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Published in “Pensée plurielle” 2015/2 (n° 39), pp.

39-50, ISBN 9782807300989

Risques
Testo et sécurité : la banque de données
Inform@zione et la promotion de la santé
dans les lieux de travail
PINA LALLI ET CLAUDIA CAPELLI

Résumé  : Cet article présente les premiers résultats d’une recherche sur
la sécurité et la santé sur les lieux de travail. Dans une perspective socio-
culturelle, cette recherche analyse les processus de communication mis en
œuvre dans les actions de prévention, au sein du contexte spécifique de la
santé publique. L’analyse se centre sur un cas d’étude : le projet Inform@zione,
initiative nationale réalisée par trois organismes publics italiens, pour consti-
tuer des archives numériques utilisables dans la formation et la promotion
de la sécurité au travail.

Mots clés : santé, sécurité au travail, communication sociale, santé publique, Italie

1. Introduction

Nous présentons les premiers résultats d’une recherche en cours, sur la


sécurité et la santé sur les lieux de travail 1. Dans une perspective socio-culturelle
(Gherardi, Nicolini et Odella, 1997a), nous nous centrons sur les actions de
communication et de prévention à l’œuvre au sein du contexte spécifique de la
santé publique.
Nous faisons l’hypothèse que le concept de « risque » est un objet socia-
lement défini au sein du débat public, politique et médiatique – y compris en
matière d’environnement professionnel. Le risque peut alors être conçu et
analysé en tant que «  problème social  », au-delà de ses seules propriétés
1
Cette recherche est le résultat d’une collaboration entre le laboratoire de sciences politiques et
sociales de l’Université de Bologne et le département de santé publique de Modène, organisme
public local appartenant à l’administration régionale de la santé (Émilie-Romagne), en lien avec le
système national de santé.

DOI: 10.3917/pp.039.0039 39
naturelles (Blumer, 1971  ; Spector et Kitsuse, 1977  ; Gusfield, 1981). Il est
essentiel de comprendre les circonstances et les processus spécifiques par
lesquels un thème, ici la sécurité au travail, acquiert une définition spécifique et
une priorité plus ou moins étendue dans l’espace public. Notre hypothèse fait
des problèmes sociaux le produit de définitions collectives élaborées à l’inté-
rieur d’arènes symboliques (Hilgartner et Bosk, 1988). Au sein de ces arènes,
divers acteurs participent aux négociations, sur la base des intérêts qu’ils
représentent, visant à influencer le processus de décision, de définition et de
hiérarchisation des priorités sociales les plus importantes.
Nous présentons d’abord le cadre théorique, social et historique de notre
recherche ; puis nous illustrons notre propos avec le cas d’étude qui a fourni
nos données et nos résultats : le projet Inform@zione, initiative nationale pro-
mue par trois organismes publics italiens visant à l’élaboration d’archives
numériques pour la formation et l’information sur la sécurité au travail.

2. Évolutions du marché du travail


et conditions de sécurité au travail

Les évolutions du marché du travail depuis vingt ans ont profondément


affecté sa structure  : elles ont enclenché un mouvement de restructuration
des rapports entre économie et société, remettant en cause les mécanismes
modernes de protection sociale acquis en Europe avec « l’État-providence ».
Il en résulte d’une part des phénomènes d’affaiblissement et de fragilisation
sociaux, d’autre part une révolution radicale du vécu professionnel dans tous
les secteurs.
De nouveaux « périls » menacent le lieu de travail et la définition du risque.
En raison de l’augmentation progressive et constante du recours à l’emploi
dit «  flexible  » dans tous les pays européens, la «  liaison dangereuse  » se
trouve renforcée entre flexibilité de l’emploi et nouvelles conditions d’insécurité
au travail (Fullin, 2002 ; Eurispes, 2003 ; Moffa, 2012). Les changements dans
l’organisation du travail, surtout après la crise des économies européennes,
constituent l’un des facteurs influant sur la relation entre précarité et insécurité
au travail. Elle découle en particulier de la tendance, typique de la première
modernité industrielle, à une moindre linéarité des carrières qui deviennent
moins homogènes. Ces carrières tenaient la perspective d’une progression
professionnelle pour acquise, permettant à un travailleur de développer les
compétences nécessaires pour se protéger, pour accroître ses connaissances
sur ses responsabilités et pour partager collectivement les connaissances
liées aux « risques du métier » 2.
Ce processus au niveau « macro » se combine avec des problèmes spéci-
fiques (comme la fréquence d’irrégularités dans les conditions de travail), qui
impliquent souvent des groupes sociaux marginalisés (les migrants). La hiérar-
chisation des aspects les plus significatifs ou prioritaires, dans la définition des

