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LA CONSCŒNCE DES MEMBRES PERDUS

Celle étude, qui pourrait être jugée d'ordre psycho-physiologique,


est en rapport avec les recherches psychiques pour les raisons que W.
James indique dans sa conclusion. Elle intéressera encore les spirites
qui ont cru devoir invoquer ce phénomène pour justifier l'existence du
~ corps astral •.
L'étude a paru dans les Comptes rendus de la Société américaine
des recherches psychiques, en décembre 1887.

Beaucoup de personnes ayant perdu de leurs membres


semblent les sentir encore à leur ancienne place. Cette illu-
sion est si bien connue, et les matériaux à étudier si abon-
dants qu'il paraît étrange qu'on n'ait pas encore fait plus
d'efforts systématiques pour examiner ce phénomène. Les
observations du Dr Weir Mitchell, dans son ouvrage sur les
Accidents Nerueux (1872), sont les plus copieuses et les plus
détaillées que je connaisse. Elles révèlent de telles variations
dans la conscience en question que j'ai commencé, depuis
quelques années, à recueillir des observations supplémentaires
dans l'espoir que d'un nombre considérable de données, on
pourrait tirer quelque lumière.
Les différences dont il s'agit sont principalement celles-ci :
1. - Quelques patients conservent la conscience de leur
membre après sa perte; d'autres non.
2. - Chez certains elle apparaît toujours pour une posi-
tion déterminée; avec d'autres la position apparente change.
3. - Chez certains, un effort de volonté peut paraître faire
changer la position ; chez d'autres, aucun effort de volonté
ne peut amener ce changement j dans de rares cas, il semble
que l'effort même de volonté soit devenu impossible.
J'ai obtenu des renseignements de première main de
186 personnes ayant subi une amputation. Certains d'entre
eux me viennent d'entrevues personnelles; mais la portion
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de beaucoup la plus considérable consiste en réponses à un mollet. Mais même quand ils ne les sentent pas, leur pied
questionnaire dont j'ai envoyé huit cents exemplaires à des peut leur sembler séparé du moignon tout en étant peut-être
adresses fournies par quelques-uns des meilleurs fabricants situé un peu plus près qu'il ne le serait naturellement. Un
de membres artificiels. second amputé à l'épaule dit que son bras lui semble reposer
Les résultats sont décevants en ce sens qu'ils ne parviennent sur sa poitrine, les doigts repliés sur la paume, juste dans
pas à nous faire connaître les causes des différences constatées. la position qu'ils avaient huit ou dix heures avant l'amputa-
Mais ils éclairent certains points et suggèrent des réflexions tion.
que je veux consigner ici pour le profit des chercheurs futurs. C'est un fait courant que, pendant les premières semaines
Tout d'abord, parlons de la fréquence relative de la sensa- qui suivent l'amputation, le patient oublie qu'il n'a plus sa
tion des parties du corps perdues. Cette sensation se retrou- jambe. De nombreux invalides racontent comment ils eurent
v.ait, a.u moment où furent faites les réponses à mon ques- des accidents en se dressant soudain pour marcher comme si
tIOnnaIre, dans les trois quarts à peu près des cas dont j'ai leur jambe était encore là, ou en se levant de leur lit de la
l'exposé. Je dis à peu près car beaucoup parmi ces réponses même manière. D'autres disent comment ils se sont baissés
n'étaient pas claires. La sensation existait dans un nombre involontairement pour gratter avec la main leur pied disparu.
