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Dès que la maîtresse nous a dit d’inscrire sur nos carnets “Mon premier
chagrin”, il n’est pas possible que je n’aie pas pressenti… je me trompais
rarement… que c’était un “sujet en or”... j‘ai dû voir étinceler dans une
brume lointaine des pépites… les promesses de trésors...
- Il faut reconnaître qu’il est tentant, mais voici quelque chose d’encore
plus prometteur… la voie ferrée… nous sommes allés nous promener de ce
cô té, le petit chien monte sur le remblai, je cours derrière lui, je l’appelle, et
voici qu’à toute vitesse le train arrive, l’énorme, effrayante locomotive… ici
pourront se déployer des splendeurs…
Souvent les mots me guident dans mes choix… ainsi dans ce premier
chagrin, “le bruissement sec” des feuilles d’automne que nous froissions en
courant, en nous roulant dessus, mon petit chien et moi, m’ont fait, après
avoir hésité, préférer pour nos jeux dans le jardin de mes grands-parents
l’automne au printemps…
- L’automne l’a emporté et je ne l’ai pas regretté.. N’y ai-je pas trouvé
“la douceur des rayons d’un soleil pâ le, les feuilles d’or et de pourpre des
arbres”...
Derrière la porte fermée de ma chambre, je suis occupée à ce qu’il peut
y avoir au monde de plus normal, de plus légitime, de plus louable, je fais
mes devoirs, en ce moment il se trouve que c’est un devoir de français. Je
n’en ai pas choisi le sujet, il m’a été donné, même imposé, c’est un sujet fait
pour moi, à la mesure d’un enfant de mon â ge… il m’est permis de
m’ébattre à l’intérieur de ses limites, sur un terrain bien préparé et
aménagé, comme dans la cour de récréation ou bien aussi, puisque ces
ébats s’accompagnent de grands efforts, comme dans la salle de
gymnastique.
Mais cela, je me retiens d’y toucher, je veux laisser les mots prendre
tout leur temps, choisir leur moment, je sais que je peux compter sur eux…
les derniers mots viennent toujours comme poussés par tous ceux qui les
précèdent…