2
Par exemple, la recherche sur la gestion et la construction du problème de l’amiante sur les lieux
de travail (Henry, 2007) et celle sur les processus de partage des savoirs dans les lieux de travail
où les travailleurs immigrés sont nombreux (Perrotta, 2011).

40
conditions de sécurité au travail, constitue l’une des urgences sociales liées
aux mutations de la structure du marché du travail.

3. Bref tour d’horizon de la réglementation en Italie

En Italie, le thème de la sécurité au travail est caractérisé par une histoire


politique et une chronologie complexe des réglementations, car elles sont le
fruit de tournants et de changements entre la seconde moitié du XIXe siècle et
aujourd’hui. Un rappel des principales étapes de cette histoire permet de com-
prendre pleinement la pertinence de notre cas d’étude. D’abord, il est impor-
tant de le contextualiser et de l’inscrire dans le processus de développement
des réglementations en la matière. Ensuite, nous soulignons les moments où
le thème de la sécurité au travail a émergé en tant que « problème social »
significatif au sein du débat public et politique en Italie.
La réglementation actuelle en matière de sécurité hérite de la période
initiée en 1947 par l’adoption de la Constitution italienne (notamment les
articles 32 et 41) qui garantit le droit à la santé individuelle et collective. De
plus, la Constitution établit que la sécurité constitue une limite à l’exercice de
l’activité économique et commerciale. Le deuxième tournant, fondamental
pour le droit du travail italien, remonte à 1970 avec l’introduction du Statut des
travailleurs, qui définit la sécurité comme « intérêt collectif ». Cette loi impor-
tante est l’aboutissement de deux ans de conflits sociaux au terme desquels
le thème du travail s’affirme dans l’espace public et politique, grâce à la forte
mobilisation des travailleurs et des syndicats. Par la suite, le débat public en
Italie se focalise de nouveau sur le problème de la sécurité dans l’environne-
ment professionnel, notamment après quelques accidents dramatiques au
cours des années 1970. La première réforme de la Santé est promulguée en
1978. Elle mentionne la sécurité sur le lieu de travail de façon explicite, comme
un domaine d’action prioritaire pour le Service national de santé, créé la même
année. Cette réforme identifie les organismes locaux pour la santé (Unità Sani-
tarie Locali – USL – aujourd’hui Aziende Sanitarie Locali – ASL) comme les
principales structures administratives en charge de la santé et de la sécurité
au travail. De plus, elle mandate le gouvernement pour qu’il approuve dès que
possible une loi qui réglemente les différents environnements de travail, ainsi
que la santé et la sécurité dans les lieux de travail.
Il a fallu attendre 1994 pour que ce mandat soit mis en œuvre, lorsque le
gouvernement italien s’est trouvé contraint, du fait d’une directive de la CEE
de 1989, à promulguer un décret de loi relative à la sécurité au travail, inédit
dans la péninsule. Il ne s’agit pas de la Loi-Cadre prévue par la réforme de
1978, mais ce décret représente une étape importante qui attire à nouveau
l’attention des institutions et des organisations sur la promotion de la sécu-
rité et des actions de prévention (Gherardi et al., 1997b). L’objectif défini dans
les années 1970 est finalement atteint en 2008 avec le Texte de Loi Unique
(Testo Unico, en italien) dont l’approbation a été accélérée par l’importante
couverture médiatique et l’émotion suscitées par l’accident tragique survenu
à l’usine Thyssen de Turin, avec la mort de sept ouvriers. Ce dernier décret,
adopté en 2008 et toujours en vigueur, contient des innovations significatives :

