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They are the greatest fun to conceive but very laborious to deliver »
“The Conflict of Laws”, Londres
Stevens 1971, Préface, p. VII
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Le constat tient à ce que, dans cette discipline, les auteurs encourent plus
qu'ailleurs le reproche que le moraliste JOUBERT 3 adressait aux cuistres de tout poil
: « Combien de gens ne sont abstraits que pour paraître profonds ». II tient
aussi au fait que le droit international privé développe un langage où un
Français abscons émaillé de faux amis se mêle à un fort contingent anglo-saxon
et à l'inévitable latin médiéval qui effaroucherait CICERON. Il tient encore, et surtout,
à ce que les difficultés inhérentes aux questions juridiques sont multipliées par
l'existence d'un élément d'extranéité qui vient tout compliquer en extrayant le cas
concerné du cocon franco-français auquel le praticien du droit est habitué. Il en
résulte une complexité extrême qui fait d'ailleurs le charme de cette discipline. En
effet, comme aimait répéter le Maréchal FOCH :« Ne dites pas que ce problème
est difficile car, s'il n'était pas difficile, ce ne serait pas un problème ».
Sachant donc qu'on aborde ici une matière nouvelle dont la base est constituée
par l'intégralité des questions de droit privé enseignées dans ces murs, auxquelles
s'ajoutent bon nombre de questions de droit public, il faut commencer par un
débroussaillage sémantique qui, sans autre ordre que celui de l'alphabet, précisera
notions essentielles, concepts de base et... tics verbaux du droit international privé.
*
DEFINITIONS :
A
Accord procédural : évoque l’institution règlementée par l’article 12 alinéa3 du code
de procédure civil (et non le NCPC qui n’existe plus). C’est la possibilité pour les
parties de lier les juges par la qualification qu’ils ont donné aux faits. Pour que l’accord
procédural soit possible, il faut que les parties aient la libre disposition de leurs droits.
(Exemple en matière de statut personnel, on peut divorcer par consentement mutuel,
mais, on doit passer par un cadre procédural déjà fixé. En droit international privé,
c’est la possibilité pour les parties d’imposer au juge l’application d’une loi
déterminée.
Le droit international privé n’existe que parce que dans certaines hypothèses, il existe
des éléments d’extranéité, qui s’imposent au juge, et il va devoir appliquer une loi
étrangère. En effet, le juge judiciaire peut être amené à faire application d’une loi
étrangère, contrairement au juge administratif et au juge pénal.
Arbitrage : c’est une institution de justice privée à laquelle les parties peuvent
recourir dans le domaine où elles ont la libre disposition de leur droit, par exemple un
contentieux d’ordre patrimonial peut être réglé par un arbitrage, mais non pas les
contentieux d’ordre personnel.
C’est une institution internationale qui fait l’objet des articles 1492 à 1507 du code de
procédure civil. C’est une institution qui a un certain succès dans l’ordre interne, mais
qui connait un triomphe dans l’ordre international, d’autant plus que bien souvent
c’est par le biais de cette institution que les Etats règlent leurs conflits.
Autonomie de la volonté : en droit des obligations, c’est la loi des parties, avec une
limite ordre public et bonnes mœurs. En droit international privé, les parties à un
contrat international peuvent choisir la loi applicable à ce contrat. Cette règle est
d’origine jurisprudentiel et a été consacré par les textes communautaires.
B
« Better law » ou « la loi la meilleure, » c’est la loi la plus appropriée pour obtenir
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un résultat estimé souhaitable, exemple en droit de la famille, l’intérêt de la famille ou
de l’enfant, ou par exemple, en droit de la famille, la faveur ou la validité. La
désignation de la loi sera faite en fonction de sa teneur et non de sa vocation.
C
Catégorie de rattachement : en droit, comme dans les mathématiques modernes,
il y a des ensembles conceptuels, c'est à dire des matières qui présentent une
homogénéité justifiant une égalité de traitement. En droit international privé, chaque
catégorie en fait l’objet d’un traitement conflictuel et homogène, par exemple l’état et
la capacité des personnes relèvent de la capacité nationale. Ainsi, de cette
identification de la catégorie de rattachement dépend la loi applicable.
Conflit d’autorité : expression inventée par NIBOYET, et qui est utilisée pour
désigner les cas dans lesquels l’élément d’extranéité est marqué par la présence
d’une autorité étrangère, par exemple un officier ministériel étranger ou une
administration étrangère. L’interlocuteur, ici, est donc un organe public étranger, et
non un particulier.
Conflits de loi : c’est une expression impropre pour désigner les hypothèses dans
laquelle le juge peut être amené à appliquer une loi étrangère. Cette expression
remonte au 18ème ou dans sa mémoire concernant la diversité des statuts, FROLAN
l’interprète comme « un combat entre les différentes coutumes ». les conflits de lois
peuvent être positifs ou négatifs.
Conflit de loi Positif : chaque loi réclame sa compétence
Conflit de loi négatif : chaque loi décline sa compétence
Il est aussi possible que deux tribunaux se reconnaissent compétents. De même pour
éviter le déni de justice, en droit international privé, si aucun tribunal n’est compétent,
n’importe lequel doit accepter de juger l’affaire.
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étaient tenté de prendre la nationalité d’un pays reconnaissant le divorce.
Conflit de système : c’est une notion compliquée, puisque le conflit de systèmes est
le « conflit des règles de conflits », c'est à dire la contradiction existant entre 2 règles
de conflits.
Comitas gensium : c’est la courtoisie des gens littéralement parlant. C'est une
expression que l'on utilisait au 18ième siècle pour justifier l’applicabilité des lois
d’autres pays sur le territoire français. Cette locution correspond a une expression
allemande C’est le droit des nations geus nexium c'est ce qu'on appelle
communément aujourd'hui le droit international public.
Choice of Law : litt. Choix de la loi. Technique qui consiste à déterminer, parmi
celles qui auraient vocation à s'appliquer, la loi appelée à régir tel ou tel type de
relation.
° En p. 363 à 367, les « Travaux dirigés » de FULCHIRON comportent également un
Glossaire. Le « Vocabulaire juridique » de l'Association CAPITANT publié sous la
maîtrise d'œuvre de G. CORNU peut aussi être consulté. Parmi les dictionnaires
courants, seul le ROBERT est utilisable par les Juristes (autrefois, Paul ROBERT était
Avocat à Alger). (2)' V. entre autres V. RANOUIL, « L'autonomie de la volonté,
naissance et évolution d'un concept », Paris, P.U.F., Travaux et Recherches de Paris II,
1980.
E
Electio juris : c’est le choix du droit
F
For ou Forum : c'est une expression utilisée auparavant par François Ier pour dire
que tout est perdu mais pas l’honneur
For de nécessité : le tribunal qui se reconnaît compétent pour éviter un
déni de justice, c'est à dire le fait pour un tribunal de refuser de rendre une
décision de justice.
Forum arresti : c'est le tribunal du lieu d’exécution
Forum conviennes : tribunal non convenable permet à un juge qui est
compétent aux regards des règles de se rétracter sur une affaire où il
estime ne pas être plus compétent qu’une autre juridiction.
Forum shopping : le demandeur va saisir le tribunal qui lui paraît le plus
apte à rendre la décision dans son litige.
I
INCOTERM : ce sont des formules utilisées dans les contrats internationaux et le
choix présente un grand intérêt dans la conclusion d’un contrat vu qu'il lève tous
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doutes.
J
Juge d’origine : c'est le juge étranger qui a rendu la décision dont on va demander
l’exécution en France
L
Law merchant : loi marchande, elle est utilisé pour désigner les coutumes du
commerce marchand. En latin c'est l’ex mercatoria.
O
Ordre public : exactement comme la fraude à la loi est une notion qu'on retrouve un
peu partout en DIP il va constituer une institution permanente au fonctionnement des
règles qui vont déterminer les lois applicables.
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en France sont soumis au droit français, les immeubles étrangers sont soumis à la loi
étrangère et l’al 3 : l’Etat et la capacité des français sont régis par la loi française
même s’ils résident à l’étranger. L’art 309 : la loi française s’applique dès lors que les
deux époux sont de nationalité française…….. Avant il existait un arrêt Rivière du
17sectionavril 1953 dans cet arrêt s’agissant de déterminer la loi applicable aux effets
du mariage, la cour de cass a énoncé que la loi qui leur était applicable était celle des
époux lorsque ceux-ci avaient la même nationalité. Avec les lois bilatérales on peut
aboutir à la compétence d’une loi étrangère : l’art 311-14 de la loi personnelle de la
mère au jour de la naissance de l’enfant. Les règles de conflits de lois sont
généralement bilatéral et parfois unilatéral et que les règles de juridiction sont
toujours invariablement unilatérales lorsqu'il s’agit du droit commun et bilatéral
lorsqu'il s’agit du droit conventionnel ;…
Réciprocité : exigence d’une égalité de traitement littéralement parlant dans la
morale le bon l Lafontaine. Selon ces textes l’étranger jouira en France des droits civils
reconnus par la nation a laquelle cette étranger appartient
Règles matérielles de droit international privé : ce sont des règles spécifiques qui
s’appliquent à telle ou telles règles de questions internationales. Par exemple dans le
droit des marques des règles qui ‘appliquent aux marques françaises et il y a des
règles spécifiques qui s’appliquent aux marques étrangère.
Renvoi : c'est un mot à sens multiples qui n’a pas une signification déterminée en DIP
le même mot à un sens spécifique c'est l’hypothèse où le droit déclaré compétent soit
le retourne à lex fori soit le transmet au tribunal compétent.
S Stilus curiae : c’est le style du tribunal, autrefois en vieux français c’était la procédure
propre à une juridiction et par nature qui relève de la lex fori
Statut personnel : par rapport aux catégories de rattachement les statuts personnels
englobent les ordres juridiques suivant : l’Etat, la capacité des personnes, le mariage,
le divorce et l’affiliation. Mais est ce que le pacs et le concubinage pourraient être
rangés dans les statuts personnels ? Ne seraient-ils pas des contrats ? La succession
c'est une question de continuation du défunt donc la loi applicable sera la loi
personnelle et la loi du décujus.
T Traités : c'est un accord convenu entre deux ou plusieurs états pour régler ou
convenir d’un point particulier. Ils sont soient bilatéral : celle qui visent deux états et
lient deux états donc elle n’impliquera pas d’autres états ou multilatéral : celle qui
vise plusieurs états comme le traité de Rome qui a regroupé 6 états et du fait de
l’article 55 de la constitution dont nous fêteront demain les noces d’or soit le 4octobre
08. La convention internationale a une valeur étrangère à la loi ordinaire, à condition
de réciprocité. S’il y a une convention internationale, le droit commun doit être écarté.
V Vested rights : droit acquis : l’une des justifications possibles de l’application d’une loi
étrangère. (C'est la même chose que le comitas genstium)
• Electio juris (v. Autonomie de la volonté).
• For ou Forum : Tribunal saisi du litige. Pour un Français, le For est toujours un
Tribunal français. Pour un Espagnol, un Tribunal espagnol, etc.
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(France, Espagne, Italie, Portugal, autrefois). Les Anglais disent plus poétiquement :
Evasion of Law - Comp. Forum Shopping.
• Lex causae : litt. loi de la cause, i.e. loi applicable au litige dont est saisi le
Tribunal (ce peut être la loi du Tribunal saisi ou une loi étrangère). S'emploie aussi à
l'ablatif (lege causae).
• Lex contractus : litt. loi du contrat, i.e. loi applicable au contrat (cf.
Autonomie de la volonté).
• Lex fori : litt. loi du Tribunal, i.e. loi du Tribunal saisi. S'emploie aussi à
l'ablatif (lege fori)
• Lex loci delicti : litt. loi du lieu du délit (= responsablité civile : loi du lieu de
réalisation du dommage).
• Lex rei sitae (ou Lex situs rei) : loi du lieu de situation de la chose.
• Loi d'application immédiate : règle de droit interne qui s'applique sans que
l'on prenne en considération l'éventuelle existence d'un élément d'extranéité.
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• Proper Law (of the tort, of the contract, of the issue) : loi la plus
appropriée à régir le délit civil, le contrat ou, plus généralement, le procès.
• Renvoi : en droit interne, mot à sens multiples qui n'a pas de signification
spécifique ; en droit international privé, le Renvoi (avec La majuscule) correspond à
l'hypothèse où le droit étranger déclaré compétent décline sa compétence et la
retourne à la Lex fori (= renvoi au 1 er degré) ou la transmet à une législation tierce
(= renvoi au 2ème degré).
• Stilus curiae : litt. style du Tribunal, i.e. procédure qui s'y applique.
* Traité : convention bilatérale (= deux États) ou multilatérale (= plusieurs
États) par laquelle des États tranchent un problème ponctuel (double imposition,
service national, entraide judiciaire par ex.) ou général (institution de la C.E.E. puis de
l'U.E. ou de l'O.M.C.).
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mort du mari, la femme vint réclamer son dû à la Haute juridiction normande, et
l'Échiquier lui attribua le tiers des biens bretons sur la base de la coutume bretonne.
Un peu moins d'un siècle plus tard, un grand arrêt du Parlement de Paris 4 devait
encore illustrer la pratique : « Après la mort de Robert II d'Artois, le comté est
disputé entre Robert, fils du fils aîné du défunt, et sa tante Mahaut, fille du
défunt. Au lieu d'appliquer la coutume de France, coutume du ressort, qui
exclut les femmes en présence de parents masculins, le Parlement de Paris
(arrêt de 1309) applique le droit d'Artois qui les admet à la succession par
préférence aux parents plus éloignés, et donne raison à Mahaut. »5.
Néanmoins, il est certain que la naissance du droit international privé est très
antérieure à ces espèces et que, de toute évidence, l'Antiquité a été affrontée aux
problèmes de conflits de lois et de juridictions6. Ainsi, le procès du Christ est-il une
bonne illustration des uns comme des autres 7. Les trois Évangiles synoptiques laissent
très nettement entendre que PONCE PILATE se serait borné (Conflit de juridictions,
compétence indirecte) à revêtir de l'exequatur la sentence de mort du Grand
Sanhédrin. Au contraire, Saint-Jean donne à penser (Conflit de lois) que la
condamnation aurait été prononcée par l'Occupant romain, sur la base du droit
hébraïque. Ce qui est certain, néanmoins, c'est que la condamnation fut exécutée
conformément au droit romain, avec néanmoins une connotation hébraïque.
Du point de vue de la Philosophie politique, avec l'admission de la possibilité,
pour le juge « national » de recourir à une loi « étrangère », la naissance du droit
international privé a marqué un considérable progrès. A l'époque où Religion et Droit
se confondaient, il était impossible de voir dans l'étranger autre chose qu'un ennemi ;
au mieux, un inférieur 9. La reconnaissance au droit étranger de la qualité de règle de
droit va impliquer l'interchangeabilité des dispositions qu'il comporte avec celles de la
Lex fori. Elle va donc supposer une identité de nature entre le National et l'Étranger 10
; l'ennemi est devenu un frère. Avec l'éclosion du droit international privé, le droit des
étrangers a donc cessé d'être un droit d'exclusion systématique pour tendre à
devenir un droit d'accueil. Toutes proportions gardées, depuis le Concile Vatican II,
le droit canonique a suivi (subi?) une évolution comparable, puisque les derniers
textes" ouvrent aux juridictions ecclésiastiques l'éventualité de l'application d'une loi
tierce.
On peut toutefois se demander si cette considération pour l'Étranger ne
constitue pas plutôt un retour en arrière à la lointaine époque où, tout en se battant à
outrance, les Adversaires se traitaient en Égaux. Il n'est que de relire l'Iliade 12 pour
constater qu'Achéens et Troyens ne revendiquaient aucune supériorité, l'un par
rapport à l'autre. Mais il est vrai qu'à suivre Homère, ils vénéraient les mêmes Dieux.
Plus près de nous cependant, l'Épopée des Croisades opposait deux Féodalités
antagonistes professant des fois différentes mais unies dans la même Noblesse et le
même respect de l'Autre. On peut toutefois conjecturer que l'existence même du droit
international privé ne suppose pas nécessairement l'humanisme en question. En effet,
l'un des apologues des Pantcha Tantra 13 nous montre deux moineaux se disputant le
nid abandonné par l'un et squatté par l'autre. Après que l'Assemblée des oiseaux a
invoqué la règle de minimis non curat Praetor 14 pour récuser sa compétence, les
litigants en référent au Prince qui, « étonné de leur obstination, leur dit qu'il ne
connaissait pas assez bien leurs lois et leurs usages pour terminer leur
différend et leur ordonna de convoquer dans son Palais une assemblée
générale de tous les oiseaux pour juger le procès »15. Seulement, ce n'est pas
pour servir d'amicus curiae16 que la volaille des environs fut ainsi convoquée chez le
Prince puisque toute la (basse)-Cour de Justice, des plaideurs aux juges emplumés,
finit à la casserole.
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science grâce aux Universités italiennes du XIIème siècle. Il semble que le premier «
auteur » à traiter la question ait été ALDRICUS, considéré par certains comme le «
fondateur du droit international privé » 1. Dans ses Dissensiones Dominorum
composées de 1170 à 1200, où il glosait notamment sur la constitution Placuit de
CONSTANTIN2, ALDRICUS se posait la question de savoir quelle coutume le juge devait
appliquer pour résoudre un litige « international », et déclarait :« respondeo eam
quae potior et utilior videtur - debet enim judicare secundum quod melius ei
visum fuerit » 3. Avec cette simple phrase, la technique du conflit de lois était née : le
problème allait désormais être résolu dans les termes d'un choix, opéré par le
justicier, entre les divers systèmes juridiques en rapport avec le cas litigieux4.
Cette manière de résoudre les conflits de lois n'eut cependant aucun écho,
perceptible aujourd'hui, dans la pratique d'alors, et il ne pouvait d'ailleurs en aller
autrement vu l'imprécision de la directive fournie par ALDRICUS. C'est avec la glose
Quod si boloniensis, sur la loi Cunctos populos que le droit international privé
devait atteindre en doctrine l'âge de raison ; et l'enseignement des professeurs
italiens comme celui de leurs homologues français, étant fondé sur la base commune
du droit romain, il allait conférer à notre discipline naissante tous les caractères d'un
droit véritablement international. Inspiration juridique issue d'un même droit,
inspiration philosophique issue de la même religion, « l'Europe chrétienne était...
considérée comme une unité, comme une grande République dont le Jus
gentium constituait le droit commun ».
Cependant, pour que de tels problèmes puissent se poser, il faut que les lois en
conflit, c'est-à-dire les lois nationales concernées par le litige, comportent des règles
différentes.
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De ce point de vue, au stade des dispositions matérielles, la diversité régnait dès
l'origine parmi les coutumes et leurs conflits étaient nombreux. Un facteur politique
allait d'ailleurs intervenir, qui modifia du tout au tout les données du problème en
transformant les peuples en Nations : « à partir du milieu du XIIIème siècle, le
terme de corps fut souvent employé..., pour désigner la communauté des
citoyens » et les épreuves collectives se multipliant, le corps finit par prendre vie.
L'ensemble des citoyens, « corpus mysticum de l'État » constituait désormais la
Nation.
En pleine guerre de Cent Ans, pendant l'occupation de Paris par les Anglais,
Jeannette ROLAND, française, se fiança avec Gilbert DOWEL, dit WESTEFORD, anglais.
Paris fut « libéré » et, les Anglais chassés, la jeune fille voulut rejoindre son fiancé. Sa
famille s'y opposa et le Parlement, requis d'arbitrer cette querelle familiale, décida en
1437 que: « La cour ne permettra pas à ladite Jeannette de s'en aller avec
ledit WESTEFORD et devenir anglesche durant la guerre et division d'entre
le Roy et les anglais »
Les conflits de lois sont donc aujourd'hui résolus différemment suivant les
différents États : certains soumettent l'état et la capacité des personnes à leur loi
nationale, d'autres à la loi de leur domicile ; les successions à la loi personnelle ou à
la loi réelle ; les contrats à la loi du lieu de conclusion ou à celle du lieu d'exécution,
et l'on pourrait multiplier encore les exemples de cette diversité'. Mais, en même
temps qu'ils se différenciaient dans leur structure à l'échelle internationale, les droits
internationaux privés nationaux se compliquaient dans leur texture au stade de
l'ordre juridique interne. Il est aujourd'hui3 classique de distinguer les règles de
conflit, les lois d'application immédiates et les règles matérielles de droit international
privé.
Comme il a été dit ci-dessus les règles de conflit ne donnent pas une solution
directe, mais précisent qui a compétence pour le faire. Elles ne donnent pas une
SOLUTION mais indiquent une DIRECTION. De surcroît, selon qu'elles sont unilatérales
ou bilatérales, elles se bornent à délimiter le domaine de compétences des juridictions
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ou de la loi de l'État du For, où vont jusqu'à déterminer qui a vocation d'y suppléer.
Les lois d'application immédiate g donnent, quant à elles, une solution faisant
totalement abstraction de l'existence d'un éventuel élément d'extranéité.
Certes, une telle distinction existait déjà en filigrane en droit romain : celui-ci a
peut-être connu des règles de conflit ; on relève une analogie certaine entre le droit
international privé matériel et le jus gentiumll ; et l'on peut affirmer enfin que
l'Antiquité a possédé des lois d'application immédiate. GAIUS 13 par exemple, déclare
que la disposition de la loi Aelia Sentia, de l'an IV de notre ère, qui interdisait
d'affranchir un esclave in fraudem creditorum, était applicable aux pérégrins :«
etiam ad peregrinos pertinere ». De même, le système de publicité foncière
qu'avait organisé l'Égypte romaine s'appliquait indépendamment de la « nationalité »
des constituants de droits réels. Cependant, ce n'est qu'à notre époque, sous
l'impulsion de Ph. FRANCESCAKIS 15 que la doctrine a clairement pris conscience de
cette distinction.
Ladite distinction ne met pas une cloison étanche entre chacune des trois
catégories de règles, car on peut voir une même question tranchée par des règles de
conflit ou des lois d'application immédiate au gré des systèmes juridiques. Ainsi,
relativement à la question très à la mode du mariage homosexuel, le nouveau code
belge de droit international privé 16 autorise ce type de mariage en Belgique dès lors
que la loi nationale ou la loi de résidence d'UN SEUL des partenaires l'admet (=règle
de conflit). Quant à la loi espagnole 17 (= loi d'application immédiate), elle permet
désormais à tout couple homosexuel de se marier en Espagne, quelle qu'en soit la
nationalité.
(7) La difficulté pratique majeure que le droit international privé impose au justiciable
tient à ce quel chaque État souverain a pleine latitude pour élaborer à sa guise les
règles en question.
Or, dans la mesure où les trois types de réglementation du commerce international
sont élaborés séparément par chaque pays, il est évident que des conflits peuvent
naître non seulement entre des règles de conflit divergentes, mais aussi entre des lois
d'application immédiate opposées et enfin entre des règles matérielles contradictoires
: C'est ce qu'on appelle des conflits de système2.
Pour réduire de telles occasions de conflit et promouvoir l'harmonie des solutions qui correspondent au désir
d'éviter les contrariétés internationales de décisions, les différents États mondiaux ont entrepris une œuvre, tantôt
bilatérale, tantôt régionale, tantôt plus large encore, d'uniformisation. En contrepoint de ces initiatives publiques, la
Communauté scientifique internationale a suscité des organismes qui concourent aussi à l'harmonisation par
l'organisation de sessions, de colloques, d'études. Les idées s'échangent et circulent. Des propositions voient le jour.
Bref, une sorte de jus gentium savant se développe.
l'Institut de droit international fondé à Gand en 1873,
Citons, sans souci d'exhaustivité :
l'International Law Association fondée à Londres la même année, l'Académie de droit
international qui fonctionne depuis 1923 à La Haye grâce à la dotation du milliardaire américain Dale
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CARNEGIE, ou encore, le plus récent de ces clubs très fermés, le Groupe européen de droit
international privé. Cependant, même dotée d'éminentes qualités, l'initiative privée est impuissante à
édicter la règle. Elle ne peut que suggérer ; ce sont les États qui décident. Cela s'est traduit par la conclusion de
1
traités internationaux dont l'étude relève certes du droit international public mais dont le régime ne peut pas être
ignoré des étudiants de droit international privé.
Quantitativement, c'est l'Union Européenne qui est pour nous le vecteur le plus déterminant de l'unification
du droit. A côté des règlements et des directives qui concourent sur des points ponctuels (droit du vin, droit des
(2b'S)
marques, etc.) à l'harmonisation, un mouvement se dessine, qui aboutira peut-être à un fonds commun juridique
supprimant de ce fait le droit international privé dans les rapports intracommunautaires. À côté de l'Europe, d'autres
unions régionales concourent au même résultat 3. De surcroît, après les essais infructueux du grand juriste italien
MANCINI4, le Néerlandais ASSER a réussi à imposer
la Conférence de La Haye de droit international privés qui est une organisation interétatique
permanente visant à uniformiser les règles de conflit, et qui a récemment connu quelques problèmes
juridiques6 consistant à déterminer qui, de la Tchéquie ou de la République slovaque,
est la continuatrice de la ci-devant Tchécoslovaquie, ou encore à régler la succession
de l'heureusement défunte U.R.S.S. S'il est bon que l'on assiste ainsi à une réduction
des conflits de lois, il est permis de regretter que la conclusion des Conventions de La Haye
et d'ailleurs se traduise souvent par des compromis relevant davantage du VOLAPÜK
juridique7
que du style de JUSTINIEN ou de PORTALIS.
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La généralisation foudroyante de cet instrument de communication a engendré
un contentieux qui cherche ses bases spatiales. Les organes juridiques des Nations
Unies planchent sur la question21. En somme, la Web site story22 est en train de
s'écrire. Finalement, l'internationalisation touche tous les secteurs de la vie humaine,
les secteurs commerciaux, politiques, familiaux et ludiques. Sur ce dernier « terrain
», la multiplication des contacts (Jeux olympiques, Championnats de toute amplitude
géographique, transferts de joueurs) a amené la collectivité sportive internationale à
instituer un Tribunal arbitral du sport23. De plus, l'effondrement du bloc communiste a
donné une impulsion irrésistible aux échanges de toute nature24.
(9) Pour comprendre la spécificité des questions qui se posent en cette matière,
il faut éviter de « theorize about mysterious matters in a strange and
incomprehensible jargon ». En effet, La perception des problèmes qui font l'objet
du droit international privé est délicate. Plutôt qu'en faire une formulation abstraite',
partir d'un cas d'espèce2 sera plus éclairant.
Un Bolivien a épousé une Espagnole à Madrid. À sa requête, un divorce est
intervenu au Mexique et il demande l'exequatur de ce jugement en France, l'épouse
formant quant à elle une demande reconventionnelle en séparation de corps.
146
Ce sont ces problèmes disparates que le droit international privé doit régler. La
matière de la discipline est donc immense. Elle manque singulièrement d'unité et
insinue le doute sur l'homogénéité de l'enseignement proposé.
*
146
peuvent recouvrir des conflits de souverainetés, on se trouverait encore dans le
domaine du droit public6.
En effet, sans davantage tirer sur des ambulances, d'un côté, la technique
conflictualiste qui consiste à admettre comme un principe indiscutable l'applicabilité
d'une loi étrangère sur le sol français a longtemps été littéralement proscrite par le
Conseil d'État. Dans ses conclusions sur l'affaire HABIB-BECHARA, le Commissaire du
Gouvernement BARBEY proclamait : « Nous pensons que, pour un juge, il n'existe
qu'une seule loi, la loi en vigueur dans le pays où il exerce sa Juridiction». On
peut par conséquent déduire de cette différence d'état d'esprit que le droit
international privé appartient bien au droit privé. Conflits de lois et de juridictions
témoignent en effet de l'Achtung vor dent Fremden qui est complètement
étrangère aux mentalités publicistes.
Et s'effondre du même coup le troisième reproche. Bien sûr, les règles de conflit
ne fournissent pas de réponse immédiate à la question posée. Elles ne donnent pas de
SOLUTION mais, indiquant une DIRECTION, elles édictent une disposition indirecte.
Ce sont bien des règles de droit. Autrement, l'aiguilleur ne serait pas cheminot au
même titre que le conducteur de train.
146
Je tirerai néanmoins prétexte de cette triple pseudo-déceptivité pour isoler dans
le programme ce qui est digne d'intérêt parce qu'utile et formateur et, tout au
contraire, pour éloigner ce qui est pure réglementation à résonance politique et
publiciste. Ainsi seront extirpés de ce cours des développements qui me conduiraient
nolens volens à dire ce que je pense de la vraie gauche et de la fausse droite.
Qui veut, néanmoins avoir quelques idées sur l'abrogation de la loi PASQUA du 22
juillet 1993 et sur les dernières contorsions du droit de la nationalité 1se reportera aux
analyses très BCBG de la presse spécialisée qu'on laissera a Frédéric DARD 21 le soin
de commenter par anticipation « à l'inverse de ce qui se passe dans les autres
pays, ce ne sont pas les Français qui font la France... mais la France qui fait
le Français ». En conséquence, la condition des étrangers et nationalité ne seront
abordées que dans la mesure où elles présentent une quelconque utilité pour la
compréhension du reste. Le cours se limitera donc à l'étude, déjà gigantesque, des
conflits de lois et des conflits de juridictions.
Ce n'est toutefois pas dans cet ordre que le plan sera articulé. Généralement, la
matière est présentée d'une façon qui ne contribue pas pour rien au sentiment de
totale incompréhension qui envahit le débutant'. Et ici, sans prétendre révolutionner la
matière, on se contentera de présenter les normes de droit international privé avant
de dégager les techniques qui leur sont propres et qui sont totalement
incompréhensibles quand on ne connaît pas les premières2.
TITRE 1
LE MAITRE DU JEU
146
Le droit ne se réduit pas au contentieux' et d'ailleurs, toutes les décisions de justice
n'étant pas publiées2, on3 a pu définir la jurisprudence comme « l'ombre portée » de
celui-ci. De fait, c'est dans les Offices notariaux que se règlent successions, choix et
liquidation du régime matrimonial, ventes immobilières, crédit hypothécaire, constitutions
de sociétés, etc. C'est à l'état civil que s'applique au jour le jour le droit de la filiation.
C'est l'Institut National de la Propriété Industrielle qui se taille la part du lion dans le
domaine des dessins et modèles, des marques et des brevets. Ce sont la Police de la
route, les Agents de ville et les Commissions spécialisées qui sont les ministres privilégiés
de l'application du Code de la route...
Bref, apparemment, ce n'est pas seulement le juge qui est maître du jeu.
Cependant, on ne peut oublier que ce qui caractérise le droit, c'est la virtualité de la
sanction 4. Dès lors, quand on est saisi d'un problème international, au stade de la
négociation, il est capital de savoir à l'avance qui sera compétent en cas de difficultés car
de pays à pays les droits sont différents, et les juges aussi.
