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Corrigé-type 4
Ce devoir 4, à réaliser après l’étude du module sur le thème « À toute vitesse », avait pour but de
vérifier les capacités à analyser plusieurs documents différents, à les confronter et à en faire une
synthèse qui réponde aux normes exigées pour cet exercice. Il s’agissait aussi d’évaluer l’aptitude
à argumenter sur la base d’une problématique imposée dans un développement personnel, tout en
en respectant les diverses techniques.
Sujet
Première partie (40 points)
Vous rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée des documents suivants.
Supports utilisés
Document 1 : « Le sens de la marche », Héloïse Lhérété, Sciences Humaines, août-septembre 2012
Document 2 : « Éloge de la Lenteur », David Le Breton, Libération, 1er juin 2014. Tribune
Document 3 : « Voyager à pied », Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, livre IV, 1782
Document 4 : « Randonnée sur l’échappée Jurassienne », Stéphane GODIN, Jura-tourisme.com
Une première lecture soignée de l’article a dû vous conduire à dégager le propos directeur suivant
(ou un autre bien sûr approchant) : Héloïse Lhérété s’interroge sur le sens que revêt la marche à
pied aujourd’hui et les vertus qu’elle possède dans un monde marqué par la vitesse.
Ces trois qualités semblent insuffisantes cependant pour expliquer un tel engouement. Une autre
explication, plus intime et plus secrète, vient éclairer ce phénomène : la satisfaction personnelle que
l’on éprouve à dépasser sa « fatigue », son « essoufflement », ses « douleurs ». L’auteur s’appuie alors
sur des références littéraires qui offrent des témoignages conformes à ses propres affirmations,
Lacarrière, Tesson, de Romilly ou encore Sansot, tous écrivains voyageurs. Ces auteurs mettent
en avant les autres bienfaits de la marche à pied, à savoir le plaisir sensoriel qu’elle procure et les
rencontres qu’elle occasionne. Dès lors, on comprend mieux que l’intérêt de la destination s’efface
Autre argument avancé comme une boutade, mais toujours en corrélation avec la thématique
temporelle, celui de l’allongement de la « durée de vie », puisque la marche étirerait le temps ou,
du moins, la perception que nous en avons. Cette idée est appuyée par une citation qui oppose la
« respiration » apportée par la lenteur, à la saturation que procure la vitesse. Ainsi, la lenteur se
trouve valorisée face à la vitesse.
L’auteur évoque enfin les différents types de marches dans une énumération quasi exhaustive (pro-
menade, randonnée, pèlerinage, trek, flânerie) et leur point commun : la déconnexion qu’ils offrent
à celui qui s’y adonne. La marche se présente donc comme une rupture avec l’agitation ambiante,
avec les codes d’une société fondée sur la réactivité et la connexion permanente.
Enfin, le dernier paragraphe va encore plus loin. La marche est, en fin de compte présentée comme
une « subversion » dans un monde où tout va très vite. Autrement dit, elle est une forme de résistance
aux tendances de la société, une façon de contester et de remettre en cause ce développement de
la vitesse généralisée. En ce sens, la marche est bien une attitude philosophique, un choix de vie,
et s’oppose à l’immense majorité des individus du monde moderne.
Propos directeur : à travers l’éloge de la lenteur dans un monde qui se précipite, David Le Breton
valorise la marche qui est un moyen de respecter cette lenteur bienfaisante et de résister à la fré-
nésie actuelle.
Paragraphe 1
Le premier paragraphe comporte toute une série d’oppositions. Ainsi, dans la première phrase,
les termes « frénésie », « vitesse », « rendement » s’opposent aux verbes « ralentir » et « calmer le
jeu ». De la même manière, dans les phrases suivantes, la « lenteur » vient contredire « l’éjaculation
précoce » contemporaine. Enfin, les expressions « slow food » et « slow cities » contrecarrent la
« fièvre ambiante ». Ces antithèses structurent le texte et soulignent le fait que la marche est une
forme de résistance aux tendances contemporaines. En quelque sorte, elle naît de l’absurdité d’un
système que les marcheurs veulent, indirectement, dénoncer. Mais, au centre du paragraphe, se
développe une phrase fluide, qui énumère toutes les activités dans lesquelles la lenteur est une
qualité capitale : amour, tendresse, conversation, attention à l’autre, érotisme, jouissance d’exister.
Ainsi, la lenteur s’avère indispensable à la qualité de nos relations interpersonnelles. Revenons sur
l’expression contradictoire « l’exultation de l’éjaculation précoce ». Le terme « exultation » exprime
un intense sentiment de joie, tandis que « l’éjaculation précoce » renvoie à un plaisir prématuré.