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la définition d’une culture de la sécurité comme objet socialement reconnu et
sur lequel investir des ressources, la centralisation des actions d’information et
formation des travailleurs sur les risques et la sécurité, ou le principe du droit
pour tous à travailler dans de bonnes conditions « de santé et de sécurité »,
avec la coopération de tous les acteurs présents sur le lieu de travail.
Ce bref survol historique suffit pour montrer que, en plus de l’intérêt poli-
tique et de l’attention médiatique sur cette question, l’Italie a connu une amé-
lioration, lente mais progressive, de la réglementation en matière de sécurité
au travail au cours des trente dernières années. L’approbation du Texte de Loi
Unique a marqué, en particulier, le passage définitif à l’institutionnalisation
sociale (Boltanski, 2008) du problème de la sécurité au travail.

4. La sécurité au travail
comme problème social à part entière

En dépit de ces résultats institutionnalisés, le recours à une réglementation


formelle est insuffisant pour apporter des solutions efficaces au problème de la
sécurité de l’environnement professionnel. En effet, l’approche technique envi-
sage la conformité aux normes de sécurité au travail comme le simple résul-
tat de l’application formelle de procédures réglementaires qui prescrivent des
comportements individuels et collectifs considérés comme « sûrs ». Mais cette
perspective s’avère limitée, car elle objective le concept de sécurité en le rédui-
sant à une codification en normes des artefacts, des technologies et des com-
portements qui sont, dans les situations pratiques, beaucoup plus complexes
(Gherardi et al., 1997b). C’est pourquoi il nous paraît indispensable d’envisa-
ger la sécurité dans sa dimension sociale plus large, en considérant sa capa-
cité à passer l’épreuve de son introduction dans les pratiques quotidiennes
et les routines qui sont partie intégrante de la vie professionnelle, à partir des
justifications pragmatiques qui en font un problème social légitime et saillant
(Boltanski, 2008).
Une approche sociale de la sécurité au travail considère que, même si les
interventions réglementaires visant à la surveillance et au durcissement des
sanctions sont indispensables, leur efficacité s’évalue dans une perspective
situationnelle, engageant les acteurs et leur pratique professionnelle, d’autant
plus qu’ils se situent dans des situations hétérogènes et en mutation. À notre
sens, le contrôle et les sanctions gagneraient en efficacité si, pour les différents
acteurs impliqués, elles s’avéraient en accord avec le processus de justifica-
tion et de légitimation qui les accompagne au niveau pragmatique des actions
de groupe en situation. En d’autres termes, la hiérarchisation thématique des
priorités de sécurité, ainsi que le paradigme des risques liés au comportement
ou à l’environnement, doivent être conçus tant au sein de savoirs experts qu’au
sein de savoirs pragmatiques découlant de l’expérience professionnelle : l’en-
chevêtrement de ces deux types de savoirs est essentiel.
Si on regarde le cadre institutionnel général, les statistiques nationales ita-
liennes sur les accidents de travail relèvent, par exemple, une petite tendance

