TRIBUNES 43
DÉBAT T RE EN VA L-DE-M A RNE
GROUPE
SOCIALISTE ET
RÉPUBLICAIN
Protection de l’enfance : les Départements
ont besoin d’un État qui assume
ses compétences !
D
epuis 2 ans, la protection de l’enfance
est sous les feux des projecteurs
médiatiques. Longtemps, elle a pour-
tant souffert d’être une politique publique
de l’ombre, alors que paradoxalement plus
de 300 000 enfants bénéficient d’une
mesure d’aide sociale à l’enfance…
Les différentes lois de décentralisation ont
désigné le Département comme chef de file
des politiques publiques de protection de
l’enfance. Ce sont en effet les services
départementaux qui instruisent notamment
les enquêtes sociales et mettent en œuvre
les décisions judiciaires (accompagnement
des familles ou placements). Cependant, la
protection, l’accompagnement et la réussite
des jeunes nécessitent l’appui de nombreux
autres services publics relevant, eux, de la
compétence de l’État. Or, le bon fonctionne-
ment de ces services publics est actuelle-
ment loin d’être assuré ! L’exemple le plus
flagrant est celui de la pédopsychiatrie, dont
le nombre de postes non pourvus et de lits
disponibles est dramatique. Une partie des
jeunes qui sont confiés au Département ont
subi dans leurs enfances de graves trauma-
tismes, qui peuvent mettre en difficulté les
structures qui les accueillent. Ces situations
sont souvent la conséquence de troubles
psychiques, qui ne sont malheureusement
toujours pas pris en charge correctement.
Pour faire face à cette urgence, il faudrait
lancer un véritable plan Marshall de la pédo-
psychiatrie ! Or, le gouvernement est loin
du compte avec à peine 20 millions d’euros
supplémentaires annoncés, comparés aux
plus de 8 milliards d’euros qui sont dépensés
chaque année par l’ensemble des départe-
ments pour l’aide sociale à l’enfance…
Autre problème : les difficultés des jeunes de
l’ASE à s’insérer professionnellement. Cela
conduit un trop grand nombre d’entre eux à
se retrouver à la rue une fois adulte. Même
un département comme le Val-de-Marne,
pourtant exemplaire sur les contrats jeunes
majeurs (85 % de contractualisation à 18 ans)
et particulièrement impliqué dans le dévelop-
pement de leur autonomie (multiplication des
dispositifs d’accompagnement dans l’orienta-
tion, les parrainages professionnels, le coa-
ching, le développement des colocations, etc.),
se retrouve régulièrement en difficulté dans
l’insertion de jeunes adultes sans diplôme.
À  l’échelle nationale, ce sont près de
100  000  jeunes qui sortent encore chaque
année du système scolaire sans aucune qua-
lification. Le système est si peu bienveillant
et sans moyens pour accompagner les élèves
en difficultés que ceux-ci décrochent et le
quittent sans perspective d’avenir. Ces jeunes
sans diplôme sont ensuite les premières vic-
times de la pauvreté. Il y a urgence à agir, car
la jeunesse, on le sait, est particulièrement
touchée par la crise, avec un taux de chômage
des 20-30 ans qui a bondi de 16 % au dernier
semestre 2020 !
Enfin, comment ne pas évoquer le manque
de moyens de la police nationale, lorsqu’il
s’agit d’enquêter ou de démanteler les diffé-
rents trafics ou réseaux de prostitution
autour des foyers, tentant de profiter de la
vulnérabilité des adolescents qui y résident ?
Comment ne pas regretter le manque de
moyens de la justice, en greffiers notamment,
© M. LUMBROSO
car ce déficit retarde les procédures et la
mise en œuvre des décisions de justice  ?
Comment ne pas constater qu’un certain
nombre de jeunes pris en charge dans les
foyers de l’enfance, en situation de délin-
quance, devraient en réalité relever de la
protection judiciaire de la jeunesse et non de
l’ASE ? Face à cela, le gouvernement n’a pour
le moment répondu que de façon insuffi-
sante. Et puis, récemment, sur le plateau de
Pièces à conviction, le Secrétaire d'État chargé
de la protection de l'enfance, Adrien Taquet,
a annoncé s’engager à verser une allocation
de 500 € aux jeunes majeurs de l’ASE… On
attend désormais de voir concrètement quels
seront les critères d’attribution et le finan-
cement de cette mesure, sachant que la majo-
rité présidentielle a rejeté les propositions
des départements et parlementaires socia-
listes pour l’expérimentation d’un revenu
de base élargi aux moins de 25 ans. Nous
sommes trop habitués aux fausses pro-
messes sans lendemain !
Nous voulons désormais que l’État assume
ses compétences et passe de la parole aux
actes : des moyens conséquents pour la
pédopsychiatrie, la police et la justice ; une
école bienveillante qui offre des perspec-
tives pour tous les jeunes, y compris ceux
issus de l’Aide sociale à l’enfance ; et, plus
que jamais, face à la crise que nous connais-
sons, un plan ambitieux pour ne pas laisser
la jeunesse s’enfoncer dans la précarité ! ■
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L E M AG A ZINE DU DÉPA R T EMEN T • N°384 • M A R S 2021