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KH – TES1 – 2015/2016
SES - Chapitre 4. Comment expliquer la mobilité sociale ?
devient plus juste ou plus méritocratique : c’est parce que la structure sociale dans son
ensemble est aspirée vers le haut1.
Il n’en reste pas moins que la mobilité sociale progresse sensiblement durant la période
des Trente glorieuses et que le destin des enfants des classes populaires s’éclaircit : la
diminution de la reproduction, signe d’une porosité plus grande des catégories sociales,
est un élément essentiel des théories de la moyennisation de la société française, et au-
delà, des sociétés européennes.
[...]
Le poids persistant de la reproduction sociale
En 1983, 36% des individus appartenaient à la même catégorie socioprofessionnelle
que leur père. Plus de vingt-cinq ans après, la proportion est encore de 34%. En 1983,
comme en 2009, elle s’élève à près de 27% pour les filles. Elle diminue de près de 2
points chez les hommes, s’élevant à 32% en 2009. On observe donc une remarquable
stabilité de la reproduction sociale au cours du dernier quart de siècle. En effet, cette
diminution de 2 points s’explique par la seule diminution du poids des enfants
d’agriculteurs devenant agriculteurs à leur tour : ces derniers représentaient 3% de
l’échantillon en 1983 et moins de 1% en 2009.
Un tel résultat peut être lu et interprété de deux manières. Certains considéreront que,
depuis plus de vingt-cinq ans, la société française est capable de redistribuer les positions
entre les générations au point que les deux tiers des individus évoluent dans une
catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur père. D’autres préféreront retenir
que l’intensité de la reproduction, appréhendée par ce premier indicateur, s’est maintenue
tout au long de la période : le lien entre l’origine sociale et la position occupée à l’âge
adulte ne s’est pas desserré.
Cette seconde lecture prend d’autant plus de sens que cet indicateur est imparfait.
D’abord, il peut laisser penser que la reproduction sociale serait moins forte pour les
femmes que pour les hommes. Ce serait une erreur : si ces dernières semblent moins
fréquemment reproduire la position paternelle, c’est avant tout parce que le bas de la
structure sociale se révèle très sexué. Les employés sont massivement des femmes et les
ouvriers des hommes, ce qui amène à sous-estimer la reproduction sociale des filles
d’ouvriers.
Ensuite, cet indicateur ne doit pas laisser penser que deux tiers des individus seraient
conduits à changer radicalement de groupe social. Au contraire, l’essentiel de ces
trajectoires sont des trajectoires de faible amplitude et rares sont les individus qui
traversent l’espace social. Parmi les enfants de salariés, 13% connaissaient en 1983 une
trajectoire sociale d’ampleur (15% des hommes et 11% des femmes). La proportion a
certes augmenter, mais elle reste à un niveau relativement modeste, autour de 18% (20%
pour les hommes, 16% pour les femmes).
Camille Peugny, Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, Paris,
Seuil/La République des Idées, 2013
1
Traditionnellement, les sociologues distinguent la mobilité observée (l’ensemble des trajectoires de
mobilité) de la fluidité sociale (ce qu’il reste de la mobilité sociale une fois prise en compte la mobilité
structurelle). Les travaux internationaux qui s’attachent à mesurer l’évolution de la fluidité sociale concluent
pour la plupart à son invariance temporelle. Plus récemment, des travaux utilisant des modèles statistiques
plus poussés ont mis en évidence une très légère mais régulière augmentation de la fluidité sociale.
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SES - Chapitre 4. Comment expliquer la mobilité sociale ?
Activité 2 – Travail individuel sur la mesure de la mobilité sociale
Mardi 24 novembre 2015
Travail – 2e Heure
Document - La mobilité sociale en France en 2003
Table de mobilité (Destinée et recrutement) en France, en 2003
En %, sauf ligne et colonne des effectifs en milliers
Catégorie socioprofessionnelle du père
Catégorie Artisan,
Cadre et Effectif
socio- commerçant,
profession Profession des fils
professionnelle Agriculteur chef
int. sup. interm.
Employé Ouvrier Ensemble
(en
du fils d’entreprise
milliers)
22 1 0 0 0 1 4
Agriculteur 88 285
2 1 1 1 7 100
Artisan,
6 11 6 8 7 8 9
commerçant, 619
12 29 6 10 7 36 100
chef d’entreprise
Cadre et
52 33 22 10 19
profession int. 9 22 1317
24 20 11 23 100
supérieure 8 14
Profession 17 24 26 33 28 23 24
1690
intermédiaire 11 12 9 16 11 41 100
9 9 6 9 17 12 11
Employé 770
13 10 5 9 14 49 100
37 24 9 17 26 46 34
Ouvrier 100 2364
18 9 2 6 7 58
1. En vous aidant de la clé de lecture, faites une phrase avec les données entourées.
2. A quoi va correspondre la diagonale de cette table de mobilité ?
3. Indiquez, à partir de cette table, quelle est la destinée des enfants d’ouvriers.
4. Indiquez, à partir de cette table, quel est le recrutement des hommes aujourd’hui professions
intermédiaires.
