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En attendant Nadeau
Journal de la littérature, des idées et des arts
De l’amour numérique
par Jean-Jacques Subrenat • 30 juillet 2019
Marie Bergström, Les nouvelles lois de l’amour. Sexualité, couple et rencontres au temps du
numérique. La Découverte, 220 p., 20 €
On sait que les sites et les applications de rencontres ont opéré un renversement
du scénario de la rencontre : alors que la rencontre face à face constitue
habituellement le prélude de toute relation, « elle n’intervient ici que dans un
deuxième temps lorsque l’on sait déjà beaucoup de choses » sur la personne
contactée en ligne. En raison de cette séquence désormais bien établie, les
candidates et candidats établissent des critères pour guider leur choix : le feeling,
ce « sentiment d’affinité intuitive », l’humour, le style de vie, mais aussi « le
dégoût de la mauvaise orthographe », qui ensemble constituent « un mode de
communication (en ligne) fort discriminatoire » selon Bergström.
À ces marqueurs sociaux s’ajoutent des attentes différenciées selon que c’est une
femme ou un homme qui recherche un.e partenaire. Ainsi, « sur Internet comme
ailleurs, on attend des femmes une certaine réserve sexuelle, faute de quoi elles
mettent en jeu leur respectabilité, voire leur intégrité physique ». En outre, «
pour les femmes, faire preuve de réserve […] c’est aussi une stratégie pour
dégager un espace de négociation quant à la nature à donner à la relation
naissante ». À l’inverse, l’initiative masculine serait « un véritable principe
organisateur des rencontres en ligne qui structure toutes les étapes de l’échange
». De ces constats, Marie Bergström tire un enseignement intéressant : « les
rencontres en ligne ne relèvent pas d’une révolution sexuelle. Elles s’inscrivent
dans les évolutions de long terme qu’elles prolongent activement. Ces
changements, ce sont d’abord l’autonomie croissante de la sexualité vis-à-vis de
la conjugalité ». Et elle conclut sur ce point que « les rencontres en ligne
illustrent par excellence cette exigence contemporaine qui fait du gouvernement
de soi le mode principal de régulation de la sexualité ».
L’autre aspect saillant de ce livre réside dans son analyse du modèle économique
suivi par les sites et les applications. La plupart commencent comme des start-
ups mais, dès que leur rentabilité est avérée, ils sont courtisés par des agents
économiques établis, par exemple des groupes multimédias ou des investisseurs
institutionnels cherchant à diversifier leur portefeuille. Aux États-Unis comme
ailleurs – et notamment en France –, cette tendance aboutit à un quasi-monopole
où « ce sont in fine quelques grands acteurs qui détiennent la majorité des
marques ». Exemple bien connu, Meetic était d’abord une petite société française
avant de devenir une entreprise internationale appartenant au groupe Match,
avec une dizaine de sites dans une douzaine de langues.
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