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Sommaire
Avant-propos ...................................................................................................................... 3
Interroger les enseignants de FOS sur leur légitimité face aux apprenants........................ 30
Laura ABOU HAIDAR, Université Grenoble Alpes, Laboratoire LIDILEM
La classe inversée dans les filières de sciences de l’ingénieur à l’Université de São Paulo
(Brésil) : méthodologie active pour travailler le volet disciplinaire en FOU ......................109
Heloisa ALBUQUERQUE COSTA, Universidade de São Paulo, Brésil
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
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AVANT-PROPOS
Dans la continuité des deux journées d’étude qui se sont tenues en 2013 à Lyon et 2015 à
Paris sur les thématiques : « La méthodologie de collecte des données en FOS » (Points
Communs N°2/44, avril 2015) et « Analyse des données et élaboration des contenus de
formation en FOS : des corpus aux ressources » (Points Communs N°3/45, novembre 2016),
le comité scientifique-FOS de la chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile de France a
décidé d’interroger l’éventuel impact d’une démarche FOS sur les pratiques de classe. En
d’autres termes, comment passer d’une démarche qui relève essentiellement de l’ingénierie
de formation à la conception et la mise en œuvre d’activités de classe ?
La réflexion proposée lors de cette journée d’étude s’est articulée autour des dimensions
suivantes :
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Les discours faiblement contextualisés sont parfaitement compatibles avec la classe – lieu
hors contexte – alors que les discours fortement contextualisés le sont beaucoup moins.
C’est cette hypothèse qui a été mise à l’épreuve des différentes réflexions proposées lors de
cette journée d’étude.
- - - - -
1
LIU Nian, La préparation aux réunions de travail en écoles d’ingénieurs pour des élèves-ingénieurs chinois en
mobilité en France, titre provisoire d’une recherche doctorale en cours sous la direction de Catherine Carlo et
Chantal Parpette (université Lumière Lyon 2).
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Laura Abou Haidar (Université Grenoble Alpes) a choisi pour sa part d’interroger les
enseignants de FOS sur leur légitimité dans la classe. Partant de la constatation de
l’émergence de certaines inquiétudes des enseignants face à un public de professionnels
(perte de position haute, questionnement quant à leur légitimité), l’auteure fournit dans cet
article les résultats d’une enquête par questionnaire menée auprès d’une quarantaine
d’enseignants français et étrangers exerçant dans de multiples lieux et structures et auprès
de divers publics dans le domaine du FOS.
La question de la spécificité des pratiques de classes a été abordée tout d’abord par
Catherine Carras (Université Grenoble Alpes) et Sarah Kermen qui ont centré leur propos
sur Enseigner le FLE à des sportifs professionnels, à des personnels navigants
commerciaux, à des militaires : publics spécifiques, pratiques de classe spécifiques ? Après
avoir tenté de problématiser l’influence que peuvent exercer les publics et leurs spécificités
ainsi que les terrains d’exercice sur les pratiques d’enseignement, à travers des exemples
concrets et des témoignages, les auteures illustrent leur propos en s’attachant aux
spécificités du public constitué par les sportifs professionnels, en particulier les rugbymen,
afin d’illustrer le propos.
Cette question a également été abordée par Éric Rozwadowski (École Ferrandi, Paris) dans
le cadre d’une intervention intitulée : Enseigner à de futurs cuisiniers et pâtissiers. Fort de
son expérience dans ce domaine, l’auteur s’interroge sur les pratiques de classe à mettre en
place par les formateurs en FLE pour un public étranger souhaitant évoluer
professionnellement dans le monde de la cuisine et de la pâtisserie françaises. Ce
témoignage de praticien montre qu’enseigner à ce public requiert de la part des formateurs
de français des compétences bien précises et un réel savoir-faire.
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Cristelle Cavalla (Université Sorbonne Nouvelle Paris3) a présenté Une méthodologie sur
corpus pour l’écriture en FOU. L’auteure y présente une recherche-action développée sur
plusieurs années, dans l’objectif de donner une méthode d’apprentissage de l’écrit
universitaire à des étudiants de Master et de Doctorat de niveau B2-C1 en français, par le
biais de l’utilisation de corpus numériques permettant une découverte de la phraséologie
transdisciplinaire caractéristique des écrits académiques.
Quant à Heloisa Albuquerque Costa (Université de São Paulo), elle s’est attachée à la
description et l’analyse d’une Expérience de classe inversée en école d’ingénieurs. L’École
Polytechnique de l’Université de São Paulo a servi de terrain d’application à la mise en place
d’une nouvelle méthodologie de travail pour les enseignants, dans le but de favoriser la
participation en classe et l’autonomisation des étudiants candidats à une mobilité d’études.
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Introduction
La réflexion porte ici sur l’enseignement du français à des publics adultes non francophones
exerçant des métiers précis ou visant une reconversion professionnelle dans des emplois
bien identifiés. Cela revient à limiter le propos à un ensemble d’opérations de formation en
langue généralement rassemblées sous l’appellation de FOS (Français sur Objectif
Spécifique). Le FOS est depuis une trentaine d’années considéré comme un ensemble
méthodologique stabilisé ; on en rappellera tout d’abord les caractéristiques qui font
consensus pour montrer, dans un deuxième temps, que ces fondements sont depuis peu
ébranlés. En effet la didactique des langues a récemment évolué, que l’on se réfère à la
perspective actionnelle ou aux approches plurielles, ce qui interroge fondamentalement
l’enseignement du français professionnel qui a fonctionné en vase clos un certain temps. En
parallèle, la formation des adultes, que recoupe partiellement le FOS, a intégré les mutations
du monde du travail, que l’on pense aux projets conduits en équipes ou à l’impact du
numérique sur l’activité professionnelle. Autant d’évolutions disciplinaires qui impactent la
didactique du FOS et commencent à dessiner de nouvelles pistes méthodologiques.
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Alors que la didactique des langues « tous publics » pense les compétences sous un angle
très diversifié (ce qui permet par exemple à Beacco (2007) de distinguer entre des
compétences formelles des compétences interculturelles et des compétences plus
stratégiques, supposant des opérations de planification du discours), les formations
conduites la plupart du temps en FOS ciblent des compétences opérationnelles qu’il s’agit de
maîtriser pour exercer une profession. Ces compétences sont d’ordre pragmatico-langagier
et peuvent être assimilées à des aptitudes personnelles à communiquer en français dans des
situations types. Cette acception des compétences à posséder à l’issue de la formation
implique un listage minutieux que Mangiante (2007 et 2008) nomme la référentialisation des
professions. En la matière, le Centre de Langue Française (CELAF) de la CCIP a joué ces vingt
dernières années un rôle phare. Cette institution a en effet soutenu, avec l’université
d’Artois, la réalisation de référentiels de pratiques langagières en contexte professionnel
dans différents secteurs (hospitalier, du bâtiment, de l’aide à la personne). Il en résulte une
base de données conséquente quant aux attendus métiers par métiers. Mais l’extraction
compétence professionnelle par compétence professionnelle de la part langagière du travail
n’a rien de simple. Une imprégnation longue dans les milieux professionnels est de plus en
plus pratiquée, pour le FOS comme pour toute autre création de programme
d’enseignement en langue sur objectif spécifique. On peut citer à ce propos le travail
d’immersion de Lopes (2017) en portugais de l’hôtellerie. Dans son doctorat, celle-ci est
parvenue en restant longtemps sur le terrain à subdiviser très précisément l’activité d’un
réceptionniste d’hôtel qui mobilise en réalité des compétences langagières variées (Lopes,
2017 : 113-126) : « saluer » et « souhaiter la bienvenue » qu’on peut ranger dans la fonction
d’accueil, puis « demander le nom ou le code de la réservation », « demander de signer la
feuille d’enregistrement », « demander un document d’identité » et « demander de signer la
feuille d’enregistrement » qui sont autant de requêtes plus ou moins intrusives ; enfin
« indiquer le numéro de chambre et l’étage » et « remettre la clé », qui entrent davantage
dans la relation de service. On voit là qu’en quelques minutes le réceptionniste doit
enchaîner des actions langagières de tonalités très diverses.
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Une telle succession d’actes de langage, quand il ne s’agit pas d’une imbrication, n’est
cependant pas aisée à gérer, quand on aborde l’étape de leur didactisation. Il faut bien
comprendre en effet que les référentiels séparent les unes des autres les compétences pour
mieux les décrire, mais ne donnent pas les clés pour les articuler (Mourlhon-Dallies, 2015).
Cette dissection de compétences langagières et communicationnelles a-t-elle d’ailleurs un
sens, si l’on ne travaille pas la compétence, c’est-à-dire la capacité à gérer problèmes et
situation qui permet de déclarer que quelqu’un est compétent ? Telle est la question posée
par Richer (2016) lequel invite à une « reconceptualisation du FOS », du fait même de cette
limite.
Une fois les compétences langagières et communicatives listées, dans le déroulé canonique
de la démarche FOS il devient possible d’approfondir les genres discursifs professionnels
concernés en identifiant les formules clés et les attendus discursifs pour chacun des métiers
étudiés. Ce lien couramment établi en FOS entre situations et formulations s’ancre dans la
pensée de Bakhtine (1984 : 265) selon qui « chaque sphère d’utilisation de la langue élabore
ses types relativement stables d'énoncés, et c'est ce que nous appelons les genres du
discours ».
Ainsi la notion de genre discursif peut être considérée comme le troisième pilier du FOS,
même si les recherches en la matière n’ont parfois pas assez insisté sur ce point (Richer,
Holle et Cholvy, 2016). Les matrices discursives qui collationnent les marques récurrentes en
français, genre discursif par genre discursif, ont même été en vogue dans les années deux-
mille et suivantes, à l’image des squelettes rédactionnels que nous avons pu établir dans
notre doctorat relatif aux brochures d’agences de voyages. Ont ainsi été dégagées
(Mourlhon-Dallies, 1995) les matrices des descriptifs de destinations, des descriptifs de
circuits, des descriptifs d’hôtels et des conseils aux voyageurs en tenant compte des
variations culturelles (entre la France, l’Allemagne, les États-Unis et l’Espagne) et des
variations de segment de marché (haut de gamme vs gamme moyenne). Cette extraction
séquencée de traits discursifs caractéristiques a ensuite pu aider à la formation de
rédacteurs d’écrits touristiques, selon la démarche désormais courante de mise à la
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disposition des didacticiens de langue des résultats de l’analyse du discours. De même, pour
les consultations médicales, les traits récurrents du questionnement du patient en milieu
hospitalier ont pu être identifiés et réutilisés dans des dialogues et exercices dans Le français
des médecins (PUG, 2008), en se situant au plus près de l’existant.
Cela étant, le collationnement genre par genre des caractéristiques formelles des discours
professionnels n’échappe pas aux limites identifiées par les praticiens du FOS eux-mêmes.
Connaître les traits récurrents des discours et les mobiliser dans le cadre de jeux de rôles ou
de compréhensions détaillées ne suffit pas à les mettre en œuvre sur le terrain : si on n’ose
pas prendre la parole en réunion rien ne sert de maîtriser en français le détail de l’exposé
oral préparé en amont. C’est là toute la difficulté du transfert, au sens de l’ingénierie de
formation.
Par ailleurs, prendre appui sur la notion de genre discursif pour construire des formations
revient à privilégier les échanges formels comme objets de formation. En effet, l’oral
informel qui est capital pour instaurer des relations de confiance ou de complicité au travail
se prête peu à la modélisation matricielle. En s’enracinant dans la notion de genre discursif,
on laisse dans l’ombre un pan important des échanges professionnels, ce qui n’est pas
toutefois une fatalité, car on constate que des ouvrages pour l’anglais tentent de modéliser
les small talk, qui sont après tout eux aussi une manière d’utiliser la langue dans des sphères
particulières.
Avant d’évoquer les chocs qui sapent - de l’extérieur - les fondements du FOS, il convient de
rappeler que le paradigme scientifique du FOS n’est totalement explicité qu’en 2004, avec la
parution en août du livre de Mangiante et Parpette mais aussi avec le numéro spécial
Recherches et applications du Français Dans Le Monde, Français sur Objectifs Spécifiques : De
la langue aux métiers, sorti en janvier. Année bilan, qui affirme institutionnellement la
démarche FOS née trente ans auparavant, deux mille quatre est aussi une année charnière
car c’est à cette période que s’élabore le Français Langue Professionnelle, qui prend le parti
d’aller pour sa part du travail à la langue. Deux mille quatre est en fait un moment de bascule
(Mourlhon-Dallies, 2018c) qui fait place à toute une série d’évolutions depuis longtemps en
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marche, tant du point de vue des disciplines du travail que de celui de la didactique des
langues « tous publics ».
Alors que le FOS fait l’hypothèse qu’on peut entraîner les apprenants en fonction de leur
métier et par situations types, les recherches sur le travail relativisent cette vision des
choses. L’idée d’une préparation scène par scène à l’exercice d’une profession en langue
étrangère est partiellement remise en cause par une discipline comme l’ergologie, qui
montre qu’une fois posée la situation cadre, selon les modalités explicitées au nom du travail
prescrit, il reste aux acteurs de terrain une grande marge de manœuvre pour s’adapter aux
circonstances contingentes, selon leurs valeurs, leurs contraintes matérielles et les cultures
de travail locales.
Au plan conceptuel, Schwartz (2015 : 15) soulignait en se référant à l’émergence de
l’ergologie depuis les années 1980 « à quel point l’activité de travail était plus compliquée
que tout ce qu’on pouvait anticiper sur elle à distance ». L’entraînement à dérouler des
scénarios types qui mobilisent dans un ordre bien déterminé des compétences langagières
et communicationnelles renvoie à une représentation purement fonctionnelle des tâches
professionnelles qui ne cerne pas la complexité de l’activité humaine. Or, selon Schwartz
(ibidem), même l’ajusteur qui paraît effectuer des gestes purement techniques n’exécute
pas un protocole sans l’investir : « Jamais un ouvrier ne reste devant sa machine en disant :
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je fais ce qu’on me dit ». Si l’on entre plus avant dans la pensée ergologique, en prenant
appui cette fois sur l’article de Durrive (2012) intitulé « Comment approcher une situation de
travail dans une perspective ergologique », le déroulé de matrices rédactionnelles ou
conversationnelles préétablies révèle ses insuffisances. Durrive donne en effet l’exemple des
personnels soignants en hôpital pour mieux faire comprendre la dimension stratégique des
choix opérés en sorte que l’établissement « tourne ». Ces décisions n’ont rien
d’automatique, elles font l’objet de discussions et même de tensions intérieures, selon ce
que l’ergologie nomme « le débat de normes ». Une situation cible ne saurait, au regard de
telles recherches, être spécifiée en des termes de l’ordre de qui parle à qui ? dans quel but ?
à quel endroit ? Les questions très basiques qui servent le plus souvent en FOS à circonscrire
une situation de travail standardisée sont donc très en deçà des enjeux communicationnels
et de la complexité de l’activité de travail effective.
Dès lors, on peut se demander comment concilier dans un programme de FOS la nécessaire
stylisation didactique des situations professionnelles avec la complexité des choix multiples
sous-jacents à toute activité de travail. Les activités imitatives comme les jeux de rôles sont
au cœur des interrogations soulevées. Peut-on enrichir ces jeux de rôles ? Peut-on mieux les
contextualiser sans basculer dans des études de cas coûteuses en temps et inaccessibles à
des débutants en français du fait de la dimension argumentative inscrite en filigrane dans les
apports épistémologiques de l’ergologie ? Peut-on même envisager que des professeurs de
langue, non professionnels dans les secteurs où exercent leurs apprenants, accèdent à la
richesse et aux contradictions des options potentiellement contenues dans la notion de
« débat de normes » ? Et enfin, comment définir un minimum de régularités dans les
échanges, les propos, les gestes et les écrits, si le poids des circonstances est à prendre en
compte autant voire plus que celui des protocoles et des procédures ? De telles
interrogations requièrent une pensée renouvelée des compétences en jeu dans l’activité de
travail, là où les compétences n’ont souvent été qu’aplaties et réduites à des fragments de
travail prescrit, non réinvestis dans les dynamiques sociétales ni dans les imprévus de la vie.
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Dans la lignée des soubresauts subis par la notion de situation, surgit une interrogation forte
sur la notion de contexte. Le Français Langue Professionnelle (FLP) a lui-même mis en place
une modélisation de l’activité de travail en distinguant quatre cercles de contextualisation
pour une situation professionnelle donnée, en partant de la situation visible ou contexte
immédiat pour aller vers le contexte global de la société dans lesquels on travaille. Cette
structuration est en particulier développée par De Ferrari et Mourlhon-Dallies (2018) dans
un article de synthèse qui totalise une quinzaine d’années de recherches autour du FLP. On
peut rapprocher ce feuilletage contextuel de ce que l’analyse des discours professionnels
anglophone a également proposé (Günnarson, 2009 : 23) dans ce qui a été appelé the
contextual reconstruction of professional discourse et que nous traduirions par « la
recontextualisation de l’activité professionnelle ». Dans ses travaux, Günnarson montre que
l’activité de travail peut être replacée dans un emboîtement de sphères d’ampleur
croissante, en considérant l’action en soi sur site pour la déployer ensuite sous l’angle de la
collaboration dans l’organisation où elle se réalise, puis au plan du secteur dont elle dépend
et ensuite dans le contexte juridique de la société où elle s’inscrit voire, pour finir, à l’échelle
internationale. D’autres disciplines, telles la Mediated Discourse Analysis, (Analyse des
discours médiée) vont également dans le sens d’un dépassement du contexte
immédiatement palpable, comme suggéré par Scollon qui n’hésite pas à considérer ce que
l’on voit comme une toute petite part des différentes sphères de contextualisation dans
lesquelles l’action peut être replacée. Scollon (2005 : 20-31) prend pour exemple la
réparation avec un ami d’un plancher et d’un escalier dans une cabane en Alaska pour
considérer que la conversation qu’il tient en travaillant est non seulement liée à des
questions techniques de menuiserie mais aussi à la saison (on ne saurait réparer en plein
hiver dans cette région), à son propre travail d’enseignant-chercheur (il est en congé l’été), à
son âge (qui appelle des pauses pour reprendre souffle). Il inscrit ce faisant son activité dans
toutes sortes de considérations circonstancielles qui n’ont rien d’anecdotique quant au
rythme et au contenu de l’interaction. Filliettaz (2005), porteur d’autres présupposés
théoriques, est lui aussi sur la même ligne quand il signale la polyfocalisation de l’action, en
matière d’analyse multimodale des discours et des actions. En effet, ce qui se passe en un
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lieu sur la place de travail n’est pas isolable de ce qui se passe sur d’autres chantiers ou
d’autres sites, en parallèle. Les appels téléphoniques qui percutent le déroulé des échanges
professionnels tenus en un lieu donné sont là pour le rappeler. Il apparaît donc dans bien
des disciplines que la notion de contexte a gagné ces dix dernières années en épaisseur.
Mais comment prendre en charge cette évolution épistémologique, concrètement, dans la
pratique d’enseignement du français à des publics professionnels ?
On peut penser que des personnes déjà expérimentées sont capables de faire ressurgir cette
épaisseur mais qu’en est-il des jeunes en train de se professionnaliser ? Peut-on s’en tenir au
jeu de rôles ou faut-il faire précéder ces jeux de rôles d’autres activités qui mettraient en
avant des contextes plus crédibles tout en restant accessibles aux apprenants ?
Autre interrogation lancinante, celle portant sur le caractère collectif du travail alors même
que le FOS a plutôt opté pour une vision individualisée des compétences à maîtriser, métier
par métier. Il est possible que cette centration « métier » ait été amplifiée par la réalité
institutionnelle du marché des formations en langues pour les publics professionnels :
formations pour infirmières, formations pour guides touristiques, ont été autant d’occasions
d’homogénéiser les groupes en vue de préparer des certifications ou des diplômes
professionnalisants, alors même que le risque était grand d’isoler les participants dans un
statut unique et d’oublier au passage les transmissions et les collaborations. A cet égard, du
matériel comme Vacances Cubaines (conçu par le CRAPEL, de 1993 à 1998) a longtemps fait
exception, car il visait dans une approche modulaire les différents corps de métiers
travaillant dans un même hôtel. E. Carette (2008) souligne cette originalité : « Certains
modules seront communs à des professionnels de spécialités différentes : ce sont les
modules de socialisation (dans lesquels les professionnels peuvent apprendre les façons de
saluer, de mener de petites conversations ou des conversations plus longues). D’autres sont
clairement destinés à des professions particulières, ce sont les modules de spécialisation
(comme, par exemple, « visite guidée », « service de bar et restaurant », « réception »).
Cependant, il est possible d’utiliser un document d’un module, par exemple, parce qu’il est
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A la déstabilisation des soubassements de la démarche FOS opérée par les avancées des
disciplines de travail - souvent récentes puisque la plupart des travaux cités est postérieure à
2008 - s’ajoutent les évolutions internes au champ de la didactique des langues, dont le FOS
n’est qu’un sous-domaine.
Une bonne partie des limitations conceptuelles aux fondements du FOS révélées par les
disciplines du travail se retrouve dans la critique faite par des didacticiens du FLE à propos de
l’approche communicative, dans l’optique d’un passage à l’actionnel. La centration sur une
situation de la communication simplifiée, le manque de perception des enjeux des actions et
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des activités, la vision par trop individualisée des apprenants sont autant d’éléments
dégagés entre autres par Bourguignon (entre 2007 et 2008 principalement). Cette
didacticienne, dans sa réflexion sur le passage du communicatif à l’actionnel note qu’
« Inscrire les actes de parole à l’intérieur d’actions nous invite à dépasser la théorie des actes
de parole d’Austin d’un côté, théorie qui repose sur l’intention du locuteur, et la théorie de
Hymes autour des situations de communication, de l’autre, deux théories qui ont en grande
partie inspiré l’approche communicative. Si les actes de parole n’ont pleinement de sens
qu’à l’intérieur d’actions, développer chez les apprenants des aptitudes à comprendre d’un
côté et à produire d’un autre, aptitudes qui n’impliquent que le locuteur, n’a pas non plus de
sens […]. » (Bourguignon, 2007 : milieu de la partie II). La bascule vers l’actionnel replace en
effet l’action dans ses enjeux, avec ses paris et ses risques. Dans une autre conférence,
Bourguignon (2008a) en appelle ainsi à se centrer sur « l’action en train de se faire » qui est
avant tout « une démarche qui permette de relier « intention » et « réussite de l’action » en
utilisant des stratégies » (diapositives 10 à 15). Il est intéressant de noter que tout en restant
dans le domaine de l’enseignement et apprentissage des langues, sans spécialisation en
direction des publics professionnels, Bourguignon renvoie souvent à Bronckart (dans Une
introduction aux théories de l’action de 2005), lequel a contribué à former la plupart des
chercheurs en analyse des discours professionnels auxquels nous nous référons volontiers
depuis quinze ans pour élaborer la démarche du FLP.
Au plan historique et épistémologique, à une même époque, entre 2005 et 2008, les
recherches portant sur l’enseignement des langues en général et les travaux revisitant les
fondements du FOS ont donc fait l’objet d’interrogations voisines sous l’impulsion
notamment de courants socio-constructivistes dans des moments de réflexion qui ne se sont
que peu croisés jusqu’ici, comme si le FOS avait évolué un peu décroché de la didactique des
langues tous publics et comme si la didactique du français langue étrangère ne s’était pas
préoccupée du sous-domaine en question…
Il est donc grand temps de rétablir les passerelles, afin que les avancées des uns profitent
aux autres. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’on peut réexaminer le jeu de rôles tel que
pratiqué en FOS, afin de de bien poser la différence entre le communicatif et l’actionnel.
