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Juliette Tournand
Les sciences – statistique, stratégie, biologie – ont donné le départ. En effet la Stratégie
de la bienveillance est l’extrapolation à la vie réelle du « Donnant-donnant » – stratégie
championne résistante et durable au-delà de sa divulgation – issu du jeu stratégique
« Dilemme du prisonnier » joué à l’échelle statistique entre 14 puis 62 scientifiques sur
Internet.
Imaginée par Anatol Rapoport, la gagnante offrait à son joueur une victoire à coup sûr
dans la bienveillance, la simplicité et même la cohérence avec… la biologie. Or cette
stratégie n’avait pas été exploitée comme stratégie personnelle. Pourtant voici un joueur
qui gagne parmi 14 puis 64 concurrents bien décidés à gagner, parce que sa conduite
incite ses concurrents à devenir avec lui, plutôt qu’adversaires, partenaires. Voici la trame
de la conduite qui initie l’écosystème bienveillant dans lequel chacun d’entre nous rêve de
fonctionner. Alors comment extrapoler cette performance à la vie réelle ? J’ai extrait de la
stratégie du jeu les enseignements de la science : toute conduite qui respecte
simultanément bienveillance, réciprocité et clarté, initie un microclimat spectaculairement
favorable.
Mais ce qui suffisait au jeu manquait de chair pour la vie réelle.
Avec qui continuer ? Les sciences m’avaient donné le squelette, mais d’où viendrait la
chair ? J’ai pensé au poème biblique, fort de son extraordinaire succès. Certes il divise
mais la psychanalyste Marie Balmary l’avait relu en professionnelle, sans préjugé de
croyance ou non croyance et, écoutant mot à mot l’auteur ou « rêveur biblique », avait
« élevé le texte à 37°, température humaine ».
Or en rapprochant la stratégie de Rapoport du dieu que la psychanalyste avait trouvé dans
le texte fondateur de trois civilisations, je me suis aperçue qu’ils coopéraient !
Et c’est le poème biblique qui m’a offert la cardinale qui me manquait : pour garder
ensemble bienveillance, réciprocité, clarté quand l’existant ne présente pas de solution qui
les satisfasse toutes les trois, plutôt qu’en lâcher une, le stratège y ajoute la liberté
d’innover.
Statistique, stratégie, biologie et psychanalyse du poème biblique : c’est de cette drôle de
coopération et très excitante rencontre qu’a émergé la Stratégie de la bienveillance.
Le rapport de force est ce à quoi, dans une très large majorité et à tous les niveaux de la
hiérarchie, les collaborateurs se sentent soumis à regret et voudraient échapper. Il n’est
pas plus présent en haut qu’en bas de la hiérarchie. Les managers des équipes
dirigeantes ont simplement – consciemment ou naturellement – plus souvent que d’autres
initié et entretenu des alliances.
Les managers comprennent le plus souvent très bien de quoi il retourne avec la Stratégie
de la bienveillance. Ils l’accueillent avec beaucoup de plaisir parce qu’en formalisant ce
qu’ils pratiquent intuitivement quand tout va bien, elle leur permet de retrouver leurs
repères quand les circonstances sont chahutées et de renouer ainsi même dans
l’adversité avec le cap de leur sérénité, de leur efficacité : la Stratégie de la bienveillance
leur apporte une fluidité qui donne plus de résultats durables pour moins d’efforts.
Pour ceux à qui la bienveillance stratégique est moins naturelle, ils en accueillent très
facilement les solutions. Ce qui peut leur être difficile c’est de reconnaître que le
changement qui s’est produit alors résulte bel et bien du fait qu’ils ont adopté une conduite
stratégique. La tentation est alors grande de se dire : je me suis inquiété pour rien, il n’y
avait rien, alors que c’est justement parce que le parcours mené a été stratégique que les
choses ont été faciles au moment de l’action.
Mon expérience de la Stratégie de la bienveillance éclaire ainsi le propos suprême de Sun
Tsu le maître stratège de la Chine ancienne, quand il déclare que les plus grands
généraux gagnent des batailles invisibles parce que gagnées d’avance… et que les plus
belles victoires se gagnent sans verser de sang.
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Quels sont les mécanismes à l’œuvre dans la Stratégie de la bienveillance ?
- Le premier mécanisme est connu de toutes les écoles de pilotage : le pilote va vers ce
qu’il regarde. Alors autant regarder la route plutôt que les fossés et offrir votre attention et
votre énergie à ce que vous appréciez en vous, l’autre, les autres. La bienveillance, choix
humain, décision, commence là et déjà le deuxième mécanisme est en route.
- Le deuxième mécanisme est une loi de la nature présente depuis le mouvement des
électrons autour des noyaux d’atome jusque dans celui des planètes autour de leurs
soleils. C’est la réciprocité, loi du retour. Vous n’y pouvez rien, la réciprocité est. Ce que
vous pouvez, c’est la reconnaître en envoyant à vous et aux autres, la qualité d’énergie
que vous voulez voir revenir : bienveillance ou malveillance ?
- Le troisième mécanisme est la clarté. Clarté qui distingue, tranche, sépare. Qui, par
exemple, vous distingue de l’autre pour vous permettre de conduire une relation entre l’un
et l’autre. Clarté qui distingue ce qui est de ce qui n’est pas et ce qui n’est pas de ce qui
n’est pas encore. Qui distingue aussi le terrain stratégique – favorable – des autres non
stratégiques. Dans la profusion de la vie, entretenir la clarté est un travail, travail humain
qui libère des amalgames et rend à chacun son pouvoir.
