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Mémoires de la Société

centrale d'agriculture,
sciences et arts du
département du Nord

Source gallica.bnf.fr / Université Catholique de Lille - Bibliothèque


Société nationale d'agriculture, sciences et arts (Douai, Nord).
Auteur du texte. Mémoires de la Société centrale d'agriculture,
sciences et arts du département du Nord. 1923.

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Les
Exécutions des Sentences Criminelles
à Lille avant la Révolution.

Communication faite par M. Em. THÉODORE,


Conservateur Général des Musées du Palais des Beaux-Arts de Lille,
Membre correspondant (1).

J'ai déjà pris la parole devant vous, Messieurs, pour


vous entretenir d'un pendentif de patenôtres en vermeil,
joyau ayant appartenu à Jacqueline de Lalaing, 22""
abbesse du monastère de Flines.
C'était en 1912... le bon temps !!... Je retrouvais si
volontiers alors M. le baron Boissonnet, M. Alexandre
Favier, M. Poncelet, M. le baron Amaury de Waren-
ghien qui voulaient bien m'honorer de leur précieuse
amitié, personnalités douaisiennes, hélas ! aujourd'hui
disparues et avec elles tant de bons et si chers souvenirs !
Et si cette fois encore, je parle devant vous, c'est
pour céder à la très cordiale invitation que m'a faite
votre distingué Président, M. le baron Camille de Wa-
renghien. Comment n'aurais-je pas accepté, puisque

(1) 23 Octobre 1925.


— 334 —
celui-ci, tant par son physique, que par ses qualités du
coeur et de l'esprit, est à mes yeux, la vivante image de
son toujours regretté père, dont je conserve pieusement
et très fidèlement la mémoire?
Il est, vous le savez, des morts qui ne disparaissent
que matériellement, parce qu'ils continuent à vivre au
milieu de. nous par l'esprit. Et combien plus encore le
très cher baron Amaury de Warenghien qui est, à tous
égards, tout entier présent en cette assemblée en la
personne de son fils.

Dans une communication sur les prisons de Lille


avant la Révolution, que je faisais le 5 Juin dernier à la
Société des Sciences de Lille, à laquelle j'ai l'honneur
d'appartenir, je terminais en disant que le court exposé
que je venais de donner sur cette question, devait servir
en quelque sorte d'introduction au sujet que je vais
essayer de traiter ce soir devant vous.
Esquisse dont, Messieurs et très honorés collègues
de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Douai,
vous allez avoir ce soir la primeur.
Nous allons essayer de voir, comment, jadis à Lille,
s'exécutaient les sentences de mort, comment étaient
constitués et où se trouvaient les piloris et les gibets.
Certes, ce sujet n'est pas précisément folâtre, j'en
conviens... mais sans vouloir prendre de précautions
oratoires, je tiens à vous rassurer en vous disant: Ne
craignez pas de trouver en cette causerie l'étalage de
détails horrifiants, comme on pourrait aisément s'y
— 335 —
attendre, car je resterai strictement cantonné dans le
domaine archéologique et documentaire.
*
* *
Tout d'abord on doit retenir qu'avant la Révolution,
il existait à Lille trois juridictions bien distinctes, ayant
chacune droit de haute justice et possédant chacune
leurs prisons. C'était celle du Prince, en l'espèce le comte
de Flandre, représenté par le châtelain, et les souverains
qui lui succédèrent sous les diverses dominations aux-
quelles la ville fut soumise, puis c'était la juridiction du
Magistrat, et enfin celle du Chapitre de Saint-Pierre
dont dépendaient en ville les habitants de la paroisse de
ce chapitre et de diverses maisons disséminées en ville
lui appartenant.
.
Est-il nécessaire d'ajouter que, comme cela se pro-
duisait du reste dans les villes sujettes à plusieurs
juridictions, ces dernières furent bien souvent en conflit
au sujet de leurs prérogatives.
A Lille, les condamnés à mort étaient exécutés par
l'épée, plus souvent par la corde: certains crimes et
l'hérésie entraînaient la peine du feu, les faux mon-
nayeurs périssaient dans une chaudière d'eau bouillante ;
ordinairement, le traître était décapité et sa tête était
exposée au bout d'une lance à l'une des portes de la
ville. Certains malfaiteurs étaient rompus et subissaient
le supplice de la roue.-
De tous ces supplices employés dans notre ville
durant et après le moyen âge jusqu'à la Révolution, la
décapitation et la pendaison semblent avoir été usitées
le plus ordinairement.
— 336 —
Pour ces exécutions, c'était le châtelain qui four-
nissait le bourreau et les instruments de supplice ; la
corde pour pendre, l'épée. pour décapiter, la chaudière
pour faire bouillir le patient, le bois pour le brûler, le
couteau pour couper les oreilles. Il fournissait égale-
ment les échelles que ses sergents devaient porter au
lieu du supplice et rapporter ensuite (i).
Durant le moyen âge, en Flandre comme dans d'au-
tres pays, le bourreau, avec les juifs et les filles de joie,
faisait partie de la classe des infâmes.
« En France, dit encore au XV.IIP siècle un juriste,
son emploi passe pour être de tous les emplois le plus
infâme. C'est la raison pour laquelle il ne lui est pas
permis à Paris de demeurer dans l'enceinte de la ville,
à moins que ce ne soit dans la maison du pilori où son
logement lui est donné par provision, ainsi jugé par
arrêt du Parlement du 31 août 1709. C'est aussi pour
cette raison que quand les chauffe-cires de la grande
Chancellerie ont scellé ses lettres, ils les jettent sous la
table, pour marquer l'infamie d'un tel emploi )) (2).
A Lille, depuis le XVe siècle, jusqu'à la Révolution,
l'exécuteur des hautes oeuvres demeurait rue des Eta-
ques, dans la maison dite du Pandour, située vers la
rue Wicar actuelle. Elle appartenait au châtelain et
dépendait de la Pairie de St-Denys des Etaques (3).
C'est du reste chez un des derniers descendants du

(1) Cf. Th.. Leuridan. Statistique féodale du département du Nord.


