Академический Документы
Профессиональный Документы
Культура Документы
DOCTRINES ECONOMIQU
D E P U I S UN SIÈCLE
PAR
CHARLES PÉRIN
PROFESSEUR DE DROIT PUBLIC ET D'ÉCONOMIE POLITIQUE
A L'UNIVERSITÉ C A T H O L I ftU E D E LOUVAIN
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT DE FRANCE
1880
Biblio!èque Saint Libère
http://www.liberius.net
© Bibliothèque Saint Libère 2009.
Toute reproduction à but non lucratif est autorisée.
LES
DOCTRINES ÉCONOMIQUES
D E P U I S UN SIÈCLE
AVANT-PROPOS
DOCTRINES ÉCONOMIQUES
DEPUIS UN SIÈCLE
CHAPITRE PREMIER
toure, datis les rapports naturels dont ces lois ne sont que
l'expression ; hors de ces rapports, il n'y a pour lui, dans
Tordre matériel comme dans l'ordre moral, que désordre
et misère.
En vain prétendrait-on séparer dans la vie humaine ce
que la volonté créatrice a étroitement uni et coordonné. Si
Jl'homme compromet dans la poursuite des jouissances ma-
térielles sa dignité morale, il est possible qu'il réussisse,
pour un certain temps, à accomplir dans Tordre de la ri-
chesse certains progrès, qui sembleront justifier cette préfé-
rence accordée au monde matériel sur le monde moral.
Mais ce triomphe des intérêts sera court. Bientôt les préoc-
cupations matérielles feront oublier à l'homme ces lois
de justice et de modération dont dépendent Téquitable
répartition de la richesse et le bon emploi des ressources,
et sans lesquelles il ne saurait y avoir pour les peuples de
véritable prospérité. La puissance de produire elle-même
ne résistera pas toujours à la dépression intellectuelle et
morale qu'amènera infailliblement le règne des intérêts;
,et Ton finira par rencontrer le terme de cette accumulation
de richesse nationale, qui d'abord avait pu donner le change
sur les conséquences ,du mouvement auquel la société se
laissait emporter. Plus tôt ou plus tard, par la force des
.choses, il arrivera que la puissance morale reprendra ses
droits, et que l'homme, rappelé à lui-même par Tadversilé,
reconnaîtra qu'il n'est pas le maître absolu de sa destinée,
qu'il ne lui est pas donné de s'arranger à son gré une
existence qui réponde aux penchants déréglés de son cœur,
et que, s'il tente de s'affranchir de Tordre que Dieuaetabli,
il y sera ramené par les souffrances qui sont l'inévitable
•conséquence de toute transgression des lois de la nature.
1G DOGTRIMS ÉCONOMIQUES.
1. Tome I, p. -I0.î.
ADAM SMITIi. 47
ch. iv),
M, Hervé Bazin, dans l'excellent Traité élémentaire d'économie
politique qu'il a publié récemment, explique très clairement les effets
du développement de la puissance du travail sur les salaires :
« Pour que le salaire s'élève, il faut que la masse des produits s o -
ciaux soit considérable. Dans ce cas, en effet, la part qui reviendra
à l'ouvrier représente assez de choses nécessaires et utiles pour a s -
surer sa subsistance. Au contraire, lorsque toutes les industries lan-
guissent et surtout lorsque l'agriculture souffre, le salaire est toujours
trop bas, quel qu'en soit le taux nominal (la fixation en argent), parce
qu'il ne permet pas au travailleur de se procurer par voie d'échange
une quantité suffisante d'objets utiles, vu leur cherté relative.
« Exemple : le salaire d'un ouvrier anglais est, je suppose, de
3 francs. Il consacre 2 francs à son alimentation et 1 franc pour tout
le reste, loyer, habillement, etc. Mais la puissance du travail agricole
vient à diminuer, et la valeur des denrées alimentaires augmente.
L'ouvrier gagne toujours 3 francs, mais il faudra qu'il emploie 2 fr. 50
pour sa nourriture, et il n'aura plus que 50 centimes pour le surplus.
Sa situation devient misérable.
