1985-2005 (лекция 1)
Концепция курса
Содержание курса
№
Учебный материал
газеты
Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография
17 периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о
читателе, книге и литературном творчестве.
Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций:
18
Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст.
Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст.
19
Контрольная работа № 1.
Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе,
21
Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст.
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями:
22
Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст.
23 Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст.
Контрольная работа № 2.
Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар,
24 Володин, Новарина и др.
Итоговая контрольная работа.
Cours 1
Le but et l’objectif du cursus. Les formes du contrôle continu. Bibliographie des périodiques et de la critique.
Le paysage de la France littéraire aux confins des deux siècles. Les écrivains sur la lecture, le lecteur et
l’écriture
Dans ce patchwork bigarré et éclectique il est compliqué de distinguer une tapisserie unie,
d’observer des couleurs, sans parler de nuances. Cette image se rapporte, notamment à la période
qui commence à partir des années 90. Avant, tout semblait relativement cohérent : les mêmes
noms des mêmes écrivains déménageaient d’une méthode à une autre, d’un recueil d’exercices
de grammaire aux différents tests lexicaux. Les prosateurs, qui à une certaine époque pouvaient
paraître représentatifs de la littérature française ne le sont plus du tout, soit ne sont point
considérés comme « contemporains ». Hervé Bazin, Françoise Mallet-Joris, François Nourissier,
André Maurois, Françoise Sagan, Maurice Druon, Henri Troyat sont maintenant des auteurs du
siècle dernier, et il est grand temps de s’en rendre compte. De ce répertoire certains sont morts,
la gloire de quelques uns était due plutôt à leur loyauté vis-à-vis du régime soviétique qu’à la
qualité de leur écriture, certains se sentent bien en forme et font partie des Grands Jurys qui à
présent distribuent les prix littéraires annuels. Même s’ils continuent à écrire, rarement leurs
ouvrages se révèlent d’une grande portée dans la vie littéraire de la France d’aujourd’hui.
Depuis trente dernières années, il y eut maint changements. Partout. Dans la langue (en
particulier dans le lexique et la syntaxe), dans le quotidien, dans la priorité des sujets d’actualité,
dans des moyens de communication... Certainement, il reste encore des points de repères
inébranlables, mais il s’agit de savoir lesquels.
· décrire la place du livre et de la lecture dans la société française à la frontière des deux siècles ;
· trouver des critères d’après lesquels il serait possible ultérieurement d’analyser les œuvres
contemporaines lors des cours de français langue étrangère ;
· initier à la découverte « autonome » des auteurs qui seront mentionnés lors du cursus et des
dizaines d’autres qui ne le sont pas...
Les formes de contrôle prévues de ce cursus sont orientées sur le Cadre Européen et le niveau C1
de l’examen du DALF. Les tests prévoient les compétences de la compréhension écrite et orale.
D’une grande aide, ainsi, seraient pour se préparer, quelques sites Internet,
notamment, de tels moteurs de recherche que
http://perso.wanadoo.fr/labyrinthe
www.remue.net
www.auteurs.net
www.lettres.net
http://www.ecritures-modernite.cnrs.fr
http://carnets.contemporain.info
www.figuresdestyle.com
http://signets.bnf.fr
La presse écrite a toujours consacré des rubriques spéciales aux nouveautés littéraires. De temps
en temps, des quotidiens rajoutent des suppléments exclusifs Livres, Le Monde, Le Figaro, Le
Nouvel Observateur, Les Inrockuptibles en sont des exemples. Les périodiques littéraires qui
présentent les dernières parutions pourraient être partagés en deux catégories : ceux qui ne
publient que la critique et ceux qui font connaître de la poésie ou de la prose d’aujourd’hui. Du
premier groupe font partie des journaux et revues comme Lire, Magazine littéraire, La
Quinzaine littéraire destiné à un public assez large. Sur les pages du mensuel Matricule des
anges il y a une rubrique consacrée à une maison d’édition, son histoire et sa stratégie, un dossier
sur un auteur contemporain avec sa biographie, une interview avec lui ; une découverte d’un
auteur éminent sous un angle inattendu. Parmi les périodiques du deuxième groupe figurent
L’Atelier du roman, Poétique et d’autres. Voilà quelques références qui ne seront pas de trop :
www.magazine-litteraire.com
www.lire.fr
www.quinzaine-litteraire.presse.fr
www.lmda.net
Un lecteur français voulant trouver un livre à son choix retient non seulement le titre du livre et
le nom de l’auteur, mais la maison d’édition où il est publié. Chaque maison d’édition a son
histoire et sa réputation. Parmi les plus importantes (disons tout de suite qu’il ne s’agit que de la
fiction) notons Gallimard – il est de règle que si l’auteur sort chez Gallimard, il devient vraiment
populaire ; Seuil ; Minuit – créée pendant la Seconde guerre mondiale en clandestinité – accepte
des auteurs qui cherchent leur propre style ; Grasset ; Actes Sud – réputée surtout par les romans
traduits des langues étrangères – ; POL – qui publie de la littérature provocatrice et marginale.
On les reconnaît tout de suite par la maquette des couvertures qui ne change pratiquement jamais
(Verdier, Minuit, Gallimard). Sur certains sites Internet des éditions on peut trouver les dernières
parutions, les interview avec les auteurs, toute une collection d’articles critiques.
www.gallimard.fr
www.leseditionsdeminuit.fr
www.pol-editeur.fr
www.seuil.com
www.grasset.fr
www.editions-verdier.fr
De même, pour en savoir plus sur la littérature française des années 1990-2005 vous pouvez
recourir au livre Littérature française 1990-2005. Choix de textes (Stratégie, Moscou, 2006).
Vous y trouverez deux préfaces – sur l’état de choses dans la littérature contemporaine et sur des
approches pédagogiques du texte littéraire – , une bibliographie des auteurs présentés et leurs
traductions en russe, une liste des sites Internet, dont nous citons quelques uns dans ce cursus.
Plusieurs chercheurs et critiques littéraires considèrent que le dernier « mouvement littéraire »,
une sorte d’ « école » était le Nouveau Roman. Le propre des écrivains ayant appartenu à cette
tendance se manifestait, en premier lieu, en refus – presque aussi catégorique que chez les
dadaïstes du début du XXe siècle – de tous les paramètres classiques du roman. Ils ont renoncé à
la composition habituelle – le début, l’intrigue, le développement du sujet, le dénouement – ; aux
personnages – le lecteur ignorait leur noms, leur passé, leur physique, leur pensées ; à
l’indication de l’endroit où se passait l’action, le nulle-part (no man’s land) ; il était difficile de
trouver dans ces textes des indications temporels. Cette révolution s’est opérée avec Nathalie
Sarraute, Michel Butor, Alain Robbe-Grillet, Samuel Beckett, Robert Pinget et autres. Tous
étaient publiés chez Minuit.
Depuis, il n’existe plus d’écoles, ni d’unions. Pourtant il y a divers genres et thèmes qui attirent
plus des écrivains.
D’après leur attitude envers le monde qui les entoure, on peut diviser les
écrivains – de façon assez schématique – en « introvertis » et « extravertis
». Le premier groupe est souvent nommé avec ironie « nombrilistes » ou «
minimalistes » pour l’absence de grandes questions philosophiques dans
leurs écrits. Ce ne sont pas de grandes fresques épiques, mais de toutes
petites miniatures, natures mortes. Leur prose ressemble aux essais
minuscules. Après la sortie de son recueil La Première gorgée de bière et
autres plaisirs minuscules Coll. L’arpenteur, Gallimard 1997, Philippe
Delerm a été nommé « écrivain des petits riens ». Michel Tournier fait
paraître Petites proses (1986) et Le Miroir des idées (1994). Néanmoins, le laconisme de la prose
n’équivaut pas toujours la banalité. L’exemple de Pascal Quignard, Petits traités (Maeght, 1990
– Gallimard-Folio, 1987 réédités en 2 tomes) : huit volumes de textes brefs écrits à partir de
1981, qui excelle dans le style fragmentaire le prouve le mieux.
Ceux qui ne sont pas indifférents aux problèmes du monde extérieur ne sont pas très nombreux
mais ils se font entendre. C’est François Bon avec la majorité de ses romans Temps machine
(1993), C’était toute une vie (1995), Prison (1998), Paysage fer (2000), Mécanique (2001),
Daewoo (2004). C’est Olivier Rolin et Didier Daeninckx. Ici on peut même parler d’un certain
réalisme, assez austère et critique .
D’autres tendances bien prononcées sont un intérêt ressuscité pour l’histoire et toutes les formes
de biographie et autobiographie (ces deux thèmes feront sujet de deux cours à part).
Aussi, avec le rôle croissant de l’image dans la vie, de la télévision et du cinéma on observe une
certaine « visualisation » de la prose, un phénomène qui, certainement, prend ses racines dans la
description des tableaux dans les romans de Balzac et Proust et, plus tard, chez les auteurs du
Nouveau Roman, autrement appelé « l’école du Regard ». Christian Bobin fait un essai sur
Bonnard, Marie N’Diaye, jeune écrivain d’un grand talent et d’une plume particulière, écrit des
textes pour les tableaux de Willliam Turner, peintre impressionniste anglais qui a devancé son
siècle. Le protagoniste (le personnage principal) du roman ironique de Jean-Philippe Toussaint
La Télévision tout en détestant le « petit écran » : « ... au lieu que les livres, par exemple, offrent
toujours mille fois plus que ce qu’ils sont, la télévision offre exactement ce qu’elle est, son
immédiateté essentielle, sa superficialité en cours... » Travaille sur l’œuvre de Titien dans le
cadre d’une thèse. Dans les romans de Alain Robbe-Grillet il y a presque partout une description
d’une toile, son regard, sa vision de photographe ou de cinéaste. Michel Tournier a fait paraître
un recueil consacré à la photographie et qui porte le titre Vues de dos . Dans le descriptif de ce
livre nous trouvons les lignes suivantes : « L’Homme compose son visage,dispose ses mains,
joue du geste et du pas... Tout est dans la façade... Mais l’arrière ? Mais le dos ? Le dos ne sait
mentir .... ».
Ce qui unit aussi pratiquement tous les écrivains de nos jours, c’est qu’ils essayent de s’exercer
dans de divers genres. Ainsi, Le Clésio, Pennac, Orsenna, Tournier font des bouquins pour les
enfants ; Echenoz adore parodier et brouiller tous les genres possibles et imaginables (du roman
policier aux notes de voyage) ; Toussaint se propose comme auteur de scénarios ; N’Diaye écrit
des pièces.
Aux temps que l’on nomme maintenant classiques, il existait des manifestes littéraires qui
exprimaient les principes propres à tel ou tel groupe. Maintenant, il n’en est plus question. C’est
pas souvent que les lecteurs actuels trouvent des digressions des auteurs sur l’écriture et la
lecture. Leurs remarques critiques se font voir soit dans leurs essais sur d’autres écrivains : Pierre
Michon disserte sur les pages de Faulkner, Balzac et Beckett ; Michel Houellebecq se sent
proche de la prose gothique de Lovecraft ; Pascal Quignard réfléchit sur ce que c’est que
l’écriture fragmentaire avec La Bruyère. La plupart d’entre eux, pourtant, se posent des questions
sur la création littéraire, sur l’impossibilité ou une énorme difficulté d’exprimer de façon
adéquate leurs sentiments et pensées (il en est question dans le livre de Daniel Pennac Comme un
roman, dans le roman Du hérisson de Eric Chevillard, dans un essai de Sylvie Germain
Personnages).
« L’homme construit des maisons parce qu’il est vivant, mais il écrit des livres parce qu’il se
sait mortel. »
D. PENNAC
« Il n’est pas de menteur qui ne taise le fait qu’il ment. Le romancier est le seul menteur qui ne
tait pas le fait qu’il ment. »
P.QUIGNARD
« Devant les livres, la nature ou l’amour, vous êtes comme à vingt ans : au tout début du monde
et de vous. »
Ch. BOBIN
« Je crois qu’avant tout et au-delà de toute autre considération, un écrivain est poussé par
l’envie d’écrire, un peintre par l’envie de peindre, un sculpteur de même (et peu importe : «
dieu, table ou cuvette ? »...) ».
C. SIMON
« Je pense qu’une œuvre n’existe que lue. Au fond, une œuvre a toujours deux auteurs, celui qui
l’écrit et celui qui la lit ».
1. Proposer un commentaire de la phrase signifiant, avant tout, une réflexion sur le sens explicite
(exprimé clairement) et implicite (non exprimé dans le texte mais sous-entendu) de l’énoncé.
Dans ce cas, l’écrivain réfléchit sur la répartition des rôles dans la triade : auteur – œuvre –
lecteur. Il formule un jugement et engage implicitement une polémique avec ceux qui assurent
que le lecteur peut ne pas être pris en considération dans le processus littéraire. Il est très utile, à
cette étape du travail, d’analyser le sens des mots-clés en se posant des questions du type :
qu’est-ce qu’une œuvre littéraire ? qui peut être nommé auteur/coauteur du livre ?
2. Ensuite il s’agit de dégager un problème à résoudre qui peut être formulé comme question. La
phrase de M. Tournier serait reformulée ainsi : qu’est-ce qui permet de considérer le lecteur
comme un coauteur de l’écrivain ?
Chaque idée doit être argumentée et illustrée par des exemples pertinents.
5. On ne doit pas oublier qu’un exposé oral ne doit pas dépasser 10 minutes. Le commentaire
écrit, selon la consigne, doit contenir 150-200 mots.
