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L’abord chirurgical du foramen jugulaire est complexe. Sa profondeur et sa proximité avec le nerf facial et
l’artère carotide interne sont critiques. La présence au sein de cet orifice de nerfs mixtes de haute impor-
tance fonctionnelle et de très grande fragilité complique beaucoup la tâche du chirurgien. Celle du bulbe
jugulaire, essentiel au drainage veineux cérébral et facilement envahi, est au centre du risque chirurgical.
L’abord du foramen jugulaire peut s’envisager au travers de voies d’abord otologiques dont la plus utilisée
est la voie infratemporale type A décrite par Ugo Fisch. Cette voie a fait la preuve de son efficacité au
travers du temps. Son inconvénient principal est de sacrifier peu ou prou l’audition et de nécessiter un
déroutement du nerf facial. D’autres voies d’abord otologiques plus respectueuses de la position du canal
facial et de l’oreille moyenne ont été décrites plus récemment pour l’exérèse de tumeurs de taille petite à
moyenne. Mais le foramen jugulaire peut être également contrôlé au travers de voies d’abord purement
neurochirurgicales, respectant le rocher, la position du nerf facial et l’intégrité de l’oreille moyenne. Ces
abords, décrits pour atteindre le foramen magnum, sont en capacité de conduire le chirurgien à des
lésions dépendant du foramen jugulaire. Le but de ce travail est de faire une description la plus complète
possible de ces deux types d’accès en précisant leurs indications respectives. Sont évoqués les problèmes
posés par les différentes tumeurs pouvant occuper cet espace. Les paragangliomes tympanojugulaires
servent de base de description, mais les particularités techniques soulevées par les méningiomes et les
neurinomes sont également précisées.
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Mots-clés : Nerf facial ; Foramen jugulaire ; Voie infratemporale ; Nerf vague ; Paragangliome
Ces notions sont essentielles à l’heure de la prise de décision et • latéralement par le bord dorsal de l’os pétreux, sur lequel on
de l’indication opératoire. reconnaît, de ventral vers dorsal et de latéral vers médial,
Les voies d’abord que nous décrivons ont en commun d’accéder l’échancrure contenant le nerf glossopharyngien (IXe nerf crâ-
au foramen lui-même et à ses versants extra- et intracrâniens, nien), le processus intrajugulaire de l’os pétreux, qui divise le
extra- et intraduraux en permettant par là même de traiter les foramen en deux parties, et la large échancrure qui borde la
extensions en « sablier » intracrâniennes et cervicales fréquentes fosse jugulaire et ferme médialement le foramen ;
en ce qui concerne les tumeurs nerveuses et méningées. Le lec- • médialement par la partie latérale de l’os occipital. On retrouve
teur peut retrouver une description précise des voies destinées à là encore la saillie du processus intrajugulaire de l’occipital qui
exposer les extensions intradurales de la partie basse de l’angle forme la limite postérieure de l’encoche du sinus pétreux infé-
pontocérébelleux dans l’article sur les voies d’abord du méat audi- rieur ;
tif interne (article 46-010 de l’EMC). • dorsalement, par l’articulation entre processus jugulaire occipi-
tal et face jugulaire de l’os pétreux ;
• ventralement, par l’articulation entre bord postérieur de l’os
Rappels anatomiques pétreux et bord latéral de la partie basilaire de l’os occipital.
Le foramen jugulaire ou trou jugulaire était autrefois appelé Le foramen jugulaire est cloisonné par deux faisceaux fibreux
« trou déchiré postérieur ». (Fig. 2A, B) :
Il s’agit d’un hiatus osseux situé entre le bord postérieur de • un faisceau ventral et médial. Il unit le processus intrajugulaire
la partie pétreuse de l’os temporal et le bord latéral des parties occipital et le processus intrajugulaire de l’os pétreux ;
latérales de l’os occipital. • un faisceau plus dorsal et latéral. Il réunit la berge postérieure
Son orientation dans l’espace (il regarde en haut, en dedans et du processus intrajugulaire du rocher de l’os pétreux au bord
en arrière) fait que ses faces endocrâniennes et extracrâniennes latéral de la partie latérale de l’os occipital.
