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Nedjma Bouakra
in Omar Slaouti et al., Racismes de France
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Nedjma Bouakra
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Lorsque quelqu’un s’adresse à nous de façon injurieuse, non
seulement nous sommes ouverts à un futur inconnu, […]
nous subissons du fait de ce discours une désorientation. Ce
qui se révèle au moment d’un tel bouleversement, c’est préci‑
sément la fugacité de notre place au sein de la communauté
des locuteurs, nous pouvons être remis à notre place qui est
une absence de place 1.
Or l’une des voies ordinaires de la répression politique des
minorités passe par l’insulte. Elle leur rappelle sans cesse que
leur place dans la communauté politique et nationale n’est pas
acquise et que leur existence est constamment soumise à l’arbi‑
traire.
Cependant, la menace n’est pas le passage à l’acte. Malgré
l’inflation des représentations racistes véhiculées par la presse,
les seuls contenus explicites « Noirs criminels » ou « Arabes
violeurs » n’ont pas en eux-mêmes le pouvoir « magique » de
transformer les personnes ciblées en ce dont elles sont accusées.
Comme le précise à nouveau Butler :
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se vantent de dire « ces choses vraies » qui ne seraient pas
bonnes à dire – non politiquement correctes. « On a tendance
à avoir peur du langage de vérité, pour des raisons “nobles”.
On préfère dire “les jeunes” que “Noirs” ou “Arabes” 4. » Qui
est ce « on » indéfini ? Nous tous, sauf Alain Finkielkraut ! Ce
preux chevalier de la philosophie française n’hésite pas ainsi à
nommer la couleur des personnes et à l’associer au sentiment
de honte :
Les gens disent que l’équipe nationale française est admirée
par tous parce qu’elle est « black-blanc-beur ». En réalité,
l’équipe nationale est aujourd’hui « black-black-black », ce
qui en fait la risée de toute l’Europe 5.
Être noir fait donc injure à la France. « Il est impossible,
peut-être même dangereux de dire ces choses aujourd’hui en
2 Ibid., p. 60.
3 « Entretien avec M. Foucault », in Dits et Écrits II, 1976‑1988, Paris, Gallimard,
« Quarto », 2001, p. 158‑159.
4 Dror Mishani et Aurelia Smotriez, « What sort of Frenchmen are they ? »,
Haaretz.com, 17 novembre 2005.
5 Ibid.
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besoin pour les dépasser, du concours de ses adversaires. » Nous
nous y refusons. Nous choisissons de concentrer notre attention
sur la presse de référence obéissant à une méthode journalistique
éprouvée, plutôt qu’à l’espace médiatique offert aux polémiques.
De plus, ce qui nous intéresse n’est pas de d éconstruire ces
fausses vérités proférées, mais d’interroger ce qui permet de
tenir pour vrais certains énoncés. Car la construction du partage
du vrai et du faux est au cœur même des arbitrages du journa‑
lisme d’enquête pour qualifier les faits. Nous nous concentre‑
rons sur un exemple, particulièrement révélateur du traitement
journalistique de la « question raciale ». Lors des émeutes de
2007 à Villiers-le-Bel, l’association de la race, de la culture et du
banditisme avec les violences dites urbaines a donné naissance
à un objet médiatico-judiciaire problématique. Les logiques
6 Ibid.
7 Lucie Delaporte, « Derrière Zemmour, l’irrépressible banalisation de l’extrême
droite dans les médias », Mediapart, 14 octobre 2019.
8 Le SNJ dénonce à propos d’Éric Zemmour « la position, fort commode, de
rentier de la polémique » de l’éditorialiste.
9 Jacques Rancière, « Sept règles pour aider à la diffusion des idées racistes en
France », Le Monde du vendredi, « Horizons-Débats », 21 mars 1997.
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Loi du ghetto, relate son arrivée avec la police :
Il est 5 h 40 du matin à Villiers-le-Bel. Un froid glacial. Des
voitures banalisées patrouillent, avec une discrétion toute
relative dans les rues de la petite ville du Val-d’Oise, mondia‑
lement connue depuis les nuits d’émeutes de novembre 2007.
Dans les véhicules, des journalistes de presse écrite, des photo‑
graphes, des reporters radio, des envoyés spéciaux de sites
Internet. J’en fais partie 10.