Tout en sachant que le matériel édité à destination des publics spécialisés est d’un moindre
degré de spécialisation que les formations sur mesure réalisées dans des ingénieries de FOS
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plus sophistiquées, on se penchera ainsi sur quelques exemples prototypiques des mises en
situations couramment proposées aux publics de français professionnel. Force est de
constater qu’y prédominent des canevas encore très guidés, caractérisés par une
contextualisation minimale et une faible sollicitation des apprenants quant à leur identité et
à leur vécu. On peut donner l’exemple de la trame proposée dans Santé-médecine.com
(2004 : 14) avec pour consigne : « Lisez le texte sur la varicelle, puis imaginez une
consultation chez le pédiatre (médecin spécialiste des enfants) pour la petite Emma, 2 ans,
venue avec sa maman au cabinet. Le pédiatre diagnostique une varicelle, la maman pensait à
une allergie. ». Sans grand détail matériel, la consultation est le prétexte à un déroulé très
canalisé. Les mises en situation de manuels plus récents, se réclamant de l’actionnel,
reposent encore bien souvent sur des changements d’identité avec des rôles
préprogrammés. Dans Travailler en français en entreprise (Gillmann, 2007 : 75), il est
demandé de conduire en binômes des discussions autour d’un licenciement dans
l’établissement Bonvoisin, comme si on était aux ressources humaines de l’entreprise. Une
option A et une option B sont proposées, marquant l’hésitation sur l’identité de deux
personnes à renvoyer. Des argumentaires et une trame sont fournis en fin d’ouvrage pour
mener à bien la tâche. L’apprenant peut au final ne pas mobiliser son intelligence de la
situation. A l’inverse, dans Quartiers d’affaires (Demaret et alii, 2013 : 64) le thème de
l’organisation du temps de travail en entreprise est introduit par des témoignages, après
quoi chaque apprenant est appelé à parler de ce qu’il en est dans son pays et à comparer les
conditions faites aux uns et aux autres. Sur ce thème précis, les étudiants peuvent parler de
leur propre expérience ou en aller chercher des renseignements juridiques sur internet à
l’aide de leur téléphone portable. L’information ainsi centralisée en cours peut être
réinvestie ultérieurement dans la vie professionnelle des différents participants. Ce mot de
participant prend d’ailleurs tout son sens, si on considère les changements portant sur le
rôle et le statut de l’apprenant dans l’enseignement des langues, ces derniers temps.
Un aspect du FOS assez peu étudié est la large prédominance qu’il accorde à l’enseignement
face aux problématiques d’apprentissage. En se présentant comme une ingénierie de
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ont davantage connu de réussite auprès des publics scolaires et académiques que
professionnels. On se trouverait donc, dans le lien toujours délicat entre enseignement et
apprentissage, au cœur d’un paradoxe en ce qui concerne le FOS. Ayant il y a vingt ans
largement dépassé les limites du jeu de rôles souvent caricatural, le FOS aurait pourtant été
un espace de maintien des pratiques de cours communicatives les plus artificielles, alors que
le reste de la didactique des langues appelait de ses vœux des manières de faire plus
crédibles et moins directives.
Cet ancrage dans le communicatif amène selon nous un décrochage au plan
épistémologique par rapport à d’autres méthodologies testées à l’étranger. La France
n’intègre que très peu les démarches de formation langagière sur la place de travail ; les
dispositifs d’accompagnement et de coaching langagier entre pairs et collègues y sont
rarissimes et très peu diffusés au plan de la recherche académique. Dans la Chronique du
français professionnel de la revue Le Français Dans le Monde n°417 (Mourlhon-Dallies,
2018b), nous pointons au travers de différents exemples en Suède, en Allemagne et en
Angleterre ce fossé épistémologique en train de se creuser.
Il ne s’agit pas ici de distribuer des bons ou des mauvais points, mais seulement de constater
que le fait de si peu penser la dimension de l’apprentissage isole cruellement les didacticiens
les plus en vue du FOS de ce qui est en train d’émerger ailleurs. D’où la proposition opérée
au titre du FLP, qui intègre à la fois des pratiques centrées sur les genres discursifs et des
pratiques plus réflexives et participatives. Dans le modèle de carte de compétences organisé
en trois pôles (De Ferrari et Mourlhon-Dallies, 2018), le pôle réflexif et le pôle
organisationnel contrebalancent en effet le pôle communicationnel qui concentre -
seulement pour un tiers de la formation - l’ancien travail sur les genres discursifs et la
communication langagière formelle, tel que pratiqué en FOS. Les représentations des
personnes engagées dans le processus de formation quant aux métiers, aux domaines et aux
pratiques occupent ainsi une place bien plus importante en FLP qu’en FOS.
Le FLP s’inspire entre autres des approches biographiques déjà bien ancrées en FLE. On
rappellera ici (à la suite de Molinié, 2007) le souffle nouveau des journaux de bord ou des
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Démarche FOS et pratiques de classe l 23
portfolios, fondés sur la réflexivité et sur la notion de « parcours ». Il s’agit, dans de telles
approches, de faire place à l’apprenant de français langue étrangère appelé à expliquer par
quelles étapes il apprend dans ses trajectoires de mobilité et de vie. Cela peut, en FLP,
prendre la forme de narration d’expériences à partir de photographies de scènes de la vie
professionnelle d’autres personnes, visuels qui sont l’occasion de partager des
représentations sur les métiers. Cependant la méthodologie canonique du FOS ne prend pas
en compte cette dimension de manière explicite. Curieusement, alors que le FOS s’adresse à
des publics adultes ayant un vécu, ce courant n’intègre que très marginalement la réflexivité
inscrite dans la longue durée. On peut imputer cela au focus mis sur la compréhension
d’échanges conduits dans un temps bref, dans le cadre d’enregistrement vidéos ou audios
diffusés en cours. Ces extraits, de l’ordre de quelques minutes, n’ouvrent qu’une fenêtre
étroite sur les situations professionnelles. Or, entre la scène donnée à entendre ou à voir
dans les « documents supports » et ce qui se joue réellement dans la durée des collectifs de
travail, il y a un monde. Une notion comme celle de « moment professionnel », développée
par Demont (2015) rend tangible tout ce que cristallise la scène stéréotypée, en amont
d’elle-même et dans la projection aussi de ce qui suivra pour la postérité. Différents
éléments structurent ainsi l’exercice des professions de manière bien souvent tacite et
allusive. Mais comment intégrer cela dans l’instantané des séances de FOS ? Une solution
pourrait être le parrainage par d’anciens professionnels francophones, comme proposé par
Demont (2017) à propos des publics militaires afin d’accentuer la transmission des
expériences voire leur confrontation, par-delà les anecdotes que l’on peut rapporter, de-ci
de-là, avec un regard extérieur. Mais cette formule de parrainage est peu aisée à mettre en
œuvre, quand on est limité par le format du cours ou du stage intensif d’une semaine.
On constate donc que le partage d’expériences et de points de vue est sans aucun doute ce
que le FOS peine le plus à intégrer parmi les écueils qu’il a à surmonter. Avec espoir, on
portera le regard sur un outil produit hors du champ de la didactique des langues dans la
perspective de l’implicated theater et entièrement centré sur des scènes de quiproquos ou
de conflits au travail https://www.youtube.com/channel/UCro2riSHRQKNEO3BP7Lkjwg
(31/01/2019). Ces scènes sont jouées par des acteurs et se présentent comme de courts
sketches offrant des arrêts sur images avec des incrustations demandant « Qu’aurait-elle pu
dire ? », « Qu’aurait-il pu faire ? ». Ce matériel a été développé en anglais par le projet
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Démarche FOS et pratiques de classe l 24
Conclusion
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 25
faire plus anciens doit également être mis en œuvre, comme pour les exercices écrits
(Mourlhon-Dallies, 2017) et les interactions à l’oral (Mourlhon-Dallies, 2018a). L’époque est
donc particulièrement stimulante, mais face à la bascule épistémologique forte qui la
caractérise, il importe que les praticiens du FOS se saisissent eux-mêmes des espaces qui
s’ouvrent à eux, conscients des opportunités actuelles comme de leurs propres contraintes,
envies et habitus didactiques.
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Bibliographie
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Démarche FOS et pratiques de classe l 30
Introduction
Lorsque la thématique de la journée d’étude dont sont issus ces actes s’est posée, il nous a
paru utile d’explorer la question du sentiment de légitimité de l’enseignant face à ses
apprenants. En effet, que cela soit à travers notre propre expérience d’enseignante de FOS
auprès de publics de professionnels variés, ou à travers les échanges avec des enseignants
exprimant leurs craintes et leurs inquiétudes dans certains contextes professionnels,
certaines inquiétudes récurrentes sont susceptibles d’émerger et d’être exprimées par les
enseignants de FOS : la mise en présence, dans un contexte didactique, d’un enseignant de
langue occupant théoriquement de ce fait une position haute, et d’un public de
professionnels occupant de ce fait une position basse, mais possédant des compétences
spécifiques dans son domaine, pourrait constituer un risque (Cicurel, 2011 : 139) potentiel
pour la face de l’enseignant. Il est donc apparu pertinent d’interroger le sentiment de
légitimité des enseignants par rapport à leurs apprenants, en leur donnant la possibilité de
s’exprimer sur cette question. Il est probable, comme l’écrit Fallet (2016), que de plus en
plus de spécialistes de disciplines autres que la didactique du FLE arrivent au FOS armés
d’une solide expérience antérieure dans leur domaine de spécialité ; il est sans doute
possible également que les profils des enseignants de FOS soient en train d’évoluer au fil du
temps ; il n’en reste pas moins que ce sont majoritairement des enseignants de FLE qui se
voient confier des cours de français sur objectif spécifique, scientifique, ou professionnel.
Nous avons donc voulu interroger le sentiment de légitimité des enseignants en posant
l’hypothèse suivante : la position haute de l’enseignant pourrait se trouver déstabilisée dans
certains contextes et face à certains apprenants et affecter ainsi leur sentiment de légitimité
en mettant leur « rôle en péril » (Cicurel, 2011 : 45).
S’il paraît important d’interroger ces acteurs du FLE sur leur ressenti, c’est parce que nous
pensons que la question de la légitimité a sans doute un impact sur la relation didactique
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 31
mais aussi sur les performances de l’enseignant, et par là-même sur l’efficacité de
l’enseignement.
Après avoir présenté des notions théoriques qu’il nous semble utile de solliciter, nous
analysons les résultats d’une enquête par questionnaire menée auprès d’une quarantaine
d’enseignants français et étrangers exerçant dans de multiples lieux et structures et auprès
de divers publics dans le domaine du FOS. Nous proposons d’élargir la réflexion sur des
éléments potentiellement définitoires de la notion de la légitimité, telle qu’elle est perçue
par les enseignants.
Notre réflexion prend pour point de départ les travaux sur le « répertoire didactique », telle
que cette notion est abordée par Cadet (2005 : 62), à savoir « l’ensemble des savoirs et
savoir-faire pédagogiques dont dispose l’enseignant pour transmettre la langue-cible à un
public donné. Ces savoirs et savoir-faire se forgent à partir de modèles de références
socioculturels […], acquis par expérience, observation et/ou imitation, et à partir de
nouveaux modèles de références théoriques et pratiques de formation professionnelle
pédagogique ». En particulier, ce sont les « modèles intériorisés » (Cicurel, 2011 : 219) de
l’enseignant que nous avons souhaité approcher, en nous intéressant plus précisément aux
« représentations, croyances et savoirs » (Cambra Giné, 2003), définis comme un
« ensemble de constructions mentales, phénomènes ou processus cognitifs organisés
cognitivement, plus ou moins factuels, plus ou moins consensuels, plus ou moins teintés
d’émotions et de valeurs, individuels, mais aussi socialement élaborés, partagés et
transmis » (Cambra Giné, 2003 : 211). La manière dont un enseignant se représente sa
posture nous a également interpellée : cette notion est appréhendée dans des travaux
d’auteurs tels que Cambra Giné (2003), Causa (2012), Deschryver & Lameul (2016) ou
Lameul (2005), et est « forgée par notre histoire personnelle, les habitudes acquises, les
expériences antérieures » (Deschryver & Lameul, 2016 : 2). Si on complète cette acception
avec le fait que la posture est construite dans l’histoire scolaire sociale et personnelle du
sujet (Bucheton, 2001), on peut émettre l’hypothèse que le dispositif d’enseignement et
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Démarche FOS et pratiques de classe l 32
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 33
enseignant légitime est un enseignant reconnu dans sa position haute, reconnu comme
dépositaire de l’autorité dans le sens où « celui qui fait autorité n’est pas autoritaire. C’est
« la compétence qui fait autorité » » (Oury & Pain, 1972 : 305). Et on ajoute avec Robbes
(2006 : 115) que « mutuelle, négociée, la reconnaissance constitue l’élément essentiel du
processus de légitimation de l’autorité ». Un enseignant légitime est donc celui dont les
compétences sont reconnues par l’apprenant, qui le place en position haute d’expert et de
dépositaire de l’autorité éducative. A fortiori, un enseignant légitime est lui-même convaincu
de ses propres compétences, dans un processus d’auto-reconnaissance qui fait qu’il est
intimement persuadé que la position haute d’expert qu’il occupe est une position
appropriée, compte tenu du fait qu’il est dépositaire de l’autorité éducative.
C’est en sollicitant cet angle théorique que nous avons souhaité donner l’occasion aux
premiers concernés d’exprimer leur ressenti sur ce sujet : les enseignants de FOS sont-ils
eux-mêmes convaincus de leur propre légitimité ? À quelles difficultés sont-ils confrontés, et
quelles stratégies de résolution mettent-ils en place pour les contourner ?
2. Méthodologie adoptée
2.1. Démarche
L’excellente enquête menée par Fallet (2017) dans le cadre d’un mémoire de Master 2 dirigé
par Carras et intitulé Enseignement du français à des publics spécialisés : difficultés,
stratégies et posture de l’enseignant de FOS a servi de fondement à notre propre étude :
Fallet ouvre une piste de réflexion et de recherche qui nous semble inédite dans le champ
des représentations et du ressenti des enseignants de français auprès de publics spécifiques.
Elle se focalise en effet entre autres sur la question de la légitimité de l’enseignant, non
seulement à travers des questionnaires et des entretiens auprès d’enseignants, mais
également auprès d’un public d’étudiants. Elle met en perspective le vécu et le ressenti des
uns et des autres dans une démarche tout à fait originale et instructive. Nous avons voulu
aller plus loin dans le sens où nous avons souhaité toucher des enseignants en provenance
de divers horizons géographiques et culturels, affectés dans plusieurs zones géographiques
et dans plusieurs types d’institutions. Il nous a semblé important d’ouvrir la question relative
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 34
aux difficultés rencontrées par les enseignants et aux différents types de stratégies de
résolution, incluant la collaboration avec des enseignants experts. Enfin, il nous paraissait
utile de donner aux enseignants interrogés l’occasion de s’exprimer sur les conditions de la
perception de leur propre légitimité dans l’exercice de leur fonction d’enseignant de FOS.
Compte tenu de ces éléments, le moyen le plus efficace pour commencer cette étude
exploratoire nous a paru être une enquête par questionnaire, anonyme, soumise en ligne de
manière à ce qu’elle puisse toucher des enseignants géographiquement éloignés. Le fait
d’opter pour un questionnaire constitue un pari relativement risqué compte tenu de l’objet
même de cette étude : nous avons tenté d’en limiter l’impact négatif dans le cadre de la
formulation des questions et en particulier des questions ouvertes, ce sur quoi nous
reviendrons plus loin. Nous avons opté pour un formulaire Google pour collecter les
données, pour plusieurs raisons :
- Les modalités de questions proposées, qu’elles soient ouvertes ou fermées, nous
semblaient correspondre aux objectifs fixés pour l’enquête ;
- Son caractère intuitif et son ergonomie, aussi bien pour ce qui est de son usage lors de la
conception du questionnaire, que pour les répondants, a constitué un élément déterminant ;
- La gestion des réponses et la possibilité de les exporter sur un fichier de traitement
quantitatif permettaient une exploitation rapide et efficace ;
- L’analyse multicritériée disponible et la présentation des résultats étaient conformes aux
attentes dans le cadre de cette étude.
Le questionnaire est constitué de 41 questions, ouvertes ou fermées, divisées en 7 sections.
La première section présente l’enquête en quelques lignes :
Cette enquête est effectuée dans le cadre d'une recherche sur les représentations et la
posture des enseignant.e.s de français sur objectifs spécifiques et français de spécialité, face
à un public professionnel et/ou spécialisé. Les réponses sont anonymes et seront exploitées à
des fins de recherche exclusivement, au sein du laboratoire LIDILEM de l’université Grenoble
Alpes. L'appellation FOS est utilisée d'une manière générique très large pour désigner le
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 35
français sur objectif spécifique, le français de spécialité, le français des disciplines, le français
langue professionnelle. Merci pour votre contribution 2.
La deuxième section est intitulée : « Qui êtes-vous ? ». Elle propose aux répondants de
renseigner 13 questions : leur genre, leur âge, leur nationalité, leur diplôme le plus élevé en
didactique des langues, leur pays actuel d’exercice, leur profession actuelle, le nombre
d’années d’enseignement du FOS, les différents lieux et différentes institutions d’exercice en
tant qu’enseignant de FOS, les spécialités ou domaines d’exercice, les types de publics
d’apprenants auxquels ils sont confrontés, leur formation antérieure initiale ou continue en
didactique du FOS, leur usage de matériels ou de méthode de FOS. Il leur est enfin demandé
s’ils ont déjà conçu un cours de FOS et de préciser le cas échéant dans quelle spécialité ou
domaine.
La troisième section est intitulée : « Formation personnelle antérieure dans un/des domaines
de spécialité ». Parallèlement à des questions sur le type et les domaines des formations
concernées, les enseignants doivent répondre aux questions suivantes :
Cette formation disciplinaire est-elle un avantage pour votre pratique d’enseignant.e de
FOS ? Expliquez.
Le cours de FOS que vous assurez aurait-il été de la même qualité si vous n’aviez pas suivi une
formation disciplinaire ?
Auriez-vous accepté d’assurer un cours de FOS dans une discipline à laquelle vous n’auriez
pas été formé.e ?
La quatrième section est intitulée : « Quel est votre degré d’adhésion avec les propositions
suivantes ? ». Les enseignants sont invités à se positionner sur leur sentiment de sérénité et
de stress, de légitimité et d’illégitimité, de sécurité et d’insécurité, de confiance, de
compétence et d’incompétence. Ils sont enfin invités à renseigner la question ouverte
suivante : « Lorsque j’enseigne le FOS à des spécialistes, je me sens... ».
La cinquième section est intitulée : « Stratégies d’enseignement et difficultés rencontrées ».
Les enseignants sont invités tout d’abord à cocher parmi une liste d’items proposée, en
réponse à la question « Quelles difficultés rencontrez-vous lorsque vous enseignez le FOS ? ».
Les items couvrent des notions variées : « aborder des concepts, trouver des documents
supports, concevoir des séquences de classes, des activités pédagogiques, prévoir une
2
Pour faciliter la lecture, les extraits de l’enquête (aussi bien les questions que les réponses des enseignants)
seront rédigés en italique.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 36
progression, une évaluation, répondre aux questions des apprenants sur les thèmes évoqués,
comprendre la démarche disciplinaire… ». Les enseignants interrogés doivent également
s’exprimer sur les stratégies qu’ils mettent en place pour enseigner le FOS, en choisissant
parmi une liste d’items proposés, par exemple : « collaborer avec d’autres enseignants,
utiliser des manuels de FOS, des sites de FOS, des sites internet spécialisés dans la discipline,
des ressources diverses de vulgarisation scientifique, se renseigner auprès des
apprenants… ». Deux dernières questions leur demandent de se prononcer sur les raisons
pour lesquelles ils collaborent avec d’autres enseignants (de FOS, et de disciplines
spécifiques), et de choisir un ou plusieurs items proposés, par exemple : « discuter de la
méthode, de la discipline, des contenus, corriger des copies, choisir des documents
supports ».
La sixième section est intitulée : « Votre sentiment de légitimité en tant qu’enseignant.e de
FOS ». On leur demande de commencer par qualifier leur sentiment de légitimité lorsqu’ils
sont dans la classe de FOS (en cochant parmi les propositions suivantes : Très fort, Fort,
Modéré, Faible, Très faible). Ensuite, 6 questions ouvertes sont proposées :
Vous êtes-vous déjà senti.e illégitime face à des publics spécialisés ? Si oui, expliquez dans
quel contexte.
Un apprenant a-t-il déjà remis en cause votre sentiment de légitimité dans un cours ? Si oui,
expliquez le contexte.
Si un apprenant a déjà remis en cause votre sentiment de légitimité dans un cours : décrivez
son attitude.
Si un apprenant a déjà remis en cause votre sentiment de légitimité dans un cours : décrivez
les conséquences sur votre posture d’enseignant.e.
Pour vous, un.e enseignant.e de FOS légitime dans sa classe, c’est quelqu’un qui….
Pour vous, un.e enseignant.e de FOS illégitime dans sa classe, c’est quelqu’un qui….
La dernière section est intitulée : « Pour conclure ». Elle est constituée de cinq questions
ouvertes :
Personnellement, vous sentez-vous capable d’assurer n’importe quel cours de FOS dans
n’importe quel domaine ?
Y a-t-il des domaines dans lesquels vous ne voudriez pas assurer un cours de FOS ?
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 37
Que faut-il pour qu’un.e enseignant.e de FLE puisse prendre en charge sereinement une
formation en FOS ?
Cherchez-vous à vous spécialiser dans les domaines dans lesquels vous assurez des cours de
FOS ?
Que faut-il pour qu’un.e enseignant.e de FLE se sente parfaitement légitime pour assurer un
cours de FOS ?
Sitôt le questionnaire conçu, le lien a été diffusé sur les réseaux sociaux, mais aussi à travers
des organes de diffusion professionnels dans le domaine du FLE, et quelques associations de
professeurs de français. Il est certain que compte tenu de sa longueur et en particulier des
questions ouvertes qui en font partie, c’était un pari à relever. Quarante enseignants ont
renseigné la totalité du questionnaire 3. Le fait d’avoir proposé une enquête en ligne,
anonyme, possède l’avantage de toucher des praticiens éloignés du lieu de conception, mais
a l’inconvénient certain de ne pas atteindre des enseignants qui n’ont qu’un accès difficile ou
restreint (voire n’ont pas d’accès) à internet. Comme nous le verrons plus loin, les données
recueillies ont été analysées sur le plan aussi bien quantitatif que qualitatif, mais les effectifs
très limités de répondants ne nous permettent que d’esquisser une réflexion qui pourrait
être étayée par une enquête de plus grande ampleur 4.
Cette enquête par questionnaire 5, soumise en ligne comme évoqué plus haut, a été
renseignée par 40 enseignants, 6 hommes et 34 femmes. La moitié des répondants déclare
appartenir à la tranche d’âge 31 à 40, 16 enseignants sont plus âgés, seuls 4 ont moins de 30
ans. Ils sont français pour la plupart, mais dix autres nationalités sont représentées : Egypte,
Cap-Vert, Chine, Italie, Kazakhstan, Liban, Maroc, Pologne, Roumanie, Sénégal. La majorité
des répondants exerce en France même si dix autres pays d’exercice sont également cités.
Ce sont pour la plupart des enseignants expérimentés ayant plus de 5 ans d’exercice en tant
qu’enseignants de FOS, qui se définissent pour la plupart comme enseignants/formateurs, et
qui exercent pour plus de la moitié en université, même si d’autres lieux sont évoqués :
3
Les questionnaires incomplets n’ont pas été intégrés dans l’étude.