n’ont pas la même forme (Fig. 1A, B). Ces faisceaux délimitent trois loges :
Il présente à décrire deux régions différentes par leur aspect • une loge pour le nerf glossopharyngien et le sinus pétreux infé-
et leur contenu : la partie ventrale et médiale, dite « nerveuse » rieur, la plus ventrale et la plus médiale ;
(pars nervosa) et la partie dorsale et latérale dite « veineuse » (pars • une loge pour la veine jugulaire interne (VJI), plus dorsale et
venosa). Elles sont séparées par le processus intrajugulaire de l’os plus latérale. À la jonction entre sinus sigmoïde et VJI se situe
pétreux encore appelé épine jugulaire. le bulbe supérieur de la VJI ou bulbe jugulaire (BJ) (ancien-
nement appelé « golfe jugulaire ») qui fait « siphon » entre les
deux et peut remonter plus ou moins haut dans la base du
Face endocrânienne rocher ;
Si on examine la face endocrânienne du rocher (Fig. 1A), on • une loge située entre les deux premières, délimitée par les deux
remarque que le foramen jugulaire est limité : faisceaux fibreux et laissant passer le nerf vague (Xe nerf crânien
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Figure 1.
A. Foramen jugulaire, face endocrânienne. 1. Méat auditif interne ; 2. suture pétro-occipitale et sinus pétreux inférieur ; 3. sinus sigmoïde ; 4. processus
intrajugulaire de l’os pétreux ; 5. pars nervosa ; 6. pars venosa ; 7. processus intrajugulaire de l’os occipital ; 8. canal du nerf hypoglosse.
B. Foramen jugulaire, face exocrânienne. 1. Processus mastoïde ; 2. foramen stylomastoïdien ; 3. foramen ovale ; 4. foramen spinosum ; 5. foramen carotidien ;
6. bulbe jugulaire ; 7. foramen lacerum ; 8. orifice de sortie du canal hypoglosse ; 9. condyle occipital.
Figure 2.
1 A. Contenu du foramen jugulaire. 1. Sinus pétreux inférieur ;
2. nerf glossopharyngien (IX) ; 3. nerf vague ; 4. branche de l’artère
pharyngienne ascendante ; 5. nerf spinal (XI) accessoire ; 6. bulbe
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5 supérieur de la veine jugulaire interne.
3 1 B. Canal jugulaire. 1. Bulbe de la veine jugulaire ; 2. nerf spinal
4 accessoire ; 3. nerf vague et ganglion supérieur ; 4. nerf glossopha-
ryngien et ganglion inférieur ; 5. sinus pétreux inférieur.
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Figure 3. Rapports des nerfs mixtes au niveau du foramen jugulaire. Les nerfs mixtes apparaissent coudés comme sur un chevalet entre leur origine au
niveau du tronc cérébral et leur trajet cervical.
A. 1. Nerf accessoire ; 2. nerf vague ; 3. nerf facial ; 4. nerf glossopharyngien ; 5. nerf hypoglosse.
B. 1. Nerf glossopharyngien ; 2. nerf facial ; 3. nerf hypoglosse ; 4. nerf accessoire ; 5. nerf vague.
Information du patient
Avant toute approche du foramen jugulaire s’impose une infor-
mation précise et argumentée sur les risques peropératoires,
potentiellement graves dans cet environnement anatomique, et
sur la difficulté éventuelle des suites opératoires sur le plan fonc-
tionnel. Au-delà de cette information sur les risques vitaux et
fonctionnels encourus, dont l’ORL est coutumier, le patient est
averti de l’environnement postopératoire (sonde gastrique, tra-
chéotomie éventuelle).
Environnement technique
Aucune intervention otoneurochirurgicale ne peut s’envisager
sans monitorage du nerf facial. Il peut être utile de le coupler à une
surveillance de l’activité du nerf vague par monitorage laryngé.
Si la tumeur doit être poursuivie en intradural, nous conseillons
l’usage de colle de fibrine pour réduire le risque de fuite de LCS [4] .
L’usage d’un cadre neurochirurgical (Mayfield ou Gardner) facilite
dans certains des accès étudiés le maintien de la tête en rotation
et évite les escarres d’appui [5] .
Figure 4. La tympanotomie postérieure permet d’exposer la tumeur
dans l’oreille moyenne.
