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LA CONSTITUTION DE LA TUNISIE - Processus, principes et perspectives
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et cela fut suffisant pour barrer définitivement la voie au retour du dictateur, sur le
plan constitutionnel..
Et malgré la persévérance des anciennes figures du régime dans l’administration de
la première phase de la transition par le maintien de la domination du parti « RCD »
«sur le gouvernement et les affaires étatiques. Cependant, une décision de justice
ordonnant la dissolution du parti du « RRCD » et la confiscation de ses biens a avorté
ces efforts et a fait de ce parti un mauvais souvenir.
En conséquence à cette sentence, l’énorme édifice s’est effondré à une vitesse
phénoménale et s’est émietté en petits groupes se réunissant dans les hôtels et dans
des maisons en attendant la suite de ce séisme politique qui a mis fin à une longue
période historique compliquée.
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LA CONSTITUTION DE LA TUNISIE - Processus, principes et perspectives
La période d’égalisation des chances pour les dirigeants dans la course au pouvoir
Après la révolution, les leaders étaient sur le même pied d’égalité, et toutes les parties
partisanes et idéologiques ont expérimenté l’égalité, ou du moins le rapprochement
de leurs chances d’arriver au pouvoir et de diriger le pays. C’est ce qui explique
l’effritement qui a dominé les premières élections pluralistes et démocratiques tenues
durant la période postrévolutionnaire et qui ont conduit à l’élection de l’Assemblée
nationale constituante. Ces élections étaient une chance pour que chaque partie
prenne conscience de sa popularité. D’ailleurs, chaque parti, ou courant, prétendait
être le plus représentatif du peuple tunisien. Et ben que l’objectif de l’Assemblée
constituante ait été de rédiger une nouvelle constitution après la suspension de celle
de 1959, la volonté qui animait tous les partis à ce stade résidait dans la prise d’un
pouvoir qui était auparavant entre les mains d’un parti dominant et d’un individu
monopolisant les commandes. Les élections de l’assemblée constituante n’étaient pas
plus une bataille pour la rédaction d’une nouvelle Constitution qu’elles n’ont été une
bataille pour le pouvoir aux yeux des partis politiques. Chose qui a eu un impact direct
sur le reste du parcours de transition en Tunisie.
Les mécanismes qui ont contribué à l’encadrement de la transition politique en Tunisie
se divisent en deux catégories. La première porte sur l’aspect procédural et a consisté
en un ensemble de règles pratiques matérialisées dans des structures et des normes
qu’il a été impératif de respecter et de soumettre aux objectifs communs fixés par les
parties prenantes et influentes sur cette phase.
Quant à la deuxième catégorie, elle concerne un ensemble de valeurs et règles
éthiques et politiques qui se sont imposées dans le cadre de la transition. Celle-ci
reflète la culture réformiste héritée de génération en génération en Tunisie et qui a
révélé un ensemble de valeurs civiques qu’ont conservées les Tunisiens au fil du cumul
de leurs expériences historiques.
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parlement et enfin celui de l’élection présidentielle. Aucune partie n’a remis en cause
le déroulement démocratique de ces trois scrutins. Et bien que de nombreuses parties
étaient en désaccord sur le degré d’intégrité de ces élections, aucune n’a remis en
cause les résultats définitifs qui ont été entérinés par toutes les parties concernées y
compris les partis ayant essuyé des défaites.
C’était une première dans l’histoire politique moderne de la Tunisie. Ces trois scrutins
ont donné naissance à une nouvelle culture électorale qui avait permis à la plupart
des citoyens d’avoir la liberté de choisir, y compris le droit de ne pas voter pour un
candidat. Les électeurs ont ainsi eu recours au vote sanction à l’encontre de certains
partis ce qui a contribué à minimiser leur poids politique jusqu’à leur exclusion
définitive du parlement et leur marginalisation et ils ont, en contrepartie, contribué
à l’escalade d’autres parties au pouvoir dans un laps de temps réduit comme ça a été
observé après l’effondrement de la Troïka et la montée en puissance du parti Nidaa
Tounes ou le parti de l’Union Nationale libre fondé par l’homme d’affaires Slim Riahi, et
qui a fini troisième aux élections de 2014.
Aussi pour la première fois en Tunisie, l’accession au pouvoir et l’exercice de la
souveraineté se font par la participation obligatoire aux élections et selon la volonté
des tunisiens. Cela a constitué une étape importante vers l’institution d’un système
démocratique basé sur l’alternance pacifique au pouvoir et sur la satisfaction de toutes
les parties adverses.