Bull, de la Commission historique du dép. du Nord, t. XXV, p. 45.
(2) De Ferrière. Dictionnaire de droit et de pratique, Paris 1762,
tome I, p. 871, Art.: Exécuteur de la haute justice.
(3) Cf. Georges Humbert. Essai sur la topographie féodale de la
ville de Lille, manuscrit inédit, Bibliothèque de l'auteur, p. 31, 34.
— 337 —
bourreau habitant encore rue des Etaques (i), qu'a été
trouvée l'ancienne épée qui servait aux exécutions capi-
tales à Lille et exposée aujourd'hui dans une des vitrines
de notre Musée d'archéologie.
En ce qui concerne l'exécuteur des hautes oeuvres,
il convient de rappeler que le livre de Roisin ou recueil
manuscrit des. franchises, "lois et coutumes de Lille écrit
dans la première moitié du XIVe siècle, dit que si un
parent de la victime était présent à l'exécution du
meurtrier, il pouvait s'il le voulait trancher lui-même la
tête au criminel.
(( S' aucuns parens au mort s'apert, si li laissies coper
sour le chep (échafaud). Et se li mors n'a parens qui
coper li voelle le tieste, si li fachies vous meismes coper
sour le chep )) (2).
(1) «Les bourreaux se succédaient de père en fils, dans la maison de
» la rue des Etaques. On trouve généralement trois générations remplissant
» l'une après l'autre les mêmes sinistres fonctions. André Herreng, bourreau
» de Lille sous Louis XIV, avait eu son père et son grand-père aussi bour-
» reaux avant lui, et il alla faire souche de bourreaux à Valenciennes, parce
» qu'il y était mieux payé que dans notre ville. Il y eut ainsi plusieurs
» dynasties d'exécuteurs à Lille. Au moyen âge l'on trouve ainsi les Morel,
» les Gillot-, les Gambier, les Legroux et plus près de nous les Herreng,
» les Desmettre, les Foyez ; Pierre-Joseph Foyez fut le dernier des bour-
» reaux de Lille. Rien dans la tenue du bourreau de Lille ne révélait sa
» profession... Même dans l'exercice de ses fonctions, le maître des hautes
«oeuvres ne porte aucun signe distinctif, ne revêt aucun costume parti-
» culier. Il n'a pas cousu sur sa manche, comme dans d'autres pays, les
» insignes de son tragique métier : l'échelle, le gibet ou la roue. Il n'est
» vêtu ni de rouge, ni de noir; un capuce, pareil à celui des pénitents ne
» lui enveloppe pas la tête ». - Emile Desplanque, Archiviste-Bibliothécaire
de la Ville de Lille: Le Bourreau de Lille (Le Nord Illustré, 3e année, 1911,
p. 18, 19).
On vient de voir que le dernier bourreau de Lille était Pierre-Joseph
Foyez, celui-ci quitta Dunkerque pour se fixer à Lille. Dunkerque n'ayant
plus dès lors d'exécuteur particulier, Foyez y revenait pour des exécutions
et il était plutôt mal reçu. — Cf. Dr L, Lemaire: La Justice Criminelle du
Magistrat de Dunkerque, Dunkerque 1912, p. 92.
(2) Roisin. - Franchises, lois et coutumes de la ville de Lille, ancien
manuscrit à l'usage du siège échevinal de cette ville, publié avec des notes
et un glossaire par Brun Lavainne - Lille, Vanackere impr. 1842, p. 118,
§ix.

21
-338-
Jusqu'au XVIIe siècle, époque où l'échevinage trans-
porta son siège au Palais Rihour, toutes les exécutions
avaient lieu sur le Marché en face de la Vieille Halle
échevinale (i), c'est-à-dire sur l'emplacement compris
actuellement entre le nouveau Théâtre et la Vieille
Bourse : ' c'était là que se dressait l'échafaud sur lequel
le condamné subissait la peine du feu ou était décapité
par le glaive, l'usage de la hache étant inconnu à
Lille. Sauf des cas exceptionnels, ceux qui étaient
condamnés au supplice du feu n'étaient pas complète-
ment incinérés mais « échaudés », car le patient était
attaché à un poteau fixé sur une plate-forme disposée
sur des tréteaux de bois, puis il était recouvert de
fagots et de bottes de paille auxquels on mettait le feu.
Lorsque le condamné était mort autant par suffocation
que par les atteintes des flammes ou, quand par commi-
sération, il avait été (( expédié » par le bourreau, l'aide
de ce dernier éteignait le brasier à l'aide de seaux d'eau
pour empêcher le feu de se communiquer à l'échafaud
de bois. Le corps du supplicié, carbonisé, traîné sur une
claie, était pendu à l'une des fourches patibulaires en
dehors de la Ville.
Devant la Halle échevinale s'élevait aussi le gibet
pour les exécutions par la corde. Suivant les nécessités
il était constitué par une potence simple ou double, en
forme de tau.
La potence qui se trouvait devant la halle échevi-
nale et les échelles qui servaient aux pendaisons étaient

