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Revue française de science

politique

La crise du système politique dans la Yougoslavie des années 1980


Monsieur Joseph Krulic

Abstract
The crisis of the Yugoslav political system in the 1980s. Joseph Krulic.
The crisis of the Yugoslav politic system has been general since 1986 : it is both an ideological crisis and a crisis of economic
management, and the disintegration of the federal government. This multi-faceted crisis has led to a crisis of the dual legitimacy
of pre-1980 Titoism, both communist and national. The future seems shaky : between national compromise, military force and «
Lebanonization », the very existence of the Yugoslav political system is endangered.

Résumé
La crise du système politique dans la Yougoslavie des années 1980. Joseph Krulic.
La crise du système politique yougoslave est générale depuis 1986 : crise idéologique, crise de la gestion économique,
désintégration de l'Etat fédéral. Cette crise aux multiples facettes débouche sur une crise de la légitimité mixte qui fut celle du
titisme avant 1980, à la fois communiste et nationale. L'avenir se révèle incertain : entre le compromis national, le coup de force
et la « libanisation », le système politique yougoslave joue en ce moment son existence.

Citer ce document / Cite this document :

Krulic Joseph. La crise du système politique dans la Yougoslavie des années 1980. In: Revue française de science politique,
39ᵉ année, n°3, 1989. pp. 245-258;

doi : https://doi.org/10.3406/rfsp.1989.411460

https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1989_num_39_3_411460

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LA CRISE DU SYST ME POLITIQUE
DANS LA YOUGOSLAVIE DES ANNEES 1980

JOSEPH KRULIC

LA

Varsovie
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UNE CRISE GENERALE

La crise du système politique yougoslave révèle une triple originalité


dans les relations parti(s communiste(s)/société(s yougoslave(s) crise
économique/crise politique système politique yougoslave/système
communiste mondial URSS essentiellement)
En Yougoslavie la relation parti(s communiste(s)/société(s est pas
marquée dans les années 1980 par une confrontation directe entre un
parti et une société mais par une fracture entre plusieurs sociétés civiles
dont les partis communistes nationaux sont certains égards une
composante De ce point de vue année 1988 semble marquer une
véritable déroute du léninisme dans la Ligue des communistes yougos
laves LCY Les déclarations violentes de certains leaders communistes

245
Joseph Krulic

Slovènes Kucan numéro un de la Ligue des communistes Slovènes


démissionnaire Stanovnik en voyage officiel aux Etats-Unis contre
activité de mobilisation populiste du nouveau secrétaire de la Ligue des
communistes serbes Slobodan Milosevitch depuis décembre 1987) le
vote de défiance de tous les députés croates et Slovènes avril 1987
contre le gouvernement fédéral dirigé par Branko Mikulic1 les coups
de force de la Ligue communiste serbe contre les directions de Voivodine
et du Kosovo sont des manifestations un véritable éclatement de la
LCY Ligue qui tend se fondre dans le cadre des luttes entre les
différentes sociétés civiles yougoslaves on ne saurait toutefois
confondre de manière stricte avec les nationalités proprement dites Il
agit là seulement une tendance car plusieurs Ligues de républiques
Macédoine Bosnie-Herzégovine Monténégro ont pas bougé mais
cette tendance est allée croissant au cours de la dernière année En
schématisant extrême on peut distinguer deux sociétés civiles dans la
Yougoslavie actuelle2
En premier lieu une société civile serbe au Sud de religion ou
tradition religieuse orthodoxe avec une forte minorité musulmane
millions sur 15 millions habitants environ) de communisme volon
tiers centraliste malgré beaucoup évolutions depuis vingt ans et éco
nomie semi-développée Elle se compose de la Serbie proprement dite
Uzda Srbija) des provinces autonomes serbes de Voïvodine beaucoup
de minorités nationales dont 450 000 Hongrois 30 000 Slovaques Rou
mains Tchèques etc. mais 60 de Serbes sur 500 000 habitants et
du Kosovo la république de Macédoine la république du Monténégro
et la Bosnie Herzégovine Cette société civile est surtout préoccupée
heure actuelle sur le plan politique par le problème du Kosovo Elle
est cependant dans son ensemble dominée par le peuple serbe millions
habitants sur les 23 millions de Yougoslaves) alliée aux Monténégrins
aux Macédoniens et aux musulmans serbo-croates de Bosnie Les
minorités nationales rodnosti de langues non slaves Hongrois de
Voivodine Albanais du Kosovo essentiellement sont dans une position
contrastée les premiers sur la défensive pour des raisons démographiques
les autres dans une phase affirmation en raison de leur dynamisme
démographique Quant aux Croates vivant en Bosnie-Herzégovine et en
Voivodine ils sont démographiquement minoritaires et politiquement
marginaux sauf pour eux allier politiquement avec les musulmans
de Bosnie le Premier ministre yougoslave Mikulic est un Croate de
Sarajevo Cette société civile été marquée en 1987-1988 par le scandale
Agrokomerc en Bosnie qui entraîné la démission de Hamdija
Pozderac vice-président de la Fédération yougoslave en septembre 1987
et la mobilisation de masse des Serbes par équipe de Milosevitch

comme Branko
Premier Mikulic
ministre quidémissionné
succédé leen janvier
1986 1989
Milka Plannitz une femme croate
Voir le tableau historique et ethnique au début du livre de Duncan Wilson
Yugoslavia Cambridge Cambridge University Press 1979 et la thèse de D.S Stefanovic
Les origines de la crise croate de 1971 Paris Ecole des hautes études en sciences sociales
1979 multigr.

