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Quelle stratégie numérique


pour les éditeurs de livres ?

Patricia Gendrey
MBA Marketing et Commerce sur Internet 2009/2010

Sous la direction de Vincent Montet


 
Mars 2011

« Un livre indisponible, c’est un pan de mémoire qui tombe, c’est une parcelle de 
patrimoine qui s’efface, c’est aussi une œuvre artistique qui s’oublie elle‐même. L’outil 
numérique nous permet aujourd’hui de mettre à la portée de tous des contenus culturels 
de qualité. » 

Discours de Monsieur le Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand 

 prononcé à l’occasion de la signature de l'accord cadre sur la numérisation et l'exploitation des livres 
indisponibles du XXème siècle, le mardi 1er février 2011. 


 
TABLE DES MATIÈRES

Résumé 7

Paper outline 9

Recommandations 10

Introduction 12

Partie 1 : Le livre, un marché en pleine mutation 15

Chapitre 1 : Le Marché de l’édition 16

Section 1. L’histoire du livre et de ses grandes mutations 16

Sous-section 1- L’évolution du livre et des modes de lecture 16

Paragraphe1. La première révolution du livre 16

Sous-paragraphe 1 :Du volumen au Codex 16


Sous-paragraphe 2 : Du parchemin au papier 17

Paragraphe 2. La seconde révolution du livre 17

Sous-paragraphe 1 : L’impression 17
Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre 18

Paragraphe 3. La dématérialisation,
troisième révolution du livre 19

Sous-paragraphe 1 : Le Cdrom 19
Sous-paragraphe 2 : Les Ebooks et
les tablettes de lecture 19
Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et
librairies en ligne 21

Paragraphe 4. Evolution du mode de lecture 23

Sous-section 2 - Les mutations de l’industrie du livre 24

Paragraphe 1. Déplacement du centre du pouvoir 24

Paragraphe 2. Industrialisation et concentration 24

Section 2. L’organisation de la filière livre 25

Sous-section 1 - Vers une évolution de la chaîne de valeur 25

Paragraphe 1. La chaîne de valeur du livre papier 25

Paragraphe 2. La chaîne de valeur du livre numérique :


clone du livre papier ? 27


 
Sous-section 2. Les acteurs 30

Paragraphe 1. Les agents littéraires et les auteurs :


alliés de la renégociation des droits 31

Paragraphe 2. L’éditeur : un métier à réinventer 33

Sous-paragraphe 1 – Les éditeurs et Google :


une nécessaire alliance 34

Sous-paragraphe 2 : Les pures players


de l’édition 36

Sous-paragraphe 3. Les ventes d’ebooks 37

Paragraphe 3 : Diffusion et distribution : un enjeu majeur 38

Sous-paragraphe 1 : La concentration
du marché 39
Sous-paragraphe 2 : La multiplication des
plates-formes 39
Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente
en ligne 42
Sous-paragraphe 4 : Google et les
bibliothèques numériques 49
Sous-paragraphe 5 : Fabricants de readers
contre tablettes 50
Sous paragraphe 6 : Les opérateurs de
téléphonie mobile 52