Cours 2
Les Prix littéraires en France. Les paramètres du roman chez quelques lauréats comme Orsenna, Makine,
Quignard, Germain et autres
Un des moyens pour s’orienter dans les dernières parutions sur le marché littéraire est de suivre
de près les remises des prix. Pourtant, la quantité des prix littéraires attribués en France chaque
année dépasse de beaucoup la vitesse moyenne de lecture. Quand après les vacances les Français
se retrouvent chez eux, en octobre-novembre, commence la célèbre « rentrée littéraire ». Cet
événement est attendu non seulement par les lecteurs, mais aussi par les libraires, les journalistes
qui se précipitent sur les vainqueurs pour leur poser des questions et ensuite en faire des articles
à la une des différents périodiques. La radio et la télévision ne restent pas non plus dans
l’ombre : on invite les auteurs devenus d’un coup vedettes, le public veut savoir tout sur une
nouvelle célébrité.
C’est une moisson des prix. Ils sont fondés et attribués par des départements, par des sociétés ;
ils portent les noms des écrivains, poètes et journalistes (Paul Verlaine, Théophile Gautier,
Théophraste Renaudot), ils couronnent les œuvres de différents genres, nouvelle, drame, roman
policier (prix Quai des Orfèvres) et tout cet éventail ne concerne que la fiction, les belles-lettres !
Les jurys sont aussi différents, ils peuvent être « dans le même métier », c’est-à-dire, des
écrivains, ou des critiques, ou des adolescents, comme dans le cas du « Goncourt des lycéens ».
Les prix peuvent rapporter de l’argent (les prix de l’Académie française), faire augmenter le
tirage (le Goncourt) ou être tout simplement prestigieux avec 0 € de récompense (Femina,
Médicis). L’attribution du prix peut avoir lieu dans une ambiance particulière. Par exemple, le
jury du Goncourt se réunit dans le restaurant Drouant au cœur de Paris où pour chaque membre
est posé un couvert. Le jury a le droit de prendre « le dîner de décembre » seulement après avoir
désigné le gagnant.
Notre but, dans ce cours, est de parler des prix les plus notoires, d’en dégager les noms les plus
marquants des dernières années et de s’arrêter sur leur œuvre. Quelques auteurs vont figurer dans
des cours suivants.
La date officielle de la création du prix Goncourt c’est l’année 1903. Depuis, les dix membres se
voient au début de novembre pour décerner le prix au gagnant. Parmi les Académiciens
Goncourt on compte trois femmes (Françoise Chandernagor, Edmonde Charles-Roux et
Françoise Mallet-Joris) et sept hommes parmi lesquels Michel Tournier et Bernard Pivot. Ce
dernier est une figure de proue dans la critique littéraire et reste actuellement un des meilleurs
spécialistes dans son domaine, ayant une énorme expérience et un goût irréprochable. Pendant 15
ans Pivot a été rédacteur du Figaro littéraire, un supplément du quotidien éponyme, animateur
de l’émission « Apostrophes » – regardée par tout le pays du 1975 au 1990 –, du magazine
télévisé « Bouillon de culture » (du 1991 au 2001). C’est un lecteur professionnel. Dans son
livre Métier de lire (Gallimard, 2001), il donne quelques conseils pour que la lecture soit
réussie : « Lire exige des yeux et de l’esprit une grande disponibilité. Avoir tout son temps pour
ne pas précipiter ou bâcler la lecture. Avoir toute sa tête pour se concentrer sur le livre. La
politesse due à un auteur, qu’il soit célèbre ou pas, admiré ou pas, requiert qu’on se consacre à
lui comme à un visiteur qu’on a sollicité. »
Les membres du jury Goncourt ne sont pas rémunérés. C’est un engagement bénévole par amour
et la promotion de la littérature. Le lauréat reçoit un chèque symbolique de 10 €.
Mentionnons quelques prix Goncourt à partir des années 70 qui nous semblent particulièrement
dignes d’intérêt.
1975 – Emile Ajar, La Vie devant soi – sous ce pseudonyme et ayant recouru à la mystification
Romain Gary a eu encore un Goncourt par quoi il a enfreint le statut (la première fois en 1956
pour le roman Les Racines du ciel)
1988 – Erik Orsenna, L’Exposition coloniale. Un des thèmes de prédilection de cet auteur est la
langue française. Il se compare à un paysan de la langue qu’il doit cultiver comme un
agriculteur ; il a besoin de « soleil et de vent pour que les textes soient beaux et de pluie pour
qu’ils poussent ». Dans son livre La Grammaire est une chanson douce, Erik Orsenna imagine
un voyage où les noms, les adjectifs et les articles prennent l’apparence des êtres humains. On
retrouve les mêmes personnages dans Les Chevaliers du Subjonctif, où Orsenna défend la
richesse du français.
1995 – Andreï Makine, Le Testament français. Pour la première fois dans l’histoire du prix, il a
été décerné à un Russe francophone. En plus, au même moment, Makine a eu le Goncourt des
lycéens qui est considéré être parfois non moins impartial et juste que le Goncourt « des
adultes ». Aussi, pour la première fois, le Goncourt et le Médicis ont été attribué au même
roman. Il est question dans le livre d’un petit garçon russe à qui sa grand-mère d’origine
française apprend l’amour envers sa langue maternelle. Tout est dans ce roman : la séduction par
le rythme mélodieux de la phrase, l’étrangeté des mots qui résonnent comme des formules
magiques jusqu’à la profanation de cette même langue à l’âge de l’adolescence quand ce garçon
grandit difficilement.
En 2006, le prix Goncourt a été gagné par Jonathan Littell pour le roman Les Bienveillantes.
Encore une fois ce fut une surprise ; non seulement c’était un américain francophone ce qui est
rare ; le livre de 900 pages s’est révélé être sa première œuvre ; aussi, l’auteur s’est déclaré rester
le seul détenteur des droits d’auteur ce qui est sans précédent pour la France où c’est toujours
l’affaire de l’éditeur.
Le prix Renaudot a été créé en 1925 par dix critiques littéraires attendant la délibération du
Goncourt au restaurant parisien Drouant. C’est une sorte d’anti-Goncourt qui porte le nom de
Théophraste Renaudot, fondateur du premier journal français, La Gazette, en 1631. Son jury est
composé de dix membres qui se recrutent par cooptation. Une présidence tournante est confiée
d’année en année à chacun des membres par ordre d’ancienneté d’appartenance au jury. Deux
livres sont désignés au cas où le lauréat du Renaudot aurait déjà le Goncourt. Les auteurs ayant
obtenu un des grands prix littéraires dans les cinq dernières années ne peuvent pas être retenus
comme lauréats du Prix Renaudot.
Parmi les lauréats fameux de ce prix se détachent Marcel Aymé pour La Table aux crevés en
1929, Louis-Ferdinand Céline pour Voyage au bout de la nuit en 1932, Louis Aragon pour Les
Beaux Quartiers en 1936, Michel Butor pour La Modification en 1957, Jean-Marie Le Clézio
pour Le Procès-verbal en 1963 et Georges Perec pour Les Choses en 1965. En 2003 Philippe
Claudel reçoit le prix pour le roman Les âmes grises.
Le prix Médicis a été fondé en 1958 par Gala Barbisan et Jean-Paul Giraudoux qui voulaient
fonder « un prix pas comme les autres ». Le jury qui se compose de dix membres se prononce fin
octobre ou début novembre, quelques jours avant ou après le Prix Goncourt, en même temps et
au même endroit que le Prix Femina (l’hôtel parisien Crillon). Il récompense l’œuvre d’un jeune
auteur faisant preuve d’un ton et d’un style nouveau. Parmi les lauréats, Philippe Sollers pour Le
Parc en 1961, Claude Simon pour Histoire en 1967, Georges Perec pour La Vie mode d’emploi
en 1978.
« Il est indéfinissable », répond-il. « On ne peut pas faire de distinction entre le style et
l’histoire, car c’est le style qui fait l’histoire ».
En 2002 Alexakis écrit un livre Les Mots étrangers qui touche aussi les problèmes de la langue.
Quand on le lit, on a l’impression qu’il ne se passe rien. Il y a bien une histoire, celle d’un
écrivain grec qui au lendemain de la mort de son père part en Centrafrique, une histoire qui
s’écrit donc en trois langues, le grec, le français et le sango.
Le prix Femina a été fondé en 1904 par une vingtaine de femmes journalistes de la revue Vie
heureuse (qui deviendra Femina) pour rendre plus étroite les relations de confraternité entre les
femmes de lettres. Il est décerné à une œuvre d’imagination par un jury composé de douze
femmes. Le lauréat est annoncé fin octobre ou début novembre à l’hôtel parisien Crillon,
quelques jours avant ou après le prix Goncourt. Il a notamment récompensé Roland Dorgelès
pour Les Croix de bois en 1919, Georges Bernanos pour La Joie en 1929, Antoine de Saint-
Exupéry pour Vol de nuit en 1931 et Marguerite Yourcenar pour L’Œuvre au noir en 1968.
1988 – Alexandre Jardin, Le Zèbre. Tous se contentent de conquérir une femme qui surgit dans
leur existence ; mais reconquérir la sienne après quinze ans de mariage ? Et c’était bien là ce qui
tourmentait le Zèbre ; car si Shakespeare, Stendhal et les plus grands auteurs se sont gardés
d’aborder le thème de la reconquête, ce doit être parce qu’elle est impossible. Mais il aime
Camille avec trop de passion pour renoncer à son dessein.
1989 – Sylvie Germain, Jours de colère . Au centre du roman est la vie d’une famille mais cette
vie est dominée par la folie qui se présente comme le thème-clé. Cette folie est double, car dès le
début deux personnages obsédés sont sur la scène, l’un positif, Edmée – qui croit que la
naissance de sa fille Reine est due à une faveur de la Vierge –, et l’autre négatif, Ambroise
Maupertuis – qui a été amoureux de Catherine, l’épouse infidèle de son voisin et concurrent
Corvol, qui l’a assassinée, crime dont Maupertuis a été le témoin – ; c’est donc autour de ces
deux personnages que tournent tous les autres. C’est presque une saga, une épopée qui ressemble
parfois à un drame shakespearien avec des trahisons, meurtres, folie et amour interdit et
impossible. Comme dans une tragédie grecque, le destin va frapper la troisième génération : les
amoureux innocents.
Le prix Interallié a été fondé le 3 décembre 1930 par une trentaine de journalistes qui déjeunaient
au Cercle Interallié à Paris en attendant les délibérations des dames du Femina. Le jury est
composé de dix journalistes masculins, auxquels se joint le lauréat de l’année précédente. Le prix
est remis au début du mois de novembre, au restaurant parisien Lasserre. Il récompense un
roman écrit par un journaliste.
Le premier des lauréats est André Malraux récompensé pour La Voie royale en 1930. Également
primés ont été : en 1991, Sébastien Japrisot pour Un long dimanche de fiançailles, Frédéric
Beigbeder pour Windows on the world en 2003, Michel Houellebecq en 2005 pour La Possibilité
d’une île.
Les paramètres du roman traditionnel du XIXe siècle auxquels sont habitués des « lecteurs
naïfs », selon l’appellation de Umberto Eco, ont-ils radicalement changé ? Notons quelques traits
propres, a notre avis, à la majorité des romans actuels.
Les personnages restent toujours dans la prose contemporaine, seulement ils ont sensiblement
changé, devenus moins actifs et presque plus engagés dans la vie sociale et politique. Le
personnage Monsieur du roman éponyme de Jean-Philippe Toussaint est une espèce d’automate :
sa vie est une répétition incessante de paroles, gestes et situations similaires, prévisibles, limités.
Le narrateur dans le livre Réticence du même auteur pendant tout le roman veut appeler les gens
qu’il connaît et c’est pour les rencontrer qu’il était venu ; mais il n’arrive ni à accrocher un
combiné, ni à composer leur numéro sans aucun prétexte apparent. L’héroïne du roman Rosie
Carpe de Marie N’Diaye peut paraître autiste au premier regard : elle commet des « actes
gratuits » et n’analyse jamais ce qu’elle fait. Pourtant, elle essaye de réunir des bribes de ses
pensées disparates, mais cette chaîne se rompt et fuit toute logique. Elle obéit aux circonstances,
bougée par des forces inconnues qui la font souffrir, elle, mais aussi les gens qui l’entourent, son
petit fils en particulier. Des personnages passionnés comme chez Sylvie Germain se font rares, et
encore, ils sont prêts à se sacrifier pour leurs proches et pas pour des idées abstraites.
Chez la plupart des écrivains l’action de leurs livres se passent en France, à Paris – dans un
arrondissement de Belleville comme chez Daniel Pennac – ou en province – comme chez Pierre
Bergounioux, Philippe Claudel. Il arrive – assez rarement – que l’attention de l’écrivain est attiré
par des départements ou territoires d’outre mer ou par des pays de l’Europe. Cette observation
nous conduit à la conclusion que les pays et les continents exotiques ne font plus rêver les
auteurs, il se peut qu’ils s’y retrouvent, mais plutôt avec leurs problèmes et leur monde intérieur.
Texte
Erik Orsenna
Longtemps
(extrait)
Il était une fois, au milieu des années soixante, un homme acharné à demeurer normal. Par
normal il entendait marié. Marié une seule et bonne fois pour toutes. Par normal il entendait
d’abord : une vie inverse de celle de ses ancêtres dont les amours avaient toutes été
tumultueuses, diverses et insupportablement douloureuses.
Pour mener à bien ce grand projet de normalité, il avait entouré son propre mariage des plus
vigilantes protections.
Il avait rompu tout lien avec son père, par crainte de la contagion.
Dans le même souci d’éviter les risques, il passait toujours au large des lieux qui appellent au
départ : librairies maritimes, antiquaires spécialisés dans l’exotisme, agences de voyages,
boutiques de lingerie. Chez lui, aucune carte de géographie ne divertissait les murs.