Cette pratique très controversée se rapproche de celle
réservée à l’origine aux journalistes présents lors d’opérations
militaires ; leur travail étant en général contrôlé par l’armée.
Ce jour-là, la police a bel et bien préparé son intervention
afin de bénéficier d’une couverture médiatique maîtrisée. Les
journalistes profitent quant à eux de la force narrative des
interventions policières et d’informations exclusives. Services
réciproques, donc. Yassine Belatar, journaliste et animateur
radio se souvient :
10 Luc Bronner, La Loi du ghetto. Enquête sur les banlieues françaises, Calmann-Lévy,
Paris, 2010, p. 143‑144.
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aux sources des journalistes. En 2010, Abdel, fixeur désenchanté
mais attitré de la presse nationale depuis 2005, réussit un canular
exemplaire. D’une voix aigrelette avec un fort accent, il incarne
Bintou, une femme polygame, et livre au téléphone son témoi‑
gnage à un journaliste du Point. Ce récit est « retranscrit » sans
vérification par ce dernier. Travailler sur les banlieues semble
autoriser à déroger aux règles élémentaires du journalisme. Mais
si Bintou n’existe pas, le préfet, lui, est bien réel. L’une vient
nourrir une réalité fantasmée, le second construit la factualité
même. Les interlocuteurs institutionnels ou politiques font usage
« de l’information ». Ils lui donnent forme grâce à leurs outils de
communication et aux liens qu’ils entretiennent avec les journa‑
listes. De plus, les journalistes de la rubrique « faits divers » ou
couvrant la banlieue nouent des contacts étroits avec les services
de police, la justice, la préfecture, voire les ministères. Il n’est
donc pas rare de voir des journalistes progresser au sein de leur
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du journaliste retient notre attention : « Très peu de rédactions
disposent de correspondants ou de journalistes spécialisés qui
ont le temps de créer des contacts, des réseaux 16. » Mais quelle
spécialité faut-il donc pour écrire sur les banlieues en étant
journaliste ? Que faut-il comprendre ? Sans doute ceci : les
quartiers sont « des cas à part » pour lesquels on construit une
factualité à part. Et c’est ce à quoi le journaliste va s’employer
entre 2007 et 2011.
Toutes les émeutes en banlieue font suite à des opéra‑
tions policières. Revenons aux événements de 2007, lorsque
deux jeunes hommes sont laissés morts sur la chaussée. Le
25 novembre, Le Monde, l’AFP et Reuters affirment, selon la
Direction centrale de la sécurité publique, que « ce n’était pas
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Les premiers jours, des tirs de chevrotine sont requalifiés
en tir de « fusils de chasse », des projectiles deviennent des
« bombes artisanales ». Une description sensationnaliste se met
en place :
Camouflés derrière des rideaux de fumée, [les policiers]
ont été surpris épaulant avec calme leur fusil pour faire des
« cartons », comme à la foire. L’architecture de la ZAG de
Villiers est une aubaine pour les émeutiers. Ici, les barres
d’immeubles sont basses […]. Leur mode opératoire est
élaboré, leur organisation réfléchie. Des guetteurs perchés
en haut des tours jouent les éclaireurs et préviennent par
téléphone leurs camarades des déplacements en temps réel
des patrouilles 19.
La presse nationale se concentre donc sur la riposte armée
des jeunes pour mieux mettre en exergue leur logique quasi
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permis à certains de suivre les communications des forces de
l’ordre, ces vols survenus à la faveur des émeutes n’impliquent
pas pour autant une tactique préméditée. L’avantage des
émeutiers sur le terrain est éphémère : le remplacement régulier
des effectifs redonne rapidement la main aux policiers.
Un groupe d’émeutiers ultra-déterminé est ainsi présenté
mais de nombreuses inconnues demeurent sur les modes opéra‑
toires, la participation hétéroclite des habitants, la diversité
générationnelle et de genre des personnes. Est ainsi ignoré
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La traque
Le 29 novembre 2007, Luc Bronner est catégorique :
L’erreur, à trop s’interroger sur les risques de reproduction
des émeutes de 2005, serait d’oublier l’accumulation d’évé‑
nements graves intervenus depuis un an dans les quartiers
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sensibles : des violences urbaines qui témoignent d’une
radicalisation chez certains jeunes, très minoritaires mais très
actifs […]. L’évolution, l’utilisation des armes à feu, est ce
qui ferait basculer les émeutes de 2007 dans un phénomène
inédit. […] L’usage d’armes, à Villiers-le-Bel, s’inscrit dans
cette logique : une partie des agresseurs, que la police qualifie
de « noyau dur », est montée d’un cran dans la violence.