de cas proportionnellement plus élevé, mais s'était évanouie L'un d'eux m'écrit qu'il se vit sur le point de couper ses
avant l'époque de la réponse. Certains avaient cessé de l'éprou- ongles avec des ciseaux, tant était distincte la sensation qu'il
ver. « immédiatement », ou « une heure ou deux » après l'ampu- en avait. Généralement, la position de la jambe perdue se
tatIOn. Chez d'autres elle avait duré des semaines, des mois, modèle sur celle du moignon et de la jambe artificielle. Si
des années. Le cas qui remonte le plus haut est celui d'un celle-ci est pliée, l'autre paraît liée; si l'une est étendue,
homme qui avait subi l'amputation de la cuisse à l'âge l'autre de même; si l'une se balance pendant la marche,
de treize ans, et qui, à soixante-dix, affirmait qu'il sentait l'autre se balance en même temps. Chez un petit nombre de
encore le pied perdu aussi distinctement que celui qui lui correspondants, la jambe perdue conserve toutefois une posi-
restait. Sur les 179 cas restants, 7 seulement concernent le tion particulière plus ou moins fixe et indépendante de celle
membre supérieur; chez tous eoux-ci le sens de la main perdue du membre artificiel.
s'est conservé. Un autre me disait qu'il se sentait trois jambes en tout et
La conscience des membres perdus varie depuis la douleur qu'il confondait parfois, en descendant des escaliers, la
aiguë, la piqûre, la démangeaison, la brûlure, la crampe, le jambe artificielle qu'il portait en avant et la jambe imagi-
malaise, l'e?gourdissement, etc... , dans les doigts de pieds, les naire qui traînait en arrière, menaçant de marcher sur son
talons ou aIlleurs, jusqu'à des sensations à peine perceptibles pied restant. Le Dr Mitchell parle de certains bras qui sem-
ou qui ne deviennent perceptibles qu'après un certain temps blent toujours faire leur réapparition dans la dernière attitude
de « réflexion ». La sensation n'est pas imputable à l'état du douloureuse qu'ils avaient avant l'amputation. L'un de mes
m?ignon, car elle existe ou manque que les moignons soient correspondants écrit qu'il se ressent constamment d'une
sams ou douloureux. Lorsqu'elle est distincte, le moignon ampoule qu'il avait à son talon au moment de son accident;
et le membre perdu sont sentis simultanément à leur vraie tel autre qu'il avait des engelures à ce moment-là et qu'il les
place respective. sent encore à ses doigts de pieds.
La main et le pied sont généralement les seules parties Les différences dans la mobilité apparente de la partie
perdues qu'on sente distinctement, les parties intermédiaires perdue, quand elle est sentie, sont étranges. Environ cent
semblent avoir disparu. Par exemple, un homme dont le bras de ceux qui disent sentir leurs pieds, affirment qu'ils peuvent
avait été coupé à l'articulation de l'épaule, me disait qu'il faire remuer leurs orteils à volonté. Cinquante environ nient
sentait pour ains: dire pousser immédiatement sa main à avoir aucun pouvoir de ce genre. Ceci, encore une fois, ne
son épaule. Ce n'est d'ailleurs pas du tout ce qui se produit dérive pas de l'état du moignon car on en trouve aussi bien
constamment. Beaucoup de patients ayant une cuisse amputée de sains que de douloureux chez ceux qui peuvent et chez
sentent plus ou moins distinctement leur genou ou leur ceux qui ne peuvent pas remuer leurs orteils. Presque tou-
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jours quand la volont.é est mise en jeu pour accomplir ce était touché, devaient après l'amputation être excités toutes
mouvement., on peut apercevoir Hne réelle cont.raction des les fois que le moignon est touché. La sensation du pied
muscle du moignon. On pourrait, par conséquent, s'attendre (que les nerfs continueraient à donner) se trouvant ainsi
à la disparition de la sensation après le sectionnement des associée avec les contacts du moignon finirait (en vertu d'une
muscles moteurs des orteils. Il n'en est rien. Je connais des loi de perception que je mentionnais dans Mind en 1887,
cas d'amputations de la cuisse où tous les muscles moteurs p. 196) par se localiser à l'endroit où l'on croirait que se