4
Nous considérons ainsi cette étude comme une étude préliminaire.
5
Les graphiques représentant l’ensemble des résultats figurent en annexe.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 38
centre de langues, Grande École, entreprise, Institut français… Pour ce qui est du nombre de
lieux d’affectation, la moitié des répondants déclare exercer dans un unique lieu alors que
l’autre moitié exerce dans plusieurs institutions ou organismes. Enfin, le diplôme le plus
élevé en didactique des langues est le Master 2 pour 20 répondants, mais on compte
également quelques docteurs. Il est à noter qu’une petite minorité possède un diplôme
inférieur au Master 2 ou non universitaire (Licence, DAEFLE – diplôme d’aptitude à
l’enseignement en français langue étrangère – ou DDIFOS – diplôme de didactique du
français sur objectifs spécifiques) 6.
Lorsqu’on s’intéresse à la formation antérieure, à la question de savoir si les répondants ont
déjà suivi des formations en didactique du FOS, l’absence de formation antérieure dans ce
domaine est étonnamment exprimée par la moitié des répondants : cela interroge aussi bien
sur l’accessibilité des formations délivrées dans le cadre de la formation continue par des
organismes divers, que sur la place de la formation en didactique du FOS dans les cursus de
formation initiale des futures enseignants de FLE. Seule une minorité déclare avoir déjà reçu
une formation spécifique dans le domaine de spécialité des apprenants de FOS
(management, droit…).
Cette absence de formation antérieure n’empêche pas les enseignants de s’approprier
pleinement les savoirs et savoir-faire relatifs aux contenus enseignés : la moitié des
répondants n’a jamais utilisé de manuel de FOS et conçoit ses propres cours. Nous pouvons
donc émettre l’hypothèse que l’auto-formation joue un rôle primordial dans le cursus des
enseignants et la manière dont ils s’approprient l’enseignement de la discipline dont ils ont
la charge.
6
Voir annexe en fin de document.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
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70
60
50
40
30
20
10
0
Serein Légitime En sécurité Confiant Compétent
Fig.1 – Le ressenti des enseignants, en pourcentage (1re colonne : « tout à fait », 2e colonne :
« plutôt », 3e colonne « plutôt pas »).
20% des enseignants se sentent en insécurité lorsqu’ils enseignent le FOS à des spécialistes,
ce qui est très proche des résultats obtenus par Fallet (2017) qui obtient 24% de réponses.
Mais ce sentiment d’insécurité n’est pas corrélé au sentiment d’illégitimité puisque la
majorité écrasante de ceux qui se sentent en insécurité déclare néanmoins se sentir légitime
dans la classe. Cela nous amène à deux constatations :
- on peut tout à fait se sentir en insécurité, et être néanmoins convaincu de sa propre
légitimité ; l’insécurité n’induit pas l’illégitimité ;
- le sentiment d’insécurité ressenti par les enseignants enquêtés n’a pas une
connotation négative, au sens où cela a été mis en lumière dans le cas de « l’insécurité
linguistique » (Roussi, 2009 : 11) : plutôt que de le ressentir comme un obstacle inhibant
toute action, il s’agit plutôt pour l’enseignant de le transformer en émulation positive de
manière à ce que cela devienne un atout au service de l’action didactique, et par
conséquent, au service des apprentissages. Nous sommes donc face à une insécurité
positive, exigeante, qui met certes l’enseignant en alerte mais n’entraîne pas une perte de
face et de position haute de l’enseignant ; une insécurité positive, laquelle, si on arrive à la
dépasser dans le cadre d’une « posture active » et non pas d’une « posture fataliste »
comme évoqué plus haut, stimule et pousse à aller de l’avant, plutôt qu’une insécurité qui
inhibe.
Malgré tout, 20% des enseignants ayant renseigné l’enquête déclarent avoir ressenti un
sentiment d’illégitimité et/ou avoir ressenti une remise en cause de leur légitimité dans un
cours. Ce ressenti est lié pour eux :
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 40
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 41
Les difficultés rencontrées par les enseignants sont de plusieurs types, comme le montrent
leurs réponses 7 à la question « Quelles difficultés rencontrez-vous lorsque vous enseignez le
FOS ?», où il leur est demandé de choisir parmi une liste d’items proposés.
- La « difficulté de trouver des documents supports » est celle qui est la plus
mentionnée par les enseignants (47,5%). Cette réponse sur les ressources est parfaitement
compréhensible compte tenu de la diversité de domaines et de spécialités évoqués par les
enquêtés, et du caractère confidentiel de certaines données dans certains domaines ;
- Les difficultés strictement disciplinaires, relatives au domaine visé, viennent en
seconde position :
compréhension des concepts (35%) ;
compréhension de la démarche disciplinaire (scientifique ou
professionnelle) (30%) ;
réponses aux questions des apprenants sur les thèmes abordés (20%) ;
- Les difficultés d’ordres méthodologique et didactique sont également mentionnées :
prévoir une évaluation (30%) ;
prévoir une progression (22,5%) ;
élaborer les contenus (17,5%) ;
concevoir une séquence (7,5%) ;
- Enfin, des difficultés d’ordre linguistique en relation avec la discipline ou le domaine :
sélectionner le vocabulaire à enseigner (25%).
Seuls quatre enseignants sur les 40 répondants affirment ne pas rencontrer de difficultés.
Les enseignants mettent en place des stratégies variées pour résoudre les difficultés
auxquelles ils sont confrontés. Rappelons qu’il leur a été proposé de choisir parmi une série
fermée d’items qui renvoient à deux grandes catégories de stratégies : les stratégies de
« ressourcement » (Rubin, 1989) qui consistent à recourir à des ressources diverses ; et les
stratégies « sociales » (ibid.) qui consistent à collaborer avec autrui, en sollicitant par
exemple d’autres enseignants de FOS, ou des enseignants de disciplines différentes, voire les
7
Se reporter aux graphiques en annexe en fin de document.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 42
apprenants eux-mêmes. Voici les items sélectionnés par les enseignants par ordre
d’importance :
- Utiliser des sites internet spécialisés dans la discipline ;
- Se renseigner auprès des apprenants ;
- Collaborer avec des enseignants d’autres disciplines ;
- Utiliser des sites internet de FOS ;
- Utiliser des ressources (revues…) de vulgarisation scientifique ;
- Collaborer avec des enseignants de FOS ;
- Utiliser des manuels de FOS.
L’utilisation de sites internet est la réponse qui revient le plus massivement, ce qui n’est
guère surprenant en soi compte tenu de la quantité et de la qualité des informations
massivement disponibles de nos jours : cela met encore plus en lumière, s’il en était besoin,
le bouleversement profond qu’a vécu la didactique du FOS avec la révolution numérique, et
son impact spectaculaire sur les stratégies d’enseignement ces vingt dernières années.
L’item qui vient en seconde position mérite d’être souligné : plus de la moitié des
enseignants déclarent se renseigner auprès des apprenants pour résoudre les difficultés
auxquelles ils sont confrontés, bien plus que le fait de recourir à des pairs (enseignants de
FOS ou d’autres disciplines). Cela dénote une stratégie collaborative particulièrement
intéressante : les enseignants reconnaissent en effet le rôle d’expert des apprenants, et ce
« renversement des rôles » tel que formulé par Moore et Simon (2002 : 127) ne remet pas
en cause le sentiment de légitimité qu’ils expriment ressentir, puisque la majorité de ceux
qui déclarent se renseigner auprès des apprenants pour résoudre leurs difficultés, affirment
dans le même temps avoir un fort ou très fort sentiment de légitimité. Ici on voit bien que
ces situations qui pourraient se traduire pour les enseignants par des « rôles en péril » si l’on
adopte les propos de Cicurel (2011 : 45) ne constituent pas des obstacles insurmontables
puisque les enseignants arrivent à se sortir des situations de « risque » (Cicurel, 2007) qui ne
les déstabilisent finalement pas, bien au contraire, puisqu’ils acceptent de jouer le jeu du
« renversement des rôles » pour le bénéfice de la situation didactique.
Le recours aux manuels de FOS vient en dernier, ce qui peut s’expliquer par la grande
diversité des thèmes enseignés, et par la rareté ou l’absence de manuels pour une très
grande variété de domaines.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 43
En tout cas on peut constater que la majorité écrasante des stratégies pour lesquelles les
enseignants optent peuvent être classées parmi les stratégies dites « de ressourcement »,
alors qu’un peu plus de la moitié sont des stratégies dites « sociales ».
Lorsque les répondants disent collaborer avec des pairs, que cela soit des enseignants de
FOS ou d’autres disciplines, les réponses sont éclairantes dans le sens où ce sont les
échanges sur la discipline visée et le lexique qui font la différence entre les deux catégories
d’enseignants sollicitées. Ainsi, avec les enseignants d’autres disciplines, l’item le plus
fréquemment sélectionné est le suivant : « discuter de la discipline », pour lequel optent la
moitié des enseignants ayant répondu au questionnaire (alors qu’ils ne sont plus qu’une
petite minorité à « discuter de la discipline » avec d’autres enseignants de FOS). Et lorsqu’il
s’agit de collaborer entre enseignants de FOS, cet item vient en cinquième position, derrière
les suivants : « échanger sur la méthodologie », « discuter des contenus », « discuter des
documents supports » et « discuter des concepts ». On voit donc se dessiner des stratégies
sociales avec des visées différentes en fonction du profil des enseignants sollicités.
Pour finir il nous a semblé important de donner aux enseignants l’occasion de s’exprimer sur
ce qu’est un enseignant de FOS légitime dans sa classe. Les réponses à cette question vont
dans le sens d’une définition complexe et pluridimensionnelle.
Pour les enseignants ayant participé à l’enquête, un enseignant de FOS légitime, c’est
quelqu’un « qui a conscience de son rôle d’enseignant de langue au service d’une discipline
ou d’un domaine », et « qui sait distinguer entre l’enseignement d’une langue à visée
professionnelle ou disciplinaire, et l’enseignement du domaine lui-même » ; cela signifie que
les enseignants sont tout à fait conscients du fait qu’ils n’usurpent pas le rôle d’expert dans
le domaine visé, même s’il sont convaincus d’apporter une plus-value d’ordre linguistique et
culturel en lien avec les sujets abordés. Chacun à sa place donc, ce qui n’empêche pas une
mutualisation des compétences au service des apprentissages. La légitimité est aussi perçue
comme allant de pair avec « une posture d’expert linguistique et didactique », qui « met les
choses au point d’une manière honnête avec les apprenants » dont le rôle d’expert dans le
domaine considéré est reconnu. Pour les enseignants participant à l’enquête, le fait de
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Démarche FOS et pratiques de classe l 44
« maîtriser les concepts, les sujets, les contenus d’enseignement » est aussi considéré comme
un facteur de légitimité de l’enseignant de FOS. La légitimité est donc perçue comme allant
de pair avec la compétence professionnelle, puisque les enseignants déclarent qu’est
légitime celui qui « est apte à procéder à une analyse des besoins, et en fonction de cela, à
planifier les contenus, les objectifs, concevoir des activités, de manière à répondre aux
besoins identifiés en adoptant une progression appropriée, et en procédant à une évaluation
adaptée ».
De plus, un élément intéressant ressort parmi les réponses des enquêtés : la légitimité de
l’enseignant est renforcée par le fait qu’il « n’hésite pas à aborder les difficultés en adoptant
des stratégies de résolution appropriées ». L’enseignant légitime doit posséder des
connaissances dans le domaine visé, que ce soit à travers des formations spécifiques (en FOS
ou dans le domaine ou la discipline visée) ou d’une auto-formation, et témoigne de l’intérêt
par rapport au sujet abordé. Il est conscient des savoirs, savoir-faire, savoir-être que les
apprenants auront à solliciter dans le cadre de situations professionnelles dans le domaine
considéré. Il fournit des outils aux apprenants pour favoriser leur autonomisation. C’est un
enseignant qui a de l’expérience dans l’enseignement du FOS, même s’il n’hésite pas à
admettre qu’il ne sait pas tout en se renseignant de manière à fournir des réponses aux
apprenants. Il a une attitude d’écoute, d’encouragement, de valorisation des apprenants, et
se positionne d’une manière honnête avec eux : en somme, l’enseignant considéré comme
légitime est aussi dans une attitude ouverte de confiance partagée.
Pour ce qui est des conditions nécessaires pour qu’un enseignant de FLE se sente
parfaitement légitime pour assurer un cours de FOS, voici celles qui se dégagent de
l’enquête :
- La formation (initiale et continue, éventuellement diplômante) : il s’agit de l’item qui
revient le plus souvent, ce qui va tout à fait dans le sens de Carras (2017 : 80) qui affirme que
« face à la complexité de la mise en place des formations en langue sur objectifs spécifiques,
qui entraîne une modification du statut de l’enseignant et potentiellement des conflits de
légitimité, la solution passe par la formation » ; il est à noter que la majorité des répondants
qui optent pour cette condition de légitimité sont des personnes qui déclarent n’avoir jamais
suivi aucune formation en didactique du FOS ;
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Démarche FOS et pratiques de classe l 45
Conclusion
Nous avons entamé cette étude en nous posant la question de la légitimité de l’enseignant
de FOS par rapport à ses apprenants compte tenu d’une déstabilisation potentielle de sa
position dans un contexte didactique, en prenant comme éléments définitoires de la
légitimité, des notions telles que la compétence et la reconnaissance de l’autorité éducative
par les apprenants.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 46
L’enquête que nous avons menée, que nous considérons comme étant exploratoire, donne
un éclairage complémentaire intéressant sur le sentiment de légitimité que disent éprouver
les enseignants de FOS interrogés, malgré les risques auxquels ils sont confrontés. Nous
avons mis en lumière des éléments de réponses qui devraient permettre d’enrichir cette
notion d’autant que les enseignants participants, qui sont issus de diverses origines
géographiques et culturelles et qui interviennent dans des institutions de différentes
natures, proposent des réponses complémentaires et concordantes sur ce qui sous-tend, de
leur point de vue, la légitimité de l’enseignant de FOS. Cette étude apporte un éclairage utile
sur les moyens de légitimation des enseignants de FOS, qui possèdent de multiples
ressources internes mais qui mettent en avant le socle de la formation comme principal
moyen de légitimation : cette évidence, qui n’en est pas une sur le terrain si l’on en croit les
profils et les réponses des enquêtés, constitue une alerte et une vraie exigence dans le
domaine de la didactique du FLE, compte tenu de l’impact de la formation pour la
consolidation de la posture de l’enseignant.
Cette enquête permet aussi plus généralement d’articuler les notions de légitimité,
d’insécurité et de compétence, dans une perspective didactique. Elle est globalement
rassurante dans le sens où les enseignants enquêtés expriment des sentiments positifs et
« sécures » malgré les difficultés rencontrées, et rendent compte finalement de dynamiques
didactiques robustes.
Nous adressons nos remerciements à tous les enseignants qui ont contribué à cette
enquête.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 47
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situation de travail ? », in J.-P. Bronckart et le groupe LAF (éds), Agir et discours en
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l’habilitation à diriger des recherches, université Paul Valéry, Montpellier.
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Languages for Specific Purposes, Peter Lang, 65-81.
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Minuit.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 48
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Démarche FOS et pratiques de classe l 49
Annexes
60 Fig.2 –
Tranches
50 d’âge (en
40 pourcentage)
de la
30 population
20 enquêtée
10
0
Moins de 31-40 ans 41-50 ans 51-60 ans Plus de 60
30 ans ans
80 Fig.3 –
60 Nationalités
40
(en
pourcentage)
20
de la
0
population
enquêtée
70 Fig.4 – Pays
60 d’exercice
actuels (en
50
pourcentage)
40
de la
30
population
20 enquêtée
10
0
70 Fig.5 –
Nombre
60
d’années
50 d’exercice
40 (réponses en
30 pourcentage)
20 en tant
qu’enseignant
10
de FOS de la
0 population
Débutant 1 à 3 ans 3 à 5 ans Plus de 5 ans
enquêtée
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Démarche FOS et pratiques de classe l 50
80 Fig.6 –
70 Profession
60 actuelle (en
50 pourcentage)
40
30 de la
20 population
10 enquêtée
0
70 Fig.7 –
60 Lieu(x)
50 d’exercice
40 actuel(s) (en
30
20 pourcentage)
10 de la
0 population
enquêtée
60 Fig.8 –
50
Nombre de
lieux
40
d’exercice
30 (en
20 pourcentage)
10 de la
0 population
1 seul lieu d'exercice Plusieurs lieux d'exercice enquêtée
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Démarche FOS et pratiques de classe l 51
60 Fig.9 –
Diplôme le
50 plus élevé en
didactique
40 des langues
(en
30 pourcentage)
de la
20 population
enquêtée
10
0
DAEFLE DDIFOS Licence Maîtrise Master 2 Doctorat Autre
ou M1 ou DEA
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Non Master CCIP CIEP BELC DAEFLE Autre
uniquement
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Démarche FOS et pratiques de classe l 52
50 47,5
45
40
35
35
30 30
30
25
25 22,5
20
20 17,5
15 15
15
10 7,5
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Démarche FOS et pratiques de classe l 53
80
70
70
62,5
60 57,5 57,5
55
50
40 37,5
30 25
20
10 7,5
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Démarche FOS et pratiques de classe l 54
60
50
40
30
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Démarche FOS et pratiques de classe l 55
Cet article tentera d’interroger, à travers des exemples concrets et des témoignages,
l’éventuelle spécificité des pratiques de classe auprès de publics présentant des
caractéristiques les distinguant des publics d’apprenants dits généraux. La première partie
de l’article s’attachera à problématiser l’influence que peuvent exercer les publics et leurs
spécificités ainsi que les terrains d’exercice sur les pratiques d’enseignement. Cette partie
sera illustrée par des exemples liés à différents publics professionnels, essentiellement
militaires et personnel navigant commercial. Les spécificités du public constitué par les
sportifs professionnels, en particulier les rugbymen, seront ensuite exposées et analysées de
façon plus détaillées dans la deuxième partie de l’article.
1. La question de la spécificité
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Démarche FOS et pratiques de classe l 56
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Démarche FOS et pratiques de classe l 57
Dans son ouvrage de 1993, Lehmann écartait, d’une certain façon, l’idée d’une spécificité
des pratiques de classe en FOS : « les objectifs spécifiques n’imposent guère de contraintes
particulières autres que celle de l’efficacité voulue par le facteur temps [dans le cadre d’une
approche communicative] » (Lehmann, 1993 : 201). Et pourtant, il s’agit d’une interrogation
ancienne : dans le numéro du FDLM de 1990 déjà cité, on trouve plusieurs articles portant
sur les pratiques de classe, notamment un article de Darot sur l’utilisation de la simulation
globale en classe de FOS. On peut également citer l’article de Parpette de 2005 : « Le
Français sur Objectif Spécifique introduit-il des pratiques d’enseignement différentes ? » Et
plus près de nous, des articles très récents se situent également dans cette perspective :
citons Richer (2017) qui questionne les liens entre approche actionnelle et FOS, et
Mourlhon-Dallies (2017) qui se penche sur les exercices de langue et les place au cœur de la
professionnalisation. Un questionnement commun à ces différents auteurs concerne
l’impact de la spécificité lié au caractère professionnel du public : les activités réalisées en
classe sont-elles véritablement spécifiques, différentes de ce qui se pratique dans une classe
de FLE généraliste ? Il semble que ce soit plutôt les modalités de mise en œuvre de ces
activités qui varient. Ainsi, on retrouvera dans des classes de FOS des exercices de langue,
des activités de compréhension écrite, etc., mais réalisées à travers des modalités de travail
spécifiques en fonction des publics.
Nous considérons que l’éventuelle spécificité des pratiques de classe est liée à trois
caractéristiques des publics professionnels :
- Les modalités d’exercice de la profession : contrainte liée aux caractéristiques
professionnelles du public,
- La spécificité des discours : contrainte qui tient plus aux spécificités linguistiques des
discours professionnels,
- Les modalités de lieu où se déroulent les cours : spécificité du contexte
d’apprentissage.
Nous allons illustrer chacun de ces facteurs par des exemples concrets. Nous ne prétendons
pas à l’exhaustivité, car de nombreux autres exemples de pratiques seront donnés dans ce
même numéro.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 58
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 59
8
La face est, selon la théorie de Goffman (1974), la valeur sociale positive qu'une personne revendique
effectivement à travers une ligne d'action que les autres supposent qu'elle a adoptée au cours d'un contact
particulier.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 60
où l’on doit rester assis plusieurs heures, en étant plus ou moins passif en fonction des
activités.
L’enseignant intervenant auprès des PNC, professionnels toujours en déplacement et en
mouvement, souligne la nécessité de changer fréquemment d’activités, de prévoir des
déplacements dans la classe, de ne pas rester immobiles trop longtemps, sous peine de
perdre l’attention du public. Kermen, ci-dessous, donnera de nombreux exemples de ce type
pour les publics de sportifs.
Les publics militaires peuvent également éprouver des difficultés dans une situation de
classe. Ainsi, une enseignante chargée de cours intensifs (26 heures par semaine) auprès de
militaires ougandais soulignait le fait que ce public, déjà peu habitué à l’apprentissage d’une
langue étrangère, souffrait de rester assis et enfermés pendant de longues heures. Elle avait
ainsi institué des moments sportifs de 10 à 20 minutes en début d’après-midi, où à travers le
football ou le volleyball, certaines compétences étaient travaillées de façon ludique (celui
qui détient la balle devra conjuguer un verbe, par exemple), ceci afin de les maintenir
motivés et éveillés. Remarquons d’ailleurs que ce type de recommandation figure, dans une
formulation propre à l’époque, dans le Manuel de formation en français pour les militaires
indigènes, datant de 1927 : « l’enseignement du français n’est jamais donné immédiatement
après les repas ou un exercice fatigant. Compte tenu du climat du lieu de garnison, il a lieu,
suivant la saison, à des moments de la journée où l’activité des instructeurs et l’attention des
tirailleurs ont le plus de chance de ne pas être émoussées » (Kahn, 1990 : 98).
Certains discours professionnels sont produits dans des conditions spécifiques. Ces
conditions vont avoir des répercussions sur les pratiques de classe, dans l’optique de
préparer les apprenants à produire ces discours en situation.
Certaines professions impliquent de lire à haute voix, oraliser, des textes écrits : c’est le cas
des PNC, des chefs de bord dans les trains, de toutes les professions devant transmettre
oralement des informations à un public. Cette oralisation implique un travail spécifique en
phonétique et prosodie. Remarquons que dans le cas des PNC et des chefs de bord, cette
oralisation se fait via un micro, dans un espace bruyant (bruit de fond de l’avion ou du train),
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 61
le phrasé doit donc être assez clair pour être compris malgré ces conditions (nous avons tous
fait l’expérience de messages parfaitement incompréhensibles dans ces situations, et qui
n’étaient pas forcément émis par des professionnels s’exprimant dans une langue
étrangère…). Le canal de transmission, ici un micro, joue un rôle essentiel dans la
transmission du message. Des bruits peuvent également parasiter le message 9. Un
entrainement spécifique à l’émission de ces messages, dans des conditions les plus proches
possibles de la pratique professionnelle effective, sont donc indispensables.
Les messages transmis dans les avions ou les trains ont la particularité d’être pré-écrits (le
livret des annonces faites à bord recense la quasi-totalité des situations possibles, les textes
pré-écrits permettant de s’adapter aux divers contextes), la personne qui les oralise ne
pouvant pas s’en écarter. La prosodie de ces messages est également tout à fait particulière
et très éloignée de l’oral en interaction, par exemple.