246
La crise du système politique yougoslave

pour défendre la minorité serbe de la province autonome du Kosovo


Ces manifestations monstres près de un million de Serbes Belgrade le
19 novembre 1988 et le discours qui les accompagnées réforme de la
Constitution de 1974 exigée rappel fréquent de violences ou de viols
dont les Serbes ont ou auraient été victimes ont suscité une inquiétude
croissante dans autre société civile yougoslave la société croato-slovène
où les Slovènes occupent depuis 1986 une position en flèche
On peut en effet considérer que dans leurs relations avec ensemble
yougoslave les Croates et les Slovènes forment un sous-ensemble
commun malgré des différences de langue et de tempérament national
non négligeables Le commun passé austro-hongrois et ses divers corrélats
rôle de Eglise catholique dans les deux républiques rôle un parti
chrétien-social et de austro-marxisme en Slovénie rôle du parti paysan
croate en 1941 en Croatie)1 ont cristallisé un substrat commun
Le vote négatif avril 1988 Assemblée fédérale2 qui constitue une
première dans un pays communiste manifeste avec éclat cette commu
nauté appartenance Toutefois et contrairement ce qui est produit
pendant la période 1965-1972 ce sont les Slovènes qui sont les plus
hostiles désormais au centralisme politique et orthodoxie léniniste
Les prises de position publiques des dirigeants Slovènes pendant le procès
Jansa Ljubljana devant une juridiction militaire dirigée par des Serbes
auraient sans doute été impensables il dix ans La Ligue communiste
croate est beaucoup plus partagée et discrète en ce qui la concerne pour
plusieurs raisons essentielles elle été épurée en 1972 de ses dirigeants
libéraux la Croatie compte une importante minorité serbe auprès
de laquelle il ne faut pas raviver le souvenir des massacres oustachis de
1941 en prêtant le flanc accusation de nationalisme croate La
société croate elle-même est vieillissante du fait des départs de jeunes et
adultes vers étranger
La société slovène plus marquée par le voisinage de espace ger
manique cela se signale notamment par les revendications des écologistes
et des objecteurs de conscience ainsi que par le débat omniprésent sur
Europe centrale connaît pour sa part avec la Ligue des commu
nistes Slovènes une dérive de type estonien revendication une auto
nomie encore plus grande rôle accru du marché en économie association
économique Alpen-Adria avec la Croatie et les provinces de Venetië
Bavière etc
On se trouve ainsi en Yougoslavie en présence de deux sociétés
civiles mais chacune elles est marquée par interaction de plusieurs

Sur le particularisme politique croate voir la thèse de Ljubo Boban Maèek


politika hrvatske seijacke stranke 1928-1941 Matchek et le parti paysan croate) Zagreb
Liber 1974 tomes
Le 17 avril 1988 64 membres de la Chambre des républiques et provinces auto
nomes et 125 députés de Assemblée nationale ont voté contre le gouvernement voir
notamment Le Monde 19 avril 1988 et Politika 18 avril 1988
En 1971 les deux dirigeants croates Dabc viè Kuèar une femme et Marko
Tripalo ont été épurés par Tito pour nationalisme et libéralisme ils avaient
laissé exprimer le mouvement intellectuel Matica Hrvatska très autonomiste du point de
vue linguistique et ils avaient revendiqué la décentralisation du système bancaire ainsi
que de armée

247
Joseph Krulic

nationalismes nationalismes défensifs sur le plan culturel et offensif sur


le plan économique des Slovènes et des Croates nationalisme de type
affirmation nationale comparable celui des Balkans avant 1914 ou
du Tiers Monde dans les années 1960 chez les Albanais du Kosovo
enfin nationalisme de crispation du grand peuple sûr de sa légitimité que
sont les Serbes
interaction entre ces trois types de nationalismes est faite pro
gressivement dans la Yougoslavie post-titiste les émeutes albanaises
avril 1981 ont entraîné des départs de Serbes du Kosovo réfugiés qui
ont diffusé la peur en Serbie Le mouvement Milosevitch est une réaction
contre cette peur Il se heurte hostilité des deux peuples de la société
civile croato-slovène elle-même en proie une dérive de type balte
et franchement estonienne pour les Slovènes petits peuples relativement
riches moins de millions de Slovènes millions de Croates) soucieux
affirmer leur identité bousculée par histoire
Un des objectifs proclamés de Milosevitch est la réforme de la
Constitution du 21 février 1974 dans une direction plus centraliste En
effet ladite Constitution la plus longue du monde plus de 390 articles)
été con ue non seulement pour empêcher la prise du pouvoir un
homme après la mort de Tito où par exemple la présidence fédérale
collective de neuf membres représentant chacune des huit républiques
auxquels ajoute le président du parti) mais également la domination
une nationalité sur les autres compris au sein de la république de
Serbie où le Kosovo majorité albanaise et la Voïvodine minorité
hongroise sont autonomes Cette Constitution est rigide elle ne peut
être réformée unanimité des représentants des républiques Contrai
rement autres Constitutions communistes la Constitution yougoslave
été respectée entre 1974 et 1987 notamment cause du fédéralisme
et une Cour fédérale joue modestement mais réellement le rôle un
Conseil constitutionnel La rigidité de cette Constitution produit de
nombreux effets pervers économiques et politiques paralysie de la
direction pour les grandes orientations dislocation de la Yougoslavie en
huit marchés de fait En effet la suite des revendications croates de
1971-1972 la centralisation du réseau bancaire été brisée et ce fait
joint au fédéralisme politique et la méfiance historique entre nationa
lités créé ce cloisonnement des marchés La seule instance qui gère la
politique économique est le gouvernement fédéral où un Premier ministre
peut espérer durer pendant quatre ans
Le problème est difficilement soluble dans la mesure où la Yougos
lavie connaît une crise économique très profonde depuis 19811 chute
du niveau de vie de plus de 30 en six ans inflation annuelle de plus
de 200 en 1987 et en 1988 chômage de plus de 14 de la population
active sans compter un million ouvriers émigrés étranger dette