(i) Lorsque les faux monnayeurs avaient été jugés par les officiers
du comte, ils étaient bouillis au riez de la Madeleine, où est située de nos
jours en cette commune la rue du Ohaufour.
— 339 —
peintes en brun rouge et revêtues d'inscriptions en
lettres blanches.
Un acte du 19 août 1630 conservé aux archives
départementales, dans le fonds du tabellion, en fournit
la preuve.
On y lit en effet que Martin Doué, demeurant en
ceste ville de Lille atteste que (( devant la maison esche-
vinalle de ceste ville, ou estoit dressé la potence et une
eschelle double dressée contre la dicte potence, laquelle
eschelle estoit paincte de brun rouge à l'huille, sur l'un
des eschellons du hault d'icelle estoit escript en lettres
blanches à l'huille, laquelle escripture estoit en lettres
romaines... » (1).
Dans certains cas d'exécution précipitée comme cela
se produisit en 1551, on pendait purement et simplement
les coupables aux fenêtres de la maison de Ville.
La Chronique lilloise de Mahieu Manteau en signale
des exemples.:
1551. — Au dit an fut pendu de nuict en la maison de
ville, un jeune homme âgé de 20 ans lequel fut pendu-pour
larcin et la cause pourquoy oui fut pendu de nuict cesloit qu'on
craindoit qui ne fut secouru de l'evesque de Tournai à cause
qu'il estoit clercq et donc sur le jour fut rependu aux fenestres
de la maison de ville; il y demeura jusque au soir afin qui fut
veu d'un chacun pour exemple; et puis après fut rependu au
gibet de la ville.
1551. — ...fut desrobé au chevalet d'or
par nuict, lesquels
montant par une eschelle par une chambre; en lequel y avoit

(1) Arch. dép. du Nord. - Fonds du tabellion. - Reg. des actes passés
devant Jean de Ghestem dans les six derniers mois de l'an 1630, f° 64. -
Cf. ,L. Quarré-Reybourbon: Martin Doué, peintre, graveur, héraldiste et
généalogiste lillois 1572-1638. - Lille, Lefebvre-Ducrocq, 1903, p. 9.
— 340 —

Un gentilhomme logé de la ville d'Ypres, dont l'un des larrons


fut pris et puis pendu aux fenestres des halles de la ville de
Lille et puis après fut rependu au gibet.
On vient de voir que le motif de cette exécution du
jeune clerc, était d'éviter l'intervention de l'évêque. On
n'exécutait jamais à mort un ecclésiastique sans l'avoir
dégradé, peine applicable depuis le simple tonsuré jusque
y compris l'évêque.
L'abbé Pascal, dans son travail sur les origines et
raison de la liturgie catholique, dit que l'ordonnance
royale de 1571 le portait formellement en France. Dans
la suite, les évêques ayant voulu entrer en connaissance
de cause avant la dégradation, et cela occasionnant des
retards et même quelquefois l'mpunité, la justice sécu-
lière jugea qu'on pouvait passer outre (1).
Cependant, .en temps ordinaire, comme on va le voir,
la dégradation ecclésiastique avait encore lieu à Lille,
au milieu du XVIF siècle.
Parfois, en considération de la qualité de certains
personnages ou du rôle qu'ils avaient joué en certaines
circonstances, ceux-ci, lorsqu'ils étaient condamnés à
mort étaient exécutés secrètement dans l'intérieur des
prisons.
C'est ce qui se passa en 1603 au sujet, de Denis
Lescler dit Lhermite qui avait été espion au service des
archiducs durant le siège de Gravélines. Convaincu de
faux en écritures, il fut condamné à être étranglé à
un poteau qui soutenait une couverture de la cour des
prisons de Lille, les archiducs ayant demandé à la

(1) Abbé Pascal. - Origines et raison de la liturgie catholique. -


Coll. Migne 1844. - art. dégradation, col. 482.
— 34i —
justice « s'il avoit mérité la mort, qu'elle l'eut fait
mourir, mais le plus secrètement qu'il- se pouvoit faire,
ce qui fut fait )) (i).
En 1649, Maître Jean Bave ayant assassiné sa
nièce, fut aussi étranglé à l'intérieur de la prison, après
qu'on lui eût (( pelé les doigts et sa couronne sacrée )).
Le chroniqueur lillois Mahieu Manteau en mention-
nant en ces termes l'exécution du prêtre Jean Bave (2),
signale une particularité de l'ancienne dégradation ecclé-
siastique dont il vient d'être question, lorsqu'il fait
observer qu'on étrangla ce coupable (( après qu'on lui
eut pelé les doigts et sa couronne sacrée ».
Dans la dégradation ecclésiastique qui n'est plus
usitée aujourd'hui, c'était l'évêque qui procédait solen-
nellement à cette triste cérémonie, avant que le coupable
fût livré au bras séculier.
Quand il s'agissait d'un prêtre, après lui avoir enlevé
le calice et la patène qu'on lui avait placés entre les
mains, on lui raclait légèrement, sans effusion de sang:
leviter sine sanguinis effusione, soit avec un couteau,
soit avec un morceau de»- verre l'index et le pouce de
chaque main qui avaient reçu des onctions lors de son
ordination et sa tonsure puis on lui enlevait la chasuble
et l'étole dont on l'avait revêtu (3).

(1) Chronique de Mahieu Manteau.