Chapitre 2 : Vers l’évolution du modèle économique 52

Section 1. Les freins à lever pour l’émergence d’une


économie numérique 52

Sous-section 1. Les enjeux juridiques 52

Sous-section 2 : les enjeux techniques 55

Paragraphe 1. Les DRM 55

Paragraphe 2 : Les métadonnées 56

Sous-section 3 : Les enjeux économiques 56

Paragraphe 1. Risque d’accroissement


de la concentration 56

Paragraphe 2. Risque de perte de la connaissance client 57


 
Paragraphe 3. Risque de piratage 57

Section 2 : Les modèles économiques du livre numérique 61

Sous-section 1. L’éventail des modèles existants 61

Paragraphe 1. Tour d’horizon des modes de


commercialisation 61

Paragraphe 2. le partage de la valeur 62

Paragraphe 3. Cas de l’édition juridique 63

Paragraphe 4. Le cas de l’édition scientifique 65

Partie 2 :Bâtir une stratégie numérique 67

Chapitre 1 : La commercialisation du livre dans l’univers numérique 68

Section 1. Etre présent sur les plates-formes 68

Section 2 : Développer site internet et application 71

Section 3. Mettre en œuvre une cyberpromotion performante 72

Sous-section 1. Créer le buzz et développer la viralité 72

Sous-section 2. Les blogs pour faire parler 72

Paragraphe 1 : Babelio 73
Paragraphe 2. Blog-O-Book 74

Paragraphe 3. Livraddict 74

Sous-section 3. Les Bonnes pratiques 74

Sous-section 4. Exemple d’une campagne de lancement


d’un titre jeunesse : Ghostgirl Lovesick 77

Sous-section 5. Les moteurs de recherche


au service de la promotion du livre 78

Sous-section 6. L’affiliation 84

Sous-section 7. Achat de mots clés 85

Chapitre 2 : Faire évoluer l’organisation interne et les compétences 86

Sous-section 1. Adopter une organisation en réseau 86

Sous-section 2 : Des outils au service d’une stratégie multisupport 87


 
Sous-section 3 : Former les collaborateurs 88

Chapitre 3 : Les éditeurs de livres de demain 88

Section 1. Ce qu’attendent les lecteurs 88

Sous-section 1. Les tendances 90

Sous-section 2 : comparaison des modes de lecture


sur smartphones, tablettes et ordinateurs 89

Section 2 : Les pratiques des digital natives 92

Section 3 : Le rôle de l’éditeur 96


Sous-section 1. Les moyens de trouver et d’organiser
l’information 96

Sous-section 2 : Le devenir de l’éditeur 96

Sous-section 3 : Développer ou non des produits numériques 98

Section 4 : Les nouvelles formes d’édition 98


Sous-section 1. L’autopublication 98

Sous-section 2. « A book is a place » : la lecture sociale 101

Sous-section 3. L’édition sans auteur 104

Sous-section 4 : Le Storytelling et les nouvelles formes d’écriture 105

Paragraphe 1 : Storytelling 105

Paragraphe 2 : Les nouvelles formes d’écriture 107

Sous-paragraphe 1. les blogs 107


Sous-paragraphe 2. La narration sur Twitter 108
Sous-paragraphe 4 : Les romans dont vous êtes
le héros 110

Sous-section 3. Vers des manuels scolaires numériques 110

Sous-section 5 : L’explosion du marché des applications 113

Sous-section 7 : Les plates formes, lieu privilégié d’animation des


communautés 116

Conclusion 117

Bibliographie 118

Index 121


 
Résumé

Après le cinéma et la musique, les éditeurs de livres constituent la dernière industrie


culturelle à être touchée par la numérisation. Ce procédé impacte toute la chaîne de la filière
du livre : l’éditeur à travers la coordination du projet éditorial, le compositeur, l’imprimeur et
enfin le diffuseur et le distributeur. Il s’agit donc bien là d’une révolution qui engendre maints
mouvements structurels.

Face à ces changements de fond, cette étude se propose, à partir d’éléments chiffrés,
d’analyser le marché du livre et de déterminer les leviers qui aideront les éditeurs à entrer
dans l’ère numérique. En effet, les sociétés d’édition doivent travailler et s’organiser
autrement pour se préparer aux changements attendus dans l’écosystème du livre. Ils doivent
acquérir de nouvelles compétences. C’est là une condition de leur survie !

Les nouveaux contenus éditoriaux – livres enrichis, applications pour Smartphones et


tablettes - constituent une véritable opportunité de croissance pour les éditeurs de livres.
Ceux-ci sont néanmoins indécis, ne pouvant être certains qu’ils seront à même de rentabiliser
leur investissement. Cette étude analyse donc l’état du marché et se propose de dégager les
pistes de développement qui s’ouvrent aux maisons d’édition traditionnelles.


 
Ainsi, les développements seront scindés en deux grandes parties. La première est
consacrée aux mutations qui affectent le marché du livre et à l’évolution de la chaîne de
valeur. De même, les freins à lever pour l’émergence d’une économie numérique seront
traités, suivis de l’éventail des différents modèles économiques possibles. Sur ce dernier
point, deux secteurs éditoriaux, ayant depuis de nombreuses années déjà basculé vers le
numérique, seront examinés : il s’agit de l’édition juridique et scientifique.

La deuxième partie sera consacrée à la stratégie globale à adopter. Il est mis ici
l’accent sur les outils digitaux de promotion du livre, sur le choix des plates-formes de
distribution des livres, sur la nécessité d’organiser autrement les sociétés d’édition et
l’évolution nécessaire des compétences en interne. Cette étude s’achève avec des éléments
prospectifs sur ce que sera le livre de demain.