Sur les origines de la crise outre la publication annuelle un Cahier de OCDE


sur économie yougoslave série Etudes économiques janvier 1987) voir plusieurs
chapitres dans Duncan Wilson Yugoslavia op cit. et Sire Ljubo) Yugoslav economy
under self-management Londres Macmillan 1979

248
La crise du système politique yougoslave

extérieure de 21 milliards de dollars soit environ 40 du PIB avec


charge annuelle de milliards de dollars de remboursement par an Les
origines de cette crise complexes et multiples relèvent en grande partie
du syndrome Gierek endettement extérieur très fort dans les années
1970 pour maintenir une forte croissance contracyclique en 1974-1981
de croissance du PIB en 1974-1981 afin de moderniser un pays
en retard programmes de stabilisation depuis 1982 avec baisse du
pouvoir achat et dévaluation en série pour rétablir équilibre extérieur
et assurer le service de la dette en liaison avec le FMI Mais originalité
incontestable de la crise économique yougoslave réside dans la combi
naison entre un chômage très important et une hyperinflation dans un
pays communiste qui est pas en état de guerre comme Israël par
exemple situation de type sud-américain des années 1970 plus drama
tique en Pologne où le chômage est encore peu développé et inflation
moins accentuée
On est obligé de constater que les plans de rigueur lancés depuis
1982 ils ont permis la Yougoslavie assurer le service de la dette
extérieure moyennant un rééchelonnement annuel chaque mois de mai)
ont pas réussi freiner inflation bien au contraire Elle atteignait
près de 100 en 1984-1985 et 1986 et 200 en 1987 et 1988 Si
inflation est toujours un phénomène complexe les causes propres la
Yougoslavie renvoient au désordre voire anomie politico-économique
du pays où les groupes sociaux et nationaux évitent de régler leurs
problèmes et soldent leurs conflits par la création monétaire Le manque
de consensus est flagrant et le système autogestionnaire dans un tel
contexte est inflationniste dans son essence même décentralisé ne
mettant pas les producteurs en face des conséquences macro-économiques
des augmentations de salaires ils accordent eux-mêmes il oblige
les directeurs élus des entreprises financer les investissements par
emprunt bancaire lui-même source de création monétaire etc Or ce
système bancaire est décentralisé depuis 1972 et aucune autorité moné
taire ou banque centrale acquis de légitimité suffisante pour imposer
une régulation monétaire de moyen terme Bien au contraire toute idé
ologie de la Constitution de 19741 et de la loi sur autogestion de 1976
est hostile aux banques on veut faire contrôler par les producteurs
ce qui renvoie hostilité du marxisme contre la sphère de la circula
tion cf notamment Le Capital seule la production crée de la valeur)
De tous les modèles explication que les économistes ont élaborés
entre 1945 et 1980 la théorie dite sociologique nous semble la plus
adéquate pour expliquer la sur-inflation différentielle de la Yougos
lavie depuis 1962 par rapport la moyenne des pays de OCDE. ou
même de Italie voisine La société yougoslave hésitant entre le Tiers
Monde économie de marché et les reliquats du modèle stalinien agré
menté autogestion est une société vibrionnante où les agents écono
miques ont jamais pu avoir un cadre institutionnel solide qui aurait
stabilisé leurs anticipations La règle du jeu varié plusieurs reprises

Réformée le 28 mars 1989 autonomie du Kosovo réduite)

