Cette classification est controversée (tableau 12).
Ac anti-mitochondries Seuls les AMA de type M2 sont recherchés en pratique
courante. Ils sont retrouvés dans la CBP, et sont parfois associés aux anti-M4 et anti-M8 et anti-M9. Les anti- Les autoanticorps anti-mitochondries (AMA) sont M10 apparaissent précocement dans la CBP (incidence étroitement associés à la cirrhose biliaire primitive, 2,2 % dans la CBP), mais sont souvent masqués par les principalement dans leur spécificité anti-M2 (anti- anti-M2. pyruvate déshydrogénase [PDH]). Cette association a L’antigène M2 est un système antigénique situé dans la été décrite à l’origine par Walker en 1965. Depuis, la membrane mitochondriale interne, correspondant à spécificité de ces autoanticorps a été affinée et une clas- trois complexes enzymatiques impliqués dans le méta- sification a été proposée. bolisme des acides cétoniques à chaînes ramifiées : • la pyruvate déshydrogénase (PDH) de 78 kDa, princi- Autoantigènes et autoanticorps pale cible antigénique ; • la 2-oxo glutarate déhydrogénase (OGDH) de La cirrhose biliaire primitive (CBP), définie comme une 48 kDa ; atteinte cholestatique autoimmune d’origine inconnue, associe la présence d’AMA à des lésions histologiques • la branched chain 2-oxo acid dehydrogenase (BCO- (destruction des canalicules biliaires : inflammation, ADH) de 52 kDa. nécrose et cirrhose en stade terminal d’évolution) qui Ces complexes sont constitués d’une répétition de sous- ne sont pas toujours spécifiques. En effet, les lésions unités E2 majoritairement (dihydrolipoamide acétyl- sont proches de celles décrites au cours des hépatites transférase), et de sous-unités E1α, E1â et E3. autoimmunes (HAI). Les AMA sont d’une grande utilité La fréquence des autoanticorps contre les sous-unités au diagnostic, car ils sont retrouvés dans 95 % des E2 au cours des CBP est la suivante : CBP. • PDH-E2 : 90–95 % ; La CBP touche dans la majorité des cas des femmes • BCO-ADH-E2 : 30–45 % ; entre 30 et 70 ans, et provoque un prurit, une asthénie • OGDH-E2 : 20 %. et un ictère. Le bilan hépatique est marqué par une hyperbilirubinémie et surtout des phosphatases alca- Dans 5 à 10 % des CBP positives en IFI sur triple sub- lines de 3 à 10 fois la norme. Les transaminases sont strat mais négatives en anti-PDH-E2 en immunodot ou modérément augmentées. Les gammaglobulines sont ELISA, on peut retrouver des anti-BCOADH-E2, moins élevées que dans les HAI (10–25 g/l), mais l’élé- OGDH-E2, ou PDH- E1α et/ou PDH- E1â par vation des IgM est nette. Les anti-M2 permettent le immunotransfert. diagnostic différentiel entre la CBP et les autres choles- tases intrahépatiques, et peuvent être détectés précoce- Substrats utilisés pour leur recherche ment, avant même l’apparition des symptômes. Parmi les différents types d’anticorps anti- Ces anticorps sont aussi présents dans les formes mitochondries, seuls les anti-M2 marquent les cellules « mixtes » ou « de chevauchement » CBP/HAI (overlap syndrome). Tableau 12 À côté de la CBP, il existe d’autres étiologies de cholan- AMA Maladies associées gites (obstruction des voies biliaires), sans autoanti- M1 Cardiolipine Syphilis hépatique corps anti-M2 : M2 Pyruvate CBP et autres atteintes hépatiques • la cholangite sclérosante primitive, associée à la recto- déshydrogénase-E2 chroniques, sclérodermie colite hémorragique, caractérisée par les ANCA aty- M3 Pseudo-lupus (induit par la pyrazolone…) piques (xANCA ou NANA) ; M4 Sulfite oxydase CBP (toujours en association avec les M2) M5 Phospholipides Lupus avec anticorps