Abords chirurgicaux
Nous décrivons ces abords en prenant comme type de des- Les deux premières qualifiées de conservatrices sont nées du
cription la résection d’un paragangliome jugulaire qui en est souhait d’éviter les séquelles parfois liées au déroutement anté-
sans doute la meilleure indication. Les particularités techniques rieur des portions tympaniques et mastoïdiennes du nerf facial
induites par les autres lésions sont vues par la suite. Nous dif- utilisé dans la voie infratemporale de type A. Ces séquelles sont
férencions pour plus de clarté les voies d’abord otologiques liées à l’ischémie nerveuse. Elles peuvent être évitées lorsque le
transpétreuses, formatées d’emblée pour travailler dans l’oreille nerf facial est laissé en place ou faiblement mobilisé au niveau
moyenne et le foramen jugulaire et les voies neurochirurgicales de sa troisième portion ou de son trajet parotidien. Soulignons
extrapétreuses, ciblant le foramen jugulaire en même temps que ici que le déroutement postérieur du nerf facial n’est pas évoqué
la charnière craniocervicale et la jonction bulbomédullaire intra- dans cet article. Il est en effet par définition associé à la voie trans-
durale. cochléaire qui n’est pas de règle dans le contexte des tumeurs du
foramen jugulaire.
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la limite mastoïdienne puis réséquée, grâce à la section des inser- Figure 13. L’incision en Y ne peut être utilisée que si l’on respecte le
tions du muscle digastrique et le fraisage de l’écaille occipitale, méat auditif externe et sa vascularisation qui perfuse le pavillon de l’oreille.
qui permettent l’exposition de la partie postérieure du foramen
jugulaire.
Fermeture
La fermeture de cet accès combiné nécessite un drainage par
siphonnage ; le drain déclive, situé à 10 cm de la position de
l’oreille, permet d’éviter les hématomes cervicaux sans aspirer l’air
de l’oreille moyenne. Il est donc nécessaire de bien reconstruire
les plans musculaires pour éviter les communications entre le cou
et la cavité mastoïdienne.
Variantes
Lorsqu’il existe une extension limitée dans la VJI, la dissection
cervicale des gros vaisseaux n’est pas nécessaire, ce qui évite de
faire communiquer la mastoïde et le cou. L’abord de la région est
réalisé par déplacement des muscles digastriques et stylohyoïdiens
en incisant le périoste à la base du crâne.
Avantages et inconvénients
Cette technique, très élégante et peu agressive, épargne le
nerf facial. Mais elle ne se conçoit que si la tumeur envahit
l’hypotympan et le BJ sans adhérer à l’ACI. C’est donc unique-
ment le cas des tumeurs types B et C1 de Fisch. On est donc très
réservé face à :
• un large envahissement intraluminal ;
• une extension à la paroi antérieure et médiale de la carotide Figure 14. L’incision arciforme permet à la fois le contrôle du rocher et
interne ; du cou. Elle peut être associée à une transsection du méat auditif externe.
• une extension latérale de la tumeur très proche, voire au contact
du nerf facial.
Ces limites s’appliquent également pour un deuxième type de pour s’incurver en avant dans les plis du cou. La branche pos-
technique conservatrice, la voie rétrofaciale et transjugulaire. térieure de l’incision passe en arrière, le long du bord postérieur
de la mastoïde, pour finir en haut et en arrière du pavillon. Nous
Voie rétrofaciale et transjugulaire de Glasscock lui préférons une incision prenant la forme d’un C allongé rétro-
auriculaire (Fig. 14). Elle permet une meilleure conservation de la
et Jackson
vascularisation du lambeau cutané, sans problème d’exposition, et
Cette technique chirurgicale est basée sur les travaux de Glass- permet également de combiner un abord du méat auditif externe
cock qui décrivit en 1974 une série de techniques chirurgicales plus aisé, voire une transsection du méat si nécessaire pour mieux
conservatrices pour l’exérèse des paragangliomes tympanojugu- exposer l’hypotympanum et l’os tympanal.
laires (basic infratemporal approach de Jackson) [10] . Elle est indiquée
pour les tumeurs de taille moyenne limitées au foramen jugulaire Dissection cervicale
et à la région infralabyrinthique avec extension à l’ACI limitée à L’exposition cervicale combine une ouverture de la gouttière
son segment tympanique. vasculaire permettant d’identifier et d’isoler les gros vaisseaux et
les nerfs mixtes et une dissection parotidienne repérant le nerf
Incision facial du foramen stylomastoïdien jusqu’à sa bifurcation intra-
L’incision classique est en Y, entourant le pavillon de l’oreille glandulaire.