Dans cet objectif, l’enseignant en charge du groupe de PNC avait fait usage du karaoké (qui
est, de plus, très populaire auprès des publics asiatiques) : le texte de la chanson était
distribué et travaillé / explicité en amont, afin de ne pas poser de problèmes de déchiffrage.
Il avait également utilisé un prompteur, les apprenants devant oraliser le texte défilant sous
leurs yeux. Une place prépondérante était accordée à la prosodie, l’enseignant s’efforçant
de corriger les tons trop stressés, monotones ou « robotiques ».
Les publics militaires sont également confrontés à une prosodie spécifique : celle de la
production et compréhension d’ordres. Citons ici les propos d’une enseignante de FLE
intervenant dans une école militaire en Grèce :
« Lorsque nous entendons les commandements militaires, nous remarquons une
sobriété dans l’expression, message court mais efficace. La voix monte et démarque le
mot essentiel. Exemples : « tête droite ! » ; « demi-tour droite ! ». Lorsque nous
évoquons les différents types d’attaque ou les services des officiers, la « caractéristique
phonique » tombe sur l’adjectif placé à la fin ou sur le complément du nom. » (Sofiou,
2015 : 25)
Cet aspect phonétique de la compréhension d’ordres est également évoqué dans le manuel
de formation de 1927 (Kahn, 1990 : 102-103).
9
Voir le modèle de communication établi par Shannon et Weaver (1963).
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 62
Lorsque les cours de langue se déroulent sur le lieu de travail, il est clair que cet
environnement va avoir une influence directe sur les pratiques de classe (voir Mangiante,
dans ce numéro). Les cours sur le lieu même d’exercice de la profession marquent la
concrétisation du lien entre pratique professionnelle et pratique langagière, entre langage et
action. Les cours sur le lieu de travail mettent également en lumière la multicanalité de l’agir
professionnel.
Cet aspect étant développé ailleurs dans ce numéro et plus loin dans cet article, nous ne
donnerons donc que deux exemples.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 63
Une partie des cours de français des PNC avait lieu en « mock-up cabin », c’est-à-dire une
réplique à l’identique et à taille réelle de la cabine d'un avion, utilisée pour la formation de
l’équipage. Le formateur rapporte que les performances linguistiques des apprenants étaient
nettement meilleures dans cet environnement, où ils pouvaient simuler leur activité
professionnelle : le fait d’occuper l’espace, d’accompagner la production langagière des
gestes et actions propres à la situation leur permettait de retrouver leurs réflexes
professionnels. Le discours n’était plus que l’un des éléments de l’action, en étroite relation
avec l’environnement et l’espace.
Les cours pour les publics militaires ougandais déjà évoqués avaient également lieu en partie
sur le terrain d’entrainement : il était ainsi possible de faire usage du matériel (armes,
véhicules) lors de l’apprentissage.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 64
Il s’agit d’une demande de formation émanant du club, afin que les compétences
professionnelles des joueurs soient transférables en France et en français. L'objectif de la
formation est donc de leur donner les moyens d'être aussi compétents dans leur profession
en français qu'ils le sont dans leurs langues respectives. L’analyse des besoins effectuée
auprès des joueurs français et étrangers, des entraineurs, des membres du staff, a fait
émaner deux axes de besoins. D’une part, des besoins dans leur vie professionnelle, pour
qu’ils soient des joueurs compétents et qu’ils s’intègrent dans l’équipe. D’autre part, des
besoins dans leur vie personnelle, pour qu’ils s’intègrent socialement dans la vie française.
Les objectifs de formation visent donc nécessairement des compétences en français du
rugby ainsi qu’en français général. La majorité des échanges professionnels au sein du club
se déroulent en français, toutefois cela peut varier d’une saison sportive à une autre en
fonction des membres du staff présents et de leurs nationalités. L’effectif des joueurs est
majoritairement de nationalité française, cela étant dû aux quotas fixant le nombre de
joueurs étrangers par clubs, qui existent depuis quelques années. L’analyse des besoins
effectuée a montré que parmi les compétences mobilisées lors de leurs échanges, ils ont
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 65
A l'écrit
- écrire des SMS professionnels (aux joueurs, entraîneurs)
- écrire des mails professionnels (aux joueurs, entraîneurs)
- lire les journaux, notamment les journaux spécialisés en sport et rugby (l'Equipe, le Midi
Olympique)
- lire les plans de jeux et instructions sur le tableau blanc
- lire des sites internet spécialisés en rugby (https://www.rugbyrama.fr/)
- lire et comprendre le planning de la semaine
- comprendre les instructions écrites du préparateur physique pendant la séance de musculation
A l'oral
- parler des tactiques du match avec les entraîneurs
- communiquer avec le staff du club (notamment les personnes qui travaillent dans les bureaux
du club)
- communiquer avec les journalistes
- communiquer avec les sponsors et les partenaires
- communiquer avec les supporters
- comprendre et utiliser le vocabulaire du jeu
- comprendre et utiliser le vocabulaire médical pour les blessures
- comprendre et utiliser le vocabulaire de l'équipement
- comprendre et utiliser le vocabulaire des règles de jeu
- comprendre l'entraînement et les instructions /explications de l'entraîneur ou de préparateur
physique
- comprendre les séances vidéos de préparation d’un match, analyse de l’équipe adverse
- comprendre les séances vidéos de retour sur le match précédent
- comprendre les instructions de l'arbitre pendant un match
Suite à l’analyse des besoins, l’enseignant concepteur de FOS doit créer un programme de
formation adapté aux situations cibles qui ont été répertoriées. Dans notre cas, le
programme de formation couvre une saison sportive, soit environ dix mois, au cours
desquels quatre-vingt heures de FLE/FOS seront réalisées pour chaque groupe. Une fois, le
programme établi, il s’agit de créer les activités adaptées aux situations cibles. En ce qui
concerne les joueurs de rugby professionnels, l’enseignant doit créer la totalité de ses
activités pédagogiques de FOS, puisque rien n’existe en français du rugby ou même en
français du sport. L’adaptation ne s’arrête pas là, puisqu’une fois en classe, il faut encore
adapter sa manière d’enseigner aux spécificités du public.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 66
3.2 En quoi et comment les spécificités d’un public de sportifs professionnels induisent des
pratiques de classe spécifiques
Nous détaillerons ici les spécificités d’un public de sportifs de haut-niveau et nous verrons
comment chacune de ces spécificités conduit l’enseignant à s’adapter en mettant en place
des pratiques de classes spécifiques.
En tant que sport collectif, le rugby est un sport où la notion d’équipe et les valeurs
collectives sont particulièrement fortes. Dans la construction du jeu d’un sport collectif, les
joueurs ont besoin les uns des autres. L’exploit individuel vient souvent d’une action
collective, et il est mis au service du collectif. L’enseignant a donc un groupe d’apprenants
qui travaillent ensemble au quotidien, ce qui ne diffère pas de la majorité des contextes de
FOS mais la particularité ici est qu’ils vivent leur passion ensemble : ils gagnent ensemble,
perdent ensemble et vivent des moments particulièrement forts ensemble. Un club de rugby
est un espace collectif presque clos où les relations interpersonnelles qui cohabitent sur le
terrain se retrouvent en cours de français. Par conséquent, ils sont en règle générale tous
dans le même état émotionnel, en fonction des résultats sur le terrain. C’est indispensable
pour l’enseignant de connaître l’état émotionnel de l’équipe pour adapter les activités de
classe mises en place. Certains moments sont plus opportuns pour des activités comme du
travail de vocabulaire et de la pratique orale. D’autres moments sont plus opportuns pour
des apprentissages plus importants, notamment des notions grammaticales.
Dans une équipe sportive, il y a une hiérarchie entre entraineurs et joueurs, elle est en
apparence moins marquée que dans d’autres contextes professionnels, puisque l’ambiance
est décontractée et ne semble pas très officielle, néanmoins, cette hiérarchie est importante
car ce sont les entraineurs qui décident des joueurs retenus pour le match ou de la
prolongation d’un contrat. Si, dans le cours de français, des joueurs et des entraineurs sont
présents, l’enseignant doit adapter son cours et respecter cette hiérarchie. Il apparaît que
les joueurs et les entraineurs n’ont pas les mêmes besoins prioritaires et en termes de
situations cibles (l’entraineur doit pouvoir en priorité utiliser l’ordre, le conseil, la
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Démarche FOS et pratiques de classe l 67
réprimande, ce qui n’est pas prioritaire pour les joueurs). Il convient donc, quand cela est
possible de mettre en place des groupes différents pour les joueurs et pour les membres du
staff sportif.
Dans le groupe classe, l’enseignant peut avoir plusieurs rugbymen jouant au même poste.
Une rivalité peut s’installer entre eux dans la mesure où un seul joueur est sélectionné pour
le match. C’est encore une particularité, puisque dans la majorité des contextes
professionnels, chacun a son poste et des missions différentes de celles de ses collègues. Des
sportifs professionnels, quand bien même faisant partie de la même équipe, sont en
concurrence au quotidien, à chaque match, c’est-à-dire presque chaque semaine. Il faut une
fois encore modifier le cours pour éviter les situations conflictuelles.
Comme nous pouvons le voir, les individualités existent. Néanmoins, c’est toujours l’état
émotionnel de l’équipe qui prend le dessus, ce qui s’explique par la nature même d’un sport
collectif et la construction du jeu.
Une majorité de sportifs souhaitent un cours qui ne soit pas scolaire. S’ils sont venus en
France c’est pour leur carrière professionnelle de rugbyman mais non pas pour apprendre le
français. Ils ont souvent consacré leur vie aux sports et peu d’entre eux font des études en
parallèle. Il apparaît néanmoins qu’ils sont capables d’être relativement scolaires
individuellement, alors qu’ils ne le sont pas collectivement. Leur profession, malgré tout
l’investissement qu’elle demande reste un jeu. On peut en effet observer un certain
décalage entre l’investissement, le sérieux et le travail, que demande leur profession, et
l’ambiance qui peut régner au quotidien dans la vie d’un club de rugby.
La forme et la structuration du cours s’adaptent donc nécessairement à cette forte
spécificité. Les cours sont de courte durée, environ deux heures. Ils sont également divisés
en plusieurs courtes activités, de façon à ce que le rythme du cours soit soutenu. Plus les
activités sont courtes et variées plus cela va favoriser leur concentration. Il s’agit
effectivement de raccourcir la durée de chaque activité et d’augmenter le nombre d’activités
effectuées sur la séance. Il convient également de varier le type d’activités ainsi que les
supports utilisés ou les modalités de travail de façon à maintenir leur attention et favoriser
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ainsi l’acquisition des compétences souhaitées. De même, il n’y a pas d’unité thématique sur
la séance car cela entraine une certaine lassitude. La même thématique sera donc travaillée
à plusieurs reprises mais au sein de séances différentes.
En ce qui concerne les notions grammaticales, l’enseignant doit mettre en place une manière
différente de travailler la grammaire. La mise en place d’une activité purement grammaticale
risque d’amoindrir l’intérêt des apprenants pour le cours, cela pouvant avoir de mauvaises
répercussions sur l’ensemble de la formation. La règle grammaticale est généralement vue
très succinctement, et nous faisons très peu d’exercices de systématisation. Pour ce public
spécifique, l’enseignant doit pour chaque notion grammaticale élaborer une ou plusieurs
courtes activités qui permettront aux apprenants d’utiliser la notion vue en contexte tout en
leur donnant également un autre objectif, qui lui servira à accroître l’intérêt des apprenants
pour l’activité. L’enseignant doit donc créer la majorité de ses supports et de ses activités, ce
qui demande un temps important de préparation de cours. En revanche, nous avons pu
constater que les membres du staff (préparateur physique, entraineur, etc.) se rapprochent
d’un public plus généraliste. D’où l’intérêt, quand cela est possible d’organiser des groupes
classes distincts entre les joueurs et les membres du staff.
Notre contexte d’enseignement se déroule selon une organisation bien particulière qui a de
nombreuses répercussions sur le déroulement du cours. Si les cours de français sont
indispensables aux yeux de l’ensemble des personnes du club, la priorité reste les
compétences sportives. C’est donc le cours de français qui doit s’adapter aux nombreuses
contraintes organisationnelles.
Premièrement, leur planning sportif chargé induit un cours de français d’une durée limitée,
ce qui est également dû à la fatigue des joueurs après une journée d’entrainement.
Deuxièmement, les cours sont morcelés puisque tous n’arrivent pas en classe au même
moment. Selon leurs postes sur le terrain, les séances d’entrainement et de musculation
peuvent être organisées différemment. De plus, certains ont des rendez-vous avec les
membres du staff médical pendant le cours de français. Au vu des fortes contraintes
existantes, il est malheureusement très complexe de mettre en place une meilleure
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organisation. Le groupe classe est donc rarement au complet du début à la fin des séances.
Ce qui induit une progression particulièrement fragmentée, où chaque notion linguistique
doit être décomposée et vue plusieurs fois de façon à ce que l’ensemble du groupe classe ait
compris cette notion. On se rapproche ici des situations évoquées notamment par Adami
(2012) dans les groupes à entrées / sorties fréquentes.
Les cours de français ayant lieu dans l’enceinte du stade où ils s’entrainent, lorsqu’ils sont en
cours de français, ils sont encore dans leurs rôles respectifs de sportifs professionnels et de
joueurs. Ils apprécient le challenge et la notion de jeu est très pleine de sens pour eux. Pour
Silva, la notion de jeu peut renvoyer à différents éléments qui peuvent se combiner entre
eux en classe de langue. Le jeu c'est à la fois, un matériel ludique (des cartes, des dés, des
pions, etc.), des structures ludiques (l'usage qui est fait de ce matériel ludique), le contexte
ludique dans lequel s'inscrit l'activité (l'ambiance de classe doit être favorable à
l'instauration du jeu), ou encore l'attitude ludique du joueur (Silva, 2008 : 14-18).
Un des avantages important quant à l’utilisation du jeu en classe réside dans la nature même
du jeu, puisqu’il s’agit d’une pratique sociale en tant que telle qui revêt donc un caractère
authentique. Ce qui est d’autant plus vrai pour un public de sportifs professionnels : ils
aiment jouer mais surtout, il s’avère qu’ils savent jouer, c’est-à-dire qu’ils savent mettre en
place les stratégies nécessaires et qu’ils savent s’investir pour atteindre leur objectif :
gagner. Par ailleurs, ils ont l’habitude de conjuguer discours et action et sont donc
particulièrement à l’aise dans l’action. Ce qui pourrait, dans d’autres contextes
d’enseignement, être déstabilisant pour les apprenants, devient pour notre public spécifique
un moyen de mettre les apprenants en terrain connu et donc en confiance. Par exemple, les
sportifs professionnels sont en général très à l’aise dans des activités ludiques impliquant
des mimes, ce qui n’est pas toujours le cas de publics adultes. En utilisant le jeu auprès de ce
public spécifique, l’intérêt pour l’enseignant est de décentrer l’apprentissage. Du point de
vue des apprenants, le but n’est plus d’apprendre mais de jouer. L’apprentissage linguistique
devient donc le moyen d’atteindre un objectif. Comme nous l’avons vu, ils s’investissent
pleinement lors d’un jeu, ils ne font pas semblant de jouer, par conséquent les règles
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
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doivent être très claires, et l’enseignant doit jouer le rôle de l’arbitre : le garant des règles,
celui dont on ne discute pas l’avis.
Utiliser le jeu à des fins linguistiques nécessite que l’enseignant crée lui-même ses propres
jeux, notamment pour créer des jeux permettant de travailler des contenus de français du
rugby. Ce qui implique, une fois encore, un long temps de préparation. Au-delà du jeu, il
convient de favoriser le côté ludique et le challenge dans chaque activité. Chaque activité
peut devenir ludique en modifiant certains paramètres. Pour ce faire, il est possible d’ajouter
certaines contraintes ou certains objectifs de façon à ce que le but soit décentré de
l’apprentissage linguistique. Par exemple, l’enseignant pourra ajouter une contrainte
temporelle à une courte activité linguistique, en mettant les apprenants en compétition, ce
qui favorisera la concentration et l’investissement des apprenants dans l’activité. Ou encore,
en s’appuyant sur le fait qu’il s’agit d’une de leur forces de savoir travailler en équipe, les
répartir en équipe et les mettre en compétition. L’objectif linguistique n’est plus le seul
objectif pour les sportifs professionnels mais il passe au second plan derrière l’objectif
prioritaire de gagner.
Conclusion
Nous avons pu voir que lors d’une formation en FOS, auprès d’un public aussi spécifique que
celui de joueurs de rugby professionnels, au-delà de l’adaptation des contenus aux besoins
des apprenants, il s’agit de poursuivre l’adaptation jusqu’à la manière dont l’enseignement
est dispensé. Effectivement la mise en place d’une démarche spécifique ne s’arrête pas une
fois que le programme de contenus a été élaboré. Même des contenus particulièrement
adaptés aux spécificités du public se révèleraient inefficaces si les pratiques de classe
n’étaient pas elles-mêmes pensées en lien avec les caractéristiques propres aux publics.
Ainsi, notre contexte d’enseignement induit des pratiques de classes particulières qui, en
apparence, peuvent sembler atypiques dans le sens où elles ne sont pas scolaires, ce à quoi
on est habitué dans l’enseignement du FLE. C’est toute la complexité de ce contexte
d’enseignement. Il convient en tant qu’enseignant de garder des objectifs ambitieux pour
favoriser la progression des apprenants. L’enseignant se doit de garder ses objectifs
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linguistiques même s’ils ne sont pas affichés clairement pour les apprenants. La progression
des apprenants est limitée par rapport à d’autres contextes d’enseignement, cela est plus dû
au nombre réduit d’heures réalisées sur une saison sportive qu’aux techniques de classes
spécifiques mises en place. Malgré ces particularités, les objectifs sont atteints pour la
majorité des apprenants. C’est un contexte d’enseignement qui demande un fort
investissement de la part de l’enseignant, qui doit également faire évoluer ses compétences
de façon à s’adapter à un public de sportifs professionnels.
Nous l’avons dit au début de cet article, la question « le Français sur Objectif Spécifique
introduit-il des pratiques de classe spécifiques ? » (Parpette, 2005) est loin d’être nouvelle.
Les exemples de pratiques didactiques citées et analysées ici semblent montrer que les
spécificités des publics professionnels induisent de fait des pratiques spécifiques. Comme
l’ont souligné divers travaux (Cicurel, 2001 ; Fallet, 2016 ; Carras, 2017 ; Abou Haidar dans ce
numéro), l’enseignement d’une langue à des publics professionnels modifie les interactions
et la posture enseignante ; une « classe » de FOS n’est pas une classe « ordinaire », la
posture des différents interactants, les enjeux et les conditions de l’apprentissage, voire
même le contrat didactique, ne sont pas les mêmes. Ces modifications ont nécessairement
un impact sur les pratiques de classe. Finalement, c’est aussi (surtout ?) la question du cadre
projeté (Cicurel, op cit), qui est dans ce cas le monde d’exercice professionnel, que le
formateur en FOS va s’efforcer de reproduire, avec plus ou moins de succès, qui va avoir une
influence déterminante sur les pratiques de classe.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 72
Références bibliographiques
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Démarche FOS et pratiques de classe l 73
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Démarche FOS et pratiques de classe l 74
TÉMOIGNAGE DE PRACTICIEN
Introduction
Cet article s'interroge sur les pratiques de classe à mettre en place par les formateurs en
Français sur Objectifs Spécifiques pour un public étranger qui souhaite évoluer
professionnellement dans le monde de la cuisine et de la pâtisserie françaises. Nous allons
voir qu'enseigner à de futurs cuisiniers et pâtissiers requiert de la part des formateurs de
français des compétences bien précises et un réel savoir-faire. Si le travail de préparation
pédagogique des cours est important, la manière d'enseigner ainsi que les techniques
employées en classe sont fondamentales pour offrir un cours de qualité. Le formateur
devra utiliser les bonnes séquences pédagogiques au meilleur moment et nous verrons
que l'adaptabilité du formateur lors d'une séance est cruciale. Nous savons qu'un cours
donné avec le même matériel pédagogique sera à chaque fois différent. Nous verrons
comment le formateur pourra réussir à trouver des solutions aux éventuels
dysfonctionnements pouvant survenir à tout moment dans un cours. Le formateur devra
aussi faire face à l'état physique et psychologique des étudiants qui varient de manière
significative selon les moments. Les étudiants étrangers de l'école Ferrandi devront être
prêts professionnellement après leur formation à affronter les milieux de la cuisine et de
la pâtisserie. La langue française est une des compétences qu'ils auront à utiliser en
contexte pendant leur stage de fin d'études. Le formateur devra ainsi mettre en place des
activités et des stratégies d'enseignement adaptées à ce contexte spécifique afin de
préparer au mieux les étudiants pour qu'ils puissent développer des compétences orales
leur permettant de bien s'intégrer au sein de leur futur stage mais aussi de faire face à
leur avenir professionnel dans le monde de la gastronomie, un milieu que l'on sait difficile.
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Ferrandi que l'on nomme aussi le « Harvard de la gastronomie » est une école de la
Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris Île-de-France qui a été créée en 1920. Elle
propose des formations diplômantes allant du CAP au Bac +6 pour les jeunes Français
mais aussi des formations continues intensives pour adultes. Concernant les étudiants
étrangers qui souhaitent intégrer Ferrandi, trois programmes leur sont proposés
(« Intensive Professionnal Program in French Cuisine », « Intensive Professionnal Program
in French Pastry » et « Intensive Professionnal Program in French Bread Baking »1) Il est
important de rappeler que les futurs étudiants internationaux sont choisis sur dossier,
incluant deux lettres de recommandation, suivi d'un entretien. La formation à Ferrandi est
onéreuse et intensive puisqu'elle s’étend sur 5 mois (automne-hiver ou printemps) et elle
est suivie d’un stage de 3 ou 6 mois. L'école Ferrandi est très bien située puisqu'elle se
trouve dans le 6e arrondissement de Paris ce qui permet aux étudiants d'être au centre de
la Cité et ainsi de vivre pleinement leur expérience gastronomique dans la capitale.
D'ailleurs, ils profitent en général de leurs week-ends pour découvrir le monde culinaire
en s'adonnant aux classiques visites des boutiques de matériels culinaires comme Simon,
Mora ou Dehillerin pour s'offrir de nouveaux ustensiles et autres gadgets culinaires. Ils
aiment se promener dans les marchés pour y découvrir les spécialités régionales
françaises. Ils se rendent volontiers dans les salons de thé de palaces pour découvrir les
pâtisseries de grands chefs mais aussi pour y vivre « le » service à la française. Pour ces
étudiants, le choix de Paris et de Ferrandi a été mûrement réfléchi et la possibilité de vivre
leur passion les pousse à découvrir notre riche patrimoine gastronomique. Au sein de leur
programme intensif, les étudiants internationaux ont une sortie organisée au MIN
(Marché d'Intérêt National) de Rungis avec leur chef respectif. Ils sont aussi conviés à des
démonstrations de chefs cuisiniers ou pâtissiers qui détiennent bien souvent le titre
1
Le nouveau « Intensive Professionnal Program in French Bread Baking », qui ne compte que quelques
étudiants étrangers à l'heure actuelle, ne retiendra pas notre attention dans notre réflexion car il n’y a pas
de cours de FOS intégré à ce programme.