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étonnamment écho à la politique de Nicolas Sarkozy. De fait,
2005 a été un échec pour le ministre. La stratégie du chiffre
– interpeller pour déferrer – sera remise en cause par le taux
de relaxe élevé : un tiers des prévenus. Pourtant, tout policier le
sait, la stratégie du maintien de l’ordre ne permet pas aisément
d’identifier les protagonistes, elle vise la foule et non l’individu 25.
Pour les policiers, 2007 est une revanche.
À Villiers-le-Bel, les interpellations se font dans un temps
différé avec en prime une couverture médiatique. Mais il faut
anticiper et collecter les preuves de culpabilité pour réussir à
23 « Rapport sur l’enregistrement des plaintes par les forces de sécurité intérieure »,
La Documentation française, Paris, 2013, tome 1, p. 6.
24 Selon Laurent Muchielli : « Les trois inspections générales estiment que les
statistiques avaient ainsi perdu tout contenu opérationnel, n’indiquant plus
la réalité géographique et temporelle de la délinquance », Champ pénal/Penal
Field, varia, 28 avril 2008.
25 « Nous n’avions jamais été appelés sur une émeute. On est parti la fleur au
fusil avec pas assez de balles en caoutchouc ni de grenades lacrymogènes. On
n’avait même pas le plan de la ville, c’est notre capitaine qui devait nous guider
par radio depuis le PC. Comme ça ne passait pas, on a dû se débrouiller avec
nos téléphones portables personnels. Quand on est arrivés sur place, c’était
Beyrouth. » Entretien retranscrit par un journaliste du Point issu du documen‑
taire, La Police et Sarko, François Bordes, Doc en stock, 2010.
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Villiers-le-Bel, les témoins sous X se dérobent, ne viennent pas
ou reviennent sur leurs propos, tandis qu’un indic est confondu
par la défense. Des personnalités reconnues comme fragiles et
même mythomanes, selon les sources policières servent aussi à
étoffer les dossiers. L’une d’elles affirme, lors de la longue bataille
judiciaire engagée, que la police lui a « soufflé son témoignage,
notamment contre des promesses de clémence – par ailleurs
non tenues – dans son propre dossier 26 ». De fait, pendant les
deux années d’instruction, l’enquête policière n’a pu apporter
de preuves matérielles pour l’identification des auteurs des tirs.
La recherche par trente techniciens de la police scientifique
pour « préserver les traces et les preuves en cas de découverte
de fusils » est demeurée infructueuse. Les agrandissements des
photos et des films n’ont rien donné, l’ADN n’a pas parlé. Sans
preuves, les témoignages sous X constituent ainsi le seul fonde‑
ment des investigations. La délation est-elle devenue une preuve
en soi ?
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il a tout son soutien. « Mettez les moyens que vous voulez, mais
ça ne peut rester impuni », déclare ce dernier.
Lors du procès des tireurs de juin 2010, les suspects princi‑
paux sont deux frères. Le premier se nomme Adama Kamara,
le second Abderrahmane. La présidente de la Cour appelle ce
dernier Abdelkader. Il est confondu plusieurs fois avec son demi-
frère Adama. La ligne de couleur aveugle. Ils sont perçus dans
une altérité indifférenciée.
Lâchés par plusieurs des témoins anonymes, les policiers
doivent, à la barre, conforter l’accusation, ce qui constitue une
véritable entorse à la procédure pénale, ce type de témoin ne
pouvant seul conduire à une condamnation, selon l’article 706‑62
du code pénal. Le lieutenant José Manuel Vergara, ex-militaire
au Kosovo qui a plus de vingt ans de carrière dans la police,
est un témoin clé :
J’ai reconnu Abou Kamara, le tireur qui nous a pris à partie et
qui faisait la tactique du dindon […] pour éviter les tirs. […]
J’ai été frappé par son visage émacié de forme triangulaire,
on aurait dit un diable qui sortait de la boîte de Pandore.
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visé les forces de l’ordre. Il est l’« homme au fusil à pompe ».
La figure du leader d’une bande organisée a remplacé celle du
grand frère. Elle signe mécaniquement l’échec de la politique
de prévention et le règne des trafics.