(2) La chronique lilloise de Bocquet signale également cette exécution
de la façon suivante: « Le XXVII de septembre dudit an (1649), maître
Jean Bave, fils d'Arnould, prebstre, at meurtry sa niepce fille de Simon
Bave, lui donnant seize coups de Cousteau, le XXIIIe de novembre ensui-
vant, ledict maistre Jean at esté dégradé et estranglé dans la cour des
prisons de la ville de Lille... ».
(3) Cf. Abbé J.-B. Pascal, op. cit., art. dégradation, col. 480.
— Abbé Boissonnet: Dictionnaire des cérémonies et des rites sacrés.
Migne, 1864, t. I, art. censure, col. 460 § 18, col. 465 § 32.
— 342 —
Les exécutions militaires par le hart se faisaient
comme les autres, devant la Halle échevinale, mais il y
avait un bourreau spécial pour les soldats; de là deux
bourreaux: le bourreau de la ville et le bourreau du
camp.
Il arrivait parfois que l'un devait suppléer l'autre;
c'est ce qui eut lieu à la suite d'un incident survenu le
ly janvier 1596 lors de l'exécution de deux soldats
condamnés (( d'estre pendus devant les halles de la Ville
par le grand prévost du camp )). L'un des condamnés
venait d'être exécuté par le bourreau du camp, mais,
tandis que l'autre était délivré par le peuple, l'exécuteur
fut si malmené par la foule qu'il fut laissé pour mort.
Il fallut requérir le bourreau de la ville pour dépendre
le soldat qui avait été pendu par le bourreau du camp (1).

Puisque nous parlons des exécutions capitales,


rappelons que comme dans beaucoup de villes de la
région, il existait à Lille, avant la Révolution, une
confrérie religieuse dite de Miséricorde, qui outre ses
exercices spirituels, ' avait pour mission d'assister les
condamnés à mort et d'ensevelir leurs restes.
Cette pieuse association était connue sous le nom
de Confrérie de la Sainte Face. Composée de 24
confrères choisis parmi des gens « sages, prudents,
doux et âgés au moins de 24 ans », elle avait été érigée
canoniquement le 21 février 1681 dans l'église des

(1) Chronique lilloise de M. Manteau.


— 343 —
Récollets pour honorer une copie de la Sainte Face
qu'avait reçue d'Espagne un marchand de Lille et qui
l'avait donnée aux Récollets pour être placée dans leur
église.
Après l'exécution d'un criminel, les confrères de la
Sainte Face se rendaient en corps vers le lieu du sup-
plice. Précédés de leur bedeau, ils portaient un cercueil
placé sur une civière et recouvert d'un pal ou drap
mortuaire plié en quatre. Si le condamné avait péri par
la potence, le cadavre était dépendu suivant un céré-
monial spécial et c'était un des maîtres de la confrérie
qui coupait la corde avec un coutelas bénit.
Le Musée archéologique de Namur conserve un
coutelas portant gravées sur sa lame une tête de Saint
Jean décollé et la date 1748. Il provient de l'ancienne
confrérie de miséricorde de cette ville, où il servait à
cet usage.
Lorsque la justice le permettait, les restes des
suppliciés étaient inhumés dans le cimetière des
Récollets (1).
Je possède trois grandes et belles plaques de cuivre,
ayant appartenu à la Confrérie de la Sainte Face de
Lille; elles datent du XVIIIe siècle et selon toute

(1) Cf. Indulgences et règles de la Confrérie de la très sainte Face


de Notre Seigneur Jésus-Christ, érigée dans l'église ' des Pères Récollets à
Lille. - Lille, François Fiévet, 1681.
Règle et statut de la Confrérie de Sainte Face concernant l'obligation
des vingt quatre confrères et vingt quatre consoeurs au sujet des Criminels,
etc.. - Lille, chez Gilles Pourchez, 1731.
Georges Humbert. Confrérie de la Sainte Face. - Souvenirs religieux
de Lille et de la région. — Lille, Desclée, de Brouwer, 1891, p. 24.
A Bruges, c'était aux religieux de l'Hospice de la Madeleine qu'incom-
bait le soin d'enfouir les corps des suppliciés dans le champ de la potence
ou de les enterrer dans le cimetière de l'Hôpital Saint Jean. - Cf. A. Duclos:
Bruges, hi^oire et souvenirs. — Bruges, 1913, p. 120.-
— 344 —
vraisemblance, devaient être enchâssées dans les boi-
series d'une chapelle de l'ancienne église des Recollets
où se réunissaient les confrères. Chacune d'elles porte
le texte gravé d'une prière à l'usage de cette pieuse
association; l'une a pour titre : « Prière que les confrères
et consoeurs de la Ste Face sont obligés de réciter le
jour qu'on exécute un criminel », au bas on lit ces
mots : Donnez et gravé par J. C. F. Merché des 24. -
1768(1).
Cette institution charitable, devancière en quelque
sorte de nos modernes sociétés de patronage des détenus,
fut supprimée à la Révolution. Elle se rétablit après le
Concordat dans l'église paroissiale de Ste Catherine.
Son règlement était identique à celui de l'ancienne
confrérie, hormis ce qui concernait le cérémonial parti-
culier suivant lequel les confrères dépendaient ceux qui
avaient péri par la corde; la Révolution ayant aboli
pour les condamnés à mort les divers supplices employés
sous l'ancien régime et les ayant remplacés par la déca-
pitation (2).
Disons aussi que les Récollets établis à Lille au XIIIe
siècle avaient le privilège d'apporter les secours de la
religion aux condamnés à mort jusqu'au milieu de leurs
supplices.
Au XVIP siècle, les Jésuites voulant également
accomplir ce ministère, un différend survint à ce sujet