249
Joseph Krulic

modèle stalinien avec répression des activités privées en


libéralisme manchesterien en 1965-1972 dans un pays politiquement
communiste polycentrisme bureaucratique depuis 1974 avec discours
contre les technocrates La seule valeur sûre dans tous les sens du
terme est le mark monnaie dans laquelle les citoyens yougoslaves
peuvent avoir un compte Quarante-quatre ans après 1945 le mark règne
en Yougoslavie socialiste beaucoup plus en France
La pérennité de la crise devient mesure que le temps passe un
argument utilisé la fois par des centralistes populistes serbes comme
losevitch ancien banquier au demeurant) largement moderniste sur
plan économique et les réformateurs favorables une large décentra
lisation dans tous les domaines comme la direction slovène où une
incertitude encore accrue sur les solutions possibles et sur avenir
Mais incertitude sur issue de la crise est renforcée par absence de
garantie soviétique de la pérennité du système politique yougoslave
La Yougoslavie jamais appartenu au pacte de Varsovie et elle est
dépourvue de toute alliance bilatérale avec URSS depuis son exclusion
par le KLominform le 28 juin 1948 La déclaration de Belgrade juin
1955)2 prononcée par Khrouchtchev et renouvelée par Gorbatchev
Dubrovnik en mars 1988 interdit en principe une intervention soviétique
en déclarant respecter la souveraineté de la Yougoslavie et son système
social Toutefois un doute peut instaurer que se passerait-il si la
Yougoslavie était plus socialiste Les déclarations diplomatiques
elles-mêmes relèvent du droit donc de la superstructure aux yeux un
marxiste-léniniste Mais le simple fait un doute existe renforce in
certitude et rend incertaine une autolimitation de tous les partenaires
cas inverse de la Pologne Or cette incertitude et les erreurs de calcul
elle pousse commettre sont lourdes de conséquences Europe et
la Yougoslavie le savent bien depuis le coup de feu de Sarajevo le
28 juin 1914
attitude des Occidentaux est tout aussi indéterminée On se souvient
que le candidat-président Carter avait en 1976 évité de prendre tout
engagement en cas attaque soviétique contre la Yougoslavie En toute
hypothèse on peut constater que la Yougoslavie pas de frontières
réciproquement reconnues avec la Bulgarie meilleure alliée de URSS
en Europe qui considère la Macédoine comme linguistiquement bulgare
La situation internationale du système politique yougoslave est donc
moins fermement ancrée on ne pourrait le croire
On voit donc que la crise yougoslave originale par bien des aspects
manifeste un éclatement politique social et économique très important
Cela nous oblige nous interroger sur érosion de la légitimité du
régime lui-même

Sur cette période voir Petranovic Branko) Politick ekonomska osnova rodn
Vlasti za eme obnov édification politique et économique du pouvoir populaire
époque de la reconstruction) Belgrade Rad 1971
Sur la déclaration de Belgrade voir les Mémoires de ambassadeur yougoslave
Moscou en 1955 Veljko Mièunovic Moskevské Godine Mes années Moscou) Belgrade
1978

250
EROSION DE LA LEGITIMITE DU REGIME

On peut estimer que le système yougoslave est mixte depuis les années
1941-1945 et cette mixité est renforcée après la rupture avec URSS
1948 et les réformes de 1965 et 1974-1976
Le premier mythe fondateur du régime est communiste La Yougos
lavie reste une idéocratie marxiste-léniniste le PC yougoslave fondé en
1920 est vu désigner un secrétaire général par le Komintern en 1937
Moscou Joseph Bro dit Tito après beaucoup de purges sanglantes
Moscou Ledit chef pris le pouvoir comme dirigeant des Partisans
en entrant victorieusement Belgrade le 20 octobre 1944 après avoir
vaincu notamment les royalistes serbes Tchetniks et les fascistes croates
OustachisY Cette victoire des raisons complexes dont aide militaire
britannique après octobre 1943 est certes pas la moindre mais sa
consolidation supposé un bricolage idéologique associant le mar-
xisme-léninisme-stalinisme en 1945-1949 avec la lutte pour indépen
dance des Slaves du Sud Le système de référence ancien combattant
glorifiant le rôle de la guerre de libération nationale est donc devenu
le second mythe fondateur du régime communiste
Le mythe fondateur communiste été enrichi et adapté au contexte
local Le VIe congrès du parti en 1953 dominé par Djilas rebaptisa le
parti qui devint la Ligue des communistes yougoslaves et proclama que
son but était éducation de la société dans un sens socialiste Ces thèses
ont été largement abandonnées en pratique mais on peut en retrouver
la trace dans de nombreux débats du parti autogestion instaurée dans
les entreprises par les lois de 1950 puis de 1976 et complétée dans la
Constitution de 1974 pour les communautés socio-politiques mais
pas pour armée malgré le système de défense populaire généralisée
instauré en 1968 eu une motivation idéologique et des effets écono
miques discutés
Il agissait de créer un système authentiquement communiste se
différenciant du système soviétique stalinien et post-stalinien de ère de
la stagnation suivant expression actuelle de Gorbatchev économie
de marché instaurée par la grande réforme économique de 1965 été
cependant corrigée par les réformes de 1974 et 1976 la Constitution de
1974 et la loi sur le travail associé de 1976 permettent de multiples
Conseils ateliers entreprises influer sur la politique salariale plus
encore que sur la gestion ce qui est lourd de conséquences sur inflation
De surcroît cette organisation complexe de autogestion permet de
nombreux cadres politiques de garder une influence dans les entre
prises au titre des syndicats de la Ligue de alliance des socialistes
variante actuelle du Front national Mais la paralysie actuelle de
économie yougoslave engendré le scepticisme égard de autogestion
elle-même suprême valeur et suprême pensée théorique du système La
légitimité proprement communiste du système tend donc eroder