Mais son allié principal, sa fabrique quotidienne de bonheur paisible et sédentaire était le métier
qu’il s’était choisi : l’aménagement de jardins, la création de paysages.
La vocation de la botanique lui était venue très tôt, dès l’âge de quatorze ans. Un jour que, dans
sa maison, deux adultes se déchiraient pour je ne sais plus quelle histoire de coucherie. Pour
échapper aux larmes et aux cris, il était descendu se promener dans le parc de la ville qu’il
habitait alors : Biarritz. Et là, dans ces allées désertes, dans l’air du soir rosé par les derniers
rayons du couchant, la vérité était apparue, évidente, implacable : les plantes faisaient honte aux
humains. Elles aussi naissaient, vivaient et mouraient. Elles aussi avaient leurs amours et leurs
tracas. Mais elles ne jugeaient pas nécessaire, pour autant, de prendre le ciel à témoin et
d’empoisonner l’atmosphère par des sanglots et des hurlements. Elles se contentaient d’être.
La vie végétale était aussi diverse, joyeuse et désespérée, aussi vivante que la nôtre. Elle nous
donnait simplement un exemple de silence et de dignité.
De ce jour, au grand mépris de ses camarades, il abandonna les nobles combats du football pour
le défrichement d’un enclos minuscule colonisé par les genêts. Et quitta la compagnie
d’Alexandre Dumas et de ses mousquetaires pour celle des bulbes et semences : il passait son
temps dans les catalogues. Et préparait chacune de ses nuits par la lecture d’un ouvrage fort
ancien, cadeau de son grand-père : Théâtre d’agriculture et ménage des champs. L’auteur,
Olivier de Serres, avait survécu aux terribles guerres civiles de notre XVIe siècle. Via le travail
de la ferme, il redonnait à la France le goût de la paix. Rien de tel que la promenade dans l’une
de ses pages « du labourage des terres à grains », « de la conduite du poulailler », pour se
laisser aller au plus confiant des sommeils.
Vingt-six ans plus tard, notre homme ne pouvait que se féliciter d’avoir choisi la botanique. Oui,
à condition de ne jamais rester seul avec une cliente, spécialement au printemps, quand tout
bourgeonne, et l’été, les redoutables après-midi d’été, lorsque la sueur colle à la peau des
femmes les robes imprimées, l’art du jardin était le plus fidèle complice du mariage.
1. Formulez en une phrase l’idée du texte. Pour cela repérez d’abord dans le texte les mots-clés,
ensuite, trouvez deux thèmes principaux et, enfin, trouvez des moyens lexicaux, syntaxiques et
logiques de les relier.
2. Dans le premier paragraphe le mot « normal » est employé trois fois, et encore le mot
« normalité » dans le deuxième. Est-ce que cela témoigne de :
- la pauvreté du vocabulaire de l’auteur ;
- la pauvreté du vocabulaire du personnage principal ;
- l’impossibilité de remplacer ce mot par un autre ;
- l’importance de cette notion pour le personnage.
4. Quels sont dans le texte les synonymes des mots « larmes » et « cris » ?
№
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Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография
17 периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о
читателе, книге и литературном творчестве.
Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций:
18
Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст.
Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст.
19
Контрольная работа № 1.
Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе,
21
Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст.
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями:
22
Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст.
Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст.
23
Контрольная работа № 2.
Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар,
24 Володин, Новарина и др.
Итоговая контрольная работа.
Cours 3
Le phénomène des bestsellers :
Beigbeder, Gavalda, Houellebecq, Werber et autres
Amélie Nothomb a fait de ses extravagances un argument publicitaire et elle continue toujours
cette stratégie : le livre Métaphysique des tubes (2000) propose son autobiographie de zéro à
trois ans. Elle romance son expérience pénible du travail dans une boîte japonaise dans Stupeur
et tremblements, puis elle rentre en Belgique et publie Hygiène de l’assassin chez Albin Michel,
en 1992, le roman adapté pour le cinéma par François Ruggieri en 1999. C’est le début du
succès. Désormais, Amélie Nothomb vit de l’écriture, sa passion. Elle y consacre au moins
quatre heures par jour et dit écrire trois romans par an pour n’en publier qu’un seul (les autres
étant selon elle trop personnels). Amélie Nothomb occupe une position paradoxale par rapport au
langage. Ayant obtenu sa licence en philologie romane, elle se place en représentante du bon
langage, du respect des normes grammaticales, lexicales, syntaxiques. Le protagoniste de
Hygiène de l’assassin, l’écrivain Prétextat Tach tente de s’exprimer, de transmettre quelque
chose au lecteur : « Quand je vous disais qu’on me lisait sans me lire [...] Je peux me permettre
d’écrire les vérités les plus risquées, on n’y verra jamais que des métaphores. » Le roman
Cosmétique de l’ennemi se présente sous forme d’un dialogue entre Jérôme Angust (qui attend
son avion à l’aéroport) et Textor Texel, dont le nom témoigne de l’intérêt de Nothomb pour le
texte (qui l’importune).
En une dizaine d’années, Eric-Emmanuel Schmitt est devenu un des auteurs francophones les
plus lus et les plus représentés au monde. Ses livres sont traduits en 35 langues et plus de 40 pays
jouent régulièrement ses pièces. Le Visiteur en 1993, un triomphe qui lui valut trois Molières en
1994 : Meilleur Auteur, Révélation Théâtrale, Meilleur Spectacle. Monsieur Ibrahim et les fleurs
du Coran, créé en décembre 1999 par Bruno-Abraham Kremer, n’a cessé de se jouer depuis,
envoyé par le Ministère des Affaires Etrangères dans de multiples pays. François Dupeyron en a
tiré un film de cinéma qui valut à Omar Sharif le César du meilleur acteur en 2004. Après, il
publia La Part de l’autre (2001), livre plus sombre consacré à Hitler, le vrai et le virtuel puis une
variation fantaisiste et satirique sur le mythe de Faust Lorsque j’étais une œuvre d’art (2002).
Les récits de son Cycle de l’Invisible ont rencontré un immense succès aussi bien en
francophonie qu’à l’étranger, aussi bien sur scène qu’en librairie. Milarepa sur le bouddhisme,
Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran sur le soufisme, Oscar et la dame rose sur le
christianisme et L’Enfant de Noé (2004) sur le judaïsme sont dévorés par des millions de lecteurs
de toutes les générations. En automne 2004, le magazine Lire a effectué un sondage auprès des
Français pour qu’ils désignent les « livres qui ont changé leur vie » : Oscar et la dame rose – fait
exceptionnel pour un auteur vivant – s’est trouvé cité avec La Bible, Les Trois Mousquetaires ou
Le Petit Prince.
Avec ses différentes trilogies (Les Fourmis, Les Thanatonautes, Les Dieux), Bernard Werber a
réactualisé – avec beaucoup de succès – un genre peu exploré en France, le roman scientifique.
Plutôt que de science-fiction, il préfère qualifier ses romans de philosophie-fiction, mêlant
théories scientifiques plus ou moins avérées, aventures, et considérations philosophiques sur nos
sociétés humaines. Il s’est aussi essayé à la bande dessinée et au cinéma ; il réalise actuellement
un long métrage, Nos amis les terriens. Son dernier roman, Le Souffle des dieux, est sorti en
octobre 2005, toujours aussi populaire auprès du public, mais toujours boudé par la critique.
Avec 10 millions d’exemplaires vendus dans le monde, il est un des auteurs français actuels les
plus lus. Cet auteur reconnaît privilégier l’action à la psychologie. « Je suis l’anti-Marguerite
Duras! »
La deuxième catégorie des livres à succès que mentionne Dominique Viart est la littérature
concertante, parce qu’elle mise sur « les clichés du moments et se porte à grand bruit sur le
devant de la scène culturelle [...], sa recherche est celle du scandale calibré selon le goût du
jour ». Des auteurs pareils sont des « maîtres » de la conjoncture du moment, ils savent quel type
d’hameçon vont attraper sans faille le public, des journalistes et des critiques, qu’est-ce qui va les
attirer. La vie des stars, les drogues, le sexe, la psychanalyse, le conflit entre les races, les
religions et les groupes sociaux, telle est la liste incomplète des sujets de base de cette littérature.
Certainement, il est possible d’étudier le quotidien d’après ces œuvres-là, d’en extraire la
problématique et des expressions de la langue parlée, mais, dans la plupart des cas, ces livres ne
donneront pas à réfléchir vraiment sur la condition humaine.
Un des représentants de cette littérature est Frédéric Beigbeder, quelqu’un de très controversé et
contradictoire. Ce dandy aime son personnage et en même temps, il n’hésite pas à se critiquer
dans ses autofictions. Il dénonce le système de la publicité, mais il y est resté 10 ans. Il est
égoïste, lâche, cynique et obsédé sexuel – bref c’est un homme comme les autres. En 1990, il
débute avec Mémoire d’un jeune homme dérangé, en parodiant et imitant le titre du célèbre livre
de mémoires de Simone de Beauvoir. Viennent après : Vacances dans le coma (1994), L’Amour
dure trois ans (1997), mais c’est avec le roman 99 francs appelé officiellement 14,99 euros qu’il
est vraiment devenu un auteur de bestseller. Suivant toujours les sujets d’actualité cuisante, en
2003 paraît Windows on the world sur les événements sinistres du 11 septembre à New York.
Tout ce qu’il écrit est d’un style terriblement efficace, où le bon mot, l’élégante maxime
l’emportent sur l’idéologie anti-mondialisation, anti-mercantiliste, anti-consumériste…
Beigbeder, dans sa dénonciation du système capitaliste et sa peinture pamphlétaire du monde de
la pub (qui n’a pas bien changé depuis les années 80) n’enfonce que des portes ouvertes. Passons
donc sur les diatribes envers Coca, la malbouffe, le mensonge généralisé de la communication
moderne, les fonds de pension, les Américains maîtres de l’Univers, bref tout le côté moral du
livre, constamment désamorcé par un humour désopilant. En bon publicitaire, Beigbeder aime
inventer des phrases et possède un sens de la formule assez puissant pour être tour à tour drôle
ou destructeur. Il adore créer des aphorismes, souvent à partir des phrases des auteurs classiques
comme Musset, Choderlos de Laclos et autres. Il a créé, en 1994, le Prix de flore du nom du
célèbre café de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Ce prix est doté de 6000 euros ainsi que la
possibilité quotidienne pour le lauréat de se faire servir du vin Pouilly-fuissé, au Café Flore, dans
un verre gravé à son nom et cela pendant un an. Ce prix automnal récompense chaque année un
jeune auteur français au talent prometteur.
La carrière littéraire de Michel Houellebecq qu’on cite souvent à côté de Beigbeder commence
en 1985, quand il publie un essai sur Lovecraft, écrivain américain. Dès le début il se pose dans
ses écrits des questions existentielles, sur le bonheur et l’échec, sur la difficulté de l’insertion
d’un individu dans la société humaine qui est cruelle et hostile. Houellebecq, malgré son succès
fou sur le marché ne fait pas partie de la cohorte susmentionnée. Ses deux romans qui sont les
plus connus et qui méritent d’être lus sont Extension du domaine de la lutte (1994) et Les
Particules Elémentaires (1996) qui ont fait couler beaucoup d’encre. Le deuxième livre est
maintenant traduit en 25 langues. Il y est question de parcours de deux demi-frères, Bruno et
Michel, de frustrations de la génération des soixante-huitards. Houellebecq décrit des gens avec
leurs complexes, problèmes, désirs. « Mes personnages ne sont ni riches ni célèbres ; ce ne sont
pas non plus des marginaux, des délinquants ni des exclus. On peut trouver des secrétaires, des
techniciens, des employés de bureau ; des cadres [...], donc, des gens tout à fait moyens ».
Dans l’Éditions Stock et du Panama, en 2006, a paru un recueil d’essais Ce que peut la
littérature. Alain Finkielkraut, philosophe et homme de lettres qui a dirigé ce travail, dans une
des interview précise : « Aujourd’hui, nous n’avons pas le choix entre la littérature et la non-
littérature, mais entre la bonne et la mauvaise littérature. Ceux qui ne lisent pas sont quelquefois,
à leur insu, la proie de certains schémas littéraires. Ils vivent dans le mélodrame, ils s’enchantent
de situations binaires. Ce qui les excite, c’est l’opposition tranchée du bien et du mal. Or, l’une
des conquêtes, préalable même au roman, de la littérature, c’est le tragique, la découverte que
deux positions peuvent en quelque sorte avoir raison en même temps. Cette découverte, qui date
d’Antigone, le roman l’a en quelque sorte prolongée. C’est celui-là, l’enjeu de la survie de la
littérature. Si celle-ci s’éclipse, ce sera au bénéfice de la mauvaise... [...] Faire d’une œuvre
simplement un lieu d’expression, c’est, à mon avis, renoncer à la grande ambition qui est
présente chez les meilleurs romanciers: élucider, divulguer, découvrir des territoires inconnus de
l’existence humaine. »
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17 Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография
периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о
читателе, книге и литературном творчестве.
Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций:
18
Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст.
Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст.
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Контрольная работа № 1.
Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе,
21
Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст.
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями:
22
Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст.
Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст.
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Контрольная работа № 2.
Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар,
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Итоговая контрольная работа.
Cours 4
L’autobiographie
Au sens le plus strict du ter me, « autobiographie » est le récit que quelqu’un fait soi-même de sa
propre vie. Autrement dit c’est un récit où l’auteur, le narrateur et le personnage principal
coïncident.
