièges, dans le but louable de protéger les
abeilles, risqueraient de capturer de nombreux insectes autres que le
frelon visé et, ainsi, auraient un impact très négatif sur l’entomofaune
locale. Les apiculteurs peuvent mettre en place des pièges dans les
ruchers quand des frelons attaquent les colonies d’abeilles, ceci du
début de l’été à l’automne. Ces pièges servent à capturer les ouvrières
frelons cherchant des proies pour nourrir leurs sœurs au stade larvaire.
Certains apiculteurs ont mis en place d’autres campagnes de piégeage
au printemps, dans le but de capturer les fondatrices, c’est-à-dire les
reines qui vont créer des colonies. Ce type de piégeage est très contesté
par certains scientifiques. En effet, la littérature scientifique montre que
le piégeage des “reines” présente peu d’effet sur la mise en place des
colonies de l’espèce de guêpe ou de frelon visée. En effet, un nombre
restreint de ces femelles construit un nid pour y pondre leurs œufs ; Vue interne d’un nid analysé dans un scanner
les autres cherchent plutôt à éliminer les premières pour leur voler médical (technique de tomographie à rayons X).
le nid. Pour cette raison, le piégeage risque de diminuer les combats
entre “reines” (capture plutôt de femelles non fondatrices) et, de ce fait, uniquement les ouvrières frelons, quand celles-ci sont repérées. Ensuite,
pourrait faciliter l’installation des vraies reines. Les apiculteurs pratiquant quand un nid de frelon asiatique est repéré par quelqu’un, il faudrait le
ce piégeage de printemps considèrent qu’ils diminuent ainsi année par faire éliminer par des professionnels (désinsectiseurs) pour éviter que la
année le nombre de nids de V. velutina ; toutefois, comme aucune étude colonie ne produise des femelles reproductrices, c’est-à-dire de futures
n’a été menée pour démontrer le bien-fondé de leur affirmation, la reines. Enfin, des études sont menées à l’université de Tours dans le but
question reste posée. Il faut toutefois noter que les pièges n’étant pas de mettre en place des pièges sélectifs qui soient efficaces contre le
sélectifs, ils ont un impact non négligeable sur la biodiversité. frelon asiatique et qui ne capturent pas d’autres insectes. Deux pistes
Que faire ? Quels conseils donner ? Trois pistes semblent être sont à l’étude : rendre l’architecture du piège la plus sélective possible et
intéressantes. Tout d’abord, on peut conseiller que, pour protéger leurs rechercher un appât non pas alimentaire, mais à base de phéromone(s)
ruchers, seuls les apiculteurs fassent du piégeage, et ceci en ciblant spécifique(s) de V. velutina.
Kem Kem
ESPÈCES №6 - Décembre 2012
Climatologie Entomologie Écologie Physiologie - Les géants des Kem Kem Océanographie
37
De la commercialisation “légale” leur vie à chaque coup de burin. Bien sûr, nous sommes loin des trafics
des “diamants de sang”, mais l’achat et la vente de fossiles du Sud
au trafic de fossiles marocain entretiennent et promeuvent indirectement ces conditions plus
que précaires.
Depuis une vingtaine d’années, la région des Kem Kem, entre autres,
se vide de ses fossiles : ceux-ci viennent alimenter, la plupart du temps
illégalement, un commerce très florissant, allant du petit vendeur local
pour touristes jusqu’aux salles de vente aux enchères réputées.
Il arrive que des musées étrangers achètent des fossiles provenant des
Kem Kem, ce qui permet de “sauver” le fossile qui serait perdu pour
la science s’il était acquis par un collectionneur privé. Cet acte n’est
pas condamnable en soi s’il s’exerce dans le cadre légal national et
international et sous couvert de l’autorisation à l’export des autorités.
Mais ce qui se retrouve sur les étals des bourses aux minéraux et autres
ventes aux enchères provient bien souvent d’un trafic complètement
illégal. Beaucoup ferment les yeux car certains fossiles sont considérés
comme abondants, mais ce qu’on oublie souvent de préciser à l’acheteur
lambda et aux collectionneurs, ce sont les conditions de travail des Une entrée minuscule, des boyaux qui suivent les “filons” de fossiles
“collecteurs” qui suffoquent dans des boyaux rocheux instables, risquant jusqu’à plus de dix mètres et… aucun étaiement.
Le choix des falaises des Kem Kem comme lieu de recherche les espèces et mener des études comparatives. Les premiers
ne doit rien au hasard. C’est une région connue pour livrer résultats publiés ont révélé de grosses surprises aux
des fossiles abondants et d’une grande diversité, exploités paléontologues. La faune de vertébrés du Cénomanien
localement depuis plus de trente ans afin d’être vendus possède deux caractéristiques troublantes. Tout d’abord, elle
aux touristes ou à certains musées (voir encadré). Mais ces contient de nombreux “géants” : des espèces de dinosaures,
fossiles, qui sont parfois des crânes de crocodiles entiers, des mais aussi de poissons et de crocodiles qui ont des tailles
dinosaures partiels, le plus souvent des dents ou des vertèbres parfois bien supérieures aux espèces équivalentes d’autres
de poissons, sont alors “perdus” pour la science : découverts époques géologiques et d’autres régions. Cette particularité
sans données géographiques et stratigraphiques (on ignore se double d’une répartition inhabituelle de certaines
de quelle couche géologique ils ont été extraits), il est espèces dans la chaîne alimentaire : les dinosaures carnivores
impossible de les rattacher à des périodes de temps même semblent surreprésentés. En quoi est-ce une curiosité ? Tout
approximatives, sans parler du fait qu’ils disparaissent parfois simplement parce que la pyramide alimentaire, avec tous
complètement dans le circuit du commerce des fossiles. ces carnivores au sommet, ne ressemble alors plus à… une
pyramide.
