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centrale d'agriculture,
sciences et arts du
département du Nord
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Jusqu'au XVIIe siècle, époque où l'échevinage trans-
porta son siège au Palais Rihour, toutes les exécutions
avaient lieu sur le Marché en face de la Vieille Halle
échevinale (i), c'est-à-dire sur l'emplacement compris
actuellement entre le nouveau Théâtre et la Vieille
Bourse : ' c'était là que se dressait l'échafaud sur lequel
le condamné subissait la peine du feu ou était décapité
par le glaive, l'usage de la hache étant inconnu à
Lille. Sauf des cas exceptionnels, ceux qui étaient
condamnés au supplice du feu n'étaient pas complète-
ment incinérés mais « échaudés », car le patient était
attaché à un poteau fixé sur une plate-forme disposée
sur des tréteaux de bois, puis il était recouvert de
fagots et de bottes de paille auxquels on mettait le feu.
Lorsque le condamné était mort autant par suffocation
que par les atteintes des flammes ou, quand par commi-
sération, il avait été (( expédié » par le bourreau, l'aide
de ce dernier éteignait le brasier à l'aide de seaux d'eau
pour empêcher le feu de se communiquer à l'échafaud
de bois. Le corps du supplicié, carbonisé, traîné sur une
claie, était pendu à l'une des fourches patibulaires en
dehors de la Ville.
Devant la Halle échevinale s'élevait aussi le gibet
pour les exécutions par la corde. Suivant les nécessités
il était constitué par une potence simple ou double, en
forme de tau.
La potence qui se trouvait devant la halle échevi-
nale et les échelles qui servaient aux pendaisons étaient
(i) Lorsque les faux monnayeurs avaient été jugés par les officiers
du comte, ils étaient bouillis au riez de la Madeleine, où est située de nos
jours en cette commune la rue du Ohaufour.
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peintes en brun rouge et revêtues d'inscriptions en
lettres blanches.
Un acte du 19 août 1630 conservé aux archives
départementales, dans le fonds du tabellion, en fournit
la preuve.
On y lit en effet que Martin Doué, demeurant en
ceste ville de Lille atteste que (( devant la maison esche-
vinalle de ceste ville, ou estoit dressé la potence et une
eschelle double dressée contre la dicte potence, laquelle
eschelle estoit paincte de brun rouge à l'huille, sur l'un
des eschellons du hault d'icelle estoit escript en lettres
blanches à l'huille, laquelle escripture estoit en lettres
romaines... » (1).
Dans certains cas d'exécution précipitée comme cela
se produisit en 1551, on pendait purement et simplement
les coupables aux fenêtres de la maison de Ville.
La Chronique lilloise de Mahieu Manteau en signale
des exemples.:
1551. — Au dit an fut pendu de nuict en la maison de
ville, un jeune homme âgé de 20 ans lequel fut pendu-pour
larcin et la cause pourquoy oui fut pendu de nuict cesloit qu'on
craindoit qui ne fut secouru de l'evesque de Tournai à cause
qu'il estoit clercq et donc sur le jour fut rependu aux fenestres
de la maison de ville; il y demeura jusque au soir afin qui fut
veu d'un chacun pour exemple; et puis après fut rependu au
gibet de la ville.
1551. — ...fut desrobé au chevalet d'or
par nuict, lesquels
montant par une eschelle par une chambre; en lequel y avoit
(1) Arch. dép. du Nord. - Fonds du tabellion. - Reg. des actes passés
devant Jean de Ghestem dans les six derniers mois de l'an 1630, f° 64. -
Cf. ,L. Quarré-Reybourbon: Martin Doué, peintre, graveur, héraldiste et
généalogiste lillois 1572-1638. - Lille, Lefebvre-Ducrocq, 1903, p. 9.
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dudit pillory avec les reprinses et plusieurs pièces, LXXV 1. (Arch. com. de
Lille - Comptes de la ville - Année 1525-1526).