« On voit, par cet e x e m p l e , que la puissance productive du travail
c'est-à-dire l'activité industrielle générale, est la première chose à
considérer dans les questions qui touchent aux salaires. »
78 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
e
1. Cours complet d'économie politique, i partie, chap. i, p. 497 à
501, édit. Guillaumin.
JEAN-BAPTISTE SAY. 83
e
1. Nouveaux principes d'économie politique, 2 édition, 1827;
livre VII, chap. vin et ix, tome II, p. 336 à 347.
DOCTRINES. 6
98 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
e
1. 4 leçon, p. 53 et suiv.
11.1 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
1. 4* leçon, p. 80.
SENIOR ET ROSSI. Ii5
I. I I p . 93
?
122 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
I. T. il, p. 80.
iU DOCTRINES ÉCONOMIQUES
ï . Harmonies, p. 1 2 .
132 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
r e
1. Prbiciples of political economy, l édit., London, 1848, tome II,
p. 308.
2. De la liberté, Irad. de M. Dupont-White, p . 19.
3. UWiiarUmmi,î* édit., London 1864, p. 17, 62, 95,
JOHN STUART M1LL. Iio
1 - Prùiciples, t. I, p. 445.
JOHN STDART MILL. 147
1 . Principles, t. I, p. 266.
JOHN STUÀRT M1LL. 151
l . I K d . , t. I, p. 227 et 273.
9
154 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
1. Principles, t. I, p. 275.
JOHN STUART MILL. #65
II
III
1. E s s a i s u r l e s r e l a t i o n s d u t r a v a i l a v e c l e c a p i t a l , Paris, 1846,
pages I à 5 .
2. Voir l'article de M. Maurice Block, La quintessence] du socialisme
de la chaire, dans le Journal des économistes, novembre 1878.
Dans ce travail nous trouvons reproduit un résumé des vues du
socialisme cathédrant, dû à la plume d'un des principaux maîtres de
cette école, M. ïïcld. Le voici tel que le donne M. Maurice Block :
« Les socialistes de la chaire demandent qu'on abandonne c o m -
plètement toute recherche de lois naturelles économiques d'applica-
tion générale, qu'on délaisse autant que possible les méthodes d'in-
vestigation qui, d'une prémisse plus ou moins fictive, tirent des
conséquences par voie de déduction. Ils veulent que les recherches
économiques s'appuient autant que possible sur des données histo-
riques et statistiques, en un mot qu'on fasse de V é c o n o m i e politique
réaliste. Ils demandent avant tout qu'on abandonne cette prémisse
que l'homme n'est inspiré, eu matière économique, que par l'é-
goïsme ; ils contestent cette proposition, que Thomme d o i t ê t r e d o -
miné uniquement par l'égoïsme, que ce serait là le moyen d'assurer
la prospérité générale. Ils prétendent au contraire que l'esprit public
(Gemeinsinn — le sens de la chose publique) agit toujours en
même temps que l'égoïsme et qu'il doit en être ainsi. C'est là
l'économie politique éthique. Ils veulent enfin que l'individu, en c u l -
tivant ses intérêts économiques, ne cesse pas d'être considéré comme
LIBERTÉ, SOCIALISME. 197
très jnsle ; mais ils vont plus loin : ils combattent lelaissez-
faire, laisscz-passer en principe, c'est-à-dire qu'ils ne se
bornent pas à consentir des exceptions à la règle, et qu'ils
demandent une plus forte intervention de l'État en matière
économique.
Tout ceci est modéré. Ce n'est que le vestibule du
socialisme. Le véritable socialisme ne se contente pas de
IV
I. L e t r a v a i l e t l e c a p i t a l , p. 5.
204 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
II
III
IT
1. I n s t r u c t i o n s u r l ' Œ u v r e , pages 50 à 5 3 .
LES OEUVRES CATHOLIQUES. 291
1. A s s e m b l é e g é n é r a l e d e s C e r c l e s e n 1875, p. 226.
2. Extrait d'un article du R. P. Marquigny : L e C o n g r è s d e L y o n ,
p. 273.