Une faune intrigante On ne connaît pas de configuration environnementale
actuelle qui permettrait d’expliquer l’existence d’animaux de
Même si les spécimens entiers sont rares, le nombre de grande taille et se répartissant aussi bizarrement dans la chaîne
fossiles découverts est maintenant suffisant pour inventorier alimentaire. Si les biologistes découvraient une faune actuelle
Avant de partir
passé un nombre d’heures impressionnant le nez collé sur récoltées sur les deux premières zones visitées, la stratigraphie
l’écran d’un ordinateur. Les images satellitaires disponibles sur du Cénomanien des Kem Kem est maintenant complète et
Internet sont étudiées en rapport avec les cartes géologiques pourra être analysée dans le détail au retour de mission ! Cela
et les informations récoltées lors de précédentes missions. peut paraître anodin comme résultat, mais nos géologues
Nos paléontologues sont à la recherche de fossiles en place n’étaient absolument pas certains d’y parvenir. Comme dans
dans la stratigraphie : cette dernière devrait idéalement être beaucoup de régions, l’empilement des couches géologiques
complète, c’est-à-dire couvrant tout le Cénomanien, ainsi des Kem Kem est très compliqué et celles-ci s’interrompent
que la transgression marine qui le “chapeaute”. parfois brutalement.
Mais la vie d’une mission scientifique sur le terrain, même Lorsque la stratigraphie sera peaufinée (notamment avec des
minutieusement préparée, n’est pas un long fleuve tranquille. études granulométriques*), des informations très importantes
Arrivés sur la zone souhaitée, interdiction nous est signifiée vont émerger. D’abord, les scientifiques auront une vision
par les militaires d’entrer dans la zone la plus intéressante en beaucoup plus claire des environnements dans lesquels
raison de l’insécurité régnant près de la frontière. Un sacré vivait l’étrange faune des Kem Kem. Ceci d’autant plus si
coup de théâtre, qui aurait pu sérieusement compromettre des microfossiles sont découverts, car ce sont d’excellents
la mission ! Mais la décision est aussitôt prise de se diriger marqueurs pour dater plus précisément les couches.
vers d’autres sites, également choisis avant le départ. Les Enfin, une stratigraphie complète pourrait voir le jour,
chercheurs restés à Genève sont contactés pour que la c’est l’outil qui manquait aux paléontologues pour mettre
prospection continue de leur côté et qu’ils nous envoient de l’ordre dans les fossiles qui commencent à s’accumuler.
le plus rapidement possible des informations sur d’autres Savoir précisément de quelles couches ils proviennent, c’est
“spots”. enfin savoir de qui on parle, de quelle période et dans quel
environnement !
Des géologues comblés
Un puzzle géant
Du point de vue scientifique, malgré ce changement de
programme de dernière minute, la mission s’est bien déroulée. De leur côté, sur les mêmes sites, les paléontologues se sont
En plus de plusieurs repérages, trois sites ont été sondés de appliqués à ramasser tous les bouts de fossiles qu’ils trouvaient,
manière systématique et, pour ce qui concerne les géologues, sans effectuer de tri, afin de disposer des échantillons les
l’objectif de départ est atteint après moins d’une semaine : plus représentatifs possibles de la faune de Kem Kem et en
en croisant les données de précédentes missions avec celles travaillant par niveau stratigraphique pour éviter de mélanger
Nouvelles découvertes
Parmi les nombreux fossiles collectés lors de la mission de février 2012,
deux d’entre eux présentent un intérêt particulier pour la reconstitution Reconstitution du cœlacanthe géant des Kem
des espèces auxquelles ils appartenaient. Il s’agit d’une part d’un Kem avec le morceau de mâchoire découvert
fragment de crâne de ptérosaure appartenant apparemment à un (barre d’échelle du fossile : 10 cm).
représentant de la famille des Tapejaridae. Bien qu’incomplet, ce fossile
est important. En effet, la plupart des spécimens de Tapejaridae connus la paléobiologie des Tapejaridae, des reptiles volants très particuliers,
sont des squelettes écrasés sur des plaques de roche qui ne fournissent au crâne court surmonté d’une énorme crête. D’autre part, un élément
que peu de détails sur l’anatomie crânienne. Le fossile marocain, en de la mandibule d’un cœlacanthe a été trouvé. Si l’interprétation de cet
trois dimensions, permet de reconstituer l’articulation de la mâchoire et os de 15 centimètres de long se confirme par une étude plus poussée,
fournira donc des informations nouvelles sur l’anatomie fonctionnelle et il correspondrait à un poisson mesurant près de trois mètres de long.
Glossaire
Crétacé : la dernière période du Mésozoïque, qui s’étend de 145 à
66 millions d’années. La fin du Crétacé est marquée par une extinction
en masse, notamment des dinosaures.
Granulométrie : mesure de la taille des grains qui composent les roches
et les sédiments afin d’en déduire les phénomènes qui ont conduit à
leur dépôt.