(1) Jean-Chrysostome-François Merché (Lille 1740^1779), membre


d'une famille de graveurs lillois de père en fils.
(2) Règles et statuts de la Confrérie de Sainte Face dite Miséricorde
avec dédicace à Monsieur Guillaume Joseph Lefebvre d'Hénin, administra-
teur de l'Eglise paroissiale de Sainte-Catherine à Lille. — Lille S. D (vers
1804). • .
— 345 —

entre ces deux maisons religieuses. Les Récollets adres-


sèrent une réclamation au Magistrat demandant d'être
maintenus dans leurs anciens droits. L'échevinage décida
que désormais les condamnés seraient libres de choisir
un prêtre de l'un ou l'autre ordre pour les assister et
que dans ce but, Récollets et Jésuites pouvaient avoir
accès dans les prisons (i).
En dehors xle la- potence, deux instruments de
supplice étaient établis en permanence sur le marché :
c'étaient le pilori et le cheval de bois qui servait à
l'exposition des filles publiques (2).
Le plus souvent au moyen âge le pilori consistait
en un simple pilier (3) de pierre, orné généralement des
armes du seigneur justicier; dans d'autres cas, il était
constitué par un perron de maçonnerie adossé à un
édifice quelconque, avec banc de pierre au-dessus duquel
étaient disposés des carcans de fer (4). A Lille au XVI*

(1) Cf. V. Derode: Histoire de Lille, t. II, p. 135.


.
(2) Pendant le siégé de la ville par Louis XIV en 1667, les lillois
avaient suspendu au cou de ce cheval une botte de foin avec cette inscription :
« Quand le cheval ce foin mange aura
La Ville de Lille prise sera ».
ce dont s'égayèrent beaucoup les Français à leur entrée dans la ville. —
Cf. Derode : Histoire de Lille, t. II, p. 120.
(3) Péruwelz (Hainaut - Belgique) aujourd'hui dans la cour d'une
brasserie située près du jardin public.
Saint-Ghislain (Hainaut - Belgique) sur la grand'place de cette ville.
Poperinghe (Flandre occid.). Cf. Abbé J. Opdedrinck: Poperinghe et
ses seigneurs (Ann. du Com. nam. de France, t, XXIII, 1897, P« 217).
(4) A Gand (Belgique), on voit encore contre les vieilles boucheries
un pilori de ce genre dont les ferronneries datent du XV 8 siècle.
Il y eut 2 piloris à Bruges, l'un situé à St-Michel, l'autre sur le marché,
ce dernier était constitué par une estrade avec balustrade, munie d'une
double échelle et surmontée d'une croix; sur un poteau était fixée une
inscription portant .le nom de l'auteur du délit et l'extrait de la. sentence.
On l'appelait le « stoc » parce que le criminel y était exposé, les pieds
cadenassés dans un bloc. On enlevait ce pilori lorsqu'il y avait de grandes
fêtes sur le marché, comme à l'occasion du Pas de l'arbre d'or en 1468. •—
Cf. A. Duclos, op. cit., p. 118.
— 346 —
siècle il revêtait la forme d'une tourelle comme celui
des Halles à Paris.
Le pilori construit à Lille en 1524, se trouvait sur
''emplacement de la vieille Bourse, tout près de la fon-
taine au change ; il était formé d'une tourelle de maçon -
nerie surmontée d'une lanterne en charpente largement
ajourée, recouverte d'une toiture en poivrière où l'on
exposait les condamnés ou même parfois les membres
mutilés des suppliciés (1).
Malgré sa triste destination, cette construction était
décorée de divers ornements, témoignant le souci d'une
certaine recherche artistique : on y voyait des sculptures
offrant des mascarons, des animaux, marmousets, culs
de lampe et autres sujets. De plus, la toiture était agré-
mentée de motifs de plomb et d'étain recouverts de
dorure qui comportaient un lion placé au sommet du
toit, un soleil rayonnant, des crétages et des épis (2).

(1) (1603). — Le 24 jour de janvier fut exécuté en la ville de Lille


,
un nommé Jean Dulaurier lequel fut es*ranglé à une estacque ; et puis après
son corps fut bruslé et sa main couppée estant vif et puis elle fut mise au
pilori avec ces mots escripts en grosses lettres: je suis icy pour avoir prins
et desrobé un chiboire dont mon corps en a esté ars et bruslé... ». (Chronique
de M. Manteau).
« En 1591, la main d'un certain Louis de Lomme dit popo lui fut
coupée et attachée au pilori ». (Id.).
(2) — A Jacques Derpin tailleur d'images, pour avoir taillé au pilory
plusieurs visages, bestes, oiseaux et aultres menus ouvraje, -XIIII 1.
... A Anthoine de Montigny pour avoir livré audit pilory pour fournir
les XIII faurains, révestir les croisées, pour le lyon et les rays du soleil
Illm Vie VII 1. -de plomb estamées de fin estain, ci Ils IIIc LXI1. IIII s. ;
pour XIIIc 1. de plomb estamé de fin estain tant pour les lionceaux, comme
pour crêtes et fuelles, ci Ils C XXX 1. ; pour IIIc i 1. mis encore audit
pilory, assavoir 'aux testes estant autour des croisées et plusieurs eu de
lampes es'ant autour, XXX 1. II s. ; en tout Vc XXI 1. VI s.
... A Henri Hennecart, peintre, pour avoir paint de fin or au pilori
les faux rains, ung lion estant en hauct, les heuzes, les rais de soleil, le
gros pommeau, tous les boucquets et marmousets, VIII rons estans autour
— 347 —
Ce pilori fut démoli en 1639; (1) il avait duré
115 ans. Lorsque le Magistrat se fut installé dans
l'ancien Palais Rihour en 1664, un nouveau pilori et le
cheval de bois qui servait à l'exposition des filles furent
installés en face de ce monument et ce fut en cet endroit
qu'eurent lieu désormais les expositions et les exécutions
capitales. Après la Révolution les expositions infamantes
se firent encore sur la place Rihour jusqu'à leur sup-
pression par décret du 12 avril'1848.
Le chapitre de Saint-Pierre ne possédait pas de
pilori; ainsi en 1485, Une femme suspecte Chrétienne
Vandepeute, arrêtée par les sergents du chapitre pour
avoir séduit le peuple « par des paroles deceptives et
aultrement » est condamnée entre autres peines à être
exposée publiquement pendant deux heures et cela du-
rant trois jours; cette exposition se fit du haut d'une
échelle appuyée contre le puits du cloître (2).
Bien que paraissant assez primitif, ce mode d'expo-
sition des condamnés au moyen d'une échelle semble
avoir été en usage en divers endroits.
A l'extrémité de l'échelle, était disposée une planche
avec une ouverture pour passer le col. On voyait encore

