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La lenteur avec laquelle se déroule la campagne de L’état d’urgence sanitaire, d’abord, offre au
vaccination contre le Covid-19 et la polémique sur gouvernement des pouvoirs considérables en matière
l’attitude des laboratoires vis-à-vis des États sont pour économique prévus à l’article 2 de la loi du 23 mars
le gouvernement potentiellement déflagratoires. 2020. D’une manière générale, il peut prendre « toute
Au mois de juillet dernier, alors que la France mesure permettant la mise à disposition des patients
se remettait d’une première vague de l’épidémie de médicaments appropriés pour l’éradication de la
favorisée par un manque cruel de moyens, notamment catastrophe sanitaire ». Il dispose du pouvoir de
de masques, contraignant les Français à un réquisitionner « tous biens et services nécessaires à
confinement total, Emmanuel Macron l’avait promis : la lutte contre la catastrophe sanitaire » ou encore
« Nous serons prêts en cas de deuxième vague. » de prendre « des mesures temporaires de contrôle des
prix de certains produits ».
Six mois plus tard, ce sont les vaccins qui font
défaut. Les laboratoires sont incapables de produire Même en écartant ces mesures d’exception, l’État
les quantités promises, les livraisons sont retardées dispose, dans le droit commun, d’une autre arme, bien
et, sur le terrain, des milliers de candidats à la connue et déjà utilisée par le passé : la licence d’office,
vaccination voient leurs rendez-vous annulés. Tandis ou licence obligatoire, qui permet de suspendre un
qu’Emmanuel Macron doit recevoir cette semaine les brevet afin d’assurer la production d’un médicament
représentants de l’industrie pharmaceutique, certains dont la qualité ou la quantité proposée par le
appellent l’État à prendre les choses en main, si laboratoire n’est pas satisfaisante et que les conditions
sanitaires l’exigent.
Cette procédure est prévue à l’article L. 613-16 du
Code de la propriété intellectuelle, qui dispose : « Si
l’intérêt public l’exige et à défaut d’accord amiable
avec le titulaire du brevet, le ministre chargé de la
propriété industrielle peut, sur la demande du ministre
chargé de la santé publique, soumettre par arrêté au
régime de la licence d’office […] tout brevet. »
Ces dernières semaines, plusieurs voix se sont élevées
soit pour demander au gouvernement d’agir plus
activement en recourant à la licence d’office, soit pour
appeler à faire du vaccin contre le Covid-19 un « bien
commun ».
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Mercredi 20 janvier, lors des débats à l’Assemblée « Cette question du médicament comme bien
nationale sur le projet de loi de prorogation de l’état commun est une question ancienne, explique
d’urgence sanitaire, le député de La France insoumise Matthieu Guerriaud, docteur en pharmacie, maître de
(LFI) François Ruffin a ainsi interpellé le ministre de conférences à l’Université de Bourgogne. En France,
la santé, Olivier Véran, en lui demandant d’activer la une loi du 5 juillet 1844 avait interdit la brevetabilité
licence d’office afin de faire produire en Europe une des médicaments. Cette situation a duré jusqu’en
plus grande quantité de vaccins. 1959, quand le législateur a créé un brevet spécial
« Cela permettrait, plutôt que d’attendre que Pfizer ou pour les médicaments qui prévoyait, déjà, une licence
AstraZeneca soient capables de produire massivement obligatoire. Puis, progressivement, le droit des brevets
des doses au moyen de leurs petites usines situées en des médicaments s’est rapproché du droit commun. Il
Europe, de faire appel à d’autres usines présentes sur l’a totalement intégré par la loi du 13 juillet 1978. »
le territoire français, a-t-il plaidé. Il faut maintenant La question de la licence obligatoire renaît au niveau
que nous prenions une décision sur ce point pour international au début des années 1990, à l’occasion
permettre la montée en puissance de la production de des négociations, au sein de l’Organisation mondiale
vaccins. Si nous attendons qu’un vaccin français soit du commerce (OMC), sur l’Accord sur les aspects
disponible, cela va prendre encore un an et, si nous des droits de la propriété intellectuelle qui touchent
attendons que Pfizer nous fournisse des doses, nous au commerce (Adpic). Alors que l’épidémie de Sida
allons provoquer un ralentissement de la vaccination se répand dans le monde entier, ce texte assure aux
plutôt qu’une accélération. » laboratoires une protection de vingt années sur leurs
La veille, le secrétaire général du Parti communiste brevets. Certes, un système de licence d’office est
français (PCF) et député du Nord, Fabien prévu, mais les laboratoires se montrent extrêmement
Roussel, demandait que « ces vaccins soient versés réticents à accepter son application.
dans le domaine public pour que chaque pays puisse Durant toutes les années 1990, l’Adpic va être contesté
produire les vaccins qui sont aujourd’hui validés, par les ONG et les pays en voie de développement
homologués et que l’on puisse vacciner massivement qui ne peuvent se payer les traitements contre le
la population ». Sida. En 1997, l’Afrique du Sud, dont environ
Au niveau international, le Prix Nobel de la paix 10 % de la population est alors contaminée par le
Muhammad Yunus a lancé, au mois de juin, un appel virus, promulgue ainsi une loi l’autorisant à importer
pour faire des vaccins « un bien commun global ». Elle des antirétroviraux. Mais celle-ci est immédiatement
a été signée à ce jour par 155 personnalités, Prix Nobel, contestée par 39 laboratoires, qui saisissent la justice.
ex-présidents et artistes. Le « procès de Pretoria » s’ouvre en mars 2001.
Le lundi 30 novembre, un groupe de citoyens Il est accompagné d’une intense mobilisation de la
européens soutenu par une dizaine d’associations et société civile qui contraint finalement les laboratoires
partis politiques a lancé une « initiative citoyenne à retirer leur plainte. Après cette victoire, l’OMC a
européenne », une procédure permettant de demander complété l’Adpic, au mois de novembre 2001, d’une
à la Commission européenne de légiférer sur un sujet si « déclaration de Doha » qui reconnaît que « chaque
un million de signatures sont obtenues. Son but est de membre a le droit d’accorder des licences obligatoires
« veiller à ce que les droits de propriété intellectuelle, et la liberté de déterminer les motifs pour lesquels de
brevets compris, n’entravent pas l’accessibilité ou la telles licences sont accordées ».
disponibilité de tout vaccin ou traitement futur contre Ces accords prévoient que chaque État doit introduire
le Covid-19 ». un dispositif de licence obligatoire dans sa législation.
Mais ils disposent pour cela d’une grande liberté
d’interprétation. « L’accord de l’OMC est très vague,
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à 70 % par le secteur public, celui-ci devrait avoir un responsable vis-à-vis des dizaines de milliards d’euros
contrôle proportionnel. Or, les brevets appartiennent dépensés, alors que c’est une question fondamentale
à l’industrie. » de financement public. Et, dans le même temps, on
« On finance avec l’argent public et on laisse demande aux gens de rester chez eux. »
la propriété aux industriels. Ce n’est pas un deal
valable, poursuit-elle. Tout le monde est très peu
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