La rhytine
44
de
Steller :
chronique d’une extinction programmée
A
u matin du 5 novembre 1741, une expédition Les baies abritées et peu profondes constituaient l’habitat typique
des vaches de mer dans les îles du Commandeur (cliché J. Ross).
russe mandatée par la tsarine Anne et commandée
par le marin danois Vitus Béring quitte le petit
port de Petropavlovsk, afin de déterminer précisément “où
commencent les côtes de l’Amérique”. Cinq mois plus tard,
au retour d’une longue et périlleuse navigation à travers le
Pacifique nord, les marins du Saint-Pierre (Svetoi-Piotr), minés
par le scorbut, aperçoivent la côte, convaincus d’avoir enfin
regagné l’Asie. L’avenir dira qu’ils se trompaient lourdement.
La terre qu’ils approchaient en ces premiers jours de
novembre était un archipel inconnu, situé à 250 kilomètres à
l’est des côtes du Kamchatka. Il sera baptisé quelques années
plus tard “îles du Commandeur”, en l’honneur de Béring,
qui y trouva la mort.
Georg Steller, naturaliste et médecin de l’expédition, est
le premier à débarquer et part aussitôt explorer la côte. Au
iologie CONSERVATION - Entomologie Mycologie Botanique Primatologie Zoologie
46
Grossir ou disparaître
L’ancêtre des vaches de mer des îles du Commandeur avait des dimen
sions comparables à celles des lamantins actuels. Il colonisa le Pacifique
depuis l’ouest de l’océan Atlantique, voici 20 millions d’années, à la
faveur d’un passage éphémère au niveau de l’Amérique centrale.
Progressivement, les nouveaux arrivants remontèrent la côte nord-améri
caine, pour finalement atteindre les rivages asiatiques du Pacifique. Au
cours des millions d’années qui suivirent, des modifications majeures
affectèrent la région. Le climat connut des cycles de refroidissement
sensibles, conduisant à la raréfaction de la végétation marine. Dans le
même temps, la collision des plaques tectoniques souleva de grandes
portions de côtes et les vastes lagunes côtières tapissées d’herbes
marines firent place à des côtes rocheuses accidentées. Placées face
à leur destin, les vaches de mer furent contraintes de s’adapter à ce
nouvel environnement. En réponse à la chute significative de la tem
pérature de la mer, elles développèrent une épaisse couche de graisse
et leur taille connut une augmentation spectaculaire. Ce gigantisme
atteignit son paroxysme chez Hydrodamalis cuestae, un autre Sirénien
du Pacifique nord, disparu il y a 3 millions d’années (Pliocène), qui
atteignait 9 mètres de long pour un poids approchant 10 tonnes. Pour
s’adapter à une végétation coriace ancrée sur les fonds rocheux, les
mâchoires gagnèrent en puissance et les dents se modifièrent au profit
de deux grandes plaques broyeuses agissant comme la plus efficace des
meules ; le cou devint plus flexible, permettant aux animaux d’arracher
la végétation sans changer de position dans une mer houleuse. Ainsi
transformées, les vaches de mer furent armées pour faire face aux rudes
conditions du Pacifique nord, bien loin de la douceur de vivre tropicale
où baignaient jadis leurs ancêtres.
À peu près inconnu des géographes au milieu du xviiie siècle, le mystérieux archipel des îles du
Commandeur (Commandorsky Ostrova en russe) a longtemps constitué le dernier refuge d’une
population de vaches de mer hors de portée des hommes (cliché S. Blanc).
La pollution
lumineuse écologique
Éclairer nos rues et nos maisons la nuit, voici un acquis qui nous semble
bien légitime et même “naturel”. Pourtant, pour les êtres vivants avec
qui nous partageons la planète, cet éclairage permanent n’est qu’une
source de perturbation : une nouvelle pollution dont nous n’avons pris
conscience que bien tardivement…
L
a pollution lumineuse est un phénomène d’origine Sur la base de cette définition, Cinzano a caractérisé, en 2001,
anthropique, associé au développement de l’urbanisation l’étendue de la pollution lumineuse à travers le monde. À
et des activités humaines, et qui implique les éclairages partir de relevés satellitaires des années 1996-1997, il a révélé
artificiels. Encore méconnu du grand public, cette pollution que le phénomène concernait, à cette époque, 85,3 % du
a été, jusqu’à récemment, relativement peu étudiée par la territoire de l’Union européenne, 61,8 % du territoire des
communauté scientifique. Pourtant, de par sa nature, la États-Unis – Hawaï et Alaska exclus – et, à l’échelle du globe,
pollution lumineuse peut altérer les cycles naturels (journaliers 18,7 % des terres émergées. Par ailleurs, les travaux réalisés
ou saisonniers) de la lumière et affecter l’une des composantes ont estimé la croissance du phénomène à 10 % par an pour
fondamentales de l’environnement, la composante nocturne. les pays européens, chiffre qui a amené plusieurs écologues à
Il s’agit donc d’un phénomène d’importance, et c’est ce dont penser que, de nos jours, la pollution lumineuse pourrait être
a pris conscience la communauté scientifique au cours des l’une des pollutions environnementales qui croît le plus vite
années 1980-1990. Aujourd’hui, les connaissances relatives au et qui est la plus envahissante.
sujet ont nettement progressé et, bien qu’elles se heurtent Or, si la lumière artificielle est indispensable aux sociétés
encore à divers obstacles, il est possible d’en dresser un bilan. humaines, ne serait-ce qu’en termes de production, de
sécurité ou encore de confort, il ne faut pas oublier que
Historiquement, les premières observations relatives à la lumière, qu’elle soit naturelle ou artificielle, est aussi un
la pollution lumineuse et à ses effets sur les êtres vivants puissant agent d’interaction avec les organismes vivants.