du pied ont disparu ct cependant où les patients ont l'illu- produisent ces contacts, d'après le témoignage de l'œil et
Rion de faire jouer à volonté les pieds ou les orteils. Et j'en de la main. En d'autres termes, la sensation du pied se
sais d'autres où la partie inférieure de la jambe ayant été fondrait avec la sensation rapportée au moignon. Cela n'arrive
opérée, les patients ont l'impression que leurs orteils et leurs en fait que dans un très petit nombre de cas; et la raison
pieds sont inertes, bien qu'il y ait des contractions dans les en est aisée à trouver. Aux endroits où l'amputation est
parties des muscles moteurs du pied restées au moignon. susceptible d'être pratiquée, les nerfs qui sont au service
Mais quoique nous soyons ainsi forcés, en gros, de conclure du pied sont tous noyés profondément dans les tissus. Un
que ni l'état du moignon, ni la place de l'amputation ne contact superficiel avec le moignon n'excite donc jamais la
déterminent absolument les différences de conscience que sensibilité des nerfs du pied. Tous les contacts normaux du
manifestent des individus différents, il est néanmoins difficile moignon étant incapables d'éveiller la sensation du pied de
de croire que cet état et cette place n'exercent pas une influen- manière appréciable, cette sensation ne peut arriver à s'asso-
ce sur l'illusion que nous étudions en ce moment. A priori cier avec les expériences du moignon; et quand, exception-
il semble qu'il en soit ainsi. Quelle est la nature de ce phéno- nellement, une impression profonde réveille non seulement
mène? Il consiste en cc qu'on connaît habituellement sous la propre sensibilité cutanée du moignon mais encore les sen-
le nom d' « extériorisation ) ou de « projection » hors du moi sations rapportées au pied et dues aux nerfs des couches plus
d'une sensation dont la condition immédiate est l'excitation profondes, alors les deux sensations demeurent distinctes, à
d'un organe central de perception par le moyen d'un ou de la fois au point de vue de la qualité et de la localisation.
plusieurs nerfs afférents. De même que les centres optiques Il y a d'ordinaire une raison positive contre leur fusion
répondent à l'excitation par des sensations de formes et de locale. Plusd'un parmi mes correspondants m'écrit que le pied
couleurs, et les centres acoustiques par des sensations sonores, perdu est tout à fait bien senti quand l'extrémité du moignon
de même certains autres centres répondent par la sensation reçoit l'ébranlement dû à la jambe artificielle. Toutes les fois
d'un pied, avec ses orteils, son talon, etc... Cette sensation que l'ancien pied est ainsi parfaitement senti au moment ou
est ce que Johannès Müller appelle l' « énergie spécifique » le pied artificiel est vu touchant le sol, c'est précisément cet
des régions nerveuses intéressées. La différence des stimuli endroit où se produit le contact qui (étant à la fois impor-
n'importe pas, puisque c'est précisément cette sensation tant et intéressant) devrait être l'endroit où la sensation du
déterminée qui constitue leur seule réponse possible. Aussi pied viendrait s'associer (par le jeu de la loi mentale énon-
longtemps que les sujets sentent quelque chose, ils sentent cée plus haut). En d'autres termes, nous projetterions notre
leur pied. A l'état normal, le membre ainsi senti est localisé sensation sur le sol, comme nous en avons l'habitude avant
à l'endroit où l'œil peut le voir ct la main le toucher. Lorsque la perte de notre membre et nous sentirions ce dernier suivre
le pied que touche la main et que l'œil voit est sectionné, les mouvements du membre art.ificiel. Une observation du
la sensation interne immédiate qu'en a le sujet se conserve Dr Mitchell confirme cette idée. L'un de ses clients perdit
aussi longtemps que les centres cérébraux conservent leurs l~ jambe à l'âge de onze ans et se rappelle que par degrés le
fonctions; ct, e/1 l'absence de tout motif contraire, la locali- !>led sembla s'approcher pour atteindre enfin le genou. Quand