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à la baisse pour les hommes, en partie liée à la crise économique 3, mais une
augmentation pour les femmes (INAIL, 2012, 2013). Malgré une attention plus
large et des connaissances accrues, les pouvoirs publics ne sont pas encore
parvenus à trouver des solutions pleinement satisfaisantes, surtout pour
les accidents les plus sérieux. Il est donc utile d’observer comment on attire
l’attention du monde du travail, y compris par la communication, pour que le
thème des garanties de sécurité s’affirme durablement et s’impose comme une
nécessité sociale. À partir de notre hypothèse de départ, cela implique qu’une
définition socialement partagée devienne partie intégrante, voire une compo-
sante quasiment « naturelle » (Schutz, 1979) d’une culture diffuse, prenant ses
racines dans des grammaires et régimes d’action (Boltanski, 1990 ; Lemieux,
2009) au sein des différentes communautés de pratiques (Wenger, 1998)  :
celles qui sont chargées de les mettre en acte en trouvant la « bonne façon »
de relier les savoirs profanes (l’expérience et les arts de métier) et les savoirs
experts 4, voire de trouver des nouveaux espaces critiques de traduction des
uns et des autres.
Le thème de la sécurité au travail tend à s’imposer au sein de l’espace
public comme problème social prioritaire, c’est-à-dire comme projection d’un
savoir collectif capable de se positionner dans l’environnement de référence
(Hilgartner et Book, 1988), prenant surtout en compte, pour l’instant, une base
technique de réglementation, justifiée par l’expertise procédurale. Ce position-
nement est assez puissant pour avoir de l’assise et de la pertinence au cœur
des différentes arènes collectives et situationnelles où il est engagé, y compris,
bien sûr, celles qui influencent les recommandations des décideurs politiques.
L’un des enjeux est de voir comment ce dispositif, institutionnalisé par un savoir
expert, entraîne un processus de confrontation, voire de traduction, dans les
arènes habitées par les communautés de pratiques des travailleurs et des
employeurs.
Le rôle des aspects communicatifs se révèle crucial, surtout si nous élargis-
sons leur acception au-delà des canaux et instruments traditionnels de simple
« publicité » des informations, en considérant aussi leur fonction de distribution
de la connaissance sociale (Schutz, 1979) qui utilise la communication pour
mieux partager l’accès aux savoirs. Ils ont aussi des effets implicites de « gar-
dien de l’accès  » (gatekeeper) des actions menées par les communicants,
envisagés comme des « entrepreneurs de morale » (Lalli, 2011 ; Becker, 1963
cité in Lalli, 2012). La recherche dans le domaine du marketing social et de la
communication sociale peut inspirer des interventions visant la simple applica-
tion de dispositifs de persuasion individuelle (Kotler et al., 2002 ; Curzel, 2006),
ou l’implication et la négociation des différents savoirs qui opèrent au sein des
« communautés de pratiques » professionnelles (Lave et Wenger, 1991). Dans
cette dernière dimension, il est possible de faciliter la co-construction d’une
culture de la sécurité se fondant sur des règles d’action partagées par tous
3
La crise a surtout touché le secteur du bâtiment, qui enregistre le plus d’accidents pour les
hommes au travail.
4
Par exemple, les paramètres de contrôle ou les protocoles. Voir les statistiques sur les risques
au travail (Gollac, 1997 ; Delplanque, 2005). Mary Douglas (1996) montre la portée culturelle de la
définition du risque au sein d’un contexte social déterminé. Elle rappelle à quel point la définition
même du risque inclut la mention des réponses pouvant être apportées, y compris leurs limites
socialement admises.

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les acteurs en situation. La communication peut conforter l’institutionnalisa-
tion de la « légalité » des normes réglementaires, mais aussi faire place à des
espaces critiques d’interprétation et à des activités capables d’inclure l’écoute
et la réflexion active des acteurs concernés dans l’information et la formation.
Ces actions peuvent viser la facilitation d’une atmosphère participative sur
les lieux de travail à même de favoriser, chez les employeurs, les travailleurs et
les organismes de contrôle, la coopération, voire la reconnaissance réciproque
de critères de référence concernant les comportements professionnels (impli-
quant une articulation spécifique des différents savoirs, locaux et experts).
Cette atmosphère participative peut également enclencher des mécanismes
de changement critique au niveau des comportements collectifs, des connais-
sances et des valeurs. Il faut considérer comment la question trouve sa place
dans l’espace public, au-delà de l’environnement professionnel, en la posant
comme une dimension constitutive des droits de la citoyenneté sociale. Sa
définition sociale demanderait une négociation plus large de sa légitimité, dont
les violations feraient alors l’objet d’une stigmatisation sociale allant au-delà du
domaine strictement juridique (Goffman, 1983 ; Yang et al., 2007).