remontent à la fin du xixe siècle. En effet, c’est à cette époque En effet, au cours de l’évolution, ces derniers ont vu leurs
chez les petits mammifères nocturnes (63,8 % des espèces de La lumière et ses mécanismes d’attraction
mammifères vivent partiellement ou exclusivement la nuit),
l’exposition à la pollution lumineuse entraîne une réponse Les insectes nocturnes : pour naviguer dans les milieux obscurs, les
répulsive : les individus, lorsqu’ils en ont la possibilité, évitent insectes nocturnes utilisent la lumière des astres. En effet, les rayons
de lumière qui proviennent des astres décrivent un trajet rectiligne, les
les milieux exposés aux fortes illuminations ou modifient,
photons naviguant parallèlement les uns aux autres. En maintenant un
voire diminuent, leurs activités. Ce comportement permet
angle de vol constant par rapport à ces rayons, les insectes peuvent
vraisemblablement de limiter les risques de prédation. donc, eux aussi, effectuer des trajets rectilignes. S’ils modifient cet angle,
Au contraire, chez les insectes nocturnes et les oiseaux ils peuvent changer de direction, puis poursuivre un nouveau trajet en
migrateurs, organismes qui utilisent la lumière des astres conservant le nouvel angle de vol. De cette manière, les insectes sont
pour se déplacer dans l’obscurité, l’exposition à la pollution capables de s’orienter et de naviguer dans l’obscurité. Or, en présence
lumineuse entraîne une réponse attractive. Autrement dit, de pollution lumineuse, l’illumination du milieu peut être modifiée et
les individus approchent les milieux exposés aux fortes la lumière qui provient des astres peut être masquée. Cela crée une
illuminations. Or, ce comportement, loin d’être sans risques, désorientation par perte de repères. Pour compenser, les insectes
peuvent prendre comme nouveau point référent une source de lumière
peut être cause d’erreurs d’orientation : en utilisant la source
artificielle. Ils se retrouvent donc inéluctablement attirés vers celle-ci,
de lumière artificielle comme point référent, les individus
puisqu’elle est alors leur unique repère pour naviguer. Or, les sources de
peuvent être détournés de leurs trajets initiaux. Pis, en lumière artificielle émettent leurs rayons à 360°. Ces derniers ne sont
s’approchant des éclairages artificiels, ils peuvent entrer en donc pas parallèles, mais divergents. Aussi, un insecte qui maintient un
collision avec les grands bâtiments (c’est le cas des oiseaux angle de vol constant, mais qui le réajuste en permanence par rapport
migrateurs) ou se déshydrater, voire se brûler au contact des à ces rayons divergents, va décrire un vol en spirale. Inexorablement,
lampes (c’est le cas des insectes nocturnes). l’insecte se rapproche donc de la source de lumière, au risque d’être
Les changements d’illumination ambiante, notamment blessé. Ainsi, il a été déterminé que chaque année, jusqu’à 150 insectes
lorsqu’ils brouillent les repères traditionnels, peuvent aussi nocturnes meurent par nuit d’été et par lampadaire. Une véritable
hécatombe lorsque l’on considère que, d’après l’ADEME (Agence de
gêner et désorienter les individus. C’est le cas des tortues de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le parc d’éclairage public
mer qui, après l’éclosion, faute de percevoir correctement le
français comporte près de 9 millions de points lumineux.
contraste entre la clarté de l’océan et l’obscurité des dunes
Les oiseaux migrateurs, communément, migrent de nuit et se servent
de sable, se dirigent vers les terres et leurs éclairages artificiels,
de la lumière des astres (à l’instar des insectes nocturnes) et du champ
où elles meurent d’épuisement, de déshydratation ou encore magnétique terrestre (magnétoréception) pour s’orienter. Or, en présence
de prédation. de pollution lumineuse, et notamment à l’approche du halo lumineux
qui se forme autour des agglomérations, les oiseaux parviennent
Ensuite, en modifiant l’attrait des individus pour un envi- difficilement à percevoir les étoiles et leur magnétoréception, dont le
ronnement donné ainsi que leurs capacités à s’y orienter, la mécanisme est aussi dépendant de la lumière, peut être affectée. Les
pollution lumineuse peut affecter les comportements loco- individus, par perte de repères, se retrouvent donc désorientés, peuvent
moteurs, alimentaires, reproducteurs et la communication. s’écarter de leur chemin migratoire et effectuer de longs détours. Pour
Ainsi, en termes de comportements locomoteurs et alimen- compenser, les oiseaux migrateurs peuvent prendre comme nouveau
point référent une source de lumière artificielle, tel qu’un édifice illuminé,
taires, les réponses répulsives entraînent une diminution des
au risque d’entrer en collision avec celui-ci. Or, de tels accidents sont loin
activités et des déplacements nocturnes et une diminution d’être rares et, selon une organisation canadienne, la FLAP (Fatal Light
de la prise alimentaire. C’est ce qui s’observe chez les petits Awareness Programm), ce sont plusieurs millions d’oiseaux migrateurs
mammifères nocturnes qui voient alors leur condition phy- qui meurent sur le continent nord américain chaque année, suite à ces
sique se détériorer. collisions.
La pollution lumineuse et les insectes : a – Les insectes peuvent suivre un trajet rectiligne en maintenant un angle de vol constant (c) avec les
rayons de lumière parallèles qui proviennent des astres. b – en maintenant un angle de vol constant en présence de rayons de lumière divergents
(tels les rayons émis par les sources de lumière artificielle), les insectes tournent alors en spirale et se rapprochent de la source de lumière, au risque
d’être blessés (schéma d’après Lloyd J. E. “Stray light, fireflies, and fireflyers”, in Rich C. & Longcore T., 2006 – Ecological consequences of artificial
night lighting. Island Press, Washington, D.C.).