dudit pillory avec les reprinses et plusieurs pièces, LXXV 1. (Arch. com. de
Lille - Comptes de la ville - Année 1525-1526).
Cf. Houdoy. - La joyeuse entrée des altesses sérénissimes Albert et
Isabelle, février 1600. - Lille au XVIe siècle. — Bull, de la Commission
historique du dép. du Nord, t. XII, année 1873, p. 419, note 3.
(1) 1639. - Le 22 d'aoust, le pilori fut abatu lequel estoit auprès de
la fontaine au change après avoir esté planté et placé l'espace de 115 ans.
(Chronique de M. Manteau).
(2) Mgr Hautecoeur. - Histoire de Saint-Pierre de Lille, t. I, p. 219,
— 348 —

au milieu du XVIIIe siècle, dans la rue du Temple à


Paris les restes d'un pilori de ce genre (i).
Si le pilori ou autres instruments d'exposition infa-
mante se trouvaient au centre des agglomérations dans
l'endroit le plus fréquenté des passants afin de donner
le maximum de publicité à la peine, les fourches pati-
bulaires au contraire, pour des raisons de salubrité,
se trouvaient toujours au dehors des villes, dans la
campagne près d'une route.
Autour de l'enceinte de Lille, on pouvait en ren-
contrer près de la porte des Malades (c'était un gibet à
3 piliers), au Riez de la Madeleine (près de la rue du
Chaufour actuelle), sur le territoire de Wazemmes (la
rue de la Justice en évoque le souvenir); sur le chemin
de Lezennes en un lieu vulgairement appelé la Motte
Thomas se trouvait (( une justice » à 2 piliers.
C'était à ces gibets établis hors des agglomérations
et désignés sous le nom de « justices » que l'on pendait
les corps des suppliciés et des suicidés, que l'on y traînait
sur une claie; à l'encontre des potences dressées en ville
et où les suppliciés ne restaient suspendus que peu de
temps après leur mort, les cadavres y demeuraient
exposés à l'air jusqu'à ce que, la décomposition et les
oiseaux rapaces aidant, ces restes fussent complètement
désagrégés.

(i) Cf. Jules Loiseleur. - Les crimes et les peines dans l'antiquité et
dans les temps modernes. - Paris, Hachette, 1863, p. 131.
L'échelle était une espèce de pilori ou l'on mettoit les bigames etc.
Il y a encore à Paris l'échelle du temple. — Jousse. - Traité de la justice
criminelle de France. - Paris, 1771, t. I, p. 134. —• Des anciens supplices
qui étoient en usage en France, en Allemagne. - 11 - Echelle.
— 349 —
Ces gibets étaient formés de poteaux et plus souvent
de piliers supportant les poutres transversales pour y
suspendre les corps. Le nombre des piliers était propor-
tionné à la puissance du seigneur justicier (i).
La plupart du temps, ces justices étaient constituées
au moyen âge par des piliers de maçonnerie dont l'im-
portance et la disposition donnaient parfois à ces gibets
un caractère monumental; tel était le cas du célèbre
gibet royal de Montfaucon décrit et reproduit par
Viollet-le-Duc (2).
A Lille, au contraire, les diverses justices dissé-
minées autour de la ville, établies en bois (3), devaient
être de chétive apparence, et les chroniqueurs locaux
nous signalent à diverses reprises l'une ou l'autre de
ces justices renversée par l'ouragan. Lorsqu'un gibet
tombait, on le reconstruisait aux frais du comte, et le
châtelain n? fournissait que le bois (4).
Ce n'est guère qu'au début du XVIIe siècle que
l'on songea à remplacer ces gibets établis autour de la
ville à l'aide de potences et traverses de charpente par
d'autres construits plus solidement avec des piles de