Dans les deux cas, ce sont bien des questions de compétence qui se posent mais,
dans le premier, le For appelé à en connaître en est directement saisi alors que, dans le
second, le Forum arresti6 n'a du litige qu'une connaissance de seconde main. C'est ce
qui explique qu'à la suite de BARTIN7, on parle tantôt de COMPÉTENCE DIRECTEB, tantôt
de COMPÉTENCE INDIRECTE. Tel eût été le plan de ce titre si la France ne s'était
insérée dans un réseau foisonnant de conventions internationales et de relations
bilatérale, dont l'importance pratique est capitale et dépasse le droit commun.
Cependant, la compréhension du détail passe par la découverte du droit commun, ce
qui nous conduira à présenter celui-ci (Chapitre : le droit commun) avant d'aborder le
droit supranational (Chapitre II : le droit conventionnel).
146
Deux obstacles se sont alors posés à l’accès à la justice pour les étrangers. Il y a eu
d’abord un obstacle jurisprudentiel qui a été levé, et ensuite des obstacles
règlementaires. Avec l'intérêt à agir, la qualité pour le faire est, en effet, une condition
de recevabilité de l'action en justice'. Or, l'accès des étrangers à la Justice française
a autrefois fait l'objet de restrictions jurisprudentielles et législatives : Initialement, il
était interdit à la jurisprudence à deux étranger d’exercer en France une action
personnel dès lors que le droit français n’était pas applicable. Sauf dans les
hypothèses où la loi française était applicable au litige', il fut longtemps admis que les
Tribunaux français étaient incompétents pour connaître des actions personnelles
ENTRE étrangers.
Le mérite d'avoir fait sauter ce premier verrou revient aux Epoux PATIN0 (chambre
civile, 21 juin 1948) qui ont beaucoup fait pour le progrès du droit international privé
(et pour la trésorerie de leurs Avocats).
Après avoir bloqué une action en divorce engagée par sa femme aux États Unis en lui
versant un million de dollars, Antenor PATINO demande à son tour le divorce en
France, et il saisit le tribunal civil de la Seine. Du fait de la nationalité bolivienne du
ménage, le débat s'engage immédiatement sur la compétence des tribunaux français
à l’égard des étrangers.
Par application d'une jurisprudence constante, le Tribunal civil de la Seine se déclare
incompétent : du fait que, les parties étaient étrangères et la loi française n'avait pas
vocation à régir la demande. Antenor fait appel de cette décision, et La Cour de Paris
infirme la décision, et se déclare compétent et donc renverse la jurisprudence, ce
qu'entérine la Cour de cassation dans son premier arrêt PATINO, lors du pourvoi en
cassation de l’épouse. Depuis cette date, l'extranéité des parties n'est plus un
obstacle à la saisine du juge français pour un litige auquel la loi française n'a pas
vocation de s'appliquer. La compétence française étant reconnue pour trancher le
litige, le tribunal civil de la Seine, en 1950 va le débouter de son action, puisque les
deux époux sont de nationalité bolivienne, et la loi Bolivienne connaît certes le
divorce, mais le soumet à la loi du pays où s’est célébré le mariage. Or, ils se sont
mariés en Espagne, où le divorce n’était pas reconnu jusqu’en 1981. Patino porta alors
le divorce au Mexique, qui était plus tolérant. Avec ce jugement mexicain, Patino
demandera l’exequatur en France, ce qui va donner lieu à l’arrêt du 15 mai 1963.
Ensuite, il y avait aussi un obstacle législatif, avec une loi du 30 mai 1857 qui
subordonnait le droit d'agir en justice des sociétés de capitaux étrangères à une
autorisation donnée par un décret particulier. C’était une époque où l’on ne plaisantait
pas avec la considération donnée au national, ainsi par exemple un étranger ne
pouvait être domicilié en France que s’il y était autorisé par un décret signé par le
ministre. Il a fallu attendre 2007 pour que cette loi soit abrogé, mais bien avant, la
Cour de cassation a écarté ce texte en disant qu’il était contraire à l’article 6 du CEDH
qui dispose que « toute personne morale, quelle que soit sa nationalité, a droit
au respect de ses biens et à ce que sa cause soit entendue par un tribunal
indépendant et impartial », et a donc censuré la Cour de Toulouse qui avait déclaré
une banque guinéenne irrecevable à agir en France faute d'autorisation
réglementaire.
Sachant donc que les portes de la Justice s'ouvrent, aussi bien au Français qu'à
l'Étranger, il convient de déterminer les critères qui établissent sa compétence.
Il y a donc deux types de critères, critères normaux et les critères
146
exorbitants. Ces deux catégories de chefs de compétence directe reposent
alternativement sur les idées de proximité, de main mise physique et
d'allégeance politique. La première implique d'ailleurs 12 que, si une règle de conflit
de lois ne peut désigner qu'UNE loi, une règle de conflit de juridictions peut
parfaitement en désigner plusieurs. En droit interne et donc en droit international
privé, on distingue, en effet, compétence exclusive ( seul un tribunal déterminé peut
connaitre d’un litige, par exemple, en matière de droit des marques, seul le TGI peut
connaître les litiges se rapportant à la validité ou à la protection des marques, bien
que le plus souvent en soit en matière commercial, le TC ne peut connaitre de ces
types de litiges) si on ne se trouve pas devant une compétence exclusive, on peut
imaginer que deux tribunaux ont la compétence pour connaître d’un litige : c’est
compétence concurrente. Or, dans ce dernier cas, deux juridictions peuvent à égalité de
titre connaître du litige. L’article 15 du Code de procédure civile donne dans son alinéa
2nd aux chefs des compétences différentes, au choix du demandeur : soit le tribunal
du lieu ou s’est réalisé le dommage, soit le tribunal du lieu de domicile du défendeur.
On peut constater que plusieurs tribunaux peuvent être désignés, donc, si le
défendeur est domicilié en France, on peut saisir un tribunal français, et si le
dommage s’est réalisé à l’étranger, le tribunal étranger peut être saisi. Donc deux
tribunaux français et étrangers peuvent être saisis, soit pour la même question, soit
pour deux questions voisines. Ainsi, la litispendance (un seul et unique procès est
soumis à des tribunaux relevant d’états différents qui peuvent appliquer à la cause
une législation différente) et la connexité du droit interne se retrouve en droit
international privé. C'est ce qui explique qu'après l'étude des critères normaux (§l) et
des critères exorbitants (§2) de compétence directe, il faille présenter les incidents
de la compétence (§3).
*
146
domicile de l'époux qui a la garde des enfants mineurs ou domicile de l'époux qui n'a
pas pris l'initiative de la procédure) se trouve localisé à l'étranger, les Tribunaux
français ne pourront pas déclarer compétent le juge de ce pays.
146
frappant les procès entre étrangers 13 avant le premier arrêt PATIN014. Aujourd'hui le
dernier chef de compétence n'est pas d'application fréquente, mais on le relève
parfois. Ainsi, la l è` Chambre civile 15 a-t-elle justifié la compétence du Trib. de grande
inst. de Paris, par « l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge, fût-il
arbitral... dès lors qu'il existe un rattachement avec la France». En l'espèce, la
National Iranian Oil Company qui était en litige arbitral avec Israël avait désigné son
propre arbitre et son adversaire refusait d'y procéder. La compétence française pour
ce faire fut retenue car le choix du troisième arbitre avait été confié au Président de la
C. C.1. qui est établie à Paris, ce qui établissait « un rattachement avec la France
». On peut rattacher à cette mouvance l'arrêt MOUKARIM16 par lequel la Chambre
sociale a admis la compétence juridictionnelle française pour libérer une « esclave »
nigériane que ses « employeurs » avaient eu l'imprudence d'amener à Nice pour les
services dans leurs vacances azuréennes. Ils avaient oublié qu'en France, « l'air rend
libre »
(19) On ne parlera pas ici d'autres modes alternatifs de solution des conflits (v.
RIDC 1997, p. 311 à 435) qui se répandent en toute matière, donc en matière
internationale. Ils ne vont pas nous soulever de réelles difficultés (ex. Cass. 28 janv.
2003, VIVENDI, JDI 2003.473 note Ph. KAHN ; en l'espèce il s'agissait d'une médiation
judiciaire). De même dans les matières où les parties ont la libre disposition de leurs
droits de justiciable ou de contractant, elles peuvent éluder la saisine des Tribunaux
français compétents en vertu des règles exposées au n° 18 ci-dessus en procédant à
une prorogation de juridiction ou bien en recourant à l'arbitrage.
*
1- Prorogation de juridiction
146
caractères apparents. Cette ligne libérale paraît bien ancrée puisque la même lèCe Chambre
civile de la Cour de cassation (Cass. lère civ. 13 avr. 1999, Sté SULLIVAN POLYNESIE, Bull. civ. I, n°
127; et, déjà, Cass. le, civ. 17 déc. 1985, Compagnie des Signaux et d'Entreprises électriques, «
Grands Arrêts », n° 69) a admis qu'une prorogation de juridiction aux Tribunaux de Singapour était
valable dès lors que « le droit interne de cet État permet de déterminer le Tribunal
spécialement compétent». Cette jurisprudence établit en définitive l'autonomie de la prorogation
internationale de juridiction par rapport à la prorogation du droit processuel interne. L'article 48 N.C.P.C.
s'applique à la seconde ; pas à la première. On retrouve d'ailleurs la même autonomie avec la clause
compromissoire puisque la Cour de cassation (Cass. le'e civ. 5 janv. 1999, Rev. crit. DIP 1999.546,
note D. Bureau) déclare l'article 2061 C. civ. inapplicable en matière internationale et admet « le
principe de validité de la clause d'arbitrage international sans condition de
commercialité ».
2- Clause d'arbitrage4
Avant la loi-gigogne du 5 juillet 1972 5, l'arbitrage constituait un vide législatif et réglementaire dont
les lacunes avaient été comblées par la jurisprudence.
Outre les art. 2059 et 2060 C. civ., l'arbitrage est réglementé par les art 1442 à 1507
N.C.P.C, l'arbitrage international l'étant, quant à lui, par les art. 1492 et suiv. Faute de pouvoir donner à
cette matière les développements qu'elle mériterait, on se bornera à renvoyer aux ouvrages cités en note(4).
C'est d'autant plus regrettable que le recours à l'arbitrage connaît actuellement un essor remarquable.
Ainsi, chaque année, le Clunet 6 publie une chronique7 sur les activités de la Cour internationale d'arbitrage
qui est établie depuis 1923 auprès de la Chambre de commerce internationale et dont le siège
est à Paris.
« En 1999, les parties ayant eu recours à l'arbitrage de la CCI étaient de 107 pays
différents. Les arbitres nommés en 1999 étaient de 62 nationalités différentes, les
lieux d'arbitrage répartis dans 41 pays ». Le montant des litiges est impressionnant :
3,2 % de ceux-ci mettaient enjeu des intérêts inférieurs à 50 000 US$, 40,7 % entre 1
et 10 millions US$, et 18,1 % au-delà de 10 millions. C'est la construction-ingénierie
qui nourrit le plus le contentieux arbitral8.
Bien que les places de Zurich, Genève, Londres ou New York aient aussi des
parts du gâteau, c'est la C. C.1. de Paris qui draine le plus d'affaires.
146
rapport aux juridictions étatiques : les arbitres sont choisis à raison de leur
compétence et connaissent à la fois la technicité du litige 15 et le droit qui lui est
applicable. Ainsi, dans la ligne des Hellanodikes (litt. Juges Hellènes) qui arbitraient
les compétitions des premiers Jeux Olympiques (Goscinny et Uderzo les ont
immortalisés), le CIO a institué en 1983 le T.A.S. qui a commencé à fonctionner en
1984. Depuis 2001, le Clunet publie une chronique annuelle de ses décisions. Ayant
pris ses distances avec le CIO, suite aux critiques du Tribunal Fédéral Suisse
compétent à raison de son siège, (=Lausanne), le T.A.S. s'est vu adjoindre une
Chambre ad hoc qui siège non-stop pendant les Jeux depuis 1996. C'est elle qui, par
ex. a restitué sa médaille d'or à l'équipe de France de concours complet (15). Tout
participant aux Jeux Olympiques est tenu de signer une adhésion à l'art. 74 de la
Charte olympique qui donne compétence à cette chambre spéciale du TA.S.
C - Sanctions
(20) Selon l'article 92 N.C.P.C., jusque devant la Cour de Cassation, le Juge peut
relever son incompétence d'office, dès lors que le litige « échappe à la connaissance
de la juridiction française ». Cela permet de suppléer à l'inertie du défendeur en cas
de défaut.
En cas de clause de juridiction ou d'arbitrage, les parties comme le juge sont
liées avec toutefois quelques précisions à apporter. D'abord, ces clauses ne sauraient
faire échec à la compétence du juge des référés' : en cas d'urgence, « nécessité n'a
pas de loi ». Ensuite, puisque nous sommes, par hypothèse dans le domaine de la
liberté des conventions, les parties peuvent y renoncer, même tacitement, par
exemple en assignant devant un tribunal autre que le For contractuel. De plus,
conformément à l'article 75 N. C. P. C, l'exception d'incompétence doit être soulevée
avant toute défense au fond; le déclinatoire doit impérativement désigner la
juridiction étrangère ou arbitrale compétente et la voie d'appel est le contredit.
146
flottement en jurisprudence, la Chambre sociale2 ayant, un moment, exigé de son
auteur qu'il précise « la nature et le lieu de la juridiction revendiquée ». Elle est
heureusement revenue sur cette solution en déduisant de l'article 75 N. C. P. C. « que
lorsque, à l'occasion d'une exception d'incompétence, il est prétendu qu'une
juridiction étrangère est compétente, il suffit au défendeur de préciser l'État
dans lequel se trouve la juridiction compétente, sans avoir à préciser ni sa
nature, ni sa localisation exacte ». Enfin, en cas de transmission, par
endossement par exemple, du contrat contenant la clause de juridiction, le porteur ou
le destinataire seront liés s'ils ont connu la compétence du tribunal désigné.
§ 2.-.CRITERES EXORBITANTS
Deux critères exorbitants viennent déroger aux critères normaux de
compétence. Ils le font avec une force variable. Ce sont le privilège de juridiction et
les immunités (A et B).
A - Le privilège de juridiction
146
la formule initiale du même texte (« Un Français pourra être traduit ») implique
une simple faculté ouverte au demandeur, comme l'a fort justement relevé M. Bernard
AUDIT (« La fin attendue d'une anomalie jurisprudentielle : retour à la lettre de l'art.
15 c. civ. » D. 2006.1846).
146
Français-demandeur n'a pas renoncé au Privilegium fori de l'art. 14 C. civ. Il y avait
toutefois une certaine cohérence dans le système du Code. C'est qu'en effet, dans
nombre de cas, la nationalité française du demandeur déclenche l'application de la loi
française au litige 12. De même, dans le cadre de l'art. 15 C. civ., la compétence
française du Tribunal français du défendeur peut se fonder sur la notion de Forum
arresti13. Et, du même coup, on comprenait l'incompétence initiale des Tribunaux
français à l'égard des étrangers dès lors que la loi française ne leur était pas
applicable 14 . De même encore, on s'explique qu'il ait fallu attendre 192815 pour savoir
que la Cour de cassation voyait un privilège dans les art. 14 et 15 C. civ.
C'est d'ailleurs justement le fait qu'il y ait là un privilège qui a amené un mari
américain qui avait obtenu le divorce d'avec une Française aux États-Unis, alors
qu'elle revendiquait la compétence dictée par l'art.15 à soutenir que ledit privilège
contrevenait à l'art. 6 CEDH. Il lui fut répondu 16 que le droit au procès équitable était
d'autant moins heurté par le texte que la compétence directe du Tribunal américain
(Floride) découlait d'une résidence temporaire du demandeur dans son ressort.
Nous sommes donc en présence d'une règle exorbitante' dont il faut préciser le
régime. Pour l'instant, compte tenu de l'arrêt PRIEUR, et sous réserve que ne se
confirme pas une tendance amorcée par Cass. l ère civ. 22 mai 2007 (FERCOMETAL, JCP
2007, Actu, n° 258, obs. Cyril CHABERT, JDI 2007, p. 956 note B. ANCEL et H. MUIR-
WATT), le premier caractère du principe énoncé par l'art. 14 C. civ. est qu'il s'agit
d'une règle de compétence EXCLUSIVE. Seulement, si cette compétence est exclusive
en ce sens que les Tribunaux français ne peuvent pas ne pas en tenir compte, elle
n'est pas OBLIGATOIRE en ce sens que son bénéficiaire peut toujours renoncer à son
bénéfice, même tacitement Z. Le plus souvent, cette renonciation résultera de la
saisine au fond d'un juge étranger par le bénéficiaire du privilège. Mais le fait de
demander au juge étranger de prendre des mesures d'urgence ne vaudra point
renonciation du Français au bénéfice de l'art. 14 C. civ. (V J.-P. REMERY, Rép. 2, t. 3, v°
« Référé », n° 6). Nécessité n'a pas de loi.
Quant aux exceptions énoncées par la Cour de Cassation dans l'arrêt Weiss,
elles se ramènent à la proclamation d'un principe de proximité à rebours 3. En matière
réelle immobilière, en cas de partage d'immeuble ou de voies d'exécution, sachant
fort bien que la décision française à intervenir n'a rigoureusement aucune chance d'être
mise en application du fait de la situation à l'étranger de l'immeuble litigieux ou des
biens à saisir, le Tribunal français préfère se déclarer incompétent plutôt que se
donner le ridicule de rendre consciemment une décision platonique. Au lieu de céder
au réflexe du « photographe »4, le juge français déclare forfait. Lorsque les Tribunaux
français sont saisis du seul fait de la nationalité du demandeur, la juridiction
territorialement compétente est en principe celle de son domicile s , mais il lui est
également loisible de saisir celle que « des circonstances spéciales font
apparaître comme particulièrement désignée au regard d'une bonne
administration de la Justice »6. Cependant, ce n'est pas parce que le demandeur
est français qu'il peut choisir à son gré dans les termes qui viennent d'être dits. Au
contraire, ce système ne s'applique que si les Tribunaux français ne sont pas déjà
désignés par un critère normal de compétence. Ainsi, une société de droit français ne
saurait tirer prétexte de sa nationalité pour demander au Président du Trib. de grande
146
inst. de son siège social (Montauban) l'autorisation de pratiquer une saisie
conservatoire sur des meubles appartenant à son débiteur étranger ALORS QUE ceux-
ci se trouvent à Lons-le-Saulnier. Autrement dit, la compétence découlant des art. 14
et 15 C. civ. est SUBSIDIAIRE'.
Le régime du Privilegium fori est donc très spécifique. Il ne joue d'abord que
si les Tribunaux français ne sont pas compétents à un autre titre. Il bénéficie ensuite à
tout sujet de droit, personnes physiques comme personnes morales et joue en toute
matière, sauf les trois exceptions ci-dessus indiquées. Il investit encore les Tribunaux
français d'une compétence exclusive, ce qui interdit de reconnaître aux juridictions
étrangères une compétence concurrente â. Constituant un privilège, la compétence
découlant de la nationalité est enfin susceptible de renonciation.
B - Les immunités
' Personnage des « Mariés de la Tour Eiffel » de J. COCTEAU et du Groupe des Six qui
déclare dans ce divertissement : « Puisque ces événements nous dépassent, feignons d'en
être l'organisateur ».
Pour un parfait massacre de cette citation, cf. Jacques FOYER, « Réformes de droit
interne et conflits de catégories de personnes morales de droit privé sur le terrain de
la responsabilité du fait d'autrui. Il résulte ainsi de la jurisprudence que les
associations relevant de la loi de 1901 répondent des dommages causés par leurs
membres (v. entre autres M. BRUSORIO, note Petites Affiches, 2007 n° 3 p. 15 et les
références). Au contraire, les syndicats professionnels échappent à la responsabilité
du fait d'autrui (Cass. 2eme civ. 26 oct 2006, Petites Affiches, 2007 n° 3 p. 15). Tout
esprit libre, donc impertinent, pensera que cette faveur tient au fait qu'ils sont
politiquement engagés (on sait dans quel sens).
146
étranger (art. 36 de la loi du 29 juillet 1881). Au contraire, il a été jugé4 que si « du
point de vue de la loi du for, leur objet est lié à l'exercice de la puissance
publique, les demandes d'un État étranger fondées sur des dispositions de
droit public ne peuvent être portées devant les juridictions françaises ; que
toutefois le principe peut être écarté, notamment si, du point de vue du for,
les exigences de la solidarité internationale ou la convergence des intérêts
en cause le justifient », L'arrêt, parfaitement fondé, signifie que, dans le domaine
des prérogatives de puissance publique, un État ne peut avoir juridiction sur un autre
:« Par in parent non habet imperium ». Mais, en revanche, si les prétentions de
l'État étranger demandeur relèvent du droit privé, sa demande sera parfaitement
recevable5.
Les personnes physiques bénéficiaires des deux immunités sont les agents
diplomatiques, les souverains, les chefs d'État, les ministres des Affaires étrangères. Ces
immunités protègent les personnes et couvrent TOUS les actes, même délictueux »,
SAUF les actions réelles immobilières, les actions successorales ou les actions
relatives à l'exercice par le bénéficiaire (= en fait, ici, fils, fille ou conjoint) d'une
profession libérale ou commerciale. Quand le défendeur fait ainsi jouer l'une des deux
immunités, le demandeur peut toujours invoquer contre l'État français, mais devant la
juridiction administrative, le principe d'égalité devant les charges publiques. Ainsi6 en a-
t-il été d'une Dame BURGAT qui ne pouvait faire expulser la femme du délégué du
HONDURAS à l'UNESCO. Cependant, il y a un risque de déni de justice quand le litige
survient entre une personne privée, un salarié par exemple, et une Organisation
internationale bénéficiait de l'immunité en question. Ainsi, ayant mis fin aux fonctions
de son Secrétaire-adjoint, M. HINTERMANN, l'Union de l'Europe Occidentale (Cass. lère
civ., 14 nov. 1995, Bull I, n° 413 ; Rapport 1995 de la Cour de Cassation, p. 418 ; JDI
1997.141, note C. BYK ; Rev. crit. DIP 1996.337, note H. MUIR-WATT) put-elle
échapper aux griffes prud'homales malgré l'invocation par le salarié licencié de
l'article 6 CEDH. Sur ce dernier terrain, la position française a reçu l'aval de la CEDH
qui a rendu le même jour (18 févr. 1999, JDI 2000.102, obs. P.T. ; v. aussi Paris, 7 oct.
2003, DEGBJE, Rev. crit. DIP 2004.409, note M. AUDIT) à l'unanimité et en grande
chambre deux arrêts excluant que l'Allemagne ait pu violer le principe du procès
équitable en accordant le bénéfice de l'Immunité de juridiction à l'Agence Spatiale
Européenne. Cependant, la solution n'est pas certaine car la Cour de cassation,
chambre sociale il est vrai (Cass. soc. 25 janv. 2005, DEGBOE, D. 2005 IR 593), a jugé
que l'immunité de juridiction invoquée par la Banque africaine de développement qui
était attaquée par un salarié français licencié, entraînait un déni de justice donnant
compétence aux Tribunaux français (cff supra n°18).
Lorsque c'est un État étranger qui est défendeur; la règle constante 7 veut que
la juridiction française saisie se déclare incompétente, même d'office, le pourvoi pour
excès de pouvoir étant ouvert au Garde des Sceaux au cas où la Cour d'Appel n'aurait
pas procédé de la sorte. Il ne s'agit donc pas d'une exception d'incompétence relevant
du régime évoqué supra8.
Depuis la complication des relations internationales résultant de la Révolution
bolchevique et de la décolonisation, des problèmes nouveaux ont vu le jour. Ainsi,
l'interventionnisme croissant de l'État a amené la Cour de Cassation 9 à refuser
l'immunité de juridiction à la Représentation commerciale des Soviets en France. Il
faut donc aujourd'hui distinguer10 selon que l'acte contesté est un Act of State ou un
simple acte de gestion économique et commerciale. En désaccord avec la
jurisprudence HINTERMANN ci-dessus évoquée, la Chambre sociale (Soc. 2 avril 1996,
COCO, Bull. civ. V, n° 132) a vu dans le licenciement d'un adjoint à son service de
presse par l'Ambassade d'Argentine à Paris un simple acte de gestion justifiant une
compétence juridictionnelle française nonobstant le fait que le défendeur fût un État
146
étranger. Cependant, dans l'affaire en question, les fonctions du salarié licencié
étaient étrangères aux activités officielles de son employeur, alors que M. HINTERMAN
avait, lui, une fonction officielle. La jurisprudence semble bien confirmer ce clivage Act
of State/Acte de gestion puisque après cassation d'un arrêt qui avait accordé des
indemnités à la secrétaire infirmière licenciée par l'Ambassade des États-Unis", la Cour
de Rennes s'inclina, mais fut cassée en des termes très nets par la Chambre sociale 12
Cette orientation se confirma avec un arrêt (Cass. l ère civ. 25 janv. 2005, D.
2005.616, avis Jerry SAINTE-ROSE Gaz. Pal. 2005, I somm. p. 2151, note O. LESPOUR)
excluant que la République (dite) démocratique du Congo puisse invoquer l'immunité
d'exécution pour échapper au paiement des charges de copropriété d'un immeuble où
elle avait acheté un appartement pour loger des diplomates.
De plus, rébellions et sécessions ont aussi obscurci le tableau. Même si l'on
touche encore aux rives du droit international public, il faut évoquer ces questions, car
elles ont permis à la Première chambre civile13 de rendre un bien intéressant arrêt.
Suite à l'éclatement de la Yougoslavie, la République de Slovénie engagea
victorieusement une procédure de référé pour faire bloquer les fonds de la Banque
nationale yougoslave déposés au Crédit Lyonnais tant que la succession d'États ne
serait pas réglée par accord entre les intéressés. Les Républiques de Croatie, de
Bosnie-Herzégovine et de Macédoine s'associèrent à cette demande. Cependant, la
République fédérale de Yougoslavie (= Serbie + Monténégro), qui entendait faire main
basse sur le magot, s'y opposa en soutenant que les Tribunaux judiciaires n'ont pas
compétence pour régler des problèmes de droit international public et que les
immunités de juridiction et d'exécution interdisaient au Juge français de statuer. Le
pourvoi fut rejeté, entre autres parce « que le litige qui concerne des fonds
déposés au nom de la RS.F. de Yougoslavie... ne porte pas sur un acte de
puissance publique ». Toujours aux confins du droit public et du droit privé, après
avoir obstinément nié l'existence de l'État étranger non reconnu, la Cour de Cassation
14
a apporté des nuances importantes en subordonnant sa prise en compte en tant
qu'État à une reconnaissance de facto.
Encore à la frontière du droit international public et du droit international privé,
la Cour de cassation 15 a aussi estimé que la résolution n° 687 par laquelle le Conseil
de Sécurité de l'O.N.U.16 imposait « à l'Irak d'honorer scrupuleusement toutes ses
obligations au titre du service et du remboursement de sa dette extérieure »
lui interdisait d'opposer l'immunité de juridiction à des saisies-arrêts pratiquées sur les
comptes de l'Ambassade d'Irak dans des banques irakiennes. Toutefois, comprenne
qui pourra (mais les voies du Seigneur et donc celles de Thémis sont impénétrables),
la même Cour de Cassation (Cass. l ère civ. 25 avr. 2006, Bull. civ., I n° 202 et Rev crit.
DIP 2007 p. 113, note S. LEMAIRE) a jugé que les résolutions du Conseil de sécurité
contre l'Irak n'étaient « pas d'effet direct » tant qu'elles n'étaient pas transposées.
Pour la petite histoire, on peut noter qu'en marge d'une doctrine archi
majoritaire qui fonde l'immunité de juridiction sur la courtoisie internationale,
NIBOYET17 la justifiait par l'impossibilité qu'a le juge judiciaire de faire application du
146
droit public, donc du droit public étranger. Il soutenait qu'au lieu de parler
d'immunité de juridiction, mieux valait raisonner en termes d'incompétence
d'attribution. L'idée est ingénieuse, mais l'incompétence ratione personae
(Compétence personnelle, compétence d'une juridiction à raison de la personne ou de
ses qualités) rend mieux compte de l'institution que l'incompétence ratione
materiae (Compétence d'attribution, compétence d'une juridiction en raison de la
nature de l'affaire) : l'épouse et la progéniture du diplomate ne relèvent pas du droit
public...
Cette immunité joue, que le particulier ait été lésé directement ou immédiatement par
l'État étranger sur le territoire de l'État du For ou sur celui de l'État concerné. Dans le
premier cas, comme il vient d'être dit18, il pourra invoquer la rupture de l'égalité
devant les charges publiques19, et c'est ici la France qui indemnisera la victime du
préjudice que lui cause l'impossibilité de recourir aux Tribunaux français pour obtenir
son dû. Dans la seconde hypothèse, si le Français ne peut pas rechercher en France la
responsabilité de l'État étranger qui lui a causé un dommage, il peut toujours tenter
l'aventure juridique devant les Tribunaux de cet État. Il peut encore essayer de faire
jouer la protection diplomatique 20 ; mais le mieux est certainement une clause
d'arbitrage 21. Encore faut-il cependant que les circonstances s'y prêtent.
146
d'apprécier de manière différente des questions identiques et l'autre à « éviter le
renouvellement des procès »6.
Quand dans ces conditions des Tribunaux relevant d'ordres juridiques différents
sont saisis de questions connexes, chacun d'eux, dans le but de trancher l'intégralité
du litige dont il n'est que partiellement saisi, va se déclarer compétent pour juger sur
les deux questions, exactement comme l'avait fait la Cour de Cassation dans l'arrêt
NASSIBIAN (cff supra, n° 18, texte et note 7). Le renversement de jurisprudence effectué
par l'arrêt COBENAM8 et dont il faut espérer qu'il ne se maintiendra pas, malgré sa
confirmation de 1997, n'affecte pas cette argumentation.
A - Problématique de la litispendance
146
compétence étrangère ne pourrait jamais être reconnue, alors que dans le second, il
pourrait en aller différemment. Il existe en effet des chefs de compétence qui, du fait
de leur importance respective, entraînent pour le for français une compétence
exclusive de toute compétence étrangère, et d'autres qui laissent aux parties le droit
de choisir librement la nationalité du juge compétents.
B - Solution de la litispendance
146
contredit en matière internationale 10. Dans ces conditions, rien ne s'oppose d'un point
de vue technique à l'admission de la litispendance.
Pourquoi alors, dans le but de simplifier les choses pour le juge comme pour les
parties, n'accueillerait-on pas, en France, la solution admise en Allemagne, en
Autriche et en Suisse (l3b'S) où la litispendance internationale entraîne le
dessaisissement du juge si, à ses yeux, la décision étrangère à intervenir est
susceptible d'être revêtue de l'exequatur ?