Les origines du genre en France remonte au XVIe siècle, aux Essais de Montaigne. Au XVIIIe,
c’est Jean-Jacques Rousseau qui, dans Les Confessions, livre « toute la vérité » sur sa vie. Le
XIXe, avec son intérêt particulier pour une expression individuelle a offert Mémoires d’outre-
tombe de Chateaubriand, Vie d’Henry Brulard de Stendhal. Le début du XXe a permis de
découvrir Marcel Proust qui dans À la recherche du temps perdu analyse les phénomènes de la
mémoire active pour en faire le matériau de l’œuvre littéraire.
Dans les années 50 et 60 du XXe siècle, la tradition autobiographique est développée par un
grand nombre d’œuvres centrées sur les mémoires. Leur but principal est de présenter le récit de
leur vie par rapport aux circonstances historiques auxquelles ils ont été impliqués. André
Malraux avec les Antimémoires, François Mauriac avec les Mémoires politiques, Simone de
Beauvoir avec Les Mémoires d’une jeune fille rangée et La Force de l’âge, Romain Gary avec
La promesse de l’aube présentent non seulement le récit d’une vie mais surtout une vision
critique de l’époque et de la société.
Paradoxalement, l’intérêt du public pour les livres qui relatent le vécu ne fait que grandir. Pour
combler le vide, apparaît un grand nombre de « récits de vie » ou de « vies romancées » appelés
à satisfaire la curiosité du public sur les détails biographiques des gens célèbres. Ces œuvres
n’ont rien à voir avec une écriture littéraire. De cette façon, le terme même d’autobiographie
devient déprécié et on commence à en chercher d’autres. Ces recherches ont marqué un
renouvellement et un essor du genre.
Actuellement, on ne parle plus guère d’autobiographie. Les écrivains qui en font inventent
d’autres termes. Parmi beaucoup de variantes (autoportrait, pour Marie Ndiaye, Philippe
Toussaint et Christian Bobin, romanesques, pour Alain Robbe-Grillet, journal pour Michel
Tournier ou roman tout court, pour Jacques Lanzmann), celle trouvée par Serge Doubrovski en
1977 paraît la plus employée : autofiction.
Le renouvellement de l’autobiographie a aussi été marqué par des recherches formelles. C’est,
avant tout, le bouleversement de la chronologie. Le narrateur qui reconstitue sa vie passée est
guidé dans son histoire par des associations imprévues et des hasards. Le récit prend souvent la
forme de séquences juxtaposées qui se succèdent au gré d’un enchaînement fortuit de
circonstances. Une autre trouvaille formelle est plutôt du domaine lexico-syntaxique : en parlant
de leur vie, les écrivains refusent d’affirmer quoique ce soit. Ils préfèrent poser des questions,
dire explicitement leurs hésitations ou ignorance de certains faits, ne pas finir leur phrases pour
laisser libre cours à l’imagination du lecteur.
Ainsi revue, l’entreprise autobiographique est devenue intéressante même pour les représentants
du Nouveau Roman. Dans Enfance, Nathalie Sarraute ne cherche plus à masquer ses hésitations,
elle les exposent au début de son livre sous la forme d’un dialogue « entre deux Moi ».
« – Alors, tu vas vraiment faire ça ? «Évoquer tes souvenirs d’enfance»... Comme ces mots te
gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux
«évoquer tes souvenirs»... il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça.
« – Mais justement, ce que je crains, cette fois, c’est que ça ne tremble pas... pas assez... que ce
soit fixé une fois pour toutes, du «tout cuit», donné d’avance...
– Rassure-toi pour ce qui est d’être donné... c’est encore tout vacillant, aucun mot écrit, aucune
parole ne l’ont encore touché, il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme
toujours... des petits bouts de quelque chose d’encore vivant... je voudrais, avant qu’ils
disparaissent... laisse-moi...
– Bon. Je me tais... d’ailleurs nous savons bien que lorsque quelque chose se met à te hanter... »
En même temps deux pères du Nouveau Roman entreprennent aussi une « écriture de soi » :
Claude Simon, dans L’Acacia, Le Jardin des plantes et Le Tramway, Robbe-Grillet dans les trois
volumes des Romanesques.
Claude Simon n’a pas écrit d’autobiographie mais dans tous ses livres on retrouve des épisodes
marquants de sa vie. Ses souvenirs restent pour lui une source inépuisable d’émotions, de
sensations et d’inspiration. L’auteur-narrateur réfléchit sans cesse sur le mécanisme de la
mémoire et de l’écriture. Ainsi, dans Le Tramway, le narrateur, « je », raconte à la fois les
années lointaines de son enfance dont le souvenir se concentre sur le tramway qui le menait au
collège et à la plage, et son séjour à l’hôpital à la fin de sa vie.
Alain Robbe-Grillet, à son tour, se pose des questions autobiographiques. Les trois volumes des
Romanesques ne peuvent pas être lus comme une vraie autobiographie car dès le premier volume
l’auteur y introduit un personnage de fiction, Henri de Corinthe, dont la vie s’entrecroise avec
celle du narrateur. Pour lui, cette écriture reste un jeu littéraire (y compris avec les genres) qui lui
permet non seulement de revenir sur l’histoire de sa vie et du Nouveau Roman mais aussi sur ses
propres écrits antérieurs. En parlant des Romanesques, il les appelle lui-même « errements
autofictionnels ».
De même, Marguerite Duras qui a déjà utilisé ses souvenirs d’enfance en écrivant le roman Un
barrage contre le Pacifique reprend certains épisodes de sa vie indichinoise pour écrire L’Amant.
L’héroïne du roman ne s’appelle pas Marguerite, le pacte autobiographique n’est pas contracté :
sur le ton de la confidence, l’auteur-narrateur continue à chercher la vérité sur cette jeune
Française qui rencontre un riche Chinois sur un bac traversant un fleuve asiatique.
On pourrait associer à cette tendance autofictionnelle Annie Ernaux avec l’ histoire poignante de
ses relations avec son père dans La Place, Jean Rouaud avec ses souvenirs des grands-parents et
des parents dans Les Champs d’honneur et Des hommes illustres et le récit touchant du garçon
dont la myopie défigure le monde dans Le Monde à peu près, Jean-Marie Gustave Le Clézio qui
raconte l’histoire de sa famille émigrée à l’île Maurice dans Voyage à Rodrigues, Le Chercheur
d’or, et la vie de son père dans L’Africain.
C’est aussi le cas de Patrick Modiano. Ses personnages qui s’expriment principalement à la
première personne ne pourraient pas dire eux-mêmes à quel point ils sont identiques à leur
auteur. Ce sont des garçons (et parfois des filles) qui n’arrivent pas à trouver leur identité, qui
sont toujours en quête de leurs racines, de leurs origines (Livret de famille, Voyage de noces, La
Petite Bijou). La vraie version de la vie de l’écrivain a été exposée dans le livre Un pedigree qui
commence traditionnellement : « Je suis né le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, 11 allée
Marguerite d’un Juif et d’ une Flamande qui s’étaient connus à Paris sous l’Occupation. » Ce
livre pourrait passer pour une vraie autobiographie (le récit des vingt-et-une premières années de
la vie de l’écrivain-narrateur) si on n’y reconnaissait pas si facilement des épisodes déjà décrits
dans ses nombreux romans. C’est seulement la lecture de tout l’ensemble de l’écriture de
Modiano qui permet au lecteur (et à l’auteur) d’approcher le mystère de son identité.
« Je me suis soudain senti triste et impuissant devant ce brusque témoignage du passage du
temps. Ce n’était guère le fruit d’un raisonnement conscient, mais l’expérience concrète et
douloureuse, physique et fugitive, de me sentir moi-même partie prenante du temps et de son
cours. Jusqu’à présent, cette sensation d’être emporté par le temps avait toujours été atténuée
par le fait que j’écrivais, écrire était en quelque sorte une façon de résister au courant qui
m’emportait, une manière de m’inscrire dans le temps,de marquer des repères dans
l’immatérialité de son cours, des incisions, des égratignures. »
Marie Ndiaye publie Autoportrait en vert, un beau livre illustré par des photos qui rappellent
celles d’un album de famille mais sont marquées comme anonymes. En décrivant plusieurs
femmes en vert qu’elle a connues dans sa vie (à commencer par sa mère), femmes caractérisées
plus par leur caractère « intouchable, décevante, métamorphosable » que par la couleur verte de
leur vêtement, Marie Ndiaye propose son propre portrait.
I. Lisez le texte
C’est une lettre que je regrette de lui avoir écrite, aujourd’hui. Mais que pouvais-je faire
d’autre ? Je ne lui en voulais pas et, d’ailleurs, je ne lui en ai jamais voulu. Tout simplement je
craignais de me retrouver prisonnier d’une caserne dans l’Est. S’il m’avait connu dix ans plus
tard – comme disait Mireille Ourousov – il n’y aurait plus eu le moindre problème entre nous. Il
aurait été ravi que je lui parle de littérature, et moi je lui aurais posé des questions sur ses projets
de haute finance et sur son passé mystérieux. Ainsi, dans une autre vie, nous marchons bras
dessus, bras dessous, sans plus jamais cacher à personne nos rendez-vous.
« Albert Rodolphe Modiano, 15 quai de Conti, Paris VIe, le 9 août 1966. J’ai reçu ta lettre du 4
août adressée non à ton père mais à «cher Monsieur» dans lequel il faut bien que je me
reconnaisse. Ta mauvaise foi et ton hypocrisie n’ont pas de limites. Nous assistons à la réédition
de l’affaire de Bordeaux. Ma décision concernant ton incorporation militaire en novembre
prochain n’a pas été prise à la légère. Je jugeais indispensable que tu changes non seulement
d’atmosphère, mais que ta vie se fasse dans des conditions de discipline et non de fantaisie . Ton
persiflage est abject. Je prends acte de ta décision. Albert Modiano. » Je ne l’ai plus jamais revu.
II. Devoirs
1. Quels sont les indices du genre autobiographique que vous avez repérés dans le texte?
2. Quelle est la tonalité de la lettre de Patrick Modiano ? Justifiez votre réponse
par des exemples du texte. Réfléchissez au choix des mots et à la structure
grammaticale des phrases.
Современная французская
литература 1985-2005 гг. (лекция 5)
Содержание курса
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17 Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография
периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о
читателе, книге и литературном творчестве.
Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций:
18
Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст.
Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст.
19
Контрольная работа № 1.
Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе,
21
Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст.
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями:
22
Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст.
Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст.
23
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24 Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар,
Володин, Новарина и др.
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Cours 5
Le roman historique
Le roman historique a toujours été « à la mode » en France. Mais, selon le moment, cette
attraction pour des sujets liés aux événements réels prenait des formes différentes. Si on se réfère
aux époques choisies par les écrivains des XXe-XXIe siècles une gamme très large se présente :
dès romans dont l’action se situe au Ier siècle après J.-C. (Mémoires d’Hadrien de Marguerite
Yourcenar) jusqu’aux nombreuses œuvres parlant des grandes catastrophes des Temps
Modernes.
Le « roman historique » est une notion ambiguë car « roman » est une fiction, un fruit de
l’imagination de l’écrivain, et « historique » sous-entend un lien direct avec le réel, un récit
véridique sur le passé. Chaque auteur choisit sa façon de sortir de l’ambiguïté de
l’expression : le rôle du sujet et des personnages historiques peut être très varié.
Dans tous les cas le roman historique demande, avant tout, une documentation très détaillée et
précise, l’auteur est appelé à prouver la véracité de son histoire en cherchant appui dans des
documents authentiques, des archives, des correspondances de témoins oculaires : en témoigne
l’impressionnante bibliographie que Marguerite Yourcenar a présenté en note en publiant son
roman.
Au cours des années 1960-1970, époque des recherches formelles en littérature, le roman
historique traditionnel a perdu en partie ses positions. Les règles élaborées depuis des siècles ont
été renversées par les écrivains de cette génération, les notions principales qui paraissaient
incontournables pour un récit historique – lieux indiqués, dates précises, personnages bien ancrés
– ont perdu leur sens originaire. Mais à partir des années 1980 la nécessité de raconter l’Histoire
se fait voir, de nouveau. Cependant, les écrivains de la fin du XXe siècle ont d’autres enjeux : ils
s’intéressent moins à l’antiquité ou au Moyen Âge (on ne peut pas cependant passer sous silence
Terrasse à Rome de Pascal Quignard, L’Invitation de Michel Desbordes et d’autres) en se
concentrant avant tout sur l’histoire de leur siècle tourmenté pour comprendre ce qui s’est passé
en réalité. Et la manière qu’ils choisissent pour parler du passé a aussi changé : le récit basé sur
la chronologie des événements cède la place à une écriture hésitante, fragmentaire et
désordonnée.
Leur intérêt se porte d’abord vers la Grande Guerre de 1914 car ils sont sûrs que c’est à partir de
cette date que commence une autre ère. Presque en même temps, paraissent le roman L’Acacia
du grand maître du Nouveau Roman Claude Simon (1989), Les Champs d’honneur du débutant
Jean Rouaud (le succès de son roman a été récompensé par le prix Goncourt, 1990) et Un Long
Dimanche de fiançailles du célèbre auteur de romans policiers Sébastien Japrisot (1991). On
pourrait encore citer Le Livre des nuits de Sylvie Germain, La Gloire des Pythre de Richard
Millet, Le Der des ders de Didier Daeninckx, Les Âmes grises de Philippe Claudel et beaucoup
d’autres. L’histoire du début du siècle attire l’intérêt des auteurs et des lecteurs qui cherchent
dans le passé sanglant les origines de tout ce qui suivra.