Avec cette expression péjorative, l’auteur entend dénoncer une société avide de plaisir immédiat et
trop vite satisfaite. Contrairement à la vitesse, la lenteur procure un bonheur profond dont l’auteur
développe les différents aspects dans la suite du texte.
Paragraphe 2
Le second paragraphe découle logiquement du premier avec une articulation logique nettement
identifiable. C’est la frénésie ambiante qui engendre, paradoxalement, une volonté de ralentir. Cette
tendance est forte puisque l’auteur évoque des « centaines de millions » de marcheurs et que le terme
« engouement » suggère une passion excessive !
La marche introduit surtout un nouveau rapport au temps. Elle permet tout d’abord une rupture
avec le temps imposé à tous, celui de « l’horloge » qui est un temps précis, mesurable, rationnel,
mais extérieur au rythme humain. La marche libère donc l’homme du temps aliénant de la société.
En conséquence, l’homme se retrouve « disponible » c’est-à-dire libre de disposer de son temps
comme il l’entend. Il peut donc librement flâner ou improviser, bien loin des contraintes habituelles.
Les termes « flâner » et « improvisation » renvoient à la même idée, celle du bon vouloir de chacun
et suggèrent une liberté retrouvée. Grâce à cet affranchissement, le marcheur accède à une tem-
poralité nouvelle, difficilement mesurable, plus longue (durée qui s’étire, temps ralenti), voire qui
s’abolit (suspension du temps, hors du temps). Ainsi, le marcheur accède au « rythme du monde »,
un temps plus naturel, plus conforme à sa nature profonde, mais aussi à un temps plus personnel
(temps intérieur, en leur temps). C’est un temps vécu, personnel, intériorisé, harmonieux. C’est un
temps libéré pour d’autres richesses que sont les échanges avec les autres (conversant) ou avec
soi-même (méditant). La marche s’affirme aussi comme une résistance à la société de la vitesse
(vitesse, urgence, disponibilité) et une façon de renouer avec la joie de vivre. La devise de Le Breton
pourrait bien être cette phrase centrale : la marche « ne consiste pas à gagner du temps, mais à le
perdre avec élégance » puisqu’elle devient « occupation pleine du temps ». Le marcheur se retrouve
en phase avec ce qui l’environne, à « hauteur des choses », adopte l’allure qui lui convient, avec des
arrêts possibles et doit se montrer attentif car, contre toute attente, la marche demande de regarder
le monde, de le contempler, d’être perméable aux aléas du parcours lui-même !
Bilan intermédiaire
La lecture et l’analyse de ces deux premiers documents permettent déjà, à cette étape, de dresser
un tableau comparatif afin de croiser les informations délivrées. La première colonne du tableau se
déduit des deux autres : ainsi les axes des parties se dégagent-ils à cette étape du travail.
Il s’agit de déterminer les caractéristiques de la marche selon les différents auteurs, puis de s’inter-
roger sur les différentes ruptures qu’ils abordent. Enfin, grâce en particulier au texte fondamental
de Lhérété, il s’agira d’examiner les avantages qu’apporte cette nouvelle pratique.
Position de l’auteur Analyse l’engouement pour la marche à Évoque la marche comme une attitude
pied et les avantages qu’elle procure. subversive face à l’accélération de la
société.
Caractéristiques de la marche : des Promenade, randonnée, trek, La marche se caractérise avant tout par
formes variées. pèlerinage. L’homme renoue avec ses son allure, plus naturelle.
origines : homo viator.
Caractéristiques de la marche : une Marche solitaire mais en communion C’est un phénomène de mode
activité solitaire. avec la nature et soumise aux aléas des généralisé.
rencontres.
Caractéristiques de la marche : en La marche conçue comme une rupture Elle s’oppose à la frénésie ambiante.
réaction à un certain contexte. par rapport à nos soucis quotidiens et
professionnels.
Ruptures introduites par la marche : C’est surtout un dépaysement senso- La marche assure un dépaysement
rupture spatiale. riel : nouvelles sensations, nouvelles bucolique, apaisant. Se recentrer sur
façons de voir le monde. l’essentiel, sur la nature.
Ruptures introduites par la marche : Réveil de nos habitudes primitives Éloge de la lenteur, respect de son
rupture temporelle. d’êtres errants. rythme intérieur. Déconnexion avec la
mesure traditionnelle du temps.
Ruptures introduites par la marche : L’étirement temporel est tel qu’il donne Voyage hors du temps, avec un temps
rapport au temps renouvelé. l’impression de vivre plus longtemps. paradoxalement mieux rempli.
Avantages de la marche : un nouveau Être disponible aux autres, possibilité Réalisée à plusieurs, la marche est un
rapport aux autres. de faire de belles rencontres. temps d’échange privilégié. On organise
son temps comme bon nous semble.