Pour que cette faculté puisse être exercée, il faut impérativement que la
saisine du juge français découle d'un chef de compétence directe NON EXCLUSIVE.
Alors que les instruments internationaux (art. 16 des Conventions de Bruxelles et de
Lugano, infra, n° 40) énumèrent limitativement les cas de compétence exclusive, le
droit commun laisse à la jurisprudence le soin de faire la distinction entre les chefs de
146
compétence exclusive et les chefs de compétence concurrente qui, seuls,
permettent de prendre la litispendance en considération.
31), il y a de fortes chances pour que la jurisprudence SIMITCH ait, à son tour, été
abandonnée.
Même si comparaison n'est pas raison, on peut relever ici une lointaine
analogie avec la théorie américano-écossaise33, et maintenant anglaise34 du Forum
non conveniens 35 qui permet « à un tribunal normalement compétent de se
dessaisir s'il s'estime tribunal NON CONVENIENT et qu'un autre tribunal lui
apparaît MORE CONVENIENT ».36
En tout cas, sensible à l'opportunité et sans se départir de la légalité, la
jurisprudence inaugurée en 1974 résout la question de la litispendance internationale
par l'octroi à la décision étrangère à venir d'un exequatur avant dire droit dont il
faut maintenant examiner les conditions.
146
(28) En matière internationale, la libre circulation de documents est une
nécessité. Il en est, heureusement, que les frontières n'arrêtent pas, surtout à
l'époque du net, mais hélas il y en a d'autres qui ont besoin de visa pour les franchir.
En effet, un acte juridique n'est pas, par nature, exportable, au moins du fait de la
diversité des langues (cf. S. CHATILLON, « Droit et langue », RIDC 2002, p. 687 à 715).
Le cas des actes extra juridictionnels est réglé le plus souvent par voie
conventionnelle et l'examen du droit commun' ne présente guère d'intérêt. En
revanche, à l'inverse des décisions administratives, fiscales et pénales qui, sauf
dérogation conventionnelle sont par nature2 territoriales, les décisions civiles et
commerciales ont suscité des solutions jurisprudentielles dont la présentation
éclairera l'examen du droit conventionnel. Les sentences arbitrales ont bien
évidemment aussi suscité une jurisprudence spécifique maintenant codifiée dans le N.
C. P. C.3 mais l'exiguïté de ce cours corseté dans ses 3 7 h 30 interdit qu'on en
traite4.
Néanmoins, bien qu'à la fin du Moyen Age certains jurisconsultes eussent été
assez favorables à l'exequatur des jugements « étrangers »4, le Code MICHAU vint
très tôt leur nier tout effet en territoire français5, et c'est à ce texte que dans le silence
des codes napoléoniens 6, la Cour de Paris se référa dans son arrêt HOLKER du 27 août
18167.
146
C'est donc l'arrêt HOLKER qui créa le pouvoir de révision, vite étendu par la
jurisprudence à toutes les matières' l ; ce pouvoir consistait dans la possibilité pour le
juge français de reprendre la totalité de l'affaire dans le but de savoir si le juge
étranger avait fait une saine appréciation des faits et une correcte application du
droit.
La xénophobie juridique suintant de ce système amena la Cour de Cassation à
renverser sa Jurisprudence par son arrêt MUNZER du 7 janvier 196413 dont la solution
fut, à son tour, considérablement altérée par la suite, ce qui nous conduira à étudier
successivement les destinées de l'arrêt HOLKER (A) puis celles de l'arrêt MUNZER (B)
avant d'aborder le régime de l'action (C).
(30) Même si VALÉRY proclamait que « l'histoire est la science des choses
qui ne se répètent pas » 1, le survol du passé est indispensable à l'intelligence du
présent.
146
compétent, sachant qu'une compétence exclusive française faisait obstacle à
l'exécution du jugement.
En effet, parmi les cinq conditions cumulatives, les deux premières, qui sont des
conditions d'ordre processuel, ont subi des modifications essentielles du fait de l'arrêt
BACHIR (1967) dont l’exequatur fut demandé à la cour d’appel d’Aix ; puis de l'arrêt
SIMITCH3. Et la troisième, qui exigeait que le juge d'origine devait avoir appliqué la loi
même qu'aurait appliquée le juge français s'il avait été directement saisi du litige,
faisait l'objet de vives critiques doctrinales qui ont entraîné le revirement de
jurisprudence que l'on examinera dans un instant.
146
Dans cette affaire, le mari américain qui jouait le « rôle-titre » avait épousé une
Britannique en Angleterre où fut établi le premier domicile conjugal. Alors que le
ménage n'avait pas d'enfants, le mari fut appelé à s'installer en France pour les
besoins de son travail, et où il engagea une instance en divorce qui buta sur une
décision d'incompétence du Tribunal de Paris (article 1070 NCPC puisque c’est le
défendeur habite en Angleterre).
La décision est cassée avec un chapeau portant la griffe des arrêts de principe
:«Attendu que, toutes les fois que la règle française de solution des conflits
de juridiction n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le
tribunal étranger doit être reconnu compétent si le litige se rattache d'une
manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de la
juridiction n'a pas été frauduleux».
146
chapeau intérieur de l'arrêt est dépourvu d'ambiguïté. Reconnaître la compétence
directe du Tribunal d'Oran n'était pas possible en l'espèce, puisque « les deux époux
étaient domiciliés en France de sorte que leur nationalité algérienne
commune ne suffisait pas à rattacher le litige d'une manière caractérisée à
l'Algérie ». Cet arrêt était peut-être annoncé par Cass. lère civ. 9 juill. 2003 qui avait
déclaré frauduleux la saisine du Juge algérien par un mari franco-algérien dont la
femme algérienne résidait en France.
En effet le rattachement caractérisé de l'arrêt SIMITCH était bien réalisé ici car,
si nous estimons que la nationalité française du demandeur OU du défendeur rattache
suffisamment un litige aux tribunaux français, il va de soi que la nationalité algérienne
des DEUX PARTIES devrait logiquement fonder une compétence concurrente
algérienne. Si elle ne le fait pas, c'est au moins parce que l'art. 1070 NCPC donne une
compétence exclusive aux juridictions françaises qu'il désigne et peut-être aussi parce
qu'on le bilatéralise pour vérifier la compétence directe du Juge d'origine.
Cette affirmation est corroborée par le revirement signalé plus haut où, par son
arrêt PRIEUR du 23 mai 2006, la haute juridiction a jugé que l'article 15 code civil ne
consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française impropre
à exclure la compétence indirecte d'un tribunal étranger, DES LORS que le
litige se rattache de manière caractérisée à l'État dont la juridiction est
saisie et que le choix de la juridiction n'est pas frauduleux ».
Il s'agissait aussi d'un divorce prononcé au Mexique, entre deux Français cette
fois, mais toujours par application de la loi mexicaine. En conséquence, l'exequatur
aurait dû être refusé pour défaut d'application de la loi compétente. Au contraire, il fut
accordé parce que « les juges qui, saisis d'une demande d'exequatur d'une
décision étrangère prononçant le divorce entre deux Français en raison de «
mauvais traitements » constatent que les mauvais traitements invoqués par
la femme étaient ceux dont elle était l'objet de la part du mari, ont pu, en
l'état de cette constatation de fait, légitimement déduire que les mauvais
traitements retenus par les juges étrangers équivalaient aux excès, sévices
et injures graves de l'art. 231 C. civ. françaislS et accorder en conséquence
146
l'exequatur demandé ».
La quatrième condition a trait à l'ordre public, qui exclut que l'on puisse
exécuter en France un jugement étranger qui contreviendrait aux conceptions
fondamentales de l'ordre juridique français. Ainsi, une répudiation islamique n'aura
que peu de chances d'avoir effets en France, contrairement à la répudiation
hébraique, qui est soumis à l’accord de la femme, garantissant ainsi a peu près la
condition de l’égalité des sexes.
Il faut cependant remarquer que cette interdiction ne semble pas jouer dans les
rapports intracommunautaires, puisque la CJCEZ7 l'a déclarée contraire au principe de «
confiance mutuelle » qui implique que chaque État membre fasse pleinement foi en la
justice des autres. Cependant, ce même principe n'interdit pas des effets extraterritoriaux,
en France, par exemple 28, d'une Mareva injunction29 prononcée par la High Court de
Londres. Il s'agit d'une mesure conservatoire gelant les avoirs d'une partie pour lui
interdire d'organiser son insolvabilité. C'est une action paulienne préventive qui a une
origine jurisprudentielle30 dont elle tire son nom et qui a été consacrée, sous le nom
évocateur de « freezing injonction » par les Civil procedure rules de 1999. En
l'espèce, un national allemand du nom de STOLZENBERG était en procès avec des
sociétés canadiennes qui obtinrent un gel de ses avoirs à hauteurs de Can. $ 411 millions,
soit environ 250 millions d'euros.
L'exequatur fut accordé.
C - Régime de l'exequatur
146
commodité de l'exposé. Il peut parfaitement arriver que l'autorité étrangère soit
extrajudiciaire.
146
exécution forcée de la décision étrangère. Il s'agissait en l'occurrence d'un codébiteur
condamné solidairement à l'étranger qui entendait se constituer un titre pour recourir
en contribution contre ses consorts en France. Ce n'est donc pas l'exécution, mais
l'opposabilité du jugement qui était recherchée. L'exequatur fut accordé.
Les décisions étrangères faisaient foi des faits qu’elles constataient, et, aussitôt
qu’il a été rendu, le jugement étranger doit être reconnu comme tel.
Après la Loi BONALD interdisant le divorce, l'ordre public s'opposa à la
reconnaissance en France des divorces étrangers, mais ce verrou sauta très vite et
les avancées de la jurisprudence ont été scandées par les décisions ci-après
indiquées.
Que sont ces arrêts devenus ? C'est la question que l'on se posera avant de
présenter le régime de la reconnaissance (A, B et C).
A - Destinées de l'arrêt BULKLEY
146
une illustration du conflit de loi dans l’espace et du conflit de loi dans le temps car il
faut rappeler que la jeune femme est une britannique ayant épousée un
néerlandais ,« la loi de 1816 n'a pu vouloir et n'a voulu statuer que pour
l'avenir et pour la France ; qu'elle n'a atteint par sa disposition unique, ni
les divorces antérieurement prononcés, ni les divorces prononcés
régulièrement à l'étranger ».
Peu après, les époux s'établirent en Russie, ils acquièrent tous les deux la
nationalité Russe, et le 4 janvier 1882, le mari embrassait la religion orthodoxe.
Certains désaccords s'étant élevés entre les époux, Ludmilla vint s’établir à Paris. Du
fait du départ de son épouse, le mari saisit le Tribunal synodal de Saint-Pétersbourg,
qui enjoint les deux époux de faire régulariser leur mariage par un prêtre orthodoxe .
Ludmilla a été enjoint de cette demande, et déclara par écrit au Consulat russe de cette
ville qu'elle ne consentait pas à contracter un mariage « orthodoxe » avec
DOBRZANSKI. Corrélativement, le Saint-Synode de Saint Petersburg annula leur union
pour disparité de culte.
146
décision russe.
De fait, une telle règle ne pouvait être acceptée sans nuances car les jugements
d'État peuvent entraîner des conséquences dépassant largement la personne et la vie
privée. C'est ce qui amena la Cour de Cassation à proclamer dans son arrêt HAINARD
du 3 mars 1930 « que les jugements rendus par un tribunal étranger relatives
à l'état et à la capacité des personnes produisent leurs effets en France
indépendamment de toute déclaration d'exequatur, sauf le cas où ces
jugements doivent donner lieu à des actes d'exécution matérielle sur les
biens ou de coercition sur les personnes ». Cette affirmation a été reprise,
notamment par l'arrêt BIESKI du 10 février 1971 et l'on peut affirmer qu'elle est
maintenant solidement ancrée en jurisprudence, où elle a poussé des incursions dans
d'autres domaines comme les problèmes de faillite ou les questions de succession.
Ainsi, on peut parfaitement interpréter l'arrêt Sté KLEBER de 1984, comme une
illustration de cette tendance. La solution peut être étayée par deux types
d'arguments. On peut d'abord estimer que, si une sentence arbitrale « a, dès qu'elle
est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation
qu'elle tranche », il n'y a aucune raison de priver de cette autorité une décision de
justice étrangère.
En effet, avant l'ordonnance du 23 août 1958, les articles 251 et 252 du Code
civil subordonnaient les effets du jugement de divorce à la transcription de son
dispositif sur les registres de l'état civil et une certaine jurisprudence avait tendance à
estimer que si la transcription d'une décision ayant en principe autorité sans
exequatur était demandée en France, il y avait là une « coercition exercée sur la
personne de l'officier de l'état civil », la privant de ce chef du bénéfice de la
solution jurisprudentielle dans cette hypothèse, il faut impérativement demander
l’exequatur. Après une période de flottement consécutive à l'abrogation sus-indiquée
et à la consécration de la jurisprudence ci-dessus par l'instruction sur l'état civil du 21
septembre 1955, une modification de celle-ci est venue libéraliser le système en
remplaçant l'instance en exequatur ou en opposabilité par une procédure simplifiée
où c'est le Procureur de la République qui donne à l'Officier de l'état civil les «
instructions » nécessaires à l'intégration des modifications étrangères aux registres
français.
146
B - Destinées de l'arrêt NEGROTTO
Un arrêt rendu en 1900 par la Cour d'appel italienne de Casale avait condamné
HERZOG à restituer à Negrotto des actions d'une société, ainsi qu'à lui payer
diverses sommes d'argent. Cette décision ayant été invoquée dans le cadre d'une
procédure engagée ultérieurement en France par HERZOG pour aboutir au résultat
contraire, la Cour de Paris l'écarte et la Chambre civile de la Cour de Cassation rejette
le pourvoi parce le défendeur n’avait pas la possibilité d’opposer à son adversaire la
décision rendu à l’étranger, car, ceux-ci, en matière contentieux, n’a pas d’effet en
France.
La doctrine interprète l'arrêt, d’une manière fausse, en disant que l’on peut
considérer que cet arrêt pose le principe de l'absence d'autorité de la chose jugé des
seuls jugements étrangers patrimoniaux à caractère déclaratif. Certes, l'arrêt italien
était bien patrimonial et déclaratif mais le chapeau intérieur qui vient d'être cité
montre bien que, dans l'esprit de la Cour de cassation, AUCUN jugement contentieux
étranger ne pouvait se voir reconnaître de plano quelque autorité que ce soit.
Peu importe cependant car, en droit comme ailleurs, ce qui compte, c'est
l'apparence. L'arrêt NEGROTTO a donc refusé « qu'un jugement étranger
déclaratif patrimonial soit invoqué au soutien d'une exception de chose
jugée devant les tribunaux français » . Qu'est donc cet arrêt devenu ?
2
Par la suite, l'arrêt LOCAUTRA du 09 décembre 1974, dont il n'est pas indifférent
de noter qu'il a été rendu par la 1ère Chambre civil de la Cour de Cassation, treize
jours après l'admission de l'exception de litispendance avec le même Président,
BELLET et le même Conseiller rapporteur, PONSARD devait énoncer prudemment,
avec toutes les apparences du simple arrêt d'espèce: « que la Cour d'Appel a
d'abord relevé qu'un jugement allemand « rendu par une juridiction
compétente et suivant la loi applicable d'après les règles françaises de
conflits de lois » avait déclaré nulle la vente..., que ce jugement devait être
tenu pour efficace ».
146
Telle devrait être la destinée de l'arrêt NEGROTTO : aboutir à la grande
ouverture d'une maison qu'il avait close... !
C - Régime de la reconnaissance
Dans son arrêt CONLON de 1983, la 1ère Chambre civile a prononcé « qu'une
décision de divorce étrangère est dotée de plein droit d'efficacité en France,
sous réserve de l'exécution forcée; qu'il s'ensuit que c'est à celui qui
invoque l'irrégularité de cette décision d'en faire la preuve ».
Alors que le Tribunal civil de la Seine avait refusé de le suivre dans cette voie de
droit « novatrice », il obtint satisfaction en appel, et la Chambre civile rejeta le pourvoi
en déclarant « que si les jugements étrangers rendus en matière d'état ou de
capacité produisent en France, sans exequatur, tous les effets autres que
ceux qui comportent coercition sur les personnes ou exécution sur les biens,
C'EST SOUS RÉSERVE de l'appréciation par la juridiction française saisie d'une
demande en inopposabilité de pareil jugement, de sa conformité aux règles
françaises de solution des confits de lois ».
146
C'est, sans doute, par une utilisation accrue de l'action en inopposabilité que
l'on mettra un peu d'ordre dans l'anarchie libérale qui s'instaure. Telle a été l'évolution
du droit commun dont nous allons voir maintenant qu'il est devenu un droit largement
subsidiaire. En effet, aujourd'hui, après le choc des Guerres mondiales, la concertation
l'a emporté sur les particularismes nationaux en entraînant une floraison du droit
conventionnel où chacun tente de trouver son compte.
Toutefois, le développement du règlement conventionnel des conflits de
juridiction apporte et va apporter des services majeurs à la pratique internationale. De
plus, le droit doit s'orienter vers l'intérêt du justiciable, plutôt que vers
l'assouvissement des fantasmes universitaires.
146
conflit plaquent le droit national sur des faits internationaux. Ces dernières se
présentent tantôt sur un mode bilatéral, tantôt sur un mode unilatéral.
CHAPITRE I
STATUT PERSONNEL
Le droit français se fait du statut personnel une conception moins étendue que
certains de ses voisins. Espagne, Italie, Portugal, Allemagne, etc. rattachent par
exemple successions et régimes matrimoniaux au statut personnel alors que nous les
en excluons au profit d'une analyse contractuelle des seconds et d'une approche
matérielle des premières où l'aspect transmission patrimoniale l'emporte sur la
continuation de la personne.
De plus, d'un pays à l'autre, le rattachement choisi diffère. Les uns soumettent
le statut personnel à la loi religieuse. D'autres à la loi du domicile. D'autres comme la
France et le bloc des pays latins à la loi nationale, encore que l'article 3 du Code civil
soit formulé de manière unilatérale. En effet, son alinéa 3 se borne à énoncer que «
les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les
Français, même résidant en pays étranger ». Il constitue par conséquent une
autolimitation du champ d'application de la seule loi française et ne comporte aucune
disposition relativement aux étrangers. On y a vu « l'affirmation martiale d'une
emprise juridique »; pourtant, comme il est dit en note, dix ans au plus après la
promulgation du Code Napoléon, la jurisprudence l'a bilatéralisé en faisant de la
nationalité (française ou étrangère) le point de rattachement permettant de
déterminer la loi applicable au statut personnel. Cependant une telle démarche n'est
concevable qu'avec un système juridique unifié. Ainsi, relativement au statut
personnel, la loi nationale d'un Libanais n'existe pas. Il y a seulement des règles
dépendant de son appartenance à la communauté sunnite, chiite, druze, maronite,
orthodoxe grecque, etc. De même, si le Royaume-Uni vit sous la même souveraineté,
ses sujets des îles adjacentes n'ont pas exactement le même statut que les Anglais,
qui diffère aussi de celui des Écossais.
146
En somme, au gré des traditions nationales, la diversité est la règle. Pour s'en
tenir à la France, on constatera de plus que les divers aspects du statut personnel
sont soumis à des traitements différents. En effet, dans ce premier ensemble6 qui
tient plus de la galaxie qu'autre chose, on peut discerner des nébuleuses plus ou
moins harmonieusement structurées et plus ou moins heureusement réglementées :
État et capacité des personnes, Mariage et autres concubinages, Filiation et
Éclatement de la famille (Sections 1, 2. 3 et 4).
Les statuts personnels font l’objet de l’article 3alinéa 3 code civil « l’Etat et la
capacité des citoyens français même à l’étranger, est soumis à la loi française ». La
citoyenneté concerne autant les personnes physiques que les personnes morales,
dont la nationalité ne découle pas des associés qui les composent, mais du lieu de son
siège social réel. Le texte est émis de manière unilatérale, et ne dit rien sur
l’éventuelle compétence d’une loi étrangère, en la matière. Dans l’arrêt BUSQUETA de
1816 par la cour royale de Paris (Cour d’appel), a pour la 1ère fois bilatéralisé cet article
3 alinéa 3 du code civil, en lui faisant dire que l’état et la capacité des personnes
relevait de leurs lois nationales.
A - Détermination de l'incapacité
146
incapacités générales relèvent de la loi personnelle et les incapacités spéciales de la
loi applicable à la situation qu'elles affectent. Ainsi3, l'incapacité qu'ont le médecin, le
pharmacien et le ministre du culte de recevoir à titre gratuit de celui qu'ils auront
assisté dans sa dernière maladie (art. 909 C. civ. ) relèvera de la loi successorale et
non pas de la loi personnelle. De plus, au Principe (1) d'application de la loi nationale,
il est des Exceptions (2).
1 - PRINCIPE
Sauf le cas où elle aboutirait des résultats incompatibles avec nos conceptions
fondamentales4, la loi nationale de l'intéressé détermine les causes de l'incapacité, les
actes interdits et les sanctions. La règle joue à l'égard des personnes physiques
comme des personnes morales. Ainsi, c'est la lex societatis (4 b`S) qui déterminera si
les organes sociaux ont le pouvoir d'engager la société à l'égard du tiers (4 ter) comme
c'est la loi nationale, et non pas la lex contractas (4 quater) qui déterminera la capacité
contractuelle de la personne physique. De surcroît, la conception que le droit
international privé se fait des incapacités est plus large que celle du droit interne.
Ainsi, en droit des obligations, la capacité de contracter du dément qui n'a fait l'objet
d'aucune mesure de protection ne peut être réduite que si l'on prouve le vice du
consentement (art. 1110 à 1116 C. civ. ). Au contraire, en droit international privé, «
l'insanité d'esprit et la démence constituent en réalité des cas d'incapacité
naturelle soumis à la loi personnelle et non à la loi régissant les actes
juridiques incriminés, comme les vices du consentement »5. A titre illustratif, il a
été jugé6 que, nonobstant la règle française Habilis ad nuptias, habilis ad pacta
nuptiala 7, le contrat de mariage passé par une mineure espagnole hors la présence
de son père adoptif était soumis à sa loi personnelle et non à celle qui régit le
mariage. Il fut donc annulé par application de la loi espagnole8.
2 - EXCEPTIONS
Une réglementation relevant du droit public français peut d'abord avoir pour
effet d'oblitérer la loi personnelle de l'intéressé. Ainsi9, la capacité du mineur allemand
de s'engager dans la Légion étrangère relève-t-elle de la loi française. Mais surtout,
l'Apparence peut venir brouiller les cartes. Passé l'âge de vingt et un ans, Francis de
LIZARDI1° avait acquis aux yeux de ses cocontractants français l'apparence d'une
capacité civile dont il abusa sans réserves. De 1852 à 1854, il se rendit débiteur de la
somme de 695 495 francs « germinal »11, alors qu'il était encore incapable au regard de
sa loi personnelle12. En 185613, son tuteur mexicain demanda et obtint l'annulation du
plus gros de ces opérations 14, pour défaut de capacité de son pupille qui n'avait pas
encore atteint l'âge de vingt-cinq ans requis par sa loi nationale. Une foi ce cap
franchi, LIZARDI sollicita lui-même des juridictions parisiennes l'annulation des autres
engagements qu'il avait contractés ; le Tribunal civil de la Seine, la Cour impériale de
Paris, puis la Chambre des Requêtes 15 refusèrent de le suivre dans cette voie en
fondant implicitement l'éviction de la loi mexicaine normalement compétente sur
l'ignorance excusable de la loi étrangère par les cocontractants français16. Equitables,
ces décisions l'étaient incontestablement, mais pouvaient-elles s'appuyer sur des
arguments convaincants sur le plan juridique' 7 ? On n'a guère constaté que des
faiblesses à ce point de vue, et parfois considéré que la solution retenue reposait sur
une « doctrine, non de jurisconsulte, mais de marchands 18».
146
inspiré d'avoir la même intuition que son élève et futur adversaire NIBOYET qui, sans
aucunement invoquer la Théorie de l'apparence, étudiait' 9 néanmoins l'arrêt qui
nous occupe sous la rubrique « la théorie de la capacité apparente ou théorie
de l'intérêt national ». De fait, il est évident qu'il y a là une application particulière
de la maxime « Error communis facit jus20 », qui, exception permanente à
l'application mathématique de la règle de droit, est un instrument remarquable de
protection de la bonne foi21. Il y a là en définitive une règle de bon sens qui a été
reprise dans les Conventions internationales de Genève du 7 juin 1930 sur la lettre de
change et le billet à ordre, et du 19 mars 1931 22 sur le chèque. On la retrouve encore
dans l'article 11 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur les obligations
contractuelles23. A noter cependant que l'application de la théorie de l'apparence n'a
rien de mathématique ni de certain. Ainsi, immédiatement après l'arrêt LIZARDI, la
Chambre des Requêtes 24 rendait un arrêt interdisant à un créancier anglais de
poursuivre son débiteur français devenu incapable du fait d'un jugement français le
dotant d'un conseil judiciaire. L'Anglais plaidait l'ignorance du jugement français. On
lui opposa le jugement rendu par application de l'art. 3 C. civ. De même, dans une
affaire OPPENHEIM légèrement postérieure25, un prodigue allemand résidant à Paris
fut admis à se prévaloir de son incapacité contre deux créanciers anglais qui
demandaient en France l'exequatur d'un jugement de condamnation intervenu en
Angleterre.
B - Protection de l'incapable
146
contradictoires avaient déjà été prises aux Pays-Bas. Saisie par ce dernier État, la Cour
Internationale de justice donna raison à la Suède, ce qui amena la Conférence de La
Haye, à intervenir à nouveau, entérinant l'acquît de l'arrêt BOLL.
§ 2 – La Défense
(49) En droit civil, les incapacités de défiance constituent une espèce en voie de
disparition. Au contraire, des considérations politiques multiplient maintenant les
mesures de sûreté assimilables à des incapacités de défiance qui s'appliquent
indépendamment de la nationalité des intéressés. La « juridiction » des commissions
médicales du permis de conduite ou des commissions de retrait relève des lois de
police, exactement comme l'hospitalisation des déments ou le traitement des
alcooliques dangereuxl.
En droit international privé, la défiance a conduit à frapper l'étranger2 d'une
incapacité de jouissance conditionnelle destinée à préserver les intérêts du Français
dans le pays étranger correspondant. L'article 11 du Code civil énonce en effet : «
L'étranger jouira en France des mêmes droits civils que ceux qui sont ou
seront accordés au Français par les traités de la nation à laquelle cet
étranger appartiendra »
Entendu littéralement, le texte subordonne la~, fjouissance d'un droit civil par un
étranger en France à l'exigence de la réciprocité diplomatique3. Il introduisait donc
une distinction entre étrangers bénéficiant d'un traité et étrangers ne bénéficiant pas
d'un traité, à qui il fallait ajouter les étrangers admis à domicile en France 4, puisque
l'article 13 du Code civil disposait 5 :« L'étranger qui aura été autorisé par décret à
fixer son domicile en France y jouira de tous les droits civils ».
146
En pratique, néanmoins, le système n'a jamais fonctionné de la sorte. Et, la
doctrine s'appliqua immédiatement sinon à le gauchir, du moins à l'assouplir6. Quant à
la jurisprudence, elle a évolué progressivement vers un libéralisme forcené teinté
d'internationalisme béat.
146
marier en France puisque, conformément à la position de DEMOLOMBE, on estima
que, les articles 12 et 19 du Code civil de 1804 visant le cas de l'étrangère qui épouse
un Français et de la Française qui épouse un étranger, ils permettaient implicitement
le mariage en France des étrangers sans qu'on ait à se préoccuper de vérifier la
réciprocité diplomatique.
§.1 conditions
Le mariage était l’une des seules institutions a a voir fait l’objet des règles de
conflit de loi dans le code civil (article 170 ancien du code civil). En 2006, il y a eu trois
modifications portant sue la famille : la loi 4 avril 2006 relative aux violences au sein
du couple, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration qui vise la
condition des étrangers et la nationalité, et enfin, la loi du 14 novembre 2006 sur le
mariage des français à l’étranger, et qui a changé la numérotation des articles, ainsi,
l'article 170 C. civ. posait initialement une règle de forme et une règle de fond. Cette
dernière (cf infra, n° 52) imposait et impose encore au Français contractant mariage à
l'étranger de respecter les conditions posées par les articles 144 à 164 C. civ. La
première subordonnait la validité en la forme d'un tel mariage au respect des
«formes usitées dans les pays pourvu qu'il ait été précédé de la publication
prescrite par l'article 63 Code civil » La loi 2006-1376 du 14 novembre 2006 et
son décret d'application n° 2007773 du 10 mai 2007 ont apportés de profonds
changements à la matière. A côté de modifications ponctuelles du Code civil
l'innovation majeure a consisté dans l'introduction d'un chapitre II bis traitant « Du
mariage des Français à l'étranger » aux articles 171-1 à 171-8, l'art. 6 de la loi
abrogeant les articles 170 et 170-1 qui constituaient auparavant le siège principal de
la réglementation concernéeet qui se rapporte notamment aux conflits de lois et
modifie les conditions de validité du mariage.
A - Forme
146
l’exigence de la publication du mariage célébré à l’étranger, dans une marie, ensuite
on examinera les apports législatifs de la loi du 14 novembre 2006.
1 - SOCLE JURISPRUDENTIEL
Avec de pures modifications de forme et, bien sûr, l'abolition par omission de la
publicité en mairie, le nouvel art. 171-1 reprend les trois premiers alinéas de l'ancien
art. 170. En conséquence, la construction jurisprudentielle antérieure est consacrée
dans ce qu'elle n'est pas contraire aux règles qui seront survolées ci-après, et dont il
faut tout de même rappeler qu'elles n'existaient pas au moment des espèces
évoquées au texte et citées en note. En ce qui concerne le mariage du Français à
l'étranger, il «est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le
pays de célébration ». Ce texte, consacré par la jurisprudence imposait que le
mariage soit publié dans la mairie de l’époux français. Cette exigence n’a plus droit
depuis novembre 2006.