 
Paper Outline

After the movie and music industry, book publishing is the last cultural industry to be
affected by the digital era. This process has an impact upon all the segments of this industry:
the publisher who coordinates the publishing work, the compositor, the print worker and last
but not least the distributor. It is truly a revolution that gives rise to many structural changes.

In light of these dramatic changes, the present paper will, based upon various data and
figures, provide an analysis of the book market and will also identify the tools enabling the
publishers to enter into the digital world. Indeed, the publishing houses must re-organise and
adapt themselves to the changes foreseen in the book ecosystem. They must build or acquire
new skills, failing which their survival is at stake !

The new types of publishing content, that is enhanced books, Smartphone applications
and e-tabs, give book publishers a true opportunity for growth. Publishers feel however very
reluctant as they have some doubts about their ability to see the return on their investment.
This paper contains a market analysis and will describe the various ways that may be followed
by traditional publishing houses.

The first paper chapter is dealing with the mutations that impact the book market and
the evolution in the value chain. Further, it is describing how to overcome the hurdles to the
development of the digital business as well as a quite comprehensive overview of the possible
business models. For illustration purposes, the paper looks into two specific publishing
markets that have already switched into the digital world for several years, that is legal and
scientific books.

The second chapter of this paper is focused on the global strategy to be adopted, in
particular with respect to the digital tools for book marketing, the choice of platforms for
book distribution, the critical need to reorganise publishing houses and revisit the in-houses
skills that are required. The paper conclusion contains some further prospective
considerations about what likely will be the book of tomorrow.


 
Recommandations 

Travailler dans le secteur du livre permet de prendre conscience des grandes disparités 
existant entre les maisons d’édition. Il y a d’abord les grands groupes qui, depuis quelques années 
déjà, opèrent une veille sur le marché et se sont organisés afin de faire face à un changement brutal. 
D’ailleurs, dans le cas du livre numérisé, ils sont aujourd’hui tous en ordre de marche. Pour eux, 2011 
est le « moment ebook » 1 . Cette année doit donc être consacrée à l’enrichissement des catalogues 
numériques, l’une des conditions du basculement du marché. Toutefois, ils restent très frileux pour 
entreprendre de nouvelles expériences sur les contenus. La raison en est simple : pas de production 
éditoriale sans rentabilité. Cette place est donc prise par des « start‐up » qui tentent l’aventure et se 
lancent à la conquête de ce nouvel eldorado en développant tous azimuts des livres enrichis et 
applications pour Smartphones et tablettes, en faisant bien trop souvent l’économie d’une étude de 
marché. 

Ensuite, viennent les moyennes et petites maisons d’édition dont la vision d’avenir dépend 
bien trop souvent d’une personne un peu  Geek, un peu webmarketeur, mais pas assez d’une 
stratégie claire et bien établie. Trop de sociétés, dont le chiffre d’affaires n’est pas négligeable, ne 
connaissent pas vraiment le rôle des plates‐formes de distribution et des agrégateurs. Elles ignorent 
aussi comment produire un simple fichier epub pour mettre à disposition le livre numérique. Elles 
voudraient parfois se lancer dans des applications dérivées de leur contenu, mais elles n’en font rien 
parce qu’elles ne savent pas par où commencer et à quelles compétences elles doivent s’adresser. 
Par conséquent, les  « pure players » s’engouffrent dans la brèche, conscients qu’il existe des 
potentiels de développement. Ceux‐là ne sont pas issus de l’édition, mais sont très souvent  « game 
designers » ou  informaticiens. Alors, les éditeurs sont‐ils condamnés à ne produire que du livre 
papier et, si celui‐ci devenait objet rare pour collectionneurs, à disparaître avec lui ?  

Le déficit de compétences touche aussi les nouvelles manières de promouvoir le livre. Trop 
d’éditeurs n’ont encore pas l’ombre d’un site web ; trop  d’éditeurs réalisent le marketing des 
ouvrages comme il y a dix ans.  

Pour répondre à ces problématiques, plusieurs points sont abordés : 

La chaîne de valeur qui se modifie peu à peu. D’abord, véritable clone du livre papier, son 
maillage évolue d’une structure linéaire vers une structure réticulaire, réseau où tous les maillons 
                                                            
1
 Concept dégagé par Virginie Clayssen, Présidente de la Commission numérique du syndicat national de 
l’édition 

10 
 
peuvent entrer en contact. Cette prise de conscience est importante, afin que l’éditeur réaffirme son 
double rôle de coach de l’auteur et de support à la commercialisation du livre, mais aussi qu’il 
devienne un véritable animateur de communautés.  