5. La banque de données Inform@zione

Dans le cadre ambitieux de cette perspective critique, insuffisamment


reconnue, nous présentons un cas d’étude dans lequel nous avons été enga-
gées d’une façon hybride. Une approche de recherche-action a entraîné une
collaboration avec des institutions dépositaires du savoir expert en matière de
contrôle et de promotion de la sécurité sur les lieux de travail. Cette coopération
a toutefois concerné un projet d’ouverture communicationnelle de ces savoirs,
qui pourrait déclencher des processus de partage dont l’espace critique est à
découvrir.
Le cas se focalise sur le projet italien Inform@zione, qui nous offre à la fois
un panorama socio-historique de la « construction » du problème « sécurité
au travail » : très technique tout au début des initiatives découlant des nou-
velles réglementations, puis ouvrant une piste pour détecter ce qui émerge
aujourd’hui, permettant un partage plus équitable de la connaissance sociale.
Ce projet concerne la circulation de la connaissance technique, mais forcé-
ment aussi pratique, chez les travailleurs et chez les professionnels de la sur-
veillance et du contrôle de la sécurité sur les lieux de travail. L’initiative a été
lancée en 2002, avec la collaboration de trois organismes publics : l’INAIL (Ins-
titut national contre les accidents du travail), la Région Émilie-Romagne et le
Service de santé publique (Ausl) de Modène. Elle joue un rôle central dans les
activités de suivi, de régulation et de surveillance de la sécurité au travail.
L’objectif initial d’Inform@zione est la création et la mise en place d’une
banque de données en ligne en libre accès, dans laquelle sont catalogués les
matériaux, produits en Italie, par des structures publiques et privées d’infor-
mation et de formation sur la santé, la sécurité et la prévention au travail. La
mise à jour de la banque de données est associée à un concours biannuel
qui s’adresse aux entreprises, aux organismes publics et aux organisations
ayant publié des ressources ad hoc au cours des deux années précédentes.

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À la suite de la publication d’un appel à projets national, les matériaux pro-
posés sont évalués par un jury chargé de prendre en considération la qualité
technique des ressources soumises, le caractère adapté des langages, selon
les destinataires visés, la capacité effective et la force rhétorique des objets
communicationnels envisagés. À l’issue du concours, toutes les ressources
envoyées sont stockées dans la bibliothèque de l’Agence de santé publique de
Modène et cataloguées dans la banque de données qui contient aujourd’hui
environ 1 550 ressources soumises par 400 producteurs différents (en ligne :
www.progetto-informazione.it). Après six éditions, de véritables archives de la
production italienne dans le secteur se sont constituées et continuent d’être
alimentées au fur et à mesure de l’avancée du projet.
La recherche bisannuelle en cours, liée au projet Inform@zione, est le fruit
d’une collaboration entre notre équipe de recherche universitaire et l’organisme
local de santé ; elle a pris une approche engagée qui relève de la recherche-
action. Nous avons accompagné les promoteurs du projet dans un processus
de renouvellement des outils de communication, de mise à jour des objectifs et
d’élargissement du public cible, à partir du cadre théorique rappelé ci-dessus.
La première année, nous avons recueilli les données relatives au contenu
des archives, en cherchant à contribuer à la création et à la promotion de l’ins-
trument en ligne lui-même et en nous focalisant sur le type de moyens de com-
munication utilisés. Nous avons été directement impliquées dans l’édition 2012
du concours. La période d’observation participante a permis d’obtenir beau-
coup d’informations sur les organismes promoteurs.
Sur la composition de la banque de données, nous avons recueilli un
ensemble de données à partir des fiches contenues dans les archives pour
toutes les éditions du concours (2002-2012) ; elles ont permis de disposer de
statistiques descriptives qui ont été traitées par le logiciel SPSS. Nous avons
considéré des éléments tels que le public cible des matériaux, le thème, le pro-
ducteur, le secteur de production concerné, le domaine de risque, ou encore
le type de matériel. Si la catégorie « travailleurs » est envisagée comme le
destinataire le plus fréquemment visé, parmi eux, et surtout dans les premières
éditions du concours, la majorité des cibles effectives concerne moins un tra-
vailleur quelconque que des professionnels experts en matière de sécurité
(représentants des travailleurs, cadres, chargés de mission et formateurs).
Cela correspond à la structure formalisée des matériaux, en majorité à voca-
tion technique et destinés à l’explication des réglementations, donc conçus à
l’attention des personnes en charge de la formation à la sécurité des travail-
leurs. Il est clair que la première application des règles concernant la sécurité
a moins visé la communication directe que l’information experte sur les obliga-
tions à mettre à l’épreuve.
Au fur et à mesure que l’information technique était partagée par les cadres,
les producteurs se sont interrogés sur ce qu’il fallait produire pour la traduire en
action courante et l’intégrer dans les savoirs concrets des communautés de
pratiques en situation. Les dernières éditions du concours montrent plus de
ressources communicationnelles, visant par exemple par des courtes vidéos
le langage des travailleurs immigrés, ou des indications pratiques issues de la
consultation des équipes de travail.