Cette consécration de la règle Locus regit actum (le lien régit l’acte : un
acte juridique est soumis aux conditions de forme du lieu de sa conclusion,
donc le mariage est soumis aux règles de forme du lieu de sa célèbration)
implique, aujourd'hui comme hier, que le Locus celebrationis connaisse bien le
mode de célébration choisi par les époux. Ainsi, Italie, Espagne ou Angleterre
reconnaissent la validité du seul mariage religieux. Le Français qui souscrit un tel
mariage dans ces pays sera valablement marié. Au contraire, le jeune explorateur
français qui fait bénir son mariage en Mongolie centrale avec sa jeune compagne
américaine par deux missionnaires belges ne contractera pas valablement mariage
même si celui-ci a été transcrit sur les registres de Légation de France à Pékin, faute
pour la Mongolie centrale de connaître le mariage religieux. (conseil d’Etat 1926)
Outre la publicité déjà mentionnée, la seule exigence formelle que pose le droit
français est celle de la présence physique du citoyen français qui se marie à
l'étranger. Mariage sans comparution personnelle et mariage posthume ne sont donc
pas possibles.
La règle est parfaitement claire mais elle peut se compliquer dans son
application du fait que certains pays admettent que l'existence d'un mariage puisse se
déduire de la seule possession d'état" et que le mariage puisse ainsi exister sans
aucune célébration. Les espèces sont rares. L'une d'elles est caractéristique : il
s'agissait d'un couple dont la vie commune avait commencé en Belgique qui, comme
la France (art. 194 C. civ.), exige la production d'un titre, pour se continuer dans
l'État de New York qui connaissait alors le mariage sans célébration. La « veuve » vit
ses réclamations successorales écartées par la Cour de Paris parce que la « vie
commune était bien antérieure à l'établissement dans l'État de New York,
l'état défait qui était jusque-là exclusif de toute volonté de mariage ne
pouvant, en se perpétuant simplement dans un autre pays, devenir à lui
seul révélateur d'un changement dans l'intention des partie ». En
conséquence, on doit admettre a contrario que si les relations s'étaient nouées à
New York, on aurait envisagé de qualifier de mariage ce qui, a priori, n'était qu'une
union libre. Cette analyse est corroborée par l'arrêt de la Première Chambre civile (3
févr. 2004, Rev. crit. DIP 2004.395 obs. B.A. ; RTD civ. 2004.267 obs. HAUSER; Rép.
Defrénois 2004.37992 note M. REVILLARD; J.CP. 2004.11. 10074 Note K. BOTTINI) qui a
cassé pour violation de l'article 147 C. civ., l'arrêt de l'appel qui avait admis la validité
du mariage souscrit en France par deux partenaires qui étaient DÉJA dans les liens
d'un mariage coutumier monogamique souscrit par procuration au Congo. En effet,
l'impossibilité de « souscrire un second mariage avant la dissolution du
premier » suppose à l'évidence que ce dernier soit valable.
Il faut noter que, comme la règle posée par l'article 3 al. 3 C. civ., celle de
146
l'ancien article 170 a été bilatéralisée par la jurisprudence. En effet, partant du
principe que ce que nous considérons, nous, comme une condition de forme doit être
vu comme tel relativement à un étranger, la Cour de Cassation a admis la validité du
mariage conclu en France en la forme civile par un Grec dont la loi nationale exigeait
alors une célébration religieuse. Dimitri CARASLANIS, sujet grec de confession
orthodoxe, avait épousé civilement en France Maria-Richarde DUMOULIN, de
nationalité française. Celle-ci ayant demandé le divorce, il invoqua en défense, entre
autres arguments, l'inexistence de l'union qu'il avait contractée au mépris des
dispositions de fond de sa loi nationale. L'article 1367 du Code civil hellénique
confirmant ici en effet la législation antérieure, frappait d'inexistence l'union où faisait
défaut la célébration religieuse. La Cour de cassation approuva la Cour de Paris
d'avoir écarté la demande reconventionnelle, en énonçant « que la question de
savoir si un élément de la célébration du mariage appartient à la catégorie
des règles déforme ou à celle des règles de fond devait être tranchée par le
juge français suivant les conceptions du droit français selon lesquelles le
caractère religieux ou laïc du mariage est une question déforme ».
La règle Locus regit actum ainsi bilatéralisée n'est cependant pas obligatoire
car, si les époux peuvent suivre les formes de la loi locale, ils ne sont pas obligés de
le faire. En effet, l'article 48 C. civ. , permet aux époux français de contracter mariage
à l'étranger en la forme française par-devant les Agents diplomatiques ou consulaires.
Cette règle avait été, elle aussi, bilatéralisée par la jurisprudence et la pratique
administrative, qui admettent la validité du mariage consulaire célébré en forme
étrangère entre deux étrangers de même nationalité. De plus, l'article 170 avait été
complété par une loi du 29 novembre 1901 permettant à un Français de contracter
mariage avec UNE étrangère en forme consulaire dans des pays désignés par décret.
La règle ne bénéficiait qu'aux Français de sexe masculin. C'est la rançon du temps où
elle a été prise et où les femmes s'exportaient peu... Elle était jugée « injuste » par
certains. En fait, elle était surtout contraire au principe d'égalité des sexes et a été
supprimée dans des termes assez macaroniques par la loi du 26 nov. 2003 qui a été
reprise dans le nouvel art. 171-1 dans son troisième alinéa. La liste des pays
concernés a été établie par décret du 26 oct. 1939 modifié le 15 déc. 1958.
Bref, qui veut tout savoir de cette loi se reportera aux études précitées de
146
Mesdames CORNELOUP, REVILLARD et/ou BARRIÈRE-BROUSSE.
B- forme
Le code civil impose un certain nombre de fond que le français se mariant à l’étranger
doit connaitre :
- La monogamie
- Interdiction de l’inceste
- Conditions d’age
- Différence de sexe (cette condition n’est pas prévue par le code explicitement,
cependant, pour que le mariage entre personnes de même sexe
Dans la lignée de la jurisprudence BUSQUETA, on a traduit que les conditions de fonds
relèvent de la loi nationale. Ainsi, on applique à chacun des deux éppux les exigences
de sa loi nationale. Mais ce ci va poser des problèmes, notamment en matière de
polygamie qui est admise dans bon nombre d’Etats. Si l’on se trouve dans un mariage
polygamique valable pour l’un des époux et pas pour l’autre, que se passe –til ?
Arrêt Hyde c/ Hyde chambre des Lords 1968 : Hyde est un citoyen anglais, il se
convertit à la religion mormone, et devient ministre du culte (pasteur ) à Salt Lake
City, il épouse une coreligionnaire, et après queulques années de mariage, il abjure la
foi mormone, et se convertit à une autre religion dont il devient pasteur. Sa femme se
remarie, pusique leur mariage a été annulé du fait de l’abjuration. Il demande le
divorce pour adultaire contre sa femme. Les lords le déclarent irrecevables car ils
estiment qu’on ne peut pas dissoudre par divorce un mariage nul. Ce mariage était
nul pour les magistrats, puisque les mormons auraient connus la polygamie, et que la
mariage des Hyde serait une mariage ayant la possibilité d’avoir un caractère
polygame.
Dans un pays laic, la mariage souscrit par un libanais sunnite par exemple, avec une
française, sera-t-elle admise ? on a tendance a admettre que oui. Arrêt Haouad
C - SANCTIONS
146
toutefois augurer d'une réduction de l'insécurité juridique des dispositions instituant
en la matière un filtrage a priori.
En effet, la loi du 24 août 1993 a ici introduit une heureuse disposition de
prophylaxie juridique en enjoignant l'agent diplomatique ou consulaire chargé de
transcrire un mariage célébré à l'étranger" d'informer le ministère public et de
surseoir à la transcription s'il « existe des indices sérieux laissant présumer »
que ce mariage est infecté de nullité absolue'2. Il y a là une mesure comparable à
celle qu'avait introduite l'arrêt WEILLER13 à ceci près que ce n'est plus un jugement,
mais un acte administratif étranger, qui fait ainsi l'objet d'un exequatur négatif.
Quand c'est en France qu'est célébré le mariage affecté d'un élément d'extranéité, et
que les époux ne produisent aucun document attestant de leur capacité matrimoniale
ou que l'officier de l'état civil découvre une incapacité découlant de la loi personnelle
de l'un d'eux, il « avertit alors les intéressés que le mariage ne sera célébré
que sur leur demande expresse, et à leurs risques et périls, l'annulation
pouvant être utilement (sic !) prononcée 14 ». Il n'y a là rien que de très normal car
les services de l'état civil n'ont aucun pouvoir juridictionnel.
§ 2-.EFFETS
(54) En droit civil français, le mariage n'est pas un acte subjectY i déployant
les effets que les parties veulent bien lui attribuer. C'est au contraire un acte-
condition qui entraîne les conséquences en découlant selon la loi civile.
La globalité des effets du mariage fait donc l'objet d'un traitement unitaire alors
que le concubinage fait l'objet d'un traitement éclaté, acte par acte6. On examinera
successivement la détermination (A) et le domaine (B) de la loi applicable.
*
146
juillet 1975, fait l'objet d'un traitement particulier 2. Elle a mis du temps à se dessiner
car, la femme prenant traditionnellement autrefois la nationalité de son mari,
l'homogénéité nationale des couples excluait que le conflit de lois pût naître à leur
sujet. C'est la décennie 1950 qui a marqué le tournant3.
- Attendu que, dès lors, le divorce a été régulièrement acquis à la suite d'une
décision étrangère faisant application de la loi normalement compétence ; qu'il
s'ensuit que la dissolution du mariage doit produit ses effets en France bien qu'elle
n'aurait pu être prononcée, pour la même cause, par une juridiction française, notre
ordre public s'opposant, en ce cas, au divorce par consentement mutuel ; d'où il
146
résulte que l'arrêt attaqué a légalement justifié sa décison ;
En 1948 intervient un divorce par talak13, dont les tribunaux français furent
requis d'apprécier la validité, et à propos duquel s'élevait un conflit positif entre la loi
italienne et le droit musulman. La première réclamait sa compétence en tant que loi
nationale commune des époux, et le second la lui disputait eu égard à leur commune
religion.
146
B - Domaine de la loi applicable
SECTION 3 LA FILIATION
146
A - Etablissement
* Art. 311-14 : C'est la loi personnelle, c'est-à-dire selon nos conceptions, la loi
nationale de la mère au jour de la naissance de l'enfant qui s'applique à la filiation. Si
la mère n'est pas connue, on applique la loi personnelle de l'enfant. Diverses
remarques s'imposent.
1/ En parlant de « loi personnelle » et non pas de « loi nationale », le
législateur semble s'en remettre à l'avis de celle-ci pour la détermination finale de la
loi applicable. S'il avait expressément désigné la loi NATIONALE, on aurait pu à
l'inverse estimer que le juge français doit appliquer la loi nationale et ne peut
appliquer que celle-ci même si elle se déclare inapplicable.
2/ En effet, le rattachement à la loi de la mère est rarissime en droit
international privé comparé. 3/ La désignation de la loi personnelle au jour de la
naissance de 'l'enfant, permet d'éluder la difficulté découlant d'un changement de
nationalité de la mère entre la naissance et l'exercice de l'action en justice relative à
la filiation.
4/ La loi personnelle de l'enfant né de père et de mère inconnus sera la loi
française si l'enfant est né en France.
5/ Les chances de réalisation de cette dernière hypothèse se sont en même
temps multipliées et taries. En effet, l'introduction par la loi n° 9322 du 8 janvier 1993
de l'accouchement anonyme dit « accouchement sous X» va multiplier les
naissances de mère inconnue et donc, en apparence, multiplier les cas d'application
de l'art. 311-14 C.Civ. dernière phrase. Cependant, l'amendement sénatorial excluant
la recherche de maternité quand la mère aura requis l'anonymat"' va inversement et
corrélativement tarir la possibilité pour l'enfant de rechercher son père. D'un côté, en
effet, si la mère reste inconnue, on voit mal comment identifier son partenaire. Et d'un
autre côté, le maintien de l'action en recherche de paternité dans un Code qui permet
à la mère de récuser irrémédiablement et unilatéralement sa maternité est contraire
au principe d'égalité des sexes que la Cour de Strasbourg a déduit de l'art. 14 de la
Convention de Sauvegarde". L'équation a donc de fortes chances de rester à deux
inconnues.
146
immédiate qui apporte un très sérieux tempérament à la règle précédente. En effet,
quelle ue soit la teneur de la loi personnelle de la mère, une légitimité pourra tomber
ou être établie, une filiation naturelle pourra être reconnue, dès lors que la possession
d'état s'est enracinée sur le sol français. Dans la pratique, ce texte n'a pas rempli les
espoirs qu'y fondaient ses auteurs. En fait, c'est uniquement l'absence de possession
d'état (le vécu -> vérité sociologique) qui a connu les honneurs jurisprudentiels. Selon
l’article 311-14, si tous les protagonistes du rapport de filiation, ont en France leur
résidence commune, ou séparée, la possession d’Etat produit tous les effets que la loi
française y attache
On pourrait déduire de ce système qu'il repose sur l'énoncé d'un principe (art.
311-14 C. civ.qui priviligie la oi personnelle de la mère) assorti d'exceptions (art. 311-15 à
311-18 C. civ.) qui ont vocation de s'appliquer dès lors que l'hypothèse qu'elles visent
se trouve réalisée. Pas du tout, une jurisprudence maintenant bien établie part du
principe qu'il faut appliquer sa propre loi à chaque question. Ainsi, procédant à une
dispache curieuse, on soumettra dans une même affaire la contestation de la
146
paternité du mari à la loi italienne de la mère (art. 311-14), la reconnaissance de
paternité par le père biologique à la loi française de son auteur (art. 311-17), et la
légitimation par mariage à la loi personnelle de l'époux français. (art. 311-16).
La faveur pour l'enfant qui anime ouvertement les nouveaux textes contraste
totalement avec la volonté de protéger la paix des familles qui sous-tendait tout
aussi nettement la législation antérieure. On comprend donc que, sous l'empire de
celleci, il ait été maintes fois jugé que la loi étrangère, plus sévère que la nôtre en
matière de recherche de paternité naturelle, était parfaitement compatible avec les
conceptions fondamentales de l'ordre juridique français. On comprend moins qu'une
telle attitude ait perduré jusqu'en 1988 . Mais on s'explique, du même coup, que la 1ère
chambre civile de la Cour de cassation ait fini par déclarer contraire à l'ordre public
français la loi tunisienne ignorant la recherche de paternité. Et pourtant, elle l'a fait à
une époque où tout en condamnant la Tunisie au nom de l'ordre public on connaissait
une situation identique à Mayotte.
146
D'un côté, on était en présence d'un phénomène de société. En effet, le «
marché » interne de l'adoption est totalement distordu entre une masse de demandes
d'enfants et la minceur de l'offre essentiellement due à la politique de la DDASS. On
comprend donc que les demandeurs éconduits chez nous aient tenté leur chance à
l'étranger et plus particulièrement dans les pays du Tiers Monde où misère et
procréation vont de pair. C'est ainsi que dans un passé très proche l'adoption
d'enfants étrangers a représenté en France «plus de la moitié des six mille
adoptions qui interviennent chaque année ». Et aujourd'hui, le déséquilibre entre
adoptions de Français et adoptions d'enfants étrangers s'est encore accentué puisque
Mme REVILLARD indique qu'en 2004, sur 5000 adoptions en tout, 4000 avaient
concerné des enfants étrangers, les pays pourvoyeurs étant Haïti, la Chine, la Russie,
le Viet Nam et la Colombie.
D'un autre côté, sans parler des difficultés particulières pour le nouage des
liens, la pression de la demande d'enfants étrangers ouvrait la porte au trafic
d'enfants. Certes l'ancien (art. 353-1) et le nouveau (art. 227-12) Code pénal
répriment l'entremise à but lucratif en une telle matière mais leurs applications sont
rares. De plus, la Convention de New York du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant
qui affirme le caractère subsidiaire de l'adoption internationale et impose de sévères
vérifications aux États signataires n'avait pas été déclarée self-executing par la
Cour de cassation. Jusqu'à la loi du 6 février 2001, on en était donc réduit à des
mesures ponctuelles. Ainsi, « à la suite de la découverte de trafics d'enfants,
les adoptions avec le P"iet-Nam [ont] été suspendues alors qu'elles
représentaient le tiers des adoptions internationales par des Français ».
Enfin, le droit comparé de l'adoption offre un tableau où cette institution est
mise à toutes les sauces. Certains pays l'interdisent. D'autres ne l'ont introduite que
récemment. D'autres aussi le pratiquent de longue date, mais sous une forme
contractuelle . D'autres encore la subordonnent au prononcé d'un jugement,
Quelques-uns se contentent d'une possession d'état. D'autres enfin, donnent en la
matière une part à l'autonomie de la volonté en greffant sur l'adoption indépendante,
qui est une adoption judiciaire, une open adoption où, par l'intermédiaire d'une
agence agréée, parents par le sang et parents adoptifs se rencontrent et déterminent
le principe et les modalités de leurs rapports une fois l'adoption indépendante
intervenuel7.
146
d'origine de législation sur l'adoption ». Il y avait là une contravention directe à
la Convention de New York dont l'article 21 stipule que « les États parties...
veillent à ce que l'adoption de l'enfant ne soit autorisée que par les
autorités compétentes qui vérifient, que l'adoption peut avoir lieu ». En
conséquence, en cours de débats, l'article en question passa à la trappe et fut sacrifié
sur l'autel de l'article 55 de la Constitution23.
Cette Convention ne s'applique en effet que dans les rapports entre États
signataires. Elle stipule que les adoptants potentiels doivent s'adresser aux autorités
centrales de l'État d'accueil ainsi qu'à celles de l'État d'origine pour savoir si l'enfant
est adoptable. La ratification française date du 30 juin 1998 et l'entrée en vigueur, du
1 er octobre. La Convention ne traite que des aspects administrativodiplomatiques de
la question. Elle lie près de 70 États parmi lesquels des pourvoyeurs patentés
d'adoptions d'étrangers, mais AUCUN État musulman. L'autorité centrale française par
laquelle toute demande doit passer dès lors que l'adopté potentiel est ressortissant
d'un État signataire est composée de représentants de l'État et des Conseils généraux
ainsi que de représentants d'organismes agréés. Un arrêté du 2 décembre 1998 a
créé une Mission de l'adoption internationale auprès du ministre des Affaires
étrangères. C'est par l'intermédiaire de ces organismes qu'il convient de passer
lorsque la Convention est applicable.
146
sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé correspondant à nos conceptions. « La
loi du 6 février 2001... écarte cette solution excessive». Aujourd'hui, donc, le
système est plus souple. A condition de ne pas faire l'objet de rémunération, la
prospection d'enfants étrangers est libre. Les adoptants potentiels peuvent passer par
un organisme agréé, la représentation diplomatique étrangère, les services sociaux du
pays concerné, un notaire, un avocat. Ils peuvent aussi prendre directement contact
avec la famille. Sensibilisé par la Mission de l'adoption internationale, le Consulat
de France ne délivrera de visa que si l'obtention de l'enfant lui paraît régulière (V la
réponse ministérielle publiée à la Rev. crit. DIP 2002, p. 385).
C'est avec la solution du conflit de lois que la loi du 6 février 2001 a apporté les
clarifications indispensables à la sécurité juridique. Selon l'article 370-3 nouveau du
Code civil, les conditions de fond relèvent de la loi nationale de l'adoptant ou de la loi
des effets du mariage' 1. Si toutefois la loi nationale de chacun des époux prohibe
l'adoption, elle ne sera pas possible, ce qui vise le cas d'époux de nationalités
différentes dont la loi du domicile commun (arrêt Rivière) connaîtrait l'adoption. Elle
ne le sera pas non plus si la loi de l'intéressé mineur12 la prohibe, « sauf si ce mineur
est né et réside habituellement en France » L'article 3 de la loi prévoit
néanmoins que cette prohibition ne vise que les instances futures. En ce qui concerne
le consentement à l'adoption, l'alinéa 3 de l'article 370-3 s'inspire de la jurisprudence
PISTRE, en exigeant le consentement du représentant légal de l'enfant. Il précise :«
Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la
naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en
particulier s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère
complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ».
Par ces exigences, le législateur montre son hostilité au trafic d'enfants (« sans
aucune contrepartie ») et aux locations d'utérus (« après la naissance de
l'enfant »).
La loi de 2001 a aussi une conséquence importante sur les effets spécifiques de
l'adoption. La jurisprudence TORLET soumettait ceux-ci à la même loi que les
conditions : la loi nationale de l'adoptant ou la loi des effets du mariage s'appliquaient
donc aux effets comme aux conditions de l'adoption. Dès lors, si ces dernières
relevaient d'une loi étrangère, les effets en relevaient aussi. Aujourd'hui, il n'en va
plus ainsi puisque le nouvel article 370-4 énonce « Les effets de l'adoption
prononcée en France sont ceux de la loi française ». Cette disposition curieuse,
a priori, se comprend parfaitement car si l'adoption est prononcée en France, même
au profit d'étrangers, c'est que la «filiation élective » 16 qu'elle réalise s'y trouve
enracinée.
B - L'adoption étrangère
146
successorale. Les exigences devraient a priori alors être moins pointilleuses que
lorsque l'on veut en déduire une modification de l'état civil des personnes concernées.
Dans ce cas, bien qu'en principe les jugements d'état étrangers aient effet en France
sans exequatur, pour autant qu'ils n'entraînent pas exécution sur les biens ou
coercition sur les personnes (supra, n° 34), un exequatur va être nécessaire, ce qui,
en principe, suppose que l'adoption étrangère ait été établie par jugement'.
Mais, une fois que l'adoption étrangère aura pris tous ses effets en France, elle
sera revêtue de toutes les conséquences de son homologue française. Ainsi, bien
qu'une adoption roumaine puisse être révoquée, conformément au droit roumain, elle
ne pourra plus l'être du seul fait qu'elle est devenue une adoption française par l'effet
de la Convention de la Haye (Cass. l ère civ. 18 mai 2005, Rev. crit. DIP 2005.483 note
H. MUIR-WATT).
Un problème particulier s'est posé avec le Vietnam qui fut grand pourvoyeur
d'enfants à adopter. En mai 1999, la délivrance de visas avait été suspendue pour
prévenir les ventes d'enfant, mais une convention bilatérale a été signée sur le
modèle de La Haye le ler janv. 2001 et a réintroduit, en la moralisant, la possibilité de
faire venir des petits Vietnamiens en France, sous l'égide de la MAI (VV rép.
Ministérielle, Rev. crit. DIP 2003, p. 357).
146
d'Alexandra WASSILIERA par les époux BIONCOURT8 fut admise à fonder en France un
droit successoral, car la différence existant entre la loi tsariste et le droit français
antérieur à la loi du 19 juin 1923 n'était pas telle qu'une prise en considération eût été
rendue impossible9. Et l'on voit ici se dessiner une difficulté connue sous le nom de
problème de la SUBSTITUTION 'o. Elle « consiste dans la question de savoir si l'on
peut substituer à un rapport de droit interne considéré par le droit interne
comme condition préjudicielle d'un effet juridique déterminé, un rapport
analogue du droit étranger » 1 I
Sans que ladite difficulté soit spécifique à l'adoption internationale 12 , cette
dernière en a été un pourvoyeur de choix, tous pays confondus 13
146
et posait le problème de la substitution : pouvait-on reconnaître la qualité d'héritier
au sens du droit argentin à une fille adoptive italienne, dans laquelle le droit du For ne
voyait pas un descendant du de cujus. La Cour fédérale répondit par la négative alors
qu'inversement, elle donna considération à l'adoption relativement au compte.
De plus, comme la filiation par le sang, divorce et séparation de corps ont fait
l'objet, en matière interne et internationale, des attentions particulières du législateur
de la Vème République 6. Elles ne concernent toutefois que les « démariages »7
intervenant en France et laissent donc de côté les « démariages » intervenus à
l'étranger. Il conviendra aussi d'examiner les suites de tels « démariages ».
146
exemple, le cas avec l'Algérie ou le Maroc', qui sont actuellement les meilleurs
pourvoyeurs de conflits internationaux en la matière. Le règlement dit Bruxelles-2
interférera aussi sur ce point (cff supra, n° 41 bis).
On sait que, malgré les art. 24 et 25 de la loi du 11 juillet 1975, cette nouvelle
règle de conflit à été déclarée d'application immédiatel° ce qui a permis de convertir
en divorce, conformément à la loi française, la séparation de corps prononcée en
France conformément à la loi espagnole de deux Espagnols domiciliés en France.
146
Il faut remarquer pour finir, d'abord, que l'art. 310 C. civ. ne vise que les conflits
internationaux au sens strict et ne trouve pas application dans les conflits coutumiers
que connaissent les derniers Territoires d'Outre-Mer où les « indigènes » relèvent
encore en principe de leur statut personnel ls Ainsi, faisant à chacun des époux de
statut particulier une application distributive de son droit coutumier canaque, le Trib.
civ. de Nouméa 16 s'est-il déclaré incompétent pour prononcer le divorce. Celui-ci
relève en effet, selon les coutumes de Lifou et de Poindimié, d'une tenue de palabre 17
organisée à l'initiative du mari'8, en sorte qu'une juridiction étatique ne pouvait le
prononcer19, par application de la coutume sans violer celle-ci.
On peut encore noter qu'une certaine jurisprudence, contestable au regard de la
lettre de l'art. 310 mais explicable au regard du bon sens, tend à exclure l'application
de la loi française à deux étrangers domiciliés en France dès lors qu'ils sont de même
nationalité20. La motivation avancée par la première décision est d'autant plus
surprenante qu'elle était parfaitement inutile en l'espèce puisque, s'agissant de deux
époux marocains domiciliés en France, la Convention francomarocaine du 10 août
198121 donnait compétence à la loi nationale et non à celle du domicile (art. 9). En
parfaite connaissance (au moins de l'existence) de cette convention22, le Tribunal
d'Orléans énonce néanmoins :« qu'il apparaît évident que le législateur n'a pas
voulu soustraire deux époux étrangers de même nationalité à leur loi
nationale en leur imposant la loi française en raison de leur domicile en
France et que l'art. 310 al. 2 est destiné à permettre essentiellement le
règlement de difficultés pratiques pouvant se poser à des époux étrangers
résidant en France mais n'a pas pour objet de résoudre des conflits de lois ».
En d'autres termes, le Tribunal qui, encore une fois, n'avait pas à appliquer dont la
polygamie le choque. Mais il est vrai que le Pouvoir judiciaire opère dans des Palais de
Justice et non dans des Palais de Droit...
Quant à l'arrêt de Douai 23 , il est tout aussi critiquable car, au lieu de se
contenter de faire prévaloir la Convention franco-marocaine, sur le droit interne
français, il écarte celui-ci, pour des raisons analogues à celles d'Orléans. Il pousse
même l'oecuménisme juridique jusqu'à considérer que la répudiation islamique ne
contrevient pas à l'ordre public français24. Il s'agissait cependant dans cette dernière
espèce d'un démariage intervenu à l'étranger. Nombreux sont en tout cas les
justiciables à ruer dans les brancards pour échapper à la compétence de la loi
marocaine islamique à laquelle cette Convention du 10 août 1981 donne compétence
quand le divorce est demandé entre deux Marocains domiciliés en France. Tantôt la
femme va soutenir que son mari a renoncé à l'application de la loi marocaine au profit
de la loi française. Tantôt elle va se contenter de fonder sa demande sur la seule loi
française. En toute hypothèse, la Cour de Cassation veille au respect des principes.
Dans le premier cas25, elle approuvera la Cour d'Agen d'avoir refusé de faire prévaloir
une règle de droit commun sur un texte conventionnel ; dans le second 26, elle
censurera la Cour de Grenoble qui s'était contentée de déclarer la femme irrecevable,
au lieu de faire application d'office de la loi marocaine.
En définitive, seul reste l'ordre public comme roue de secours pour écarter le
droit islamique, que consacre le droit marocain et qui rompt le principe d'égalité des
sexes en matière de divorce27. Est-il cependant encore possible aujourd'hui de voir un
juge français émettre un jugement de valeur au nom de sa « culture» sur une «
culture» différente de la sienne ?
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions28 ne l'interdit pas
expressément. Toutefois, si cette lutte constitue « un impératif national fondé sur
le respect de légale dignité de tous les êtres humains »29, il semble évident que
critiquer l'Islam c'est attenter à la dignité de ceux qui le professent.
De surcroît, en même temps que se forgeait la réaction de l'ordre public français
à la répudiation maritale islamique, nous admettions cette même institution à
Mayotte. Il est vrai que depuis la loi de programmation pour l'outre-mer du 21 juillet
146
200330, chacun des deux époux de statut civil particulier peut rompre unilatéralement
le mariage et non plus seulement le mari, mais il était paradoxal de déclarer possible
outre-mer ce que nous considérons avec horreur dans les rapports internationaux.
Ainsi le droit à ses raisons que la raison ne connaît pas.
On sait que cette troisième exigence a été supprimée par l'arrêt CORNELISSEN
(supra n° 31 texte et note 11), étranger, pour une fois, aux questions de divorce. Elle
mérite un rappel historique. Ce fut d'abord l'un des arrêts PATINO7 de la Cour de
cassation qui entérina le refus de donner considération à un jugement mexicain qui
avait prononcé un divorce sans tenir compte de la loi nationale commune des époux.
Et c'était aussi l'arrêt DRICHEMONTB qui avait posé les jalons de la Théorie de
l'Equivalence. A noter cependant que dans une affaire HERNOD-JONSSON, le
Tribunal de Paris (7 juillet 1976, Rev. crit. DIP 1977.725, note I. FADLALLAH) a admis la
146
litispendance entre une procédure française et une procédure suédoise
antérieurement ouverte relativement au divorce de deux époux suédois domiciliés
en France, alors que le juge suédois allait appliquer la loi suédoise au mépris de l'art.
310 C. civ.. Le Tribunal énonçait, anticipant sur celui d'Orléans (cff supra, n° 65, texte
et notes [20] et suiv.), qu'il « apparaît évident que le Législateur n'a pas voulu
soustraire deux époux étrangers de même nationalité à leurs lois et juger,
au motif qu'ils résidaient en France ». La Cour de Paris (8 bis) a cependant infirmé
sur le double terrain de la compétence juridictionnelle et de la compétence législative
en considérant que les Tribunaux français avaient compétence exclusive, du fait du
domicile familial (art. 1070 NCPC dans son interprétation antérieure à l'arrêt SIMITCH,
cff supra, n° 27, note 21) et que la loi française était applicable en vertu de l'art. 310.
d) FRAUDE A LA LOI.
Bien qu'il ne se fût point agi d'exequatur, c'est encore l'arrêt Princesse de
BAUFFREMONT 9 qui, avec un changement de nationalité uniquement destiné à
convertir une séparation de corps française en divorce allemand 10, à l'époque de
l'interdiction du divorce, a permis de jeter les bases de la Théorie de la Fraude à la loi.
Comme c'est l'arrêt GUNZBOURGiI qui, en refusant de revêtir de l'exequatur un «
mail divorce » de l'État de Chihuahua 12 a posé la première pierre de l'accueil en
France de la fraude à la loi étrangère13
e) ORDRE PUBLIC.