Refus de l’accélération du monde et
forme de résistance.
Avantages de la marche : des satisfac- Bénéfice pour la santé mais aussi pour Renouer avec les valeurs fondamen-
tions personnelles. le cheminement spirituel de chacun. tales (amour).
Propos directeur : à travers la relation qu’il fait de ses très nombreuses marches à pied, Rousseau
dégage les bienfaits de ce mode de déplacement.
D’emblée, l’auteur considère le voyage à pied comme une expérience unique, digne d’être présentée
dans son journal. C’est pourquoi il regrette de ne pas avoir pris de notes lors de ses expériences
successives de marche à pied. Ce regret initial ouvre la réflexion de l’auteur sur cette thématique
et sur les bienfaits de la marche à pied. D’abord, le voyage s’avère être une expérience solitaire
(seul) et ne prend vraiment d’envergure que s’il est réalisé à pied, autrement dit l’auteur renonce
au confort habituel des voitures à chevaux pour mieux choisir son rythme et apprécie de voyager
seul. La force de cette expérience se traduit par les intensifs répétés quatre fois (tant) et dans l’énu-
mération : pensé, existé, vécu, été moi. C’est une véritable expérience existentielle qui transforme
littéralement l’écrivain car l’intensité de sa vie va de pair avec l’intensité de sa réflexion. Contre toute
attente donc, marcher rime avec « penser » ; une activité physique équilibrée a pour conséquence
un épanouissement intellectuel total. Ainsi se trouvent mêlés les champs lexicaux du mouvement et
de la réflexion : penser, idée, penser, esprit / marche, anime, avive, en place, en branle. Le mouvement
régulier de la marche convient parfaitement au rythme de la réflexion.
Le promeneur évoque indirectement tous les bienfaits qu’il retire de ses voyages à pied : l’esthétique
(agréables), la variété des paysages (succession), les vertus sanitaires (bonne santé, grand appétit,
grand air), l’affranchissement des contraintes (la liberté), l’oubli des tracas quotidiens (éloignement
de… ma dépendance) et du tragique de sa condition humaine (ma situation). Cette énumération
culmine avec l’expression « tout cela » par laquelle la phrase atteint son paroxysme : s’ensuivent
alors les avantages personnels (mon, me, me, me) qu’en retire l’auteur. Et l’expérience atteint un
niveau spirituel (âme, penser) mais aussi social (l’immensité des êtres pour les combiner, les choisir,
me les approprier) : seule la marche à pied a le pouvoir de faire naître le sentiment d’être maître de
soi et du monde. D’ailleurs, l’auteur avoue savourer ce plaisir nouveau de s’approprier la nature
même, dans une symbiose inédite. C’est une véritable histoire d’amour fusionnel (mon cœur… s’unit,
s’identifie) entre lui et le monde. Une expérience sensorielle aussi puisque tous ses sens sont convo-
qués : images charmantes, s’enivre. Et le plaisir est bien là (cœur, délicieux, unit) dans cette union
parfaite avec la nature.
Propos directeur : cette photographie vise à promouvoir les atouts du Jura en été, notamment pour
les amateurs de randonnées à pied.
Les deux personnages, centraux, sont présentés de dos, ce qui est loin d’être anodin. En effet, même
si l’on peut identifier un homme et une femme, les visages ainsi dissimulés permettent au lecteur
de se projeter plus aisément dans cette situation. Et il s’agit bien de donner envie aux touristes de
découvrir cette belle région. Les deux personnages avancent sur un sentier à peine tracé, équipés de
bâtons de marche, de chaussures appropriées et de lourds sacs à dos. On est ici dans une situation
de découverte de la nature environnante, mais il s’agit d’une aventure bien préparée et organisée.
Les deux personnages progressent à travers un paysage naturel, sans aucune habitation visible, ce
qui est fort propice au dépaysement, aux belles rencontres et au ressourcement. La solitude semble
revendiquée pour goûter avec plus d’intensité au plaisir de découvrir la région et sa nature abondante.
Quant au paysage, présenté en toile de fond, il évoque une nature sauvage, avec un sentier en flanc de
coteau, une pente qui, sans être vertigineuse, nécessite une certaine attention, une falaise abrupte.
Le ciel d’un bleu immaculé, les collines d’un vert profond, tout suggère une nature riche. Enfin, le
sentier suivi par les marcheurs, offre une ligne de fuite dans ce tableau champêtre et suggère que la
progression physique des marcheurs peut aussi être une escapade en amoureux, un chemin de vie
à parcourir à deux, voire une quête plus spirituelle. La marche ainsi présentée est donc communion
avec la nature mais exige quelques efforts de volonté.