Cf. Houdoy. - La joyeuse entrée des altesses sérénissimes Albert et
Isabelle, février 1600. - Lille au XVIe siècle. — Bull, de la Commission
historique du dép. du Nord, t. XII, année 1873, p. 419, note 3.
(1) 1639. - Le 22 d'aoust, le pilori fut abatu lequel estoit auprès de
la fontaine au change après avoir esté planté et placé l'espace de 115 ans.
(Chronique de M. Manteau).
(2) Mgr Hautecoeur. - Histoire de Saint-Pierre de Lille, t. I, p. 219,
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(i) Cf. Jules Loiseleur. - Les crimes et les peines dans l'antiquité et
dans les temps modernes. - Paris, Hachette, 1863, p. 131.
L'échelle était une espèce de pilori ou l'on mettoit les bigames etc.
Il y a encore à Paris l'échelle du temple. — Jousse. - Traité de la justice
criminelle de France. - Paris, 1771, t. I, p. 134. —• Des anciens supplices
qui étoient en usage en France, en Allemagne. - 11 - Echelle.
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Ces gibets étaient formés de poteaux et plus souvent
de piliers supportant les poutres transversales pour y
suspendre les corps. Le nombre des piliers était propor-
tionné à la puissance du seigneur justicier (i).
La plupart du temps, ces justices étaient constituées
au moyen âge par des piliers de maçonnerie dont l'im-
portance et la disposition donnaient parfois à ces gibets
un caractère monumental; tel était le cas du célèbre
gibet royal de Montfaucon décrit et reproduit par
Viollet-le-Duc (2).
A Lille, au contraire, les diverses justices dissé-
minées autour de la ville, établies en bois (3), devaient
être de chétive apparence, et les chroniqueurs locaux
nous signalent à diverses reprises l'une ou l'autre de
ces justices renversée par l'ouragan. Lorsqu'un gibet
tombait, on le reconstruisait aux frais du comte, et le
châtelain n? fournissait que le bois (4).
Ce n'est guère qu'au début du XVIIe siècle que
l'on songea à remplacer ces gibets établis autour de la
ville à l'aide de potences et traverses de charpente par
d'autres construits plus solidement avec des piles de
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à la même heure : les habitués du théâtre de l'Hôtel de
Bourgogne s'étaient portés en masse à la place de Grève
pour assister à un spectacle d'un genre bien différent!
Devant une telle mentalité atteignant même, comme
on vient de le voir, les classes réputées les plus édu-
quées, combien étaient admirables ces confréries de
Miséricorde dites de la Sainte Face, de Saint Jean
décollé — et soit dit en passant, ces pieux vocables rap-
pelaient eux-mêmes un supplice — sodalités, si floris-
santes dans nos régions du Nord de la France, qui, de-
vançant nos théories humanitaires les plus modernes,
n'hésitaient pas à assister les condamnés jusque dans
leurs supplices, à donner une sépulture décente à leurs
restes, rendus parfois informes par la main du bour-
reau; alors que le condamné, objet de la réprobation
générale, criminel sans doute, mais malgré tout un être
humain, n'avait aux yeux du public de l'époque, pas
plus de valeur que, de nos jours, les cobayes et les chiens
dans nos laboratoires de vivisection !
Malgré les efforts des philosophes et moralistes
tendant à améliorer nos conceptions sociales, il est,
hélas ! des maux avec lesquels il semble que nous soyons
toujours condamnés à vivre: des exécutions capitales
ensanglantent aujourd'hui encore le sol de notre ville,
mais heureusement à des périodes très espacées.
Sans doute, on ne voit plus comme jadis, des gibets,
des piloris, des justices, dressés à l'état permanent dans
notre cité.
S'il est vrai que les arrêts de nos cours d'assises
portent que les criminels condamnés à mort auront la
tête tranchée sur une place publique; lorsqu'une des
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