(Fig. 13). Elle permet un contrôle simultané de l’os temporal, de
la gouttière vasculaire et de la région parotidienne. Elle est utile Temps osseux
pour cette voie quand on cherche à conserver les structures de Une large mastoïdectomie est effectuée et complétée par une
l’oreille moyenne avec le conduit osseux en place. La branche tympanotomie postérieure étendue prenant pour guide le nerf
antérieure de l’incision est celle d’une parotidectomie tournant facial dans la totalité de sa portion mastoïdienne. La tympa-
autour du tragus, passant en avant puis au-dessous du lobule, notomie est poursuivie en bas et en avant dans le tympanal,
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Figure 20. Voie intradurale combinée. L’ouverture de la méninge de la
fosse postérieure donne accès à la fosse postérieure et à la citerne bulbocé-
rébelleuse, et à l’émergence des nerfs mixtes. 1. Nerf glossopharyngien ;
2. nerf vague ; 3. nerf accessoire ; 4. nerf hypoglosse.
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• craniotomie sous-occipitale, repérage de l’artère vertébrale et infratemporale de type A ou B dans le même temps puisque
fraisage transcondylien et transtuberculaire ; l’exérèse de la lésion intraosseuse doit se poursuivre jusqu’à la
• sacrifice de la VJI, du BJ et occlusion du sinus sigmoïde empor- méninge, du canal carotidien à l’axe veineux. Un soin particu-
tant la partie extradurale de la tumeur ; lier est apporté au respect du nerf abducens (VI) dans le canal de
• exposition intradurale en cas de prolongement intradural de la Dorello. Les tumeurs classées Di (définies par une extension intra-
tumeur. crânienne intradurale) caractérisées nécessitent une ouverture de
Il s’agit d’une voie lourde et sophistiquée, de réalisation longue la dure-mère, associée à n’importe quelle voie transpétreuse. Une
et qui associe les inconvénients des voies transpétreuses (lésion voie rétrosigmoïde ou une voie rétrolabyrinthique permettent de
du nerf facial, lésion de l’oreille interne) et des voies transcondy- contrôler les tumeurs classées Di1 associées à un envahissement
liennes (douleurs musculaires ou névralgiques cervicales, lésion de moins de 2 cm dans l’angle pontocérébelleux. Selon Fisch, les
de l’artère vertébrale). tumeurs classées Di2 nécessitent un deuxième temps neurochi-
rurgical. Nous ne pensons pas que ce soit le cas. Il n’est pas sûr
que la limite soit aussi précise. Elle est surtout fonction du carac-
Indications chirurgicales tère dévascularisé ou non de la tumeur, mais il nous est apparu
que dans la plupart des situations, la partie intracrânienne de la
dans les paragangliomes tumeur était la plus simple à réséquer car habituellement la plus
aisée à coaguler en masse, à la différence de la partie de la tumeur
jugulaires située dans le massif pétreux. L’ablation de l’insertion durale après
coagulation et l’habituelle conservation d’un plan arachnoïdien
Tumeur de type B autour des pédicules neurovasculaires de l’angle pontocérébelleux
Une incision rétroauriculaire est indispensable ouvrant voie en permettent généralement l’exérèse. Pour Fisch, les tumeurs
à une mastoïdectomie et une tympanotomie postérieure et classées Di3 sont le plus souvent inextirpables dans leur totalité.
inférieure. C’est l’importance de l’envahissement mastoïdien et Une radiothérapie associée éventuellement à un shunt ventri-
surtout de l’envahissement du BJ qui va décider de la nécessité culopéritonéal doit être discutée pour compléter le traitement
ou non de réaliser un déroutement du nerf facial. Dans la plu- chirurgical lui-même.
part des cas, il est possible de laisser le nerf facial en place en
utilisant une voie sous-faciale et infralabyrinthique. Cette voie
reste cependant limitée dans ses possibilités d’exposition quand la Complications postopératoires
tumeur rejoint la face postérieure de la portion verticale de l’ACI.
