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L2
E21SLMC1
Cours magistral – Énonciation
Enseignement à Distance
Cet enseignement vise à présenter les principaux phénomènes énonciatifs à partir d’exemples
concrets pris dans le discours écrit et le discours en interaction. Les analyses de corpus proposées
s’étendent aux routines conversationnelles et à la ritualité des échanges quotidiens. On abordera
également au passage les rapports entre langage et situation dans les pratiques de parole publique
et professionnelle.
Globalement, nous allons tâcher ensemble de mettre en perspective les notions de Langue,
Discours, Énoncé/ Énonciation, Contexte et Interaction qui constituent des socles essentiels en
sciences du langage, en analyse du discours et dans le domaine de la communication
interpersonnelle et de ce qu’il est convenu d’appeler les « sciences de l’information et de la
communication ». Nous aurons l’occasion de montrer également en quoi ils concernent aussi
directement l’analyste des médias et, à des titres divers, les spécialistes de la médiation
culturelle. On retrouvera par conséquent des références, des connaissances et des démarches
d’analyse sans doute déjà approchées dans le cadre de plusieurs enseignements du semestre
précédent (notamment en E11SLMC : « Langage et communication » ou en E11SLL1 :
« introduction à la linguistique »). Le présent cours est par ailleurs associé à un TD : « analyse
des situations de communication » auquel il n’est toutefois directement relié que par certains
aspects conceptuels ou méthodologiques. Vous constaterez par ailleurs que d’autres cours
reprennent, pour les approfondir, les perspectives théoriques et analytiques qui vont vous être
présentées (tel est le cas en particulier du CM et du TD de « linguistique textuelle »). Il faut
d’emblée concevoir l’ensemble de ces redondances (qui ne sont pas nécessairement des redites)
comme autant d’interactions entre diverses contributions au sein d’un assez vaste domaine de
spécialité : ce dernier constitue à vrai dire plutôt un champ de connaissances pluridisciplinaires, à
l’image des études que vous poursuivez actuellement en vue de l’obtention de la licence.
Plus précisément, comme l’annonce le titre : « énonciation », ce cours vise à présenter dans
ses grandes lignes une conception et un type d’analyse du langage et de la langue qui marquent
l’évolution de la linguistique moderne (depuis la théorisation faite par Ferdinand de Saussure au
début du XXème siècle) et son « éclatement » dans ce qu’on appelle aujourd’hui « les sciences du
langage ». L’inscription de cet enseignement dans le cursus « médias, communication, culture »
s’explique du fait que le langage en tant que faculté et système d’expression verbale permet à
l’homme d’entrer en communication avec ses semblables. Il y parvient par l’intermédiaire – la
médiation – d’un code : la langue, dont le fonctionnement mais surtout les usages relèvent de la
culture, en constituent un des principaux fondements.
Nous étudierons donc le langage et la langue comme système, la langue en situation comme
discours et l’interaction ou « discours-en-interaction »1, l’objectif étant de vous familiariser avec
les principaux concepts et outils de l’analyse du discours et de l’analyse des interactions à partir
de leurs fondements linguistiques.
1 J’emprunte l’expression au titre d’un ouvrage récent de C. Kerbrat-Orecchioni, Le discours en interaction, 2005, Armand
Colin.
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
INTRODUCTION
Comment définir l’énonciation ? Chacun connaît l’acception courante du verbe « énoncer » (exposer,
formuler, parler, s’exprimer…). Or, si on interroge la construction morphologique du terme : « Action de
produire un énoncé »,d’emblée, une distinction se fait jour, entre l’énoncé-produit, qui semble pouvoir
donner prise à l’analyse (celle de données observables, de faits) et l’énonciation-production, peut-être
plus complexe à saisir dans son dynamisme. Cette première approche terminologique suppose ainsi une
activité proprement langagière, une dimension actionnelle : que fait-on, pratiquement, quand on recourt
au langage ? Nous aurons, bien entendu, à nous interroger plus précisément sur la notion d’actes de
langage que le courant pragmatique a étudié spécifiquement2. Mais proprement, un « acte » de langage,
au sens le plus commun, consiste à faire avec, grâce à des mots. Étudier l’énonciation reviendrait de la
sorte à examiner les conditions de production de l’énoncé, d’un énoncé particulier. Or, comme un énoncé
ne saurait être posé dans l’absolu,il lui faut un cadre de repérage. L’un des paramètres les plus notables au
titre desdites productions est évidemment leur environnement, leur contexte. Ce dernier renvoie à son tour
à ce qu’on pourrait appeler le cadre de la production énonciative aux plans physique, social et même
psychologique. Il s’agit d’évidence aussi d’incarnation dans un espace temporel et spatial réel ou
imaginaire : mais saurait-on exprimer une époque, une durée ou un site sans en laisser de traces dans la
pratique langagière qui s’en fait l’écho et l’interface ? Cette précision en appelle une autre : si le contexte
tisse un cadre signifiant, la production de l’énoncé dans ce dernier porte un contenu symbolique, en
d’autres termes : un message. Analyser les paramètres d’élaboration de ce dernier (son émission) n’aurait
pas de sens si l’on ne songeait à étudier comment, selon quelles modalités, il est reçu.
Première dimension de l’investigation sur ce plan : par qui est émis le message ? On a vu en effet qu’il
était question de délivrer un énoncé, ce qui suppose au moins un acte individuel du recours à la langue par
l’un de ses usagers. Un je – appelons-le une instance d’énonciation –est à la source de la fabrication
énoncive. Le rôle du producteur de l’énoncé qui contient le message apparaît en effet essentiel, de prime
abord, dans sa constitution. Point de supputations chimériques, ici, quant à ce que peut réellement
éprouver ou penser le parleur : on peut simplement supposer que ce producteur, qu’il s’agisse d’un
énonciateur, d’un locuteur ou encore d’un sujet parlant, laisse son empreinte dans son produit (de là à
pénétrer son psychisme, il y a un pas que nous ne saurions franchir). Il y a tout de même une certaine
manière d’annoncer une information, de proposer un point de vue, d’avancer un argument, de reprendre
plus ou moins à son compte des paroles ou des pensées d’autrui, etc. Cette attitude de l’énonciateur face à
son propre dire, à son propos, repose linguistiquement sur divers procédés, différents moyens d’exprimer
une relation à des contenus symboliques, de pensée à transmettre. On a affaire là encore à des marques,
des indices qui portent cette modalisation subjective, et même affective. C’est précisément ce type de
traces que nous aurons à examiner en tant qu’elles correspondent à une part résiduelle dans l’énoncé de
celui qui l’a produit.
Le volet suivant de l’analyse, consécutif au premier au plan de la méthode, concerne celui pour qui
l’énoncé a été proféré. Cette fois, c’est un formatage de la réception, du destinataire que nous pouvons
postuler :un tuest ainsi dégagé. Le cadre de l’interlocution ouvre à de nouvelles perspectives de
production et d’interprétation du message. Solliciter l’autre pour qu’il devienne à son tour locuteur, c’est
l’inscrire dans un cadre de coopération ou de compétition qui dessine un espace intersubjectif, porté lui
aussi par les paramètres contextuels qu’il va nécessairement infléchir à son tour… C’est au prix de ces
regards successifs porté sur l’événement que l’on pourra envisager sérieusement l’étude du résultat de
2
On notera en effet qu’au cours du XXème s., deux traditions distinctes ont réfléchi à l’énonciation : d’une part, l’école dite de
la théorie de l’énonciation, essentiellement française, « grammaticale et néo-structuraliste » et, d’autre part, le courant
pragmatique qui regroupe des chercheurs britanniques, anglo-américains et allemands et puise ses racines dans l’approche
logiciste et philosophique. Les deux grandes mouvances se sont progressivement retrouvées depuis une vingtaine d’années.