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Il est intéressant de voir que la participation des producteurs est répartie de
façon équilibrée entre des organismes publics (surtout les administrations de
la santé publique) et les entreprises privées, qui représentent respectivement
37 % et 34 % du total, suivis par les écoles, les universités, les organismes de
formation, les associations professionnelles et les syndicats.
Les supports et les types de ressources sont extrêmement variés. Les
cours de formation conventionnelle et en ligne pour les travailleurs et les res-
ponsables de la sécurité sont les plus nombreux dans les archives, vu qu’ils
répondent strictement aux prescriptions émises par le Texte de Loi Unique,
qui attribue une importance stratégique aux actions de formation dont il déter-
mine les modalités de mise en œuvre. De même, la banque de données stocke
et organise un grand nombre de ressources sur l’information et les règles à
observer sur les lieux de travail, souvent publiées sous des formes tradition-
nelles comme des brochures ou des dépliants distribués lors des formations.
Là aussi, ces dernières années, le développement des technologies informa-
tiques et une nouvelle prise de conscience de l’exigence d’approcher le com-
portement pratique par d’autres moyens ont eu un impact significatif dans ce
domaine. Les supports de publication des ressources se sont progressivement
diversifiés, incluant de nouveaux artefacts tels que les sites web et diaporamas
multimédia, en incluant surtout des instruments plus proches de la dimension
de la pratique, comme les jeux vidéo qui dérivent des expériences vécues par
les travailleurs dans des situations différentes.
Notre prochaine étape de recherche consistera dans une analyse théma-
tique et qualitative des contenus présents dans les matériaux. Pour l’instant,
nous réalisons des entretiens avec certains des producteurs et avec les res-
ponsables du projet Inform@zione. L’analyse est en cours, mais nous pouvons
dégager des premières hypothèses et proposer des pistes de travail pour
l’approfondissement, axées sur la catégorisation thématique des différents
aspects de la définition de la sécurité au travail.
Dix ans après le premier concours, la banque de données Inform@zione
contient de nombreux éléments utiles à l’étude des réponses institutionnelles
apportées aux urgences et processus sociaux liés à la sécurité au travail  :
la présence croissante de travailleurs migrants en Italie, l’augmentation des
accidents dans des secteurs productifs spécifiques et, plus globalement, les
mutations du marché du travail évoquées plus haut. Un grand nombre de maté-
riaux ont été spécialement conçus pour le secteur du bâtiment qui constitue
toujours, à l’heure actuelle, l’un des environnements professionnels les plus à
risque (Inail, 2012, 2013). Cependant, les ressources de formation et d’informa-
tion visant les travailleurs migrants – qui représentent une forte proportion de
la main-d’œuvre dans le secteur – sont encore peu nombreuses et se limitent
souvent à une traduction multilingue de la réglementation, même si quelques
expérimentations plus appropriées indiquent que des nouveaux processus
s’amorcent, encore minoritaires. Il s’agira d’aller plus loin dans l’analyse et de
traiter les données relatives aux nombreux matériaux qui sont utilisés en for-
mation, pour vérifier si, et de quelle façon ou par quels acteurs, l’information
contraignante sur les règlements s’accompagne de mesures stimulant l’écoute
et les apprentissages collectifs liés aux pratiques professionnelles.

