Академический Документы
Профессиональный Документы
Культура Документы
BELLO
David Cumin
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
David CUMIN
L
es missions aériennes du temps de paix comprennent : la police
des airs, la protection du territoire, la dissuasion, la gestion des
crises (action humanitaire, diplomatie aérienne, soutien aux
mesures économiques, maintien ou rétablissement de la liberté de
navigation). Les missions du temps de guerre sont le commandement et
le renseignement : observation, détection, information, communication
et “guerre électronique” ; le transport, la mobilité et le soutien : para-
chutage (projection “tactique”) ou convoi de troupes et de matériels
(projection “stratégique”) ; l‟engagement et le combat (à distance, en
milieu hostile ou en opération spéciale). Le combat inclut : la défense
aérienne, c‟est-à-dire la protection du territoire, de la population, des
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 11/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 80.214.76.241)
4
Rappelons que le jus ad bellum ou droit de la guerre au sens large, euphémisé en
“droit de la sécurité internationale”, régit le recours à la force armée en déterminant qui
a le droit d‟ordonner la guerre et pour/quoi, autrement dit, qui sont les auteurs (les
belligérants, ou titulaires du droit de guerre publique, personnes morales) et quels sont
les causes ou les buts des conflits armés. Le jus in bello, lui, ou droit de la guerre au
sens strict, euphémisé en “droit international humanitaire”, régit l‟usage de la force
armée en déterminant qui a le droit de faire la guerre et comment, autrement dit, qui
sont les acteurs (les combattants, ou délégataires du droit de guerre publique, personnes
physiques) et quels sont les instruments et les modalités des conflits armés.
5
Cf. Marcel Sibert, “Remarques et suggestions sur la protection des populations
civiles contre les bombardements aériens”, Annuaire français de droit international,
1955, pp. 177-192 ; Nicolas Sloutzky, “Le bombardement aérien des objectifs
militaires”, Revue générale de droit international public, 1957, pp. 353-381.
6
La XIVe Convention de La Haye du 18 octobre 1907 sur l‟interdiction de lancer
des projectiles et des explosifs du haut des ballons est tombée en désuétude.
7
62 articles répartis en huit chapitres : domaine d‟application, classification et
marques (art. 1 à 10) ; principes généraux (art. 11 et 12) ; belligérants (art. 13 à 17) ;
hostilités, bombardement et espionnage (art. 18 à 29) ; l‟autorité militaire sur les
aéronefs ennemis ou neutres et sur les personnes à bord (art. 30 à 38) ; les devoirs des
belligérants vis-à-vis des États neutres et les devoirs des neutres vis-à-vis des États
190 Stratégique
nécessairement que le texte ne sera pas respecté ; mais cela indique que
les États entendent garder leur liberté. Les articles 36 et 37 de la Ire
Convention de Genève du 12 août 1949 et les articles 39 et 40 de la IIe
CG sont consacrés aux aéronefs sanitaires, de même que la majeure
partie de la section II du titre II du Protocole I du 8 juin 19778 sur les
“transports sanitaires” (art. 24 à 31). Quant à l‟article 42 du Protocole,
il traite des occupants d‟aéronefs en perdition. De nombreuses
dispositions du Manuel de San Remo de juin 19949 portent sur les
opérations aériennes liées à la guerre navale. Mais ce Manuel n‟a pas
d‟équivalent dans le domaine de la guerre aérienne. Ainsi, la faiblesse
conventionnelle du droit de la guerre aérienne est encore plus accusée
que celle du droit de la guerre maritime, cependant que l‟histoire du
droit et le droit coutumier offrent moins de références, puisque la
guerre aérienne n‟a qu‟un siècle.
Eu égard aux sources, la grande question qui s‟est posée était de
savoir si le droit de la guerre aérienne serait autonome ou bien s‟il
s‟inspirerait, soit du droit de la guerre terrestre, soit du droit de la
guerre maritime, soit des deux. La pratique et les Règles de La Haye
l‟ont confirmé : la guerre aérienne se dédoublant en guerre militaire et
en guerre économique, l‟une obéit aux règles et principes de la guerre
terrestre, l‟autre, aux règles et principes de la guerre maritime10. Il n‟y a
donc pas d‟autonomie matérielle du droit de la guerre aérienne, sauf en
ce qui concerne le bombardement stratégique. Celui-ci échappe en
effet à la transposition pure et simple des règles issues du jus in bello
terrestre. De manière spécifique, l‟avion sert à bombarder les indus-
tries, les infrastructures ou les villes, parce qu‟il surplombe tout espace
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 11/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 80.214.76.241)
11
La terre et la mer comprennent en outre la dimension sous-terraine et la dimen-
sion sous-marine, qui, précisément, permettent de se mettre à l‟abri de la puissance
aérienne.