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 3/30
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
cette énonciation : l’énoncé, le discourset ce qu’ils portent de contenu symbolique en ce qu’il aura été
possible de le définir avec des critères autres que ceux de la simple intuition ou de la structure apparente.
On le voit : dès lors qu’il s’interroge sur le mouvement même du langage et de la relation
interpersonnelle, l’analyste est au risque d’une spirale vertigineuse faite d’emballements et de
questionnements d’une grande complexité. Fort heureusement, des outils de méthode rigoureuse et
prudente permettront de se frayer un passage dans cette jungle foisonnante des données énonciatives.
À lire ce qui précède, on comprendra que la linguistique, quand elle ne s’est pas contenté d’observer
les abstractions de la langue, s’est bien plus longuement préoccupée – en le revendiquant
méthodologiquement – de l’énoncé comme produit délivré, que des mécanismes mêmes concourant à sa
production. Dès lors qu’il s’agira de s’intéresser aux mécanismes d’une production située pratiquement et
symboliquement dans un temps et un espace (physiques et/ou mentaux) donnés et impliquant des co-
producteurs, il deviendra indispensable d’intégrer à l’analyse des données à la fois sociales, culturelles et
psychologiques : c’est une part d’humanité qui va se trouver de la sorte réinjectée dans la science du
langage, si jalouse de son autonomie et de son objectivité formelle. C’est, proprement, « l’homme dans la
langue »3 qui fait son entrée en scène avec les théories de l’énonciation. On s’attachera, dans un premier
temps, à évoquer cette émergence théorique.
3
L’expression est d’Émile Benveniste. J’y reviendrai.
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Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
Chapitre 1 – Des fonctionnements langagiers à la langue située
La dimension anthropologique à laquelle il vient d’être fait référence implique de revenir rapidement sur
la problématique fondamentale qui questionne les rapports complexes entre langue, langage et culture.
1. L’opposition langage VS langues
Le langage est généralement perçu comme le propre de l’homme, la caractéristique majeure de notre
espèce. L’échange de paroles nous semble tellement naturel que nous résistons mal au besoin de nous y
livrer même en présence d’inconnus avec lesquels nous nous retrouvons isolés, voire quand nous nous
retrouvons seuls (trop longtemps), ou, parfois face à … son chien, ses plantes d’intérieur !
Sa maîtrise, au-delà de la communication ordinaire, permet à l’orateur talentueux de briller en société,
son altération est aliénante (troubles (psycho-)pathologiques, sa perte cruelle (aphasie, etc.). Son
apprentissage est toutefois universel, et quasi-spontané chez l’enfant. C’est qu’il s’agit, comme le
montrent les recherches contemporaines (notamment dans le domaine des neuro-sciences) d’un savoir-
faire inné et dépendant de notre structure cérébrale. Dans une perspective évolutionniste, certains
chercheurs (comme N. Chomsky ou S. Pinker) n’hésitent pas à le comparer à un « instinct », comparable
à celui qui permet aux chauve-souris de se diriger grâce à un système de « sonar », etc. Cette question a
jadis été soulevée avec une grande mesure par le « père » des travaux évolutionnistes, Charles Darwin :
Comme […] l'observe un des fondateurs de la noble science de la philologie, le langage est un art, au même
titre que l'art de fabriquer de la bière ou du pain; il me semble, toutefois, que l'écriture eût été un terme de
comparaison bien plus convenable. Le langage n'est certainement pas un instinct dans le sens propre du mot,
car tout langage doit être appris. Il diffère beaucoup, cependant, de tous les arts ordinaires en ce que l’homme a
une tendance instinctive à parler, comme nous le prouve le babillage des jeunes enfants, tandis qu'aucun enfant
n'a de tendance instinctive à brasser, à faire du pain ou à écrire. En outre, aucun philologue n’oserait soutenir
aujourd'hui qu'un langage ait été inventé de toutes pièces ; il s'est lentement et inconsciemment développé par
de nombreuses étapes. Ch. Darwin, 1881, La Descendance de l’Homme, 90-91.
À la fin des années 1950, Chomsky a poussé plus avant cette conception « innéiste » en recherchant
une grammaire universelle, celle d’une « communauté idéale » et d’un « locuteur idéal », sous la diversité
des langues et des cultures, (évoquée ci-dessous). Cette variété a parfois été un peu exagérée par certains
courants anthropologiques. Il peut êtreen
effet parfois tentant de découvrir des ECLAIRAGE Le linguiste nord-américain Noam Chomsky est le
différences fondamentalesdans une société fondateur de la Grammaire générative transformationnelle (GGT). Ce
modèle théorique a considérablement évolué depuis sa version initiale
exotique et dont les mêmes traits échappent (dite « standard ») qui a connu un retentissement mondial, bien au-delà
au regard de l’ethnologue dans le contexte du cercle des linguistes en particulier auprès des spécialistes de
de sa propre structure sociale : on trouve l’ingénierie langagière (traitement automatique des langues) et des
par là ce qu’on était venu chercher (de informaticiens. Ce succès est dû à la grande rigueur de sa formalisation
l’Autre, de l’étrangeté, une auto- théorique (inspirée du rationalisme cartésien) de la syntaxe, au cœur du
modèle. Le principe de base est qu’une grammaire (au sens chomskyen)
justification à sa quête même…). Chomsky doit pouvoir rendre compte de toutes les phrases bien formées
préfère faire abstraction des données grammaticalement, à l’exclusion de toute autre. Un système (fini) de
sociales et culturelles qui, selon lui, règles formelles et de symboles (grammaires syntagmatiques dites « de
parasitent quelque peu une approche du constituants ») permet de générer une infinité de phrases. Pour décrire le
langage comme « expression de la niveau plus « profond » où se lèvent les ambiguïtés syntaxiques et les
structures de phrase en apparence synonymes ou identiques, la
pensée », « propre aux caractéristiques grammaire se fait transformationnelle : elle comporte à ce stade des
mentales de l’espèce ». Il s’oppose enfin, à règles syntagmatiques (produisant des structures abstraites) et de
une conception jugée instrumentaliste du transformation (obligatoires : phrase noyau simple, affirmative, active,
langage comme « instrument de déclarative et facultatives : phrase complexe, négative, passive,
communication », reprise par divers interrogative) L’objet d’étude de Chomsky n’est donc pas bâti sur des
données observables (la performance) mais sur des possibilités intuitives
courants de la linguistique et de que peut avoir un locuteur de la langue concernée (sa compétence
l’anthropologie (en particulier sous l’angle linguistique). La description porte sur les phrases grammaticales
des actes de langage et de l’intention de générées ; la théorie n’a qu’une portée évaluative pour déterminer quelle
communication). Nous verrons que la grammaire générative rend le mieux compte de la langue. Proche du
structuralisme par son formalisme et son évacuation du sens, la GGT
réaction à la radicalité de ces importantes
s’en distingue par sa méthodologie et le dynamisme générativiste.
prises de position a été à sa hauteur (en particulier avec Hymes) !