(1) Les fourches patibulaires étaient ordinairement à trois piliers


pour les Seigneurs châtelains, à quatre pour les Barons et Vicomtes, à six
pour les Comtes, mais ce droit, dit de Ferrière dans son Dictionnaire de
droit et de pratique, est différent suivant les coutumes.
(2) Cf. Viollet-le-Duc. - Dictionnaire raisonné de l'architecture fran-
çaise. - Paris 1861 - T. V, art. Fourches patibulaires, p. 553 et suiv.
(3) ÏSS1- Le 21 febvrier fut fait un gibet de bois au riez de la Mag-
deleine desquels furent pendus deux hommes et puis le lundi après le 23 du
mesme mois eurent encore trois hommes de pendus. (Chronique lilloise de
Manteau).
(4) Cf. Leuridan. - Statistique féodale, — Bull, de la Comm. hist. du
dép. du Nord, XXV, p. 45.
Les fourches patibulaires qui tombaient devaient être rétablies dans
l'an et jour de leur destruction. - Cf. Cl.-J. de Ferrière, op. cit.
— 350 —-
maçonnerie. C'est ainsi que la justice de la porté des
Malades, abattue par le vent en 1557 et en 1606, fut
reconstruite en 1614, non plus en bois cette fois, mais
avec trois piliers de pierre.
Autrefois, certaines abbayes et divers chapitres pos-
sédaient le droit de haute justice, droit qu'ils faisaient
jalousement respecter et, bien que les juges dépendant
de ces monastères ou chapitres fussent infiniment plus
cléments dans leurs sentences que ceux des juridictions
séculières, certaines de ces maisons religieuses ne man-
quaient point de rappeler publiquement l'étendue de
leurs droits de justice et parfois,- jusqu'en plantant
fièrement un gibet devant le grand portail de leur
église (1).
Le chapitre de Saint-Pierre de Lille qui exerçait
les prérogatives de seigneur haut justicier avait aussi
ses gibets. Son bailli, suppléé par des lieutenants, le re-
présentait dans les cours de justice et avait dans ses
attributions les informations et enquêtes, l'accusation,
le prononcé-du jugement, l'exécution de la sentence.
Cependant d'après la sentence rendue en 1241 par
les arbitres chargés de trancher des questions litigieuses
entre le chapitre de , Saint-Pierre d'une part et la com-
tesse Jeanne et Thomas de Savoie son époux, d'autre
part, lorsque la justice de Saint-Pierre prononçait une
sentence impliquant la peiné de mort, la mutilation ou
la marque du fer rouge sur le visage, l'exécution se
faisait par le bourreau du comte comme cela se prati-

(1) Cf. C Enlart. - Manuel.d'archéologie française, t. II, Archi-


tecture civile et militaire, p. 329.
— 3Si —
quait depuis longtemps (i). Mais l'exécution des autres
peines corporelles ou pécuniaires incombait à la justice
du chapitre. De plus, ces sortes de châtiments avaient
lieu dans l'enclos même des bâtiments claustraux. Ainsi,
à une époque assez tardive, le 12 août 1665, comme
l'apprend la chronique lilloise de Bocquet: (( Catherine
Cotage, femme d'Anthoine Herreng dit « men sot » at
esté fustigée de verges sur un eschafaut, au milieu du
cloistre de Messieurs de S. Pierre à Lille en suitte de
sentence rendue par leur baillif et homme de fief ».
Il ne semble pas que des gibets se soient dressés
dans les dépendances de la collégiale à Lille, comme
cela se faisait dans certaines abbayes; par contre il s'en
élevait sur les terres appartenant au chapitre: En 1295,
le roi de France, Philippe le Bel, ordonna au Bailli
d'Amiens de faire rétablir les fourches patibulaires du
chapitre de Saint-Pierre de Lille que les gens du comte
de Flandre avaient détruites et de remplacer le voleur
qui y était pendu par un mannequin (2).
Nous venons de voir le corps d'un supplicié rem-
placé par un mannequin. En l'absence des personnes en
cause, leurs effigies' jouaient un certain rôle dans la
pratique de l'ancien droit criminel et cela, pas seulement
dans les exécutions capitales par contumace, visées par
l'ordonnance de 1670, titre 17, article 16 (3).
Lorsque par exemple, un conflit éclatait entre deux

(1) Cf. Hautcoeur. - Cartulaire de St-Pierre de Lille, p. 271-272,


CCCIX et Histoire de St-Pierre de Lille, I, p. 307.
(2) Cf. Hautcoeur. - Cartulaire de St-Pierre de Lille, p. 549 DCCLXV
et p. 556, DCÇLXXXV.
(3) Cf. Claude-Joseph de Ferrière, op. cit., art. effigie.
— 352 —
juridictions au sujet d'un prisonnier que l'une de ces
juridictions réclamait comme son justiciable, tandis que
l'autre seigneur haut justicier l'avait malgré cela con-
damné à mort et exécuté, si l'autorité supérieure don-
nait gain de cause à la juridiction réclamante, la partie
qui avait fait supprimer le prisonnier, à défaut de sa
personne, faisait remettre sa « pourtraicture et effigie ».
C'est ce qui se passa en 1602 au sujet d'une malheu-
reuse femme, Jeanne de Smet, accusée de sorcellerie,
condamnée à mort et brûlée vive en 1597 par Antoine
de Liedkerke, bailli de Mouscron, malgré les réclama-
tions du chapitre de Saint-Pierre de Lille qui avait le
droit de haute justice sur la terre où cette malheureuse
avait été arrêtée (2).
A Lille, comme ailleurs, la vue des supplices excitait
la curiosité populaire : les exécutions, soigneusement
notées par nos chroniqueurs locaux, tiennent une large
place dans leurs mémoires.
Au point de vue psychologique, c'était, du reste, une
des manifestations de la mentalité générale.
A un siècle où les moeurs étaient réputées policées,
on est étonné du singulier attrait qu'exerçait sur toutes
les classes de la société la publicité des exécutions capi-
tales avec leurs scènes répugnantes. Ne voyons-nous pas
Madame de Sévigné s'étendre dans ses lettres avec
complaisance et force détails sur le supplice de la
Brinvilliers ?
On sait combien fut atroce l'écartèlement de