12
Selon l‟article 1er de la Convention de Chicago, “les États contractants recon-
naissent que chaque État a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien
au-dessus de son territoire” ; selon l‟article 2, “il faut entendre par territoire d’un État
les régions terrestres et les eaux territoriales adjacentes qui se trouvent sous la souve-
raineté, la suzeraineté, la protection ou le mandat dudit État”.
13
“A) Chaque État contractant peut, pour des raisons de nécessité militaire ou de
sécurité publique, restreindre ou interdire uniformément le vol au-dessus de certaines
zones de son territoire par les aéronefs d’autres États, pourvu qu’il ne soit fait aucune
distinction à cet égard entre les aéronefs dudit État qui assurent des services aériens
internationaux réguliers et les aéronefs des autres États contactants qui assurent des
services similaires. Ces zones interdites doivent avoir une étendue et un emplacement
raisonnable afin de ne pas gêner sans nécessité la navigation aérienne. La définition
desdites zones interdites sur le territoire d’un État contractant et toute modification
ultérieure seront communiquées dès que possible aux autres États contractants et à
l’Organisation de l’aviation civile internationale. b) Chaque État contractant se
192 Stratégique
17
Selon l‟article 9 des Règles de La Haye, un aéronef non militaire belligérant,
public ou privé, peut être transformé en un aéronef militaire à condition que cette
transformation soit effectuée dans la juridiction de l‟État belligérant et non en haute
mer. L‟article 16 alinéa 2 interdit la transformation d‟un aéronef privé en dehors de la
juridiction de son propre État.
194 Stratégique
18
Lato sensu, le crime de piraterie a été détaché de son milieu originaire, la haute
mer, pour être attaché à tout espace autre que naturel à l‟homme, dans lequel celui-ci ne
peut se mouvoir qu‟avec un véhicule.
19
Pas “arrêt”, puisque l‟avion doit atterrir ou amerrir.
20
Autant de notions, transposées à l‟aviation, posant le problème des rapports, non
seulement avec les États ou les personnes publiques ou privées ennemis, mais aussi
avec les États ou les personnes publiques ou privées neutres.
Le problème du bombardement aérien stratégique en jus in bello 195
23
Si la guerre froide a connu la peur du bombardement nucléaire, l‟entre-deux-
guerres a connu la peur du bombardement aérien ou aérochimique. Pourtant la guerre
éclata à nouveau, sans qu‟il n‟y eut dissuasion. D‟autre part, l‟impact que le danger
aérien produisait sur les opinions pouvait servir les dirigeants qui manipuleraient et
utiliseraient cette peur pour exercer une pression ou un chantage afin d‟arracher des
concessions à d‟autres États. Soit l‟exercice d‟une “diplomatie coercitive” qui ferait
céder l‟adversaire, sans qu‟il y ait besoin de recourir effectivement à la force armée.
Le problème du bombardement aérien stratégique en jus in bello 197
24
De même, échoua le projet de créer une aviation militaire sous les ordres de la
SDN, c‟est-à-dire une armée de l‟air mondiale à des fins de prévention ou de répression
de l‟agression.
198 Stratégique
25
L‟article 6-b du Statut du Tribunal militaire international pour l‟Europe du 8 août
1945, l‟article 3 du Statut du Tribunal pénal international pour l‟ex-Yougoslavie du
25 mai 1993, l‟article 8 du Statut de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998.
Le problème du bombardement aérien stratégique en jus in bello 199
26
Article 24 paragraphe 3.
27
Article 24 paragraphe 4.
28
Article 23.
29
Article 25.
30
“Les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplace-
ment, leur destination ou leur utilisation, apportent une contribution effective à l’action
militaire et dont la neutralisation offre un avantage militaire précis”.
200 Stratégique
31
Cf. Patrick Facon, Le Bombardement stratégique, Monaco, Éditions du Rocher,
1996, ainsi que Jörg Friedrich, L’Incendie. L’Allemagne sous les bombes, 1940-1945,
Paris, Éditions de Fallois, 2004 (2002).
202 Stratégique
32
Ainsi de la guerre du Kosovo. Cf. Barthélémy Courmont, Darko Ribnikar, Les
Guerres asymétriques. Conflits d’hier et d’aujourd’hui, terrorisme et nouvelles mena-
ces, Paris, IRIS/PUF, 2002, pp.160, 210-212.