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Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
De vifs débats agitent ainsi les chercheurs sur ces points essentiels depuis des décennies. Le recours
de Chomsky au rationalisme cartésien a été contesté. Si les sciences cognitives semblent donner en partie
raison aux tenants du chomskysme sur certains aspects de la relation du langage et des fonctionnements
neuronaux, le modèle de la linguistique générativiste a toutefois quelque peu vieilli dans son refus
d’intégrer les rapports certes complexes entre langage et société. L’idée ultra-rationaliste d’un langage
complètement transparent à lui-même et qu’on pourrait réduire à un système purement logique a fait long
feu. Cela ne signifie évidemment pas que des régularités ne puissent pas être dégagées et qu’il n’existe
pas d’organisation sous-jacente. Mais elles ne sauraient être pensées en dehors de l’activité humaine ou
de l’Histoire. La tendance actuelle vise du coup à rapprocher plus systématiquement les disciplines et à
comparer données et résultats obtenus selon des démarches distinctes mais qui s’avèrent souvent
complémentaires.
On retiendra donc que le langage, en tant que faculté que possède l’homme d’entrer en contact
avec ses semblables, se définit donc comme un système d’aptitude à traiter des données
symboliques particulière qu’on appelle des signes linguistiques. Mais on ne peut pas parler de
langage verbal universel. Ce module de traitement de données est socialisé, inscrit dans une
culture et une histoire données, il est « réalisé » dans une langue.
2. Langue et culture
Pour appréhender la teneur foncièrement sociale du langage, il faut préciser ce qui le relie à la
représentation culturelle du monde. Nous verrons plus loin comment la langue forme système. Mais cela
suppose préalablement d’envisager que ce que l’on entend par culture – au sens de sphère unificatrice de
tout ou partie des sociétés – tire grandement sa cohérence de ce que véhicule la – et parfois les – langue(s)
qui y est(/sont) liée(s) à cette culture.
Ce statut particulier des langues, de toute langue, importe évidemment si l’on veut définir les relations
entretenues avec l’ordre du discours et de l’interaction. La thèse bien connue de Whorf (linguiste et
anthropologue nord-américain, qui fut un disciple et collègue de Sapir) postule que la langue véhicule une
vision du monde, une idéologie, au sens de système de signifiés et de symboles. Les exemplessuivants
visent à convaincre de ce rapport fondamental entre langue et culture (dont la conscience n’est pas sans
portée pour un étudiant en communication ou en médiation culturelle !).
Ex :(1) en eskimo (langue des Inuits), il existe 6 à 7 dénominations différentes pour désigner la neige en fonction de ses
qualités. En revanche, chezles Nahuatls, une racine unique permet d’exprimer les équivalents français des substantifs
glace, de l’adjectif froid et d’une expression : « brume de – x » qui, sous une forme suffixée peut signifier neige, selon le
terme auquel elle se rattache.
Ex : (2) en hopi, le temps ne s’exprime pas par distinction d’époques (comme le : passé /présent/ futur des langues indo-
européennes) mais comme un enchaînement continu traduisible par « préparation / résultat ». La temporalité n’est pas non
plus quantifiée en durée. Au reste, concernant toujours l’expression des quantités, cette même langue oppose les
collections objectives (10 hommes) et imaginaires (10 jours).
Ex : (3) La notion de roue liée à un stade technologique a été importée par les Européens dans les sociétés de l’Amérique
précolombienne qui ne connaissaient que celle de disque. Un exemple comparable est donné à l’époque contemporaine par
le linguiste polyglotte Claude Hagège qui indique qu’au cours d’une étude de terrain son magnétophone a été respécifié
par les locuteurs de la langue africaine qu’il était venu décrire, en « calebasse à paroles ».
On pourrait donc formuler le double rapport porté par les exemples ci-dessus comme suit :
En d’autres termes, les cultures produisent les langues qui, à leur tour, portent les cultures. Ce qui ne
laisse pas d’envisager quelques-unes des particularités des interactions verbales interculturelles…
Toutefois, si la relation langue/culture était aussi réductrice, la problématique serait moins épineuse
qu’elle ne s’avère l’être en réalité. Une première difficulté réside dans la notion d’universaux du langage
(c’est-à-dire des catégories propres à toutes les langues du monde). Il semble qu’il en existe quelques-uns,
liés à la fonction pratique et de communication dont le caractère universel ne fait pas problème. R. Lafont
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 6/30
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
(1978 : 103) dénombre cinq catégories (auxquelles s’ajoutent les désignants des parties du corps humain)
qui peuvent répondre aux critères concernés et recouvrir des formes diverses selon les langues :
- les interpellations ;
- les pronoms personnels ;
- les déictiques ;
- les verbes performatifs (au sens de la marque d’attitude du locuteur vis-à-vis de l’interlocuteur et à
son acte d’allocution) [cf. infra chapitre 2 – « énonciation et pragmatique »] ;
- les verbes d’intentionnalité.
Il s’agit cependant là de généralités4 que chaque langue interprète spécifiquement. Au fond, le seul
véritable élément linguistique universel, c’est l’équivalent du pronom JE. Nous verrons que Benveniste
en a fait un argument du caractère essentiel, fondamental de l’instance de discourspour la parole
humaine5.
Les langues sont en conséquence des cas particuliers du phénomène général. On peut ainsi parler
d’« universaux du langage » pour désigner en fait les propriétés communes à toutes les langues ou
encore d’« invariants » linguistiques. Mais chacune d’elles comporte des règles spécifiques de
construction et de fonctionnement.
Ces règles représentent des contraintes de fonctionnement d’une langue donnée à un moment donné
pour assurer la production d’énoncés bien formés. Notons qu’elles ont parfois été inventées de toutes
pièces, dans une visée de grammaire prescriptive (cf. ex. (5)).
Par exemple :
(1) la liste des phonèmes et leurs règles de combinaisons diffèrent d’une langue à l’autre.
(2) Les variantes en français de signifiant du radical du verbe aller : al-(« nous allons»), V- (« je vais»), ir-
(«elle ira»).
(3)Les désinences -a, -a, -am, -ae, -ae, -a des différents cas de la première déclinaison en latin.
(4) Les règles d'accord du participe passé en français contemporain.
(5) L’expression du futur en langue anglaise nécessite l’emploi de shall – will – will (édictée au XVIIème s.).
Ex : les spécialistes de morphologie se servent de l’inventaire des règles pour opérer un classement des langues en
catégories représentatives : langues analytiques, flexionnelles, isolantes, agglutinantes…
En résumé
On peut donc définir la langue comme un
ensemble de faits langagiers observables qui forment un système fermé et dont
l’interdépendance est réglée.