146
LORS que le choix du tribunal par celui-ci n'a pas été frauduleux, que la
répudiation avait ouvert une procédure à la faveur de laquelle chaque partie
avait fait valoir ses prétentions et ses défenses et que le divorce algérien
avait garanti des avantages financiers à l'épouse en condamnant le mari à
lui payer des dommages-intérêts pour divorce abusif, une pension de
retraite légale et une pension alimentaire d'abandon ». Pour peu qu'in
concreto le divorce étranger n'ait pas contrevenu au principe d'égalité des sexes et
des armes, on lui donnera effets en France même si c'est une répudiation. Mais, toute
rupture d'égalité se traduira par un refus d'exequatur.
Ainsi, c'est bien le principe d'égalité des sexes qui fait aujourd'hui le départ en
ce qui est contraire à l'ordre public et à ce qui lui est conforme ; la répudiation n'est
plus choquante en elle-même. A preuve, comme il a été dit plus haut 1g, nos
compatriotes Mahorais de statut civil particulier et de confession musulmane peuvent
désormais mettre fin au mariage par « rupture unilatérale de la vie commune »,
sans qu'il soit question d'exiger une séparation de fait de quelque durée 19. Ainsi, le
mariage devient de plus en plus ouvertement un contrat à durée indéterminée... !
146
§.3-. ITS D« DEMARIAGE »
Toujours est-il que l'arrêt présente l'intérêt d'énoncer que, si c'est la loi
successorale qui détermine les héritiers, c'est la loi personnelle, ici la loi du divorce,
qui apprécie les qualités conditionnant la vocation successoraleg. En d'autres termes,
la dissolution du mariage relève de la loi du divorce. C'est cette règle qu'avait
appliquée la Cour de cassation dans le premier arrêt FERRARI 9, en refusant de
convertir en divorce une séparation de corps par consentement mutuel intervenue en
Italie entre époux alors italiens. La Chambre civile énonce en prenant le problème
dans le sens qui lui avait été proposé, « que cette séparation amiable ne pouvait,
au regard de la loi française seule applicable à la cause, servir de base à un
jugement de conversion ». Certes, on pouvait à juste titre se demander si la
séparation « gracieuse » italienne équivalait10 à la « séparation contentieuse » que
connaissait seule le droit français d'alors. Mais on aurait tout aussi bien pu proclamer
que les suites de la séparation de corps relèvent de la loi en vertu de laquelle elle a
été prononcée et qu'il ne pouvait donc être question de l'affecter d'une convertibilité
ignorée par celle- ci qui, à l'époque, interdisait le divorce". En définitive, le domaine de
la loi applicable aux suites du « démariage » est réduit puisque le divorce est sans
effet sur la nationalité française du conjoint devenu français par le jeu du mariage 12 et
que le nom de la femme divorcée relève de sa loi personnelle 13. Pour le reste, la
liquidation du régime matrimonial est soumise à la loi applicable à celui-ci et les
146
questions de pension ou de garde sont réglées par voie conventionnelle.
CHAPITRE 2
146
que l'autre est SUBIE. Dans ce dernier cas, c'est la réalisation du dommage qui va
déterminer la mise en cause du responsable, dans le premier, ce sera un accord de
volontés.
(69) Quasi-contrats et délits civils paraissent être irréductibles les uns aux
autres. En effet, les seconds sont entachés d'une illicéité qui ne marque pas les
premiers'. Pourtant, le traitement international des obligations extracontractuelles se
fait à l'identique : malgré des réticences doctrinales2, la jurisprudence les rattache à la
tex loci delicti3. Cependant, à côté de cette solution de principe (§ 1), la pratique
a imposé l'aménagement de solutions particulières par voie conventionnelle.
§.1_-.SOLUTION DE PRINCIPE
--.................
(70) Juridiquement, nous nous trouvons ici à un carrefour entre le présent et le
futur. En effet, inaugurant la procédure de codécision du fait d'un désaccord entre le
Conseil et le Parlement européen', PUE a pris, le 10 juillet 20072, un règlement relatif
aux conflits de lois en matière extracontratuelle3, celui-ci, comme il vient d'être dit,
est d'ores et déjà appelé Rome II. Or l'art. 32 de ce règlement porte qu'il s'appliquera
aux faits générateurs de dommages qui surviendront après l'expiration des 18 mois
suivant la date de son adoption. - En conséquence, nous sommes aujourd'hui en 2007-
2008 en pleine période transitoire -. Nous vivons au présent (A) dans l'attente du
futur (B).
A - Le Présent
146
une première tendance prône un rattachement bilatéral à la loi locale. Une tendance
d'origine anglo-saxonne 2 prône au contraire un rattachement plus souple à la loi la
plus appropriée à régir le litige3.
Sans qu'il y ait de certitudes absolues, car nous sommes encore là aussi, dans
un droit non légiféré, la jurisprudence française donne clairement compétence à la lex
loci delicti depuis l'arrêt LAUTOUR du 25 mai 1948 4. Cependant, trois difficultés
peuvent voir le jour. Dans l'hypothèse, d'abord, d'un abordage en haute mer, il n'y
aura pas de loi locale. Il peut ensuite arriver que le fait générateur de la
responsabilité ne se produise pas au lieu où le dommage se réalise. On peut enfin
imaginer que le dommage se réalise dans le domaine du virtuel.
146
Cette solution s'applique, sauf exception découlant d'une convention
internationale, à toutes les responsabilités extracontractuelles : délictuelle, quasi
délictuelle et quasi contractuelle. Elle s'applique également aux atteintes à la
personnalité, ce qui montre bien la nature véritable des prétendus droits de la
personnalité.
La formule est maintenant bien ancrée, mais il faut avouer qu'elle est appliquée
d'une manière quelque peu anarchique et un tantinet contestable. Ainsils, suite au
naufrage d'une jonque sur le Mékong, des touristes français furent noyés et leurs
proches réclamèrent à l'assurance du voyagiste l'indemnisation de leur préjudice par
ricochet. La faute de l'agence était évidente : l'esquif était défectueux ; il était mal
barré. Bref, les survivants purent rechercher sa responsabilité CONTRACTUELLE,
conformément au droit français. Mais, les familles des défunts ?
La grande question qui se pose est celle du montant des dommages et intérêts.
Alors que nous limitons le montant de l'idemnisation autant que nous le pouvons, ce
qui la rend décevante pour la victime et dérisoire pour le responsable24, la tradition
anglo-saxonne pratique ouvertement les dommages et intérêts punitifs 25 . Ainsi,
CasselsBcC°, qui avait lourdement chargé le Commandant BROOME pour la perte
d'un convoi naval survenue pendant la guerre de 1939, se vit infliger 15 000£ de
dommages et intérêts compensatoires et 25 000£ de dommages et intérêts punitifs26.
Dans cette ligne, la directive du Parlement et du Conseil n° 2004/48/CE du 29 avril
2004 va, sans doute, faire évoluer les choses en matière de contrefaçon puisqu'elle
prévoit une indemnisation forfaitaire dont le niveau minimum est celui des redevances
qu'aurait pu réclamer la victime.
B - Le futur
146
(72) Le règlement Rome 111 entrera en vigueur en 2009 et, comme tout
compromis, il prête à la critique. Pour s'en tenir aux grandes lignes, son art. 4 prévoit
la compétence de la loi du pays où le dommage est survenu, à moins que victime et
responsable ne résident habituellement dans un autre pays ou encore que le fait
dommageable « présente des liens manifestement plus étroits » avec un autre
pays.
Quand, du fait de cette convention, la loi applicable est une loi étrangère, si la
victime est française, elle « peut obtenir la réparation intégrale des dommages
qui résultent des atteintes à la personne »6 en réclamant auprès de la CL V.h. En
effet, les exclusions de garantie du texte cité en note (6) ne visent, relativement aux
accidents de la circulation que ceux qui sont soumis à la loi BADINTER n° 85-677 du 5
juill. 1985.
146
responsabilité délictuelle des fabricants, producteurs, fournisseurs ou distributeurs de
produits à l'égard de l'utilisateur final.
Il a fallu attendre les années 1950 pour que l'harmonie juridique du traitement
international des matières contractuelles commence à se fissurer. En effet, l'édifice
prétorien a d'abord été sapé, au coup par coup, par des conventions internationales à
objet limité : la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes
à caractère international d'objets mobiliers corporels, Convention de La Haye du 15
avril 1958 sur la loi applicable au transfert de propriété en cas de vente à caractère
international d'objets mobiliers corporels. Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur
la loi applicable aux contrats d'intermédiaire et à la représentation3, etc.
146
pour l'instant la diversité des droits nationaux demeure et en conséquence les conflits
de lois subsistent.
A - Le fond
(78) La Convention de Rome reprend, sur le principe, les règles prétoriennes
antérieures, ce qui s'explique par le fait que ces dernières étaient peu ou prou quasi
universellement reçues. On débattait autrefois sur la portée du principe d'autonomie
de la volonté. Les uns y voyaient l'affirmation de la souveraineté de la personne la
loi applicable au contrat était toujours celle que les parties avaient choisie. D'autres
estimaient plutôt que celles-ci ne choisissaient pas, au sens propre, la loi applicable au
contrat, mais localisaient leurs relations contractuelles dans un système juridique
déterminé dont le juge déclarait alors la loi compétente'. Il y a entre les deux
approches une différence radicale car, dans le premier cas, les parties choisissent la
loi applicable au contrat en considération de sa TENEUR ; et, dans le second cas, le
juge la désigne en fonction de sa VOCATION à régir le contrat du fait que le centre de
gravité de celui-ci l'y rattache, pour reprendre la distinction déjà évoquée (supra n°
68, texte et note 5) que développait Pierre LOUIS-LUCAS. Subjectivisme d'un côté,
objectivisme de l'autre. Avec un point commun toutefois, celui du champ
d'application de la lex contractas.
Depuis que les questions de fond se sont détachées des questions de formel, la
loi d'autonomie régit la formation et les effets du contrat : échange des
consentements et vices du consentement, nullité, interprétation, responsabilité
contractuelle, résolution, exceptio non adimpleti contractas, paiement,
prescription extinctive 3, etc. Tout cela relèvera de la loi du contrat. Toutefois, la
capacité de contracter relèvera de la loi personnelle, à moins d'ignorance excusable
de la part du contractant, qui se sera fié à la loi du lieu de conclusion4.
146
En définitive, le point essentiel où la loi du contrat aura des difficultés à
s'appliquer est celui des mesures d'exécution qui ne peuvent matériellement relever
que de la loi du Forum arrestis.
1 - Subjectivisme
Il y a cependant des limites à cette liberté. D'abord, quand tous les éléments
du contrat sont localisés dans un seul pays au moment du choix, les parties ne
peuvent pas déroger aux dispositions impératives de la loi de ce pays dans
l'hypothèse où elles en auraient choisi une autre. Ensuite, bien que ce ne résulte
qu'implicitement du texte précité les parties ne peuvent exclure par convention le
rattachement à une loi étatique 5. Ainsi le « contrat sans loi » 6 est exclu. Cependant,
du seul fait qu'on est ici dans des matières où la clause d'arbitrage est possible, on
peut parfaitement concevoir une référence à la lex mercatoria7.
146
2 - Objectivisme
B - La forme
(81) La règle Locus regit actum a été consacrée par le C. civ. dans les art.
170 (mariage, cff supra n° 51) et 999 (testaments). De tout temps, elle s'applique
aussi en matière de contrats. C'est ce qui explique que l'art. 9 de la Convention de
Rome la consacre en matière d'actes sous seing privé évidemment car, en matière
d'actes authentiques, on suit la règle Auctor regit actant qui, finalement, est un
décalque de la première.
En dehors des contrats qui ont pour objet un immeuble et qui sont par nature
soumis à la lex rei sitae, les formes extrinsèques2 relèvent de l'art. 9. Cela exclut les
formes habilitantes, qui relèvent de la loi personnelle3, les formes de publicité qui
relèvent de la lex auctoris et les formes de procédure qui relèvent de la lex fori.
Dans son cadre, la Convention de Rome donne une compétence alternative à la lex
loci contractus et à la lex contractus. Elle est en conséquence moins large que la
jurisprudence française antérieure, qui ouvrait également la porte à la loi nationale
des parties4.
146
A - Contrats spéciaux de la Convention de Rome
Dans ces trois hypothèses, comme dans celles des art. 3 et 4 3, l'art. 7 de la
Convention prévoit la possibilité pour le juge saisi d'appliquer ses propres lois de
police « quelle que soit la loi applicable au contrat ». De même, le juge peut faire
application d'une loi de police étrangère à la lex contractus dès lors que « la
situation présente un lien étroit » avec ce pays.
146
livraison doit se faire de telle ou telle sorte,
En dehors de ces cas, c'est le droit commun qui s'applique, c'est-à-dire un droit
jurisprudentiel édicté au gré des différents contrats spéciaux.
146
données que si on en connaît l'enjeu. Autant de questions aussi qu'on ne peut
résoudre qu'en abandonnant dogmatisme et rigidité car, en droit international privé
comme en toute matière juridique et plus encore certainement qu'ailleurs, tout est
relatif. C'est ce qui explique que, dans la considération des conflits de lois et de
juridictions, il faille fuir les a priori et se garder de deux excès contradictoires, le
chauvinisme agressif (A) et l'internationalisme béat (B).
A - CHAUVINISME AGRESSIF
1. Chauvinisme politique
146
et reste muet sur celle des législations étrangères. Comment faut-il interpréter un tel
silence ? Il semble évident que « le principe de la souveraineté appliqué à la
rigueur mènerait à dire que les tribunaux français n'ont jamais à tenir
compte d'une loi autre que la loi française ».
Cette manière musclée d'approcher le problème des conflits de lois a été celle
d'une fraction très minoritaire de la jurisprudence française au milieu du XIXème
siècle. Ainsi, bien que frappé d'un empêchement à mariage par sa loi nationale, un
sujet prussien voulait se marier en France. La Cour de Caen lui en reconnut le droit, à
la seule condition qu'il ne tombe sous le coup d'aucune des incapacités prévues par la
loi française, parce que « les lois prussiennes sont dépourvues d'autorité en
France ». Dans le même esprit, l'Ancien Régime avait prohibé, au moins verbalement,
sinon pratiquement, la prise en considération des jugements étrangers avec l'article
121 du Code MICHAUD de 162911. Cette solution est incontestablement la
conséquence ultime de la théorie du conflit de souverainetés qui voit dans le droit
étranger une armée d'invasion que le juriste patriote a le devoir de mettre en fuite 12.
Faire du droit international privé « la guerre continuée par d'autres moyens »,
telle est la conclusion inacceptable qu'emportent les prémisses de cette théorie. Or,
justement, la bi latéralisation de l'article 3 Code civil effectuée par une jurisprudence
archi-majoritaire depuis l'arrêt BUSQUETA montre bien que, si elle a été présente dans
l'esprit de nombreux auteurs et si elle a pu inspirer des arrêts isolés, ladite théorie est
contredite par le droit positif C'est d'ailleurs normal car, non contente de comporter
des conséquences inadmissibles, la théorie du conflit de souveraineté manque de
base et contrevient à la logique.
Il faut donc conclure que, se fondant en fait sur une pétition de principe et
comportant surtout des implications inacceptables, cette théorie ne peut être retenue
car « c'est aux fruits qu'on reconnaît l'arbre ». Aussi la notion de souveraineté
agressive est-elle aujourd'hui rejetée par l'énorme majorité des auteurs. Il serait,
certes, inexact de prétendre que les questions de droit international privé n'ont
«jamais provoqué le moindre froncement de sourcil d'un diplomate ». En effet,
146
l'affaire BOLL23 est là pour montrer que le Temple Judiciaire du droit international
public peut s'ouvrir aux modestes et triviales questions de droit international privé.
Cependant, force est de reconnaître avec un grand juriste italien24 qu'un Etat ne reçoit
aucun hommage et ne subit aucune offense du fait qu'un Etat étranger accepte ou
refuse d'appliquer sa législation. Le chauvinisme juridique avait, malgré ces
critiques, connu une poussée de fièvre outre-Atlantique à la moitié du siècle dernier
(le XX°) sous l'influence de Brainerd CURRIE25, promoteur de la « Governmental
interest analysis ». Cet auteur distinguait deux types de conflits de lois, les faux
conflits où un seul Etat a intérêt à l'application de sa propre loi, et les vrais, où
plusieurs Etats se disputent la compétence. Il proposait bien sûr de donner préférence
à la loi de l'Etat qui est le maître du jeu, c'est-à-dire à la lex fori. Cette analyse
n'échappe à aucune des critiques ci-dessus, et a très durement essuyé les feux de la
contestation doctrinale.
2. Chauvinisme juridique
Ramené à ses justes limites, le fait que chaque Etat soit souverain chez lui
signifie seulement que « les autorités étatiques sont seules compétentes pour exercer
les fonctions diverses dans l'aire territoriale qui leur est reconnue ». Or, parmi ces
diverses fonctions, la fonction de réglementation est celle qui nous intéresse le plus
directement ici : l'Etat, dans son ressort, est seul habilité à édicter des lois. La règle
matérielle étrangère n'aura donc force obligatoire pour le juge national qu'à la
condition d'être appelée à régir le rapport litigieux par une disposition en vigueur dans
l'ordre juridique où elle est invoquée. On comprend alors aussitôt la fonction des
règles de confit. Partant du monopole étatique de création du droit 2, on va considérer
qu'elles ont pour rôle de conférer la « giuridicità » aux règles matérielles étrangères
en les insérant dans l'ordre juridique local3. Toute loi comporte en effet deux
éléments, un « élément rationnel » et un « élément impératif »4 et, dans un litige
international, c'est la règle de conflit du For qui va conférer l'impérativité à la loi
matérielle finalement appliquée. Ainsi, la loi étrangère ne devient véritablement du
Droit que s'il y a conjonction de l'élément rationnel qu'elle renferme et de l'élément
impératif que la règle de conflit du For a pour fonction de lui attribuer.
146
succession : la loi nationale italienne hostile aux substitutions fidéicommissaires ou la
lex sitae maltaise qui admettait leur validité ? La Cour d'appel de Palerme estima, le
23 décembre 189211, qu'elle était tenue d'appliquer à la lettre l'article 8 des preleggi
de 186512, qui soumettait les successions tant mobilières qu'immobilières à la loi
nationale du défunt. « Le Code civil italien... consacre une disposition de loi
écrite... qui rend superfétatoires toutes les discussions doctrinales à
l'occasion de son application aux hypothèses particulières... Par conséquent,
... c'est la loi nationale des citoyens italiens qui règle les droits
successoraux des Italiens, même par rapport aux biens immobiliers sis en
territoire étranger ». Le législateur a tranché, le juge ne peut plus qu'obéir : « Hoc
volé, sic jubeo, sit pro ratione volunta ». Saisie sur pourvoi des consorts
SCEBERRAS, la Cour de cassation de Palerme cassa cette décision en remarquant
qu'appliquer à la cause l'article 8 des preleggi revenait à rendre sciemment une
décision inexécutable dans le ressort de l'Etat de situation des biens alors « qu'un
droit quel qu'il soit, pour être considéré comme tel, doit être susceptible de
recevoir une réalisation par rapport à l'objet auquel il se réfère ».
On sait que la loi du 3 janvier 1972 a introduit dans le Code civil une règle de
conflit pour le moins originale donnant compétence à «la loi personnelle de la
mère au jour de la naissance de l'enfant » pour régir l'établissement de la filiation
par le sang. Sous bénéfice d'inventaire, nous sommes à peu près le seul système
juridique à pratiquer un tel rattachement. Or, on a vu deux Cours d'appe121 imposer à
la loi d'une mère étrangère une compétence qu'elle déclinait formellement. Peut-il y
avoir en la matière une compétence imposée au prétexte que la voluntas du For la
propose22 ?
146
Le bien-fondé d'une réponse positive à cette question dépend de la valeur des
rattachements opérés par le For. Auront-ils valeur d'absolu ? Il faudra les suivre à la
lettre. N'auront-ils qu'une valeur relative, il faudra alors nuancer. C'est bien là que
réside la clef du problème, car si l'on pousse la vénération du législateur et de son
gérant d'affaires qu'est le juge jusqu'à les déifier, l'application des règles de conflit
ne pourra qu'être mathématique et la défaillance de la lex causae étrangère
conduira à un débouté. En d'autres termes, notre matière est-elle sujette au
fétichisme ?
146
voir la doctrine et la pratique, soit se partager entre ces deux solutions, soit en
décider le cumul, soit, simplifiant le problème, les écarter toutes deux.
Il est bien souvent difficile, d'un second point de vue, de déterminer avec
exactitude le pourquoi d'une règle de conflit. Recherchant les raisons qui ont dicté la
préférence pour la loi nationale ou la loi du domicile, on pourra en avancer de
multiples dont aucune ne sera suffisante pour expliquer à elle seule le rattachement
finalement retenu. C'est ainsi qu'on pourra penser à la satisfaction d'un intérêt
particulier ou à celle d'un intérêt général, ou encore à un choix dicté par l'analyse des
institutions juridiques internes.
S'il s'agit de la satisfaction d'un intérêt particulier, on voit aussitôt que le seul
moyen d'obtenir le résultat souhaité serait d'appliquer automatiquement la loi
matérielle la plus favorable à l'intérêt précis, que l'on veut satisfaire, sans qu'il puisse
être question d'opter à l'avance pour la loi nationale ou celle du domicile. S'agissant
de satisfaire un intérêt général7 comme celui de la nation' dont les autorités
compétentes ont édifié la règle de conflit, on voit aussitôt que cette explication
implique soit l'unilatéralité de ces règles9 puisque, préoccupé de son propre intérêt,
l'Etat n'a pas à s'occuper de l'intérêt des autres, soit l'inutilité du droit international
privé10 et son remplacement pur et simple par une règle d'intérêt comme dans le cas
précédent. Et, si l'on veut déduire le rattachement international de la matière
considérée de l'analyse de sa structure juridique interne, on voit enfin que « la nature
et le caractère de l'état et de la capacité des personnes, considérés en eux-
mêmes, n'indiquent comme l'unique [solution] juste, ni le principe de la
nationalité, ni celui du domicile" ». Devant l'impuissance de telle raison précise à
expliquer à coup sûr, les rattachements consacrés par le législateur ou la
jurisprudence, il faut conclure qu'ils « se justifient par des raisons contingentes,
diverses et changeantes qui relèvent de la politique législative et se tirent
de la considération des mceurs, des traditions, voire des préjugés de la
collectivité constituée en système juridique, de sa condition ethnique,
12
sociale, économique, de son régime politique ».
Dans l'impossibilité de discerner les motifs précis qui dictent l'adoption d'une
règle de conflit, on est alors tenté de confondre les fins qu'elle doit servir avec les
moyens dont elle use 13 et de dire avec SAVIGNY que le but de toute règle de droit
international privé est de déterminer le « siège du rapport de droit 14 » en cause,
en le localisation dans la sphère d'attraction d'un ordre juridique donné. Tenant de
cette idée, on expliquera le rattachement du statut personnel par l'insertion de
l'intéressé dans un système juridique, insertion naturelle dans le pays de sa
nationalité, ou insertion effective dans celui de son domicile. En fait, cette explication
n'est pas moins incertaine que les précédentes car, s'agissant de rapports
internationaux, l'insertion en question sera presque toujours relative. « Est-il vrai
146
qu'un Anglais devienne virtuellement Italien par l'acquisition d'un domicile
permanent en Italie ? BYRON et les BROWNING étaient-ils des poètes
italiens ? »'s
La réponse est évidemment négative et l'on voit du fait même les nuances qu'il
faut apporter dans la solution des problèmes concrets. En droit international privé, nul
Etat ne détient la vérité absolue et doit en avoir pleine conscience. Si « la loi
française, avec des yeux de mère, suit des Français jusque dans les régions
les plus éloignées 16 », et si considérant cette attitude comme la seule manière
possible de pratiquer l'amour maternel dans les rapports internationaux, la France
décidait de faire fi de l'altérité, cela reviendrait pour elle à traiter l'Angleterre de mère
dénaturée, en même temps qu'elle passerait pour une mère abusive aux yeux de
celle-ci. La seule attitude logiquement concevable consiste donc à regarder « les
institutions étrangères comme des réponses différentes à des problèmes
que nous résolvons autrementt 7 ».
B - INTERNATIONALISME BÉAT
(6) « Qui exprime une satisfaction niaise ». Telle est la définition officielle'
de l'adjectif béat. C'est en effet la tare des internationalistes qui assignent au droit
international privé de faux idéaux tels qu'une justice abstraite (1) se ramena à
l'harmonie des solutions ou une justice concrète (2) visant, in casu, à la justesse de
la solution retenue.
1. Justice abstaite
(7) « Il est choquant que le même litige, déféré à des Tribunaux d'Etats
différents reçoive des solutions différentes' » parce que l'idéal de justice et le
besoin de sécurité exigent que le résultat d'un procès ne dépende pas « du hasard
ou de l'habileté des parties »2. Ainsi, du fait de l'engagement fructueux ou
infructueux dans divers pays dont la France, de diverses procédures de divorce ou de
séparation de corps en France, les époux PATIN03 étaient-ils, de leur vivant, divorcés
au Mexique, séparés de corps en France, et toujours mariés en Bolivie, Espagne et
Portugal.
146
Qu'un commerçant, de plus, capote dans deux pays différents, « on verra le
même homme déclaré en faillite dans son pays et reconnu dans l'autre à
l'abri de son atteinte ; on verra deux masses de créanciers produisant, dans
deux masses de biens, obtenant deux dividendes de taux inégal, ou des
habiles se faufilant dans les deux groupes et arrivant, à la faveur d'une
confusion, à se payer doublement, à encaisser peut-être une somme
supérieure au montant nominal de leur droit. On verra le concordat prévaloir
à gauche, l'union à droite, en sorte que la condition du débiteur devienne
tout simplement indéfinissable 4 ». La prédiction de THALLER était véritablement
prophétique puisque, le 21 juillet 19035, la Chambre commerciale devait autoriser un
créancier qui avait signé un concordat portant remise à l'étranger à produire en
France pour l'intégralité de sa créance.
C'est qu'en effet la recherche de l'harmonie des solutions qui vise à assujetir
toujours et partout les mêmes faits à la même 1oi10 pour éviter mariages boiteux,
divorces bancaux et faillites à éclipes est parfaitement illusoire. Elle butera toujours
sur Ja diversité des procédures et des modes depreuve depays àpays11. De pJus, e11e
est impraticable et revient à sacrifier la Justice sur l'autel de la Sécurité.
L'harmonie des solutions ne peut, d'abord, être érigée en principe car elle
conduit à un cercle vicieux sitôt qu'elle se généralise. En effet, à en suivre les voies,
toute solution serait logiquement impossible, puisque chaque législation prierait sa
voisine de lui fournir la solution finale du litige 12 ; un peu comme à Fontenoy13, où
Anglais et Français s'invitaient mutuellement à tirer les premiers.
146
que la solution du litige international ne lui est pas indifférente21.
Qu'on s'entende bien : il est hors de question de prétendre que l'harmonie des
solutions constitue un mal en soi et qu'il faille tout faire pour que les différences
subsistent22. Au contraire ; mais il faut aussi se garder de privilégier la justice
abstraite au détriment de la justice concrète.
2. Justice concrète
La localisation d'un délit civil, on l'a vu4, est une opération difficile dont les
résultats sont souvent discutables. Mais, surtout, l'utilisation de ce critère est déjà
critiquable en soi, car le lieu de survenance, d'un délit ou d'un quasi-délit est
fréquemment le fruit du hasard. Il se peut, s'agissant par exemple d'un accident
d'avion, que la chute fatale s'amorce au-dessus du territoire d'un Etat et s'achève
dans le domaine d'un autres. La multiplication d'espèces de ce type conduisit les Cours
américaines6 à abandonner le rattachement au locus delicti pour lui préférer le
principe, plus souple et plus proche de la réalité, de la compétence de la loi qui est
reliée au litige par la « most significant relationship »7. Ainsi, se réaliserait au coup
par coup l'adéquation la plus étroite possible entre la loi déclarée applicable et le
problème international à trancher. Mais, en réalité, on mesure vite les limites de la
théorie de la proper Law.
146
Les implications pratiques de la théorie de la proper law révèlent donc les
inconvénients qu'entraînerait une adoption généralisée, et ces inconvénients sont
intimements liés au vice profond de la méthode utilisée. La recherche d'une justice
d'espèce qui « laisse les justiciables sans règle de conduite, pour leur réserver
la surprise, peu importe qu'elle soit bonne ou mauvaise, d'un dispositif
judiciaire volontairement imprévisible 11» est en contradiction totale avec les fins
ultimes du Droit. « Je suis toujours prêt à aller chercher aileurs non pas le
repos mais la sécurité », et si le Droit a pour mission essentielle de réaliser ce voeu
que formait autrefois VOLTAIRE12, il est évident qu'il ne pourra le faire qu'au moyen de
règles préétablies.
Proposer de résoudre les conflits de lois cas par cas, par touches et retouches
successives, un peu à la façon d'une toile impressionniste, c'est en effet supprimer le
droit international privé 13. « Ce qui caractérise le droit, c'est sa fxité'4 » et « s'il
est attachant de retrouver, fixée sur la toile, la vision subjective qui fut celle
d'un grand peintre, par contre, l'impressionisme juridique, le jugement
rendu au seul vu de l'ambiance d'une affaire, aboutissent à la mort du Droit
ls»
(9) Que conclure à l'issue de cette longue introduction ? D'abord, que le conflit
des lois ou de juridictions ne peut pas être réduit à un conflit de souverainetés. En
effet, ou bien la souverainté de l'Etat du For est préférable à la souverainté
étrangère, et il n'y a pas à les départager ; ou bien ces deux souverainetés sont
égales et l'on ne peut pas les départager'. Ensuite, que les règles de conflit posées a
priori qu'on ne peut supprimer comme il vient d'être dit ne sauraient prétendre être
dotée d'une valeur d'absoluZ. Enfin, que si l'harmonie des solutions ne peut pas
constituer l'objectif essentiel du droit international privé, il est évident qu'elle doit
constituer un élément d'appréciation important dans l'application et l'interprétation
des règles de conflit3.
146
Titre 2 - Application de la Lex causae
TITRE 1
Chacun des trois types de conflits pouvait être négatif ou positif . KAHN
distinguait :
conflits de lois explicites (ausdrückliche Gesetzeskollisionen) ;
146
Française et un Grec orthodoxe sera valable en France et nul en Grèce.
Imaginons, en droit civil, qu’à l’issu d’une période déterminée, la personne qui a
reçu une somme d’argent transfert à celle qui la lui a donné, la propriété d’un bien
déterminé. Selon qu’on qualifie l’opération de vente à réméré (avec faculté de rachat)
ou de prêt, l’opération est régulière, ou non.