La pollution lumineuse et les plantes jour. Or, ce changement peut promouvoir la croissance continue des
plantes en inhibant la dormance qui leur permet de survivre aux rigueurs
de l’hiver – il n’est pas rare d’observer en milieu urbain un retard de la
Les plantes, comme les animaux, sont sensibles à la lumière, à
chute des feuilles pour les arbres situés à proximité des lampadaires –
sa qualité (spectre lumineux), à sa quantité et à sa photopériode
et favoriser l’expansion foliaire, les exposant davantage aux pollutions
(rapport entre la durée du jour et celle de la nuit). En particulier, la
atmosphériques et aux stress hydriques.
lumière est indispensable à la photosynthèse et à la régulation des
rythmes biologiques des plantes. Ainsi, les lumières bleues et rouges Cependant, toutes les plantes ne réagissent pas de la même manière
de forte intensité sont requises pour la photosynthèse, tandis que les face à la pollution lumineuse. En effet, elles peuvent être sensibles à
lumières rouges et infra-rouges de faible intensité interviennent dans le différentes photopériodes, à l’image des espèces qui fleurissent lorsque
contrôle des rythmes biologiques, comme la germination des graines, la durée du jour est longue, courte ou intermédiaire, ou bien, au contraire,
l’élongation des tiges, l’expansion des feuilles, le développement des se montrer parfaitement insensibles, telles les plantes dont la floraison
fleurs et la dormance. Aussi, en présence d’éclairages artificiels, si est indépendante de la photopériode.
l’intensité lumineuse n’est, le plus souvent, pas suffisante pour affecter En définitive, la pollution lumineuse peut bel et bien affecter la flore,
la photosynthèse, elle peut l’être pour dérégler les rythmes biologiques. mais non de manière systématique. Plus dramatique serait la disparition
En effet, les lumières artificielles sont susceptibles d’altérer la perception locale des insectes nocturnes pollinisateurs sous l’effet de la pollution
jour/nuit des plantes et, ainsi, d’augmenter artificiellement la durée du lumineuse et des autres pollutions d’origine anthropique.
signaux est réduite et les communications entre individus La pollution lumineuse et la reproduction : exposés aux fortes
peuvent être altérées, et donc leur reproduction réduite. illuminations, certains amphibiens inhibent leurs chants nuptiaux ou
se montrent moins sélectifs quant aux choix de leur partenaire. Ces
Enfin, la pollution lumineuse peut aussi affecter la communi- comportements permettent d’accélérer la vitesse d’accouplement et
de limiter l’exposition aux prédateurs mais peuvent entraîner une
cation et la reproduction des espèces non bioluminescentes.
diminution du succès reproducteur. Ici, un couple de grenouilles
Ainsi, chez les amphibiens, les fortes illuminations peuvent rousses (Rana temporaria, cliché F. Brasselet/Horizon).
inhiber les chants nuptiaux. De même, en présence de pollu-
tion lumineuse, il arrive que les individus se montrent moins
sélectifs quant aux choix de leur partenaire, et ce, pour accé-
lérer la vitesse d’accouplement et limiter le risque de préda-
tion. Or, le succès d’une reproduction passe, entre autres, par
la sélection du dit partenaire.
Matarombeo, l’entre
Le massif karstique* du Matarombeo est une
zone vierge de toute exploration. Situé sur l’île
de Sulawesi (île Célèbes), au cœur de l’archipel
indonésien, il constitue une véritable enclave
au sein d’une zone biologique exceptionnelle,
la Wallacea. Dernier lambeau planétaire de
naturalité, le piémont du massif est aujourd’hui
menacé par la monoculture du palmier à huile.
deux mondes
Par Jean-Michel Bichain,
Biologiste, docteur du Muséum national d’histoire naturelle
Photographies d’Évrard Wendenbaum
L
es eaux de la rivière Lindu ser-
pentent dans une jungle épaisse,
bien ancrée sur des reliefs acérés.
Depuis trois jours, nous en suivons
le cours sur nos rafts gonflables, nous
enfonçant encore plus dans cette par-
tie encore jamais explorée du massif.
Cependant, notre navigation est stop-
pée brutalement par un rapide qui,
flots hurlants, pénètre dans un étroit
canyon. Nous n’en connaissons ni le
développement, ni la puissance. S’y
engager peut se révéler d’une impru-
dence insensée. Une lourde appréhen-
sion s’abat sur notre équipe composée
d’Évrard (voir Espèces n° 4, juin 2012),
l’éternel premier de cordée, d’Edwin,
notre guide-traducteur indonésien et
de moi-même. Si ce canyon s’avère
infranchissable, il nous faudra soit
faire demi-tour et affronter la rivière
à contre-courant soit traverser cette
forêt étouffante afin de trouver une
voie de sortie.
Alors qu’Évrard grimpe sur les parois
pour tenter d’évaluer l’étendue de
l’obstacle, le fil de ces derniers jours
– chargés de rebondissements – me
revient à l’esprit. Notre objectif était
de réaliser une reconnaissance dans
le massif karstique du Matarombeo,
dans ses parties a priori vierges de toute
observation. Les seules voies d’accès
évidentes sont les rivières Matarombeo
et Lindu qui confluent au nord-est
du massif : une traversée de plus de
40 km dans le piémont, puis à l’inté-
rieur même de ce monstre minéral.