Sur ce point, l’influence de Saussure a assurément été décisive. Le chercheur genevoisa en effet
souhaité faire de la linguistique une science comparable aux sciences dites « exactes » : il s’agit de
dégager des modèles théoriques, d’étudier le système (démarche globale, modélisante, synthétique). Prise
d’un point de vue synchronique, la langue, premier objet de la linguistique, est un objet abstrait que l’on
doit envisager en dehors de tout contexte d’emploi. En effet, les structuralistes tiennent pour impossibles
à la fois la définition de la situation et la description de la relation du locuteur tant au monde réel qu’au
discours qu’il produit, tant en sont complexes les paramètres. D’ailleurs, comme méthode d’analyse
formelle, la linguistique structurale n’envisagerait une telle démarche que si elle se trouvait en capacité de
formuler un modèle dégageant à la fois le détail des traits pertinents de la situation et leur classement
6
Ce domaine, qui est plutôt celui du vocabulaire que du « lexique » a assez rapidement été confronté aux problèmes de
formalisation des usages, ce qui a induit sa recomposition en une « sémantique lexicale ».
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 8/30
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
hiérarchique7. La signification de l’énoncé est conçue comme résidant dans la situation du parleur lui-
même, dans l’empirisme humain : elle est donc clairement renvoyée à la psychosociologie, la
psychanalyse, la sociologie ou encore l’anthropologie.
De même, si la linguistique s’intéresse aux différentes langues c’est pour dégager leurs caractères
communs, pour mieux comprendre le système abstrait qu’est le langage. De toutes façons, l’impossibilité
d’une traduction totale entre deux idiomes a été démontrée…
Mais si on veut aller au-delà de l’unité phrase (dont la définition et le « découpage » notamment à
l’oral font problème) et s’interroger sur les règles de combinaisons interphrastiques (enchaînement entre
les phrases) et sur le texte9, on est obligé de tenir compte des productions langagières effectives
(orales/écrites) et pas seulement d’artefacts.
De plus, les axes d’étude sont tellement nombreux et composites que toute tentative de modélisation
globalisante est impossible, comme en témoigne la diversité historique des options théoriques retenues
pour établir une « grammaire » de la langue[voir fiche « pour mémoire »]
De fait, on ne saurait réduire l’étude de la langue Dès lors que l’on considère, à l’intérieur d’une même langue, les
différences enregistrées dans les corpus – oraux ou écrits – il
à tel ou tel principe théorique, si pertinent et
faut également tenir compte du principe de variation
fructueux soit-il.Par conséquent, réduire la (perspective de la sociolinguistique variationniste de W.
linguistique à l’étude de la langue comme Labov) : « Aucune langue ne se présente comme un ensemble
système abstrait est difficilement tenable. unique de règles. Toutes connaissent de multiples variations ou
lectes, dont la diversité est masquée par les étiquettes au
singulier (LE français, LE turc, etc.) » (M.-L. Moreau, 1997).
Langue / parole : quelle transition ?
D’autant que se pose en effet un autre problème, celui de la parole dont on peut donner les définitions
suivantes :
7 En anticipant quelque peu sur les propositions interactionnistes de la dernière partie du cours, on pourrait dire que l’on
reproche ainsi au mouvement, à la vie, à la complexité de ne pas entrer dans les catégories et les moules pensés pour des
formes se laissant discriminer plus aisément. Rien n’interdit en effet de considérer le contexte, par exemple, non comme un
simple donné mais comme résultant aussi d’une interaction avec les sujets agissants au sein d’un cours d’action. Ce
renversement de point de vue n’a d’ailleurs rien de complexe ; il s’apparenterait même plutôt à une technique éprouvée : celle
du nœud gordien ou de l’œuf de Colomb…
8
Les deux termes distinguent la tradition du français de celle qu’on trouve ailleurs, comme en anglais qui recoupe les deux
notions sous l’appellation language.
9
La théorie structurale a en effet développé une théorie du texte envisagé comme un objet clos sur lui-même et achevé.
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 9/30
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
généralisations. Nous avons vu que cela correspondait à une définition de la langue comme indépendante
de la substance qui lui sert de support.
Par exemple, la substance phonique (les sons de la parole) apparaît d’emblée comme une masse amorphe et
continue : que l’on pense notamment à la séquence sonore que peut percevoir un auditeur d’une langue qu’il ne
connaît pas. Ce matériau sonore (substance de l’expression) est donc à distinguer des phonèmes qui constituent la
forme de l’expression et organisent un découpage (ce sont des unités discrètes), propre au code de la langue
donnée, dans ce continuum indistinct. Ce ne sont donc pas les réalisations particulières (celles de la parole, donc)
des phonèmes qui intéressent le linguiste structural mais bien leur organisation, leur combinaison construisant des
unités de rang supérieur (les morphèmes grammaticaux ou lexicaux) en langue.
On conçoit que le parallélisme ainsi maintenu entre substance et forme de l’expression10 se retrouve
entre les deux structures : forme de l’expression et forme du contenu. Au fond, l’opposition répond à la
double face du signe (image acoustique + concept). Mais cela suppose que la réalité phonique et la réalité
psychique soient parallèles et se répondent. Comme cette question est renvoyée chez Saussure à la
psychologie (qui n’en demandait peut-être pas tant !), on n’en saura pas plus… Du coup, tout le problème
réside dans ce point aveugle de la théorie : comment passe-t-on de la langue à la parole qui l’incarne ?
Saussure considère d’autre part la parole comme indépendante des normes sociales. Cette fois,
l’interrogation inverse de la précédente émerge : comment passe-t-on de la parole (individuelle) à la
langue (sociale) ?
Depuis les débuts de la linguistique structurale, la sociolinguistique et la pragmatique ont montré que
les pratiques langagières obéissent à des règles descriptibles et dépendantes d’un ensemble d’habitudes et
de conventions qui régissent la vie en société. En tout état de cause, si une linguistique de la parole est
difficilement envisageable compte tenu de sa dimension individuelle (cf. les problèmes que pose la notion
de sujet), une linguistique centrée sur le mot et de la phrase est cependant insuffisante pour qui s’intéresse
aux relations entre la langue (code, structure) et les usages de la langue (prise en compte du contexte, des
effets produits, de variations).
Dès lors, la prise en compte des productions langagières dans leur complexité va exiger de se
confronter aux composantes de la situation de communication.Au-delà du rapport langue / parole, s’ouvre
le champ de la réflexion sur la relation énoncé / énonciation et, par suite la perspective du discours. Ce
sont les limitations mêmes du structuralisme linguistique initial qui ont imposé son dépassement par la
refondation d’une linguistique de la langue située.
10 Elle a d’ailleurs été reconduite ensuite par la sémantique structurale au rapport entre substance et forme du contenu, c’est-à-
dire au plan sémique, celui des unités de sens).
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 10/30
Liccence Sciencees du Langagge, « Médiass, Communiccation, Cultuure », L1, sem
m. 2, E21SL
LMC – Énon
nciation
C
CHAPITRE
E II – Des th
héories én
nonciatives
s à l’analys
se du disco
ours
A. La
L linguistique énonciative : une linguistique
e de « deux
xième générration »
En dégageaant clairemeent la notioon de « systtème » de la l langue ccomme codee ne contennant pas
direectement d’iindications sur
s l’usage et e les faits oobservables (soit
( : la « pparole »), Saaussure a claairement
opééré en linguiistique une « coupure ép pistémologiqque » compaarée à celle que Newtonn a imposée dans le
dommaine de l’astronomie. LaL linguistiqque a pu asseeoir sa scien ntificité sur ccette rigueurr de traitemeent qui a
servvi de socle à d’autres disciplines vouées à l’étude de l’H Homme, du Sujet ou de d la Sociétéé. C’est
pouurtant aussi de
d cette basee essentielle que va se déépartir la ling
guistique énonciative auu cours du XX Xème s.