146
On en examinera successivement l'historique et la solution (Section 1 et
Section 2) des problèmes de qualifications.
Comme il vient d'être dit, le problème des qualifications a été découvert grâce
au droit international privé. Il suscita immédiatement une controverse de grande
ampleur dont on présentera les premières approches après en avoir décrit la
découverte (§ 2 et § 1).
,
§1- LA NAISSANCE DU PROBLÈME
A - Portée de la qualification
La qualification consiste dans l'analyse des faits litigieux et leur insertion dans
les catégories conceptuelles de la branche du droit considérée. Par exemple, en droit
civil, suivant que l'on voit dans l'opération en cause une vente à réméré' ou un prêt, la
remise en pleine propriété d'un bien au créancier en cas de non-remboursement par le
débiteur dans le délai convenu tombera ou non sous la prohibition du pacte
commissoire. De même, en droit pénal spécial, suivant que la soustraction frauduleuse
est ou non assortie de manœuvres et se situe ou non dans un cadre contractuel, on
sera conduit à qualifier les faits de vol, d'escroquerie ou d'abus de confiance. De
même enfin, en droit international privé, chaque concept de base a son propre
rattachement conflictuel dès lors que c'est à la technique des règles de conflit que le
droit positif a recours. Selon que l'union des sexes s'inscrit ou non dans un cadre
institutionnel, on réglera les questions internationales qu'elle entraîne par application
des règles de conflit afférentes au mariage, ou PACS, ou au concubinage. Et à la
dissolution de l'union, il faudra encore dispatcher ce qui est matrimonial et ce qui est
successoral pour attribuer leur dû au survivant et à la succession du défunt. Le choix
de la règle de conflit applicable dépend donc de l'appartenance de la situation
matérielle à la catégorie juridique qui la recouvre. Si l'action vise à une recherche de
paternité naturelle, on sera orienté vers l'article 311-14 Code civil. Si elle vise au
même but par le constat de la possession d'état, c'est vers l'article 311-15 qu'on sera
dirigé.
146
raisonnement d’une manière différente, pour arriver à un même résultat. Le premier
l'a fait dans le cadre d'une réflexion systématique abstraite. Le second en a dégagé
l'existence à partir d'exemples concrets dont le rappel constitue une étape obligée
dans le parcours initiatique du débutant.
Barthin a développé sa théorie sur « la succession du maltais », puis sur « le
testament du hollandais », et on peut enfin citer « le mariage du grec orthodoxe »,
même si Barthin n’a pas pu connaître cette affaire survenue après son décès.
146
bon raisonnement.pr lui, Mme Bartholo demande le bénéfice d’un avantage que le
droit français ne connait pas : le droit français peut il s’appliquer ? il faut préciser la
nature de cette prétention : est-elle successorale ou matrimoniale ?
Si elle est successorale, on appliquera la loi française et on écartera la
prétention de la veuve
Mais, si la réclamation est matrimoniale, on appliquera non la loi
compétente en matière de succession, mais celle compétente en matière
de régime matrimonial : à titre matrimonial, on va lui accorder le bénéfice
de la quarte du conjoint pauvre, puisqu’on a qualifié la catégorie de
rattachement, et par la même qualifié la loi applicable.
Dans la réalité des faits, l’intérêt de l’arrêt n’est pas moindre, puisqu’aux
prétentions d’ordre matrimoniale de la veuve, l’héritière française oppose des
prétentions d’ordres successorales, hors, le droit de prélèvement ne joue qu’en face
d’une loi successorale.
146
par laquelle la Grèce a laïcisé son droit de la famille, auparavant, l'article 1367 Code
civil hellénique imposait la célébration religieuse à tout mariage souscrit par un
citoyen grec.
Selon que l'on qualifie cette exigence de règle de fond relevant de la loi
nationale du Grec ou de règle de forme relevant de la lex loci celebrationis,
on validera ou l'on annulera' s le mariage litigieux.
Si c’est une règle de fonds, l’article 3 alinéa 3 va dire que la loi nationale
des époux est valable, et le mariage sera annulée, si c’est une obligation de
forme, le mariage sera validé.
B - Obiet de la qualification
La qualification doit d’abord porter sur la règle de droit portée par les parties.
Pour illustrer se propos, il est partie sur une affaire « MARTINI »
Certains auteurs estiment que ce qui comptent, se sont les fait soumis au
tribunal. Ainsi, dans l'affaire BARTHOLO, il ne s'agissait pas de savoir si Maria, née
AQUILINA, était veuve et pauvre, ou si les immeubles successoraux étaient bien des
immeubles situés dans une colonie française, mais de savoir si la PRÉTENTION de la
demanderesse devait, dans l'esprit d'un magistrat français, intégrer la catégorie
146
matrimoniale ou la catégorie successorale. L’objet de la qualification est donc les
prétentions de chaque partie.
Khan et Bartin ont tous deux proposé de régler les problèmes de qualification à
partir de la lex fori. Aux yeux de ces deux juristes, l’argument essentiel était d’ordre
politique : la question de la souveraineté. Ils ajoutaient aussi des considérations
d’ordre juridique, enfin, un argument d’ordre logique.
146
lapalissade : comment peut qualifier autrement que lege fori car, au stade de
l'opération initiale de qualification, on ne connaît pas encore la lex causae. Or, le juge
doit résoudre un conflit et ne peut le faire que dans ses propres catégories
conceptuels, donc à partir de la loi interne.
La première phase relevait, sans qu'il fût besoin de le dire tant c'était évident,
de la lex fori. La seconde devait, quant à elle, relever de la lex causae pour autant
que l'ordre public du For ne soit pas impliqué. Ainsi, à supposer que la Providence ait
donné à Frantz DESPAGNET une longévité lui permettant de connaître l'affaire
CARASLANIS, sa démarche intellectuelle eût été la suivante : le mariage civil de ce
Grec orthodoxe a été célébré en France. Dans ce Pays qui est aussi celui du For, les
conditions de forme relèvent de la règle Locus regit actum. Toutefois la condition
prétendument violée est analysée par le Code civil hellénique comme une condition
de fond relevant de la loi personnelle de chacun des intéressés. Ce conflit de
qualifications devant nécessairement se résoudre par un CHOIX ENTRE la conception
française et la conception grecque, un argument décisif eût alors conduit DESPAGNET
à approuver la Cour de cassation : le principe de laïcité est, en France, au cœur du
statut personnel. Il impose, par conséquent, au nom de l'ordre public, de faire
prévaloir la conception française qui le consacre sur la conception étrangère qui
l'ignore.
146
la prescription à la loi applicable à l'obligation à éteindre, en l'occurrence au droit
américain alors que le droit cambiaire de ce pays ignore la prescription qui, dans tous
les Pays anglo-saxons, était autrefois considérée comme une question de procédure
relevant de la lex fori. Et l'effet fut déclaré valable à cause, soi-disant et par
anticipation, de Frantz DESPAGNET. Mais y avait-il eu, en l'occurrence, une
qualification lege causae ? Aucunement : il y avait eu tout simplement une
application tronquée du droit américain déclaré compétent pour régir l'effet de
commerce litigieux puisque, voyant dans la prescription une question de procédure,
celui-ci renvoyaitll en fait sur ce point à la lex fori. En tout cas, le Reichsgericht a
renversé cette jurisprudence 12 en se conformant parfaitement à la position de
DESPAGNET qui eût tout naturellement fait prévaloir la conception procédurale
américaine puisqu'on ne peut imaginer l'ordre public du For heurté par une
qualification autre que contractuelle.
146
fori ayant, par hypothèse, abandonné ce rapport de droit à l'empire de la loi
étrangère, elle ne peut reprendre ce dont elle s'est dessaisie : c'est le cas de
dire, là comme ailleurs, donner et retenir ne vaut18 ».
146
A - Principe du recours
B – Modalités du recours
La qualification consiste à classer dans les catégories juridiques connues par la
lex fori, les éléments juridiques et matériels figurant dans les prétentions des parties.
Dans cette opération, et il n'y a pas ici de différence entre le droit international privé
et les autres branches du droit, il y a deux phases successives : une phase d'analyse
et une phase de classement.
146
George MELCHIOR dont les formules sont aussi parlantes que brillantes.
Sans ternir la première, la seconde formule est absolument remarquable car elle
permet de comprendre qu'il peut être des cas où, faute de pouvoir comprimer le tissu
on est obligé d'élargir les tiroirs. En effet, les catégories conceptuelles du droit
international privé doivent intégrer toutes les règles étrangères et, avec elles, des
institutions qui nous sont inconnues. C'est ainsi que l'on peut citer plusieurs décisions
ayant pratiqué « l'élargissement » des catégories conceptuelles du droit interne dont
parlait MAURY.
A - suggestions doctrinales
B - Veto jurisprudentiel
146
que le litige ne se concentre sur l'applicabilité des dispositions prises par un Etat
étranger avant reconnaissance, que: « Attendu que c'est à la loi française qu'il y
a lieu de recourir pour déterminer si des biens sont des immeubles ou des
meubles, et en déduire la loi qui régit leur dévolution; QU'IL N'EST PAS
POSSIBLE DE QUALIFIER DES BIENS SUCCESSORAUX SELON LA LOI DE LEUR
SITUATION sous peine de donner compétence à cette loi alors qu'il s'agit
précisément de dire laquelle est compétente ».
CHAPITRE 2
o les problèmes qui découlent de la désignation d'une loi non unifiée dans
l'espace ou dans le temps et qu'on qualifiera d'incidents du
rattachement (Section 3).
146
N.C.P.C. lui impose à l'égard de la règle de droit (§ 1). De l'autre, un peu comme le
Ministère Public qui est maître de l'opportunité des poursuites, le Juge est investi d'un
pouvoir de police à l'égard de la Lex causae (§ 2).
§1DEVOIRS DU JUGE
Le Juge français est-il tenu de faire application d'office de la règle de conflit
française ? La question déborde le cadre du seul droit international privé car, en
matière d'application du droit, le N.C.P.C. impose au Juge des devoirs bien précis sur le
respect desquels la Cour de cassation exerce son contrôle. Il y a eu là un apport
capital sur lequel la littérature est importante'. Avant (A) comme Après (B) que le
N.C.P.C. est entré en vigueur, la jurisprudence a réglé la question de manière
progressive.
A - AVANT 1975
Les arrêts de principe font défaut jusqu'à l'arrêt BISBAL'. Celui-ci eut, en effet, le
(seul) mérite de clairement formuler une solution que l'on sentait latente jusque-là,
sans que la Cour de cassation ait pour autant osée faire aussi catégoriquement
profession de xénophobie juridique.
Cet arrêt fut unanimement critiqué, et par la doctrine la plus avertie. Ainsi,
Henri MOTULSKYS écrivait-il de façon péremptoire : « En reconnaissant à la règle
de conflit un caractère impératif, on lui attribue la nature d'une norme
juridique ; mais en la traitant comme facultative, on lui dénie ce caractère.
C'est qu'il n 'y a pas de règle de droit facultative pour le juge... respecter la
norme... c'est l'appliquer d'office ». Prôner en effet le caractère facultatif pour le
Juge de l'application de la loi désignée par la règle de conflit française du moment
que cette loi était une loi étrangère revenait à faire de la règle désignant un « droit
de seconde zone ».
Certes, il existe des moyens que le Juge ne peut pas relever d'office :
prescription, nullité relative, exception de la chose jugée en matière civile. Mais, dans
l'affaire BISBAL, on se trouvait dans le domaine de l'état des personnes et de l'ordre
146
public, ce qui rendait la solution indéfendable.
C'est sans doute ce qui explique que la même Première Section de la Chambre
Civile', avec toutefois une formation différente ait immédiatement apporté à l'arrêt
BISBAL un correctif et une reformulation. Le correctif9 consista à énoncer que, si le
Juge français n'avait pas l'obligation de procéder d'office à l'application de la loi
étrangère compétente, il lui était LOISIBLE de le faire ; affirmation d'autant plus
exemplaire qu'il s'agissait de la péremption d'un jugement libanais intervenu en
matière patrimoniale, donc dans un domaine où l'ordre public n'était pas intéressé a
priori. La reformulation, quant à elle, aurait pu avoir la vie dure, n'eût été la
promulgation en 1975 du N.C.P.C. Elle eut pour occasion l'arrêt BERTONCINI où,
comme dans l'affaire BISBAL, il s'agissait d'un divorce, directement prononcé en
France entre époux, italiens cette fois, par application de la loi française alors que,
selon la jurisprudence RIVIÈRE, c'est la loi italienne qu'il fallait appliquer. Et, à
l'époque, elle ignorait le divorce. Là encore, la Cour de cassation rejeta le pourvoi.
Cependant, elle le fit pour une raison de pure technique juridique: « Mais, attendu
que ni l'une ni l'autre des parties n'ont à aucun moment, devant les juges du
fond fait valoir leur commune nationalité, ni demandé l'application de la loi
italienne; que le moyen pris de la compétence de cette loi pour régir le litige
comme de son contenu différent de celui de la loi française, présenté pour la
première fois devant la Cour de cassation, est mélangé défait et de droit et
partant irrecevable ».
Ce n'étaient donc plus des raisons politiquement suspectes mais des motifs
techniquement acceptables tenant à ce que la Cour de cassation est Juge du droit et
non du fait qui justifiaient ainsi le refus par celle-ci de censurer l'inapplication d'office
de la loi étrangère compétente par les Juges du fond. Ensuite, cependant, la Haute
Juridiction revint assez près de sa position initiale en considérant « qu'ayant
souligné qu'elle ne possédait aucun renseignement sur la teneur de la
législation vietnamienne, et que les parties n'avaient ni l'une, ni l'autre
réclamé l'application de la loi en question, la Cour d'appel a justement décidé
qu'elle n'était tenue ni de rechercher ni d'appliquer d'office cette loi.
146
Nouveau Code de Procédure Civile. Selon ce texte, « le juge tranche le litige
conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou
restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à
la dénomination que les parties en auraient proposée ». Dès lors, le débat était
parfaitement circonscrit. Ou bien la règle de conflit n'est pas une règle de droit et le
Juge n'est pas tenu5 de l'appliquer d'office. Ou bien c'est une règle de droit et il y est
tenu.
Cependant, sur ce point précis, la question ne fut tranchée qu'a contrario dans
une affaire LEEDS and BRADFORD BOILER Ltd. Cet affaire donna à la Première
Chambre Civile l'occasion de prononcer: « Mais attendu qu'aucune Convention
internationale ne régissait le rapport de droit litigieux; que la Société LEEDS
and BRADFORD BOILER Ltd n'ayant pas soutenu dans ses conclusions que la
question de sa responsabilité devait être régie par la loi anglaise, la Cour
d'appel n'était pas tenue de rechercher d'office si cette loi qui relevait de
l'autonomie de la volonté des parties était applicable ».
Il y avait là l'exacte (et heureuse) configuration d'un droit positif qui mit
quelques années à se fixer. Dans un premier temps, la Première Chambre civile cassa9
sur la loi française au lieu de faire application directe de la loi espagnole compétente
dans les termes de l'article 107 du Code civil espagnol. Il ne s'agissait là toutefois que
d'arrêts d'espèce. Quand elle entreprit de passer à l'affirmation de principes, elle
le fit d'une manière excessivement brutale.
Au visa des règles législatives et jurisprudentielles concernées « ensemble
l'art. 12 ab ler N.C.P.C. » et par deux arrêts de cassation rendus le même mois sous
la présidence de PONSARD , la Première Chambre civile affirma en effet l'obligation
11
pour les Juges du fond de « rechercher d'office » la loi étrangère compétente aux
yeux du droit international privé français. C'était le renversement complet de la
jurisprudence BISBAL. C'était une révolution copernicienne. Mais, c'était également
assujettir le Juge français à une tâche disproportionnée.
A l'échelle des grands principes (ou plutôt des grands sentiments), on peut
bien énoncer, avec GABBA qu'en admettant l'inverse, « le droit civil international
12
serait impossible puisque celui-ci n'est possible qu'à la condition que la loi
étrangère puisse commander dans l'Etat à l'égal de la loi nationale ».
146
Cependant, il est évident que le renversement total de la jurisprudence BISBAL
imposait que l'on transformât « le droit du for en une sorte de BOA
CONSTRICTOR apte à digérer, par petits morceaux, il est vrai, les différents
systèmes Juridiques du monde ». C'était inconcevable, et l'on comprend que la
Cour de cassation ait vite répudié l'internationalisme béat au profit d'un réalisme de
bon aloi en 1990, dans l'arrêt Société COVECO qui, un instant, a fixé la jurisprudence,
en énonçant qu'on ne pouvait reprocher à une Cour d'appel de n'avoir pas appliqué
d'office la loi étrangère compétente « en une matière qui n'était soumise à
aucune convention internationale et où la société COVECO avait la libre
disposition de ses droits ».
Il avait été suggéré que les parties puissent ainsi contraindre le juge à donner
compétence à la loi de leur choix plutôt qu'à celle désignée par les règles de conflit,
dès lors que le litige ne mettait pas en jeu des éléments hors commerce. Cette
suggestion a été accueillie20 par la Cour de cassation dans des termes dépourvus
d'équivoque.
Cette évolution un peu désordonnée a été marquée par une autre interférence
des principes généraux du procès civil avec l'arrêt SOCMA qui a censuré un arrêt de
146
Grenoble sur la base de l'article 16 N.C.P.C. En l'espèce, la Cour d'appel n'avait «Pas
préalablement soumis à la discussion des parties l'application » du droit
néerlandais compétent. Elle avait donc violé le principe du contradictoire, ce qui
n'empêche pas que le juge a le devoir « de procéder à la mise en ceuvre ». 24
Toutefois, on ne peut pas l'y contraindre. Que va-t-il se passer, alors, si le juge du fond
ne remplit pas son devoir ? A l'évidence, la cassation devrait tomber, mais ce n'est
pas si évident qu'il y paraît. En effet, par arrêt, non publié au Bulletin il est vrai, la lère
Chambre civile25 a repris la solution de l'arrêt BERTONCINI26 dans une affaire complexe
où La Cour de Paris avait annulé, par application de la loi algérienne, un mariage «
titularisant »27 . La sentence avait été prise à la demande du Parquet, la femme
ayant quitté la scène pour cause de divorce. Or, la question de savoir si la loi
algérienne compétente reconnaissait au ministère public qualité pour agir, n'avait pas
été évoquée devant les juges du fond qui s'étaient contenté de l'art. 184 C. civ.28.
Soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation, le moyen est écarté comme
« nouveau et mélangé de fait et de droit »...
146
celle-ci ne sera sanctionnée qu'en cas de divergence de fond avec la loi française.
2) Quand il faut appliquer une loi étrangère, sa teneur utile à la solution du litige
sera établie, soit d'office et personnellement par le juge, soit avec le concours des
parties.
§.2.-.POUVOIRS DU JUGE
Il arrive parfois que la loi étrangère compétente soit désignée à raison de sa
TENEUR. Ce sera le cas par exemple avec les rattachements alternatifs du droit de la
filiation' qui visent à donner compétence à la loi la plus favorable à l'enfant. Ce sera
encore le cas avec la loi d'autonomie2 car, si les parties choisissent elles-mêmes le
droit apte à régir leurs rapports, c'est essentiellement à son contenu qu'elles auront
eu la volonté de se référer. Au contraire, et le plus souvent, c'est le Principe de
proximité qui va déterminer la compétence, et le droit finalement désigné va l'être
non pas à raison de sa TENEUR, mais du fait de sa VOCATI01V4. En d'autres termes, la
règle de conflit va être neutres relativement au fond du droit. Ainsi, l'ancienne règle
le l'article 17 E.G.B.G.B. privilégiant le mari par rapport à la femme6 pouvait
parfaitement aboutir à la désignation d'une loi féministe. Rattachement rimait ainsi
avec Détachement. Dans ce cas, le droit compétent est désigné SANS
CONSIDERATION de son contenu ; et c'est l'hypothèse la plus fréquente. Dès lors, la
désignation de la loi compétente va se faire à l'aveugle, en sorte que l'offre de
compétence ne peut se faire que sous bénéfice d'inventaire. En effet, quand elle
donne compétence à une loi étrangère, la règle de conflit invite le juge français à
insérer des dispositions étrangères dans le système juridique de notre pays. Or, un
système juridique se définit par une cohérence de structure et une communauté
d'inspiration ; et si, le plus souvent, aucun phénomène de rejet ne vient contrarier
l'implantation de la règle étrangère dans l'ordre juridique du For7, il peut néanmoins
arriver qu'une réaction fasse obstacle au greffon.
146
il énumère 21 définitions doctrinales différentes et ne peut s'empêcher d'en avancer
une 22ème !
Relative, la notion d'ordre public l'est dans le temps comme dans l'espace.
Ainsi, de ce dernier point de vue, l'Italie voit dans le principe d'unité successorale une
règle l'ordre public interdisant l'application d'une loi étrangère qui aboutirait à une
division de la succession10, alors que la France s'accomode parfaitement de la règle «
Tot hereditates quot patrimonia alibi sita »11. A l'inverse, nous faisons du principe
d'unité du régime matrimonial une règle d'ordre public 12, alors que le monde anglo-
saxon l'ignore (et n'en a pas honte). Dans le même esprit, le contenu de la notion
évolue dans le temps 13. En 1988, la Première Chambre civile 14 énonçait « que les lois
étrangères qui prohibent l'établissement
• la filiation naturelle ne sont pas contraires à la conception française de l'ordre
public international dont la seule exigence est d'assurer à l'enfant les subsides qui lui
sont nécessaires ». Puis, en 1993, la même formation de la Cour de cassation 15 posa
en règle « que si les lois étrangères qui prohibent l'établissement de la filiation
naturelle ne sont, en principe, pas contraires à l'ordre public international, il en est
autrement lors que ces lois ont pour effet
• priver un enfant français ou résidant habituellement en France 16, du droit d'établir
sa filiation ; que, dans ce cas cet ordre public s'oppose à l'application
• la loi étrangère normalement compétente ».
Ces interférences à éclipses du droit naturel et du droit international privé 17
montrent bien la relativité de la notion. Reprenant à PILLET (supra, note 13) le terme
146
d'actualité de l'ordre public international, BARTIN18 ajoutait celui de territorialité. Il
faut également ajouter, pour bien montrer la spécificité et la particularité du concept,
que la notion témoigne d'une évidente élasticité. Ainsi, ce qui est contraire à l'ordre
public interne ne contrevient pas nécéssairement à l'ordre public internationa119
146
des deux époux »; pour les enfants nés après la promulgation de la loi, toute
inégalité successorale (= sexe + enfant naturel) est supprimée. Finalement l'ordre
public « colonial » est aussi évolutif que l'ordre public international.
En somme, le contenu de cette notion répugne à la précision. La
matérialisation de ses effets échappe en conséquence à la prévision absolue et le fait
ressembler à l'oiseau rebelle auquel, dans la Habanera, CARMEN compare
l'amour: « Tu crois le tenir, il t'évite; tu crois l'éviter, il te tient ». Peut-être
même, la chasse à cet oiseau est-elle ouverte, et la mort de l'ordre public, annoncée
par cette loi contre les exclusions dont on vient de parler. Ecarter une loi étrangère au
nom de l'ordre public français, c'est en effet porter un jugement de valeur péjoratif et
« franchouillard » sur la culture dont elle est l'expression30. On peut donc se
demander si cette institution, vieille comme les âges, ne risque pas d'être immolée sur
l'autel de l'oecuménisme bêlant et du tiers-mondisme débridé qui sont la marque
actuelle du « politiquement correct ». Cependant, nous n'en sommes pas encore là.
En effet, l'institution même de l'ordre public a reçu l'aval de la C.J.C.E.31, ce qui montre
que national, international ou communautaire, l'ordre public est un mécanisme de
régulation, une soupape de sécurité inhérente à la notion même de système juridique.
C'est si vrai que le Temple des droits de l'homme a décidé32 à une courte majorité il
est vrai33 qu'il « est difficile à la fois de se déclarer respectueux de la
démocratie et des droits de l'homme et de soutenir un régime fondé sur la
CHARIA ».
(33) Il est tentant de doubler l'effet traditionnel de l'ordre public qui est un
effet d'exclusion d'un effet positif consistant à faire systématiquement prévaloir la
loi du For sur toute autre dès lors qu'on lui présume une supériorité à l'égard de ses
homologues, relativement à la satisfaction d'un but considéré comme essentiel'. Ainsi,
avant comme après la Loi BADINTER du 5 juillet 1985, il avait été soutenu que la
supériorité des règles françaises en matière d'indemnisation des victimes d'accidents
de la circulation imposait d'en faire application systématique sans avoir égard au lieu
de survenance de l'accidentz.
146
Voici donc un arrêt qui fait jouer POSITIVEMENT l'ordre public international pour
fonder une compétence juridictionnelle française et un recours au droit français. Mais,
en réalité, la compétence des tribunaux niçois pouvait tout autant se fonder sur le
déni de justice (cff supra I n° 18) et celle du droit français se justifiait par
l'incompatibilité des pratiques nigérianes (placement forcé par la famille) avec les
conceptions françaises.
Bon droit et bon sens se conjuguent dans cette motivation qui sous-tendait déjà
les arrêts BULKLEY8 et de WREDE9 et que l'on devait retrouver dans les deux arrêts
CHEMOUNI10. Il ne faut toutefois pas croire que tout soit aussi simple. En effet, un peu
comme la Chambre des Lords" avait refusé de voir un « Christian marriage » dans le
mariage potentiellement polygame contracté en Utah par HYDE, la Chambre des
Requêtes 12 devait refuser tout effet en France au mariage, réellement polygame celui-
ci, souscrit dans les Colonies, par Henri de COUSIN de LAVALLIÈRE. Mais il est vrai que
ce dernier, étant français, ne pouvait pas revendiquer le Statut local. Cependant
l'affaire PONNOUCANNAMALE13 aurait parfaitement pu permettre à la même Chambre
des Requêtes d'appliquer l'effet atténué à l'ordre public colonial 14 ; et elle ne l'a
146
pas fait.
Mais, à bien y réfléchir, est-il possible ici que le droit ne soit pas en miettes du
146
seul fait de l'extrême complexité des litiges auxquels les Tribunaux sont confrontés ?
Cette complexité rend inévitablement précaire la distinction de l'effet principal et de
l'effet atténué. Qu'on en juge !
Le 7 juillet 1954, la cour d'appel de Paris avait refusé d'annuler une transaction
22
intervenue en matière d'état des personnes entre les époux PATINO et de condamner
la femme à restituer à son mari les sommes importantes qu'il lui avait versées . En 23
1954, cette transaction appartenait donc au passé... et c'est elle que, quatre ans
PLUS TARDZ4 Antenor PATINO opposa à sa femme quand celle-ci demanda au
Tribunal civil de la Seine de prononcer la séparation de corps entre elle et son mari.
Cette résurrection ne fut pas du goût des juridictions parisiennes qui ne donnèrent
pas effets à l'acte juridique qu'elles avaient refusé d'annuler .
25
(34) Si la diversité des lois constitue la condition sine qua non de l'existence
du droit international privé, la mobilité des choses et des gens en est l'occasion
nécessaire. C'est l'étincelle sur la cartouche. La France et le Liban' n'ont pas la même
approche du statut personnel et le seul fait pour deux Libanais catholiques de se
marier civilement en France Z va perturber la détermination de la loi applicable à leurs
relations personnelles. Ici, sans qu'il y ait de changement du point de rattachement,
les intéressés ont été concurremment placés dans l'orbite de deux systèmes de droit
incompatibles.
146
mais nul en droit hongrois comme en droit italien.
146
protection minimale). Le droit commun a des solutions différentes. La Jurisprudence
(B) n'a pas suivi, ici, les suggestions de la doctrine (A).
*
A - Suggestions doctrinales
Que les règles de conflit de lois dans l'espace pussent s'inspirer des règles de
conflit de lois dans le temps, et réciproquement, est une évidence b. Néanmoins, il est
inexact de soutenir que le conflit mobile doive se régler comme le conflit transitoire de
droit interne 7 . En effet, alors que le principe de l'effet immédiat de la loi nouvelle
était acquis depuis longtemps en matière de droit transitoire de la famille 8, on trouve
des décisions tranchant le conflit mobile en termes de DROITS ACQUIS, c'est-à-dire
par application de la loi « ancienne » dans le même domaine.
146
de rendre la femme divorçable ? ».
C'est dans un contexte identique que fut rendu l'arrêt FONTAINE très justement
élevé au rang de Grand d Arrêt (Cass. civ. 8 mars 1938, « Grands Arrêts » n°17).
4Ving-neuf ans après sa naissance, Adrienne FONTAINE, qui est devenue anglaise par
son mariage avec le Major PULTENEY, est reconnue par sa mère naturelle dans le seul
but de faire bénéficier celle-ci d'une pension alimentaire. Elle oppose sa nouvelle loi
personnelle qui, à l'époque, ne connaissait pas plus la reconnaissance d'un enfant
naturel que la recherche de paternité (cf. SUMMERS)-. Non sans stigmatiser l'attitude
de la mère qui ne poursuivait pas « d'autre but que de se constituer un droit de
créance alimentaire », la Cour d'appel d'Aix-en-Provence avait rejeté la demande
par application de la « loi nationale de l'enfant », c'est-àdire, conformément aux
règles du droit transitoire, de la loi nationale actuelle (= effet immédiat de la loi
nouvelle). Sans le dire, la Cour de cassation oppose les droits acquis ou plutôt le droit
naturel en imposant la solution inverse: « Attendu qu'une mère française ne
saurait être privée du droit de reconnaître l'enfant issu d'elle, nonobstant
toute disposition contraire de la loi étrangère dont il relève à raison de sa
nationalité ». Comme disait LA ROCHEFOUCAULD, « Les vertus se perdent dans
l'intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer ».
Il arrive encore que, sans évoquer les droits acquis, des décisions de
jurisprudence 14 soient difficilement compatibles avec les règles du droit transitoire. La
Société SAARFINANZ avait ouvert à une autre société allemande, la Société Eugen
SCHLUTER, un crédit pour l'achat d'une automobile qui fut immatriculée en
Allemagne. Conformément à la loi allemande, la société débitrice avait garanti le
remboursement de ce prêt par un gage automobile assorti d'une réserve de
propriété 15 au profit de la créancière. Après introduction du véhicule en France, un
autre créancier obtint le droit de faire pratiquer sur lui une saisie conservatoire dont la
Société de crédit allemande a sollicité la mainlevée en invoquant la réserve de
propriété stipulée au contrat de gage. Quid du conflit (auto)mobile ?