La répartition de la valeur est un point également important. Certes, les lecteurs souhaitent 
un prix du livre numérique inférieur à celui de l’ouvrage papier (de l’ordre de 40 % moins cher 2 ). 
Certes,  les coûts de production sont relativement importants. Certes, la TVA est plus élevée. Certes, 
les éditeurs doivent faire face à un risque de perte de la valeur. Pour toutes ces raisons, les maisons 
d’édition ont adopté une position qui consiste à fixer les droits d’auteur à 15 %. Il s’agit là d’une 
légère augmentation par rapport aux droits versés pour la publication papier, mais pour les auteurs 
cela est loin d’être suffisant.  La révolte actuellement gronde et, les auteurs, bien conscients de 
disposer désormais de moyens de pression, menacent de s’organiser pour vendre leurs livres sans 
l’intermédiation des éditeurs. À ce jeu, les éditeurs risquent d’être les grands perdants et de se voire 
évincer par d’autres acteurs. La renégociation des droits d’auteur numériques est aujourd’hui un 
enjeu capital pour l’avenir de la profession. 

Les plates‐formes permettent aujourd’hui la distribution des livres numériques. 
L’interopérabilité est cruciale pour diminuer les coûts et permettre la diffusion des œuvres de l’esprit 
par l’ensemble des cyberlibraires. Un accord a été signé entre les trois grands acteurs, toutefois, il ne 
semble pas que cela soit pour le moment opérationnel. Il est important d’accélérer ce processus.  

Les modèles économiques sont analysés. Une évolution vers un modèle à abonnement à un 
flux de données semble l’hypothèse la plus probable. Dans l’avenir, des sites se constitueront sans 
doute autour d’une communauté intéressée par le même thème, l’art par exemple. Ils auront alors 
accès à l’ensemble des contenus sur un sujet donné, quelque soit la maison d’édition ou la société de 
presse à l’origine de la publication. C’est sans doute là aussi, une piste de développement pour les 
éditeurs. 

La cyberpromotion est passée en revue. L’étude tente de dégager des bonnes pratiques à 
partir de cas concrets. De même, des pistes sont données afin de moderniser la manière de 
promouvoir les livres par l’utilisation des nouvelles techniques de webmarketing. 

Enfin, une partie est consacrée aux nouvelles expériences de lecture. Il s’agit d’une approche 
prospective qui devrait constituer pour les éditeurs une source de réflexion. 

   

                                                            
2
 Etude IPSOS/CNL, Les publics du livre numérique, mars 2010 

11 
 
 

Introduction

Nous y sommes, la révolution numérique est en marche et s’emploie à changer en 
profondeur le monde de l’édition. Pourtant, ces modifications ne datent pas d’hier. L’amont de la 
filière a modifié ces pratiques depuis plusieurs années déjà, le mode de production du livre papier 
ayant radicalement changé depuis plusieurs années. Ce dont on parle aujourd’hui c’est de l’aval, c’est 
bien ce qui fait l’objet aujourd’hui de toutes les attentions, ce livre sur support numérique qui 
annonce, selon Robert Chartier, une triple révolution : la révolution de la technique de production du 
texte, une révolution du support de l’écrit et enfin une révolution des pratiques de lecture. 

Mais pourquoi entend‐t‐on évoquer chaque jour dans les médias un raz de marée qui 
modifiera en profondeur les pratiques si l’on ne parle que du livre homothétique, s’il ne s’agit que de 
la simple reproduction de l’ouvrage papier sur support numérique ?  Parce que l’enjeu ne réside pas  
dans la simple action de déposer un fichier sur une plate‐forme de distribution, mais il est bien plus 
crucial. En outre, parler de livre numérique, est‐ce parler encore de livre ? 