Au fond, lees grands courants ratioonalistes onnt eu le mérrite de distinnguer claireement la natture des
prooblèmes souulevés par l’utilisation du langagee. On relèveera toutefoiss deux gran ndes contraadictions
théooriques qui traversent lees approchess précédentees, qui sont en quelque sorte entreteenus à la foiis par la
ling
guistique strructurale et la grammaaire générattive et qu’oon pourrait résumer co omme deux grands
« mystères
m » à lever
l :
- le mystèère de l’idéaal abstrait du
u système et son appropriiation par le sujet ;
- le mystèère du passaage du code au
a discours, de la languee à la parole.
Voir le
transpareent :Tr
Vers le milieu du XXème s., certaains linguistees et philosoophes du laangage ont aditio
ons
réflléchi plus prrécisément à ces problèmes. Deux grandes
g trad
ditions ont, à partir de énonciaativo-
pragmatiques
perrspectives différentes au départ, œuvvré en ce senns : le couraant pragmattique et la
thééorie de l’én
nonciation. OnO commenncera par aboorder les app ports de cettte dernière
avaant d’envisagger la précéédente et d’eexaminer less convergences qui ont mené aux
démmarches com mmunes au co ours des vin
ngt dernières années.
1. La
L théorie de
d l’énonciation
Elle est néee en domainne francophoone, sous l’éégide d’Émiile Benvenisste (1966 et 1974) et, dans
d une
moindre mesurre, de certainns précurseuurs comme Ch.C Bally(l’u un des discipples suisses de Saussuree) ou G.
Guiillaume. Préécisons d’abbord que le courant énoonciativiste maintient uun certain « cap » théorrique en
reco
onduisant laa distinctionn entre des pratiques
p lanngagières obbservables eet la langue, conçue com mme un
objet théorique élaboré pouur rendre commpte, préciséément, de l’oobservable.
Mais, contrrairement à Saussure,
S Beenveniste défend l’idée queq la languue contient des
d indicationns utiles
à l’acte de parrole, des alllusions à l’uusage. Cettee différencee est bien évvidemment fondamentaale. Elle
nsiste d’aborrd à prendre en considération le sujeet et sa particcipation dans l’usage qu
con u’il fait de la langue.
« L’énonciation
L n est cette mise
m en fonnctionnemennt de la langgue par un acte indiviiduel d’utilissation »
(Beenveniste, 19970/1974 : 12).
L’objet de la linguistiqque énonciaative, à partiir de l’oppoosition fondaatrice discouurs (marquees de la
sub
bjectivité de l’énonciateuur) / récit (aabsence de m marques subbjectives danns l’énonciaation historiqque) [cf.
infrra 2.2 Les plans
p d’énon nciation] devvient l’analyyse de tous les
l éléments qui permetttent de rattaacher un
énooncé à un loccuteur et à un
n moment do onnés mais aaussi de com
mprendre la m manière donnt ce locuteurr met en
scène d’autres voix
v que la sienne
s (discoours rapportéé, notammennt).
énonciation
(« événement historique que constitue l’apparition d’un énoncé » - Ducrot)
L’énoncé sera donc envisagé comme le résultat de cette mise en œuvre qui fait intervenir à la fois
une activité d’extériorisation (élocution / écriture) et des processus cognitifs reposant sur la faculté du
cerveau à mémoriser et à anticiper13.
Pour compléter, il faut associer au couplage énoncé / énonciation la distinction entre énoncé-type et
énoncé-occurrence. En tant que type, un même énoncé peut se retrouver dans des situations variées mais
en tant qu’occurrence il est assumé par une énonciation à chaque fois distincte.
2. Grammaire de l’énonciation
Le locuteur, l’interlocuteur, le lieu et le moment de l’échange caractérisent la situation d’énonciation.
Ce que l’on appelé une« grammaire de l’énonciation » – à partir de la description fondatrice par
Benveniste des marques formelles – étudie et répertorie les formes langagières qui marquent dans le
discours ces quatre paramètres. Il faut donc décrire un ensemble de structures linguistiques, en particulier
morphosyntaxiques, qui résultent dans l’énoncé d’un certain nombre d’opérations mentales. On
s’attardera plus particulièrement sur celles d’entre elles qui renvoient plus précisément à la situation de
communication, la référence, les plans d’énonciation et la modalisation.
Le travail sur l’énonciation suppose donc, on vient de le voir, d’être capable d’identifier ces formes :
- les indicateurs personnels (le système des pronoms et les procédés de substitution, de reprise
anaphorique) locuteur et interlocuteur ;
Voir fiche :
12
Article : « énonciation », Termes et concepts pour l’analyse du discours : une approche praxématique, p. 103.
13
Vous ne manquerez évidemment pas de mettre en relation ce cadre définitoire et les précisions portées dans l’encadré de la
page précédente : « énonciation et actualisation ».
14
Mot traduisant l’anglais shifters. Ce terme est initialement emprunté par Jakobson (1963 : 187 sq.) au linguiste danois Otto
Jespersen.
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 13/30
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
- les déictiques spatio-temporels (démonstratifs, présentatifs, adverbes, adjectifs
Le point sur
qui désignent/renvoient à la situation par rapport au « sujet » de l’énonciation) personnes et
lieu et moment de l’échange ; déictiques
- les temps verbaux (ce sont des déictiques spatio-temporels parce qu’ils dépendent du moment où
le locuteur parle).
a) Personne et non personne ECLAIRAGE La grammaire a imposé un découpage
Traditionnellement, Je et tu représentent des « personnes », traditionnel en trois personnes associées
et appartiennent à la classe grammaticale des pronoms respectivement à des rôles locutifs liés à l’action
personnels. Benveniste a profondément refondu cette verbale (je, tu, il/elle court). L’histoire de cette notion
permet de comprendre combien la relecture
conception en distinguant les indices qui renvoient à la énonciative est apte à rendre compte d’un phénomène
situation d’interlocution selon qu’ils réfèrent à une personne linguistique et aide à comprendre certaines de ses
(subjective : « je » ; non subjective : tu) ou à une non- contradictions apparentes. D’abord on constate que la
personne (« il »), plus exactement à une instance qui, notion de <personne> est propre à toutes les langues,
contrairement aux précédentes, ne participe pas à la relation c’est ce que l’on appelle un des universaux du
langage. Toutefois, cela ne veut pas dire que toutes
d’allocution. Seul l’acte individuel d’énonciation permet de les langues l’expriment de la même façon, avec le
connaître le référent de ces énoncés-occurrences. Il s’agit au même découpage ou le même type de formes
reste d’embrayeurs qui assurent par excellence la transition grammaticales et syntaxiques. On trouvera en annexe
de la langue au discours : le je réfère à celui qui assume son un tableau comparant plusieurs langues sur ce point.