Notre navigation a commencé sur la
rivière éponyme du massif, située sur
son flanc nord, afin de pénétrer dans le
est, point à partir duquel la rivière est Naturevolution, avait pour objec-
réputée navigable. Encore 17 km ! tif d’évaluer la possibilité de pénétrer
Cartes et notes sur mes genoux dans le au cœur d’un massif karstique réputé
tumulte de la rivière qui déferle à mes pour n’avoir jamais été exploré : un
pieds, je vois réapparaître Évrard, après véritable monde perdu. La finalité
plus d’une heure de reconnaissance. Ça étant de mener une expédition de
passe ! Encore deux rapides navigables plus grande envergure pour y étudier
et le canyon fait place à des reliefs non seulement sa biodiversité, mais
moins escarpés. Il nous faudra encore aussi ses trésors archéologiques. Situé
deux jours d’efforts pour atteindre le dans le sud-est de Sulawesi, une des
point GPS qui annonce le retour en grandes îles de l’archipel indonésien,
terre connue. Deux jours pour franchir le Matarombeo s’étend sur une sur-
d’autres obstacles, mais aussi observer face d’environ 900 km2 et culmine à
ces prodigieuses arches cyclopéennes 1 520 mètres d’altitude. Il est encadré
La progression dans le karst est lente et
périlleuse. Pour franchir certains obstacles,
sous lesquelles la rivière s’engouffre, au sud par la rivière Solo, au nord par
il est nécessaire d’utiliser du matériel cette vertigineuse et improbable cas- la Matarombeo et à l’est par la Lindu.
d’escalade. cade jaillissant de la jungle et ces eaux Ces deux dernières confluent dans sa
souterraines aux reflets de turquoise marge nord-est et offrent une fenêtre à
de ce terrain extravagant et rejoindre la qui se mêlent à la Lindu. Le passage est l’intérieur du karst.Actuellement, seule
rivière Lindu, à la vitesse moyenne de ouvert. L’exploration du Matarombeo la périphérie du massif a été explorée
50 mètres par heure. Malgré le soula- est désormais possible par voie fluviale par des équipes de spéléologues fran-
gement de l’obstacle franchi, la Lindu pour mener les premières explorations çais, via le cours aval de la Lindu. Les
nous réserve de nouveaux tourments. scientifiques dans cet entre-deux de premières observations ont permis
Des canyons plus ou moins resserrés où mondes vierge. de cartographier plus de 6 500 m de
se forment des rapides nous imposent galeries souterraines – dont certaines
de passer sur leurs flancs escarpés et Une île dans une île ont révélé matériel archéologique et
glissants. Nous sommes totalement peintures rupestres –, mais elles laissent
engagés dans le massif et condamnés à Cette mission de repérage, menée cent kilomètres de rivières vierges de
avancer, coûte que coûte. Il nous faut en juillet 2012 et organisée toute investigation, et le cœur même
atteindre 122° 03’ 53” de longitude par l’association environnementale du karst reste inconnu.
Mais pourquoi cet entêtement à “de Lyddeker”. L’aire entre ces deux
explorer cette parcelle de terre perdue lignes, nommée Wallacea, englobe par
au bout du bout du monde ? Deux ailleurs les Maluku (Moluques), le
particularités biologiques le justifient : Timor et les petites îles de la Sonde. Le
l’extrême richesse biologique de l’île Sulawesi – qui présente la plus grande
de Sulawesi et l’isolement des forma- surface de la Wallacea – abrite donc un
tions karstiques. Une île dans une île, fabuleux patrimoine naturel. À travers
en somme. sa mosaïque d’habitats, 98 % des mam-
En effet, dès le milieu du xixe siècle, mifères terrestres, un tiers des oiseaux
A. R. Wallace* attire l’attention sur et près de 80 % des amphibiens sont
la place remarquable qu’occupe cette endémiques de l’île. Certaines de ces
île dans la biodiversité planétaire. espèces sont emblématiques, comme
Le célèbre biologiste observe que le le babiroussa, ce cochon aux longues
centre de l’archipel indonésien consti- canines recourbées, unique repré-
tue une zone de transition entre les sentant de son genre, ou le maléo,
faunes et les flores australo-pacifiques cet oiseau qui enterre ses œufs pour
et celles du Sud-Est asiatique, avec,
en sus, des espèces qui lui sont exclu-
sives. Les frontières théoriques de cette
transition sont situées globalement de
part et d’autre du Sulawesi et figurées
aujourd’hui par les lignes “Wallace” et
les deux tiers sont nouvelles pour la et volcanique de la région. Parmi ces
science. D’une manière générale, on terrains se trouvent isolées quelques
estime que la plupart des invertébrés, poches de roches carbonatées plus
de la microflore, des amphibiens et des où moins karstifiées comme le
reptiles sont sous-étudiés par rapport Matarombeo, la région de Maros ou
aux autres îles de l’archipel indonésien. le massif du Mekkonga, qui culmine à
Une zone jamais explorée comme le 2 800 m d’altitude. Ce dernier étant le
Matarombeo représente par consé- karst le plus élevé d’Asie du Sud-Est.
quent un large réservoir de décou- Ces karsts abritent de véritables “arches
vertes, notamment parce qu’il s’agit de Noé” de la biodiversité en raison de
d’un karst. la multitude et de la fragmentation des
habitats et de leur isolement au sein
Les milieux karstiques, des d’ensembles géologiques différents.