5. Comment ont évolué le nombre d’agriculteurs et le nombre de cadres entre la génération des
pères et celles des fils ?
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SES - Chapitre 4. Comment expliquer la mobilité sociale ?
Activité 3 – Les déterminants de la mobilité sociale
Etudiez la 2ème partie (II) du cours, puis lisez l’article suivant et répondez aux
questions ci-dessous en utilisant les informations du cours et de l’article :
1. Décrivez l’évolution de la structure de la population active entre la génération des fils et
celles de pères. Donnez des chiffres pour illustrer votre réponse.
2. A quoi correspond la mobilité structurelle ? Illustrez la notion par un exemple.
3. La mobilité structurelle joue-t-elle un rôle de plus en plus faible ou de plus en plus
important dans la mobilité ?
4. Qu’est-ce qui distingue massification scolaire et démocratisation scolaire ?
5. En quoi la démocratisation scolaire est-elle source de mobilité sociale ?
6. Qu’est-ce que le paradoxe d’Anderson ? Indiquez comment il peut illustrer une forme
de déclassement.
7. Montrez que la démocratisation scolaire est inachevée et qu’il y a encore une inégalité
des chances scolaires.
8. Quel rôle joue l’école dans la construction des inégalités scolaires pour P. Bourdieu ?
9. En quoi le capital culturel peut-il être un frein à la mobilité sociale ?
10. Comment le groupe de référence d’un individu peut-il influencer sa mobilité sociale ?
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SES - Chapitre 4. Comment expliquer la mobilité sociale ?
Au-delà de l’élévation des taux de scolarisation, il reste à mesurer la portée de la
démocratisation des chances scolaires : dans quelle mesure la massification de
l’enseignement a-t-elle permis de réduire les inégalités entre les différentes groupes
sociaux ? Là encore, le constat semble évident : dans l’enquête de l’INED de 1962, le taux
d’entrée en classe de sixième variait de 32% pour les enfants de salariés agricoles à 95%
pour les enfants de cadres supérieurs (45% pour les enfants d’ouvriers, 67% pour les
enfants d’employés). Aujourd’hui, les enfants d’ouvriers constituent près de 28% des
enfants scolarisés au collège, un poids tout à fait conforme à leur part dans l’ensemble de
la population française. [...] Collège, lycée, études supérieures : les enfants d’ouvriers, et
plus généralement, des classes populaires ont franchi l’une après l’autre les différentes
portes de l’enseignement. De ce point de vue, la démocratisation de l’école ne fait guère
de doute.
Pourtant, depuis de nombreuses années, la portée de ce mouvement de
démocratisation est sinon remise en cause, du moins sérieusement nuancée. En premier
lieu, les progrès de la scolarisation des enfants des classes populaires ne doivent pas être
surestimés : si leur part augmente à tous les niveaux, elle diminue rapidement au cours du
cursus. Par exemple, 38% des élèves de sixième en 1995 étaient enfants d’ouvriers, mais
sept ans après, ils ne représentent plus que 19% des bacheliers généraux. [...]
Filiarisation à tous les étages
Pour expliquer l’absence de réelle démocratisation scolaire, un autre argument -
désormais bien connu - est celui de la filiarisation croissante du système éducatif. Au fur et
à mesure que les taux de scolarisation progressent, les différents niveaux de
l’enseignement voient leur structure se complexifier, avec la création de nouvelles filières.
L’exemple le plus éloquent est probablement celui du baccalauréat. La création du
baccalauréat technologique en 1968, puis celle du baccalauréat professionnel en 1985,
contribuent beaucoup à la hausse du taux de bacheliers au fil des cohortes successives.
Or ces différentes filières, qui ne préparent pas au même avenir, sont très clivées
socialement : le tiers seulement des enfants d’ouvriers bacheliers de 2009 décrochent un
baccalauréat général, contre les trois quarts des enfants de cadre supérieurs. En 2010,
36% des candidats au baccalauréat professionnel ont un père ouvrier, contre seulement
15% des élèves de classe de terminale générale. [...]