146
B - Position jurisprudentielle
Seulement, pour qu'il en aille ainsi, il faut que la règle de conflit soit NEUTRE,
c'est-à-dire qu'elle ne se rapporte pas à une matière sensible où la considération du
146
résultat prédomine et où l'équité prévaut sur le droit Ainsi, dans l'affaire, BORDES11,
en 1900, la réprobation sociale frappait encore fortement le divorce et dans la
conscience collective, le modèle normal du mariage était le mariage indissoluble. D'où
l'affirmation du droit acquis par la femme à l'indissolubilité du mariage. Au contraire,
dans l'affaire SUMMERS 1z, en 1932, l'action en recherche de paternité était perçue
dans la conscience collective comme une sévère, mais juste réparation à l'égard de
l'enfant. D'où la reconnaissance du droit acquis, par la mère à l'exercice de cette
action malgré son changement de nationalité.
Mais c'est précisément cette conversion écartée par la Chambre des Requêtes
dans le premier22 arrêt FERRARI que devait admettre le Duché de Saxe Altenbourg au
bénéfice de Valentine de BAUFFREMONT23 à laquelle la science du droit est redevable
de la découverte de la théorie de la fraude à la loi, qui se ramène à un changement
artificiel du point de rattachement.
§2 Changement artificiel
146
sont classiques, mais la détermination de son domaine (B) prête à discussion.
A - ILLUSTRATIONS
Cette différence d'approche explique que notre système soit critiqué par des
auteurs étrangers qui lui reprochent d'exiger une recherche d'intention incompatible
avec la mission du droit qui a pris sa distance avec la morale12. Il est facile de
répondre qu'en sanctionnant une fraude à la loi, le Juge français ne se drape pas dans
l'étole du confesseur ou dans la blouse blanche du psychiatre. Ainsi, dans l'affaire
BAUFFREMONT, il n'était pas besoin de sonder les reins et les cœurs pour savoir que
Valentine voulait uniquement tourner la loi française : l'acquisition de la nationalité du
Duché de Saxe-Altenburg ne lui était pas dictée par l'amour de l'Allemagne, mais par
celui du Prince BIBESCO. Les faits parlent d'eux mêmes. Res ipsa loquitur.
de Paris puis Cour de cassation déjouèrent le stratagème : «en décidant dans ces
circonstances que des actes ainsi faits en FRAUDE de la loi française...
146
n'étaient pas opposables au prince de BAUFFREMONT, l'arrêt attaqué a
statué conformément aux principes de la loi française ». La théorie de la fraude
à la loi était née15. Elle alla s'imposer sans discussion et prendre les contours qu'elle
présente aujourd'hui.
Ainsi, après avoir énoncé qu'il pouvait y avoir fraude dès lors que les parties
avaient « volontairement modifié le rapport de droit dans le seul but de le
soustraire à la loi normalement compétente »16, la Cour de cassation a rendu un
arrêt exemplaire dans l'affaire de la succession CARON17. Pour déshériter ses enfants,
Leslie et Aimery en les privant de leur réserve sur des immeubles situés en France,
ainsi que pour empêcher son héritier français (Leslie) de faire jouer le droit de
prélèvements lg, Jean-Claude CARON cède son immeuble de la Côte d'Azur à une
société américaine dont il détient 2/3 des actions, et les époux ODELL (Madame
ODELL étant son ancienne secrétaire), 1/3. Le futur de cujus apporte ses actions à un
trust19 avec stipulation qu'à son décès les bénéficiaires en seraient lesdits époux
ODELL. Il meurt en 1977. Quid de la dévolution de l'immeuble français ? A priori, sauf
à démonter une fraude, il fallait s'en tenir à la volonté du défunt, puisqu'ayant acquis
une nature mobilière20, sa fortune française n'était plus soumise à la lex rei sitae
mais à la loi américaine de son dernier domicile pour laquelle la liberté testamentaire,
est totale. Seulement, il avait, par ce biais, éludé l'application de la première pour se
laisser les coudées franches, et la Cour de cassation approuve sur ce point la Cour
d'Aix d'avoir stigmatisé la fraude parce « qu'il importe peu que la règle de conflit
soit unitaire ou complexe pour qu'il y ait fraude à la loi; qu'il suffit que cette
règle de conflit soit volontairement utilisée en modifiant un élément de
rattachement à seule fin d'éluder l'application d'une loi compétente ».
Il faut noter qu'ici les deux Ordres de juridiction ont une approche convergente
du problème puisque le Conseil d'Etat21 estime que, sous le contrôle du Juge de l'excès
de pouvoir, le Préfet peut faire obstacle au séjour en France de l'étranger ayant
souscrit un « mariage blanc ». Cependant, une fois de plus, force est de constater
l'absence de certitude du droit en la matière. En effet, dans le domaine voisin de la
compétence juridictionnelle, l'Assemblée plénière22 a récusé la compétence française
dans l'affaire des Fresques de la Chapelle de CASENOVES. Ces dernières avaient été
arrachées de leur site et transportées en Suisse. La Haute Juridiction estima que cette
voie de fait avait valablement « mobilisé » un immeuble par nature qui, de ce fait,
n'était plus situé en France, ce qui excluait une compétence française.
De même, en droit communautaire, on constate une nébulosité similaire
puisque, dans une affaire exemplaire, la C.J.C.E.23 a, pour la première fois semble-t
il, évoqué la sanction de la fraude, mais sans pour autant en tirer conséquence. Deux
époux danois M. et Mme BRYDE, avaient constitué en Angleterre une Private
limited company, CENTROS Ltd, qui n'y exerçait strictement aucune activité
commerciale, « celle-ci étant entièrement dirigée vers le Danemark dans
lequel les associés veulent établir une succursale »24. Le choix du siège social, et
donc de la loi applicable, était uniquement dicté par le libéralisme du droit anglais qui,
à l'inverse, du droit danois, n'impose pour ce type de sociétés aucun capital minimum,
pas plus que, ce qui est logique une libération du capital.
146
d'établissement25. Toutefois, la Cour de Luxembourg précisait au n°39 de son arrêt: «
Cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'Etat membre anglaise
concerné puissent prendre toute mesure de nature à prévenir ou à
sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-même, le cas
échéant en coopération avec l'Etat membre dans lequel elle est constituée,
soit à l'égard des associés dont il serait établir qu'ils cherchent en réalité...
à échapper à leurs obligations ». On peut, avec Monsieur MENJUCQ26, s'interroger
sur le sens de ce considérant sibyllin : quelles autorités ? Quelles mesures ? Quelle
coopération ? Toujours est-il, même si c'est de manière verbale ou platonique27, que la
théorie de la fraude à la loi prend pied en droit communautaire.
B – DOMAINE
(40) La théorie de la fraude ne joue que dans les domaines où les parties ne
sont pas maîtresses de leurs droits. Ainsi, on n'en conçoit pas le jeu en matière
d'obligations contractuelles puisque l'art. 3 de la Convention de Rome du 19 juin 19801
laisse les parties absolument libres de choisir la loi applicable, sans exiger que celle-ci
ait un rapport effectif avec le contrat lui-même.
Par conséquent, si les législations de complaisance sont admises, la sanction de
la fraude est exclue ; et même, sa notion. Au contraire, en matière d'état et de
capacité des personnes, de nationalité et de condition des étrangers, de droit fiscal ou
de droit des successions, la théorie a une vocation toute naturelle à s'appliquer.
Finalement, en droit international privé, la ruse est sanctionnée alors qu'elle ne peut
l'être en droit pénal2. Mais cela tient au fait que le principe de légalité ne joue, malgré
PLANIOL3, qu'en matière répressive et non pas en matière civile.
146
parfaitement la même, va-t-on aussi admettre la sanction de la fraude à la loi
étrangère 4 ? L'enjeu de l'interrogation est de savoir si la théorie de la fraude à la loi
est un instrument de moralisation ou un outil nationaliste.
A signaler enfin, du point de vue des effets de la fraude à la loi, que certains
auteurs 14 préconisent une éradication générale de la situation frauduleuse, au lieu de
s'en tenir à une simple inopposabilité. Ainsi, pour eux, Valentine de BAUFFREMONT
aurait dû redevenir française. On peut s'interroger sur l'opportunité de cette
proposition. En effet, qu'on annule ou non la naturalisation allemande, rien
n'empêchera le Duché de Saxe-Altenburg de la considérer comme une citoyenne. Et
l'on en viendrait de la sorte à doubler deux mariages boiteux et un divorce bancal
d'une nationalité à éclipses... !!!
146
Temps et Espace peuvent alternativement' compliquer l'identification de la loi
compétente. Cette dernière peut avoir été modifiée depuis la naissance du rapport
juridique. Elle peut aussi ne pas être unifiée et imposer la solution d'un conflit
interpersonnel2 ou interprovincial3 (§ 1 et § 2).
§1- LE TEMPS
La Cour de Cassation n'a nettement pris parti sur la question visée que
relativement récemment. Elle l'a fait dans un arrêt LEPPERT du 3 mars 1987 1. Il
s'agissait d'un enfant naturel né d'une mère allemande en 1944. A cette époque, le
B.G.B. ne reconnaissait à ce type d'enfant qu'une action purement alimentaire 2 (=
Zahlvaterschaft) qu'une loi du 19 août 19693 remplaça par des voies de droit
comparables à l'action en recherche de paternité de l'art. 340 C. civ.. Cette loi
comportait des dispositions transitoires aux termes desquelles elle entrait en vigueur
le 1er juillet 1970 et était applicable aux enfants nés auparavant.
146
l'occasion, se muer en Historien de ce droit étranger, pour peu que les règles du For
lui imposent un retour dans le passé.
§.2.- L'ESPACE
146
Empirisme et bon sens contribuent à la solution de la première difficulté. Ainsi,
compte tenu du fait que c'est généralement de la sorte qu'on pratique aux Etats-Unis,
on identifiera l'Etat de l'Union dont le droit sera déclaré applicable à partir du domicile
de l'intéressé7 . La seconde a donné lieu, dans les années 1930, à deux arrêts8.
CHAPITRE 3
146
On peut ensuite accepter de prendre en considération ledit déclinatoire, mais
en se bornant à donner acte au droit étranger qu'il ne veut pas régir la matière
litigieuse. Il va y avoir ici un incident du rattachement invitant à considérer SOIT que
le rapport dont il s'agit est frappé d'apatridie du fait de la dérobade du droit étranger
qu'on voulait lui appliquer, SOIT que la règle de conflit du For initialement appliquée
est frappée de caducité et qu'il faut lui substituer une autre. Avec la première
attitude, on reviendra ipso facto à l'application subsidiaire de la lex fori3. Avec la
seconde, on procédera à l'élaboration d'une règle de remplacement qui sera forgée,
interprétée et appliquée selon les conceptions françaises : la nationalité se dérobant,
on lui substituera le domicile entendu au sens français et non pas au sens étranger4.
On peut enfin penser que donner compétence à une loi étrangère signifie que
la matière en cause est placée sous l'empire exclusif du droit ainsi désigné et que le
Juge saisi devra imiter en tout point la sentence qu'aurait rendue son Collègue
étranger. « The Court sitting here... must consider itself sitting in Belgium
under the particular circumstances of the case »g, Ainsi, la référence adressée
au droit étranger déclaré compétent s'entendra comme un octroi de pleins pouvoirs :
elle ne se limitera ni à la considération du déclinatoire, ni à l'acceptation du renvoi de
compétence. Elle s'étendra aux principes du droit international privé. De la sorte,
donnant compétence à un droit étranger qui la refuse, mais qui admet le renvoi, à un
droit étranger qui la refuse, mais qui admet le renvoi, le Juge anglais 9 appliquera la loi
étrangère puisque son homologue étranger aurait finalement appliqué sa propre loi
par renvoi du droit anglais. Inversement, si le droit déclaré compétent ignore le
renvoi10, ce même juge anglais appliquera la loi anglaise puisque son collègue
étranger n'aurait pas accepté le renvoi proposé par celle-ci.
Comment de tels jeux de l'esprit ont-ils pu voir le jour ? Certes, la pratique s'y
est prêtée, mais l'imagination des Auteurs a poussé à la roue, corroborant ainsi les
critiques désabusées signalées au premier paragraphe de l'introduction de ce Cours.
C'est au XIXème siècle que la doctrine prit conscience d'un problème qui se posait
depuis quelques lustres déjà". En effet, alors que le renvoi avait jurisprudentielle ment
pris pied de longue date en Angleterre12 ou en Allemagne'3, c'est la France qui en fit
prendre conscience à l'opinion publique internationale avec la très célèbre affaire
FORGOIa
146
avait 63 ans. Il était venu en France à l'âge de 5 ans, mais n'y avait jamais été admis
à domicile' Il laissait une importante succession mobilière que se disputèrent l'Etat
français2 et des parents de sa mère, les consorts DITCHL qui, selon la loi bavaroise et
contrairement à la loi française, étaient appelés à la succession. L'enjeu était donc de
savoir quelle loi appliquer à la succession de FORGO, sachant que chacun des États
concernés rattachait la matière litigieuse au domicile du de cujus tout en se faisant
des conceptions antinomiques de celui-ci3. Le droit français n'acceptait de s'appliquer
à la succession mobilière d'un étranger qu'à condition que celui-ci ait été admis à
domicile en France, tandis que le droit international privé bavarois déclarait
compétente la loi du domicile de fait. Ainsi, à nos yeux, faute de n'avoir jamais
bénéficié du décret d'admission de l'art. 13 C. civ, FORGO avait, malgré les ans,
conservé son domicile d'origine en Bavière aux yeux de laquelle il avait acquis un
domicile en France. Chaque droit déclarait donc l'autre compétent.
Le 11 mars 1874, la Cour de Pau appliqua la loi française et fut cassée par la
Chambre civile4 qui estima que, n'ayant pas acquis de domicile de droit en France,
FORGO avait conservé son domicile d'origine bavarois. Sur renvoi, la Cour de
Bordeaux5 donna raison aux Consorts DITCHL par application de la loi bavaroise qui
reconnaissait la vocation héréditaire des parents naturels au-delà du frère. Une
nouvelle cassation6 s'ensuivit pour fausse application de la loi bavaroise. Se
conformant aux indications de la Chambre civile, la Cour de Toulouse 7 accepta le
renvoi de la loi bavaroise à la loi française et donna tort aux parents de FORGO. La
solution fut entérinée par la Chambre des Requêtes8 qui confirma l'acceptation du
renvoi et consacra les droits de l'État français sur la succession du Bavarois, ce qui
permit sans doute d'éponger une partie, hélas trop faible, de l'énorme dette de guerre
découlant de notre défaite de 1870 contre la Prusse.
Ainsi, le renvoi voyait-il officiellement le jour en jurisprudence française. Depuis
l'arrêt FORGO, le principe (§ 1) de son acceptation ne s'est pas démenti. C'est en
réalité sur la détermination de son domaine (§ 2) que se situe l'essentiel du débat
actuel.
146
condamna le renvoi. Ainsi, lors de sa session de Neuchâtel en 1900, l'Institut de droit
international émit le vœu suivant :« Quand la loi d'un État règle un conflit de lois en
matière de droit privé, il est désirable qu'elle désigne la disposition même qui doit
être appliquée à chaque espèce, et non la disposition étrangère sur le conflit dont il
s'agit »15. Toutefois, le droit positif imperturbable, admettait le renvoi quand les
Auteurs le rejetaient, ce qui permit en 1913 à POTU, dans sa thèse citée en note (6)17
de chiffrer le divorce international entre la théorie et la pratique : « actuellement on
compte 54 partisans contre 134 adversaires, soit une majorité de 80 (61 %) contre le
renvoi (jurisprudence 189 pour, 39 contre, majorité 150 en faveur du renvoi, 79 %) ».
18
De fait, en 1910, la Chambre des Requêtes assénait-elle à la meute doctrinale
«
anti-renvoyiste »19 « que la loi française de droit international privé ne souffre d'aucune
manière du renvoi qui est fait à la loi interne française par la loi de droit international
privé étranger ; qu'il n'y a qu'avantage à ce que tout conflit se trouve ainsi supprimé
et à ce que la loi française régisse d'après ses propres vues des intérêts qui naissent
sur son territoire ». Au fond, le divorce ci-dessus évoqué consacrait la séparation de
corps et d'âme du dogmatisme (A) de l'école et du pragmatisme (B) du Palais.
A - Dogmatisme
Cette approche, de pure logique juridique (1) portait en elle les germes de sa
propre condamnation. Mais, à partir des mêmes bases, il était possible de développer
des considérations de politique juridique (2) justifiant, sans contradiction cette fois,
l'admission du renvoi.
*
1 - Logique juridique
(49) En matière juridique comme dans toute science humaine, la logique pure
est impuissante à apporter une solution ou à dicter une position. En effet, elle
envisage raisonnements et concepts «dans les formes où ils sont énoncés et
abstraction faite de la matière à laquelle ils s'appliquent » 1. Or, le droit, y
compris le droit international privé, est une discipline en prise directe sur la vie.
Quelque rigoureuse que puisse être une démonstration logique, elle ne convaincra
guère que ceux qui y ont déjà cédé2. On aurait donc pu faire l'économie d'un débat
146
qu'on présentera (a) avant de le recadrer (b).
a) Présentation
(50) « Lorsque la loi française nous dit d'ouvrir le code étranger, il faut l'ouvrir
tout à fait. Nous trouvons arbitraire la distinction d'après laquelle il faut consulter la loi
étrangère pour y chercher le système applicable dans une question de capacité, ou un
système successoral, ou un système matrimonial et ne pas considérer quel principe
elle admet quant à la fixation de la loi applicable »1 Le débat devait aussitôt s'engager
sur ce terrain précis puisque, annotant l'arrêt rendu par la Cour de Bruxelles dans
l'affaire BIGWOOD, LAURENT2 avait déjà considéré que « la Cour a fait une étrange
confusion, elle a confondu le droit civil avec le droit civil international ».
Affirmée par les uns3, contestée par les autres4, l'indivisibilité des règles
matérielles et des règles de conflit prenait place au coeur du débat5, et l'on comprend
que les partisans du renvoi aient tenté de justifier logiquement l'idée qui expliquait le
bien-fondé de leur position. La première démonstration « scientifique » fut l'oeuvre de
WESTLAKE. « Mettons qu'un législateur, soit en termes exprès, soit par approbation
tacite des maximes suivies par les juges, édicte ces deux règles : a) la capacité de
tester s'acquiert à 19 ans, b) la capacité des personnes est réglée par la loi de la
nation à laquelle elles appartiennent. Sans la règle « b », la règle « a » n'a pas de
sens. La capacité testamentaire de qui s'acquiert à 19 ans ? Impossibilité absolue de
répondre, sinon à l'aide de « b » qui fixe la catégorie des personnes pour lesquelles le
législateur se dirait en droit de régler la capacité. D'après « b », « a » édicte que la
capacité des nationaux du législateur s'acquiert à 19 ans, et ne dit rien de celle des
sujets étrangers domiciliés dans le territoire. Si « b » avait dit que la capacité est
réglée par la loi du domicile, « a » aurait édicté que la capacité des personnes
domiciliées dans le territoire du législateur s'acquiert à 19 ans et n'aurait rien dit de
celle de ses nationaux domiciliés à l'étranger. Voici la preuve que la règle « a », prise
isolément est en l'air, un arrangement de mots et rien de plus »6. Poussant cette idée
jusqu'au bout, on est logiquement conduit à admettre qu'il est impossible de « scinder
la législation, du point de vue du législateur, en droit interne et en droit international :
c'est là une distinction qui n'appartient qu'à la science qui résume les législations, les
classifie et les critique »7 , et que la référence adressée par la règle de droit
international privé du For à un droit étranger inclut obligatoirement les règles de
conflits de celui-cig. Cette référence est une Gesamtverweisung, une référence
globale, et l'admission du renvoi est indiscutablement dictée par les impératifs de la
logique.
146
comme le « Spiegelkabinett » décrit par KAHN12 comme le « lawn-tennis
international» dénoncé par BUZZATI13 ; ou encore comme « l'animal fabuleux des
bestiaires du Moyen Age, l'animal qui mange ses pattes, CATOBLEPAS »,
ressuscité par BARTIN14.
b - Recadrage
Dans une hypothèse d'école connue sous le nom de rocher de bronze, RAAPE3
a démontré de manière irréfutable l'invulnérabilité du renvoi au second degré à
l'argument logique. Un Suisse épouse sa nièce à Moscou et, par la suite, les conjoints
émigrent en Allemagne où l'un d'eux introduit une demande en nullité du mariage
fondée sur l'article 100 du Code civil suisse 4. La règle de rattachement allemande
donne compétence à la loi nationale des époux5, par hypothèse la loi suisse, et, à s'en
tenir à la loi interne helvétique, le juge allemand devrait prononcer la nullité de cette
union. Cependant, l'article 7 L.R.D.C.6 porte que : « la validité d'un mariage
célébré à l'étranger conformément aux lois qui y sont en vigueur est
reconnue en Suisse »7. Or, suivant la loi soviétique du lieu de célébration, le mariage
entre oncle et nièce est valable8, et, aux termes des règles de conflit de ce pays9, il
faut appliquer la loi interne russe aux mariages célébrés en Russie.
On voit donc qu'ici, par le jeu du renvoi, l'accord de tous les systèmes juridiques
concernés se fait au profit de la législation soviétique sans que le chassécroisé ne voie
le jour. Dès lors, refuser le convoi, ce serait annuler un mariage que les États
principalement intéressés considèrent comme valable, et cette solution serait
profondément injuste :« summum jus, summa injuria » estimait RAAPE'o - « ser
146
contra o resultado a que o reenvio conduz em casos tais nâo é uma doutrina,
è um preconceito », proclame quant à lui A. FERRER-CORREIA11
De plus, même avec le renvoi au premier degré, le cercle vicieux peut s'avérer
illusoire. Pourtant, a priori, il est tentant de considérer, par exemple en matière
extracontractuellels, que le renvoi effectué par la lex loci déliai au droit français du
Tribunal saisi risquerait d'aboutir à une situation « inextricable, la loi interne
française renvoyant à la lex loci déliai ». En réalité, pour peu que chacun
des droits concernés ait une approche différente du renvoi, le cercle vicieux ne peut
pas voir le jour.
146
élémentaire bon sens en dissuade car, agir ainsi, ce serait se conduire comme ces
Espagnols qui, recevant un Anglais, l'obligeraient au Five o'clock tea au lieu de le
laisser aller à la corrida de toros à laquelle il désire assister
2 - Politique juridique
Accepter le renvoi comme c'est en principe le cas depuis les arrêts FORGO' et
SOULIE2, c'est adapter la règle de rattachement française aux dispositions de conflit
du droit étranger déclaré compétent. «La valeur et l'application de la règle
française dépendent donc, en France, de l'assentiment ou de l'approbation
que donne à cette règle le pays [étranger] » 3. Mais alors, « conçoit-on un
système français de conflit de lois... subordonné ainsi en France à la
correspondance des règles qui le composent avec les règles qui composent
le système d'un autre État, ni plus, ni moins indépendant que l'État
français ?»4 Resurgissait ainsi sous la plume de BARTIN un argument déjà présenté
par FROLANDS avec une remarquable puissance de conviction :« On veut... que la
coutume de Paris prévale à celle de Normandie jusque dans la Normandie
même ; qu'elle l'oblige à changer sa loi, qu'elle lui fasse changer de
maxime... Et l'on veut que la coutume de Paris vienne porter son usage dans
la Normandie et qu'elle commande souverainement à celle de la province ;
c'est ce qui n'est pas raisonnable ».
Le renvoi serait donc condamné parce que son mécanisme implique que la règle
de conflit du For s'incline devant celle du droit étranger déclaré compétent. Et il serait
contraire aux devoirs d'un Juge qui rend la Justice au nom
• Peuple français d'aller à Canossa et d'amener le pavillon en cas de désaccord de
la part du droit étranger.
146
Deux idées viennent suggérer une réponse contraire. Tout d'abord, le refus
systématique et obligé de donner considération au déclinatoire et au renvoi de
compétence prononcés par le droit étranger ne s'imposerait que si les règles de conflit
du for pouvaient prétendre avoir une valeur absolue. Or, nous avons déjà9 constaté
que la relativité des rattachements excluait une telle prétention. Ensuite, il ne
faut quand même pas oublier qu'en acceptant le renvoi, « il n'y a pas abandon
parce que la règle étrangère n'entre pas en jeu par miracle, mais par la
désignation de notre règle de conflit: il y a donc coordination des deux
règles » 10.
146
affaire SAVAGE-LANDOR ne pouvait que l'en convaincre car la loi nationale d'un sujet
britannique n'ayant jamais existé18, la règle de conflit italienne perdait toute
signification et devenait impraticable. Ce sont certainement des considérations de
cette nature qui ont amené le législateur italien19 à répudier ses anciennes convictions
antirenvoyistes, ce qui a indiscutablement de remédier à l'isolement relatif dans
lequel son droit international privé se trouve quand il donne compétence à la loi
nationale en matière de successions.
B - Pragmatisme
*
1 - Opportunité du résultat
(54) « Il n'est pas douteux que le côté pratique a eu une grande
importance dans le développement de notre problème »1. De fait, le refus
d'appliquer le droit étranger contre son gré permettrait « d'éviter grâce au renvoi
des contrariétés de décisions entre deux États relativement à une même
affaire »Z. De plus le renvoi opérant le plus souvent un retour à la lex fori, il
présenterait le double et paradoxal avantage de satisfaire autant les aspirations
internationalistes (a) que les visées nationalistes (b).
146
a) Aspirations internationalistes
D'abord que les deux États concernés ne se fassent pas la même conception
du renvoi, et le chassé-croisé ne peut pas se produire. Ensuite, imaginer que les
Tribunaux des deux États puissent être successivement ou concurremment saisis
d'un même litige international, c'est méconnaître les bases élémentaires de la
compétence directe et de la compétence indirecte. C'est oublier en effet
l'autorité de la chose jugée à l'étranger7, l'exequatur8 et la litispendance9.
146
31 note 11), le renvoi avait été intégré dans les paramètres permettant de contrôler
l'identité de la loi appliquée par le Juge d'origine12. Il s'agissait, en l'occurrence, d'un
ménage franco-yougoslave qui avait divorcé en Égypte où il était domicilié. Le juge
d'origine avait tout naturellement appliqué ses propres règles de conflit et donné
compétence à la loi yougoslave de la nationalité du mari 13. Au contraire, un tribunal
français aurait appliqué la loi égyptienne du domicile commun conformément à la
jurisprudence RIVIERE. Toutefois, l'exequatur fut accordé car cette dernière loi
renvoyait à la loi yougoslave. Le renvoi était donc intégré dans le droit de
l'exequatur, mais cela n'impliquait aucunement qu'un juge français ait pu reprocher
à un juge étranger d'avoir appliqué le droit matériel désigné pour les règles de conflit
françaises alors que c'est le sien que le droit international privé français déclare
compétent par le jeu du renvoi. Il n'y a pas en tout cas de décision jurisprudentielle à
avoir proféré une telle énormité.
b- Visées nationalistes
(56) Le renvoi au premier degré qui est très largement le plus fréquent permet
au tribunal saisi d'appliquer sa propre loi qu'il connaît, au lieu d'une loi étrangère qu'il
ignore. Dans son rapport sur l'arrêt SOULIE1, le Conseiller DENIS l'exprimait fortement:
« j'aime mieux que les tribunaux français, quand cela leur est permis, jugent
d'après la loi fançaise que d'après une loi étrangère qu'ils ne connaissent
pas. J'aime mieux la loi française que la loi étrangère ».
Cette préférence nationale, clairement affirmée, s'attira a posteriori et par
anticipation trois sortes de critiques. Par anticipation, KAHN2 estimait que la volonté
d'étendre au maximum le champ d'application de la lex fori portait en germes la mort
du droit international privé. Encore par anticipation par rapport à l'arrêt SOULIE,
CATELLANI3 expliquait quant à lui l'acceptation du renvoi en jurisprudence française
par le « nationalisme outrancier4 » d'une France vaincue, « possédée avant tout
146
de la préoccupation de se relever comme État, comme Nation et comme
Société » . Et enfin, VALERY6 reprochait a posteriori cette fois, au Conseiller DENIS de
5
En fait, on se trouve là encore en plein dogmatisme, alors que l'on s'est résolu
à rester pragmatique. Les assertions ci-dessus ne peuvent aucunement ruiner les
énonciations peut-être, un peu abruptes, du Conseiller DENIS. D'un côté, il est
évident que la règle Jura novit Curia couvre le droit français, et non pas le droit
étranger. De l'autre, il est encore certain qu'avec le mécanisme du renvoi, la règle
étrangère n'entre pas en jeu par l'opération du Saint-Esprit, mais simplement parce
qu'elle a été désignée par des règles de conflit du For. Dès lors, compte tenu de
l'évidente opportunité du résultat auquel il aboutit, il reste à en démontrer la légalité
du mécanisme.
2. Légalité du mécanisme
(57) Le renvoi ne peut être accepté que s'il est compatible avec la règle de
conflit du For qui se trouve à l'origine du processus. Ainsi, le renvoi au sens strict
suppose que le point de départ soit une règle bilatérale qui envoie la compétence à
une loi qui la refuse. De même, le système anglo-saxon classique faisait prévaloir les
questions de compétence judiciaire sur la compétence législative', ce qui justifiait du
même coup la Foreign Court Theory 2. A l'inverse, les tendances actuelles anglo-
saxonnes donnent le primat à une recherche cas par cas de la loi la plus appropriée à
régir le litige3. Il en résulte inéluctablement que, a priori, ce seront les dispositions
matérielles et non les règles de conflit du droit finalement indiqué qui seront prises en
considération.
146
de la Foreign Court Theory expose l'interprète à des difficultés spécifiques
insurmontables pour déterminer, par exemple, la position du droit étranger à l'égard
du renvoi.
146
française de droit international privé ne souffre d'aucune manière du renvoi qui est
fait à la loi interne française par la loi de droit international privé étranger; qu'il n y a
qu 'avantage à ce que tout conflit se trouve ainsi supprimé et à ce que la loi
française régisse, d'après ses propres vues, des intérêts qui naissent sur son
territoire ».
§2-.Domaine du .renvoi
(59) Modulable en fonction de l'interprétation à donner aux règles de conflit du
For, le renvoi doit être écarté dès que les avantages qu'il apporte sont inférieurs aux
inconvénients qu'il engendre. Comme il doit l'être aussi quand il s'avère incompatible
avec le sens de la règle d'envoi. GABBA1 l'énonçait dès 1906 :« La théorie du renvoi
n'est admissible que si elle est enfermée dans certaines limites ».
Si, en effet, le renvoi a un « caractère en principe obligatoire »2, c'est qu'il y a des
exceptions. Tantôt on va l'admettre dans un certain esprit ; tantôt on va l'exclure
dans certaines matières, le critère décisionnel étant alternativement le mécanisme
(A) et le résultat (B) du renvoi.