Position de l’auteur Analyse l’engouement Évoque la marche Évoque la satisfac- Met en scène un
pour la marche à comme une attitude tion profonde de se couple de randon-
pied et les avantages subversive face à déplacer à pied et la neurs dans un paysage
qu’elle procure. l’accélération de la communion avec la attrayant.
société. nature et l’écriture.
Caractéristiques de la Promenade, randon- La marche se caracté- La marche à pied, une Marche récréative, aux
marche : des formes née, trek, pèlerinage. rise avant tout par son aventure qui aurait beaux jours.
variées. L’homme renoue avec allure, plus naturelle. dû être fixée dans ses Loisir.
ses origines : homo Mémoires.
viator.
Caractéristiques de la Marche solitaire mais C’est un phénomène Aime la marche car Tourisme vert, nature
marche : une activité en communion avec la de mode généralisé. elle se pratique en préservée, isolement
solitaire. nature et soumise aux solitaire. Solitude qui mais pas solitude.
aléas des rencontres. permet l’analyse de
soi.
Caractéristiques de la La marche conçue Elle s’oppose à la La marche pour Activité librement
marche : en réaction à comme une rupture frénésie ambiante. s’affranchir du monde choisie et prépa-
un certain contexte. par rapport à nos et des contingences. rée. S’affranchir du
soucis quotidiens et Forme de liberté. quotidien, s’ouvrir aux
professionnels. grands espaces.
Ruptures introduites C’est surtout un dé- La marche assure un Suggère des pay- Équipement spécial
par la marche : rup- paysement sensoriel : dépaysement buco- sages extraordinaires, pour affronter la
ture spatiale. nouvelles sensations, lique, apaisant. Se expressifs. nature brute, marche
nouvelles façons de recentrer sur l’essen- volontaire.
voir le monde. tiel, sur la nature.
Ruptures introduites Réveil de nos habi- Éloge de la lenteur, Le mouvement de la Loin du monde du
par la marche : rup- tudes primitives respect de son rythme marche à pied rythme travail mais aussi
ture temporelle. d’êtres errants. intérieur. Déconnexion sa réflexion, épanouit des sentiers battus.
avec la mesure tradi- sa vie intérieure. Chemin à peine tracé,
tionnelle du temps. équipement néces-
saire.
Ruptures introduites L’étirement temporel Voyage hors du Élargissement de la Photographie en
par la marche : est tel qu’il donne temps, avec un temps vision, sensation de plongée qui maîtrise
rapport au temps l’impression de vivre paradoxalement mieux dominer le monde. le paysage, le sur-
renouvelé. plus longtemps. rempli. plombe.
Avantages de la Activité économique- Ralentissement bon Rousseau fuit ses La marche, conçue
marche : un avantage ment avantageuse, pour la planète et contemporains et comme un loisir at-
social. bonne pour l’environ- exemple intéressant les comprend mieux tractif. Couple éloigné
nement. des slow cities. quand il s’en éloigne. de la fièvre sociale.
Avantages de la Être disponible aux Réalisée à plusieurs, La relation est ainsi La marche permet
marche : un n
ouveau autres, possibilité de la marche est un facilitée avec les une intimité, un
rapport aux autres. faire de belles ren- temps d’échange autres, ce qui semble rapprochement, des
contres. privilégié. On organise paradoxal. échanges en comité
son temps comme bon restreint.
nous semble. Refus
de l’accélération du
monde et forme de
résistance.
Avantages de la Bénéfice pour la santé Renouer avec les La marche favorise Cheminement dans un
marche : des satisfac- mais aussi pour le valeurs fondamentales la réflexion, la vie de environnement pur et
tions personnelles. cheminement spirituel (amour). l’esprit. Marche liée à sain.
de chacun. l’écriture. Marcher = respirer.
3-0187-CT-WT-04-19 CNED Culture Générale et Expression – BTS 2e année 8
Remarque
Les entrées en gras dans la colonne de gauche correspondent aux trois axes dégagés, donc aux
trois parties. Les entrées en caractères normaux (fins), toujours dans la colonne de gauche, cor-
respondent aux futurs paragraphes internes à la synthèse. Nous avons donc 3 grandes parties et 9
mini-thèmes ou futurs paragraphes internes à la synthèse.