Les enfants d’ouvriers, lorsqu’ils poursuivent leurs études après le baccalauréat, sont
surreprésentés dans le supérieur court (sections de techniciens supérieurs, IUT) et sous-
représentés dans les filières « nobles » des cursus universitaires (droit, médecine). La
prise en compte du système des classes préparatoires et des grandes écoles vient encore
accentuer les inégalités sociales de cursus dans l’enseignement supérieur. 51% des
élèves des « grands établissements » ont un père cadre ou exerçant une profession
intellectuelle supérieure (et 4% un père ouvrier) [...]
L’école, une « agence de sélection »
A propos des inégalités sociales en matière d’éducation, deux constats émergent.
D’abord, malgré une massification scolaire d’ampleur au cours de la seconde moitié du
XXe siècle, la démocratisation scolaire a peu progressé. Des inégalités quantitatives
d’accès aux différents niveaux du système éducatif tendent à être supplantées par des
inégalités qualitatives liées à une filiarisation croissante de ces mêmes niveaux. [...]
La persistance d’inégalités sociales dans le champ de l’éducation explique que la
reproduction sociale n’ait pas diminué. Cette dernière apparaît toutefois moins
problématique, puisque ne reposant plus sur la naissance. Elle semble produite par une «
agence de sélection », l’école, censée récompenser le mérite individuel.
Camille Peugny, Le destin au berceau. Inégalités et reproduction sociale, Paris, Seuil/La
République des Idées, 2013
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SES - Chapitre 4. Comment expliquer la mobilité sociale ?
Activité 4 – Travail collectif sur le rôle de l’école et de la famille dans la
mobilité sociale
Mardi 07 décembre 2015
Travail
A partir de la table de mobilité de 2003 et des documents suivants
1. Montrez que l’école ne permet pas toujours d’assurer la mobilité sociale. (1 ère heure)
2. Montrez que la famille peut-être un frein à la mobilité sociale et expliquez pourquoi. (2 ème
heure)
Document - Le niveau scolaire selon l’origine sociale
Niveau atteint par les élèves selon leurs origines sociales
Diplôme inférieur Bac et pas
Diplôme Diplôme Diplôme
Unité : % au Bac ou aucun d'autre
Bac+2 Bac+3/4 Bac+5
diplôme diplôme
Enseignants 9 15 9 29 38
Cadres supérieurs, chefs
d'entreprise, 13 11 12 23 41
prof.libérales
Professions
24 19 14 23 20
intermédiaires
Agriculteurs 32 17 17 17 17
Artisans, commerçants 37 20 13 15 15
Employés 43 22 11 15 9
Ouvriers qualifiés 48 21 12 12 7
Ouvriers non qualifiés 60 20 8 8 4
Source : Ministère de l'éducation nationale, ensemble des élèves entrés en sixième
en 1995
Document - Souhait d’orientation selon l’origine sociale et le niveau scolaire
Souhait d’orientation en seconde GT selon la profession de la personne de
référence de la famille et les notes obtenues au contrôle continu du brevet (en %)
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SES - Chapitre 4. Comment expliquer la mobilité sociale ?
Document - La reproduction selon Bourdieu
La notion de capital culturel s'est imposée d'abord comme une hypothèse indispensable
pour rendre compte de l'inégalité des performances scolaires des enfants issus des
différentes classes sociales en rapportant la « réussite scolaire », c'est-à-dire les profits
spécifiques que les enfants des différentes classes et fractions de classe peuvent obtenir
sur le marché scolaire à la distribution du capital culturel entre les classes et les fractions
de classe. Ce point de départ implique une rupture avec les présupposés inhérents aussi
bien à la vision ordinaire qui tient le succès ou l'échec scolaire pour un effet des
«aptitudes» naturelles qu'aux théories du «capital humain». [...]
Le capital culturel peut exister sous trois formes : à l'état incorporé, c'est-à-dire sous la
forme de dispositions durables de l'organisme; à l'état objectivé, sous la forme de biens
culturels, tableaux, livres, dictionnaires, instruments, machines, qui sont la trace ou la
réalisation de théories ou de critiques de ces théories, de problématiques, etc. ; et enfin à
l'état institutionnalisé, forme d 'objectivation qu'il faut mettre à part parce que, comme on le
voit avec le titre scolaire, elle confère au capital culturel qu'elle est censée garantir des
propriétés tout à fait originales.
La plupart des propriétés du capital culturel peuvent se déduire du fait que, dans son état
fondamental, il est lié au corps et suppose l'incorporation. L'accumulation de capital
culturel exige une incorporation qui, en tant qu'elle suppose un travail d'inculcation et
d'assimilation, coûte du temps et du temps qui doit être investi personnellement par
l'investisseur (elle ne peut en effet s'effectuer par procuration [...]).
Pierre Bourdieu, « Les trois états du capital culturel », Actes de la
recherches en sciences sociales, Vol. 30, n°1, 1979
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