Les récits sur la Grande Guerre prennent souvent la forme d’une autobiographie. Ainsi, Claude
Simon évoque la mort de son père et redevient enfant dans son roman, Jean Rouaud se souvient
du deuil de son grand-père qui a marqué son enfance. Ces deux écrivains qui appartiennent à des
générations différentes (le premier, né pendant la Grande Guerre et le deuxième, sept ans après la
Seconde) ont pourtant adopté une manière qui a des points communs. Claude Simon a déjà été le
grand maître du Nouveau Roman quand Jean Rouaud, tout en créant son propre style et sa phrase
particulière, a débuté par Les Champs d’honneur. Ils renoncent, tous les deux, à la structure
linéaire du récit, ils n’ont pas l’intention de plonger le lecteur dans l’époque décrite : ils font un
va-et-vient incessant entre les périodes différentes de leur vie et de la vie de leur famille. Leur
enjeu n’est pas tant de restituer le temps de la Guerre mais, comme écrit Dominique Viart
« d’interroger la mémoire, de suspecter une autre réalité derrière les écrans disposés par
l’Histoire officielle des manuels scolaires ».
Parfois, ce sont des récits de quête comme au début de L’Acacia et dans Un Long Dimanche
de fiançailles dont Jean-Pierre Jeunet a tiré un film. Ce dernier roman raconte l’histoire d’un
très jeune soldat jeté dans les tranchées et condamné à mort pour une mutilation préméditée.
L’auteur ne cache pas sa compassion et sa douleur en parlant de ce gamin : « Il avait peur de la
guerre et de la mort, comme presque tout le monde, mais peur aussi du vent, annonciateur des
gaz, peur d’une fusée déchirant la nuit, peur de lui-même qui était impulsif dans la peur et
n’arrivait pas à se raisonner, peur du canon des siens, peur de son propre fusil, peur du bruit
des torpilles, peur de la mine qui éclate et engloutit une escouade, peur de l’abri inondé qui te
noie, de la terre qui l’enterre, du merle égaré qui fait passer une ombre soudaine devant tes
yeux, peur des rêves où tu finis toujours éventré au fond d’un entonnoir, peur du sergent qui
brûle de te brûler la cervelle parce qu’il n’en peut plus de te crier après, peur des rats qui
t’attendent et viennent pour l’avant-goût te flairer dans ton sommeil, peur des poux, des
morpions et des souvenirs qui te sucent le sang, peur de tout ». Sa fiancée Mathilde ne cesse pas
de le chercher malgré le faire part officiel qui lui a annoncé la mort de son bien-aimé sur un
champ de bataille. Le récit de Sébastien Japrisot n’est pas linéaire non plus, il se déplace
constamment pour raconter plusieurs histoires de victimes de la guerre et de leur famille.
Philippe Claudel dans Les Âmes grises choisit une autre approche. Chez lui, pas de scènes
violentes, pas d’obus ni de soldats sur un champ de bataille. La guerre sert de toile de fond sur
laquelle se déroulent des événements non moins tragiques. Son récit poignant démontre que le
destin des gens vivant loin du front qui entendent parfois les sons de la canonnade et rencontrent
des mutilés dans la rue peut en dire plus long sur les horreurs de la guerre que des récits de
tranchées.
La Seconde Guerre mondiale marquée par des exterminations massives, la « Shoah » et une
désillusion globale n’a été qu’une suite tragique de la première. Elle a été évoquée, à partir des
années 60, dans les œuvres des écrivains mondialement connus comme Georges Perec, W ou le
souvenir d’enfance, Michel Tournier, Le Roi des Aulnes, Claude Simon, La Route des Flandres,
Julien Gracq, Le Balcon en forêt aussi bien que dans celle de l’auteur débutant Patrick Modiano,
La Place de l’Étoile.
La Route des Flandres dont l’auteur a été couronné du Prix Nobel a fait couler beaucoup
d’encre. Les collègues de Claude Simon qui partageaient ses idées théoriques sur le Nouveau
Roman lui ont reproché un récit trop documenté, d’autres au contraire n’y voyaient qu’une
expérience formaliste. L’écrivain a mis en pratique une technique toute neuve : il a découpé
l’histoire qu’il avait à raconter en mille morceaux qu’il a marqué par des couleurs différentes
pour la recomposer ensuite selon des critères plutôt esthétiques comme un patchwork
multicolore. Cependant, beaucoup plus tard Simon avoue que son récit était très proche de la
réalité. Les scènes cruelles de la retraite des soldats qui ont réussi à échapper au carnage sont
devenues classiques.
Michel Tournier ne décrit pas de scènes de bataille : il peint la vie d’un homme déformé par
l’idéologie de la guerre. Abel Tiffauge, personnage principal du Roi des Aulnes, un ogre qui
emporte des garçons allemands pour les jeter dans les derniers combats du Reich agonisant finit
par mourir en sauvant un enfant juif. Tout en racontant une histoire de fiction Tournier évoque
avec beaucoup de précision l’Allemagne nazie en introduisant dans son roman le personnage réel
du Reichmarschall Göring.
Le temps de l’Occupation allemande est particulièrement trouble pour l’histoire française.
Si dans l’après-guerre immédiat Sartre, Camus, Merle, Aragon et plusieurs écrivains-
communistes ont surtout chanté les exploits des résistants en montrant les nazis comme une
masse barbare, cruelle et dépourvue d’intelligence, dans les années 70, l’optique change.
Les écrivains connus sous le nom de « Hussards » (Roger Nimier, Antoine Blondin et
d’autres) ont pris une tonalité plutôt ironique en décrivant les évènements de cette période
douloureuse. Chez eux comme plus tard chez Robbe-Grillet dans Romanesques les
Allemands sont montrés comme des gens civilisés et l’Occupation comme une époque
tranquille et pas du tout tragique.
Le seul écrivain qui ait centré presque toute son œuvre sur l’Occupation c’était Patrick Modiano,
né en 1945. La guerre qu’il n’avait pas vécue l’a marqué profondément. Dans ses romans, il part
d’un fait divers sans importance survenu dans le métro de Paris ou dans une rue nocturne pour
commencer une longue quête à la recherche des traces de quelqu’un qui ait été marqué par la
guerre. Pour lui, la guerre n’a apporté que des pertes, de soi-même, de la mémoire, des amis, des
amants, des parents, de l’identité.
Actuellement, la littérature ne cesse de revenir à toute sorte de cataclysmes dont les deux guerres
mondiales sont des prototypes. Agota Kristof dans sa trilogie Le Grand Cahier, La Preuve, Le
Troisième Mensonge, a envie d’apporter encore un témoignage sur cette période qu’elle perçoit
comme un temps trouble et incertain. Elle dit, par la bouche d’un de ses personnages : « J’essaie
d’écrire des histoires vraies mais, à un moment donné, l’histoire devient insupportable par sa
vérité même, alors je suis obligé de la changer ». Les traces de guerre restent ineffaçables. On
les retrouve dans les livres qui parlent du terrorisme ou des « petites » guerres dont nous sommes
témoins. C’est aussi le cas des œuvres proches de la science-fiction que Dominique Viart, dans
son ouvrage La littérature française au présent appelle « postapocalyptiques », par exemple les
romans d’Antoine Volodine dont l’atmosphère lugubre et sans issue rappelle celle des anti-
utopies d’Orwell.
Philippe Claudel
(extrait)
Au matin du 3, alors que je pataugeais sur la route pour revenir chez nous, les gendarmes arrêtent
deux jeunes gars, à demi morts de faim et de froid. Deux déserteurs. Du 59e d’infanterie. Ce
n’était pas les premiers que la maréchaussée récupérait dans sa nasse. Depuis quelques mois,
c’était le début de la débandade. Il en filait ainsi du front chaque jour, et qui allaient se perdre
dans la campagne, préférant parfois crever tout seuls dans les fourrés et les boqueteaux plutôt
que d’être hachés par les obus. Disons que ces deux-là tombaient bien. Pour tout le monde : pour
l’armée qui voulait faire un exemple, et pour le juge qui cherchait un coupable.
On promène les deux mômes dans les rues. Avec deux pandores qui fanfaronnent. Les gens
sortent pour les voir. Deux gusses, deux gendarmes. Deux loqueteux, hirsutes, l’uniforme en
quenouille, les visages pas rasés, des yeux qui tournent dans tous les sens, le ventre creux, le pas
faible, tenus d’une poigne ferme par deux gendarmes, des vrais, grands, forts et roses, les bottes
cirées, le pantalon repassé, l’air des vainqueurs.
La foule grossit et, on ne sait pas pourquoi, peut-être parce que c’est toujours bête une foule, elle
se fait menaçante, serre de plus en plus les prisonniers. Des points se brandissent, des insultes
volent, des cailloux aussi. Une foule, c’est quoi ? c’est rien, des pécores inoffensives si on leur
cause yeux dans les yeux. Mais mis ensemble, presque collés les uns aux autres, dans l’odeur des
corps, de la transpiration, des haleines, la contemplation des visages, à l’affût du moindre mot,
juste ou pas, ça devient de la dynamite, une machine infernale, une soupière à vapeur prête à
péter à la gueule si jamais on la touche.
Devoirs
1. De quelle guerre s’agit-il dans ce texte ? Justifiez votre réponse.
2. Quels temps verbaux reviennent le plus souvent dans le texte ? Avec quelle valeur ?
3. Relevez les indices de la présence du narrateur dans le texte, la manière dont il interpelle le
lecteur et le fait participer à la scène décrite. Est-ce que son récit est objectif ?
4. Est-ce que les soldats arrêtés sont les personnages principaux de ce texte ? Sinon, quel est leur
rôle ?
5. Le pronom indéfini « on » est employé quatre fois dans le texte ? Retrouvez pour chaque
emploi un équivalent dans la liste ci-dessous :
• nous ;
• les soldats ;
• la foule ;
• les gendarmes ;
• les hommes.
№
Учебный материал
газеты
Лекция 1. Цели, задачи, содержание курса. Формы контроля. Библиография
17 периодики и критики. Литературный пейзаж современной Франции. Писатели о
читателе, книге и литературном творчестве.
Лекция 2. Литературные премии Франции. Писатели - продолжатели традиций:
18
Орсенна, Дормессон, Киньяр, Эрно, Жермен, Макин и др. Текст.
Лекция 3. Бестселлеры: Бегбедер, Нотомб, Гавальда, Уэльбек и др. Текст.
19
Контрольная работа № 1.
Лекция 4. Автобиографии, традиционные и новаторские: Симон, Роб-Грийе,
21
Модиано, Туссен, Бобен, Ндьяй и др. Текст.
Лекция 5. Детективный роман. Видение истории современными писателями:
22
Симон, Руо, Турнье, Клодель и др. Текст.
Лекция 6. Детективный роман: Варгас, Маншетт, Денекс, Пеннак и др. Текст.
23
Контрольная работа № 2.
Лекция 7-8. Современные авторы в поисках новых форм: Эшноз, Шевийар,
24 Володин, Новарина и др.
Итоговая контрольная работа.
Cours 6
Le roman policier contemporain
« Je lis beaucoup de romans policiers. Je n’y cherche plus, hélas, le lyrisme absurde de
Fantomas, le charme naïf d’Arsène Lupin, la tendresse mélancolique de Rouletabille, mais j’y
trouve autre chose, une force physique et un style moderne, une connaissance de l’âme, qui
dépassent de loin ce que nos romanciers produisent. Je m’étonne en face d’œuvres où une sorte
de génie éclate dans l’allure générale et dans le détail, qu’on les mésestime sous prétexte qu’ils
figurent dans des collections populaires... »
Jean COCTEAU
Le statut du genre du roman policier dans le royaume littéraire est ambigu. D’un côté, par sa
popularité il dépasse de beaucoup ses homologues sérieux, mais de l’autre côté il figure rarement
dans des programmes d’histoire littéraire et il est souvent méprisé par le public qui se considère
raffiné. Notre but est de réhabiliter un peu le polar français en présentant ses catégories
différentes et ses auteurs en donnant envie de les découvrir davantage.
Notons d’abord qu’il existe toute une bibliographie théorique sur le polar. Parmi ceux qui ont
réfléchi sur la structure , les mécanismes et les atouts littéraires du roman policier figurent de
grands philosophes,écrivains et chercheurs tels que Gilles Deleuze, Jorge Luis Borges, Bertold
Brecht, Jean-Pierre Richard, Tzvetan Todorov et autres. Certains ouvrages sont écrits par de
grands maîtres du genre, ainsi Thomas Narcejac, en 1975 fait paraître une étude Le Roman
policier : une machine à lire et puis Le Roman policier dans la célèbre série « Que sais-je ? ».
Depuis la fin des années vingt existe la collection « Le Masque » de la maison d’édition Hachette
qui ne publie que des polars. La série « Noire » de Gallimard, la plus réputée, fut fondée juste
après la Seconde guerre, c’est Jacques Prévert qui inventa le titre et sa femme qui dessina la
couverture. Une bonne dizaine d’autres collections poursuivent cette tradition, parmi lesquelles
« Viviane Hamy », « Fleuve Noir », « J’ai lu policier ».
Les meilleurs romans policiers sont récompensés tous les ans par des prix prestigieux : Le Grand
Prix du roman d’aventures, Le Grand Prix de littérature policière, le prix du Quai des Orfèvres et
d’autres. Au cœur de Paris fonctionne BILIPO, bibliothèque des littératures policières qui
accueille des amateurs et des professionnels, des scénaristes, des metteurs en scène, des critiques
littéraires. Si quelque lecteur curieux cherche un livre rare, nombreuses librairies spécialisées
dans divers villes de la France sont à sa disposition. En toute saison, se passent des festivals du
polar à travers tout le pays, de Cognac à Sèvres.