La marche à pied connaît un engouement sans précédent dans nos sociétés avides de retour à
la simplicité et à la nature. [Accroche pour amorcer le thème : la marche à pied] Quatre documents
s’interrogent d’ailleurs sur ce phénomène. Dans un article publié en 2012 dans la revue Sciences
Humaines et intitulé « Le Sens de la marche », Héloïse Lhérété propose une analyse précise de cette
tendance et souligne les nombreux avantages qu’en retirent les adeptes. Le sociologue David Le
Breton, quant à lui, dans un article titré « Éloge de la lenteur » et publié dans le journal Libération
en 2014, voit surtout dans la marche à pied une forme de résistance individuelle salutaire face à une
société en pleine accélération. Mais c’est le célèbre J.J. Rousseau qui, au XVIIIe siècle, évoque déjà
dans son autobiographie Les Confessions, la satisfaction personnelle profonde qu’il retire de ses
déplacements à pied en solitaire qui, seuls, lui permettent de véritablement communier avec la nature
et de se réconcilier avec le monde. Enfin, l’office de Tourisme du Jura, dans sa brochure publicitaire,
propose une photographie alléchante aux touristes en mal de nature et met en scène, à cet effet, un
couple de randonneurs dans un paysage naturel et attrayant. [Présentation des différents documents
et des positions respectives des auteurs]. Comment le corpus de documents interprète-t-il cette
nouvelle tendance ? [Énoncé de la problématique sous forme de question] Nous verrons quelles
sont les caractéristiques de la marche selon les différents documents, puis les types de rupture que
cette pratique engendre, et enfin les bienfaits que tout un chacun peut en retirer. [Annonce du plan
de la synthèse en trois parties]
À travers les documents du corpus, la marche est présentée avec des caractéristiques récur-
rentes. [Accroche à la partie 1]
Tout d’abord, la marche prend des formes variées et Lhérété en énumère les possibilités, de la
promenade tranquille à la randonnée plus ardue ou au trek aventurier, en passant par le pèlerinage
religieux. D’ailleurs, la marche se pratiquait déjà aux origines de l’humanité et définissait même
essentiellement l’« homo viator ». L’homme est donc foncièrement conçu pour se déplacer sur ses
pieds. Quant à Le Breton, c’est surtout le rythme de la marche qu’il valorise, une progression plus
adaptée à notre allure naturelle, en harmonie avec notre moi profond. D’ailleurs, elle n’est pas for-
cément aisée, demande une réelle concentration pour tracer son cheminement personnel hors des
sentiers battus. Surtout, elle permet des pauses nombreuses, au gré de notre volonté et des aléas
de la route. C’est déjà cet aspect très individuel qui plaisait tant à Rousseau dès le XVIIIe siècle, lui
qui considérait la marche comme un moyen de voyager à part entière, une façon d’aller d’un lieu à un
autre. La marche devient chez lui une véritable aventure, digne de figurer dans ses Mémoires. Enfin,
l’Office du Tourisme du Jura, de son côté, propose avant tout une marche récréative, qui se déroule
aux beaux jours, dans les meilleures conditions possibles, un moment de loisir en comité restreint,
une parenthèse dans une vie bien remplie.
Ensuite, la marche est présentée comme une activité solitaire ou en comité restreint. Si le Jura
offre aux touristes des chemins balisés pour des randonnées en moyenne montagne, pour autant
il veut donner l’image d’une nature préservée, avec un tourisme vert maîtrisé : seul un couple de
randonneurs arpente le paysage jurassien, ce qui permet une relative solitude. La marche permet
de se retrouver et d’être disponible aussi à l’autre. Quant à Rousseau, son amour pour la marche
s’explique justement par son goût de la solitude déjà très romantique : l’écrivain revendique cette
solitude qui est propice à l’analyse de soi et permet d’être à l’écoute des mouvements de son cœur.
Pour Le Breton, en revanche, la marche relève d’un phénomène de mode actuel et concerne de plus
en plus d’individus dans le monde qui y voient un bon moyen de fuir leurs réalités, alors que Lhérété
fonde sa réflexion essentiellement à partir de témoignages de marcheurs solitaires et réputés, qui
ont laissé des traces écrites de leurs voyages. La marche est certes une activité solitaire, mais en
Non seulement la marche revêt des formes variées, mais elle introduit toute une série de rup-
tures dans nos vies pressées. [Accroche à la seconde partie]
La marche offre tout d’abord, et de façon presque évidente, une rupture spatiale en particulier
lorsqu’elle se réalise dans des lieux différents de notre quotidien. C’est ce qui se produit pour les
randonneurs du Jura qui s’astreignent à une marche volontaire à travers les montagnes, équipés
spécialement pour affronter cette épreuve sans prendre de risque. Les paysages traversés consti-
tuent ainsi une expérience nouvelle, inédite et la photo est construite de sorte à susciter l’envie de
futurs adeptes désireux de se dépayser. Quant à Rousseau, il ne décrit pas les lieux qu’il traverse,
mais suggère des paysages extraordinaires, expressifs, dignes d’une toile de maître et susceptibles
de figurer dans ses Mémoires. Pour Lhérété, en revanche, c’est le dépaysement sensoriel qui est
mis en avant : nouvelles sensations, nouvelles façons de voir le monde, la marche procure d’infinis
plaisirs. Le Breton, pour sa part, évoque un dépaysement bucolique qui apporte la paix. Selon, lui,
la marche nous permet de renouer avec les éléments naturels et essentiels, de nous recentrer sur
la nature brute. Il rejoint ainsi Lhérété qui souligne que le marcheur redécouvre les paysages, les
matières et les odeurs naturelles.