En plus des opérations électorales, un réseau de processus, d’institutions et
d’initiatives a vu le jour et a contribué efficacement à protéger les élections et à
réduire considérablement la proportion de fraude, de falsification, de la probabilité
de remise en question de la véracité des résultats et même la marginalisation des
électeurs, des candidats, des partis ainsi que des indépendants. Contrairement à ce
qui se passe dans tout le monde arabe, la tenue d’élections en Tunisie est assurée par
un organe indépendant du ministère de l’Intérieur et du gouvernement qui veille
à leur protection et contrôle et qui jouit de toutes les prérogatives administratives,
financières et juridiques nécessaires à la protection et au contrôle des élections. Il
s’agit de l’»Instance Supérieure Indépendante pour les Élections » Grâce à ce que les
élections ont acquis en termes de crédibilité et d’influence directe sur la vie politique
et leur perception comme étant le garant de la passation pacifique du pouvoir, une
opinion publique capable de choisir et de décider en faveur de telle partie a pris forme
en Tunisie même si la nécessité d’une culture politique plus profonde reste réelle
afin d’empêcher toute manipulation des électeurs que ce soit par l’argent ou par une
affiliation idéologique ou par l’appartenance régionale.
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à des conflits entre diverses factions politiques, et a été influencée par les diverses
composantes de la société civile ce qui a conduit à un large consensus et a fait de
ce texte un document de référence soutenu par les différentes forces politiques et
sociales impliquées dans le processus de transition démocratique en Tunisie. Dans ce
contexte, il suffit de mentionner le taux de participation des membres de l’Assemblée
nationale constituante lors du vote sur la constitution qui a atteint 200 voix favorables,
4 abstentions et 12 votes contre. Et c’est ce qui a fait que la majorité écrasante soutienne
la nouvelle Constitution avec vigueur et conviction.
La nouvelle Constitution tunisienne possède d’autres dimensions non sans
importances, ainsi c’est grâce aux polémiques houleuses et aux conflits qui ont
accompagné sa rédaction article par article que ce qui est commun à tous les tunisiens
a été réaffirmé et a poussé le mouvement Ennahda plus précisément à se prononcer
sur l’appartenance à la spécificité tunisienne. Ce mouvement, qui représente la plus
importante faction du phénomène de l’Islam politique en Tunisie, s’est retrouvé obligé
d’accepter les spécificités du modèle sociétal tunisien, ce qui l’a contraint à faire des
concessions sur un certain nombre de ses revendications antérieures et à leur tête la
consécration du référentiel de « la charia islamique ». Cette exigence sur laquelle s’est
mise d’accord la plupart des mouvements religieux en Tunisie, en allant des salafistes
avec leurs courants divers, en passant par le parti Ettahrir pour arriver aux différents
courants conservateurs dans le milieu religieux. A cause de cette exigence de consacrer
la charia comme source pour légiférer, le mouvement Ennahda a failli connaitre des
divisions en son sein suite à la pression exercée par ses membres conservateurs afin
de maintenir la charia comme référence dans la Constitution.
Néanmoins, sans à une formule conciliante proposée par le Président du mouvement
Rached Ghannouchi, la division aurait été inévitable. Cette conciliation a adopté une
interprétation selon laquelle le mouvement avait triomphé puisque le texte final
de la Constitution dispose que l’Islam est la religion de l’État, et puisque l’Islam est
plus large que la charia, accepter l’Islam signifie de facto accepter la charia. Il s’agit
là d’une formule ambiguë, mais suffisante pour pousser le mouvement Ennahda
et leurs sympathisants à accepter une nouvelle Constitution qui ne mentionne pas
expressément la charia comme source unique ou majeure ni même comme l’une des
sources du droit en Tunisie.
Cela a écarté le mouvement Ennahda du reste des factions de l’Islam politique de la
scène politique tunisienne et a creusé davantage le fossé entre les deux parties, en
particulier avec les « salafistes djihadistes » qui, par la suite, brandira ses armes contre
l’État et contre la société. Toutefois, l’engagement du mouvement Ennahda à l’égard
de la Constitution et de sa défense avec véhémence a renforcé l’unité nationale et
a permis aux tunisiens d’avoir une Constitution moderne et fédératrice des tous les
Tunisiens. C’était un moment historique et un pas de géant brillamment franchi par
l’expérience de la transition démocratique en Tunisie. Car l’intégration de la principale
faction islamiste et sa tunisification au sens profond et propre du terme au-delà
de toute portée folklorique courante a constitué un exploit historique qui a sauvé
les Tunisiens d’une fracture profonde et leur a évité de sombrer dans une situation
catastrophique semblable aux autres expériences des pays arabes qui ont essayé
de passer de l’autoritarisme à la démocratie, mais qui ont rencontré des obstacles
ethniques et des conflits sur la compréhension de l’Islam et son rôle dans la société.
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Troisièmement : Le Consensus puis le consensus
La rédaction de la Constitution et le consensus autour de cette dernière ont été une
occasion historique et nécessaire ayant permis aux tunisiens de se rappeler qu’ils
ont déjà un héritage constitutionnel qui remonte jusqu’au XIXe siècle, lorsque leurs
ancêtres ont convenu de la rédaction d’un document officiel.