 Interrogeons‐nous tout d’abord sur la définition du livre. Curieusement, seule 
l’administration fiscale en propose une. Selon elle, « Un livre est un ensemble imprimé, illustré ou 
non, publié sous un titre ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs 
auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture. » 3   Sont donc exclus de 
cette définition, les produits non imprimés et par conséquent le livre numérique. Ceci peut paraître 
incongru à l’éditeur comme au lecteur ; « À la recherche du temps perdu » diffusé sur le FnacBook, 
ne serait donc pas un livre au sens de l’administration fiscale. On comprend bien là qu’il existe un 
vaste malentendu, et que celui‐ci réside dans la confusion entre l’œuvre de l’esprit et son support. Le 
travail de l’éditeur est bien de créer du contenu afin d’enrichir la connaissance, peu importe le média 
sur lequel il est diffusé. Il ne s’agit plus seulement,  par conséquent,  pour les maisons d’édition de se 
lancer dans la production de livres homothétiques, mais bien de permettre la diffusion de la pensée 
quelque soit le support (Smartphones, tablettes, ordinateurs…). Ainsi, le contenu est caméléon, 

                                                            
3
 Bulletin officiel des impôts, Direction générale des impôts, 3 C‐4‐05, n° 82 du 12 mai 2005, relatif à la TVA au 
taux réduit et à la définition fiscale du livre 

12 
 
prenant différentes formes en fonction de l’appareil sur lequel il est consulté : il peut revêtir les 
atours d’une application de guides de voyage géolocalisée sur iPhone, d’un livre enrichi d’illustrations 
animées, de musique et  de commentaires dans  le secteur de la jeunesse pour iPad, d’une base 
documentaire juridique sur ordinateur ou d’un livre de littérature générale qu’il sera possible au 
lecteur d’annoter sur un Kindle. Les maisons d’édition doivent déterminer le support en fonction du 
contenu et en adapter la narration. 

L’observateur pourrait trouver les éditeurs attentistes. Alors qu’ils expérimentent 
aujourd’hui la commercialisation de livres numérisés, ils sont encore, pour la plupart, bien loin d’être 
en mesure de produire des contenus numériques. Les freins sont de plusieurs ordres. Ils sont d’abord 
financiers. Les coûts de production d’un livre application sont sans commune mesure avec ceux 
générés par un ouvrage imprimé. L’équipement du marché en supports doit donc  être suffisant. 
C’est le cas aujourd’hui pour les Smartphones, cela ne l’est pas encore pour les tablettes sur le 
marché français. Les sociétés sont soumises à des objectifs de rentabilité et la récente faillite de la 
société numérique Leezam ne devrait pas encourager les sociétés d’édition à prendre plus de risques.  

Ces freins résident aussi dans la formation des équipes. Réaliser une application qui intègre 
du texte, de la vidéo et du son, fait appel à de nouvelles compétences qu’il convient  de développer 
dans les maisons d’édition.  

Enfin, cet attentisme est dû également à la difficulté qu’éprouvent les éditeurs à trouver leur 
place au sein de la nouvelle chaîne de valeur. Celle‐ci se disloque. Désormais, à l’instar du monde de 
la musique, chaque maillon de la chaîne peut potentiellement entrer en contact avec les autres. Ce 
constat constitue une menace. Jadis, le lecteur n’avait de lien qu’avec le libraire, alors 
qu’aujourd’hui, il peut dialoguer avec l’auteur. De même, il n’y a pas si longtemps l’écrivain devait 
conclure un contrat avec l’éditeur s’il voulait être publié, maintenant il lui est loisible de s’autopublier 
facilement, les cyberlibraires proposant maintenant des plates‐formes d’autopublication. Des 
auteurs anglo‐saxons  inconnus peuvent même se targuer de vendre des millions de livres (voir plus 
loin, le thème consacré à l’autopublication). Les éditeurs  se trouvent face à des colosses aux moyens 
financiers étendus qu’ils ne voient pas bien comment concurrencer. 

À ces changements profonds, s’ajoutent ceux liés à la commercialisation du livre. Le web 
apporte aux éditeurs de nouveaux outils de promotion pour accroître les ventes d’un titre. Les 
éditeurs des grands groupes maîtrisent l’art et la manière de conjuguer réseaux sociaux, plates‐
formes de partage ou encore actions de communication sur les hubs littéraires. Pour les maisons 
d’édition de petite et moyenne tailles, ces techniques ne sont pas si simples à utiliser. 

13 
 
La présente étude ambitionne de répondre aux questions liées à la stratégie numérique à 
mener, mais aussi, les menaces sont‐elles identifiées afin de formuler des recommandations.  

Dans une première partie, il sera question d’analyser les mutations du marché du livre et de 
comprendre quels pourront être les modèles économiques des livres numériques, car ils sont bien 
pluriels. 