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honorifique de MOF (Meilleur Ouvrier de France). Ces derniers font vraiment rêver les
apprenants. Ferrandi a le pouvoir d'offrir à ses étudiants internationaux la possibilité
d'entrer dans le ou les établissement(s) prestigieux qu'occupent ces chefs, aujourd'hui
très médiatisés. Ces étudiants auront ainsi la chance de pouvoir côtoyer pendant leur
stage, et peut-être même par la suite, les meilleurs ouvriers français. Pour cela, ils devront
être motivés et être sérieux dans leur travail. Si tout se passe pour le mieux, ils pourront
se voir propulser très rapidement dans la sphère médiatique, une reconnaissance
majoritairement recherchée.
On vient de le voir, les étudiants internationaux qui ont intégré Ferrandi ont des rêves et
leurs attentes sont nombreuses. C'est pourquoi les formateurs de français qui
interviennent à Ferrandi se doivent de bien garder en tête les objectifs des étudiants et,
pour bien comprendre cela, il est important de brièvement rappeler le contexte du
programme imposé par Le français des affaires de la CCI Paris Île-de-France à l'attention
des formateurs de français : « Le programme de français doit permettre aux stagiaires
d'atteindre un niveau de compétence en français leur permettant de communiquer
oralement dans la vie courante et dans leur milieu professionnel (notamment en vue du
stage qu'ils effectueront à la fin de leur formation) ».
L'enseignement est basé sur les besoins des étudiants dans les situations de
communication courantes de la vie quotidienne et professionnelle. L'acquisition de ces
compétences repose sur une large gamme d'activités favorisant la participation active des
étudiants, au travers d'activités d'analyse de documents écrits, oraux ou audiovisuels,
d'exercices de systématisation et d'application, et par le biais de mises en situation de
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réemploi (exposés, simulations, etc.). Pour atteindre au mieux ces objectifs, il convient
que les formateurs de français communiquent régulièrement avec les chefs afin d'assurer
la meilleure continuité possible entre les cours pratiques et les cours théoriques en
français. Ces chefs cuisiniers et chefs pâtissiers, malgré leur emploi du temps chargé,
restent en général disponibles. En effet, les cuisines et les laboratoires de pâtisserie sont
toujours ouverts pour découvrir ou redécouvrir les étudiants dans la pratique. Il est aussi
possible aux formateurs de français de prendre place dans la cuisine et d'assister à une
mise en place et au service du soir qui s'ensuit au restaurant d'application. Il est très
instructif pour le formateur de français de voir comment les étudiants qu'il a en salle de
classe évoluent dans un milieu différent. Ce moment permet au formateur de se
rapprocher de la réalité du terrain, de mieux prendre conscience de la vie en cuisine et
ainsi de mieux adapter son cours à la réalité professionnelle.
Les formateurs de français qui interviennent à Ferrandi sont aussi entourés des
secrétaires de l'école qui aident au bon déroulement logistique (attribution des salles de
classe, distribution des feuilles d'émargement) et à la gestion des problèmes en cas de
soucis. Les formateurs bénéficient aussi du soutien des conseillers pédagogiques du
Français des Affaires qui supervisent la qualité des cours lors des visites de classe et qui
apportent leur aide ainsi que leur expertise pour toutes questions concernant la
didactique du FOS.
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secrétariat, des chefs et des formateurs. Là où nous, les formateurs de français, avons les
étudiants une fois par semaine, les professeurs de cuisine et de pâtisserie les ont cinq fois
par semaine ce qui fait une grande différence dans la relation que les formateurs en
langue et les chefs entretiennent avec les étudiants. La plupart des apprenants sont
jeunes et sont au tout début de leur carrière professionnelle. Dans leur pays, la plupart
d’entre eux habitaient chez leurs parents dans le confort familial. C'est souvent dans la
cuisine de leur maman qu'ils ont appris à réaliser leurs premiers plats ou à élaborer des
entremets. Ils n'ont, pour la plupart, pas cette maturité qu'on leur demandera dès le
début de leur stage. Tout comme les chefs, un des objectifs à remplir des formateurs de
français est de bien leur faire comprendre qu'ils passeront en quelques mois d'amateurs à
professionnels avec toutes les difficultés que cela implique.
Dans leur programme intensif, les apprenants n'ont que 35 heures de cours de français
réparties sur quatorze séances de 2h30 chacune. C'est pourquoi, les formateurs doivent
aller à l'essentiel en sachant que l'objectif premier est de les préparer au mieux à
comprendre leurs futurs collègues de travail et à interagir avec eux, dans le cadre de leur
stage professionnel.
Lors des classes de français, les cuisiniers et les pâtissiers se retrouvent ensemble. Ils sont
mélangés ce qui peut poser un premier problème pour le formateur. Faut-il faire du FOS
50% cuisine et 50% pâtisserie ? Faut-il inclure les deux spécialités en mélangeant les
termes techniques ? Faut-il inclure du FLE classique pour glisser vers du FOS ? Beaucoup
de questions auxquelles il n'est pas toujours aisé de trouver des réponses. Ces dernières
sont encore moins évidentes quand on prend en considération d'autres facteurs que nous
allons énumérer ci-dessous.
Au sein des classes de français, qui ont lieu tous les lundis, chaque formateur est censé
faire le même cours le matin et l'après-midi. En effet, deux groupes sont réunis dans une
classe pendant 2h30 le matin et les deux autres groupes sont réunis dans une autre classe
pendant 2h30 l'après-midi. Il est à noter qu'en règle générale, l'ambiance et la dynamique
du matin sont très différentes de celles de l'après-midi.
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Pour le cours du matin, les apprenants rentrent tout juste de week-end et n'ont pas
toujours l'entrain souhaité par le formateur. Cela peut créer un décalage dès les premiers
instants du cours. D'autre part, ils ont des cours pratiques l'après-midi et nombre d'entre
eux s'y projettent mentalement ce qui diminue leur concentration pour l'étude du
français.
Concernant les étudiants de l'après-midi, ils sortent de leur cours pratique du matin qui,
d’un point de vue physique, n’est pas facile et, pour accentuer leur état de fatigue, le
formateur doit enseigner juste après leur pause-déjeuner ce qui peut conduire à des états
de somnolence.
Il est souhaitable de rappeler que, pendant chaque séance, le formateur doit veiller à la
bonne prise de notes effectuée par ses étudiants car celles-ci resteront précieuses.
2
Chaque salle de classe à Ferrandi est équipée d'un ordinateur et d'un rétroprojecteur pour la diffusion de
documents audios et vidéos.
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Un petit carnet à portée de main est très utile car ils pourront le réutiliser au quotidien
durant leur stage. Néanmoins, le formateur est souvent forcé de constater que ces notes
sont prises directement sur le livre ou sur des feuilles volantes et de façon souvent
illisible. A cela s'ajoute les oublis de stylos et de manuel ce qui peut irriter le formateur et
conduire à l'installation d'une mauvaise atmosphère dans la classe. L'enseignant peut
parfois ressentir un manque de respect pour sa matière mais aussi envers lui-même. Il
devra dans tous les cas rester calme et professionnel. Si le contexte le permet, il pourra
faire une courte parenthèse dans son cours pour apporter des explications sur le
problème en question. Cela permettra de reprendre le cours dans de meilleures
conditions.
Ferrandi est une école d'excellence, aussi le formateur de français, comme tout autre
enseignant, est tenu de réaliser un travail d'excellence. Cette perfection se ressent jusque
dans les couloirs de Ferrandi lorsque les étudiants français ne manquent jamais de saluer
courtoisement les enseignants. Dans le cas des étudiants internationaux, cela se révèle
différemment. En effet, quand ils entrent dans la salle de classe, le « bonjour » est assez
rare, ce qui peut mettre un frein à la mise en route du cours. Le formateur, sans reprocher
cette absence de marque de salutation, peut s’en trouver affecté. Or il s'agit simplement
d'un fait culturel car bien souvent les sourires apparaissent dès les premiers mots engagés
par le formateur.
3
Le Gâteau de Voyage est une pâtisserie fabriquée à partir d'ingrédients naturels qui a la particularité de se
conserver plusieurs jours à température ambiante. Il supporte bien les transports, sa texture est souvent
moelleuse, sans crème et sans fruits frais. Il se mange le plus souvent à la main, lors d'un pique-nique ou
d'un goûter.
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régional ce qui les rend en général assez nerveux. Les étudiants doivent en outre rédiger
leur CV et leur lettre de motivation en vue de la recherche de leur maître de stage. Toutes
ces contraintes qui se succèdent pendant leur formation peuvent les rendre moins
réceptifs au français. C'est au formateur de les garder intéressés, de veiller à ce qu'ils ne
décrochent pas et surtout de s'assurer qu'ils continuent à prendre du plaisir lorsqu'ils
étudient et communiquent en français.
2.1. Comment expliquer que le français ne soit pas toujours une priorité pour les
étudiants
Au fil des sessions, l'enseignement à Ferrandi apprend aux formateurs de français que les
étudiants restent pleinement concentrés et intéressés par leur propre domaine, la cuisine
pour les cuisiniers et la pâtisserie pour les pâtissiers. En effet, ils semblent rester assez
hermétiques à l’apprentissage à d’autres compétences. Cela peut sembler normal à
première vue. Néanmoins une des particularités de notre gastronomie réside dans les
accords entre les boissons (non pas seulement les vins) et les mets4. On s'aperçoit que
quand cette question est abordée, les étudiants y restent bien souvent insensibles. On n’y
voit que très rarement l’œil qui pétille et pourtant les mariages en gastronomie restent la
quintessence de notre patrimoine culinaire. Cet exemple est intéressant car on réalise que
les étudiants peuvent n'être absolument pas intéressés par un savoir qui sort de leur
domaine de prédilection. On peut mettre cet exemple en parallèle avec l'intérêt que ce
public peut avoir avec la langue française. Il est sûr que certains se posent les questions
suivantes : « Pourquoi est-ce que je vais m'investir dans une langue que je ne pourrai
jamais parler ? » « A quoi vont me servir ces 35 heures de cours de français à Ferrandi ? »
« Je n'ai pas besoin du français car les chefs donnent les instructions en anglais. » « Je suis
trop occupé avec les cours pratiques et théoriques que les chefs nous font suivre ». Ces
questions nous amènent à nous interroger sur l'approche à mener pour maintenir l'intérêt
des apprenants et pour rendre les cours les plus intéressants et les plus profitables
possible.
4
Dans leur programme, les étudiants ont un cours sur les vins et sur le design culinaire.
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Doit-on enseigner dans le but de les préparer uniquement à leur stage en sachant que
nous savons pertinemment que les niveaux A1 et même A2 ne seront pas suffisants pour
leur permettre d’être opérationnels pendant leur stage en contact avec un personnel de
restaurant s'exprimant exclusivement en français. Un travail en classe principalement
basé sur un nombre limité de données, répétées en groupe puis individuellement pour
s'en imprégner permettra aux étudiants de mieux les acquérir. Des bases bien acquises les
mettront d'une part en confiance et d'autre part, elles pourront leur apporter un vrai
désir, voire une bonne motivation pour se mettre très sérieusement au français. Cela se
ressent quand les étudiants viennent voir les formateurs de français à la fin de la classe
pour leur demander où ils pourraient étudier le français à Paris. Il faut souligner qu'un
grand nombre d'apprenants reconnaissent que c’est une chance pour eux de pouvoir
étudier le français à Ferrandi mais que le nombre d'heures reste toutefois insuffisant.
Dans le but de permettre de développer des acquis, le formateur devra savoir donner les
bonnes informations (mots, phrases ou expressions) en quantité raisonnable. On
s'aperçoit souvent que le formateur n'a pas conscience du fait de trop donner. Pour se
rassurer, il se dira que donner plus d'informations est mieux que de ne pas en donner
assez. Il est certainement négatif de donner un contenu trop riche aux étudiants car il est
sûr qu'ils ne pourront pas intellectuellement l'intégrer. De ce fait, l'utilisation en contexte
ne pourra pas se faire et la communication sera tout simplement inexistante. Ainsi, une
démarche de systématisation sera en effet plus appropriée et bénéfique pour les
étudiants. Le fait de donner moins de données permettra de plus travailler sur la
répétition et la correction des erreurs. Le formateur pourra ainsi prendre plus de temps à
les aider à moduler leur voix selon les situations qu'ils peuvent rencontrer, à travailler la
gestuelle ou encore à développer l'expression de leur visage. Prenons cette phrase pour
exemple qui pourrait survenir en plein « coup de feu » : « Chef, je ne trouve pas les soles
(dans la chambre froide) ». Français pourrait la formuler ainsi : « Elles sont où les soles,
chef ? ». Comme le chef est susceptible de ne pas répondre, le commis français
augmentera le son de sa voix avec un peu d'empressement : « Chef, les soles ? » ou
encore « Chef, je ne vois pas les soles ». Comment imaginez-vous que les apprenants
étrangers puissent gérer une situation de stress aussi intense ? Le fossé est énorme entre
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 83
Dans leur vie professionnelle, les futurs cuisiniers et pâtissiers connaîtront le fameux
« coup de feu » en cuisine. En classe de français, le formateur se doit de se calquer sur
cette dynamique. Il devra se tenir debout en classe pour pouvoir être maître de
l'ensemble des étudiants lors des différentes activités et toujours garder en tête que, dans
le monde de la cuisine, l'information arrive très rapidement. Pendant le « coup de feu »
qui dure plus ou moins deux heures, les cuisiniers entendront ordre sur ordre. Ils devront
être très réactifs. C'est cela que le formateur de français devra essayer de régulièrement
travailler en classe en priorité. Il devra recréer cette pression, cette tension dans des
simulations et jeux de rôle. Ici, l'emploi et la systématisation des verbes à l'impératif est
un exemple qui permettra aux étudiants d'acquérir des phrases qu'ils entendront tout au
long de leur vie professionnelle. Le second aspect positif est qu'il sera assez simple pour le
formateur de leur demander de mettre l'intonation adéquate selon la phrase utilisée.
Évidemment, cette activité devra se faire de manière structurée et cohérente. Le
formateur devra veiller à la bienveillance de chacun lors de ces exercices un peu
particuliers où l'apprentissage de mots familiers (par exemple : « Bouge-toi un peu ! »,
« Réveille-toi ! », « Bosse plus vite ! ») n'est pas non plus à omettre. Ils font partie de la
réalité et ne pas les inclure dans les dialogues et les séquences seraient un manque. Le
formateur doit rester professionnel sans toutefois créer de barrières entre lui et ses
étudiants. Cela peut paraître paradoxal dès lors qu'on se projette dans l'organisation telle
qu'elle est instaurée dans une cuisine. Le formateur pourrait être constamment gentil et
prévenant pour se protéger des critiques des apprenants, ce qui est le cas dans un cours
de français classique, mais ici à Ferrandi, le contexte amène le formateur à jouer un rôle
pas toujours agréable à jouer, à se surpasser afin de mettre les étudiants en position
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 84
d'efficacité. Les formateurs de français doivent diriger les étudiants mais aussi les
conseiller lorsqu'ils doutent, ne jamais oublier de les motiver et surtout trouver les
moyens de les faire aller au-delà d'eux-mêmes. Pour cela, le formateur ne devra pas
hésiter parfois, à prendre quelques minutes avec un étudiant pour lui apporter ce qui lui
manque, ce dont il a besoin pour retrouver sa place dans le groupe.
Quand le formateur estime que les étudiants se sont bien investis dans les différentes
activités, il pourra leur conter une histoire gastronomique pour faire redescendre une
certaine pression, un certain stress. Cet instant plaît en général beaucoup car ils
apprécient le côté vécu de leurs enseignants. Par exemple, le formateur pourra leur
dévoiler une bonne adresse où ils pourront goûter une excellente religieuse au café, leur
donner l'adresse d'un restaurant où le formateur connaît en personne le chef, leur
soumettre un endroit magique où ils pourront déguster un thé d'exception dans une
atmosphère hors du temps, etc. Le formateur pourra aussi opter pour la diffusion d'une
courte vidéo sur la présentation d'un chef de cuisine ou un chef pâtissier, sur la recette
d'un plat, sur un accord parfait, et cela dans un esprit purement culturel.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 85
au moins une fois dans leur vie dans une cuisine ou un laboratoire. Le formateur doit aussi
savoir les encourager à participer, à parler, à poser des questions et ainsi à se libérer de
certaines appréhensions ou peurs que les étudiants pourraient ressentir. Les mots «
difficile » ou « impossible » sont des termes que les étudiants utilisent beaucoup. De ce
fait, ils se créent un mur psychologique qu'ils s'imaginent ne jamais pouvoir franchir. Le
formateur doit aider les apprenants à ne pas rester dans cette dynamique négative sinon
ils se feront écarter de la brigade et ne tireront que très peu de choses de leur stage en
entreprise. Même s'ils ont l'excuse d'avoir une culture très différente de la nôtre, celle-ci
ne comptera pas en cuisine car seuls les meilleurs gagneront, chacun avec ses forces et
ses faiblesses car ne l'oublions pas, ils visent à devenir de vrais professionnels.
Le formateur ne doit pas oublier que les apprenants ont en général un passé culinaire,
même amateur, et qu'ils ont dans la tête un foisonnement d'idées et de rêves. Pour
réaliser leurs rêves, le temps est très court car juste après la formation Ferrandi, ils se
retrouveront en stage puis directement projetés dans la vie active. Ils seront souvent pris
dans une belle Maison car ils seront diplômés de l'école Ferrandi mais il faudra qu'ils
soient aussi prêts professionnellement. Ils devront faire leurs preuves dans leur domaine
respectif. Ils devront avoir cette force de caractère et cette autonomie qui leur
permettront d'évoluer dans la brigade et devront aussi savoir communiquer en français
de manière précise. C'est pour cela qu'un des rôles du formateur en langue et des chefs
est de leur faire comprendre qu'après leur programme, ils entreront dans la vie active et
qu'ils seront des professionnels et non plus des amateurs. Le décalage qui existe entre
amateur et professionnel de la cuisine ou de la pâtisserie est conséquent et il faut avouer
que les émissions qui abondent sur les chaînes de télévisions et que les étudiants
internationaux regardent peuvent être bien éloignées des réalités du monde de la
restauration.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 86
Malgré les problèmes que nous avons soulevés précédemment, il est important de créer
occasionnellement au sein de la classe un système de brigade comme ils le vivent au
quotidien avec les chefs pendant les cours pratiques en cuisine et en laboratoire. Le
formateur endosse le rôle du chef et les étudiants deviennent les différents personnages
de la brigade. Évidemment, nous nous retrouvons dans un système rigide tel que nous
pouvons l'imaginer dans un contexte militaire. Cette organisation de classe amènera le
formateur à se positionner au-dessus des étudiants dans la hiérarchie au sein de l'activité
mais il ne devra pas oublier que cela reste une activité de classe. Il appartient donc à
l'enseignant d'encourager et d'apporter de la bonne humeur pendant les mises en scène.
C'est ici que l'art d'enseigner à de futurs professionnels de la restauration de haut niveau
prend tout son sens.
Le formateur doit opter pour un système d'apprentissage efficace afin de mettre ses
étudiants en mode opérationnel en vue de leurs prochaines années de vie active. Un
système trop rigide pourra s'avérer dangereux car extrême dans la manière de faire.
Néanmoins, le formateur de français devra trouver des techniques de cours pour faire
sortir les étudiants de leur confort, de leur coquille. Quand les étudiants arriveront en
stage dans un environnement bruyant avec les mouvements perpétuels des collègues qui
graviteront autour d’eux, des bruits de matériel, le bruit de la ventilation, etc., ils devront
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 87
se faire entendre. Or, en classe, le public, majoritairement asiatique, est très discret. C'est
pourquoi, dès le premier cours, il est toujours intéressant de faire un aller-retour dans la
classe en serrant la main de chaque apprenant et en créant une première interaction «
Bonjour » à l'aller, puis « Au revoir » au retour. On peut poursuivre l'expérience en leur
demandant de dire à voix haute : « Oui, Chef ! ». Cette activité qui ne prend qu'une
quinzaine de minutes permet au formateur de mémoriser l'ensemble des étudiants de sa
classe, de voir comment chacun réagit et qui sont les apprenants les plus réservés, les plus
timides. Pour pousser cet exercice un peu plus loin, un autre exemple dans une classe de
débutants complets n'est plus le travail sur un mot mais sur une phrase courte. Quatre
exemples pour illustrer le propos :
- Phrase exclamative avec liaison : « J'ai mal à la tête. » (jè ma la la têt) ou encore « Utilise
un œuf ! » (utilizun neuf !) ;
Les activités ci-dessus se pratiqueront en expression orale après avoir travaillé l'alphabet
et les principaux sons du français. Il s'agit d’une démarche intéressante car elle reprend
de manière exacte les sons de base de la langue. Ils seront compréhensibles par tous. La
non-utilisation de l'API (Alphabet Phonétique International) est volontaire puisque son
utilisation requiert des prérequis de la part des étudiants et nous savons que beaucoup
d'étudiants n'ont pas ou peu de notions de ce système. Le formateur travaillera aussi sur
la segmentation des syllabes. L'objectif des exemples ci-dessus est de les dire de manière
parfaitement compréhensible et audible. En effet, pendant le coup de feu en cuisine, les
collègues français de notre stagiaire étranger n'auront pas le temps de venir tendre
l'oreille et une bonne compréhension orale sera plus qu'utile, elle sera nécessaire.
Il semble très positif de sortir les apprenants de leur zone de confort afin de les préparer à
bien s'adapter à un nouvel environnement professionnel. Ainsi, les futurs stagiaires
devront très souvent faire face à des situations imprévisibles et des situations d'urgence
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 88
comme durant le fameux coup de feu que l'on a précédemment évoqué. Le formateur
devra savoir les surprendre en n'hésitant pas à les interroger par surprise et cela tout au
long de la durée de la classe. Les apprenants aiment presque toujours s'asseoir à la même
place (sentiment de sécurité), parfois près du chauffage ou au fond de la classe (sentiment
de confort). Il est conseillé au formateur de leur demander de changer de place à chaque
cours, de se mélanger et de ne pas rester avec leur ami(e) ou leurs ami(e)s. Il est toujours
intéressant de les envoyer au tableau face à l'ensemble de la classe pour se présenter
(A1/A2) ou pour faire une présentation sur un thème de gastronomie (B1/B2) A chaque
cours, le formateur peut envoyer un ou deux étudiant(s) écrire les réponses d'un exercice
avec l'ensemble de la classe qui corrige en renfort. Beaucoup d'étudiants détestent ce
système de classe mobile mais s’il est bien mis en œuvre, ils arriveront à comprendre que
cette façon de faire est vraiment positive pour eux. Ils arriveront à sortir de leur coquille,
ils s'épanouiront et la classe deviendra chaleureuse avec des situations amusantes. Avant
que cela fonctionne naturellement, les peurs et la timidité de chacun créeront des
malaises.