En cas d’envahissement du BJ, on peut tout de même conseiller la Atteinte des derniers nerfs crâniens
réalisation d’une voie cervicale permettant de contrôler les axes
vasculaires. C’est le principal problème dans la prise en charge chirurgicale
des paragangliomes jugulaires. Ces tumeurs compriment d’abord
les nerfs mixtes avant de les envahir ce qui laisse de la place, au
Tumeur de type C moins au début de l’évolution, pour une préservation fonction-
nelle au prix d’une dissection délicate [1] . Le statut neurologique
La lésion infralabyrinthique s’étend donc le long de l’ACI vers la postopératoire ne doit cependant être jugé qu’en fonction de
pointe du rocher. Un contrôle cervical des gros vaisseaux s’impose l’état neurologique préopératoire. Quand les tumeurs sont volu-
et l’incision doit être à la fois rétroauriculaire et cervicale. mineuses, les nerfs crâniens IX, X, XI et parfois XII sont déjà
Il convient de distinguer : déficitaires [1] . C’est le cas chez sept des neuf patients porteurs de
• en cas d’extension de type C1, limitée au coude de l’ACI, trois lésions de stades C et D dans la série de Chung et al. [19] . L’étude
techniques sont utilisables : de Woods et al., reprenant 126 paragangliomes jugulaires et para-
◦ une voie sans déroutation du nerf facial telle que la voie gangliomes vagaux traités dans le groupe otologique de Jackson,
rétrofaciale et infralabyrinthique, en ayant conscience de ses est riche d’enseignements [20] . Le risque de lésion des nerfs mixtes
limites, est important (48 % de déficit du IX, 46 % du X, 36 % du XI et
◦ la voie rétrofaciale et transjugulaire, en utilisant une du XII). Ce risque global mérite d’être affiné en fonction du stade
déroutation et une mobilisation a minima de la portion mas- tumoral, ce qui est souvent difficile dans la mesure où les classifi-
toïdienne du nerf facial. Elle peut faire suite à la première en cations diffèrent suivant les séries, rendant les comparaisons peu
cas de gêne à l’exposition de la tumeur et en cas d’anatomie fiables. Selon ces mêmes auteurs, la préservation des nerfs mixtes
peu favorable, est possible dans près de 90 % des cas en cas de tumeur de stade I
◦ la classique voie infratemporale de type A de Fisch permet de Jackson (envahissement du BJ, de l’oreille moyenne et de la
de contrôler en toute sécurité ces tumeurs de type C1. Son mastoïde, correspondant à un stade A ou B de Fisch). Cette pré-
inconvénient est bien sûr l’atteinte faciale consécutive au servation n’est plus possible que dans 50 à 70 % des cas pour les
déroutement et à l’exclusion de l’oreille moyenne avec une tumeurs de stade II (envahissement du méat auditif interne, de
surdité de transmission séquellaire ; l’ACI et/ou de l’endocrâne, correspondant aux types C1 ou D de
• en cas d’extension de type C2, la voie infratemporale de type A Fisch) et n’est plus que dans 20 à 30 % des cas pour les tumeurs de
de Fisch est le meilleur choix car elle permet un meilleur stade III (envahissement de l’apex pétreux, types C2, C3 ou D de
contrôle de l’ACI ; Fisch). La préservation de ces nerfs est très rarement possible en
• si la face interne de l’ACI est infiltrée, ou en cas d’atteinte de la cas de tumeur de stade IV (envahissement du clivus et de la fosse
partie médiale de la portion horizontale de l’ACI (type C3), la infratemporale). Mais dans cette situation, les nerfs sont souvent
combinaison avec une voie infratemporale de type B devient déjà parétiques. Cette atteinte des nerfs mixtes peut être plus ou
nécessaire, permettant souvent de respecter la cochlée. Les moins bien supportée suivant l’âge et son caractère complet ou
atteintes auditives neurosensorielles sont essentiellement dues non. L’atteinte associée du XII aggrave la tolérance de ce défi-
aux extensions tumorales atteignant la face inférieure du méat cit. Il convient d’insister sur le souci de préservation nerveuse
auditif interne ou du canal postérieur, plus rarement celle de la qui doit guider à tout moment l’acte chirurgical, même si cela
cochlée. Les auteurs s’accordent aujourd’hui pour ne pas pla- peut conduire à laisser un reliquat lésionnel au contact des nerfs
nifier de principe le sacrifice de l’ACI, même après évaluation mixtes [1, 18] .