Dans une seconde partie, l’étude livre les clés pour bâtir une stratégie numérique efficace, 
afin de ne pas se laisser distancer. Il s’agira tout d’abord des nouveaux moyens de promotion du 
livre, afin d’en dégager les bonnes pratiques. Ensuite, les pistes pour réorganiser les maisons 
d’édition seront abordées afin de se préparer à la révolution qui s’annonce. Enfin, la section 
consacrée aux nouvelles expériences de lecture constitue une approche prospective qui devrait aider 
à mieux comprendre ce que sera le métier de demain et à identifier les opportunités de 
développement.  

Producteur de contenus multimédias et webmarketeur averti seront les deux compétences 
clés de l’éditeur. Aujourd’hui, la révolution est en marche. Il convient donc d’en comprendre les 
enjeux et de bâtir une stratégie numérique qui permettra de créer de la valeur dans le monde de 
demain qui gronde déjà à nos portes. 

14 
 
Partie 1 :
Le livre, un marché en pleine mutation

15 
 
CHAPITRE I : LE MARCHE DE L’EDITION
 

Section 1. L’histoire du livre et de ses grandes mutations

Le célèbre historien du livre, Roger Chartier, définit trois révolutions du livre : le livre
papier tel que nous le connaissons, l’imprimerie et la dématérialisation des ouvrages. Avec
cette dernière évolution apparaît l’hypertextualité qui modifie en profondeur la dynamique de
lecture 4 .

Tout au long de cette section, nous nous attacherons, à travers l’histoire du livre, à
mettre en exergue les grandes évolutions qui devraient permettre de mieux comprendre les
mutations qui affectent les éditeurs de livres.

Sous-section 1- L’évolution du livre et des modes de lecture

Paragraphe1. La première révolution du livre


L’histoire du livre est si intimement imbriquée à celle des civilisations que les débats
sur l’avenir de ce support ne peuvent être que virulents et teintés d’inquiétude. Quand certains
parlent de la disparition de l’odeur de l’encre et du papier, pour opposer le livre tel que nous
le connaissons aux liseuses, ce n’est pas tant de conservatisme dont il s’agit mais de la crainte
de perdre une part de ce qui a construit l’identité des hommes et de l’humanité toute entière.

Sous-paragraphe 1 :Du volumen au Codex

Cette histoire a commencé tout d’abord avec la civilisation Sumérienne. Les hommes
gravaient alors à l’aide d’une tige de roseau des signes cunéiformes sur des tablettes d’argile
3000 ans avant J.-C. Ce fut aussi les Égyptiens qui tracèrent les hiéroglyphes sur des feuilles
de papyrus collées les unes aux autres, constituant ainsi des « volumina », rouleaux de
plusieurs mètres, à l’instar du « Papyrus Prisse », recensé comme le plus vieux livre du
monde 5 .

Le coût de fabrication du papyrus produit par l’Egypte et la rivalité avec Alexandrie


conduira Pergame – ville d’Asie mineure abritant une bibliothèque contenant 200 000

                                                            
4
 Christian Vanderdorpe, Du papyrus à l’hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture : 
http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf 
5
 Annie Schneider, Le livre objet d’art, objet rare, Éditions la Martinière, 2008 

16 
 
rouleaux – à inventer un nouveau support, le parchemin 6 . Ce support peut être utilisé sur deux
faces et présente l’énorme avantage de pouvoir être réemployé en grattant le texte précédent.

Le volumen, omniprésent à Rome, sera concurrencé à compter du 1er siècle par une
nouvelle forme de livre. Il s’agit de tablettes de cire destinées aux notations d’ordre pratique
et reliées entre elles. Cet agencement inspira sans doute le codex, feuilles de parchemin pliées
en cahiers et cousues ensemble. Son usage se développera dès le IIIe siècle, avec les débuts de
la chrétienneté, ce support étant plus commode à consulter et à conserver. En effet, le
volumen devant être tenu des deux mains, il était impossible de lire et d’écrire en même
temps, à l’inverse du codex. Ce support permit enfin aux lecteurs d’annoter et de se repérer
dans le texte à l’aide des numéros de pages qui facilitent la navigation dans le texte (index 7 ,
table des matières, renvois…). Ainsi, le changement de forme matérielle du livre a changé la
façon d’aborder le texte ; la lecture pouvait ne plus être linéaire, mais tabulaire, facilitant ainsi
le travail de consultation d’un livre.