statut d’énonciateur et ouvre à l’allocutaire la possibilité de Ensuite, la personne grammaticale, pour les mêmes
raisons, ne se réduit pas aux pronoms personnels. Le
le devenir à son tour. Ce faisant, il se pose en maître du terme de personne est issu du latin persona qui
système linguistique (pour la durée de son tour de parole) et signifie d’abord « masque de théâtre » (probablement
devient le critère de réalité à partir duquel l’ensemble de la en droite ligne de l’étrusque phursa, de même sens)
situation et de l’énoncé peut prendre sens. puis « personnage » avant d’avoir pour sens
« personne humaine » et enfin « personne
grammaticale ». Toutefois le mot grec ancien
b) La coénonciation
prosopon (traduisible par : « visage » ou « façade »
Si, , tout allocutaire peut assumer, par réversibilité, le rôle de puis « personne physique » > « masque » >
locuteur – au sein d’une situation de communication qu’il « personnage » > « personne grammaticale ») est
partage avec lui, notamment dans le cadre du dialogue et de antérieur. Pour certains spécialistes (comme F.
la conversation – ce dernier est en permanence amené à Létoublon 1994 : 10 sq.), cela montre peut-être que la
métaphore théâtrale ne vient qu’après la référence à la
anticiper sur les réactions de son interlocuteur. Cela élargit le
situation de face à face. Quoi qu’il en soit, on
principe même d’une énonciation individuelle à un entrevoit par là la portée anthropologique et culturelle
processus qui repose fondamentalement sur le couple Je / tu, de la manière dont chaque langue envisage
c’est-à-dire à un principe de coénonciation (Culioli). l’expérience et le rapport au monde.
c) Allocutaire VS auditeur
La plupart des énonciateurs usent des marques d’allocution. L’allocutaire constitue selon Ducrot un
rôle conféré par le discours. Connaître le contexte ne suffit pas. En revanche, l’auditeur est indépendant
de la compréhension de l’énoncé. La connaissance de l’environnement est une condition suffisante.
Notons que si l’on peut avoir le statut d’auditeur sans avoir été considéré comme allocutaire (« les murs
ont des oreilles » !) on peut aussi, même si le cas est moins fréquent allocutaire sans être auditeur. Telle
est la situation littéraire des prosopopées qui évoquent la figure d’un être fictif ou disparu :
En voici un exemple fameux et très souvent cité par la plupart des manuels de rhétorique :
« Ô Fabricius ! qu’eût pensé votre grande âme, si, pour votre malheur, vous eussiez vu la face pompeuse de cette Rome
sauvée par votre bras, et que votre nom respectable avait plus illustrée que toutes vos conquêtes ? “ Dieux ! eussiez-vous dit,
que sont devenus ces toits de chaumes et ces foyers rustiques qu’habitaient jadis la modération et la vertu ? […] Insensés !
Qu’avez-vous fait ? Vous, les maîtres des nations, vous vous êtes rendus les esclaves des hommes frivoles que vous avez
vaincus ! ” ». J.-J. Rousseau, Discours sur les sciences et les arts.
Dans cette feinte du discours, le sujet parlant Rousseau – le locuteuren titre– régit sous le discours de l’orateur un
énonciateur qui ne s’adresse plus directement à ses coénonciataires (ses lecteurs - destinataires) mais qui interpelle une figure
célèbre du passé de Rome : un consul du IIIème s. passant pour un modèle de vertu, lequel ne saurait évidemment assumer le
rôle d’auditeur. Les paroles supposées de l’apostrophé sont ensuite rapportées, comme en réponse à l’adresse qui l’a sollicité.
Mais des figures du passé l’évocation peut être généralisée à celles tout simplement… « passées » : cf.
par exemple l’apostrophe : « Ô toi que j’eusse aimé, ô toi qui le savais ! » dans le poème de Baudelaire, À
une passantedont je vous propose, à titre d’exercice (sur la première fiche concernée), d’analyser les
formes d’embrayage.
Il va de soi que de multiples valeurs sont associées à l’ensemble des morphèmes considérés, qui ont
fait l’objet d’une réflexion nourrie au cours des dernières décennies.
Le travail sur les temps verbaux dans la perspective énonciative donne lieu à une distinction
importante entre les plans de l’énonciation :
- plan de l’histoire (pas d’implication du locuteur) le couple imparfait-passé simple
- plan du discours (implication du locuteur) tous les temps sauf le passé simple
Cette opposition a été reprise et développée par D.Maingueneau qui propose de la refondre comme
suit :
- plan d’énonciation embrayé (marques déictiques de la présence du locuteur)
- plan d’énonciation non embrayé (pas de marques déictiques)
L’une des raisons de cette révision vient de ce que, très souvent dans un texte, plan de l’histoire (non
embrayé narratif) et du discours (embrayé) alternent effectivement.
b) Phrase et énoncé
Laurent FAURE, Université de Montpellier III – Paul-Valéry 15/30
Licence Sciences du Langage, « Médias, Communication, Culture », L1, sem. 2, E21SLMC – Énonciation
- Dans la tradition grammaticale comme en linguistique structurale, une phrase constitue une entité
théorique abstraite. Les critères retenus qui prévalent pour l’écrit sont la lisibilité, la grammaticalité,
l’intelligibilité. Mais à l’oral, ils ne sont pas discriminants.
Ex : une réponse du type « Moi non » ne constitue pas à proprement parler une phrase.
L’émission d’une interjection (comme ah ! ou hélas ! ou flûte !) pas davantage. Il s’agit pourtant
bien d’un énoncé parfaitement interprétable. Elle ne relève pas donc pas d’un problème de
lisibilité, mais sa grammaticalité et son intelligibilité posent problème car elles dépendent du
contexte de production.
- D’autre part, une analyse théorique de la phrase ignore la question du sujet, les marques de son
inscription dans le discours. Or, c’est bien le sujet qui transforme (actualise, réalise) la langue en
discours. Cette question du sujet constitue l’apport décisif de linguistique énonciative, d’autant qu’il ne
s’agit pas d’une conception classique du sujet qui maîtriserait le contenu de ses propos, mais d’un sujet en
relation avec son environnement, en quelque sorte « pris » dans le fonctionnement social qui fonde
l’énonciation :
On voit que les approches énonciatives, en particulier à travers le questionnement de la deixis, ont levé
une barrière capitale pour la théorie linguistique. En effet, alors que cette dernière déduisait sa
scientificité de sa clôture sur elle-même, de sa mise à l’écart volontaire du réel,
On ne va plus alors parler de phrase au sens de phrase-modèle (celle des grammairiens et des manuels
scolaires) mais de phrase réalisée par un locuteur, ou encore d’ « événement » (Benveniste ; Ducrot),
donc d’énoncé, d’énonciation, de situation d’énonciation, de modalités d’énonciation.