précise du polygone de Willis dans le contexte du traitement En cas d’atteinte nerveuse préexistante, la tolérance fonction-
d’une tumeur bénigne [1, 18] . nelle du déficit est bien souvent meilleure que quand la paralysie
apparaît en postopératoire. Les troubles de déglutition postopéra-
Tumeur de type D toires peuvent être très importants et conduire à la mise en place
d’une sonde d’alimentation entérale ou d’une gastrostomie tran-
Les tumeurs classées De (définies par une extension intra- sitoire (20 % des cas de la série d’Oghalai). Ils sont d’autant plus
crânienne extradurale) peuvent être réséquées par une voie difficiles à compenser que le malade est plus fragile ou âgé. C’est
Ils se développent aux dépens des nerfs mixtes. Ils posent des
problèmes différents de ceux des paragangliomes. Leur exérèse est Méningiomes
plus facile car ils sont peu vascularisés et souvent mieux limités. Ils Il s’agit de tumeurs infiltrantes et d’implantation large, rare-
envahissent de façon moins systématique la lumière du BJ. Mais ment limitées à la région du foramen jugulaire. Elles diffusent très
leur exérèse conduit constamment à un déficit fonctionnel ner- rarement en région cervicale et les voies d’abord habituelles de
veux bien difficile à assumer pour des patients qui présentent dans la fosse postérieure (voie rétrosigmoïde, voie translabyrinthique
plus d’un quart des cas une fonction nerveuse normale ou sub- et rétrolabyrinthique, décrites dans l’article sur les voies d’abord
normale en préopératoire [22, 23] . De ce point de vue, l’information du méat auditif interne [46-010 de l’EMC]) peuvent être tout à
préopératoire doit être très précise. De même, l’indication chi- fait adaptées et raisonnées en fonction du niveau auditif et de
rurgicale est lourdement pesée en cas de fonction du nerf vague l’extension dans la fosse postérieure. Mais en cas d’infiltration du
préservée. On est même très en recul chez les sujets âgés et fragi- BJ, il peut se révéler nécessaire d’utiliser les mêmes voies d’abord
lisés. que pour les schwannomes des nerfs mixtes [1] . Mais il faut se
L’audition et la fonction faciale sont le plus souvent normales préparer à faire face à leur fréquente hypervascularisation et la
et l’oreille moyenne et l’ACI respectées. Les préservations auditive coagulation au voisinage des nerfs mixtes peut être source de
et faciale sont donc à rechercher, même en cas de composante très problèmes. Notre préférence va clairement à la voie rétrolabyrin-
volumineuse dans l’angle pontocérébelleux. thique, sauf en cas de surdité profonde (Fig. 24).
Le traitement en un temps par voie otoneurochirurgicale est
à privilégier. La voie rétrosigmoïde, qui donne un bon contrôle
de la fosse postérieure sans permettre de poursuivre la tumeur
dans le BJ et dans la région infratemporale et cervicale, ne Références
trouve pas ici une bonne indication. On choisit une voie d’abord
[1] Oghalai JS, Leung MK, Jackler RK, McDermott MW. Transjugu-
n’exposant pas l’oreille moyenne et ne nécessitant pas de dérou-
lar craniotomy for the management of jugular foramen tumors with
tement du nerf facial. Le BJ n’est sacrifié que s’il est envahi,
intracranial extension. Otol Neurotol 2004;25:570–9.
comme dans la chirurgie des paragangliomes. On privilégie [2] Karaman E, Yilmaz M, Isildak H, Hacizade Y, Korkut N, Devranoğlu
donc : I, et al. Management of jugular paragangliomas in otolaryngology
• les voies transpétreuses potentiellement transjugulaires, sans practice. J Craniofac Surg 2010;21:117–20.
déroutement du nerf facial mais comportant une exposition [3] Spelle L, Ruijters D, Babic D, Homan R, Mielekamp P, Guillermic J,
cervicale. La « voie pétro-occipitale transsigmoïde » décrite par et al. First clinical experience in applying XperGuide in embolization of
Mazzoni et Sanna dans cette indication n’est en fait qu’une jugular paragangliomas by direct intratumoral puncture. Int J Comput
variante, dont la particularité est de sacrifier de principe, en le Assist Radiol Surg 2009;4:527–33.
divisant à mi-hauteur, le sinus sigmoïde pour ouvrir la fosse [4] Darrouzet V, Martel J, Enée V, Bébéar JP, Guérin J. Vestibular schwan-
postérieure et contrôler la portion de la tumeur développée noma surgery outcomes: our multidisciplinary experience in 400 cases
dans l’angle. Cette division ne nous apparaît pas nécessaire. over 17 years. Laryngoscope 2004;114:681–8.
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Chirurgie du foramen jugulaire 46-020
[5] Darrouzet V, Guerin J, Aouad N, Dutkiewicz J, Blayney AW, Bebear [16] George B, Lot G, Tran Ba Huy P. The juxtacondylar approach to
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[6] Fisch U. Infratemporal fossa approach for lesions in the temporal bone [17] Liu JK, Sameshima T, Gottfried ON, Couldwell WT, Fukushima T. The
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Darrouzet V, Franco-Vidal V, Liguoro D, Lavieille JP. Chirurgie du foramen jugulaire. EMC - Techniques
chirurgicales - Tête et cou 2013;8(1):1-15 [Article 46-020].