Mais la rupture la plus notable que la marche introduit dans nos vies est d’ordre temporel. Tous
les documents du corpus s’accordent à noter le ralentissement induit par cette nouvelle pratique.
Le Breton ne veut-il pas faire l’éloge de la lenteur ? Il s’agit pour lui de s’opposer à l’accélération du
monde afin de retrouver le plaisir de vivre en harmonie avec son rythme intérieur. Il réclame d’ail-
leurs une déconnexion avec la mesure traditionnelle du temps, l’horloge qui nous impose un rythme
social inapproprié. Lhérété le rejoint sur ce point en rappelant que la marche réveille nos habitudes
primitives d’êtres errants, celles de l’« homo viator », qui se définit justement par le mouvement
lent de son corps. Les randonneurs, pour leur part, ont aussi choisi de ralentir : non seulement ils
sont en rupture avec la pression du monde du travail, mais ils ont pris de petits chemins où la pro-
gression est forcément ralentie, difficile même puisqu’ils utilisent du matériel approprié. De plus,
la photo suggère une excursion estivale, donc, par définition un moment particulièrement propice
au ralentissement. Rousseau, de son côté, revendique le mouvement, mais uniquement celui de la
marche à pied en solitaire, qui lui permet de mieux s’approprier le paysage environnant, de mieux
goûter à l’intensité de la vie intérieure ainsi plus épanouie.
La rupture temporelle peut d’ailleurs aller encore plus loin. Lhérété et Le Breton évoquent
tous deux un rapport au temps renouvelé. Ainsi, le sociologue parle de voyage hors du temps, para
doxalement non pas vidé de la notion temporelle mais mieux rempli : il présente alors la marche
comme une bonne manière de vivre un temps plein, de gagner en profondeur. En marchant, le rythme
essentiel du corps entre en harmonie avec le temps réellement vécu. Lhérété, quant à elle, va jusqu’à
affirmer que l’étirement temporel est tel qu’il donne l’impression de vivre plus longtemps, puisque le
Si la marche à pied provoque toute une série de ruptures, elle comporte en outre des avantages
que tous les auteurs soulignent ou suggèrent. [Accroche à la dernière partie.]
Tout d’abord, la marche est avantageuse pour la société. Lhérété souligne en effet le faible coût
financier qu’engendre une telle activité en période de crise, puisque le matériel nécessaire pour la
pratiquer n’atteint pas des sommes exorbitantes. De plus, la marche à pied est respectueuse de
l’environnement, émettant peu de rejets dans l’atmosphère. Elle correspond tout à fait à la montée en
puissance d’un tourisme vert soucieux du devenir de la planète et aux tendances actuelles de toute
une société en pleine mutation. Cette idée est d’ailleurs reprise par Le Breton qui rappelle la volonté
affirmée par toute une société de ralentir, en particulier avec les « slow cities » qui apportent une
réponse politique et globale aux préoccupations contemporaines. Les randonneurs du Jura illustrent
bien ce mouvement social naissant, puisque la marche, choisie comme loisir, malgré les efforts
demandés, est devenue attractive aux yeux des jeunes. Éloigné des villages, parcourant les campagnes
verdoyantes, le couple recherche un environnement naturel épargné par la fièvre consommatrice.
La marche permet en outre un nouveau rapport aux autres. Parce qu’elle déconnecte du monde
stressant du travail, la marche à pied nous rend disponibles aux autres. Rousseau lui-même, réputé
pour son caractère solitaire, avoue que la marche a ce pouvoir extraordinaire de faciliter sa relation
avec ses contemporains : elle lui permet, en effet, de mieux comprendre les hommes, car la marche
et le mouvement éclaircissent la réflexion de l’auteur et lui permettent de résoudre ses conflits. Parce
qu’elle peut se réaliser à plusieurs, la marche permet aussi de discuter, comme le suggèrent la
photo et le texte de Le Breton, puisqu’elle ménage un temps à soi, qu’on peut organiser comme bon
nous semble. La photographie pour sa part, avec le couple de randonneurs en premier plan, donne
l’image d’une microsociété harmonieuse où les individus marchent ensemble et peuvent échanger
quand bon leur semble. Rousseau, lui, s’accommode d’une alternance de temps personnels et de
temps sociaux. Quant à Lhérété, elle évoque plutôt la possibilité de faire de belles rencontres tout
au long de son chemin, d’être disponible à tout ce qui peut arriver. La marche peut aussi être un
moyen politique de résister ou d’exprimer collectivement, avec d’autres, le refus d’une accélération
du monde, ce sur quoi insiste le sociologue.