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Nous entendons utiliser la banque de données comme instrument utile
tant à l’analyse, à la fois des étapes qui, pendant dix ans, ont caractérisé les
programmes d’application des règles sur la sécurité au travail et des tournants
éventuels dans le cadre de signification des risques professionnels, confrontés
à leur traduction communicative pratique. Depuis dix ans, les pistes suivies se
sont centrées sur les principaux cadres de définition œuvrant à la compréhen-
sion du risque professionnel en tant que concept général. Notre objectif à long
terme est plus ambitieux. Nous entendons utiliser cette banque de données
de formation et communication pour identifier des indices de représentations
des risques et des acteurs concernés, signalant la mise sur l’agenda de telle
ou telle stratégie de promotion de la sécurité et de la santé, ainsi que les ques-
tions soulevées par les difficultés de mise en acte, voire de traduction pratique.
Dans certains cas, le fait de s’interroger sur le langage des travailleurs migrants
révèle, dans l’analyse des définitions proposées, une attention différente aux
exigences contextuelles de négociation et de traduction critique, surtout si l’on
commence à rattacher la question « sécurité » aux autres dimensions éco-
nomiques et sociales de leur type d’intégration dans leur milieu de vie et de
travail.
Compte tenu du nombre élevé de ressources émanant d’organismes
publics directement impliqués dans la surveillance et les activités de forma-
tion visant la sécurité et la prévention, nous entendons cerner dans ces res-
sources le type d’approche retenu par ces institutions pour aborder la question
de la sécurité. Une première analyse des données a souligné la prévalence des
approches technocratiques et bureaucratiques, au détriment de perspectives
plus larges englobant les dimensions situationnelles, sociales et culturelles
du travail. Pourtant, même dans cette dimension technico-bureaucratique, les
expériences de formation et d’information ont eu une influence sur le cadre
de définition des risques professionnels : d’un côté, la priorité est allée à la
saillance de certaines obligations formalisées, de l’autre un discours diffus a
émergé sur le risque : le processus d’intermédiation pratique peut avoir des
conséquences sur la réflexion critique de groupes spécifiques de travailleurs
(comme dans le cas le plus évident des migrants).
La première étape a consisté à mettre en place le site web dédié au
concours Inform@zione, malgré de nombreux obstacles administratifs à sur-
monter. Dans la nouvelle version du site (octobre  2013), les améliorations
apportées à l’outil de communication ont permis d’articuler nos propositions et
le cadre rigide lié aux démarches organisationnelles typiques de l’administra-
tion publique. Faisant face aux réticences d’ordre bureaucratique, la direction
du service de santé publique de Modène a fait preuve d’une grande détermi-
nation et a entamé un processus de renouvellement du projet Inform@zione,
en reconnaissant au premier chef l’exigence de la culture du partage et de
l’échange. Le nouveau site, transféré sur un autre domaine (www.progetto-
informazione.it), s’avère plus ergonomique et affiche son identité avec plus
de clarté. En outre, le dispositif technologique est configuré pour implémenter
des outils web 2.0 – à même de stimuler une participation active des visiteurs.
Cette mise à jour a déjà porté ses fruits sur la qualité d’accès au site : sur le
plan quantitatif, le nombre de visiteurs uniques par mois a diminué ; au niveau
qualitatif, le temps de consultation des pages du site a augmenté pour chaque