Sur histoire de la guerre voir les Mémoires de Milov Djilas La guerre dans
la guerre Paris Laffont 1979

251
Joseph Krulic

Restent la légitimité nationale et la référence ancien combattant


que la Yougoslavie comme Algérie après 1962 utilise surabondam
ment Il ne fait pas de doute elles ont été un puissant facteur
intégration du moins au milieu des années 1970 Il ne faudrait
certes pas exagérer le rôle consensuel de cette référence les régions
montagneuses de Slovénie de Dalmatie du Monténégro et surtout de
Bosnie-Herzégovine ont baigné dans le souvenir des Partisans Tel est
pas le cas de la Serbie profonde Choumadija au Sud de Belgrade
région tchetnik par excellence et dans axe central de la Yougoslavie
utile de la vallée de la Save et du Danube régions attentistes Ni Zagreb
ni Belgrade la Voïvodine ont manifesté enthousiasme pro-commu-
niste pendant la guerre1 Toutefois cette exaltation de la résistance des
Partisans permis au pays de tenir en 1948 face la menace soviétique
Mais quarante ans après dans le contexte des années 1980 alors que
tous les chefs historiques sont morts sauf Djilas opposant au commu
nisme depuis janvier 1954) cette référence ne peut plus jouer le même
rôle autant que le renouvellement des générations et la relecture de
histoire des années 1941-1945 nuancent les perceptions de cette période
Si la double légitimité ainsi définie fonctionne moins bien le you-
goslavisme lui-même est en crise Les événements du Kosovo les
réactions ils ont suscitées et les états âme des Slovènes le montrent
avec éclat Les Albanais du Kosovo sont une nation non slave dans un
Etat dont le nom depuis 1931 signifie pays des Slaves du Sud Le
refus de leur accorder une république part entière alors que les
Monténégrins trois fois moins nombreux ont la leur procède de raisons
historiques Comme on le sait la bataille de Kosovo 28 juin 1389
mis fin empire serbe des Nemanditch face aux Turcs empire qui
constitué le fondement de identité historique du peuple serbe la Serbie
médiévale avait son patriarcat autocéphale Kosovo Cette bataille est
au peuple serbe ce que la destruction du second Temple par Titus est
au peuple juif et la terre de Kosovo été sacralisée par le sang répandu
comme le chantent les poèmes classiques de la littérature serbe Les
Albanais désormais majoritaires au Kosovo au moins 87 des habi
tants) sont aussi gênants terme pour les Serbes que les Palestiniens
pour les Israëliens Deux peuples pour une terre telle est équation
Peuple illégitime sur une terre sacralisée ainsi les Serbes per oivent-ils
les Albanais sauf pour ces derniers se faire discrets Mais le fédéra
lisme de la Constitution de 1974 et idéologie favorable aux droits
nationaux depuis 1943 ont permis aux Albanais obtenir une recon
naissance de leur langue université et le temps de la discrétion
semble révolu Au demeurant le contentieux accumulé est lourd révolte
albanaise en mars 1945 état de siège maintenu par la police politique
de Rankovitch en 1968 émeutes avril 1981 exode serbe et

The Yugoslav
Outre lesexperiment
uvres déjà
Berkeley
citées deUniversity
Djilas ofet California
D.Wilson Press
voir Russinov
1977 et Dennison)
article de
David Dyker Yugoslavia unity out of diversity dans Brown A.) Gray J. ed.
Political culture and political change in communist states Londres Macmillan 1977

252
La crise du système politique yougoslave

violences diverses depuis cette date mouvement Milosevitch qui apparaît


comme une quête identité du peuple serbe
Cette crise peut mettre en danger tout le yougoslavisme En tant
idéologie le yougoslavisme est un produit de intelligentsia croate
du 19e siècle Gaj et évêque catholique Strossmayer qui en furent
les théoriciens ont vécu en Autriche-Hongrie Influencés par le roman
tisme de type linguistique allemand Herder Fichte) ils con urent
idée une union des Slaves du Sud en se fondant sur la communauté
linguistique entre Croates et Serbes Mais en pratique la Yougoslavie
été fondée par la victoire militaire du royaume serbe en 1918 Le PC
yougoslave instigation du Komintern était hostile la Yougoslavie
en 19342 cet égard la déclaration de AVNOJ3 du
29 novembre 1943 peut faire figure de nouveau contrat de fondation de
entité yougoslave Elle pose explicitement une égalité théorique des
nations vivant en Yougoslavie dans le cadre une république fédérale
est en cela que la crise du Kosovo qui révèle le dynamisme un
peuple non slave prenant la lettre égalité proclamée en 1943 car
le statut de république part entière donnerait au Kosovo le droit de
faire sécession est dangereuse Car le fédéralisme yougoslave abord
de type soviétique en 1963 rôle centraliste du parti) est devenu
très réel après la réforme économique de 1965 et la Constitution de
1974 au point être devenu intouchable Cette rigidité du fédéralisme
uvre de Tito vieillissant est autant plus ressentie que autorité
charismatique un arbitre suprême fait défaut depuis la mort du vieux
maréchal le mai 1980
Le système politique yougoslave avant 1950 fonctionnait largement
par la superposition de autorité charismatique de Tito au-dessus de
autorité légale des divers organes fédéraux fédérés et locaux Quant
autorité traditionnelle elle continuerait exister dans les différentes
sociétés yougoslaves mais de manière moins pregnante que dans autres
sociétés cf Eglise catholique Cette société en mutation voyait donc
coexister les trois formes autorité wébérienne
autorité charismatique de Tito ou pour parler plus directement le
culte de la personnalité dont il bénéficié surtout en 1946-1960 et en
1974-1980 contribué masquer ou rendre supportables beaucoup de
contradictions de la politique suivie entre 1945-1980 Entre le modèle
stalinien de 1945-1950 adoption de économie de marché en 1965 et
le système polycentrique bureaucratisé mis en place en 1974-1976 la
continuité rien évident Le culte de Tito lui permis assurer les
arbitrages aux moments cruciaux 1948 1953-1954 1965 1972 1976)
tout en gardant le contact avec une partie des peuples yougoslaves