Une autre technique pour leur faire prendre conscience de leur passivité, qui est parfois
pesante pour le formateur, est de s'asseoir et d'attendre... et attendre encore... pendant
que l'ensemble des étudiants laissent planer un blanc dans la salle de classe. Pour la
plupart des cultures asiatiques, le silence n'est pas quelque chose de forcément
dérangeant, mais quand il est poussé trop loin, les étudiants commencent aussi à le
ressentir. Devant cette attente de l'enseignant, quelques regards commencent à se
croiser, un sentiment de gêne naît, puis un malaise apparaît, ensuite une petite angoisse
s'installe et là, on peut sentir les esprits et les corps s'agiter avant que la prise de parole
ne reprenne. C'est à ce moment-là que le formateur doit prendre quelques précieuses
minutes pour leur expliquer pourquoi ils sont là, que ce n'est pas au formateur de faire
tout le « job », mais bien à eux. Le formateur a cette obsession de rendre ses apprenants
actifs et non pas de les laisser dans cette passivité très scolaire. Ces facteurs culturels
donnent tellement de difficultés aux formateurs de langue qu'il serait beaucoup plus
simple de suivre à la lettre la progression pédagogique et de ne s'en tenir qu'à cela. C'est
là que réside le nœud du problème entre une conception pédagogique figée et un
enseignement sur le terrain qui demande beaucoup de souplesse pédagogique.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 89
Conclusion
L'utilisation d'un matériel pédagogique, même bien adapté pour ce type de public,
n'apporte pas toutes les réponses aux étudiants. Le formateur doit répondre aux
exigences de son public avec des réponses claires et précises dans une atmosphère
sereine, tout en respectant le cadre professionnel. Comme nous l'avons vu, la bonne
énergie du formateur est cruciale dans ce type de cours. Il doit savoir apporter des clés,
des solutions, ne pas hésiter à lever la voix quand le contexte le nécessite et ne doit
jamais oublier d'encourager et de féliciter les apprenants. Quand le formateur aura
constaté que les étudiants ont fait des efforts et se sont impliqués dans leurs tâches, il
pourra leur conter une histoire vécue ou leur diffuser une vidéo liée à la gastronomie.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 90
Bibliographie
BENCINI, V., CANGIOLI, M.-P., NALDINI, F. et PARIS, A., 2015, En cuisine et en salle :
français professionnel B1 – B2, Clé International.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 91
Cet article 10 a pour double objectif de présenter d’abord une approche didactique où le rôle
de l’enseignant est celui d’un guide qui enseigne une méthodologie d’apprentissage et
ensuite deux outils pour l’écriture académique : les corpus numériques et le lexique
phraséologique transdisciplinaire.
L’hypothèse de départ est issue d’un constat après plusieurs années d’enseignement du
FOU 11 auprès d’étudiants de Master et de Doctorat avec un niveau B2-C1 en français. Il s’agit
de vérifier si la présentation d’une méthode d’apprentissage de l’écrit universitaire serait
moins anxiogène qu’une entrée par la langue. En effet, les étudiants non spécialistes en
langue, et devant rédiger en L2 (français ou autre) avec un niveau B2-C1, sont parfois
contrariés par la langue de spécialité qu’ils doivent manipuler tandis qu’ils maitrisent leur
discipline (chimie, gestion, histoire…). Afin d’aider ces étudiants à rédiger, il est apparu qu’un
cours de méthodologie de l’écrit universitaire tourné d’abord vers un outil numérique, puis
vers un aspect spécifique de la langue, diminue leur anxiété face à la langue.
Ainsi, notre objectif global se structure en deux grandes parties : 1/ aider les apprenants à
utiliser les corpus numériques pour leurs écrits académiques et 2/ les aider à découvrir le
lexique transdisciplinaire approprié à ce type d’écrit. Pour ce faire, nous présentons une
recherche-action développée sur plusieurs années afin d’avoir des données à la fois côté
apprenants et côté enseignants ; puis nous aborderons les outils : les corpus numériques et
le lexique transdisciplinaire ; enfin, nous donnerons les résultats constatés.
L’approche didactique qui nous intéresse ici est celle développée dans le cadre du Français
sur Objectif Universitaire (FOU) (Mangiante Parpette, 2011) en lien étroit avec l’ingénierie de
formation (Leclercq, 2003). Au plan didactique, nous avons pris en compte différentes
10
Cet article est la reprise partielle d’un article paru chez ISTE sous la direction de A. Tutin et M.-P. Jacques
(Cavalla, 2018).
11
Français sur Objectif Universitaire.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 92
étapes développées sur plusieurs années au fil de projets de recherche (ANR Scientext 12
avec le projet FULS 13 puis l’ANR TermITH 14) et de suivis d’étudiants :
- L’élaboration d’une séquence : d’abord en ligne avec le projet FULS (Cavalla, 2014 ; Cavalla,
2015), puis en présence à l’aide des corpus numériques dans le cadre des thèses de doctorat
de Tran (2014) et Yan (2017) ;
- L’élaboration des activités didactiques : les activités développées sont en lien avec le
corpus et prennent en compte la dimension « numérique » de l’outil.
Une telle organisation est représentée dans le schéma 1. L’article se concentre sur les étapes
5 et 6 du programme FOU, tandis que les étapes précédentes ont fait l’objet d’autres
publications.
12
Responsables : A. Tutin et F. Grossmann. Interface ScienQuest : https://corpora.aiakide.net/scientext19/
13
Formes et Usages des Lexiques de Spécialités. Responsable : C. Cavalla : http://webtek-66.iut2.upmf-
grenoble.fr/index.php?dossier_nav=689
14
Terminologie et Indexation de Textes en Sciences Humaines. Responsable : E. Jacquey : http://www.atilf.fr/
ressources/termith/
15 Ces travaux ont été réalisés en partie par des étudiants de Master FLE de Grenoble. Ces derniers ont
participé au développement des projets Scientext, FULS et TermITH.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 93
Les extraits d’activités choisis ci-dessous intègrent les deux aspects évoqués : les corpus
numériques et le lexique phraséologique transdisciplinaire.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 94
l’utilisateur choisit une sous-catégorie de cette fonction (par exemple : « insister sur une
idée ») et des expressions appropriées (des éléments phraséologiques) apparaissent (dans ce
cas : à ce propos, en l’occurrence, à propos de…).
Sur la copie d’écran 2, on distingue les fréquences des éléments dans le corpus ce qui donne
un aperçu de leur utilisation dans le champ scientifique (ici on voit que à propos de est
fréquent avec 4*).
La copie d’écran 1 donne à voir la position de l’élément dans la phrase (plutôt postverbale
ou finale pour à propos de), sa définition sommaire, sa catégorie grammaticale et sa portée
sémantique qui contribue à une insertion appropriée dans la phrase. Il manque des
exemples, mais les développeurs sont en train d’y réfléchir soit en ajoutant un lien direct
vers ScienQuest, soit en indiquant quelques phrases.
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 95
- son appropriation d’abord libre, puis avec des contraintes linguistiques (recherche
d’éléments phraséologiques),
Cette séquence a été mise en place auprès d’étudiants de différents Masters en Sciences
Humaines 16 (langues, psychologie, droit) avec des L1 variées. Leur niveau en français variait
du B2 au C1 et ils devaient rédiger un mémoire en français. Le cours s’est déroulé sur 20h en
un semestre.
16
Elle a été testée plusieurs fois auparavant avec des étudiants d’autres disciplines universitaires : chimie,
gestion, histoire…
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 96
- Réfléchir à une méthodologie de rédaction : penser à utiliser l’outil pour vérifier quels sont
les éléments fréquents, pour lister/s’approprier les éléments linguistiques utiles à la
rédaction…
L’entrée est donc outillée. Cela a pour effet de rassurer les étudiants parfois stressés face à
des éléments linguistiques inconnus. La démarche est dite « directe » (Chambers, O'Sullivan,
2004), car nous plaçons les étudiants devant les ordinateurs et nous ne leur fournissons pas
d’éléments présélectionnés pour deux raisons : leur niveau en langue leur permet d’opérer
des tris et les choix de mots dépendent trop de leurs écrits personnels ; il nous serait alors
difficile de deviner les besoins individuels des étudiants-apprenants.
Le cours commence alors par ce qu’ils connaissent (le « déjà-là ») sous forme de vérification
de leur « intuition linguistique ». La question posée (« Dit-on plus souvent Je prends un
risque ou J’attrape un risque ? », « Dites-vous Je mets la table ou Je mets le couvert ? ») les
conduit sur Ngram Viewer 17, interface qui permet de vérifier la fréquence de lexies isolées
ou d’éléments phraséologiques dans un corpus écrit. Souvent les étudiants connaissent cet
outil fort apprécié pour la vérification de son intuition en langue étrangère. Il leur est alors
demandé de trouver une traduction de l’élément fréquent appropriée à un contexte
particulier de leur choix, grâce à Linguee (site connu des apprenants). Enfin, le dernier
exercice de découverte permet de vérifier deux choses avec eux et pour eux : 1/ leur
méthode de recherche en ligne, 2/ ce que le web ne nous donne pas à voir pour l’aide à
l’écrit académique. La demande parait simple a priori, et reste pourtant sans réponse pour
certains étudiants : « Dans quel type de phrase trouve-t-on l’expression en particulier ?
Comment s’en servir dans les écrits académiques ? ». Dans chacune des trois formations
dispensées à des apprenants (Master et Doctorants : environ 100 personnes), la moitié tape
en particulier dans la case de recherche en ligne, le plus souvent sans guillemet, et l’autre
17
URL : https://books.google.com/ngrams
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 97
moitié adopte des stratégies variées, de type : recopier la question dans la case (ce qui est
fort pertinent, mais non approprié à la recherche en ligne telle qu’elle est proposée
actuellement) ou bien indiquer une partie de la question, souvent la fin (« expression en
particulier »). Peu d’étudiants mettent des guillemets et aucun n’utilise la recherche
avancée. Comme le précisent Boulton et Tyne (2014), les étudiants ont besoin de formation
à la recherche en ligne, formation qui contribue, nous semble-t-il, à l’appropriation de la
méthodologie de la recherche universitaire.
L’appropriation de l’outil est donc progressive, allant d’outils que les apprenants connaissent
bien ou partiellement, vers les corpus numériques souvent inconnus des étudiants. Ainsi, la
2e partie de la consigne du dernier exercice invite l’enseignant à guider les apprenants vers
ces corpus. En effet, la recherche sur le web permet difficilement d’extraire le type
d’éléments que les corpus numériques nous offrent, sous forme de concordancier. Le
premier corpus auquel ils ont été confrontés est Le corpus français de Leipzig 18 parce qu’il
propose des chiffres de fréquence d’utilisation immédiate. Une aide à la lecture des données
est proposée sous forme d’échange collectif, puis, chacun cherche un mot de son choix et
doit expliquer les données obtenues d’abord à son voisin, puis au groupe (Kübler, 2014).
Ensuite, pour présenter un concordancier, nous commençons par Lextutor 19 qui est un petit
corpus avec lequel l’étudiant peut lire et trier les extractions. Nous les encourageons alors à
comparer les résultats des corpus comme dans l’exemple ci-dessous :
18
URL : http://corpora.uni-leipzig.de/fr?corpusId=fra_mixed_2012
19
URL : https://lextutor.ca/conc/fr/
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 98
Enfin, nous leur présentons le Lexicoscope 20 dans lequel les extractions sont nombreuses et
l’interface conviviale. Ils doivent alors chercher leurs premiers éléments phraséologiques et
faire leurs premiers choix pour un tri spécifique, selon un objectif linguistique lié au choix de
l’élément phraséologique, en accord avec l’enseignant. Souvent les étudiants commencent
par des exemples cités en cours comme « émettre une hypothèse », puis chacun reprend
des éléments trouvés dans des articles ou tentent des associations lexicales peu communes
telles que « petits jeunes » ou « engendrer des résultats ».
Une fois les apprenants à l’aise avec les concordanciers de Lextutor, de Lexicoscope et les
listes fréquentielles du Corpus Français de Leipzig, ils sont invités à découvrir ScienQuest puis
le DiCorpus.
20
URL : http://dip01.u-grenoble3.fr/~kraifo/lexicoscope/lexicoscope.php
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 99
Cette entrée ne laisse pas de choix à l’apprenant, mais lui permet de visualiser rapidement
ce que le site propose. L’utilisateur est invité à choisir une entrée sémantique (l’opinion par
exemple) puis le type d’élément linguistique (les verbes), et un concordancier apparait à ce
propos avec des éléments pré-triés. Les étudiants sont alors invités à réfléchir aux choix des
entrées sémantiques (notamment sur la place de ces éléments dans leurs écrits) pour en
proposer d’autres. Ensuite, pour les guider vers la recherche libre, la réflexion s’oriente vers
le détail des extractions : les variations au plan lexical (choix des verbes et des noms
associés) et sémantique (divers sens apparaissent) sont à trier pour faire un choix personnel
et utiliser l’élément qui parait correspondre le mieux aux attentes du scripteur. Avant de
passer à la recherche libre, DiCorpus est présenté. L’outil fournit des éléments pré-
sélectionnés et donc oblige les apprenants à préciser leur questionnement linguistique pour
leur écrit, notamment ce qu’il est important de mettre en avant dans leur rédaction. Ils
doivent alors rédiger les questions qu’ils se posent et ensuite tenter de trouver les éléments
appropriés à la rédaction scientifique pour énoncer leur pensée. Les questions récurrentes
sont du type « Comment écrire mes questions de recherche ? » ou « Comment citer un
auteur ? ».
Croiser ainsi les données des classes sémantiques proposées dans ScienQuest et celles
autour des marqueurs discursifs de DiCorpus fait émerger à la fois des questions, mais aussi
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 100
des prises de conscience de la part des apprenants. On constate leur soulagement quand ils
s’aperçoivent que par exemple est très présent dans les écrits scientifiques et qu’ils peuvent
l’utiliser sans complexe 21.
Le deuxième temps du cours est l’aide au choix des lemmes à chercher et donc l’aide à
affiner les recherches sur les corpus. Ceci conduit à utiliser la recherche libre. C’est à partir
de ce moment que les apprenants sont entrainés vers la démarche DDL (Data Driven
Learning) puisqu’ils peuvent faire une requête sur n’importe quel lemme afin de découvrir
simultanément le contenu du corpus et l’utilisation d’un lemme. Nous remarquons qu’ils ne
sont pas complètement dans une démarche DDL, car le temps imparti pour un cours (parfois
seulement 45mn selon les pays), ne permettent pas l’extraction et le tri de n-grammes pour
une découverte exhaustive des trésors cachés du corpus.
L’introduction des corpus dans la classe est rapidement suivie par l’introduction des
éléments phraséologiques. Sans prononcer « élément phraséologique », les étudiants
prennent conscience après quelques exemples, de la fréquence de ces formes figées ou
semi-figées dans la langue. L’entrée dans ces éléments linguistiques passe par la traduction
qu’ils ne trouvent pas littéralement 23 et les oblige à envisager de nouvelles stratégies de
21
Des représentations de l’écrit et de l’oral seraient à étudier dans ces contextes universitaires où les étudiants
ont souvent de bons niveaux en langue.
22
Centre National de ressources Textuelles et Lexicales : http://www.cnrtl.fr/
23
L’exemple de « poser une question » est clair pour tous car ils ont l’anglais comme L1, L2 ou L3 et connaissent
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 101
mémorisation. Le chemin que les liens neuronaux du cerveau doivent parcourir est alors à
envisager en relation directe avec le sens de l’élément phraséologique et non avec sa forme.
C’est en ayant pour objectif l’aide à cette mémorisation voire à la mise en place de nouvelles
stratégies d’apprentissage que nous avons développé les activités suivantes.
D’abord nous avons mis en relation la forme et le sens grâce aux entrées sémantiques de
ScienQuest et DiCorpus. Le sens est premier et la forme suit immédiatement dès l’instant où
l’enseignant laisse les apprenants chercher seuls dans l’interface de requêtes libres de
ScienQuest. Ainsi, les apprenants sont conduits à envisager les mots qu’ils cherchent pour
énoncer leurs réflexions scientifiques, non pas à partir d’autres mots, mais à partir de
concepts dans lesquels s’insèrent ces mots : avancer une question contient un verbe dit
« d’opinion » et appartient, dans le classement de ScienQuest, à la classe sémantique
« Évaluation et Opinion ». L’expérience montre que nombre d’étudiants n’a pas l’idée a
priori d’utiliser le verbe avancer dans un tel cadre sémantique. Nous encourageons donc
l’apprenant et l’enseignant à adopter une démarche onomasiologique, c’est-à-dire de se
situer d’abord dans un concept, puis de consulter les entrées lexicales possibles et s’attarder
sur l’une d’entre elles si nécessaire (approche sémasiologique). L’expérience montre que
l’apprenant réagit d’abord de façon inverse (entrée sémasiologique) : il choisit un mot qu’il
tente de traduire et de placer au bon endroit. Les outils présentés permettent l’inverse et
surtout donnent à voir les mots possibles et les plus fréquents, c’est-à-dire ceux qui ne
correspondent pas systématiquement à ceux envisagés par l’apprenant. On constate alors
que les apprenants écartent la traduction après quelques exemples d’impossibilité. Ainsi,
entrent-ils, de fait, dans la démarche onomasiologique qui simultanément les entraine
davantage encore dans une réflexion quant à leur rédaction.
Les observations des cours et des stratégies des étudiants ont permis d’aboutir à la
séquence suivante : une fois l’utilisation des corpus maitrisée ainsi que la compréhension du
lien sémantique entre des classes sémantiques et les mots présents dans ces classes, alors
les apprenants entrent facilement dans des exercices de repérage tels que présentés ci-
après. L’exercice s’effectue à partir de l’extrait de l’introduction d’un article pris dans
ScienQuest et des questions de découpage sémantique de l’extrait sont alors proposées aux
« to ask a question ».
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Démarche FOS et pratiques de classe l 102
étudiants, en petits groupes, pour une première approche. Voici l’extrait et les consignes
afférentes :
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Démarche FOS et pratiques de classe l 103
Une fois ces éléments rassemblés avec des informations morphosyntaxiques (l’insertion
appropriée des éléments), lexicales (le choix des mots associés) et sémantiques (la place
rhétorique de l’élément), nous demandons aux étudiants de rédiger une introduction (ou
une conclusion ou un développement selon l’entrée choisie) à l’aide de tous les outils
auxquels ils ont désormais accès.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 104
Nous constatons un effet bénéfique de l’utilisation des corpus pour l’apprentissage des
éléments phraséologiques. En effet, au fil des enseignements dispensés, nous constatons
que les étudiants connaissent certains des éléments phraséologiques fréquents mais
présentent des difficultés à les utiliser à bon escient. En outre, leur intuition linguistique ne
les aide pas à savoir pourquoi insérer certains plutôt que d’autres. L’indication de fréquence
trouvée dans les corpus les rassure quant au choix lexico-sémantique tandis que les
exemples les aident pour l’insertion syntagmatique. Ainsi, pouvons-nous donner quelques
résultats à partir des données recueillies auprès des étudiants de Master du niveau B2-C1.
L’appropriation a été vérifiée, pour les étudiants de Master de niveau B2-C1, à l’aide d’une
présentation orale et écrite de leur sujet de recherche. Les éléments phraséologiques
devaient à la fois figurer sur le diaporama 24 de présentation et dans le discours oral
l’accompagnant. Nous avons alors retrouvé des éléments
- du LST : Cette recherche s’adresse à, Cet article porte sur, Nous montrerons que, il semble
légitime de s’interroger sur, Nous pourrons donc avancer l’hypothèse que, Nous nous
sommes demandé si…
Ce qui est encourageant, c’est l’appropriation créative. Certains étudiants ont fait des
associations qui sont tout à fait acceptables dans l’écrit scientifique, mais que nous n’avions
pas vues en cours : Notre première supposition est, Notre seconde supposition est. Nous
savons que certains les ont trouvées dans le corpus tandis que pour d’autres, nous n’avons
pas d’indice quant à la stratégie développée. Si nous comparons avec des enseignants en
formation continue, nous avions constaté qu’ils retrouvaient les extraits dans le corpus,
qu’ils comparaient alors avec d’autres extraits contenant un élément phraséologique proche
sémantiquement et associaient cela à leur imagination. De fait, nous avions eu des résultats
plus riches en termes linguistiques, mais il s’agissait d’enseignants de FLE.
24
Une courte séance a eu lieu pour l’aide à l’élaboration d’un diaporama.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 105
Au fil des exercices, les apprenants étaient fortement encouragés à toujours chercher
d’autres éléments dans les corpus. La pédagogie adoptée est celle de la collaboration. Tous
les exercices étaient faits en groupe, parfois de petits défis intergroupes étaient proposés et
chaque exercice devait finir par un récapitulatif personnel, sous forme de liste des éléments
phraséologiques, de notes à propos d’une procédure pour trouver telle information dans tel
corpus, etc. L’aide à la rédaction s’est donc sans cesse déroulée sur deux plans : un premier
plan outillé avec les corpus et les sites en ligne, et un deuxième plan linguistique avec les
éléments phraséologiques du LST. Nombre d’étudiants étaient d’abord impressionnés par
l’interface de ScienQuest et se servaient plus aisément de Lextutor (dont l’interface n’est
pourtant pas si aisée) et du Lexicoscope. Cependant, la majorité d’entre eux s’est finalement
tournée vers ScienQuest en raison des requêtes infructueuses dans les corpus non
spécialisés. Se dirigeront-ils davantage vers Lexicoscope dans lequel apparaissent désormais
des textes scientifiques ? Il reste une étude à faire à ce propos.
Conclusion et discussion
Les séquences développées ont une entrée outillée accompagnée d’une démarche
onomasiologique directe pour l’introduction des éléments phraséologiques du LST. Ceci s’est
avéré fructueux dans les productions écrites et orales des étudiants.
Dans le cadre de la thèse de Tran (2014), les exercices, à partir d’extraits longs de
ScienQuest, permettaient de faire des distinctions sémantiques fines entre des marqueurs
discursifs. L’exemple de la distinction sémantique entre à savoir et c’est-à-dire dans des
articles de recherche montre une complexité difficile à surmonter pour des apprenants non
spécialistes de la langue. Ces exercices ont permis des distinctions sémantiques et la prise en
compte de la ponctuation. Ce travail a été repris dans DiCorpus qui est apprécié des
étudiants. Enfin, dans la thèse de Yan (2017), les facteurs d’aide à la mémorisation sont
réunis. Les classes sémantiques permettent une entrée didactique plus abordable pour des
apprenants non-linguistes, car elles représentent des notions qu’ils reconnaissent. Le fait de
devoir comparer, décrire ou examiner un élément apparait comme une action accessible
tandis que la « démarcation » reste un concept et donc un exercice difficile pour un étudiant
débutant en écriture scientifique.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 106
Ces différents essais ont abouti à la séquence présentée ci-dessus et ont permis aux
étudiants d’aborder plus sereinement leur rédaction. L’entrée outillée guide les apprenants
qui voient alors la langue comme un réel élément à manipuler. Ensuite, leur objectif
rédactionnel les oblige à voir la langue dans toute sa complexité sémantique. Pour
l’enseignant, l’utilisation des corpus devient l’objectif premier des séquences mais aussi un
tremplin vers l’introduction d’éléments complexes de la langue pour ensuite entrainer les
apprenants à s’approprier la méthode d’interrogation du corpus et les éléments
phraséologiques du LST. L’apprenant comprend rapidement l’interface d’interrogation des
corpus pour effectuer des requêtes. L’autonomie d’interrogation du corpus ScienQuest est
facilitée par les entrées de la recherche sémantique immédiatement compréhensible par les
apprenants.
Pour reprendre les questions soulevées au fil de l’article, nous avons constaté que les
apprenants n’avaient plus systématiquement recours à la traduction dès l’instant où l’outil
les aidait à voir les éléments et qu’ils avaient compris que la traduction littérale n’était que
rarement possible. Notons que pour l’enseignement du lexique, même si les neurosciences
commencent à nous donner des pistes sur le fonctionnement de la mémoire, la question de
« l’aide à la compréhension des discours » reste floue (qu’est-ce que comprendre, au
fond ?). La question de « comment apprendre à apprendre » trouve une réponse ici en
abordant le contenu à acquérir par l’outillage. Nous espérons guider l’apprenant vers
l’autonomie de l’utilisation des corpus et des éléments linguistiques à utiliser pour rédiger.