Aujourd’hui, le roman policier est l’objet de colloques et de thèses universitaires. Parfois, il est
difficile de classer un auteur ou un livre dans la série blanche ou noire, dans le policier ou dans le
roman noir. « Le noir c’est avant le fait divers, le polar c’est après le fait divers », assure un des
auteurs inclassables, Thierry Crifo. Patrick Raynal, non seulement auteur, mais aussi directeur de
la série noire de Gallimard durant quinze ans, propose un terme « roman noir déteint » pour des
livres où sont présents des problèmes de la société contemporaine mais sans trop de violence.
Citons quelques types d’œuvres qui peuvent appartenir à une de ces catégories.
Le roman d’énigme ou « qui a tué ? » dans lequel le mystère doit être résolu après maintes
observations et par la stratégie d’observation. Le lecteur, dans ce type de roman, appelé de même
roman-problème ou roman-rébus, est aussi ignorant que les personnages. En guise d’exemple,
citons le roman de Michel Quint Le Billard à l’étage : dans une toute petite bourgade au bord
de la mer débarque un inconnu qui prétend que le premier soir de son arrivée il a vu de sa fenêtre
que quelqu’un a été jeté dans l’eau. Et un défilé de doutes et de soupçons commence.
À la base du roman noir sont les plaies de la société : la corruption politique et policière, la
misère, le racisme, l’intolérance. Aucun des aspects du monde d’aujourd’hui n’est épargné : des
hospices pour les vieux (Thierry Jonquet Le Bal des débris), la religion et les ecclésiastiques
(Jean-Jacques Reboux Le Massacre des innocents, son autre livre La Cerise sur le gâteux est
dédié aux victimes assassinées par le Front National et les skins au Havre, à Marseille et à Paris).
À côté du roman noir, ou plutôt à l’intérieur de ce sous-genre est né le roman noir historique ou
de mémoire, qui fait rappeler au lecteur des évènements assez récents, mais dont le souvenir
reste toujours douloureux pour la conscience nationale. Un des représentant de cette littérature
est Didier Daeninckx avec Le Der des ders et Meurtres pour mémoire, ses œuvres les plus
connues.
Un autre type c’est comme il convient de l’appeler le « police procédural » type, c’est-à-dire que
pour son enquête elle suit scrupuleusement la « procédure policière ». C’est bien le cas de Fred
Vargas qui sur les pages de ses romans fait agir Jean-Baptiste Adamsberg, commissaire flâneur
sans véritable méthode d’investigation mais qui mène toujours son enquête jusqu’au bout. Les
titres des livres qui sont maintenant traduits en plusieurs langues et qui ont rendu Vargas célèbre
sont Debout les morts, Pars vite et reviens tard (prix des libraires en 2002, adaptation
cinématographique sortie en France en 2007, réalisateur Régis Wargnier), L’Homme aux cercles
bleus.
Le roman de suspense est souvent aussi défini comme le « roman de la victime » ou le « roman
de la menace ». Au centre de l’œuvre se trouve quelqu’un en danger. Le lecteur est en face de
l’attente, de la tension dramatique, le rythme de la narration s’accélère de page en page. Les
exemples des livres pareils dont il est impossible de se détacher sont notamment L’Homme à
l’oreille croquée de Jean-Bernard Pouy et Malavita de Tonino Benaquista. Dans le premier
roman c’est un adolescent qui contre son gré, lors d’un déraillement du train fait connaissance
avec une jeune fille pourchassée par des criminels, et donc, il devient un témoin à supprimer.
Dans le deuxième, un gangster américain vend à la police ses « ex-collaborateurs » et se trouve
obligé de fuir leur vengeance au fin fond de la province française. Une des variante du
« suspense » est « thriller » du verbe anglais thrill qui signifie « frissonner » ou « frémir ». Par
rapport au « suspense » il pourrait y avoir plus d’aventures, l’intrigue y est assez compliquée,
mais avec une structure bien bâtie. Un des chef-d’œuvre du thriller contemporain est le roman
d’Hervé Prudon Vinyle Rondelle ne fait pas le Printemps où il s’agit du festival musical « Le
Printemps de Bourges » qui a lieu tous les ans en France et qui attire les musiciens de toutes les
tendances possibles et imaginables, aussi bien que leurs amateurs, producteurs, critiques et
hommes d’affaires. Les destins s’entremêlent, s’entrecroisent, la tragédie frôle le burlesque. La
forme romanesque du puzzle nous rappelle le procédé connu de Perec.
Au début des années 70 Jean-Patrick Manchette invente le « néopolar », une certaine branche
purement française du roman policier, dont les particularités de forme et de style sont difficiles à
déterminer, mais qui, de façon assez artificielle, un peu comme le Nouveau Roman, regroupe de
tels auteurs que Didier Daeninckx, Thierry Jonquet, Hervé Jaouen, Marc Villard, Hugues Pagan,
Gérard Delteil, Patrick Raynal et autres.
L’action de ces livres se passe dans la plupart des cas en France. On dirait plus, les noms de
certains auteurs sont associés à une ville particulière. Tel est le cas de Jean-Claude Izzo, décédé
prématurément, qui a poétisé Marseille à la suite de son prédécesseur Marcel Pagnol. Il suffit de
regarder son site personnel dans Internet pour comprendre à quel point la topographie
marseillaise lui est importante. Sa trilogie (reprise dans la série télévisée Fabio Montale – du
nom du commissaire menant l’enquête – avec Alain Delon) comporte Total Khéops, Chourmo et
Solea. René Beletto (Sur la Terre comme au Ciel) est épris de Lyon, Alain Demouzon est le
chantre de Paris, c’est lui qui a écrit le scénario pour une série télévisée Les cinq dernières
minutes où chaque épisode se déroulait dans un des quartiers de la capitale.
Il est indispensable de mentionner une invention sans précédent, lancée par Jean-Bernard Pouy,
la collection « Le Poulpe ». C’est le surnom de Gabriel Lecouvreur, enquêteur, « type costaud de
presque deux mètres de haut et un rien ombrageux, avec des bras d’une longueur un peu
anormale », « anar, esthète, jouisseur et libre penseur » qui souvent se cache lors de son
investigation derrière le masque de journaliste, archiviste, agent immobilier. Il est cavalier seul,
il n’a qu’une attache, sa copine Cheryl. Il est assez brillant, il écoute Jacques Brel, dont il raffole,
lit Jean Genet, Stevenson, Apollinaire, Lezis Caroll, Nietzche. Pourtant ce n’est pas dans la
personnalité de Gabriel qu’il faudrait chercher le moment exceptionnel. Chaque fois que paraît
un nouveau livre avec les aventures du Poulpe, c’est un autre auteur qui l’écrit. À une expérience
pareille on a même donné le nom de « roman multicéphal » ou « à plusieurs têtes ». Limitons-
nous à donner quelques titres qui nous semblent curieux et servent aussi de prétexte pour
découvrir encore des noms dignes de votre attention :
• Pascal Dessaint Les Pis rennais ;
• Hervé le Tellier La Disparition de Perek ;
• Marcus Malte Le Vrai con maltais ;
• Serge Quadruppani Saigne sur mer.
À part les genres susmentionnés, il existe bien d’autres, romans d’espionnage, les romans
policiers avec des éléments fantastiques (Serge Brussolo), mystiques (Jean-Christophe Grangé),
de science-fiction (Maurice G. Dantec), des thrillers politiques où la fiction s’appuie sur une très
brûlante actualité (Jean-Hugues Oppel).
Les formes brèves sont aussi présentes dans le paysage du polar. Les nouvelles de divers auteurs
peuvent être réunies par un thème commun, comme femme, ville, hommage à quelqu’un. « Ce
qui m’intéresse dans le texte court, c’est cette possibilité d’évacuer la sacro-sainte intrigue pour
ne retenir que l’écume de la vie, les copeaux existentiels, les moments majeurs où s’opère le
changement », remarque Marc Villard, maître de la nouvelle policière.
Dans une de ses interviews1 Fred Vargas assure que « rien, au plan littéraire, ne différencie le
roman noir du roman « blanc » : c’est une banalité, mais, sans doute faut-il encore le dire
puisqu’on entend si souvent affirmer que le roman noir ou le roman policier, n’est qu’un
« produit d’usinage », un simple jeu dont l’écriture relève d’une « technique ». Mais en noire,
comme en blanche, les mots sont là, avec leurs sons, leurs rythmes, leurs agencement infinis,
dressant devant l’auteur la question complexe et décisive de la « littérature ».
La langue de la plupart des romans policiers est beaucoup plus « réelle » et parlée que dans des
livres « blancs », elle est telle qu’on l’entend dans la rue, elle est celle des banlieusards, des
ouvriers, des marginaux. Elle est parfois hors traditions et règles, mais vivante et richissime. Elle
suit souvent un rythme musical particulier du blues, du rock et du jazz en empruntant à ces
formes des syncopes et des reprises de la même mélodie. Evoquons ici Marc Villard dans des
livres de qui il y a des guitares et des saxophones. Le jeu des mots est aussi propre au polar,
beaucoup d’auteurs sont de grands stylistes. « Les mots sont des ailes, affirme Fred Vargas,
viscéralement fixées au corps du texte, et qui décideront seules de son destin, décoller ou bien
s’effondrer. Sans la musique des mots, bien sûr, pas de salut, ni pour la noire, ni pour la
blanche ! »
Texte
Tonino Benaquista
Malavita
(extrait)
Combien vaut un homme ? Quel est le prix d’une vie humaine ? Savoir ce qu’on vaut, c’est
comme connaître le jour de sa mort. Je vaux vingt millions de dollars. C’est énorme. Et bien
moins que ce que je croyais. Je suis peut-être un des hommes les plus chers du monde. Valoir
aussi cher et vivre une vie aussi merdique que la mienne, c’est le comble de la misère. Si je les
avais, moi, ces $ 20 M, je sais bien ce que j’en ferais : je les donnerais en totalité en échange de
ma vie d’avant, d’avant que je coûte ce prix-là. Qu’est-ce que fera d’une somme pareille celui
qui m’aura fait exploser la tête ? Il placera le tout dans l’immobilier et ira se la couler douce à la
Barbade pour le reste de ses jours. Ils font tous ça.
Le plus ironique, c’est que, pendant ma vie d’avant, il m’est arrivé d’avoir à prendre soin d’un
type dont la tête était mise à prix, comme la mienne aujourd’hui (« prendre soin », chez nous, ça
veut dire empêcher le type en question de continuer à nuire). La liquidation de témoin n’étant pas
ma spécialité, je servais d’assistant à un hitman (un tueur à gages, comme disent les caves) que
mes patrons d’alors avaient chargé de rectifier cette balance de Harvey Tucci, pour un contrat de
deux cent mille dollars, du jamais-vu. Il avait fallu se creuser la tête pendant des semaines pour
l’empêcher d’aller témoigner devant le Grand Jury, et je vous parle d’ une époque où le FBI
n’avait pas encore fait le tour de tous les scénarios en matière de garde rapprochée des repentis
(on leur en a fait voir, à ces cons de fédéraux, mais ça, c’est une longue histoire). Mon contrat à
moi représente cent fois plus d’argent que celui de cette lope de Tucci. Essayez de vous imaginer
un seul instant exposé à la fine fleur du crime organisé, aux tueurs les plus déterminés, aux plus
grands professionnels, prêts à vous tomber dessus au moindre coin de rue. Ça devrait me foutre
la trouille. A vrai dire, bien au fond de moi, je me sens flatté.
Texte
Didier Daeninckx
En posant le pied sur le parquet ciré de la salle d’accueil où le colonel Fantin m’attendait,
j’ajustai mes honoraires au décor : cent francs par jour plus les frais.
La silhouette aperçue à la fenêtre ne m’avait pas trompée. Le colonel, qui devait approcher de la
soixantaine, était un petit homme sec au visage osseux ; il avait revêtu son uniforme,
certainement pour m’impressionner ou me tirer un rabais en jouant sur la fibre patriotique.
Il se tenait appuyé au mur, les jambes masquées par un fauteuil de cuir. Il se mit soudainement
en mouvement, pour venir à ma rencontre. Ca me fit la même impression que si la photo d’une
fille, posée sur le piano, s’était fendue d’un sourire à mon intention. Le colonel dut remarquer
mon étonnement.
Vous pensez que cette histoire, au téléphone, selon laquelle je ne pouvais me déplacer n’était
qu’un prétexte ? Je garde ma fille, tout simplement...
J’ai horreur de me fâcher avec mes clients avant de savoir à combien ils estiment mes services.
Maintenant que je suis là, ça n’a plus d’importance.
Les commissures de ses lèvres se soulevèrent imperceptiblement, puis il hocha
la tête. Le sujet était épuisé. D’un côté comme de l’autre.
Je n’ai jamais eu l’habitude de confier mes affaires à qui que ce soit, police, justice ou autre...
Croyez bien que si j’étais en état de régler ce problème, je n’aurais pas fait appel à vous. Je tiens
donc à m’assurer de votre absolue discrétion. Au-delà de ma personne, c’est l’Armée entière
qu’on veut atteindre...
Je grimpais à cent dix francs.
Peut-être devriez-vous prendre votre histoire par le début. On cherche à vous nuire ?
Cela ne fait aucun doute ! Ils ne prennent aucun risque en s’attaquant à moi... Je suis, d’une
certaine manière, prisonnier de ma légende. Quand on a commandé le régiment le plus valeureux
de France, qu’on a défilé en tête de toutes les armées le 11 novembre 1918, on ne peut se
pardonner le moindre écart...
Vous possédez des éléments indiscutables de ces tentatives d’intimidation ?