Voir notamment Fejto Fran ois) Yugoslavism and the birth of Yugoslavia
European Journal of International Affairs 2) automne 1988
Voir Shoup Paul) Communism and the Yugoslav national question New York
Columbia University Press 1968
La déclaration de AVNOJ sigle serbo-croate pour Conseil national antifasciste
de libération nationale proclame une Yougoslavie fédérale démocratique au sens
communisant du mot et traduit la domination communiste sur les Partisans en interdisant
le retour du roi

253
Joseph Krulic

épuration des kominformistes en 1948 emprisonnement de Djilas en


jan vier 1954 le limogeage de Rankovitch en 1965 et le renversement de
la direction de la Ligue des communistes croates en 1971 suivi du
limogeage des libéraux serbe Nekezitch et slovène Kavciè ont heurté
profondément des secteurs de opinion yougoslave communistes
compris Seul le personnage de Tito pu faire unité entre tous ces
moments
Ce culte été accepté et un autre pourrait être car le culte de la
personnalité trouve en Yougoslavie des racines vivaces dans la double
culture baroque austro-hongroise de image pieuse et du culte orthodoxe
de icône Dans les foyers image de Tito succède celle de Fran ois-
Joseph de Matchek Pierre 1er ou Karageorges qui depuis 1809 ont
dominé histoire Cette insertion dans les cultures politiques nationales
permis au culte de Tito de jouer son rôle de communication et arbitre
Après la mort de Tito la Yougoslavie se retrouve avec une direction
collective dont autorité est que légale Son double caractère collégia
lité avec rotation annuelle ou biennale des dirigeants caractère juridique
strict)1 est difficilement supporté par les diverses sociétés yougoslaves
surtout au Sud inspirant formellement du modèle suisse elle est bien
supportée par les deux nations du Nord Slovénie Croatie qui peuvent
extrême rigueur voir un nouvel avatar de leur statut au sein de
Autriche-Hongrie de 1867-1914 Etat de droit et le respect formel du
droit public ont dans ces régions Europe centrale des racines non
négligeables Dans les sociétés du Sud malgré ou cause de la tradition
démocratique vivace en Serbie entre 1878 et 1929 rôle du parti radical
notamment) est le caractère personnel des relations entre homme
politique de le parti qui est prépondérant est la raison pour laquelle
le phénomène Milosevitch prend pour forme principale les grands ras
semblements de foule dont on ne trouve équivalent en 1988 que dans
le Caucase Ce populisme fusionnel oblige nous interroger le système
politique yougoslave peut-il supporter une autorité qui ne serait que
légale
La réponse issue des événements de 1987 et 1988 ne peut guère être
affirmative Le mélange anarchie et de paralysie permis émergence
un autre acteur au rôle discret mais certain dernière ligne de défense
du système armée Les déclarations de amiral Mamula en septembre
1987 alors ministre de la Défense dans une conférence de la Ligue des
communistes serbes ainsi que le procès Jansa ont mis en valeur le rôle
de cette institution amiral Mamula2 précisé que armée estimait
le garant de ordre socialiste autogestionnaire et que les audaces des
contestataires Slovènes des revues Nova Revija Katedra et Mladina
remettaient fondamentalement en cause les bases du système Quant au
procès Jansa il mis en évidence tout le rôle que peut jouer armée
La revue Mladina avait publié un plan de coup de force de armée

Voir D.Wilson Yugoslavia op cit. et Russinov The Yugoslav experi


ment op cit
Voir Politika 24 septembre 1987 et Le Monde 25 septembre 1985

254
La crise du système politique yougoslave

contre les opposants Slovènes Deux rédacteurs de cette revue ainsi que
leur informateur supposé le sergent-chef Jansa ont été arrêtés mis
au secret malgré les protestations de opinion du gouvernement et de
la Ligue des communistes Slovènes lesquels ont essayé éviter tant la
coupure avec opinion de leur république une rupture trop définitive
avec la fédération Le procès lui-même est initialement déroulé en mai
1988 en langue serbo-croate sans traduction des pièces du dossier
avec des juges militaires venus du Sud du pays dans la capitale de la
Slovénie Ljubljana Cet épisode illustre le caractère non fédéral de
armée yougoslave elle échappe la diversité des langues le brassage
inter-républiques des recrues est systématique autogestion pas
cours les cadres sont dans une proportion écrasante des Serbes de
Croatie de Bosnie du Monténégro et le système dit de défense
populaire généralisée est totalement mis hors-circuit dans les crises
politiques qui affectent le système politique lui-même De sorte que si le
système politique yougoslave ne se résout pas accepter une autorité
qui ne serait que légale la Yougoslavie sera peut-être forcée de recon
naître un rôle plus important armée seule structure intégrée de la
société Les perspectives évolution sont donc pour le moins complexes