Mais surtout, la marche à pied procure des satisfactions très personnelles. Lhérété souligne
l’indéniable bénéfice que la marche apporte sur le plan de la santé, autrement dit la forme physique
de chacun, la possibilité de progresser dans un environnement sain et pur est aussi prônée par la
photographie de l’office du tourisme, qui met en avant la nature préservée et envisage la marche
comme une forme de respiration. Le Breton souligne lui aussi le décrochage que la marche auto-
rise, nous permettant de renouer avec toutes les valeurs qui nous fondent profondément, comme
l’amour ou la jouissance d’exister. Car marcher est une véritable expérience existentielle déjà au
XVIIIe siècle pour Rousseau qui note cette intensité salvatrice que prend sa personnalité en marchant.
On est alors bien éloigné de toute idée de performance, et le marcheur peut se centrer sur lui, sur
ses ressources propres et accéder à un épanouissement dont il est d’ordinaire privé. La marche
accroît ainsi ses capacités réflexives, lui permet d’être disponible à lui-même et à ses préoccupations
intérieures. Ainsi, elle conduit à la méditation, ouvre la voie à une réelle spiritualité. D’ailleurs, la
marche n’est-elle pas aussi une métaphore du cheminement de chacun d’entre nous dans sa vie,
comme le suggère Lhérété ?
Le sujet proposé à votre réflexion ne pose pas, à proprement parler, de difficultés de compréhension.
Il est formulé sous forme de question, ce qui facilite votre travail. Ainsi, la problématique apparaît
clairement : il s’agit de savoir si la marche permet de se découvrir soi-même. Cette question est
justifiée par le fait que la marche est une activité physique qui impose un rythme de progression
très personnel. Elle se pratique en général dans la nature et, à ce titre, permet plutôt au marcheur
de s’ouvrir au monde. C’est du moins la première réponse qui peut être faite. Nous la retiendrons
donc comme première thèse. Il conviendra ensuite d’examiner la position inverse et de se deman-
der comment la marche peut effectivement déboucher sur une meilleure connaissance de soi. La
question posée par le sujet est totale et, par sa nature, elle exige une réponse en deux temps qui
peut se matérialiser de la façon suivante : la marche permet évidemment de découvrir le monde,
mais elle conduit inévitablement à une meilleure connaissance de soi. Le sujet vous incite donc à
fouiller dans deux directions : la marche comme possibilité de découvrir le monde (et les autres)
ou la marche comme opportunité pour se découvrir soi-même !
Au brouillon, il vous faudra chercher des arguments pour appuyer ces deux positions apparemment
contraires. Il s’agira alors de varier les points de vue pour apporter des preuves plus convaincantes
mais aussi de chercher des exemples pertinents qui viendront illustrer efficacement le devoir.
Remarque
Ce plan est donné à titre indicatif et correspond à l’exemple rédigé ci-dessous. D’autres plans,
notamment au niveau des sous-parties, sont bien sûr recevables.
Il est très difficile d’offrir un corrigé type pour une question aussi personnelle, puisqu’elle mobilise
vos expériences personnelles, vos propres connaissances littéraires, cinématographiques, etc. Donc
la façon dont vous argumentez et illustrez votre développement sera laissée à l’appréciation de votre
correcteur qui est le seul apte à évaluer la logique et la richesse de vos idées.
II. Mais la marche à pied constitue un moyen extraordinaire pour se connaître soi-même
1. La marche favorise la création intellectuelle car elle permet la concentration. Exemples : les
philosophes antiques et l’école péripatéticienne, Nietzsche qui composa Ainsi parlait Zarathoustra
en marchant.
2. La marche favorise notre apprentissage par le corps et les sens. Exemple : les Compagnons
du Tour de France qui deviennent maîtres en leur art grâce au voyage.
3. La marche, en particulier dans le pèlerinage, permet une vie intérieure plus riche et un épa-
nouissement spirituel. Exemple : les pèlerins d’aujourd’hui et leur quête individualisée de sens.
Dans une société dominée par la vitesse, la marche à pied offre évidemment l’opportunité
de créer de nouveaux rapports avec son environnement. [Accroche à la 1re partie]
Tout d’abord, la marche à pied permet de se déconnecter de la frénésie de la vie moderne.