sation du pied doit, pense-t-on, persister à l'endroit oÙ il Il commença à porter une jambe artificielle, son pied reprit
avait l'habitude d'être effectivement. Il y aurait un contre- avec le temps son ancienne position, et le patient ne se rend
motif si les nerfs qui, chez l'homme non-amputé, allaient plus compte du raccourcissement de sa jambe, sauf lorsqu'il
vers le pied et se trouvaient excités chaque fois que le pied parle du moignon ou y pense, et que la direction de l'atten-
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tion vers cette partie du corps lui cause un sentiment de amputé à l'épaule, sans l'avertir du résultat possible. Il
malaise avec la sensation subjective d'un mouvement vif et avait cessé de sentir son membre depuis deux ans. Dès
désagréable dans les orteils. C'est avec ces sensations que que le courant affecta le plexus brachial des nerfs il se mit
revient aussitôt l'illusion que le pied se trouve placé au niveau soudain à crier « Oh! ma main... ma main! » avec force et
du genou. essaya de saisir le membre manquant. Le fantôme que j'avais
L'expérience de cet homme nous montre, dans sa dernière conjuré disparut rapidement, mais aucun esprit n'aurait pu
partie, que les principes invoqués par moi (quoique proba- causer au sujet une stupeur aussi grande tant était forte
blement tout à fait valables dans leur extension) ne sont pas l'impression de la réalité ».
suffisants et qu'entre la fusion avec le moignon et la projec- Dans les cas comme celui-ci, la seule hypothèse qui nous
tion à l'extrémité du membre artificiel, les localisations reste est de supposer que les extrémités des nerfs sont, pour
intermédiaires du pied demeurent inexpliquées. Il ne siérait ainsi dire, si mollement couchées dans le moignon que, dans
pas de les traiter comme une vague survivance de l'ancienne les conditions normales, ils n'apportent aucune impression
habitude de projection normale, car souvent, loin d'être au cerveau ou aucune impression assez forte pour être per-
vagues, elles sont tout à fait précises. Quoi qu'il en soit, aban- çue. Les impressions y fussent-elles portées que le patient
donnant cet aspect du phénomène, voyons ce que nous pou- sentirait, et sentirait un pied. N'en ayant pas la sensation, et
vons encore tirer de nos principes. étant cependant susceptible de l'éprouver ainsi que le montre
En premier lieu, ils nous obligent à retourner la concep- l'expérience de la faradisation, il faut admettre qu'aucune
tion commune du problème. L'esprit populaire s'étonne qu'on impression n'est transmise ou que les nerfs n'éveillent pas la
puisse encore sentir ses pieds coupés. Pour nous, nous sommes conscience. D'ailleurs, c'est une loi générale de la conscience
étonnés dans les cas où l'on ne les sent pas. La première que des sensations dont nous ne faisons pas un usage pratique
explication à laquelle on s'accroche, faute de mieux, est celle tendent de plus en plus à être négligées. Helmholtz a expliqué
selon laquelle les centres nerveux de perception dégénére- notre insensibilité habituelle aux doubles images, aux « mou-
raient et s'atrophieraient quand les terminaisons des nerfs sen- ches volantes » causées par les lacunes des humeurs de l'œil,
sitifs qui normalement les excitent, seraient coupées. L'extir- aux harmoniques supérieurs des différents sons, comme
pation du globe de l'œil produit une semblable atrophie dans autant d'effets de la distraction persistante de notre atten-
les lobes occipitaux du cerveau. Le cordon spinal à plusieurs tions vis-à-vis des impressions inutilisables. Il se pourrait que
reprises a été trouvé séparé, par atrophie, des membres ampu- chez certains sujets cette sorte de distraction fût capable de
tés au niveau d'insertion des nerfs. Il y a un petit nombre compléter notre oubli d'un pied perdu; no!:re sensation s'est
de cas, soigneusement détaillés, où l'on a reconnu une dégé- déjà réduite presque au point de disparaître pour la raison
nérescence ascendante vers les centres corticaux; il y a que nous venons de donner, à savoir la protection des extré-