LES TROIS SC NARIOS ID AL-TYPIQUES VOLUTION

Si nous nous limitons un schéma idéal-typique les scénarios évo


lution possibles nous paraissent relever de trois hypothèses la répétition
communiste du scénario Karadjeordjevitch des années 1929-1934
est-à-dire un coup état appuyé par armée et les Ligues communistes
des quatre républiques du Sud un compromis historique au sens véri
table du terme entre ensemble slovèno-croate le mouvement Milose-
vitch et peut-être mais est peu vraisemblable les Albanais du Kosovo
enfin une libanisation de la Yougoslavie suivant le clivage Nord
Sud compliquée ou non par des ingérences extérieures
la lumière des événements de 1987-1988 au début du mois
octobre 1988 la répétition du premier schéma évolution mentionné
semblait la plus vraisemblable Rappelons après le meurtre en juin
1928 en pleine Assemblée parlementaire de cinq députés du parti paysan
croate dont le leader du parti Radi ch le roi Alexandre cru résoudre
le problème par le coup état du janvier 19291 Il trouvé un appui
auprès des Slovènes du parti populiste chrétien-social) dont le leader
Mgr Korosetch accepté être Premier ministre puis ministre de
Intérieur des gouvernements entre 1928 et 1934 La dictature est
relâchée après 1934 les élections de 1938 ont été libres bien encadrées
par une loi électorale savamment préparée et finalement en août 1939
les leaders serbe Cvetkovic et paysan croate Matchek ont signé un

Voir notamment Jelavitch Barbara) History of the Balkans Cambridge Cam


bridge University Press 1983 tome 143

255
Joseph Krulic

compromis sporazum qui accordait une large autonomie la partie


croate de la Yougoslavie une province élargie ou Banovine été créée)
On imagine aisément une variante communiste de ce scénario la
majorité de la direction fédérale et/ou les quatre républiques du Sud
stimulées par le leadership de Milosevitch pourraient favoriser priori
ou approuver posteriori un coup état militaire dont le but serait de
neutraliser les opposants Slovènes et de recomposer les directions
communistes de Slovénie et Croatie comme Tito avait fait en 1971
972 en Croatie La coupure entre les populations du Nord et du Sud
deviendrait encore plus large pour longtemps De sorte il est probable
une recherche de compromis esquisserait un niveau équilibre
plus bas entre yougoslavisme centraliste serbisant et autonomisme
centre-européen des Croato-Slovènes alors même que le problème du
Kosovo resterait insoluble comme est en Europe le problème irlandais
On peut imaginer un scénario évolution moins heurté Un compro
mis politico-économique ensemble interviendrait entre les Croato-Slo
vènes et Milosevitch une réforme de la Constitution de 1974 esquissée
le 25 novembre 1988 permettrait un élargissement de initiative privée
et du droit association tandis que la direction collective du parti celle
de Etat et/ou le gouvernement se verraient reconnaître une pérennité
plus grande ainsi que des compétences plus larges Des concessions
politiques ou culturelles aux républiques du Nord seraient nécessaires
pour équilibrer un décloisonnement des marchés entre républiques bien
hypothétique et la Yougoslavie pourrait conclure nouveau son acte
unique redevenant ainsi un marché unique Cela suppose également
une réorganisation du système bancaire très cloisonné par république
depuis 1974
On peut interroger sur la crédibilité un tel scénario Il sous-entend
en effet un comportement acteur rationnel inhabituel dans ce pays
Dans quelle mesure le régime pourrait-il rester communiste Le degré
entropie et de délégitimation du caractère proprement communiste un
tel régime tendrait vers la limite extrême que peut se premettre le système
Toutefois absence une véritable classe politique de remplacement
dans ce pays après quarante-cinq ans un régime de parti unique la
nécessité de survivre dans laquelle se trouvent plongés les deux tiers de
la population la tendance spinoziste des systèmes politiques per
sévérer dans leur être en absence de choc extérieur tout ce qui branle
ne tombe pas comme dit Montaigne interdisent de considérer ce
scénario comme totalement improbable Mais la condition sine qua non
de sa réalisation réside dans absence de tel(s choc(s extérieur(s On
peut en effet estimer que des deux principaux défis que le système
yougoslave doit relever crise économique Kosovo) le premier été
largement aggravé par la contrainte extérieure du deuxième choc pétro
lier Le relâchement de cette contrainte et la bienveillance continue des
institutions internationales du type FMI sont des conditions nécessaires
moyen terme et peut-être suffisantes court terme pour la survie de
ce système en tout état de cause fragile et complexe Cela permettrait