- Le quatrième mécanisme est, comme le deuxième, une loi de la nature accessible à
l’humain : la jouissive liberté d’innover que l’univers exerce depuis le tout début des temps
avec la loi de l’expansion.
Quatre mécanismes : trois trouvés dans un jeu scientifique et le quatrième dans le poème
biblique multimillénaire. Deux relèvent de l’humain, deux de la nature.
Et ce méta-mécanisme : l’humain qui, en se situant à leur conjonction, les active
ensemble, trouve sans effort et par co-incidence le concours des humains et de la nature
avec ce qui lui est « bien ».
J’ai un sens original, défini par l’alignement de mes besoins, qualités et aspirations. Tu as
un sens original aussi, défini par l’alignement de tes besoins, qualités et aspirations.
Le territoire stratégique de Je est celui où J’articule ce que J’ai de qualités, besoins et
objectifs avec ceux que l’environnement présente. L’équation est parfois évidente et
parfois une énigme à résoudre.
Dans tous les cas le territoire stratégique de Je est celui où Je rencontre l’autre – Tu –
pour créer le Nous original et vivant dans lequel Je et Tu, présents, en rencontrant l’autre
se rapprochent de soi-même, s’accomplissent.
Ce territoire bordé de deux limites – celle où Je serais mangé et celle où Tu serais mangé
– s’ouvre à l’infini dans ses deux autres côtés – celui où Je progresse et celui où Tu
progresses.
Pour chacun ce territoire est à construire et à explorer avec une très grande quantité de
Tu. Et chaque Tu est un autre Je…
La Stratégie de la bienveillance se situe plus sur le plan de la politique personnelle que sur
celui de l’outil. En effet elle ne se substitue pas aux outils de développement personnel,
elle en guide l’usage. Les outils de développement personnel donnent de la puissance,
mais comme tout ce qui donne de la puissance, la question cruciale est de savoir à quel
résultat ils mènent plus vite et facilement. Est-ce que ça vous sera bon et durablement
bon ? Avec une bonne maîtrise d’un outil de développement personnel, vous pouvez faire
beaucoup de mal autour de vous et vous faire ainsi le centre d’un monde souffrant,
dépendant, appauvri.
La Stratégie de la bienveillance est une ligne de conduite, une colonne vertébrale
structurante et souple qui permet à chacun d’utiliser ses outils de management, de
développement personnel, de communication… les outils de sa discipline quelle qu’elle
soit en vue d’initier et d’entretenir autour de soi l’environnement sain et coopérant –
bienveillant – dans lequel il fait bon vivre, s’épanouir, s’accomplir.
Penser sa réussite dans la bienveillance, vous avez raison, cela bouleverse un peu les
valeurs de tout le monde.
Mais en profondeur, je crois que cela rejoint les valeurs de – presque ? – tous.
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- La difficulté à reconnaître s’être trompé avec un chemin plus pénible et long que
nécessaire. Certains peuvent préférer ne pas le savoir et continuer de peiner.
- Et la difficulté, une fois les énergies ramassées pour le conflit et les armées mobilisées
prêtes à en découdre, à les renvoyer dans leurs foyers.
Retourner en énergie pour soi l’agressivité contre l’autre n’est pas le plus facile mais c’est
le plus déterminant, l’instant stratégique entre tous et, à la croisée des chemins, celui qui
ne dépend que de soi-même.
C’est toujours difficile de se dire que le combat est en soi plutôt qu’entre soi et les autres,
que le terrain à travailler est le sien. C’est là pourtant qu’est la chance puisque sur ce
terrain, j’ai les pleins pouvoirs.
Oui et non.
Oui, en ce qu’elle présente une vision cartésienne, « scientifique », de ce que les
managers ont du mal à considérer comme une science et qui pourtant obéit à des lois
aussi sûres que la physique, la chimie ou la biologie.
Oui, en ce qu’elle rend accessible aux managers de fibre scientifique, artistique ou
commerciale une même vision des voies de la performance.
Et non, parce que ma Stratégie de la bienveillance formalise et structure un mode de
management qui existe, a toujours existé et j’espère existera toujours : celui qui initie et
entretient entre le collectif et l’individu, entre la relation et le résultat, le double cercle
vertueux grâce auquel chacun atteint grâce à l’autre des résultats inaccessibles sans
l’autre.
Oui, lorsque les décisions à prendre se situent à la croisée des chemins, la Stratégie de la
bienveillance aide à élaborer la décision que Je sente bonne :
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Sun Tsu, L'Art de la guerre, Art. IV, Des circonstances, trad. V.Niquet-Cabestan
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- quand aucune solution ne paraît satisfaire le cœur et la raison, respecter le réel et
l’idéal,
- quand même ne rien décider revient à prendre une décision
- quand se pose la question de savoir quand combattre et quand ne pas combattre.
- et quand il est stratégique de combattre, pour savoir où et que combattre,
Dans tous ces cas, la présence attentive, constante, simple et puissante de la Stratégie de
la bienveillance est un trésor.
Il importe que ceux qui font métier de conduire les autres aient des repères clairs et sûrs
pour se conduire sainement, sûrement et mener aux terrains stratégiques.
Mais les coachs et les managers ne sont pas les seuls à qui se posent des questions
cruciales, à qui s’offrent des choix difficiles dans le monde humain.
Et ils ne sont pas les seuls, bien sûr, à avoir rendez-vous avec le résultat et à viser le
succès…