En d’autres termes, une fois que l’apprenant sait où chercher l’information utile à sa
rédaction personnelle, une fois qu’il a pris conscience de l’existence du LST, alors son
autonomie d’apprentissage et de production scientifique ne peut être qu’en bonne voie. En
outre, l’aspect affectif présent dans ce genre d’écrit, et notamment le stress de l’écriture,
diminue au fil de la découverte de l’outil dans un premier temps et des éléments
linguistiques appropriés dans un second temps. Nous envisageons désormais de mieux
prendre en compte les affects dans ces cours pour l’aide à la rédaction scientifique.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 107
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Démarche FOS et pratiques de classe l 108
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Démarche FOS et pratiques de classe l 109
En milieu universitaire, des demandes telles que celles issues des Services de Relations
Internationales (SRI) pour enseigner le FOS à des fonctionnaires de ce secteur, ou encore
d’autres destinées aux étudiants de différentes disciplines qui préparent des programmes de
mobilité académique, sont devenues monnaie courante.
25
Le programme IsF est composé de 7 langues étrangères : allemand, anglais, espagnol, français, italien,
japonais et portugais langue étrangère.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 110
Il est important de préciser que les étudiants de français qui veulent devenir enseignants
dans le programme IsF-F ne peuvent exercer que deux ans dans l’équipe pédagogique. Par
conséquent, les professeurs/coordinateurs pédagogiques doivent réaliser un travail de
formation en continu pour préparer les nouvelles recrues à l’enseignement du FOU.
Dans ce contexte, quel plan de formation à la didactique du FOU développer chez ces futurs
enseignants ? Quelle méthodologie de travail les enseignants doivent-ils adopter pour
optimiser la participation des étudiants en salle de classe ?
Pour répondre à ces questions, nous nous sommes fixé deux objectifs :
- expliciter les axes de formation des enseignants de FOS et de FOU, compte tenu des
spécificités du contexte brésilien ;
Pour conclure, nous reviendrons sur les aspects formateurs de cette expérience en
ingénierie de la formation et en ingénierie pédagogique.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 111
ateliers proposés par les centres de langues des universités. Les enseignants apprennent
ainsi à identifier et à analyser les accords de mobilité académique de leurs universités
(études intégrées ou double diplôme), ainsi que les situations de communication orales et
écrites auxquelles les étudiants sont susceptibles d’être confrontés : cela leur permet de
procéder à l’inventaire des actes langagiers qui feront partie intégrante de la formation. La
collecte de documents oraux et écrits, suivie de la sélection ultérieure de ceux qui seront
didactisés, sont deux étapes très formatrices dans la mesure où ce travail nécessite de la
part des enseignants une réflexion sur les objectifs communicatifs, linguistiques et culturels
à atteindre.
- Le contact avec le SRI de l’université pour préciser la demande ; celle-ci a été justifiée par la
nécessité de préparer le personnel du secteur aux situations spécifiques de communication
orale et écrite (répondre à des e-mails par exemple) lors de la préparation et de la réception
des missions des IES françaises à l’USP ;
- Une enquête par questionnaire a été effectuée auprès de 21 SRI : son objectif était de
clarifier le profil du public et ses besoins. Cela a permis de collecter des informations telles
que la disponibilité du public visé par la formation, son niveau de langue, les fonctions
assurées dans le secteur ;
- À partir des réponses obtenues, l’analyse des besoins a fait ressortir des informations qui
ont permis de réaliser l’inventaire des situations de communication à travailler dans le
cours ;
- La collecte de documents oraux et écrits a été faite aussi bien à partir de manuels de FOS
que de supports suggérés par le groupe, comme des e-mails à traiter ou des formulaires à
remplir ;
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Démarche FOS et pratiques de classe l 112
En ce qui concerne le FOU, les études de cas retenues dans le cadre de la formation portent
sur des situations transversales issues du milieu académique français, par exemple
l’organisation du système universitaire, les modalités de cours et d’examens, les activités
associatives. Des éléments relatifs à la culture universitaire 26 française ont également été
intégrés. La préparation à différentes situations auxquelles les étudiants sont susceptibles
d’être confrontés dans un contexte universitaire français est donc réalisée dans une
perspective élargie qui prend en compte la dimension culturelle (Parpette, 2014 : 3).
Dans ce contexte, la situation des étudiants désirant poursuivre leurs études dans les
Grandes Écoles d’Ingénieurs en France a retenu l’attention des formateurs. Le programme
Brafitec (Brasil France Ingénieurs Technologie) de mobilité académique est l’un des plus
importants au Brésil 27. Les cours de FOU s’adressent aux étudiants de différentes filières en
sciences de l’ingénieur qui préparent leurs échanges. Avec ce public, on se rapproche de
situations plus disciplinaires avec des discours qui portent sur des sujets spécifiques
(Parpette, 2014 : 6).
Dans le cas de l’École Polytechnique de l’USP, les étudiants ont quatre mois pour suivre le
cours de FOU, à raison de 2 heures/semaine ; ils ont le niveau B1 du Cadre européen
commun de référence pour les langues (CECRL) et ils sont issus de différentes filières : génie
civil, génie industriel, génie mécanique, génie naval, génie chimique, génie électrique et
génie informatique. Pour identifier leurs besoins, il est important de solliciter les étudiants
ayant déjà effectué un séjour en France. On peut ainsi identifier les difficultés qu’ils ont
rencontrées dans diverses situations d’expression orale : la présentation d’un exposé,
l’interaction avec les autres étudiants dans les séances de travaux dirigés (TD), la description
26
Voir les activités proposés dans le site « Etudier en francophonie/Estudar em francofonia » à
l’adresse https://clarolineconnect.univ-lyon1.fr/ - cliquer sur spiral connect (accès extérieurs), identifiant
invite_compte et mot de passe invie_compte
27
Au Brésil, 28 universités ont l’accord Brafitec.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 113
Les questionnements qui apparaissent dans cette étude de cas portent sur les difficultés des
enseignants à comprendre en quoi consiste leur rôle : développer un travail en tant que
spécialiste de la langue française, tout en ayant la possibilité de mobiliser les savoirs des
étudiants en tant que spécialistes de leur domaine. Il s’agit donc de réfléchir et de mettre en
place une programmation et une méthodologie qui puissent optimiser la participation des
étudiants, que ce soit dans des tâches à accomplir en salle de classe, ou en autonomie à
l’extérieur de la classe.
Ceci est vraiment essentiel parce que les jeunes enseignants sont habitués à travailler avec
un matériel qu’ils connaissent à partir des suggestions d’activités qui sont déjà prêtes dans
les manuels de français langue étrangère. En FOU, il y a tout un travail à faire, en particulier :
- l’inventaire des compétences langagières à développer chez les étudiants, qui sont liées
aux discours qui circulent en milieu universitaire,
- le choix des modalités de travail en classe et à l’extérieur de la classe, ainsi que des types
d’activités à réaliser pour favoriser la participation des étudiants.
Par rapport au programme « Idiomas sem Fronteiras (IsF) », l’offre des cours de FOU est très
particulière et complétement opposée à celle que les enseignants et les étudiants
rencontrent habituellement dans des cours de langue de longue durée portant sur des sujets
plus généralistes. Dans le programme IsF, il s’agit de cours de courte durée – 16h, 32h, 48h –
autour de thématiques relatives au FOU et se rapportant à des actes langagiers liés au
développement de compétences transversales à plusieurs disciplines (ou plus spécifiques).
Dans certains cas, comme celui des étudiants se destinant à des études d’ingénieur, le
module « préparer et présenter un exposé à la française » permet aux étudiants de
s’approprier des savoirs notamment linguistiques (grammaire et lexique) particuliers à
chaque filière.
28
Des coordinateurs pédagogiques des universités qui ont l’accord Brafitec ont fait des entretiens informels
avec des étudiants de retour d’échange. Les premières informations ont été échangées dans la plateforme
Moodle, espace créé par le programme IsF pour rendre plus facile les contacts entre les collègues.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 114
En tenant compte des points développés dans la première partie de cet article, nous
considérons que l’expérience de la classe inversée mise en place avec un groupe d’étudiants
en Ingénierie à l’École Polytechnique de l’USP peut illustrer de nouvelles pratiques
d’enseignement et d’apprentissage du FOU.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 115
Il s’agissait de leur proposer des activités en présentiel et sur la plateforme Moodle, leur
permettant d’acquérir la méthodologie nécessaire pour faire un « exposé à la française », et
de développer des compétences linguistiques et discursives spécifiques. Nous disposions
d’un total de 12 heures réparties sur 6 cours (à raison de 2 heures en présentiel auxquelles
s’ajoute l’accompagnement individuel sur Moodle), et d’un 7e cours pour la présentation des
exposés. Le groupe était formé de 12 étudiants, issus de plusieurs filières (génie civil,
industriel, électrique, naval, des mines et énergie, mécanique et informatique), possédant le
niveau B1 du CECRL ; il s’agissait de leur première expérience de présentation d’un exposé
en français dans leur filière. Il fallait donc leur proposer des activités portant sur la
méthodologie de l’exposé, la présentation des diapositives, l’organisation du contenu (titre,
problématique, plan, développement, description des images ou des graphiques,
conclusion), et enfin l’attitude à adopter devant le public.
Tout d’abord parce qu’il nous a semblé que c’était la manière la plus efficace pour mettre en
place un travail collaboratif entre l’enseignant et les étudiants. Dans la classe inversée
(Valente, 2014 ; Bergmann et Sams, 2016 ; Mattar, 2017) l’enseignant et l’apprenant
changent complètement de rôle. Pour ce qui est de l’enseignant, il s’agit d’articuler le
présentiel et le virtuel en proposant aux étudiants des activités d’interaction en salle de
classe à partir de ce qu’ils ont fait en autonomie sur Internet ou sur la plateforme. Quant aux
étudiants, il faut qu’ils comprennent que l’activité réalisée en dehors de la classe est
déterminante pour leur participation active en présentiel. Il faut aussi qu’ils prennent
conscience du fait que ces activités leur permettent de mobiliser les connaissances
disciplinaires et les savoirs qu’ils pourraient acquérir lors des recherches sur Internet liées au
sujet de leurs exposés.
Le concept d’inversion repose sur un travail approfondi de la part des étudiants en dehors de
la classe, qui serait orienté par l’enseignant vers les tâches suivantes :
Points Communs - Recherche en didactique des langues sur objectif(s) spécifique(s), N° 47 │ 5-2019
Démarche FOS et pratiques de classe l 116
L’enseignant joue le rôle de guide d’apprentissage plutôt que celui de porteur de savoirs à
transmettre. En outre, l’objectif est de favoriser des apprentissages plus actifs dans la
mesure où tout ce qui est fait en autonomie à l’extérieur de la classe est mobilisé par la suite
en classe dans un travail collectif impliquant tous les étudiants. Il ne s’agit pas de considérer
le traditionnel « devoir à la maison » comme si c’était la mise en place de l’approche
inversée. La procédure est beaucoup plus complexe aussi bien pour l’enseignant que pour
les étudiants.
Selon Bishop et Verleger (2013), lorsqu’il opte pour la classe inversée, l’enseignant
s’implique davantage dans la préparation des activités que les étudiants devront faire en
amont, parce que les tâches à accomplir produisent des résultats qui seront mobilisés lors
des activités de groupe en classe. En cas d’utilisation d’une plateforme, des vidéos peuvent
être mises en ligne, avec des contenus spécifiques nécessaires à maîtriser lors du travail fait
en autonomie : pour l’enseignant, cela représente un travail énorme de recherche et de
création de matériel pédagogique.
Pour ce qui est des étudiants, cette approche leur permet de mobiliser leurs connaissances
en langue française en fonction de leurs propres apprentissages, sans passer par des cours
magistraux qui seraient assurés par l’enseignant. Il s’agit donc d’un changement culturel,
d’une culture d’apprentissage qui les implique davantage et qui les amène à clarifier en quoi
consiste le fait d’apprendre à apprendre.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 117
Dans le cadre de la formation des enseignants en vue de favoriser une réflexion méthodologique,
les différences entre une salle traditionnelle et une salle inversée sont schématisées dans la
figure 3.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 118
En ce qui concerne les enseignants de FOS et de FOU, nous avons observé des réactions
plutôt négatives de leur part, dans le cadre de la préparation de cours destinés à un public
de professionnels ou à des étudiants de différentes filières d’un même domaine d’études,
comme l’ingénierie. Les discours spécifiques au volet disciplinaire, le lexique et les
expressions propres à chacune des filières leur posent en effet de nombreuses difficultés :
comment définir les contenus des cours ? Comment didactiser les documents oraux et écrit
sélectionnés ? Quels supports choisir ? Comment les exploiter ? Comment mobiliser les
savoirs des étudiants en vue d’atteindre des objectifs langagiers spécifiques ? Comment
favoriser l’interaction et le travail en groupe, l’échange d’informations et la construction de
nouveaux savoirs et de nouvelles compétences ? Quelles sont les différentes étapes du cours
(en présentiel et à distance) qui pourraient caractériser la classe inversée ?
En vue d’apporter des éléments de réponses à ces questions, l’étude de cas retenue se
réfère au développement d’une série d’activités développées dans le cours de FOU à la Poly-
USP, « préparer et présenter un exposé à la française ».
La séquence de cours (figure 4) comprend des activités en salle de classe et des activités à
l’extérieur, mises en ligne sur la plateforme Moodle. L’idée globale du scénario correspond à
l’identification et au développement des étapes classiques d’un exposé en milieu
universitaire français :
• Choix du sujet
• Contextualisation
• Problématique
• Plan de l’exposé
• Développement
• Conclusion
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Démarche FOS et pratiques de classe l 119
Pour commencer (cours présentiel 1), l’enseignant fait un travail d’identification du genre
discursif retenu (présentation orale, exposé), et de sensibilisation aux caractéristiques de
cette activité en milieu universitaire français. Il s’agit de montrer aux étudiants un exposé
type pour qu’ils puissent repérer les aspects méthodologiques et culturels – manière de
présenter et contenus – de la présentation orale ; en effet dans le contexte académique
brésilien, la tâche de présentation d’un exposé ne suit pas nécessairement toutes les étapes
existant dans le milieu universitaire français. La manière de présenter, l’ordre dans lequel les
points à traiter doivent être organisés, les informations à intégrer dans chaque item, sont
autant d’éléments nouveaux pour les étudiants, qui sont plutôt habitués à entrer
directement dans le vif du sujet.
Pour toutes ces raisons, l’observation d’un exposé à la française leur permet d’identifier
chaque point et sa spécificité. Du point de vue culturel, la présentation du contexte de la
thématique, suivie de la problématique, sont des aspects tout à fait nouveaux et très
intéressants à faire relever par les étudiants brésiliens. En outre, pour ce qui est des
contenus, ce sont les savoirs scientifiques propres à leur domaine d’études qu’ils peuvent
identifier.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 120
La suite des activités consiste à définir le type d’exposé présenté, c’est-à-dire identifier sur
quoi porte le discours : description des étapes d’une expérience réalisée en laboratoire,
présentation d’un sujet à caractère polémique, etc. (cela peut varier selon le choix de
l’exposé-type proposé par l’enseignant).
Dans ce premier cours, l’attention est donc attirée sur le titre, la contextualisation, la
problématique et le type d’exposé à partir de l’exemple présenté par l’enseignant. En
groupes, les étudiants travaillent sur ces différents points en optant pour des thématiques
liées aux différentes filières en ingénierie, comme par exemple :
• L’énergie solaire,
• La circulation dans les grandes villes,
• La bio-ingénierie,
• L’ingénierie de la communication,
• La mécanique des fluides et le transfert de chaleur,
• La biodiversité.
Pour ce qui est des autres points – le plan de l’exposé, le développement et la conclusion, les
étudiants travaillent en autonomie, à distance, à partir des activités guidées préparées par
l’enseignant, comme on peut le voir dans le tableau 1. Sur Moodle, l’interaction étudiant-
enseignante a été réalisée dans le but de donner à chacun un feed-back sur les tâches à
accomplir.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 121
objectifs pour chaque étape sur la plateforme, le choix des supports, les fiches pédagogiques
pour bien articuler le présentiel et le virtuel. Il faut signaler l’importance des consignes de
travail liées aux tâches à accomplir dans chaque activité.
Semaine 1 - Cours 1
Activités
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Démarche FOS et pratiques de classe l 122
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Démarche FOS et pratiques de classe l 123
tout en échangeant sur les informations identifiées. L’interaction orale est donc mise en
valeur.
Un travail spécifique sur l’explication des graphiques est réalisé 30, car en sciences de
l’ingénieur leur présence est très marquée. En groupe, chaque étudiant doit présenter à ses
camarades un graphique et un tableau de chiffres qu’il a préalablement reçus, en simulant
une présentation orale de diapositives. C’est l’occasion pour les étudiants de discuter des
modalités d’introduction de l’explication des graphiques, des chiffres à sélectionner pour
illustrer le tableau, puisqu’ils ne sont pas supposés lire toutes les données. La mise en
commun permet aux étudiants de comprendre l’articulation entre l’écrit de chaque
diapositive et leur discours oral au moment de la présentation.
Semaine 3 - Cours 3
30
En général, dès la première semaine, je leur demande de me fournir des exemples de graphiques et tableaux
de leurs cours ou filières en particulier.31 Texte original : A atividade da elaboração de um exposé foi a mais
relevante. Acredito que a parte desde o planejamento até a apresentação do exposé foi rica de aprendizados, já
que o aluno passa a pesquisar mais sobre um assunto que talvez não entendesse tanto e ainda assim realiza a
pesquisa em francês, podendo desenvolver também a prática da língua.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 124
Activités
Semaine 4 - Cours 4
Dans le courant de la cinquième semaine, l’objectif du cours 5 est d’aborder les éléments
suivants :
- Les différentes manières de poser une question pour présenter la problématique à traiter ;
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Démarche FOS et pratiques de classe l 125
Les étudiants avaient à leur disposition une fiche d’observation à remplir en groupe pour
ensuite faire la mise en commun.
Dans les échanges sur Moodle (dialogue), les étudiants poursuivent la préparation et la
finalisation de leurs exposés. En autonomie, ils travaillent sur les champs lexicaux liés à leurs
filières, ce qui constitue une activité très encourageante.
Dans le cadre du cours 6 (sixième semaine), les étudiants bénéficient chacun d’une
rencontre en présentiel.
Semaine 5 - Cours 5
Semaine 6 - Cours 6
• S’entraîner à l’oral,
• Systématisation linguistique et lexicale des expressions à
Objectifs retenir pour la présentation.
Activités
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Démarche FOS et pratiques de classe l 126
Après avoir présenté ce dispositif, que nous avons-nous-même expérimenté sur le terrain, il
est nécessaire d’en mentionner les points forts et les points faibles.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 127
Nous pouvons donc constater que c’est bien un dispositif d’ingénierie pédagogique qui a été
mis en place à la Poly-USP : en d’autres termes, tout un travail qui consiste à préparer et à
répertorier toutes les étapes justifiant le choix et la mise en place des activités, des supports,
des modalités de cours et de fonctionnement retenues.
Cette pratique réflexive est censée être habituelle chez les enseignants, mais elle ne l’est pas
nécessairement. La mise en place d’un programme d’enseignement du FOU exige de la part
de l’enseignant une implication différente d’un cours de français général. Ceci entraîne des
changements au niveau de la réflexion sur les pratiques d’enseignement et d’apprentissage
liées aux approches méthodologiques plus actives, dont la classe inversée est un exemple.
C’est le point fort de cette expérimentation du point de vue de l’enseignant.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 128
Un bilan final a été effectué auprès des étudiants. Voici quelques extraits de leurs propos,
traduits en français, l’original est en note de bas de page en portugais :
Cependant, cette expérimentation a montré ses limites : très peu d’exemples d’exposés en
milieu universitaire français sont disponibles sur Internet, on manque donc d’outils qui
pourraient servir à montrer aux étudiants la diversité de sujets et les différents types de
discours développés dans un tel contexte académique. Il serait intéressant de mettre en
œuvre une collaboration entre les universités brésiliennes et les Grandes Écoles françaises.
Celles-ci pourraient fournir des exemples filmés d’exposés d’étudiants ce qui permettrait de
constituer un éventail diversifié d’exemples à traiter.
31
Texte original : A atividade da elaboração de um exposé foi a mais relevante. Acredito que a parte desde o
planejamento até a apresentação do exposé foi rica de aprendizados, já que o aluno passa a pesquisar mais
sobre um assunto que talvez não entendesse tanto e ainda assim realiza a pesquisa em francês, podendo
desenvolver também a prática da língua.
32
Texte original : O exposé e toda a pesquisa que o antecedeu foram as atividades mais importantes para mim,
pois foi quando eu pude compreender o vocabulário técnico e como o meu tema era tratado na França, além
de poder praticar o oral e o escrito.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 129
Un autre élément qui mérite d’être relevé concerne les fiches pédagogiques : ces dernières,
qui devaient orienter le travail à faire en dehors de la classe, posaient quelquefois des
problèmes de compréhension, ce qui entraînait des messages de demande de confirmation
sur le travail à effectuer. Ces messages étaient postés dans l’espace « Dialogue » ou dans le
forum dédié aux questions.
Au fur et à mesure que le déroulement des cours progresse, il devient plus clair pour
l’enseignant que son rôle consiste à guider les étudiants plutôt que leur faire des
présentations magistrales. Le fait d’élaborer des fiches pédagogiques et de concevoir des
consignes relatives aux différentes activités est un travail très formateur puisqu’on devient le
concepteur de la totalité du matériel de cours.
Il est évident que la classe inversée présuppose une plus grande participation et une
autonomisation des étudiants, grâce à une plateforme en ligne qui est mise à leur
disposition, ce qui incite à une attitude plus active en présentiel. L’élaboration du matériel
présenté dans cette expérimentation n’est pas terminée ; une vaste collecte de données,
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Démarche FOS et pratiques de classe l 130
tenant compte du caractère spécifique des différents types d’exposés, pourrait enrichir le
programme de cours. Enfin, en matière de formation des futurs enseignants de français,
plusieurs orientations de recherches sont envisagées dans le cadre de la formation en
Licence ès-Lettres, et qui impliqueraient les coordinateurs pédagogiques responsables du
programme Idiomes sans Frontières-Français.
Conclusion
Au terme de cette réflexion sur les caractéristiques des cours de FOU au Brésil à la lumière
du Programme IsF et de l’expérimentation menée à l’École Polytechnique de l’Université de
São Paulo, il est clair qu’un travail considérable doit être envisagé à plusieurs niveaux.
Pour finir, la classe inversée apparait comme une opportunité qui permet à l’enseignant de
FOU de mieux comprendre son rôle de spécialiste en langue, ainsi que le rôle de spécialiste
de l’étudiant dans son domaine d’études, à travers une méthodologie qui met celui-ci au
centre de son apprentissage.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 131
Références bibliographiques
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en enseignement supérieur : état des connaissances scientifiques et recommandations »,
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mis en ligne le 06 mars 2017, consulté le 23 janvier 2019. URL :
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MATTAR, J., 2017, Metodologias ativas para a educação presencial, blended e a distância,
São Paulo, Artesanato editorial.
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Grenoble, PUG.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 132
1. Avant-propos
La démarche didactique du Français sur Objectif Spécifique (désormais FOS) induit une
relation pédagogique équilibrée entre l’enseignant de langue et les apprenants spécialistes
d’un domaine particulier (professionnel ou académique). L’enseignant de FOS apparaît
comme un spécialiste en langue mais comme un profane dans le domaine de spécialité des
apprenants, qui relèvent de ce domaine de spécialité dans leur langue maternelle ou dans la
langue dans laquelle ils ont appris leur spécialité ou dans laquelle ils pratiquent leur métier
(souvent l’anglais dans les domaines scientifiques par exemple).