Le sabre dérobé dans le coffre de la voiture du commis‑
saire est miraculeusement trouvé chez lui, selon des sources
policières.
Adama, c’est Dr Jekyll et Mr Hyde, explique un élu. Le jour,
il aidait les vieilles dames à porter leurs courses, démêlait les
« embrouilles », ramenait le calme dans la cité… La nuit, il
allait chez son frère toucher sa part du trafic 28.
Grand frère le jour, parrain la nuit ! Malgré une défense qui
a remis en cause l’ensemble des charges, les jurés ont estimé
crédibles les trafics et l’existence des gangs. Insécurité et racisme
font le bouillon de culture de ce procès. Informée en amont,
la presse a devancé le verdict : l’arrêt d’accusation reprend
étonnamment les mêmes informations.
Luc Bronner n’a pas dérogé au suivisme :
28 Marie Vaton, « Villiers-le-Bel. Les deux frères », Le Nouvel Observateur,
17 juin 2010.
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promesse d’une récompense.
Pourtant, dans son livre La Loi du ghetto, Luc Bronner
continue de défendre l’idée que « dans les tribunaux, la loi
républicaine tente de s’imposer face à celle du silence ». Un
journalisme critique qui aurait désactivé ses présupposés raciaux
n’est pas à l’ordre du jour. Il est ainsi l’un des premiers à
rendre compte du livre du sociologue Hugues Lagrange, Le
Déni des cultures, portant sur la surdélinquance des enfants de
Sahéliens. Le journaliste salue cette enquête « qui ne s’embar‑
rasse pas des précautions oratoires et idéologiques d’une partie
de la communauté scientifique ». Le fait émeutier est rapporté
à la concentration ethnique dans un périmètre géographique
donné. Il tient à une forme de socialisation communautaire et à
la culture des familles subsahariennes, donc noires, arrivées plus
récemment sur le territoire national que les familles maghré‑
bines :
Considérer l’origine culturelle et les parcours migratoires
comme des déterminants importants de la situation présente,
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sans analyse ni autre point de vue. Un des intertitres de l’article
est éloquent : « Violence tribale ».
L’exemple des frères Kamara est une magnifique illustration
de ces différentes thèses :
Issus de familles polygames, ayant connu des difficultés à
l’école, sans diplômes […]. Les frères Karama, Abou et Adama,
sont décrits comme les principaux leaders des émeutes. […]
En réalité les deux hommes sont des demi-frères, leur père
polygame a eu neuf enfants avec sa première femme dont
Abou. Un faux divorce pour masquer la polygamie, selon les
enquêteurs. Il s’est marié avec la seconde avec laquelle il a
onze enfants dont Adama 33.
Les familles nombreuses, la polygamie sont l’arrière-plan
des émeutes. Le fait religieux s’imbrique dans la couleur. Le
poncif – les familles polygames de facto « inadaptées » à la culture
française – sert de passe-partout pour décrire ces accusés. Adama
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l’islamophobie. Le basculement des journalistes d’une presse
de référence est manifeste. En emboîtant le pas de ces logiques
ethnicisantes et racialistes, en intégrant à leurs concepts ceux de
l’extrême droite tels que le « racisme anti-Blancs 35 », en opérant
une lecture raciale des révoltes, ils offrent un boulevard à la
répression politique et aux discriminations institutionnelles. Il
faudrait s’attarder longuement sur les modalités d’énonciation
de la presse passant par la pratique des citations institutionnelles,
des guillemets et la répétition d’énoncés qualifiants ou disquali‑
fiants qui portent toujours la trace d’énoncés antérieurs. Ici nous
avons pu observer que la presse a participé à la coconstruction
des verdicts, de la « vérité judiciaire », pas seulement en termes
d’influence, mais en participant à la genèse de points de vue, à
la fabrication judiciario-médiatique de cibles objectives.
Aujourd’hui, que sait-on des violences policières subies par
les habitants durant ces nuits d’affrontement ? Alerteurs ignorés,
34 À ce propos, lire Sylvie Tissot, « Retour sur une émeute. La construction politique
et médiatique du “problème des quartiers sensibles” », Les Mots sont importants,
29 octobre 2015.
35 Blandine Grosjean, « Malaise après un appel contre le “racisme anti-Blancs” »,
Libération.fr, 26 mars 2005.
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