2.3 La modalisation
Attention : Il s’agit là d’une terminologie ambiguë.On parle en effet parfois de « modalité » dans des
emplois qui peuvent recouvrir deux ordres de réalité très différents, relatifs d’une part à l’acte
d’énonciation (a), d’autre part au contenu de l’énoncé (b).
a) Modes d’énonciation
l’acte d’énonciation se réalise selon trois modes :
énonciation directe (présence des participants)
énonciation différée (participants distants dans le temps et/ou l’espace)
énonciation rapportée (propos reproduits et intégrés dans l’acte d’énonciation)
Ces trois modes peuvent se combiner (direct/rapporté ; différé/rapporté)
b) Modalités énonciatives
Elles distinguent le contenu de l’énoncé de la manière, explicite ou implicite (= marquée ou non dans
le discours), dont il est formulé.
- dispositions psychologiques du locuteur en relation avec l’interlocuteur (modalités énonciatives)
cf. phrases et modalités déclarative, interrogative, exclamative, impérative
- degré d’adhésion du locuteur aux propos qu’il tient (modalités d’énoncé ou modalisations)
modalités relatives à la représentation du temps (passé et futur), à la nécessité/la possibilité,
la permission/l’obligation, le désir/le regret, la connaissance/la croyance
modalités appréciatives
Dans la perspective énonciative, le matériau d’un énoncé peut être un mot, une suite de mots, une ou
plusieurs phrases. En d’autres termes, un même acte d’énonciation peut être réalisé avec des formes
linguistiques diverses :
ex : ouste !/ Dehors / Sortez ! / Je vous demande de quitter la salle immédiatement
D’où le tableau :
cotextuelle situationnelle
in praesentia / in absentia
(désignée) (évoquée)
e) Construction de la référence
La construction de la référence engage la double question de la construction des significations (partage
des connaissances et des négociations de sens dans l’interaction) et du point de vue (problème de
« l’objectivité / subjectivité » de l’énonciation).
Deux cas sont à considérer :
- le locuteur présente l’objet du monde comme identifiable par l’allocutaire
- il le présente comme non identifiable
Si l’objet est présenté comme non identifiable, le locuteur a recours à des déterminants indéfinis
(« Pakistan : plusieurs centaines de victimes »)
Si l’objet est présenté comme identifiable, deux possibilités s’offrent au locuteur :
soit l’objet va être développé dans l’énoncé en référence cotextuelle (intradiscursive)
ex : le début des contes « Il était une fois une belle princesse qui vivait dans un immense château… »
soit l’objet renvoie à une réalité extérieure, il est développé en référence situationnelle, mais de
manière « objective » (noms propres, informations précises, absence d’implication du locuteur) et/ou de
manière « subjective » (recours à des embrayeurs qui sont en rapport avec le locuteur, qui marquent son
point de vue : emploi du pronom « je », déictiques, identification des actants, choix lexicaux)
e) La référence dans les récits fictionnels et factuels
Dans les récits fictionnels qui construisent des événements imaginaires (la plupart des romans
indépendamment des éléments situationnels), les objets développés en référence cotextuelle
(intradiscursive) autorisent des repérages « objectifs » (les noms propres créés par Flaubert : « Madame
Bovary », « L’Hirondelle »), « subjectifs » (par rapport au sujet de l’énonciation, ex. la bataille de
Waterloo « vue » par Fabrice dans Le Rouge et le noir de Stendhal) et combinent les deux (dans le cas
d’un observateur-narrateur, ex. L’Etranger de Camus : « Ce matin maman est morte »).
Dans les récits factuels (reportages journalistiques écrits / télévisuels) qui racontent des événements qui
ont eu lieu (référence situationnelle), on trouve des repères de lieu et de temps (localisation,
identification) objectifs mais aussi subjectifs (« Nous sommes au quartier général du candidat… »). Si le
journaliste est sur les lieux – ou feint d’y être –, il peut être amené à donner des repères composites mi-
objectifs et/ou subjectifs (« À quelques pas de moi, derrière cette porte, le vainqueur prépare son
discours…»)
2.5 Limites de la grammaire d’énonciation
Les travaux sur l’énonciation ne s’éloignent pas, comme on le verra, des perspectives d’analyse du
discours : on cherche à dégager des règles fixes, grâce auxquelles, dans une langue donnée, on peut savoir
qui parle, à qui l’on s’adresse, à quel moment, dans quel lieu, selon quel point de vue.
D’où la formule de D. Maingueneau : « dans l’énonciation, tout ne relève pas de l’individuel, du
chaotique… […] une part notable peut en être décrite en termes de système » (1994/1999 : 10).
1. La notion de performatif
Austin définit les énoncés performatifs comme des
énonciations qui reviennent à faire quelque chose, simplement en les énonçant.
Ex : le « oui » proféré lors d’un mariage ; les formules rituelles à l’occasion du baptême d’un bateau ou d’un
testament.
Ce énonciation ne décrivent pas mais effectuent (au sens de l’anglais : to perform) des actes. Dans ces cas,
DIRE, c’est FAIRE.
3. Les performatifs
Austin constate que les verbes performatifs peuvent être :
– à la voix passive (« vous êtes autorisé à sortir » = je vous autorise à sortir)
– ou à l’impératif (« sortez » = je vous ordonne de sortir)
En revanche, un énoncé non performatif (qui consiste à décrire l’action) comme « je cours », revêt la
même forme grammaticale que « je parie », qui est un performatif. D’autre part, tout impératif (par
exemple : « partez ! ») est un performatif mais de façon très vague : conseil, ordre, menace, requête, etc.
Par contrecoup, les performatifs primaires englobent d’autres types d’énoncés que les impératifs. Par
exemple, « le taureau va charger » peut signifier un avertissement. Dans ce sens, expliciter un performatif
primaire revient non plus à décrire un acte accompli mais à manifester l’intention pragmatique du
locuteur (l’émetteur). En fait, Austin va peu à peu montrer que même les assertions qui sont apparemment
« descriptives » (ou encore « constatives ») peuvent être analysées en A. L. Dans cette optique, il va
essayer d’établir une liste de verbes incontestablement performatifs au plan sémantique. Il va cependant
se heurter au problème de l’assertion (du type : « j’affirme que… », « je soutiens que… », etc.) dont le
contenu performatif n’est, du coup, pas évident. Ce constat a ainsi amené une refonte et une reformulation
de l’ensemble de la théorie.
Ces trois aspects s’avèrent, en fait, toujours présents dans une énonciation, ce que tente de représenter
le tableau ci-dessous :
Acte LOCUTOIRE
Locution
force / « valeur » ILLOCUTOIRE
sens littéral (volonté du locuteur) effetsPERLOCUTOIRES
INTENTION
conventionnelle non-conventionnelle ( récepteur)
Une premières série d’exercices facultatifs vous est proposée dans le répertoire : supports. Ils portent
essentiellement sur les problèmes d’analyse énonciative, à l’exclusion d’application de la théorie des
actes de langage, qui font l’objet d’entraînements spécifiques dans la partie TD « Analyse des situations
de communication ».
Embrayage et subjectivité
À UNE PASSANTE
Charles BAUDELAIRE
2. a) Analysez les marques de 3ème personne dans les paragraphes 4 et 5 en les distribuant
selon leur valeur énonciative. En quoi s’inscrivent-elles dans l’argumentation du discours
produit ?
b) Étudiez [ relevé, classement et interprétation par mise en relation] les marques
modales des paragraphes 2, 4 et 6.
c) Montrez que, dans le dernier paragraphe, les formes pronominales et verbo-temporelles
reflètent synthétiquement la cohérence globale du texte.