LES OEUVRES CATHOLIQUES. 293
1. I n s t r u c t i o n s u r l ' Œ u v r e , p. 72 et 76.
2. Voyez dans le R a p p e l du 7 septembre une lettre de M. de Heredia..
V O p i n i o n n a t i o n a l e émet, avec la même injustice, les m ê m e s ac-
cusations : « Agir dans les élections sur les masses ouvrières, par
l'entremise d'un certain nombre d'ouvriers ramenés à la cause c l é -
ricale, voilà le but qu'ont en vue les hommes habiles qui ont fondé
et organisé l'œuvre. » (Numéro du 22 avril 1875.) —Pour parler ainsi, "
il faut, ou n'avoir pris aucune connaissance sérieuse de l'œuvre, ou
se faire diffamateur de propos délibéré. Volontiers nous croyons à
la première hypothèse plus qu'à la seconde.
LES ŒUVRES CATHOLIQUES. 205
e r
1. Numéro du 1 juillet 1875.
206 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
rassociationcatholiqiie.L'exemple rencouragementmutuel
9
III
nom même qu'on lui donne dans l'atelier; aussi tous les
patrons qui consentent à accepter le lien religieux de la
Corporation, avec les déclarations de principes et avec les
engagements de dévouement qu'il entraine, sont admis
avec empressement par le comité, à qui appartient la haute
direction de l'œuvre. Ils constituent une société de patrons,
qui a une section pour la propagande, une pour les œuvres
économiques, une pour les finances et une enfin pour les
cercles et les bibliothèques. Le tableau des devoirs qu'ont
à remplir les membres de cette société de patrons mérite
d'être cité en entier : il caractérise on ne peut mieux
l'esprit de l'œuvre. Ces devoirs sont:
1° De veiller à la conservation et au développement des
principes religieux et des bonnes mœurs de leurs ouvriers
et employés, comme ils voudraient qu'on fît pour les mem-
bres de leur propre famille;
2° D'établir une bonne discipline parmi leurs ouvriers
et employés ;
3° De ne souffrir jamais ni blasphèmes ni propos licen-
cieux ;
4° De ne garder à aucun prix les ouvriers qu'ils savent
travailler à corrompre les autres ;
5° D'employer de préférence, autant que possible, les
ouvriers chrétiens, particulièrement ceux qui leur sont pré-
sentés par les œuvres patronnées par le comité;
6° De faire apprécier les bienfaits de l'association catho-
lique à leurs ouvriers, et de favoriser leur entrée dans
les œuvres ;
7° Les membres de la Société s'engagent à ne travailler,
ni faire travailler, aux jours fériés de l'Église, si ce n'est
dans les conditions autorisées par elle.
306 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
1. C o n g r è s d e L y o n , p. 411.
308 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
1. La R é p u b l i q u e f r a n ç a i s e du 29 août 1875.
312 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
l'intérêt p r o p r e sont les seules lois qui président aux relulions des
maîtres et des ouvriers. Ils prolestent contre l'exploitation de l'ou-
vrier pur des maîtres sans pitié, sous l'empire de la loi du h ù s s e z -
f a i r e e t du l a i s s e z - p a s s e r . Voici comment le R a p p e l traduit leurs
paroles : et 31. de la Tour du Pin a confessé hardiment que lï»s cer-
cles d'ouvriers répudiaient avec énergie la doctrine socialiste : A
c h a c u n s e l o n s o n t r a v a i l . Et maintenant, ouvrier?, laissez-vous
embaucher et exténuez-vous à travailler. — Répudier la doctrine : A
chacun selon son travail, c'est répudier l'idée de justice, c'est substi-
tuer la faveur à l'équité et la grâce au droit. » (N° du 30 août 1875.)
Au moment même où les catholiques des classes dirigeantes, pé-
nétres de leurs devoirs envers leurs frères moins heureux qu'eux,
se mettent ù leur service pour améliorer leur condition, et cherchent,
au prix de mille fatigues, à les relever dans la vie sociale en les
élevant vers Dieu, Y O p i n i o n n a t i o n a l e les accuse « de lutter pour la
prépondérance de certaines classes » . Suivant les habitudes de
l'école révolutionnaire, elle ne voit, dans la propagande catholique
envers les ouvriers, qu'une comédie jouée en vue de ramener le
peuple à l'asservissement. « L'aristocratie, désespérant de vaincre par
la force des armes ou sur le terrain politique, tente un dernier ef-
fort par les miracles, les pèlerinages et les associations. » (Numéro
du 22 avril 1872.)