anti-phospholipides • la cholangite autoimmune caractérisée par des anti- M6 Mono-amino corps anti-nucléaires anti-membrane nucléaire et des oxydases Hépatite médicamenteuse (Iproniazide) nuclear dots. M7 Myocardite aiguë On a décrit une dizaine d’autoanticorps dirigés contre M8 CBP des composants mitochondriaux dont plusieurs sont M9 Glycogène CBP, hépatites virales aiguës et chroniques associés à la CBP. Certains sont détectables en IFI, phosphorylase d’autres en technique ELISA. M10 CBP (formes précoces) HEp-2 : la fluorescence est cytoplasmique, de type fila- Les anti-M10 donnent sur triple substrat de rat un mar- mentogranulaire à renforcement périnucléaire, s’effilo- quage exclusif des tubules distaux du rein et des canaux chant vers la périphérie. Attention, il peut exister des biliaires du foie. L’estomac est négatif. images typiques d’anti-M2 sur HEp-2, mais négatives Les autres anticorps de la CBP sont des anti-nucléaires : sur triple substrat, ce qui oblige à utiliser la technique • les anti-membrane nucléaire et surtout les anti-pores de référence : le triple substrat rein-foie-estomac de rat nucléaires ou anti-glycoprotéine 210 (gp210). Très (IFI). Le dépistage est effectué avec du sérum dilué au spécifiques (99 %), ils sont retrouvés dans 30 % des 1/40. Le conjugué peut être une anti-IgG ou un polyva- CBP. Les anti-gp210 sont plutôt de mauvais pro- lent anti-GAM. nostic ; Pour les anti-M2, la fluorescence granulaire des mito- • les anti-nuclear dots (grains nucléaires multiples) ou chondries est objectivée dans le cytoplasme des cellules anti-Sp100 (cible antigénique) sont retrouvés dans 10 pariétales gastriques, des cellules de Küpffer, des hépa- à 40 % des CBP mais peuvent être rencontrés dans tocytes (fluorescence faible habituellement) et des cel- d’autres hépatopathies. lules tubulaires rénales (tubules distaux > tubules La CBP est souvent associée à la sclérodermie proxi- proximaux). Une fluorescence supérieure à 1/100 a une male ou syndrome CREST, au syndrome de Gougerot- valeur diagnostique pour la CBP ; une confirmation du Sjögren, et aussi à la thyroïdite d’Hashimoto. type M2 doit alors être effectuée (immunodot, ELISA, immunotransfert, western blot). Les titres des AMA, Les corticoïdes ou immunosuppresseurs sont peu satis- principalement des IgG (IgG3), ne sont pas corrélés à faisants. L’acide ursodésoxycholique fait régresser la l’intensité de la maladie ni à son pronostic. Notons cholestase et la cytolyse, sans modifier les titres en anti- qu’après transplantation hépatique, des anti-M2 (en corps anti-mitochondries ni le taux d’IgM. Dans les atteintes hépatiques graves, la transplantation hépa- typage) peuvent persister, mais être négatifs en IFI. À tique est efficace, on observe une diminution des anti- l’inverse, des anti-M2 détectés en IFI et négatifs en mitochondries en IFI. typage M2 correspondent souvent à des hépatites virales C. Les anti-M1 ont un aspect très voisin des anti-M2, mais ☞ Ac anti-nucléaires, Hépatites autoimmunes la fluorescence des cellules pariétales est moins nette. ( Fabien N, Monier JC. Principe, avantages et inconvénients de la technique d’immunotransfert Les anti-M5 sont caractérisés par une fluorescence des dans le cadre de la détection des autoanticorps. tubules proximaux P1>P2>P3. Les tubules distaux sont GEAI L’Info 2005 ; No Spécial mai : 15-20. négatifs. Au niveau de l’estomac, les cellules du collet Johanet C, Huguet-Jacquot S, Eyraud V, Ballot E. Auto-anticorps et pathologies hépatiques. sont positives. Rev Fr Lab 2006 ; 36/387 : 25-33.