256
La crise du système politique yougoslave

éviter le troisième scénario la libanisation de ce pays plus balka-


nisé encore que balkanique
Une explosion du pays suivant le clivage Nord/Sud est envisageable
que si la partie slovène et croate de armée ainsi que les milices Slovènes
de la défense populaire généralisée font scission Cela paraît difficilement
crédible dans la mesure où le nombre réduit officiers issus de ces
nationalités freine cette tendance Mais la défiance méthodologique
égard des scénarios de rupture ne doit pas nous conduire les récuser
complètement Les livres de guerre-fiction font volontiers partir de
Yougoslavie la guerre mondiale Cette littérature notamment le mérite
attirer attention sur une des conditions de cette hypothèse interfé
rence sinon ingérence de extérieur En effet dans ce cas de figure on
voit mal la partie serbe de la fédération ne pas faire appel de manière
plus ou moins directe aide militaire au moins matérielle de orga
nisation du pacte de Varsovie hypothèse une alliance en bonne et
due forme est pas écarter notamment si alliance orientale procède
une réforme plus ou moins réelle URSS se retrouverait pour la
première fois depuis 1948 ou 1960 rupture avec Albanie) avoir un
point appui sur Adriatique La reconquête de la partie austro-
hongroise de la fédération par la partie serbe est pas écarter
totalement Ce scénario libanais peut donc déboucher sur une forme
accentuée du scénario soit encore sur un partage du pays Toutefois
tant que les Slovènes et les Croates demeureront ainsi dominés dans
appareil militaire et policier1 la vraisemblance de la libanisation
restera toutes choses égales par ailleurs et eu égard la situation
internationale de 1986-1988 faible Entre anarchie anomie le sotto
governo avec lotisation du pouvoir dans les républiques et provinces le
système politique yougoslave continuera vraisemblablement dériver vers
un avenir incertain Quant au quatrième scénario la démocratie
pluraliste est justement la complexité ethnique qui en retarde
avènement en Yougoslavie en 1919-1939 les partis correspondaient
des nations-ethnies populiste slovène paysan croate parti musulman
parti allemand parti radical des Serbes de Serbie démocrate des Serbes
de Voivodine et de Bosnie Seuls les communistes étaient présents
partout surtout Belgrade dans le Monténégro et quelques villes croates
de la côte Depuis lors le léninisme dudit parti avait tenté de se
surimposer aux cultures politiques nationales or lui-même est vu
partiellement eroder par ces cultures nationales Où érosion arrêtera-
t-elle

Voir article de Dyker Yugoslavia unity out of diversity cité sur origine
ethnique des services de sécurité Serbes 61 dont 42 sont des Serbes de Croatie et
de Bosnie Croates 16 Slovènes Monténégrins musulmans autres
4

257
Joseph Krulic

La crise du système politique yougoslave est donc la fois conforme


la logique générale de la crise du système communiste mondial pa
ralysie économique retard technologique révolte des sociétés civiles
contre le socialisme réellement existant et marquée par une originalité
certaine La brutale coupure entre les sociétés civiles du Nord et du Sud
compris entre les partis communistes locaux hyperinflation et la
paupérisation de la société depuis 1981 le conflit du Kosovo tout cela
est un condensé des problèmes vécus dans les pays communistes dont
ampleur en Yougoslavie est inédite
Les évolutions possibles depuis le néo-bonapartisme communiste
de nouvelles formes de compromis mettent rude épreuve un
système dont élite politique est recrutée de manière étroite suivant un
mécanisme de quotas nationaux de rotation sous forme de chaises
musicales et de lente cooptation léniniste Cependant année 1988
vu conférences du parti en mai et octobre séance mémorable du
Parlement en avril un certain renouvellement dont Milosevitch adulé
ou détesté est que archétype Le temps de la stagnation politique
qui débuté vers 1974 du vivant même de Tito se termine pour le
meilleur ou pour le pire car la loi de Tocqueville qui veut un
régime en se réformant expose la mort est plus que jamais actualité
dans le monde communiste

SUM DE ARTICLE/ABSTRACT

LA
1980 CRISE DU SYST ME POLITIQUE DANS LA YOUGOSLAVIE DES ANN ES

JOSEPH KRULIC
La crise du système politique yougoslave est générale depuis 1986 crise idéologique crise
de la gestion économique désintégration de Etat fédéral Cette crise aux multiples facettes
débouche sur une crise de la légitimité mixte qui fut celle du titisme avant 1980 la fois
communiste et nationale avenir se révèle incertain entre le compromis national le coup
de force et la libanisation le système politique yougoslave joue en ce moment son
existence

THE CRISIS OF THE YUGOSLAV POLITICAL SYSTEM IN THE 1980s


JOSEPH KRULIC
The crisis of the Yugoslav politic system has been general since 1986 it is both an ideological
crisis and crisis of economic management and the disintegration of the federal government
This multi-faceted crisis has led to crisis of the dual legitimacy of pre-1980 Titoism both
communist and national The future seems shaky between national compromise military
force and Lebanonization the very existence of the Yugoslav political system is endan
gered

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