Tout d’abord des interpellations au téléphone. Je n’ai pas voulu les prendre au sérieux... Ensuite
des lettres anonymes, du genre de celui-ci.
Il sortit un feuillet de papier et me le tendit.
Le texte, tapé à la machine, prenait une ligne : « Paye si tu ne veux pas faire la une du
Crapouillot. »
Ils ont frappé ça sur une Underwood. Il en traîne partout depuis qu’ils liquident les stocks
américains. Je n’en tirerais rien. C’est arrivé par la poste ?
Non, quelqu’un a dû le glisser dans la boîte aux lettres, sans enveloppe.
Très bien. En somme vous désirez que je mette le grappin sur celui ou ceux qui s’amusent à vous
envoyer ces billets... Et bien sûr de découvrir ce qui les autorise à penser que vous vous
soumettrez. Qui et pourquoi !
Les titres sur l’adolescence commencent à paraître pendant les années 70. Depuis, la littérature
pour les adolescents s’est affinée et de nouveaux créneaux sont apparus, ados, préados, post-ado,
il s’agit de produits éditoriaux jouant sur l’ambiguïté entre jeunesse et adulte.
Selon un sondage pour le groupe Bayard, 52 % des 10-15 ans sont inscrits en bibliothèque, 70 %
ont lu au moins un livre dans les trois derniers mois et 69 % n’imaginent pas un monde sans
livre. Pour la plupart « lecture » est un mot positif mais le goût pour la lecture baisse légèrement
avec l’âge. Les ados sont difficiles à intéresser au niveau documentaire surtout à cause de la
concurrence d’Internet. L’édition a besoin d’un retour au texte et aux idées. Les chercheurs
s’interrogent sur la place de la littérature pour la jeunesse dans l’horizon littéraire, et notamment
sur l’image renvoyée à l’adolescent de lui-même par l’intermédiaire des lectures qui lui sont
destinées.
Ils font deux constats.
Le premier est que la littérature de jeunesse n’est plus considérée comme un sous-genre comme
il y a dix ou vingt ans. Ses richesses sont parfois plus grandes que celles de la littérature adulte.
Le second constat est que cette littérature se porte bien, et qu’il en est de même des adolescents.
Il est possible d’aborder des thèmes avec plus de fougue, et des thèmes très forts comme la
contestation du passé historique proche.
D’un intérêt tout à fait particulier envers les livres pour les enfants et les adolescents témoigne de
même un grand nombre de périodiques pour diverses tranches d’âge, conçus pour initier les
petits à lire. En voici quelques uns.
Pour les tout petits de 3 à 5 ans il y a Blaireau (Gallimard), magazine d’initiation à la lecture
avec une grande histoire, quiz, jeux, comptines, fiches d’activités manuelles. Histoires pour les
petits (Milan Presse), magazine d’histoires à raconter en famille, dès la maternelle destiné aux
jeunes lecteurs, contes et récits à partager. Mes premiers J’aime lire (Bayard presse) proposent
chaque mois un petit roman avec sa cassette audio, des jeux et une BD.
À partir de 7 ans on a J’aime Lire (Bayard Presse) devenue une revue de référence qui aide les
enfants dans l’apprentissage de la lecture. On y trouve une présentation de romans illustrés,
divisés en chapitre, facile à lire pour les lecteurs débutants (l’auteur et l’illustrateur sont
présentés à la fin de l’histoire). En fin de volume, jeux (de Bonnemine) et bande dessinée (Tom
Tom et Nana). Il existe aussi Je lis déjà (Fleurus Presse) en quelque sorte concurrent de J’aime
Lire. Y est présentée une courte histoire illustrée de 8 pages, avec des explications de
vocabulaire, jeux, mots croisés, recettes de cuisine, ainsi qu’une sélection de livres à
recommander. Sont ajoutées 4 fiches dico à collectionner pour améliorer son orthographe et
enrichir son vocabulaire. Pour les ados de 9 à 14 ans il y a Je Bouquine (Bayard Presse) qui y
trouvent la présentation d’un roman complet, un dossier littéraire, un reportage sur un thème
rattaché au roman.
La bande dessinée est en effet un médium à part entière, sur lequel on peut proposer des analyses
comparables à celles de la littérature. Ce genre offre une grande richesse car les publics et les
sujets abordés sont multiples. La bande dessinée est un art qui possède une narration spécifique
perçue facilement par les enfants et qui est très riche, le texte étant appuyé par l’image.
Emmanuel Proust, spécialiste en littérature pour les enfants, a donc trouvé l’expression «
narration dessinée ». Non seulement la civilisation française est inimaginable sans connaissance
de tels albums de référence que Astérix de Uderzo et Gossinny, Tintin de Hergé, Corto Maltese
de Hugo Pratt, mais aussi sert de support pédagogique pour enseigner divers aspects de la
langue. Ce n’est pas par hasard que les Astérix sont traduits même en latin !
Quant aux auteurs qui écrivent pour un public jeune, ils pourraient être divisés – de façon assez
artificielle – en deux groupes : ceux qui étant connus comme des classiques contemporains font
parfois des livres pour enfants. Et ceux qui se consacrent entièrement à cette littérature.
Parmi les premiers mentionnons Patrick Modiano, ses livres sur Choura, labrador aux yeux
bleus, qui s’ennuie chez ses maîtres et qui est un chien romantique, Une aventure de Choura et
Une fiancée pour Choura. Catherine Certitude, album de Patrick Modiano (texte) et Jean-Jacques
Sempé (illustrations), raconte surtout la complicité entre une fille et son père, tandis que la mère
est absente. Dans un monde dur, où Catherine doit se plier aux règles de la danse classique et son
père aux lois des affaires, il arrive à l’un comme à l’autre de retirer leurs lunettes pour voir le
monde autrement, « plein de douceur, flou et sans aspérité ». Jean-Marie Gustave Le Clézio est
auteur de plusieurs livres pour les enfants : Peuple du ciel, La Grande vie, Villa Aurore, Celui
qui n’avait jamais vu la mer, Voyages au Pays des arbres, Lullaby et autres. Michel Tournier a
écrit sa variante de l’histoire de Robinson Crusoe qui est devenu un des livres les plus lus en
France, Vendredi ou la vie sauvage. En 2007, Erik Orsenna écrit la suite de La Grammaire est
une chanson douce, et des Chevaliers du Subjonctif en retrouvant les personnages de Jeanne et
Thomas, aidés par Monsieur Henri, le tendre musicien, Madame Jargonos, l’inspectrice de la
langue française, et bien d’autres encore, qui partent, cette fois-ci, pour un long périple à la
recherche des accents qui ont disparu. S’estimant maltraités par les habitants de l’île, ils ont fui
vers l’Inde, en compagnie de leurs amies les épices, aussi mécontentes qu’eux de leur sort.
Christian Oster, auteur des romans pour les adultes Une femme de chambre et Mon grand
appartement aime aussi faire des livres pour enfants. Avec son nouvel ouvrage La Princesse
télécommandée composé de quatre histoires, il nous enchante grâce à son humour décapant et
ses jeux de mots bien amenés. L’univers des contes de fée est comme d’habitude le canevas de
base de l’auteur, qui fait évoluer des personnages absurdes dans des environnements qui ne le
sont pas moins. L’histoire qui donne son titre au livre nous parle d’une princesse
télécommandée, qui ne marche plus car une vilaine sorcière lui a retiré ses piles. Le deuxième
récit met en scène un prince qui veut perdre ses parents dans la forêt car ils sont devenus fous.
Quant au troisième, c’est peut-être le plus drôle : la princesse à la brouette a été condamnée par
son père à errer avec sa fourchette, son couteau, son assiette et une brouette, jusqu’à ce qu’elle
sache manger convenablement. Enfin, dans la quatrième histoire, un roi, son conseiller et son
serviteur sont transformés en ours. Dénouements sans queue ni tête, dialogues plein d’humour...
Christian Oster, jongleur des mots, – il suffit de lire les titres de ces récits : Le Chevalier qui
cherchait ses chaussettes, La Princesse enrhumée, Le Loup qui cherchait sa serviette – y offre
des récits pleins d’imagination et de fantaisie.
Daniel Pennac, professeur de français, est aussi connu pour ses romans pour adultes que pour
enfants. Il est auteur de quatre volumes des aventures de Kamo, devenus aujourd’hui presque des
classiques : Kamo et moi, L’Évasion de Kamo, Kamo, l’agence Babel et Kamo, l’idée du siècle.
Aussi, les éditeurs français font souvent appel aux auteurs de vrais romans policiers pour qu’ils
écrivent pour les petits. Il existe même une collection qui s’appelle Souris Noire dans laquelle les
grands maîtres du polar présentent leurs œuvres : Didier Daeninckx Le Chat de Tigali, Thierry
Jonquet La Bombe humaine, Marc Villard Les Doigts rouges, Jean-Hugues Oppel Dans le grand
bain et beaucoup d’autres.
Nombreux sont ceux qui ont choisi exclusivement le volet de la littérature de jeunesse. Marie-
Aude Murail a toujours écrit et publié des livres depuis plus de 20 ans. Elle commence son
aventure jeunesse en 1985. Des contes, des feuilletons, des nouvelles, des récits, des essais, des
romans d’amour, d’aventure, policiers, fantastiques. Ses livres ont reçu de nombreux prix. Elle a
reçu en 2004 l’insigne de chevalier de la Légion d’Honneur. Quant le journaliste lui a demandé
un jour : « Quel est le mot que vous préférez dans la langue française ? » Elle a répondu : «
Amour et humour, disait ma maman. Elle n’avait pas tort. »
Les livres de Susie Morgenstern sont aujourd’hui des best-sellers. Récemment elle a fait paraître
un petit livre (Thierry Magnier Editeur) Je t’aime (encore) quand même qui après Je t’aime
(2003) et Je te haïs (2004) clôt la trilogie. Un petit texte drôle et touchant, qui offre quelques
jolis passages, notamment pendant la recherche en classe du champ lexical du mot « cœur », qui
suscite une mini-bataille verbale entre les deux enfants.
Yak Rivais est l’auteur de très nombreux livres pour enfants et de jeux littéraires. Il a reçu le prix
de l’Humour noir, de l’Anticonformisme et des Mille Lecteurs. Les titres les plus connus sont La
Princesse qui voulait se marier, Formidable et Contes du cimetière aux beaux jours où Yak
Rivais propose sept petits contes où le monde des vivants et celui des morts se confrontent. Au
cimetière Saint-Patrick, quelques personnages issus de la mythologie ou des contes font aussi
leur apparition et le lecteur ne manquera pas de croiser le corbeau de Lafontaine, le Sphinx ou
encore Anubis… À chacun des face-à-face, l’enfant une fois dérouté, une fois amusé, ou encore
totalement blasé s’en sort admirablement bien décousant les énigmes avec son intelligence ou en
suivant les indices des morts. Bref, de petits contes farfelus et drôles, écrits dans un langage
proche des enfants et illustré par Yak Rivais lui-même.
Depuis 1997, Jean-Claude Mourlevat écrit et publie des ouvrages pour la jeunesse. Il écrit tout
d’abord des contes, puis un roman La Balafre. Son livre La Rivière à l’envers raconte le voyage
du garçon Tomek à travers le monde extraordinaire. Chez l’éditeur Thierry Magnier il a sorti
trois livres de petit format : L’Homme qui levait des pierres, un récit sur une belle amitié, entre
don et initiation, L’Homme à l’oreille coupée, et L’Homme qui ne possédait rien. La Ballade de
Cornebique signée Jean-Claude Mourlevat était faite pour la collection « Hors piste ». Un jour,
après avoir appris qu’il n’est pas aimé, le bouc Cornebique décide de partir. Vivant et coloré, ce
texte nous entraîne dans un monde imaginaire… très ressemblant avec le nôtre, tant l’absurde
des situations nous est connu.
Les auteurs des livres pour enfants jouent avec la langue, mais parmi tous les écrivains celui qui
y est le plus fort, c’est Pierre Elie Ferrier, dit Pef, auteur-illustrateur. Parmi les artistes
s’intéressant à l’enfance, il est l’un de ceux qui ont le mieux compris que la bataille contre
l’illettrisme était à mener par des actions parallèles à l’enseignement. La Belle lisse poire du
Prince Motordu est devenu en France classique. Le prince de Motordu mène une belle vie tout en
parlant une langue différant des autres. Sur l’injonction de ses parents, il se met à la recherche
d’une épouse et tombe sur la princesse Dézécolle. Avant de le demander en mariage, elle essaie
de lui apprendre à bien parler.
Enfin, pour apprendre plus sur la littérature jeunesse qui vous convient mieux, pour choisir des
livres pour une classe spécifique ou une certaine tranche d’âge, pour constituer un dossier sur tel
ou tel sujet en vous appuyant sur des textes littéraires, ou même pour illustrer un thème
grammatical nous vous conseillons de vous adresser au site du Centre International d’Études en
Littérature de Jeunesse – Ricochet où vous allez trouver une réponse ou une référence que vous
cherchez.
Jean-Claude Mourlevat
(extrait)
Il y avait dans une oasis du désert un homme qui ne possédait rien. Le soir, il s’asseyait sur la
dune et regardait les étoiles monter dans le ciel. Il faisait couler le sable entre ses doigts et se
disait : « Un jour, je serai sable moi-même. En attendant, profitons de l’air qui entre dans mes
poumons quand je respire ; profitons de cette eau fraîche qui coule dans ma gorge ; et profitons
de cette poignée de dattes si douces et si sucrées. »
Un soir comme cela, justement, il vit venir de très loin et dans sa direction un chameau qui
portait une selle, mais qui allait seul, sans maître ni fardeau.