“arches de Noé” de biodiversité Ainsi, certains groupes taxinomiques
à faible capacité de dispersion, comme
En plaine, 30 000 hectares de forêts ont
En effet, le Sulawesi est constitué de les gastéropodes ou les plantes calci- été détruits pour laisser la place à la
différents terrains géologiques large- coles*, ont subi des radiations évolu- monoculture du palmier à huile.
ment affectés par l’activité tectonique tives hyper-diversifiées uniquement En arrière-plan, le massif du Matarombeo.
Marie Garrido
est doctorante en “biologie et écologie des populations”,
à l’université de Corse.
Alain Couté
est professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle.
Catherine Perrette
est collaboratrice du professeur A. Couté, au Muséum national
d’histoire naturelle.
Noctiluca, vu en microscopie
Vanina Pasqualini est professeur à l’université de Corse. photonique (cliché H. Frehi).
Le phytoplancton :
petit par sa taille,
mais grand par son rôle
L
’écosystème planctonique était flottent dans l’eau à la merci des courants, CNRS, avait débuté une conférence en
encore méconnu au début du mais indépendants du fond comme de la disant que ces deux-là auraient « mieux
xixe siècle. Dans le passé, de rares rive ». À cette époque, il n’apparaissait fait de ne pas utiliser leurs plumes » !
allusions au plancton concernaient pas encore fondamental de s’intéresser En effet, l’évolution des techniques de
essentiellement des organismes visibles au plancton. Ernst Haeckel, biologiste, prélèvement et d’observation a permis
à l’œil nu. Le terme planktos, employé philosophe et libre penseur allemand, l’étude d’organismes de plus en plus
à l’origine par Homère, dans l’Odys- écrivait, en désignant ces micro-orga- petits. Les scientifiques ont ainsi pu
sée, au viiie siècle avant Jésus-Christ, nismes : « ce qui est petit est beau, mais constater la variabilité géographique
pour désigner les animaux errant à la sans importance », un avis qui concorde de la distribution du plancton et mettre
surface des flots, a été défini scientifi- avec les idées d’Otto Friedrich Müller, en évidence que son existence et son
quement lors des études pionnières en zoologiste danois, pour qui l’étude du abondance sont en étroite corres-
planctonologie. C’est Victor Hensen, plancton correspondait à « une poussière pondance avec les caractéristiques du
zoologiste allemand, qui donne une philosophique ». En 2009, Guy Jacques, milieu. Le rôle des micro-organismes
première définition du plancton, en spécialiste du phytoplancton marin, planctoniques dans le fonctionnement
1887 : « ensemble des organismes qui directeur de recherche émérite au des écosystèmes aquatiques est ainsi
apparu essentiel.
Parmi les êtres qui vivent sur notre
planète, un grand nombre passe tota-
lement inaperçu, et c’est le cas du
phytoplancton. Pour cause, la taille des
micro-algues qui le composent varie
entre 0,002 mm et 1 mm, et seule
l’utilisation d’un microscope permet
leur observation.
Représentation schématique d’un réseau sont occupés par les eaux). En second de développement de ces populations
trophique marin (Infographie R. Rafaelian lieu, il constitue le premier maillon conditionne celui de leurs consomma-
d’après M. Garrido) de la chaîne trophique* ; autrement teurs (consommateurs primaires), et
dit, il est le premier producteur de ces derniers régulent à leur tour celui
matière nutritive pour tous les êtres des carnivores qui s’en nourrissent
vivants. C’est pourquoi la biodiversité (consommateurs secondaires).
des peuplements phytoplanctoniques
est d’importance capitale. Le rythme À l’origine de la vie sur Terre
Du phytoplancton à la roche
Petits et moches :
Les oubliés
uiconque a feuilleté plusieurs
de la biodiversité
Guillaume Lecointre
ouvrages de zoologie ou de Directeur du département “systématique et évolution”
botanique avec suffisamment du Muséum national d’histoire naturelle
d’assiduité a pu re- Illustration Arnaud Rafaelian
marquer ces groupes dont on connaît
peu de chose. Ces groupes d’espèces la diversité de ces espèces qui, par ail- dans nos lits et dans nos poussières, et
n’ont généralement pas d’intérêt ali- leurs, ne nous font pas rêver, comme le leurs déjections provoquent chez nous
mentaire, donc pas d’intérêt ni éco- font les dauphins ou les albatros. des éternuements et des allergies. Du
nomique ni agronomique, comme coup, la punition du zoologiste retar-
en ont les cochenilles, ces minuscules Les oubliés de la biodiversité n’ont pas dataire consistera à étudier non pas ces
insectes hémiptères coccoïdes, petits et non plus d’impact sanitaire, comme en superbes scarabées aux élytres rutilants
moches, mais qui sont de redoutables ont, par exemple ces acariens, toujours – désolé, la place est déjà prise ! – mais
parasites de nos plantes cultivées. On aussi petits et moches, mais si proches les acariens, dont les photos en micros-
se doit donc d’étudier la biologie et de nous… ces derniers sont, en effet, copie électronique donneraient des
L
infliger, indisposent nos grands her-
’éléphant d’Afrique, Loxondonta éléphants informent leurs congénères bivores. C’est le cas des fourmis rési-
africana, est le plus gros des ani- de la présence d’un danger (des lions, dentes des épines creuses de certains
maux terrestres actuels. Sa taille par exemple). Espèce emblématique acacias. En échange de ce logement