A ces démocrates, si habiles à faire du peuple un instrument de
leur ambition, il n'y a, quand ils se permettent de pareilles accusa-
tions, qu'un seul mot à répondre ; il est d'un auteur qu'ils aiment à
citer :
V ous prêtez 'soltement vos qualités aux autres.
IV
1 . Expression de la R é p u b l i q u e française.
18.
318 DOCTRINES ÉCONOMIQUES.
FIN.
APPENDICE
tandis que, dans toutes les autres directions, il nous est facile
tie remonter, par une voie toujours frayée, jusqu'à l'antiquité
la plus reculée Sans doute ce n'est pas sous la forme mo-
derne qu'on rencontre dans le passé les éléments des doc-
trines économiques. Mais quand on parvient à réunir les membres
épàrs et morcelés, quand on pénètre dans les coutumes, dé-
crets, ordonnances, capitulaires, lois, règlements; quand on
surprend, pour ainsi dire, la vie des peuples, dans les docu-
ments les plus naïfs, les plus intimes, dans ceux surtout qui
la traduisent de la manière la plus fidèle, parce qu'ils en sont
le simple reflet, on est étonné des résultats. Là où Ton ne
croyait recueillir qu'une sastisfaction d'érudit, on fait ample
moisson de leçons, et cette moisson est d'autant plus belle
que la recherche a été plus désintéressée.
«c Nous devons donc feuilleter ce livre dupasse et étudier l'as-
pect économique, comme on a étudié l'aspect politique, litté-
raire, etc. Il faut suivre les diverses périodes de développe-
ment des nations vivantes et approfondir les causes de la
destruction des nations mortes On peut, en se rendant
compte de l'immense variété des p h é n o m è n e s qui relèvent de
I n a p p l i c a t i o n , et pour lesquels rien n'est absolu ni permanent,
tout est au contraire relatif et successif, acquérir le tact sûr
et le coup d'œil droit, qui sont la plus précieuse conquête de
la science. Ce serait se tromper fort que de croire que la doc-
trine simplifie les solutions pratiques; loin de fournir une sorte
de formulaire, elle fait mettre le doigt sur nombre de diffi-
cultés, elle fait surgir ces aspects multiples, ces considéra-
tions fécondes et variées, dont, l'examen est la mission du vé-
ritable homme d'État et du législateur. »
les saisir pour les faire rentrer dans les limites de la vé-
rité sociale, c'est-à -dire, de la vérité chrétienne.
Ce serait la plus grave des fautes que de laisser les ad-
versaires de l'Église s'emparer sur ce point de l'opinion
publique, de façon à donner aux inclinations perverses
d'une société malade la sanction apparente de la science.
Il y a pour les catholiques plus qu'un intérêt, il y a un
devoir de se mêler activement aux luttes que l'esprit de
révolte et de cupidité livre aujourd'hui, par la science
sociale, à tout ce qui fait la force, le repos, l'honneur des
peuples.
Ces luîtes sans doute sont pénibles à affronter ; les progrès
y sont lents et ne s'obtiennent jamais qu'au prix de la-
beurs obstinés. Pour s'y soutenir, il faut savoir remonter le
courant des idées reçuespar la foule etdes préjugés passés
à l'état d'axiomes; il faut savoir tenir ferme contre le tor-
rent d'erreurs et de violences dans lequel ce siècle impé-
tueux et troublé menace d'emporter, avec les plus simples
vérités du bon sens, les fondements mêmes delà vie. C'est
là, certes, une œuvre de renoncement et de sacrifice; mais
que les catholiques se souviennent qu'en toutes choses le
combat est leur vie, le renoncement et le sacrifice leur
loi. Rien de plus utile à répéter aujourd'hui que cette pa-
role si profondément vraie, par laquelle M. Roscher ter-
mine son livre : « L'abnégation seule peut ouvrir les voies
delà vérité. »
FIN DE L'APPENDICES