La démarche du FOS est centrée sur une analyse des besoins langagiers des apprenants dans
leur contexte professionnel et implique donc une ingénierie pédagogique nécessitant une
collaboration étroite de l’enseignant de FOS avec le monde professionnel.
Cette collaboration impacte la relation pédagogique entre l’enseignant et les apprenants, et
les interactions au sein du groupe-classe. Elle instaure une proximité didactique particulière
renforcée souvent par une proximité spatiale avec les nombreuses formations FOS qui se
tiennent sur les lieux-mêmes de la pratique professionnelle des apprenants : locaux de
l’entreprise, chantiers, réception d’hôtel, salles de restaurant…
Ces conditions matérielles spécifiques s’avèrent propices à la mise en place de simulations
très proches de la réalité de la pratique langagière et elles semblent particulièrement
cohérentes par rapport à la spécificité de la démarche FOS. Elles suscitent une réflexion sur
les types de pratiques pédagogiques qui peuvent en découler et que nous développerons
dans cet article à partir de quelques exemples de formations FOS sur site, analysées selon
l’angle des interactions entres apprenants, entre apprenants et enseignant(s), afin de
dégager une spécificité de la relation pédagogique en FOS.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 133
Les conditions spatiales et matérielles font émerger des questions sur l’influence du lieu, sur
le rôle des professionnels dans l’organisation, l’animation des séquences et l’évaluation de la
formation.
Nous présenterons ici quelques exemples de formations FOS conçues et animées par les
enseignants du département FLE de l’université d’Artois, formations complétées par les
travaux des étudiants du Master 2 FLE/FLS/FOS en milieux scolaire et entrepreneurial de
l’université d’Artois, effectués lors des stages obligatoires.
L’analyse de ces formations portera d’abord sur la nature des modifications apportées aux
interactions en classe de langue par les conditions spatiales et matérielles sur sites
professionnels, dans lesquelles elles se sont tenues. Les caractéristiques de ces formations
assurées sur sites révèlent la dimension sociologique et sociolinguistique du FOS, dont la
spécificité est de répondre à des contraintes écologiques, temporelles, ergonomiques etc.,
propres au monde professionnel. Cette influence environnementale et sociale révèle ainsi
une caractérisation du FOS par rapport à des formations en français général qui se tiennent
dans un lieu « neutre », extérieur, « hors contexte » de la vie quotidienne ou
professionnelle.
Ainsi parmi les notions sociologiques à convoquer dans l’analyse de ces formations FOS,
figurent celles de contexte social, de proximité, de variations langagières liées aux enjeux
socioprofessionnels, etc.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 134
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Démarche FOS et pratiques de classe l 135
Les apprenants serveurs jouent leur propre rôle individuellement dans un dialogue
professionnel réel avec des clients (ou d’autres apprenants jouant le rôle de clients) à une
table, le reste du groupe observe et évalue. Un roulement est alors mis en place pour que
tous les étudiants puissent intervenir au sein d’un dialogue. Les autres tables sont occupées
par des clients de l’hôtel.
Sur un public d’apprenants de niveau faux débutant, peu motivé, l’impact sur la motivation
intrinsèque du groupe sera important car le transfert de formation apparaît comme
immédiat et correspond à un besoin directement subjectif et ressenti par les apprenants.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 136
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Démarche FOS et pratiques de classe l 137
langue étrangère qui vont ainsi concevoir un déroulement pédagogique commun et une
grille d’évaluation commune.
Figure n°2 : Exemple de grille d’évaluation commune (source : École supérieure d’hôtellerie
de Chypre)
Cette grille a été conçue par les enseignants de langue et de DNL et a été rédigée en anglais,
langue de travail à Chypre imposée par la direction pour les documents de travail car
partagée par tous les enseignants qui ne parlent pas tous le grec (notamment les professeurs
de langue).
L’enseignant doit concevoir des situations (ou utiliser des situations produites par les
professionnels de l’institution) dans lesquelles les performances de l’étudiant attesteront de
sa maîtrise de la compétence (Beillet et Mangiante, 2017 : 325).
Pour les enseignants de DNL, il s’agit d’évaluer les compétences professionnelles en français
dans la maîtrise de tâches professionnelles ; pour l’enseignant de FOS, il s’agit d’évaluer les
compétences linguistiques en français sur objectif spécifique dans la maîtrise de tâches
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Démarche FOS et pratiques de classe l 138
langagières (au sens du CECR) spécialisées. Le point de convergence réside dans la maîtrise
des discours de spécialité qui participent à l’accomplissement des tâches professionnelles,
notamment dans l’accomplissement du protocole d’action (enchaînement des opérations ou
micro-tâches) et du protocole culturel (Mangiante et Meneses, 2016 : 31).
Répartition de
Compétences Compétences
l'évaluation entre FOS
professionnelles linguistiques
et DNL
La formation sur site favorise ainsi l’émergence de tels projets communs assortis d’une grille
d’évaluation mutualisée. Elle développe également la compétence évaluative chez les
étudiants en les rendant réflexifs sur leurs pratiques et permet d’évaluer la maîtrise tant
linguistique que méthodologique sur des tâches spécifiques au milieu professionnel. Les
étudiants sont amenés à s’entraîner pour passer la certification finale et déterminer les
remédiations à apporter.
Parmi les projets communs proposés aux étudiants, nous pouvons citer les exemples
suivants (pour le FOS) :
1. Élaborez une recette pour une tarte salée ou une tarte sucrée pour un évènement de
l’école et filmez sa préparation ;
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Démarche FOS et pratiques de classe l 139
Il s’agit ici des titres de projets professionnels réalisés par les étudiants placés en groupes au
sein desquels ils se répartissent les tâches. Les enseignants des disciplines sont associés au
déroulement des projets et les caractéristiques professionnelles des tâches à produire et
présenter doivent être prises en considération. La démarche de projet est ainsi suivie dans la
mesure où les étudiants ont été associés à leur conception, au déroulement des activités et à
l'élaboration des savoirs nécessaires à leur réalisation. Le moyen d'action de cette pédagogie
est fondé sur la motivation des élèves, suscitée par l’aboutissement à une réalisation
concrète (vidéo du projet présentée en dehors de la classe).
Il existe également des cas particuliers de FOS où la salle de classe peut devenir le lieu d’une
expérimentation professionnelle au cours de laquelle les apprenants peuvent pratiquer en
situation « semi-authentique » leur activité professionnelle. On ne peut pas alors parler de
« formation sur site » mais plutôt d’une forme de simulation très réaliste pouvant impliquer
également des professionnels.
Ce fut le cas d’une formation pour des apprenants en FOS, stagiaires de Guinée Equatoriale
et spécialistes dans le domaine de l’hygiène-propreté-maintenance, formés à l’université
d’Artois durant l’été 2016, en vue de passer un CAP en maintenance des bâtiments avec un
module de normes d’hygiène et propreté. Les apprenants avaient un profil de niveau allant
du A1 au B1 + au début de la formation. Chacun d’entre eux avait un diplôme de
qualification dans leur profession (peinture, électricité, informatique, plomberie, ingénierie
de gros œuvre) mais aucune formation en nettoyage et en maintenance des bâtiments. Il
s’est avéré nécessaire de recourir au référentiel de compétences langagières pour les
métiers de l’hygiène-propreté, conçu par le laboratoire Grammatica de l’université d’Artois
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Démarche FOS et pratiques de classe l 140
avec l’appui du lycée professionnel Joliot Curie d’Oignies (Royer, 2018 : 27) afin d’étudier les
différentes parties des discours professionnels de ce domaine.
La démarche a permis de mutualiser les compétences et de concevoir des activités
pédagogiques d’enseignement et d’évaluation intégrant l’apport et le concours de
professionnels du secteur.
La salle de classe au sein de l’université d’Artois est devenue l’objet d’un projet
pédagogique : la transformation de la salle commune de la résidence universitaire Bernanos
(sur le campus d’Arras) en salle de classe.
Les consignes du projet sont les suivantes : L’Université d’Artois a décidé d’aménager
certaines salles communes de la résidence Bernanos afin de les rendre opérationnelles pour
des cours d’été. Pour cela, elle lance un appel à projets que vous souhaitez gagner.
En équipe, vous devrez analyser les aménagements nécessaires pour établir un diagnostic et
faire une proposition à l’Université d’Artois. Vous devrez mobiliser toutes vos connaissances
apprises pendant la formation.
A ce stade de la formation, les apprenants ont atteint le niveau B1 (pour ceux qui avaient le
niveau le plus faible au début de la formation) nécessaire à la réalisation du projet. Après
avoir étudié les différents protocoles, ils devaient travailler en groupes de trois afin de
trouver la meilleure manière en respectant les normes de sécurité et d’hygiène qu’ils avaient
étudiées dans les différents protocoles. Ils ont dû ensuite faire des propositions
d’organisation de la salle et argumenter à l’aide d’une présentation de type « diaporama ».
Au sein de cette présentation, ils ont dû répondre aux questions du jury.
La maîtrise du schéma argumentatif et de ses structures était nécessaire puisqu’ils devaient
justifier leur proposition de projet, leurs choix de procédures et de matériaux. La procédure
allait de la construction de chambres étudiantes à la mise en service effective, c’est à dire la
possibilité d’utilisation de cette chambre ainsi que l’entretien effectué par les agents
d’hygiène et de propreté. Par conséquent, ils devaient prendre en compte la procédure de
nettoyage avant la mise à disposition de la chambre étudiante (Royer, 2018 : 28).
Les documents de travail et la grille d’évaluation du projet ont été conçus par l’enseignante
de FOS et des professionnels du secteur, dont un formateur du GRETA de Lille qui a fait
partie du jury.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 141
Figure n°4 : Grille d’analyse du projet conçue avec les professionnels pour les apprenants
• Étalez le décapant en couches épaisses, à l'aide d'un pinceau et laissez agir. Les solvants
attaquent les peintures.
• Lorsque le décapant a désagrégé la peinture, grattez le support. Les résidus de peinture se
détachent sans résistance.
• Pour les traces récalcitrantes, utilisez une brosse métallique.
• En cas de couches successives de peinture, renouvelez l'application de décapant.
Conseil plus
Après un décapage chimique, il est conseillé de rincer le support à l'eau, de bien le sécher et
de le poncer légèrement, afin d'obtenir un support parfaitement net.
Le décapage thermique
Le décapage thermique s’effectue à l'aide d'un décapeur thermique ou d'un chalumeau.
L’utilisation de ces outils nécessite un certain savoir-faire et d’extrêmes précautions. Si vous
êtes débutant, préférez la méthode chimique.
Figure n°5 : document de travail sur le décapage conçu en commun pour une partie du
projet
La démarche suivie ici révèle l’implication sur le terrain de la formation des professionnels
du secteur. Il ne s’agit pas ici d’une formation sur le site de la pratique professionnelle mais
d’un déplacement des professionnels sur le site de la formation qui devient aussi le lieu de
cette pratique professionnelle.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 142
2.2.4. Formation FOS pour les joueurs étrangers du Racing club de Lens
Depuis deux ans le département FLE de l’université d’Artois assure la formation des joueurs
étrangers allophones du club de football du Racing club de Lens. Il s’agit d’une formation
FOS sur site, dans les locaux du club près du stade Bollaert à Lens. Les locaux utilisés chaque
semaine par l’enseignante de FOS sont la salle de réunion du club utilisée régulièrement par
l’entraîneur pour analyser les matchs, les vestiaires, salle de repos et de relaxation, salle de
soin, couloirs du stade, stade d’entraînement…
La démarche FOS (Mangiante et Parpette, 2004 : 7) a été respectée avec une analyse des
besoins langagiers de ce public particulier : communication avec l’entraîneur, les
préparateurs sportifs, le médecin, le kiné, le président du club, les supporters, la presse, les
autres joueurs…
La formatrice a pu mesurer la participation active des professionnels : l’entraîneur qui
accepte d’être enregistré durant les séances de préparation, les responsables techniques qui
ont apporté un appui technique pour le lexique, la compréhension des situations sportives
(transmission des consignes, démarches stratégiques…).La formatrice a pu également avoir
un accès libre à tous les documents disponibles : planning, tableaux d’organisation sportive…
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Démarche FOS et pratiques de classe l 143
et les instances du club assurent avec elle une évaluation régulière des progrès réalisés par
les joueurs en formation, un entretien avec l’entraineur est effectué après chaque séance.
Les exemples qui précèdent et, en particulier la formation sur site dans les locaux du Racing
Club de Lens révèlent l’influence du contexte environnemental sur la formation FOS et
l’impact sur la motivation intrinsèque que la localisation entraîne.
Outre la facilité et la praticabilité que cette localisation induit, les enseignants constatent
qu’ils réalisent et font réaliser à leurs apprenants une meilleure compréhension des
paramètres situationnels qui correspondent à leur réalité professionnelle. Ils assistent
également à une plus grande participation des professionnels qui sont sur place et qui
comprennent mieux leur rôle et l’objectif spécifique de la formation. La démarche
didactique du FOS est davantage comprise et les enseignants de langue ont un accès facilité
aux données langagières et aux ressources authentiques ainsi contextualisées.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 144
3. Analyse des conditions spatiales et matérielles des formations FOS sur site
professionnel : une dimension sociologique du FOS
La localisation des formations FOS sur les sites des entreprises constitue un élément
essentiel de la contextualisation des situations et des discours, propre au FOS. Ces derniers
sont davantage réalistes et permettent aux apprenants de se projeter dans les situations
qu’ils auront (ou ont dans certains cas) à vivre à l’issue de la formation. Ils permettent de
mieux appréhender la dimension réflexive que le FOS nécessite pour être efficace : « l’idée
d’un "savoir contextualiser" dans l’action formative implique une connaissance du terrain,
du champ d’investigation, de son histoire, son action, ses réseaux interactionnels… »
(Bretegnier, 2011 : 128). Au cœur de l’entreprise le formateur en langue sur objectif
spécifique perçoit mieux, au contact des professionnels, les enjeux et les conditions des
interactions en situations de travail. La place et le rôle des apprenants au sein de l’entreprise
conditionnent les interactions langagières produites et constituent des paramètres
énonciatifs spécifiques que l’enseignant de langue peut mieux comprendre et percevoir dans
des formations sur site, davantage contextualisées et sujettes à un retour sur expérience
propice à la réflexivité sur son enseignement de FOS et pour les apprenants, sur leur
pratique professionnelle (Mangiante, 2011 : 117).
La réussite des apprenants avec la maîtrise de la langue étrangère en situations de travail,
sur le plan technique comme sur le plan de la communication langagière relève de la
maîtrise des « schèmes organisateurs de l’action pour une classe de situations », comportant
« les buts, les règles d’action, les prises d’information et de contrôle, les possibilités
d’inférence et les invariants opératoires » (Vergnaud, 1990 : 230). Ces éléments
représentatifs de l’action au travail constituent des données empiriques que la localisation
de la formation rend visibles et accessibles tant au formateur qu’aux apprenants.
La localisation des formations sur site constitue ainsi le contexte social de la formation et les
apprenants composent une véritable communauté linguistique au sens de Labov (1976 :
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Démarche FOS et pratiques de classe l 145
258) : « Notre objet d’étude est la structure et l’évolution du langage au sein du contexte
social formé par la communauté linguistique […] ». Le contexte de l’étude des discours
professionnels, au niveau du recueil des données et de leur analyse au sein de la démarche
FOS, est bien social et l’apprenant est alors « réinscrit dans un contexte social, celui dans
lequel il vit et parle [...]. »
L’entreprise est un lieu défini par des règles de positionnement des agents (hiérarchiques,
transmissives, implicites, de rapport de force et de compétences, statutaires et consenties)
qui se répercutent sur les tâches professionnelles, elles-mêmes régies par des protocoles
d’action ou script d’action et des « façons de faire », des codes culturels propres à
l’entreprise ou au secteur professionnel. Ce protocole actionnel constitue un agencement
progressif des actes qui jalonnent le déroulement de la tâche, le statut des (inter)actants et
leur positionnement dans l'entreprise ou l'institution, l’objectif de la tâche professionnelle,
le lieu, le moment... (Mangiante et Meneses, 2016 : 32). Ainsi la communauté linguistique
formée par le public FOS, « se définit moins par un accord explicite quant à l’emploi des
éléments du langage que par une participation conjointe à un ensemble de normes » (Labov,
1976 : 18).
Les formations FOS sur site instaurent une forme de reproduction du contexte professionnel
des apprenants puisque les apprenants sont sur leur lieu de travail, au sein de situations
qu’ils maitrisent dans leur langue maternelle. Les interactions langagières durant les activités
du cours de FOS relèveront d’une variation linguistique de type diaphasique (Moreau, 1997 :
284) : elles sont influencées par le caractère (plus ou moins) formel du contexte
d'énonciation en situation de travail (formation à l’hôtel, en cuisine par ex., au sein du club
de football…).
La communauté linguistique qui se reconstitue dans le cours de FOS reconnait les mêmes
normes langagières et professionnelles de son milieu de travail (protocoles actionnel et
culturel de la tâche professionnelle). Dans les exemples de formation sélectionnés ici, un
contexte social hétéroglotte où l’apprenant est familiarisé par la situation professionnelle se
met en place à travers les situations pédagogiques proposées aux apprenants, c’est le cas
des projets communs réalisés dans les cours de cuisine au sein de l’école hôtelière de
Nicosie.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 146
On peut donc dire que le cours de FOS sur site renforce une situation de communication
exolingue « idéale » (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 123), où « les participants se sentent liés par
un contrat didactique et où l’alloglotte parvient grâce à l’étayage de l’autre à réaliser ses
objectifs communicatifs », par la proximité avec son milieu professionnel habituel.
Cette particularité du cours de FOS interroge la notion de proximité didactique qui
conditionne la relation entre apprenants et entre enseignant et apprenants ainsi que les
interactions en classes de FOS.
En didactique des langues, la notion de proximité désigne principalement les liens entre les
langues, notamment celles partageant une origine commune (notion d’intercompréhension
linguistique), proximité qui peut s’appliquer aussi au relativisme culturel présent dans les
travaux de Sapir et Whorf (Sapir, 1949 et Whorf, 1956).
En sociolinguistique, la proximité fonctionnelle et sociale constitue un concept qui marque
un territoire, qui fixe un « jugement de valeur » sur la distance : ce qui est proche est
considéré comme plus important, selon la « loi proxémique » (Moles, 1978 et Bailly, 1998).
La proximité est donc qualitative, liée à un sentiment, à une subjectivité de l’individu, alors
que la distance est quantitative, mesurable.
Nous pouvons retrouver une interprétation de cette notion dans le domaine des TICE et de
la FOAD où les apprenants, inscrits dans des dispositifs à distance, passent de la « distance
métrique subie », les cours en présentiel, à la « proximité relative choisie » (Le Boulch, 2002 :
18). Ainsi des apprenants séparés par des distances géographiques considérables peuvent se
sentir très proches grâce au dispositif de FOAD mis en place et les activités collaboratives
proposées.
Dans les exemples de formations FOS sur site, nous pouvons évaluer cette proximité sociale
qui confère valeur, importance et intérêt aux contenus de formation, aussi bien pour les
apprenants que pour la direction de l’entreprise qui a prescrit la formation.
Cette proximité, liée à l’ancrage physique de la formation dans le contexte professionnel
familier des apprenants, est renforcée par la pratique de la langue étrangère qui va ainsi
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Démarche FOS et pratiques de classe l 147
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Démarche FOS et pratiques de classe l 148
Comme nous avons pu le constater dans les exemples qui précèdent, les formations FOS sur
site, dans des conditions pédagogiques permettant une utilisation optimale des postes de
travail et un parallélisme assumé des situations professionnelles et des situations
d’enseignement-apprentissage, permettent l’émergence d’une véritable communauté
sociale et linguistique, réunie par la langue et satisfaisant tous les critères des différentes
proximités sociales comme l’indique le tableau précédent.
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l’entreprise, avec quelques exemples de réalisations concrètes qui pourraient alimenter une
réflexion sur l’impact de la formation sur site sur la classe de FOS.
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Démarche FOS et pratiques de classe l 151
métiers
Mise en
place d’une
grille
d’analyse
commune
avec les
professionne
ls
Racing Suivi régulier Centration sur Adaptation des
Club de des les situations de cours aux
Lens instances communication plannings des
dirigeantes sportive. rencontres et
du club des points
presse
Figure n°8 : les dimensions sociales de la relation pédagogique des formations FOS sur site
4. En conclusion
Au-delà des apports pédagogiques que les formations FOS sur site induisent notamment en
favorisant des proximités sociales, culturelles et professionnelles pour les apprenants et les
enseignants de FOS, nous observons également une modification des pratiques de travail, de
communication au sein de l’entreprise et dans l’accès à la documentation, etc.
En effet, les simulations réalisées en cours permettent aussi une prise de recul et une forme
de réflexivité sur les pratiques des apprenants dans leur entreprise. Ils en viennent par
exemple, à s’interroger sur l’accomplissement de certaines tâches professionnelles réalisées
parfois par automatisme et qu’ils doivent « verbaliser » durant le cours de FOS. Ils doivent
aussi en expliquer en français les objectifs, la pertinence, etc. Ils réalisent aussi la nécessité
d’accéder à toutes les informations et documents nécessaires, à l’apport d’une meilleure
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communication entre agents, etc. Ils prennent enfin conscience des caractéristiques de la
culture de leur entreprise et de son influence sur l’accomplissement de leur activité.
Le changement de pratique porte aussi sur l’activité de l’enseignant de FOS qui comprend
mieux le fonctionnement d’un secteur d’activité, d’une branche professionnelle, qui ne lui
sont pas familiers.
Les formations sur sites permettent aussi, comme nous l’avons rappelé dans le tableau
précédent, la co-construction avec les professionnels de ressources pédagogiques utiles à
l’enseignement et à son évaluation, ou de ressources d’accompagnement à la spécialité,
intégrées aux cours ou en complément.
Ainsi il est susceptible de se construire des « communautés de pratiques » au sein du FOS,
propres à une entreprise ou une branche professionnelle, définie comme un ensemble de
relations entre des personnes et des activités, au sens de Wenger : « groupes de personnes
qui se rassemblent afin de partager et d’apprendre les uns des autres, face à face ou
virtuellement. Ils sont tenus ensemble par un intérêt commun dans un champ de savoir et
sont conduits par un désir et un besoin de partager des problèmes, des expériences, des
modèles, des outils et les meilleures pratiques… » (Wenger, Mac Dermott et Snyder, 2002 :
183).
Néanmoins, cette implication forte des professionnels dans la formation FOS sur site
présente des limites et surtout des risques à mesurer et prévenir.
Tout d’abord il convient de rappeler que l’authenticité des situations d’enseignement est
relative et que les situations réelles présentent nécessairement des différences liées à leur
enjeu, à la nécessité d’un résultat conforme aux objectifs, etc.
De plus, la Proximité sociale ainsi favorisée n’est pas forcément choisie par les apprenants et
l’implication de la direction peut masquer une volonté de contrôle voire d’évaluation des
agents par leur hiérarchie.
Enfin, des risques pour la didactique du FOS et la place des enseignants de langue sont aussi
à prendre en considération comme celui de ne pas être complètement maître de son
programme de formation au profit de l’entreprise. Plus particulièrement, il y a le risque
qu’un jour, le cours de FOS soit assuré par des professionnels francophones et non plus par
des enseignants de langue. Nous assisterions donc, dans ce cas, à un cours de la spécialité en
français et non d’un cours de français de la spécialité ou de FOS.
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