(1) Cf. Hautcoeur. - Histoire de Saint-Pierre de Lille, t. III, p. 307,


309.
— 353 —
Damiens qui eut lieu à Paris le 28 mars 1757. Les
tirades des chevaux attelés à chacun des membres du-
rèrent une heure. Les' exécuteurs ne savaient que faire ;
quant à l'ecclésiastique qui assistait le condamné, il
s'était évanoui! Comme le corps du supplicié résistait
à ces horribles tractions, on se décida finalement à faire
des incisions aux aisselles et aux articulations des
cuisses. Damiens, qui, après de nouvelles tractions,
avait perdu deux cuisses et un bras, respirait encore!
— Le lieutenant de police Barbier fait observer dans son
journal qu'il y avait une foule extraordinaire pour
assister à ce répugnant spectacle, et il ajoute: (( que
dans cette foule il y avait beaucoup de femmes et même
de distinction et qu'elles ont soutenu l'horreur de ce
supplice, mieux que les hommes, ce qui ne leur fait pas
honneur. Dans le nombre, poursuit-il, se trouvait la
femme d'un fermier général. Elle avait loué une croisée
douze louis et l'on jouait dans la chambre en attendant.
Cela fut raconté au roi et il mit les deux mains sur ses
yeux en disant: (( Fi la vilaine! ». On m'a dit, ajoute
encore Barbier, qu'elle et d'autres avaient cru faire
ainsi leur cour au roi... ».
On n'est pas moins surpris des conséquences, pour
le moins inattendues, que pouvait provoquer par réper-
cussion, cette curiosité malsaine.
L'insuccès de la première représentation de Britan-
nicus de Racine fut, on le sait, occasionné par l'exécution
du Marquis de Courboyer (1) qui eut lieu le même jour,

(1) Cf. A. de Parvilliez et M. Moncarey. - La littérature française.


Paris, G. Beauchesne, édit., 1922, p. 576.

23
• — 354 —
à la même heure : les habitués du théâtre de l'Hôtel de
Bourgogne s'étaient portés en masse à la place de Grève
pour assister à un spectacle d'un genre bien différent!
Devant une telle mentalité atteignant même, comme
on vient de le voir, les classes réputées les plus édu-
quées, combien étaient admirables ces confréries de
Miséricorde dites de la Sainte Face, de Saint Jean
décollé — et soit dit en passant, ces pieux vocables rap-
pelaient eux-mêmes un supplice — sodalités, si floris-
santes dans nos régions du Nord de la France, qui, de-
vançant nos théories humanitaires les plus modernes,
n'hésitaient pas à assister les condamnés jusque dans
leurs supplices, à donner une sépulture décente à leurs
restes, rendus parfois informes par la main du bour-
reau; alors que le condamné, objet de la réprobation
générale, criminel sans doute, mais malgré tout un être
humain, n'avait aux yeux du public de l'époque, pas
plus de valeur que, de nos jours, les cobayes et les chiens
dans nos laboratoires de vivisection !
Malgré les efforts des philosophes et moralistes
tendant à améliorer nos conceptions sociales, il est,
hélas ! des maux avec lesquels il semble que nous soyons
toujours condamnés à vivre: des exécutions capitales
ensanglantent aujourd'hui encore le sol de notre ville,
mais heureusement à des périodes très espacées.
Sans doute, on ne voit plus comme jadis, des gibets,
des piloris, des justices, dressés à l'état permanent dans
notre cité.
S'il est vrai que les arrêts de nos cours d'assises
portent que les criminels condamnés à mort auront la
tête tranchée sur une place publique; lorsqu'une des
— 355 —

rares exécutions capitales doit avoir lieu à Lille, non


plus devant une foule où se trouvent mêlés des intel-
lectuels et des lettrés comme à Paris aux XVIIe et
XVIIIe siècles, mais devant un public très spécial ; c'est
au jour naissant, dans le recoin d'un cul-de-sac formé
par l'extrémité d'une rue menant au Palais de Justice
actuel, que se dresse, comme à la dérobée, l'échafaud.
Celui-ci n'est plus,-ainsi que l'a si bien écrit Victor
Hugo, « qu'une guillotine furtive, inquiète, honteuse,
qui semble toujours craindre d'être surprise en flagrant
délit, tant elle, disparaît vite après avoir fait son
coup » (i).

(i) Victor Hugo. -


Notre-Dame de Paris: la Place de Grève.
QUATRIÈME CENTENAIRE
de
JEHAN DE BOULONGNET
Notes sur sa Famille Douaisienne

Communication de M. le Président WAGON (l)


Membre résident

Mes Chers Collègues,


La Ville de Douai, qui a célébré avec éclat le troi-
sième centenaire de la mort de Jehan de Boulongne, ne
saurait négliger de lui rendre un pieux hommage à
l'occasion du 400e anniversaire de sa naissance. La
Société d'Agriculture, Sciences et Arts, qui a pour mis-
sion de conserver le culte de notre patrimoine artistique,
est tout indiquée pour commémorer en cette circonstance,
au nom de la cité douaisienne, le souvenir du plus
glorieux de ses enfants.
A défaut d'une solennité plus imposante, difficile à
organiser à notre époque, où les préoccupations de
l'heure présente absorbent les esprits et où le public se
désintéresse de plus en plus des choses du passé, j'ai
considéré comme un devoir de consacrer, dans le cadre

(1) 8 Mai 1925.

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