146
A - Mécanisme du renvoi
(60) Le renvoi doit être écarté dès que son mécanisme butte sur une
impossibilité. Ainsi en sera-t-il dans l'hypothèse du renvoi-toupie' sans retour à la
lex fori où il n'y a strictement aucune raison de respecter la transmission de
compétence effectuée par le droit étranger initialement désigné par les règles de
conflit du For. Dans une telle hypothèse, la machine est grippée et il n'y a pas de
raison de faire prévaloir l'avis de tel droit étranger sur celui de tel autre du fait d'une
impossibilité qui tient au renvoi de compétence (2). Mais, il se peut aussi que le
mécanisme soit vicié dès le départ et que l'offre de compétence (1) exclue le
recours sur renvoi. Il est enfin possible que l'impossibilité tienne à la combinaison (3)
des deux.
(61) Pour que le droit étranger décline sa compétence, il faut d'abord, c'est une
lapalissade, qu'elle lui ait été proposée. En d'autres termes, le mécanisme du renvoi
n'est pas concevable dans un système des règles unilatérales. Tout au plus doit-on
admettre, la compétence de la lex foril ou la saisine du For2 quand aucun droit
étranger ou aucune juridiction étrangère ne reconnaît sa compétence. Pour éviter le
déni de droit ou le déni de justice, on va revenir à l'application subsidiaire de la lex
fori ou à la compétence résiduelle du Tribunal saisi. On trouve ici, à l'état pur, la
théorie du rapport apatride empruntée par NIBOYET3 à Ludwigvon BAR.
146
c'est en fonction de sa TENEUR que ce droit est ainsi désigné la référence doit
logiquement se limiter aux seules règles matérielles qu'il comporte.
Gesamtverweisung dans le premier cas, Sachnormverweisung dans le second :
ici, le renvoi jouera ; là, il sera exclu.
C'est ce qui a amené la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur les obligations
contractuelles à exclure expressément le renvoi dans son art. 15 qui stipule: «
Lorsque la présente convention prescrit l'application de la loi d'un pays, elle
entend les règles du droit en vigueur dans ce pays à l'exclusion des règles
de droit international privé ». Cette Convention s'appliquant sans réciprocité dans
les termes de son art. 2, elle se substitue purement et simplement aux solutions
jurisprudentielles antérieures. Relativement à celles-ci, il a fallu attendre le 11 mars
1997, pour que la Cour de cassation10 proclame « que la mise en oeuvre de la loi
d'autonomie est exclusive de tout renvoi ». Au regard de la démonstration ci-
dessus, il est curieux que la Haute Juridiction ait attendu aussi longtemps pour
consacrer une règle qui semble relever du simple bon sens, sinon de l'évidence.
Quoi qu'en dise notre collègue LEQUETTE 15 b',, qui estime que « le
raisonnement est pour le moins tortueux » (ce qui lui évite d'avoir à le réfuter),
l'argument est absolument irréfutable en cas de choix exprès de la Loi applicable.
Certes, il est évident que les probabilités pour le choix d'une Gesamtverweisung
frisent le zéro absolu, mais ce n'est pas parce qu'une chose ne se fait habituellement
pas qu'elle ne peut pas théoriquement, s'imaginer. D'ailleurs, l'argument a connu
l'honneur de la consécration positive puisque dans sa session d'août 1999 (cff supra,
n°58), l'Institut de droit international a émis la résolution suivante :« La prise en
compte du droit international privé étranger... 3) devrait être envisagée... c) si les
parties ont le choix de la loi applicable et, l'ayant exercé, ont inclus dans ce droit le
146
droit international privé... 4) ne devrait pas être envisagée... b) si les parties omettent
le choix du droit applicable et, l'ayant exercé, n'ont pas inclus dans celui-ci le droit
international privé ». C'est dire qu'a priori, l'autonomie de la volonté n'est pas
exclusive d'une Gesamtverweisung.
Bien plus, quand ce n'est plus à l'interprétation de la volonté des parties mais à
la localisation de leurs intérêts21 que se livre le Juge pour déterminer la loi applicable,
les éléments affluent, NI pour le rejet du renvoi, NI au soutien d'une admission
automatique, mais en faveur d'un accueil sélectif. En effet, «faute de professio
juris de la part des contractants, on ne voit pas pourquoi, dans son effort de
détermination de la loi applicable au contrat, le Juge devrait ignorer la
présence éventuelle d'un renvoi : on ne peut logiquement pas soutenir qu'un
contrat soit dans un rapport étroit avec le pays dont le droit refuserait de
régir ce même rapport juridique » 22 .
146
(62) Lorsque le renvoi au second degré débouche sur un cercle vicieux et que la
chaîne des transmissions bute sur l'une des législations étrangères qui a déjà décliné
sa compétence, le renvoi se trouve affecté d'une impossiblité technique absolue.
Comme l'énonçait le Tribunal de commerce de Paris dans l'affaire de la BANQUE
Ottomane « le renvoi à la loi turque par la loi du siège réel qui est à Londres,
déclarée compétente par le droit international privé du For aboutit à un vide
juridique hors de Turquie. Il convient de combler ce vide et de dire que
FAUTE DE RENVOI UTILE, seule est compétente la loi du siège réel, c'est-à-dire
celle de la Grande-Bretagne ».
Que la Cour de Paris2 ait inversement estimé que la loi turque acceptait le
renvoi importe peu. II est avéré par les motifs du jugement, qui sont parfaitement
agencés, que le renvoi doit être écarté quand un hiatus se révèle dans la chaîne des
tranmissions. Mais on peut, concevoir deux autres obstacles dont le premier s'est
manifesté en Allemagne3 et le second, en France4.
146
(63) Dans l'affaire GUNZBOURG1, les Tribunaux français étaient saisis par
l'ancien mari d'une demande visant à faire « exequaturer » en France un jugement
de divorce mexicain intervenu à Ciudad-Juârez. Pour les assurer du respect de la
condition relative au contrôle de la loi appliquée par le Juge d'origine2, il était soutenu
par Guy de GUNZBOURG que le droit de l'État de New York où se trouvait le domicile
qu'il partageait avec son épouse Mélinda SCHREY, qui était de nationalité américaine3,
renvoyait au second degré au droit de l'État de Chihuahua.
A dire vrai, sur le terrain des faits, la demande avait bien peu de chances de
prospérer puisque, s'agissant d'un divorce par consentement mutuel, l'épouse était
restée en tout et pour tout 45 minutes à Ciudad-Juàrez le temps de descendre d'avion,
d'expédier les formalités et de reprendre son avion. Sur le terrain du droit, les chances
n'étaient guère plus sérieuses car le Tribunal4 avait refusé de voir un renvoi dans ce
qui n'était en fait qu'une fin de non-recevoir interdisant à GU NZBOURG de contester à
New York ce à quoi il avait consenti au Mexiques.
Cela consiste dans l'articulation d'une règle de conflit de LOIS qui désigne un
droit étranger avec la règle de conflit de JURIDICTIONS de ce pays qui lui renvoie la
compétence. Pour la Cour de Paris, une telle combinaison ne serait pas possible, sans
doute parce que, d'un point de vue technique, on ne peut coordonner à ses yeux que
ce qui joue sur le même plan.
On avoue cependant ne pas bien saisir le sens de ce rejet car il n'y a pas de
clivage irrémédiable à établir selon qu'il existe une différence de degré ou de nature
entre les règles en conflit. Ce qui compte en définitive, c'est que le droit déclaré
compétent ait sur ce point, des vues différentes de celles du For. Peu importe
pourquoi. En tout cas, l'arrêt GUNZBOURG est heureusement demeuré isolé. Enfin, ce
n'est pas sûr.
En effet, dans une ligne comparable une tendance doctrinale avait entrepris de
réduire le domaine du renvoi en suggérant qu'il fallait l'exclure dès lors que le
déclinatoire de compétence trouvait sa source non pas dans une différence de
rattachement du rapport litigieux, mais dans une différence de qualification. Une
146
bonne illustration de ce renvoi de qualification10, comme on l'appelle, nous est
donnée par l'ancienne jurisprudence allemande sur la prescription de la lettre de
change", qui a d'ailleurs permis d'en dégager la notion.
146
Les premiers commentateurs de l'arrêt 20 en ont déduit que le renvoi
• qualification n'était exclu que dans les matières incompatibles pas elles-mêmes
avec le mécanisme général du renvoi. On peut, également lire cet attendu sybillin à la
lumière d'une incidente où la Cour de Paris subordonnait l'accueil du renvoi de
qualification à ce « qu'il ne vienne pas lui-même contredire le sens de la
règle de conflit en morcelant les éléments d'une situation que la règle de
conflit du For ne veut pas dissocier ».
Ainsi, avant qu'on ne vire au pur dogmatisme sur ce point, on admettait sans
états d'âme que le droit étranger déclaré compétent puisse consulter une autre
législation, pour préciser sa propre application. Ce fut le cas dans l'affaire PATINO où
le Tribunal de la Seine22 puis, dans une autre procédure, la Cour de cassation23
acceptèrent d'atteler le droit espagnol au droit bolivien, pour savoir si la loi du lieu de
célébration du mariage autorisait les époux à divorcer selon la loi de leur nationalité
commune. Ce fut encore le cas dans une affaire HORN y PRAD024 où, s'agissant d'une
prescription extinctive relevant de la loi espagnole, la Cour de Pau se référa à la loi
française pour savoir si la prescription avait été suspendue au sens du droit espagnol.
De même, dans l'affaire MOBIL NSL, en supposant que le droit anglais se fût
bien référé à la lex fori pour régler la question de prescription, il n'aurait pas pour
autant décliné sa compétence pour déterminer la responsabilité des fauteurs de
l'effondrement de la plate-forme.
Dans toutes ces hypothèses, en fait, il n'y a aucun renvoiZS au sens technique
car, tout en admettant sa compétence pour régir qui un divorce, qui une
responsabilité délictuelle, qui une responsabilité contractuelle, le droit étranger
compétent ouvre ici un complément d'information en donnant commission rogatoire à
146
la lex fori dans les deux derniers cas et à la lex loci celebrationis dans le premier
pour trancher une question préjudicielle.
Or, même si la Cour de cassation a jugé le contraire dans l'arrêt DJENANGI 30, il
paraît évident que c'est la lex causae qui doit interpréter selon ses propres vues les
concepts préjudiciels que sa mise en oeuvre nécessite31. Qu'elle sépare
législativement ce que la lex fori ne conçoit qu'uni n'a aucune importance, à moins
qu'on aboutisse à un écartèlement matériel du rapport litigieux qui, lui, pourrait
contrevenir à l'ordre public.
B - Résultat du renvoi
(65) Le résultat auquel amène le renvoi peut d'abord être un motif général
d'exclusion. Ainsi, au Liban', admettre le renvoi au premier degré en matière de statut
personnel et de successions n'aurait pas de sens, car c'est un système non unifié où
chaque communauté obéit à son propre droit religieux. A ce stade, « le pluralisme
du droit du For rend très malaisée sa coordination avec les lois étrangères »
146
2
. Mais, d'un point de vue matériel, rien ne s'oppose, au contraire, au mécanisme du
renvoi au second degré. D'où son acceptation3.
146
LEUR UNION »
Cette approche téléologique du problème du renvoi ne peut qu'être approuvée
et on peut songer à l'étendre aux hypothèses où la pluralité des points de
rattachement montre la faveur qui anime le Législateur à l'égard d'intérêts
particuliers4, par exemple, l'intérêt de l'enfant avec les art. 311-16 à 311-18 C. civ.
L'analyse a cependant subi des critiques, certains auteurs s reprochant à l'arrêt ZAGHA
l'artifice consistant à imputer à l'art. 170 C. civ.6 une faveur pour la validité, la règle
locus ayant en matière de mariage un caractère impératif. En fait, le reproche tient
plus aux obsessions antirenvoyistes de ses auteurs et aura au moins le mérite de
rappeler le mot de VALERYB :« Aux meilleurs esprits, que d'erreurs promises »...
En effet, dans sa session d'août 1999, l'Institut de droit international 9 a ouvertement
condamné ces phantasmes :« La prise en compte du droit international privé
étranger... 3) devrait être envisagée (a) si la validité ou l'efficacité d'un acte
ou d'un contrat est tenue pour souhaitable et est ainsi assurée ».
Ce ne sont donc pas les conflits LATENTS mais les conflits PATENTS3 que l'on
examinera ici en partant des diverses formes que peut revêtir la prise de possession.
Nous avons d'ailleurs rencontré la plus connue et la plus classique d'entre elles 4. Dans
le cadre de l'exequatur, en effet, on sait que le Juge d'origine doit avoir fait
application de la loi désignée par la règle de conflit française. Cette exigence est
vigoureusement contestée en Doctrine. Ne peut-on pas se demander s'il n'y aurait pas
lieu de l'écarter en consacrant l'emprise juridictionnelle étrangère ? Mais, il se
peut aussi que le rapport litigieux se soit noué offshore, loin de la sphère d'attraction
de l'ordre juridique français. Va-t-on alors pouvoir prendre les parties à contrepied par
une application inopinée de la loi désignée par les règles françaises ? Ne vaudrait-il
pas mieux entériner les droits acquis en consacrant l'emprise matérielle étrangère
?(§ 1 et § 2).
146
PATINO qui vient, une fois de plus, d'être évoquée, le Tribunal fédéral mexicain avait
appliqué le droit matériel mexicain désigné par les règles de conflit mexicaines1. Au
contraire, par application de la jurisprudence RIVIERE2, le Juge français eût appliqué la
loi bolivienne de la nationalité commune des époux. Il y avait là un motif de rejet de
l'exequatur3 au regard de la jurisprudence MUNZER renversée, sur ce point, par
l'arrêt CORNELISSEN4
Est-il normal que le Juge requis impose au Juge d'origine ses propres
conceptions de la compétence législative ? Depuis l'arrêt CORNELISSEN, qu'on vient
de rappeler, la question ne se pose plus. Toutefois, même si c'est pour la beauté du
fait, il n'est pas inutile de réexaminer la question, ce qui nous permettra de constater
que si l'arrêt SIMITCHS ne se justifiait pas vraiment, le contrôle de la loi appliquée se
justifiait, lui, parfaitement. Cependant, il nécessitait une analyse et, ainsi que disait LA
ROCHEFOUCAULD, «nous avons plus de presse dans l'esprit que dans le corps
».6 A titre posthume, et sans penser le réssuciter, nous examinerons successivement
le principe et les modalités du contrôle de la loi appliquée (A et B). Nous
reprendrons donc au quasi-identique ce que nous disions de la question avant
CORNELISSEN.
A - Principe du contrôle
(69) « Comment exiger du juge étranger qu'il ait appliqué notre règle de
conflit, tenu qu'il est en droit comme en fait d'appliquer la sienne ? »'
146
démonstration logique de celui-ci, mais en y apportant un bémol.
Ainsi, sachant que c'est dans le seul droit conventionnel qu'on trouve des règles
bilatérales de compétence directe8, il est intéressant de comparer le règlement de
Bruxelles-I19 et la Convention franco-malgache'(). Le premier exclut par prétérition le
contrôle de la loi appliquée des « motifs de non-reconnaisance » qu'énonce son
art. 15. Bien plus, il énonce dans son art. 18 qui est intitulé « Disparités entre les lois
applicables »:« La reconnaissance d'une décision rendue en matière de
divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage ne peut être
refusée au motif que la loi de l'État membre requis ne permettrait pas le
divorce, la séparation de corps ou l'annulation du mariage sur la base de
faits identiques ».
A l'inverse, la seconde qui, dans son art. 11, édicte des règles bilatérales,
contient dans son art. 2 in fine une exclusion similaire, du contrôle, mais elle émet une
réserve capitale :« La reconnaissance ou l'exécution ne peuvent être refusées
pour la seule raison, que la juridiction d'origine a appliqué une loi autre que
celle qui aurait été applicable d'après les règles de droit international privé de l'État
requis, SAUF en ce qui concerne l'état ou la capacité des personnes. Dans ces
derniers cas, la reconnaissance ou l'exécution ne peuvent être refusées si
l'application de la loi désignée par ces règles eût abouti au même résultat ».
Et l'on trouvait une réserve semblable et semblablement formulée dans la Convention
de Saint-Sébastien", à ceci près qu'elle ne se limitait pas à l'état et à la capacité des
personnes physiques mais s'étendait « aux régimes matrimoniaux, aux
testaments et aux successions ». Le règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22
décembre 2000 ne reprend pas cette disposition. Mais son article 1-2 (a) exclut
justement ces matières de son champ d'application. C'est dire qu'à l'instar du Coeur
pour PASCAL1z, le Droit « a ses raisons que la Raisonne connaît point ».
146
gagnante tente de faire exécuter ce qui a été jugé à l'étranger. En somme, dès lors «
qu'il s'agit de déclarer une décision étrangère exécutoire en France, la
jurisprudence française ne prétend pas, comme on le lui reproche, imposer
aux juges étrangers le droit international privé français ; elle refuse
simplement de laisser jouer en France le droit international privé étranger »
13
Ainsi se justifiait le principe du contrôle, et l'on devine déjà que, dans ses
modalités, il n'y avait aucune brutalité.
B - Modalités du contrôle
Ainsi, avec l'arbitrage international, par la force des choses les parties ont la
libre disposition de leurs droits. On ne voit donc pas comment le Juge requis pourrait
vérifier la loi appliquée 2. De même, pour autant qu'un jugement d'état étranger soit
invoqué en France, le contrôle n'aura lieu que s'il l'est en vue d'une exécution
matérielle. Si, dans l'affaire de WREDE`;, Ludmilla MALDAUER avait demandé
l'exequatur du jugement russe annulant son mariage, il aurait sans doute été refusé,
du fait que les conditions de fond relèvent à nos yeux (cf. supra I, n°52) de la loi
nationale et que la validité d'un mariage s'apprécie au moment de sa célébration et
non pas au moment de sa contestation. Le Juge français aurait donc reproché au Juge
religieux russe d'avoir appliqué la loi russe au lieu de la loi autrichienne. Toutefois, en
l'espèce, il ne s'agissait pas d'exécution mais de reconnaissance et l'autorité de la
chose jugée à l'étranger fut admise sans qu'on procède au contrôle de la loi appliquée.
Dans la même ligne, et plus généralement quand l'ordre public n'est pas
intéressé, les parties peuvent renoncer au bénéfice de la loi4. D'ancienne
jurisprudence, on écartait le contrôle de la loi appliquée dans de telles circonstances
et l'on consacrait donc l'emprise juridictionnelle étrangère.
146
La Cour de Paris6 confirma et, après une éclipse de quelques décennies, la
tendance ressurgit en doctrine et en jurisprudence puisque certains auteurs ont
estimé qu'il n'y a pas lieu à contrôle de la loi appliquée « lorsque la matière du
litige n 'est pas impérative et que les parties peuvent transiger sur le fond
»7. Le Tribunal de la Seine a encore consacré la même solution8.
Elle mérite l'approbation ; surtout qu'elle ne présente pas les inconvénients ci-
dessus relevés au sujet des incidences de l'accord procédural sur les devoirs du
juge. En effet, si, tout au long de la procédure étrangère, aucune des deux parties n'a
réclamé l'application de la loi désignée par les règles françaises de conflit, on peut
avoir la certitude d'une renonciation sur ce point.
1 - L'équivalence
Si cette théorie n'a guère fonctionné qu'en matière de droit de la famille9, il faut
admettre qu'en volume elle a une grande importance puisqu'aux dires du Président
BELLETI°, elle « vient heureusement au secours ... des parties qui, sans elle,
verraient rejeter la moitié des demandes d'exequatur ».
146
en établissant qu'elle s'appuie sur le sens même des règles de conflit du For.
Or, justement, sur ce terrain, les critiques ont fusé, et l'on a essentiellement
reproché « à la théorie de l'équivalence de réintroduire par la bande le
pouvoir de révision aboli par l'arrêt MUNZER »1l. De fait, pour vérifier si le Juge
d'origine a rendu une décision comparable à celle qu'eût prononcée le Juge français
requis par application de ses propres règles de conflit, il faut reprendre les données du
litige et par conséquent revoir, donc réviser, le jugement étranger. Cependant, cela
n'a rien à voir avec la révision de suspicion qu'avait créée l'arrêt HOLKER12. Il s'agit
au contraire d'une révision in favorem dont on ne peut penser que l'arrêt MUNZER
ait entendu la supprimer13
2. Le renvoi
(72) Comme il a été indiqué ci-dessus, le mécanisme du renvoi est intégré dans
le droit de l'exequatur : un couple franco-yougoslave avait divorcé en Égypte où il
était domicilié. L'exequatur de cette décision fut demandé aux Tribunaux français. Le
Juge d'origine avait évidemment appliqué ses propres règles de conflit et donné
compétence à la loi yougoslave de la nationalité du Mari 2. Le droit international privé
français donnant compétence au contraire à la loi égyptienne du domicile commun 3, le
Juge français, requis devait-il refuser l'exequatur au prétexte que le Tribunal
égyptien avait appliqué une loi différente de celle qu'il aurait lui-même appliquée à la
cause ?
Dans le même esprit, le 6 août 1902, le Tribunal civil de la Seine S avait été saisi
d'une décision anglaise qui avait liquidé selon la loi française la succession mobilière
d'un sujet britannique domicilité en France, au sens anglais du terme. La défunte
146
n'ayant jamais été admise à domicile, la règle de conflit française s'en remettait à la
loi nationale et apparemment, l'exequatur aurait dû être refusé puisque le Juge
d'origine avait appliqué la loi du domicile à la succession litigieuse. Cependant, il y
avait ici un renvoi au premier degré, du droit anglais au droit français et, le Juge
britannique ayant finalement appliqué la législation même à la laquelle aurait abouti
un tribunal français, l'exequatur devait être accordé ; et le Tribunal l'accorda.
Le renvoi pouvait donc venir sauver la décision du Juge d'origine et l'on s'est
déjà demandé si son mécanisme pouvant inversement en compromettre l'exequatur
12
. Qu'en effet le Juge étranger pratique le renvoi sous la même forme que nous
et il appliquera son propre droit matériel par renvoi de notre règle de conflit alors que,
dans la même position, le Juge français aurait appliqué le droit français par renvoi du
droit étranger. Jamais encore un tel chassé-croisé ne s'est manifesté et on peut
douter qu'il le fasse, dans la mesure où le mécanisme du renvoi ne constitue jamais
qu'un expédient permettant de résoudre un conflit de système. Refuser l'exequatur
dans un tel cas serait revenu à reprocher au Juge d'origine d'avoir résolu le conflit
négatif avant nous. C'est en tout cas une hypothèse d'école.
Bien que la distinction des conflits positifs et des conflits négatifs soit
146
aujourd'hui reçue comme une évidence, elle n'a été aperçue qu'assez tard. On a vu 7
que c'est LABBE qui, dans sa note sous le troisième FORGO 8, déclencha la controverse
du renvoi. Immédiatement dans la foulée, la notion de conflits positifs apparut en
doctrine sous la plume de Ludwig von BAR9, puis de KAHNi°, puis d'ANZILOTTIiI. Et la
France l'accueillit à son tour par la voie de BARTINIZ, de
LIGEOIX13 et de POTUIa
En pratique, cependant, les conflits positifs n'ont pas eu, tant s'en faut, la vogue
du renvoi. Cela tient certainement au fait qu'avec ce dernier, la Lex fori récuse ab
initié sa compétence et la propose ad aliud jus, montrant par là que son «
Governmental interest » 15 n'est pas impliqué dans l'affaire. Avec l'autre figure des
conflits de systèmes16, l'emprise du droit concurrent va se manifester à l'encontre
du droit désigné par le For. Or, si celui-ci peut être un droit étranger, ce pourra aussi
bien être le droit du For lui-même et l'on voit aussitôt la différence essentielle entre
les conflits négatifs et les conflits positifs. Avec les premiers, le For n'a pas a priori
d'intérêt matériel dans l'affaire et c'est lui qui désigne le droit étranger qui va élever
le conflit par son déclinatoire de compétence. Avec, les seconds, le For aura le plus
souvent un intérêt engagé dans l'affaire et ne sera pour rien dans la survenance d'un
conflit positif provenant d'une emprise matérielle étrangère. On comprend par
conséquent que la jurisprudence suive une ligne suggérant un principe (A) négatif
assorti d'exception (B).
A - Le principe
(74) En droit de la nationalité', le conflit positif n'est pris en considération que s'il
se noue entre deux nationalités étrangères. Dès que la nationalité du For est
impliquée, elle prévaut automatiquement sur sa rivale. Avec les conflits de lois, il en
va exactement de même. La prééminence des règles de conflit du For s'impose, en
effet, et la prégnance de la lex fori va parfois jusqu'à imposer son application, même si
c'est une loi étrangère qui aurait dû être appliquée.
Ainsi, l'affaire CARASLANIS2 recouvrait un conflit positif entre la loi française qui
revendiquait sa compétence au titre de hr loci celebrationis et la loi grecque qui
voyait dans la célébration religieuse, une condition de fond relevant de la loi
nationale. Inversement, dans l'affaire LIZARDI3, les règles de conflit du For donnaient
compétence à la loi mexicaine de la nationalité du mineur. Ce fut néanmoins la loi
française qui s'appliqua, du fait que le centre de gravité du litige était en France plus
qu'au Mexique4 et que des intérêts français étaient engagés dans l'affaire.
Quand la lez fori est impliquée dans le conflit positif, elle va donc prévaloir, à
moins qu'il n'y ait équivalence des solutions5. Si elle est étrangère au débat, c'est a
priori la loi étrangère désignée par les règles de conflit du For qui s'appliquera en
France. Cependant, on peut concevoir des écarts au principe.
B - L'exception
146
en considération des confits positifs. En droit français2, on ne trouve que des
manifestations ponctuelles. Mais, elles méritent le détour. On présentera l'exception
avant d'essayer de l'expliquer (1) et (2).
1. Présentation
En fait, ce n'était pas la première fois que des Tribunaux de culture juridique
française étaient saisis d'un problème analogue. Citoyen italien, le marquis de
BRANCACCIO avait épousé à Naples la princesse CARACCIOLOIZ qui possédait la même
nationalité que lui. Après une séparation amiable 13 intervenue en Italie, ils divorcèrent
à Hambourg conformément à la loi allemande du 7 février 1875 qui permettait aux
Tribunaux du Reich de prononcer le divorce d'étrangers domiciliés en Allemagne sans
avoir à se préoccuper de leur loi nationale quand elle était en opposition avec les lois
allemandes 14. En 1899, la femme se remaria à Londres avec un sujet allemand, le
baron de MEYER ; et à propos de l'immatriculation d'obligations précédemment
souscrites auprès d'une société française, le Tribunal civil de la Seine fut requis
d'apprécier la validité de cette union.
Après avoir relevé l'existence d'un conflit positif entre la loi nationale italienne et
146
la loi allemande du domicile, le Tribunal considéra « que l'art. 3 du Code civil ne
vise que le statut personnel des Français sans attribuer une préférence à
l'un ou l'autre des deux principes qui, suivant les pays, rattachent les lois
relatives à l'état et à la capacité des personnes, à la nationalité ou au
domicile » et compétence fut donnée au statut personnel allemand qui présentait
avec l'ordre public français « une corrélation plus étroite » que le droit italien.' s
Dans le même esprit, quand Antenor PATIN016 obtint de son Epouse qu'elle se
désiste d'une action en divorce engagée aux États-Unis contre paiement de US $ 1
000 000 et qu'il tenta de se faire restituer en France ce qu'il avait versé outre-
Atlantique, un conflit de même nature se manifesta. Puisqu'il s'agissait d'une
transaction intervenue en matière d'état des personnes, le droit bolivien était
compétent à nos yeux et, pour lui comme pour nous, cette transaction était contraire
à l'ordre public par son objet. Elle aurait donc dû être annulée, avec restitution.
Néanmoins, ce type d'accord est analysé dans le monde anglo-saxon, comme un point
de procédure relevant du stilus curiae17 Aux yeux du droit américain, il était donc
valable. Dès lors, si la Cour de Paris avait ordonné la restitution du million de dollars
par la femme, celle-ci serait évidemment revenue devant les Juridictions new
yorkaises pour se faire rétablir dans l'état antérieur. Moyennant quoi, le mari serait
retourné en France, et ainsi de suite. Comme l'écrivait lumineusement FRANCESCAKIS
18
, « la discorde du ménage PATINO fluerait et refluerait vers le France comme
la marée océane. Et dans ce flot migrateur, grossi à chaque fois des frais de
juctice, pourraient bien finalement s'engloutir les biens des deux époux ».
La question est donc de savoir si cette affirmation doctrinale peu habituelle chez
une Cour d'appel, se justifie.
2 - Explication
146
dont le point commun est d'être totalement abstraites et de faire complètement
abstraction de la pratique. C'est à cette dernière qu'il convient de se tenir.
146
étranger. Né au Val d'Aoste, le mari, de langue et de « culture » française avait
toujours vécu en France ; le mariage avait été célébré en France sans
publications en Italie ; la femme n'était devenue italienne que par la volonté de
la loi française ; et c'est encore en France que les époux avaient vécu deux ans,
avant de se fixer dans un Protectorat français. Exactement comme avec
l'affaire LIZARDIB où tout était français, sauf la nationalité de l'un des
contractants, ici rien n'était italien sauf la nationalité des partenaires.
146
J'avais suggéré d'y recourir dans ma thèse de doctorat 4, et cette suggestion a
recueilli des échos favorables5. Pour résoudre le conflit de systèmes dans le
temps en respectant les droits acquis, il faudrait que le For ait été, ab initié,
étranger au litige, que sa compétence n'ait pas pu, à l'époque, être devinée par les
parties et qu'il n'ait pas d'intérêt direct à l'affaires.
Au contraire, dans l'affaire PATINO, du fait des liens étroits noués avec la
France8, les deux protagonistes pouvaient inversement subodorer une résurgence
française de leur litige américain. Ici donc, le recours à l'idée d'apparence pourrait
paraître s'imposer avec une intensité moindre que dans les deux cas précités.
Cependant, il est évident qu'une procédure forme un tout, et que la chose jugée à
New York n'a pas à être remise en cause à Paris, quand elle a été pleinement
respectée par les parties. Et sur ce point, le spectre du va-et-vient9 a certainement
pesé lourd dans le délibéré.
Et, finalement, ce qui justifie la solution proposée, c'est l'idée de relativité des
rattachements, qui a été développée tout au long de cette deuxième partie. Cette
idée est consacrée de manière intéressante par l'art. 19 du récent code belge du droit
international privé 12. Le texte énonça en effet que :«§ 1. Le droit désigné par la
146
présente loi n'est exceptionnellement pas applicable lorsqu'il apparaît
manifestement qu'en raison de l'ensemble des circonstances, la situation n'a
qu'un lien très faible avec l'État dont le droit est désigné, alors qu'elle
présente des liens très étroits avec un autre État. Dans ce cas, il est fait
application du droit de cet autre État » 13