Comme cette pratique se réalise au rythme de nos pas, elle nous impose un ralentissement
par rapport aux autres moyens de transport, plus rapides, et elle invite à trouver le temps de
regarder autour de soi. Marcher à pied, c’est avant tout accorder de l’importance au parcours
et mettre la destination au second plan. De plus, la marche à pied s’effectue habituellement
dans des lieux plus naturels, moins urbanisés et par conséquent, propose un véritable dépay-
sement spatial. Ainsi, elle offre de grands espaces et une nature à admirer, elle suscite notre
curiosité, éveille nos sens. La pratique de la marche à pied permet donc de mieux regarder notre
environnement, de le découvrir avec d’autres yeux, avec la possibilité, au cours d’une flânerie
improvisée, de trouver des plantes rares, de croiser des animaux sauvages, de se confronter
au vent et aux aléas climatiques. Déjà au XVIIIe siècle, Jean Jacques Rousseau avouait, dans
Les Rêveries du promeneur solitaire, trouver dans la marche une opportunité pour traverser
des paysages charmants ou effroyables, depuis les gorges abruptes des Alpes jusqu’aux plages
reposantes des lacs savoyards.
Si la marche à pied est l’occasion de s’ouvrir aux autres et au monde qui nous entoure, elle
constitue un moyen extraordinaire pour se découvrir soi-même. [Accroche à la seconde partie}
En effet, la marche en extérieur favorise et stimule la création intellectuelle. Le rythme
ralenti du corps convient parfaitement au développement de la pensée qui nécessite de la régu-
larité, loin de la frénésie du monde contemporain. Il permet aussi une meilleure concentration,
selon des études récentes effectuées sur des élèves, finalement plus productifs en mouvement
qu’assis à un bureau. Les philosophes grecs antiques l’avaient bien compris, eux qui privilé-
giaient la déambulation, plus favorable à la discussion et à la construction de leurs diverses
théories. Aristote lui-même fonda une école dite « péripatéticienne », autrement dit « qui aime
se promener » et construisait pour ainsi dire sa réflexion pas à pas. Plusieurs penseurs ont
expérimenté la justesse de cette stimulation. Ainsi, Nietzsche affirme : « Les seules pensées
valables viennent en marchant ». Le rythme du corps, en balancement régulier mais aussi le
déplacement qui conquiert un espace, tout favorise le cheminement de la pensée et la plénitude
de la réflexion. Ce même philosophe avoue avoir écrit Ainsi parlait Zarathoustra exclusivement
lors de ses nombreuses pérégrinations : la pensée demande à s’exprimer dans un espace tou-
jours renouvelé et dans un mouvement corporel épanouissant.
En outre, la marche est un formidable moyen d’apprendre. Elle est un outil idéal de forma-
tion personnelle, d’apprentissage par le corps et par tous les sens. Le marcheur développe son
observation à la manière d’un ethnologue, à la recherche de signes et apprend par tous les sens :
odeur d’une fleur, cri d’un animal, douceur d’une feuille, goût d’un fruit sauvage. Cet éveil des
sens correspond à un apprentissage par le corps qui complète une démarche plus intellectuelle.
D’ailleurs, dans certaines conceptions pédagogiques, la marche a été intégrée à la formation,
comme c’est le cas chez les scouts, mais surtout chez les compagnons du Tour de France.
Ainsi, l’apprenti s’initie aux pratiques différentes selon les régions traversées et apprend des
techniques locales qui lui permettront de maîtriser son métier, littéralement de devenir maître.
Pour conclure, la marche à pied permet, avant tout et de façon évidente, de découvrir le
monde. Cette pratique offre une alternative à la frénésie ambiante et propose un ralentissement
propice à la découverte de notre environnement. Le dépaysement spatial éveille perpétuellement
notre curiosité par des nouveautés mais permet aussi de renouer avec une certaine convivialité,
que ce soit celle des rencontres inopinées ou celle des marcheurs qui partagent la même activité.
La marche, en nous décentrant de nous-même, invite à mieux penser notre relation au monde
et à réfléchir à notre fragilité et à nos relations aux autres. Cette appréhension accrue du monde
n’est d’ailleurs pas incompatible avec une meilleure connaissance de soi. La marche favorise en
effet l’intellect et de nombreux auteurs avouent la pratiquer régulièrement pour pouvoir mieux
penser. Elle est aussi l’occasion d’apprendre, par le corps et les sens et d’aborder le monde
différemment. Elle peut même, notamment par les pèlerinages encore bien vivaces aujourd’hui,
exprimer une forme de spiritualité personnelle. La pratique de la marche à pied constitue donc
une expérience riche aussi bien pour notre exploration plus approfondie du monde que pour la
connaissance de soi.