– Où vas-tu ? lui demanda-t-il lorsque le chameau fut à portée de voix.
– Je vais à la ville de Topka, répondit l’animal sans s’arrêter.
L’homme, intrigué, le rattrapa et marcha à son côté :
– Je suis étonné que tu m’aies répondu, dit-il au bout d’un moment, car d’ordinaire les chameaux
ne parlent pas.
– Moi... si, se contenta de grommeler le chameau et il accéléra l’allure.
– Et puis je ne connais pas cette ville de Topka dont tu me parles, continua l’homme.
– Il y a beaucoup de choses que tu ne connais pas, se moqua le chameau, puis, comme l’homme
le suivait toujours, il s’arrêta net :
– Voudrais-tu que je te prenne sur mon dos et que je t’emporte jusqu’à Topka ?
– Non, dit l’homme après une hésitation, je ne veux pas. Je préfère rester ici.
– Alors je vais te poser la question autrement, reprit le chameau : voudrais-tu savoir ce qui
arriverait si tu montais sur mon dos et si tu venais à Topka ? C’est une grande faveur que je te
fais.
– Ça, oui, je veux bien, répondit l’homme.
– Alors, dit le chameau en s’agenouillant, monte sur mon dos et tu le sauras.
Ils cheminèrent une partie de la nuit et toute la journée du lendemain.
– Ta selle n’est pas très confortable et tu ne m’avais pas dit que cette ville de Topka était si loin,
se plaignit l’homme qui commençait à souffrir de la faim, de la soif et de la fatigue.
– Mais tu ne me l’as jamais demandé, répondit le chameau, qui n’était pas bavard.
– Alors maintenant je te le demande ! lança l’homme, très agacé : est-ce que Topka est encore
loin d’ici ?
– De moins en moins à mesure que nous en approchons, plaisanta le chameau, tu es bien
impatient...
La deuxième forte secousse qu’a subie la littérature au XXe siècle a été portée, à la même
époque, par le Nouveau Roman. Les nouveaux romanciers ont ébranlé les principes de base du
roman : ils ont prouvé que l’intrigue, le personnage, les repères spatio-temporels ne sont pas du
tout indispensables : un personnage sans histoire, sans nom, qui vit dans un lieu et temps
indéterminés, dont on ne connaît ni le caractère, ni les désirs peut permettre de tisser un texte
littéraire envoûtant et impressionnant.
À présent, au début du XXIe siècle les critiques littéraires constatent que l’influence de l’Oulipo
s’est révélée très forte et vivace. L’écriture sous contrainte ne perd pas ses positions. D’une part,
on réemploie les contraintes trouvées par les oulipiens. L’introduction des textes authentiques
(lettres, affiches, articles de journaux, etc.) dans la trame du roman (sur l’exemple de Georges
Perec) a été largement exploitée par Jean-Marie Gustave Le Clézio. Dans son roman Procès-
verbal il insère la une d’un journal suivie de la fin d’un des articles, une page de manuel de
Chimie organique :
« Réactions de substitution
Les atomes d’H peuvent être remplacés successivement par certains atomes de même valeur tels
que Cl. Il faut soumettre à la lumière. (et le brome)(Br) », une liste de noms géographiques avec
leurs coordonnées, etc.
C’est aussi le cas de Modiano dont les personnages sont souvent guidés dans leurs recherches par
des textes oubliés : une liste d’endroits fréquentés, un Avis aux locataires datant du 18 janvier
1942, un extrait de registre :
On retrouve plusieurs procédés oulipiens dans le livre d’Alexandre Jardin Le Petit Sauvage où
l’auteur introduit des dessins faits à la mains, des bouts de lettres manuscrites, des textes
typographiés sous la forme d’un vase ou d’une silhouette humaine. À la fin, en parlant de la
cécité et de la mort de son héros l’auteur se met à écrire en blanc sur noir et termine le livre par
trois grands points de suspension blancs sur une double page noire.
D’autre part, les écrivains d’aujourd’hui continuent à jouer avec les formes littéraires à
commencer par le genre. Régis Jauffret écrit Autobiographie qui est sous-titrée « Roman »,
Daniel Pennac passe sans coup férir de la série des romans policiers (Gallimard noir) dans la
prestigieuse série blanche tout en conservant son écriture particulière, ses personnages qui ne
quittent pas leur XXe arrondissement de Paris. Ses livres pleins d’humour sont traduits dans de
nombreuses langues.
Jean Échenoz, l’un des écrivains les plus importants de sa génération, s’essaie dans tous les
genres du roman policier à la biographie (Ravel). Il excelle aussi dans le roman d’aventure et de
voyage : ses personnages se déplacent constamment, géographiquement, chronologiquement,
psychologiquement. Les livres de Jean Échenoz se lisent sans aucune difficulté, tiennent en
haleine et secouent le lecteur, son humour provoque des éclats de rire. Cependant, il ne fait pas
que jouer. Le romancier propose aux lecteurs plus compétents beaucoup de pistes de
compréhension plus profonde faisant appel aux lectures précédentes et aux associations
personnelles : clin d’œil à Perec, à Beckett et tant d’autres.
Antoine Volodine ne se contente pas des genres existants. Pour créer son monde «
postapocalyptique » où « seule la ruine et l’horreur sont certaines, la torture et le totalitarisme
omniprésents » il a besoin d’une littérature spéciale, étrange, basée sur une imagination
affolante. Il écrit des chaggas, des romances, des narrats, des envoûtes, des récitats. Volodine
trouve un terme particulier pour ses écrits : post-exotisme dont il est le seul représentant bien
qu’écrivant sous des noms différents. Dans son livre Le Post-exotisme en dix leçons, leçon onze
il explique : « Pour un narrateur post-exotique, de toute façon, il n’y a pas l’épaisseur d’une
feuille de papier à cigarette entre la première personne et les autres, et guère de différence entre
la vie et la mort. »
Volodine chante les mérites d’un de ses narrateurs : « Il inventa les concepts de voix muette, de
sous-narrateur, de parole fictive, de contre-voix, de voix morte, de sous-réalisme, de
polychronie, d’apnée narrative, etc. Toutes ces notions aussitôt facilitèrent l’analyse de nos
textes et nous aidèrent à les concevoir, et à en améliorer l’efficacité mélodique, et à les. À les. À
les aimer mieux. »
Les livres d’Antoine Volodine créent une antiutopie, un univers dont les rares habitants ne font
que survivre sans espoir, sans issue.
Dans les pages d’Eric Chevillard surgit un monde autrement étonnant, réel et irréel à la fois.
Grâce à sa fantaisie débridée le lecture ne cesse de s’étonner en trouvant dans ses œuvres des
personnages indescriptibles et insaisissables, comme Palafox qui disparaît sans donner le mot de
son énigme ou Crab dont on n’apprend même pas s’il est mort ou vivant. Dans les romans plus
récents Chevillard décrit un monde plus réel tout en introduisant ces détails insolites qui le
rendent immédiatement reconnaissable. Le romancier expérimente toujours avec la structure de
ses écrits. Du hérisson raconte avec beaucoup d’humour l’histoire d’un écrivain qui a décidé
d’écrire son autobiographie et a trouvé tout à coup sur sa table un hérisson « naïf et globuleux »
qui l’empêche de travailler. Tout le livre est écrit comme un seul paragraphe dont les coupures
sont marquées, pour divertir l’œil, par des blancs entre les passages qui commencent et se
terminent au milieu de la phrase.
Christian Gailly se propose une autre contrainte, celle de la phrase. Il la décompose et déplace à
sa guise ce qui attribue au texte une saveur tout à fait spéciale. Un des personnages du roman Les
Oubliés doit annoncer la mort de son ami à la femme de celui-ci : « Lui qui avait si peur de la
mort. Il se mit à regretter. Avant qu’il ne sonne à la porte de l’immeuble. Une jolie petite
résidence récente. Des jardins tout autour. Les arbres encore jeunes. De ne pas être mort en
même temps que Paul. » L’auteur bricole des phrases inachevées mais avec un point à la fin : « Il
ne pouvait pas ne pas », « A bien fait de ne pas », « En tout cas, Brighton remonta dans la Saab
et. S’engageant dans l’allée. Au pas, ça montait. Il suivit Moss », etc. Le sens du texte n’échappe
pas au lecteur mais grâce à ce jeu avec la phrase il est plus impliqué dans le processus de la
lecture.
Si Christian Gailly parle de choses sérieuses (la mort, l’amour) en jouant avec la langue, Jean-
Philippe Toussaint au contraire emploie un style soutenu pour parler de choses insignifiantes, de
faits minuscules de la vie. Dans son roman La Salle de bain le narrateur s’installe dans sa
baignoire et écrit une sorte de journal dont les paragraphes sont bizarrement numérotés. Il
marque les moindres gestes qu’il fait aussi bien que ceux des gens qu’il voit. C’est un homme
jeune mais le lecteur n’apprend rien sur ses occupations et goûts sauf celui de passer son temps
dans la salle de bain : « 46) Lorsque j’ai commencé à passer mes après-midi dans la salle de
bain, il n’y avait pas d’ostentation dans mon attitude. Non, je sortais parfois pour aller chercher
une bière dans la cuisine, ou je faisais un tour dans ma chambre et regardais par la fenêtre. Mais
c’était dans la salle de bain que je me sentais le mieux. Pendant les premiers temps, je lisais assis
dans un fauteuil, puis – parce que l’envie me prenait de lire couché sur le dos – allongé dans la
baignoire. »
Aujourd’hui, l’écrivain ne domine plus ses lecteurs, il n’est plus un maître à penser mais un
homme dont le métier est d’écrire des romans. « Moi, écrivait Marguerite Duras, je ressemble à
tout le monde. Je crois que jamais personne ne s’est retourné sur moi dans la rue. Je suis la
banalité. Le triomphe de la banalité. » Il ne cache plus ses secrets professionnels, au contraire, il
va au-devant du lecteur pour lui parler de son travail.
Les écrivains se réunissent pour des festivals et des colloques, ils vont voir leur public partout
dans le monde et ils parlent de leur écriture. Ils s’expriment aussi largement dans leurs romans
sur les difficultés qu’ils éprouvent pour accrocher, attirer, séduire le plus grand nombres de
lecteurs et sur la nécessité de former un lecteur compétent. Ainsi, Jean Echenoz dit dans son
interview au Matricule des anges (mensuel de la littérature contemporaine) : « Mais il (le roman
Ravel) m’a renvoyé constamment à des oppositions formelles, musicales, quelque chose du côté
de l’imparfait, des accélérations du passé composé, même s’il est écrit au présent. Je n’avais pas
envie de jouer avec l’éventail considérable que proposent les temps grammaticaux du passé qui
pourtant m’intéressaient beaucoup. »
Un autre écrivain-personnage du roman d’Eric Chevillard Oreille rouge qui est invité au Mali
pour écrire un poème sur l’Afrique médite et hésite longuement avant de se décider à placer les
premiers traits dans son carnet. L’auteur commente : « Mais bientôt Oreille rouge va prendre
goût à cela, à ce geste, ses ratures gagneront en épaisseur, en noirceur, en expressivité, comme
s’il avait cette fois enfin trouvé sa voix, son style, sa manière d’inscrire son expérience des
choses et de la vie, sa manière d’inscrire son expérience des choses et de la vie avec honnêteté. »
Marguerite Duras dans son texte intitulé Écrire parle ainsi du métier d’écrivain : « L’écriture
c’est l’inconnue. Avant d’écrire on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité.
C’est l’inconnue de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est
une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre
personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelqufois, de
son propre fait, est en danger d’en perdre la vie. »
Jean Échenoz
Vous êtes Paul Salvador et vous cherchez quelqu’un. L’hiver touche à sa fin. Mais vous n’aimez
pas chercher seul, vous n’avez pas beaucoup de temps, donc vous prenez contact avec Jouve.
Vous pourriez, comme à l’accoutumée, lui donner rendez-vous sur un banc, dans un bar ou dans
un bureau, le vôtre ou le sien. Pour changer un peu, vous lui proposez qu’on se retrouve à la
piscine de la porte des Lilas. Jouve accepte volontiers.
Vous, le jour dit, seriez présent à l’heure dite au lieu convenu. Mais vous n’êtes pas Paul
Salvador qui arrive très en avance à tous ses rendez-vous. [...]
Jouve et lui s’étaient retrouvés à la cafétéria du stade nautique, au-dessus des tribunes qui
surplombent les bassins, sous le grand toit ouvrant transparent. Seuls revêtus dans cet espace de
leur complets, gris clair pour Salvador et bleu marine pour Jouve, ils voyaient à leurs pieds
s’agiter les baigneurs, observaient plus attentivement les baigneuses, chacun pour soi dressant
une typologie de leurs maillots : les une et deux-pièces, les bikinis ou brésiliens, les prototypes à
gaufres, à smocks, à fronces voire à volants. Ils ne parlaient pas encore. Ils attendaient leur
Perrier-citron.
Salvador travaillait à cette époque pour une société de production de programmes télévisés,
section divertissements et magazines que Jouve regardait tous les soirs avec son épouse. Grand
individu maigre autour de quarante ans, Salvador n’avait pas d’épouse. Ses longs doigts pâles
jouaient en toute circonstance entre eux cependant que, plus charpentières ou charcutières, les
mains de Jouve s’ignoraient au contraire, s’évitaient avec soin, chacune enfermée dans sa poche
la plupart du temps. Massif, dix ans de plus que Salvador et dix centimètres en moins, Jouve
goûta prudemment le contenu de son verre : l’eau gazeuse et le citron s’harmonisaient à l’air
chloré du stade nautique pour vous déterger les narines en douceur. Alors, dit-il enfin, c’est qui,
cette fois ?