parallèlement un nombre égal de cas où l'on n'a pu trouver mités nerveuses. La sensation du pied perdu ne nous dit
aucune trace de pareille dégénérescence. Un centre dégénéré absolument rien qui puisse pratiquement nous servir. C'est un
ne peut naturellement plus donner naissance aux sensations détail superflu dans notre bagage conscient. N'est-ce point à
comme autrefois; et lorsque les centres sont dégénérés, ce cause de cela que certains d'entre nous sont capables de s'en
fait explique très suffisamment pourquoi l'on ne peut plus débarrasser l'esprit? Jusqu'à ces dernières années, les oculistes
sentir le membre perdu. Mais il est impossible de classer sous croyaient qu'une superfluité analogue, comme la deuxième
ce chef tous les cas où la sensation est absente. Pour quelques- série d'images perçues par l'œil des gens atteints de strabisme,
uns, sa disparition date des premières heures qui suivirent était rejetée hors de la conscience avec une persistance telle
l'opération et là, la dégénérescence est hors de cause. Chez que l'œil devenait réellement aveugle. Et quoique cette
d'autres, on démontre la survivance des centres de perception explication ait probablement été mise en défaut en ce qui
en excitant électriquement les tronçons nerveux enfouis Concerne la cécité, il n'est cependant pas douteux qu'elle
dans la substance du moignon. « J'ai récemment, dit le Dr reste entière pour établir, chez le malade atteint de strabisme,
Mitchell, soumis à une expérience électrique un de mes patients un manque de conscience presque invincible à l'égard des
images qui se forment sur son œil.
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Cette perte de conscience dérivant d'inattention habituelle même type. Dans ces illuoions, l'esprit recevant une impres-
est alors probablement l'un des facteurs de l'oubli des extré- sion sensible de ce qui semble être partie de certain fait
mités perdues, un facteur que toutefois nous devons consi- probable, perçoit, séance tenante, ce fait dans son intégrité.
dérer comme inefficace quand les impressions venues des Ce que fournit l'esprit en ce cas n'est pas le moins du monde
extrémités nerveuses sont fortes. inférieur en intensité et en réalité à ce qui affecte réellement
Considérons maintenant les différences par rapport à l'illu- le sens. Dans toute perception, il n'y a qu'une moitié de
sion du mouvement volontaire dans les membres perdus. l'objet qui vienne du dehors. La plus grande nous vient de
Nombreux sont ceux qui se sentant et se croyant capables de notre propre tête. Nous pouvons nous-mêmes nous procurer
remuer leur membre absent, pied, main, etc... , à volonté l'illusion d'un mouvement semblable à ceux que nous sommes
contractent nettement les muscles du moignon chaque fois en train d'étudier en mettant une substance qui ne cède pas
qu'ils font l'effort volontaire. De même que le principe des (de la gomme dure, par exemple) entre nos dents du fond et
énergies spécifiques rendait aisément compte de la conscience en mordant vigoureusement. Il est alors difficile de ne pas
du membre perdu, de même ici un autre principe, presque croire que nos dents de devant se rapprochent lorsque nous
aussi universellement adopté par les psychologues, rend sentons se contracter nos muscles des mâchoires. La sensa-
compte, avec une égale facilité, de la conscience du mouve- tion de la position réelle des mâchoires persiste en nous sans
ment dans ce membre et laisse subsister l'embarras plutôt changement pour contredire la fausse suggestion. Mais si
du côté des cas où cette conscience est absente. nous nous rappelons que chez les amputés il ne peut se pro-
Le principe auquel je me réfère est celui de la transmis- duire aucune contradiction positive de cet ordre, puisque les
sion des habitudes ancestrales. Il est, pour ainsi dire, unani- membres sont absents, nous verrons combien plus grande est
mement admis aujourd'hui que, dans chaque couple d'expé- la facilité avec laquelle, dans leur cas, la fausse sensation des
riences qui, au cours des générations d'ancêtres, s'est trouvé mouvement s'implante sans obstacle...