le préserve de la plupart des prédateurs par excellence, l’éléphant d’Afrique et d’aliments fournis par la plante sous
et on lui connaît peu d’ennemis, si l’on a bénéficié, au cours des dernières forme de “corps nourriciers”, elles
fait exception de l’espèce humaine. décennies, de mesures de protection protègent leur arbre des mangeurs de
Les éléphants ont une vie sociale basée qui commencent à porter leurs fruits. feuilles, insectes ou pachydermes. Les
sur des petits groupes de femelles et En Afrique de l’Est, même si l’espèce éléphants évitent donc ces myrméco-
de jeunes – les mâles adultes vivent pâtit régulièrement du braconnage phytes (voir Espèces nº 1, “L’arbuste,
à l’écart – et, entre autres, sur des dans certaines zones politiquement les fourmis et le champignon”), ce qui
modalités de communication sonore instables, les effectifs sont globale- réduit d’autant leur impact destruc-
dont on n’a pas encore décrypté ment en augmentation grâce aux parcs teur sur la savane arborée. L’abeille
toute la complexité. On sait notam- nationaux (notamment au Kenya et en mellifère africaine, Apis mellifera scu-
ment que c’est par ce biais que les Tanzanie) et surtout à l’interdiction du tellata, dont les colonies s’installent
La valse
du pipa
Par Emmanuelle Grundmann,
primatologue et journaliste scientifique
Dessin de Marcello Pettineo
Au premier temps de la valse, Malgré son appellation tout aussi ornée d’une centaine d’œufs sur le
Toute seule, elle sourit déjà. fantaisiste que son allure, le Pipa pipa dos. Car le collage est sélectif chez le
est bien réel ; un crapaud en costume Pipa pipa et la sécrétion cloacale de la
Au premier temps de la valse,
pustuleux à souhait. Mais ne vous y femelle ne fait office de glu que sur
Le pipa est seul, mais il l’aperçoit. méprenez pas, il n’a rien de princier et elle-même.
Au deuxième temps de la valse, n’allez pas l’embrasser, vous en seriez Mais un étrange phénomène se pro-
fort dépité. Mais, trêve de bavardage, duit dans les heures qui suivent la
Ils sont deux, elle est dans ses bras. la compétition vient de démarrer ! clôture de la compétition. Ces œufs
Au troisième temps de la valse, Observez ce mâle, il vient de trou- s’enfoncent lentement dans la peau
ver sa belle et se cramponne sur son du dos de leur génitrice jusqu’à y dis-
Ils valsent enfin tous les deux.
dos. Celui-ci aussi, et celui-ci. Les paraître totalement. Cannibalisme ?
Au troisième temps de la valse, couples formés, nos concurrents Que nenni ! Car notre crapaude n’est
Il y a elle, y’a lui et y’a l’amour cramponnés l’un à l’autre dans une point du genre mère indigne, prête à
Dans cette valse des Pipa pipa… posture répondant au nom savant abandonner sa ponte dans n’importe
d’amplexus se dressent à la verticale quelle flaque d’eau. Elle va les garder
et se hissent de leurs quatre longues près d’elle, sur son dos, dans des replis
pattes arrières palmées vers la sur- de peau venus former de petites pis-
D
face. Quelle prouesse de natation cines fermées hermétiquement. Dans
ans une petite mare, au cœur synchronisée ! Là, une goulée d’air et ces capsules, l’œuf va se développer en
de la forêt de Trinidad, se les voici qui se retournent pour flot- vase clos, il va même acquérir, à l’abri
déroule un étrange concours. ter désormais sur le dos, entre deux des regards, une queue qu’il utilisera
Là, dans la fange habituellement si eaux. C’est alors que madame en pro- comme surface d’échange pour puiser
tranquille, des créatures ratatinées fite pour pondre de 3 à 10 œufs… qui dans l’eau un maximum d’oxygène.
s’activent. Chacune cherche un parte- tombent sur le ventre de son parte- Puis, dix à vingt semaines plus tard,
naire pour participer au grand bal de naire. Puis, troisième temps de cette au gré de la météo, les capsules vont
l’année. Comme le veut la tradition, valse aquatique, le couple se retourne s’ouvrir, parfois avec un petit coup de
ce sera sur une valse à trois temps que et offre son ventre au lit de la rivière. patte maternel, et une ribambelle de
les candidats seront départagés. Les Le mâle relâche alors son étreinte et mini Pipa pipa de deux centimètres
gagnantes de cette célébrissime com- laisse les œufs rouler sur le dos de sa émerge. Un timing plus que parfait,
pétition repartiront avec un magni- belle tandis qu’il les ensemence. Puis, coïncidant avec le changement de
fique cadeau sur le dos. Eh oui, seules le couple reprend position pour un garde-robe de leur mère. C’est dans
les femelles remportent des prix, il en nouveau triplé dansant. Une quin- la discrétion du fond des mares que
est ainsi chez les Pipa pipa. zaine de figures plus tard, la valse du les Pipa pipa attendront la prochaine
Les quoi ? Est-ce un nom que cela ? pipa s’achève et la femelle se retrouve édition du concours de valse. ❁
Focus sur
À lire
Sommes-nous tous
voués à disparaître ?
Idées reçues sur l’extinction des espèces
Éric BUFFETAUT
Le cavalier bleu, 2012
Reliques
Voyages à la découverte des Biohistoire des papillons
témoins vivants de l’évolution, Diversité et conservation des lépidoptères rhopalocères
Piotr Naskrecki en Loire-Atlantique et en Vendée,
Ulmer, 2012 Christian Perrein, Presses universitaires de Rennes, 2012
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