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utilisateur, ainsi que le nombre de pages ouvertes. Une nette diminution du
taux de rebond 5 a également été constatée, ce qui explique les données
précédentes, montrant davantage l’intérêt de visiteurs qui ne sont pas là par
hasard. Depuis l’édition 2014 du concours, l’appel d’offres demande aux pro-
ducteurs de ressources de télécharger une version numérique du matériel pré-
senté téléchargeable gratuitement par les utilisateurs. Les prochaines étapes
prévoient la mise à jour et la révision des fiches catalogue correspondant aux
ressources, car elles tendent à présenter les produits selon une conception
encore influencée par la codification réglementaire et peu encline à prendre en
compte la facilité d’utilisation des ressources. La mise en place d’un système
d’évaluation des ressources par les utilisateurs de la banque de données est
prévue, ainsi qu’une fonctionnalité permettant les commentaires.
L’objectif est de relancer le rôle de la banque de données comme instru-
ment de partage et de confrontation collective : de véritables archives numé-
riques en libre accès des produits d’information et de formation sur la sécurité
au travail. Toutes nos actions visent à faire du site Inform@zione un point de
repère incontournable, favorisant le partage des expériences, des savoirs et
des informations. La banque de données constitue d’ores et déjà un support
s’adressant surtout aux inspecteurs, aux responsables de la sécurité au tra-
vail et à d’autres catégories professionnelles impliquées dans ce domaine.
C’est la raison pour laquelle l’outil mis en place se focalise plus particulière-
ment sur les dimensions institutionnelles et organisationnelles. Cependant, le
fait que la banque de données soit en accès libre permet de l’ouvrir à d’autres
publics, tels que les travailleurs et les employeurs (Davenport et al., 1998).
Inform@zione représente un agrégateur de connaissances techniques et facilite
la circulation des ressources de formation et d’information qui, sans cela, res-
teraient confinées aux espaces de production de l’information (McLure Wasko
et Faraj, 2005). Nous avons signalé plus haut que les matériaux stockés dans
les archives ont une gamme assez large de formats et supports, qui montrent
leur capacité à répondre aux intérêts de publics divers ; les producteurs éma-
nent aussi bien du public que du privé, avec une implication importante de
travailleurs relevant du domaine éducatif. Le partage des connaissances entre
ces différents acteurs collectifs a déjà contribué, entre autres, à l’élaboration de
nouveaux modèles d’action dans le domaine de la sécurité et de la prévention,
en s’appuyant sur des projets et des expériences dont l’efficacité a été validée
et qui ont déjà été évalués.
Ces caractéristiques font de la banque de données le point de départ idéal
pour la constitution d’un réseau d’échange des pratiques professionnelles : par
le biais de l’appel d’offres et du catalogue en accès libre, Inform@zione peut
devenir un dispositif de sollicitation active du partage critique des connais-
sances, surtout en améliorant, tant au niveau technique que social, l’interac-
tion entre les participants (Huysman et Wulf 2005 ; Wenger et al., 2009). Cette
dimension participative est le focus de la seconde étape de la recherche : l’ana-
lyse thématique des produits, leur évolution dans le temps, le type d’acteurs qui
les ont proposés, les dizaines de propositions créatives, les traits divers de la
définition du problème pourraient montrer aux décideurs l’importance de mettre
5
Comparaison des moyennes mensuelles entre les deux périodes allant d’octobre 2012 à sep-
tembre 2013 et d’octobre 2013 à avril 2014.

48
en place sur le site des espaces favorisant l’interaction (forums de discussion,
système de commentaires, d’évaluation, de suggestions, etc.). Il est également
possible que ces dispositifs techniques favorisent aussi des pratiques de par-
tage informel des connaissances, au sein de la communauté des participants,
donc des parcours ultérieurs de créativité. De tels outils, et les échanges qui
en résultent, permettraient de mieux éclairer les dimensions culturelles de la
sécurité au travail. Grâce à ce parcours de partage et d’interaction, basé avant
tout sur un principe d’expression directe des participants, la connaissance
technique et spécialisée pourra trouver un chemin de confrontation plus directe
avec des contextes situés et des expériences concrètes. Certes, il est pos-
sible qu’elle s’impose ultérieurement comme le seul instrument disponible de
contrôle. Mais il peut arriver aussi que la connaissance sociale en matière de
santé et sécurité sur le poste de travail s’avère au fur et à mesure plus ouverte,
voire comme un objet indissociable des pratiques sociales qui lui donnent ses
significations et ses justifications situationnelles.

Pina LALLI
Professeur de sociologie de la culture
et de la communication
Université de Bologne (Italie)
pina.lalli@unibo.it

Claudia CAPELLI
Chercheur postdoctoral en sociologie
de la culture et de la communication
Université de Bologne (Italie)
claudia.capelli3@unibo.it

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