invariablement réalisé avec les mêmes composantes, celles- Mais alors, comment se fait-il qu'il puisse y avoir des pa-
ci sont devenues associées si indissolublement que le des- tients chez qui manque la fausse sensation dont il est ici
cendant ne peut se les représenter à part dans son esprit. question? Sur 140 cas que j'ai examinés, il y avait absence
Or, parmi tous les couples d'expériences possibles, il est diffi- totale de sensation dans 50 d'entre eux; et même lorsque les
cile d'en imaginer un où il existe une association plus uniforme muscles du moignon se contractent violemment, beaucoup de
et plus constante que celle de la sensation de contraction mus- patients sont incapables de sentir aucun changement dans la
culaire, d'une part, et du changement de position des parties position de l'extrémité imaginaire. Cela n'est pas dû au fait
mises en mouvement, d'autre part. Depuis nos ancêtres les que l'amputation est pratiquée au-dessus de l'origine des
plus lointains qui eurent des pieds jusqu'à ce jour, le mou- muscles moteurs du bras ou de la jambe, car il y a 11 cas où
vement des pieds a toujours dû accompagner la contraction ces muscles subsistent et se contractent sans que se produise
des muscles; et c'est ici ou jamais que les conséquences héré- la sensation de mouvement. Je dois dire que je ne puis proposer
ditaires de cette habitude doivent se retrouver, pour vérifier aucune solution pour cette anomalie. Il faut la laisser à
le principe suivant lequel les habitudes se transmettent de l'étude des expérimentateurs futurs, en même temps que
génération à génération. Dans ces conditions, les centres ner- ces cas obstinés de raccourcissements partiels apparents dont
veux qui perçoivent la contraction musculaire n'ont pas été je parlais plus haut.
plus tôt excités que les autres centres, qui ont avec eux une Il est toutefois une réflexion qui me parait convenir à l'en-
solidarité fonctionnelle, doivent participer à l'excitation et semble des phénomènes que nous venons d'étudier. Ils for-
faire naître la conscience du mouvement du pied. Si l'on ment un groupe où les variations d'un individu à un autre,
venait à m'objecter que cette dernière conscience doit être si eHes existent en fait, doivent vraisemblablement atteindre
plutôt idéale que sensorielle, et ne devrait pas par conséquent des extrêmes. Darwin remarque qu'il n'y a pas chez les ani-
engendrer une illusion complètement développée, il me suffi- maux d'organes qui soient plus sujets à varier que les organes
rait de montrer ce qui arrive pour bien des illusions du rudimentaires. Étant sans fonction, la sélection n'a pas eu de
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prise sur eux; le milieu n'exerce aucune influence pour les qui lui a appartenu. Aussi une croyance largement répandue
ramener à un type particulier et il en résulte que leurs aber- veut-elle que lorsque le membre sectionné est malmené de
rations ne connaissent pas d'obstacle. Or les fantômes des façon ou d'autre, le P?ssesseur, .où q~'il soit, ressent~ le ~al.
bras et des jambes perdus sont à l'organisme mental ce que ,Je possède s?r ce pom~ une vmgtame de comm~mc~tlOns,
précisément les organes rudimentaires sont à l'organisme certaines plemes de fOl, le plus grand nombre mcredules.