La gauche à son tour a réalisé l’importance de l’identité et de la dimension culturelle
de la société tunisienne, ce qui a fait évoluer les positions de ses plus grands courants
et factions à l’occasion des différends relatifs au contenu de la Constitution. Et même si
elle a marqué quelques points en sa faveur au cours des discussions sur la Constitution,
elle a tout de même dû équilibrer une partie de ses visions idéologiques et politiques
sur des questions relatives à l’Islam et aux composantes culturelles de la Tunisie. Ceci
a également représenté une étape importante qui a favorisé l’atteinte d’un terrain
d’entente entre la gauche et les islamistes à propos de la Constitution bien que chacun
ait sa propre interprétation d’un certain nombre d’articles qui avait déjà été source de
conflits. Il va sans dire que transcender la barrière idéologique entre les islamistes et
la gauche à travers les formulations consensuelles auxquelles les parties sont arrivées,
a fourni une occasion d’élaborer la constitution et de l’adopter par une large majorité.
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devaient être bien étudiées et que la situation égyptienne a failli emporter avec elle
l’expérience tunisienne en la jetant dans les abysses d’un chaos total.
Le consensus relevait davantage de la nécessité que de la simple option à un
moment où tous sentaient le danger et réalisaient qu’ils pouvaient tout perdre s’ils ne
privilégiaient pas la sagesse et n’optaient pour une réconciliation/solution politique à
leurs différends.
Dans ce contexte, il faut reconnaitre que les dirigeants du parti Ettakatol (Forum
démocratique pour le travail et les libertés) ont joué, dans ces moments difficiles, un
rôle positif, et ce, lorsque le président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha
Ben Jaafar a décidé de suspendre les réunions de l’assemblée en attendant le retour
des députés qui s’étaient retirés. Ce dernier n’a agi de cette manière que parce qu’il
sentait que de véritables dangers menaçaient le du pays et le peuple. Le conflit entre
les groupes parlementaires avait dépassé les frontières politiques et avait commencé
à se métamorphoser en un feu qui pourrait tout brûler s’il n’est pas maîtrisé. Ce feu a
causé l’implosion de la coalition au pouvoir mais a contribué à l’apparition d’un climat
plus propice au consensus qui aura permis de tourner l’une des pages éprouvantes
du processus de transition et de renforcer les bases du pays après que le mouvement
Ennahda ait accepté de dissoudre le gouvernement, d’abandonner le pouvoir exécutif,
d’accepter un gouvernement de technocrates, et surtout, d’impliquer toutes les
parties dans un débat parfois houleux et tendu dans le but d’arriver à une constitution
consensuelle.
Indépendamment des manœuvres tentées par chacun pour atteindre ce résultat, les
exploits du dialogue national n’auraient pas été possibles sans cette qualité ancrée
dans la culture de l’élite, et nous faisons allusion à cette capacité d’atteindre des
consensus, qui est considérée comme l’une des plus importantes composantes du
mouvement réformiste tunisien et qui a permis à ce dernier de réaliser bon nombre
d’exploits durant son long chemin.
Le consensus pourrait pousser ses parties à user de différents types de manœuvres et
bricolages et varier les tactiques, mais son importance réside — comme en témoigne
l’expérience tunisienne — dans sa capacité à faire dépasser les obstacles et rendre les
parties plus résistantes au recours à la force pour la résolution de leurs différends. Il
pourrait les conduire à réaliser qu’au final, ils seraient passés des ajustements tactiques
à des changements stratégiques dans leur réflexions, plans et visions intellectuels et
politiques.
De ce qui précède, le paysage politique tunisien semble avoir considérablement
changé depuis l’absence de l’ancien président Ben Ali au pouvoir en raison de son
incapacité à mettre un terme au mouvement de protestation qui a failli emporter le
pays. Et pour ne pas arriver à un état de chaos total, les partis politiques, la société civile
et les personnalités indépendantes ont assumé la responsabilité de combler le vide et
d’assurer le déroulement de phase de transition. Cette opération a connu le recours à
de nombreux mécanismes dont nous avons exposé une partie. Il ne s’agissait pas de
s’arrêter sur tous ces mécanismes, mais nous voulions, par ce faire, mettre en évidence
le caractère pacifique et démocratique qui a caractérisé le processus de transition en
Tunisie, et ce, en dépit de la taille des difficultés et les obstacles auxquels le pays a et
continue de faire face
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stabilité continue et ce, en raison de la détérioration de sa crise économique, et de
la complexification des conditions sécuritaires à cause des menaces que représente
le phénomène des groupes salafistes armés et qui ont adopté le terrorisme pour
paralyser l’État aux niveaux local et régional. Si nous ajoutons à cela l’extrême agitation
dans la plupart des pays arabes, notamment la Libye, l’État tunisien demeure la seule
exception politique dans la région. Toutefois, cette exception est fragile et reste en
proie à une rechute si les Tunisiens s’avèrent incapables de protéger l’unité nationale,
surmonter les défis socio-économiques et faire face, grâce à la volonté collective,
aux risques et menaces sécuritaires visant à torpiller la transition démocratique et à
pousser le pays dans un cercle de guerres barbares dans laquelle sont tombés plusieurs
pays arabes.
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