En réalité nous connaissons une époque où la naissance des médias est encore
beaucoup trop récente. Nous vivons sous le choc de leur nouveauté, et ce qu'ils
permettent de faire nous paraît proprement fabuleux, parce que beaucoup d'entre nous
ont été enfants à une époque où rien de cela n'était possible ou même envisageable. La
télévision semble mettre le monde entier dans notre appartement. Elle garde, de ce fait,
une auréole un peu magique. Sa puissance technique est tellement spectaculaire que
nous sommes conduits, presque inconsciemment, à lui prêter des pouvoirs extra-
techniques qu'elle est loin de posséder. Les médias sont réputés capables de
transformer le monde simplement parce qu'ils sont en mesure de nous livrer ce qui
restait totalement hors des prises de nos parents. On a exagéré leurs effets et leur
influence : il est probable que les générations futures, habituées, seront beaucoup
moins impressionnées que nous.
Des comportements plus rationnels vont apparaître. Déjà nos enfants, très
clairement, n'éprouvent plus l'admiration violente que nous ressentons à l'égard des
performances techniques des mass médias. Ils ne sont nullement blasés, comme on le
dit trop souvent et stupidement. Personne parmi nous ne s'extasie plus devant une
automobile qui roule à 60 km à 1'heure : c'était pour nos grands-parents un spectacle
proprement ahurissant et qui les plongeait dans la stupéfaction.
L'humanité va s'habituer aux médias comme elle s'est accoutumée à tous les
perfectionnements techniques qui ont jalonné son évolution. La crainte devant une
éventuelle dictature des médias ne fait que répéter les vieilles peurs dont se sont
accompagnées toutes les inventions transformant la vie quotidienne des hommes. Il n'y
a rien de spécifiquement nouveau dans cette affaire. Qu'on pense par exemple aux
prévisions apocalyptiques de quelques brillants esprits lorsque les trains ont fait leur
apparition. Beaucoup étaient en effet persuadés, de bonne foi, et l'ont écrit, que les
voyageurs de « ces drôles de machines» allaient contracter diverses maladies dues à la
vitesse, au combustible, à la pression, etc. Bref~ toute une série de calembredaines, de
mythes, d'illusions, ont circulé à cette époque, et cet exemple pourrait être multiplié. Le
phénomène des médias nous place dans une situation identique. Tirons au moins les
leçons de l'histoire, et ne replongeons pas dans les affirmations absurdes. Cela ne veut
cependant pas dire que les médias sont en tout point comparables aux inventions
techniques qui les ont précédés. Ils ont, certes, de nombreux traits communs avec
celles-ci, mais ils possèdent aussi des caractéristiques particulières, dont il y a lieu de
tenir compte si l'on veut dégager à leur égard une attitude cohérente. Là encore il faut
faire la part des choses. Jamais en effet l'humanité n'avait produit des instruments aussi
puissamment uniformisants que les médias. Radio, télévision, cinéma, bandes
dessinées, atteignent désormais une audience mondiale : le succès universel des grands
reportages, de certains feuilletons télévisés, de quelques aventures dessinées (Tarzan,
Tintin, Astérix), montre bien qu'une nouvelle forme de participation collective a pris
naissance, même s'il ne s'agit pas de consommation véritablement collective, mais
d'une masse énorme de consommations individuelles juxtaposées. Simplement, rien ne
3. Dégagez les plans d’énonciation de l’article suivant (en vous appuyant notamment sur un
classement des indices d’interlocution et de ceux propres aux énonciateurs rapportant et
rapporté).
LA PRESSE DÉBORDÉE PAR LES AFFAIRES
Dans la famille « journalisme d'investigation », je voudrais... Tintin reporter, bien sûr, dans le rôle
emblématique de l'infatigable enquêteur. Ou Albert Londres, dont le reportage à Cayenne, en
1923, fit fermer le bagne de l'île du Diable. Ou encore Woodward et Bernstein qui, pour le
Washington Post, écrivirent le feuilleton du Watergate jusqu'à obtenir la démission de Richard
Nixon, alors président des États-Unis. C'était en 1974. Combien de journalistes ont depuis choisi
ce métier pour suivre les pas de leurs glorieux aînés ? On les suppose légion, ces jeunes apprentis,
désireux d'enquêter là où on ne les attend surtout pas, espérant mettre un peu de transparence là où
il n'y a qu'opacité, organisée ou non. Or, dans une étude sociologique publiée en 1999 et consacrée
aux lettres de motivation des 1665 candidatures à l'IUT de journalisme de Bordeaux, Édith
Rémond démontre le contraire. Ce professeur à l'université de Bordeaux constate en effet que, sur
les 470 dossiers étudiés en détail, « les candidats sont peu nombreux (quatorze seulement) à
mettre en avant le fameux journalisme d'investigation, qui a pourtant connu, dans la décennie 80,
des heures de gloire mythiques ». Elle ajoute : « Voilà une dimension du métier qui a disparu de
l'horizon du rêve. »
Que s'est-il donc passé pour que ces aspirants à la carte de presse, originaires de toutes les régions
de France, affichent un tel manque d'intérêt pour cette facette du métier ? Premier élément de
réponse : la majorité d'entre eux espère travailler dans l'audiovisuel, qui, pour l'essentiel, a laissé à
la presse écrite cette responsabilité. Dernier exemple particulièrement frappant: la cassette de
Jean-Claude Méry. Avant de mourir, ce promoteur immobilier haut placé dans l'appareil du RPR
révélait devant une caméra comment a été organisé le système de financement occulte du parti
gaulliste. Or, qui publie pour la première fois ce témoignage accablant ? Pas les chaînes de télé, à
qui pourtant la cassette audiovisuelle avait été proposée en priorité et qui l'ont visionnée, mais ...
Le Monde.
La modalisation
4. Dans ce texte de Chateaubriand, relevez
(1) les modalisateurs et
(2) les modalités phrastiques successivement exprimées.
Une insolation
Si j’ai jamais eu un moment de désespoir dans ma vie, je crois que ce fut celui où, saisi d’une
fièvre violente, je sentis que mes idées se brouillaient et que je tombais dans le délire : mon
impatience redoubla mon mal. Me voir tout à coup arrêté dans mon voyage par cet accident ! la
fièvre me retenir à Kératia, dans un endroit inconnu, dans la cabane d’un Albanais ! Encore si
j’étais resté à Athènes ! si j’étais mort au lit d’honneur en voyant le Parthénon ! Mais quand cette
fièvre ne serait rien, pour peu qu’elle dure quelques jours, mon voyage n’est-il pas manqué ? Les
pèlerins de Jérusalem seront partis, la saison passée. Que deviendrais-je dans l’Orient ? Aller par
terre à Jérusalem ? Attendre une autre année ? La France, mes amis, mes projets, mon ouvrage que
je laisserais sans être fini, me revenaient tour à tour dans ma mémoire.
Extrait de : Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem
Énonciation et subjectivité
DOCUMENTS : Trois articles sur un même cambriolage (D'après C. Fuchs "Variations discursives" Langages
n° 70)