physique. Ils n'ont plus aucune relation réelle avec le milieu, Quelqu'un me parle d'expériences diverses que pratiquait le
étant de simples vestiges de quelque chose qui autrefois avait docteur dans une pièce avoisinante sur la jambe fraîchement
avec lui des relations réelles. Le milieu ne corrige pas pareil coupée, telles que la réchauffer, etc..., sans qu'il le sût lui-
fantôme quelle que soit la fantaisie qu'il manifeste. S'il s'es- même; et ses propres sensations ne lui en donnèrent pas le
quive d'un coup, le milieu le laisse aller et ne le rappelle pas. soupçon. Évidemment, si un tel rapport télépathique existait
S'il lui arrive « par accident ) de se figer dans une position il ne s'ensuivrait pas qu'il dût être perçu en toute occasion.
déterminée, ou de se raccourcir, ou de couper toute liaison Mais aucun des cas de ma collection où les correspondants
avec ses associés ancestraux dans le domaine de la sensation essaient de le prouver ne donne lieu à une conclusion qui
musculaire, l'accident n'est pas réparé, et l'expérience qui, m'inspire confiance. Tous (à l'exception d'un seul peut-être,
dans tout le reste de notre vie mentale, met promptement des que malheureusement j'ai perdu) sont rapportés d'une manière
bornes à la trop grande excentricité, la laisse ici se dévelop- vague; et parmi toutes les douleurs qui affectent le patient de
per sans correction. J'ignore jusqu'à quel point on doit pousser leur va-et-vient, dans les premières semaines qui suivent
cette idée. Mais (ce que nous ne pouvons appeler d'un autre l'amputation, il serait bien étrange que l'une d'elles ne coïn-
nom que) l'accident ou l'idiosyncrasie joue certainement un cidât point avec des événements survenus au membre enseveli
grand rôle dans tous nos processus nerveux ou mentaux, sur- ou « mis en bocal ). Quelqu'un m'écrit qu'il a déterré sa jambe
tout les plus élevés. Nous ne pourrons jamais rechercher parmi huit fois et changé sa position. Il me demande conseil pour
eux des résultats à l'abri du changement. Il reste toujours des savoir s'il doit encore la déterrer car, dit-il, « il a quelque
exceptions aux lois empiriques de notre vie mentale, et elles crainte ).
doivent être traitées comme autant d'aberrations indivi- Pour conclure, je dirai encore une fois que je n'ai pu jeter
duelles. C'est peut-être quelque chose que d'avoir montré le aucune lumière positive sur ces différences individuelles dont
domaine de la conscience des membres perdus comme celui où l'explication était le but de mon enquête. J'ai peut-être, en
les aberrations individuelles sont susceptibles d'atteindre leur invoquant certains principes bien connus, réussi à rendre
nombre maximum. moins paradoxales les illusions fondamentales, celle de l'exis-
Les changements apparents de température des parties du tence, et celle du mouvement du membre perdu, et moins bi-
corps perdues constituent un chapitre inU:rc,;suuL que je ne zarres qu'elles n'avaient paru jusqu'ici les exceptions recon-
discuterai cependant pas. Qu'il suffise de dire que, chez beau- nues à ces illusions. Mais, dans l'ensemble, je laisse le sujet
coup de patients, le pied perdu peut être senti comme chaud tel que je l'avais pris des mains du Dr Mitchell; et l'un des
ou comme froid, quand on réchauffe ou refroidit le moignon. principaux effets de mon investigation sur mon propre esprit
Un courant d'air sur le moignon donne la sensation d'un est encore l'admiration que je ressens pour la façon dont il
courant d'air sur le pied. Le pied perdu sympathise quelque- l'avait traité il y a quinze ans.
fois avec le pied restant. Si l'un est froid, l'autre sent le froid.
Quelqu'un écrit que chaque fois qu'il marche dans une flaque
d'eau et se mouille le pied, le pied absent se sent aussi mouillé.
Les observations que je présenterai en terminant sont faites
pour intéresser ceux qui s'occupent de « recherches psychi-
ques ). S'il y a assurément un objet matériel éloigné avec
lequel on puisse supposer qu'un homme ait des relations de
clairvoyance ou de télépathie, c'est bien sans doute le membre

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