Sous-paragraphe 2 : Du parchemin au papier

Une vaste production de manuscrits se développe en France, en Germanie et en


Angleterre. Celle-ci dépasse le cadre des monastères et des abbayes ; le livre n’étant plus
uniquement un objet de vénération religieuse, mais aussi vecteur d’érudition et d’affirmation
du statut social. La création des premières universités suscite une demande importante de la
part des étudiants et, par conséquent, de la société civile. Dans les ateliers, les copistes
travaillent alors à la chaîne dans les librairies. Le premier mouvement de démocratisation du
livre s’affirmera dès le XVe siècle.

Très vite donc, la nécessité se fait jour de trouver un support moins coûteux et moins
long à fabriquer que le parchemin ; c’est ainsi que le papier, inventé en Chine, s’introduit en
Europe, mais son usage ne se généralisera qu’à compter de l’invention de l’imprimerie.

Paragraphe 2. La seconde révolution du livre


Sous-paragraphe 1 : L’impression

Jusqu’à la moitié du XVe siècle, des scribes, essentiellement des moines, recopient les
textes pour en faire des livres. Outre les copistes, d’autres métiers gravitent pour enrichir ce
support : les miniaturistes, les enlumineurs et les calligraphes.

À la fin du moyen âge, le public de plus en plus avide de connaissances accroît la


demande de livres. Les libraires des Pays-Bas et d’Allemagne sont amenés à mettre au point
un procédé d’impression tabellaire : le texte est sculpté de manière inversée dans une plaque
de bois. Une fois encré, il est transféré sur une feuille de papier ou de parchemin. Pratiquée en
                                                            
6
 Etymologiquement, parchemin signifie peau de Pergame. 
7
 L’indexation ne se développera qu’au XIIe siècle. 

17 
 
Asie depuis plusieurs siècles, cette technique xylographique 8 est par la suite supplantée par
l’impression typographique 9 à caractères mobiles fondus dans le plomb. Cette invention
permettra la diffusion de la pensée en reproduisant les livres en nombre. Le premier livre
imprimé en typographie par Gutenberg est une bible latine, la célèbre bible à 42 lignes 10 .

À compter de 1450 donc, date de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, le livre


passe du manuscrit à l’imprimé. Plusieurs facteurs favoriseront l’expansion de cette
technique :

Il s’agit d’abord de l’époque des découvertes, et par conséquent des voyages, qui vont
favoriser la commercialisation des livres et l’extension de l’imprimerie.

L’apport massif d’or et d’argent ensuite, en provenance d’Amérique, permettra l’essor


du commerce et l’émergence d’une nouvelle classe sociale, celle des bourgeois. Cette
dernière, fortunée et avide de reconnaissance, satisfera son appétit de connaissance par la
lecture.

Enfin, l’apparition au XVIe siècle du protestantisme, et l’opposition de Luther et


Calvin au catholicisme en s’appuyant sur les textes sacrés, sont des courants qui stimuleront
les besoins en matière de livres. Ainsi, le pamphlet de Luther intitulé «À la noblesse de la
nation allemande», publié en 1520, sera vendu à 4000 exemplaires en quelques jours.
Certains historiens ont écrit que «la Réforme fut la fille de l’imprimerie», cette invention
permit quoiqu’il en soit la diffusion rapide des idées de Luther et des réformateurs.

Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre

L’imprimerie a été une invention remarquable qui a permis de diminuer les coûts de
fabrication, et par conséquent de permettre à un plus grand nombre de lecteurs potentiels
d’acheter des livres. Cette révolution a été l’instrument d’une évolution importante. Ainsi,
l’imprimeur-éditeur Alde Manuce 11 , qui publiera dans son imprimerie de Venise 150
ouvrages entre 1494 et 1515, invente le livre à petit format (in-octavo) 12 et à grand tirage de
1000 à 1500 exemplaires.

Au XVIIIe siècle, la littérature populaire apparaît et avec elle, la collection bleue. Ces
livres de petits formats étaient faciles à lire et accessibles à des personnes de peu d’instruction
(livres pratiques, romans, contes...). Toutefois, les ouvrages restant chers, des lieux de lecture
collective apparurent alors : les cabinets de lecture. Ces endroits, ouverts par les libraires eux-
mêmes, constituaient des bibliothèques privées au sein desquelles les livres étaient achetés en
commun.

                                                            
8
 Du grec Xylo : bois 
9
 Du grec Typo : empreinte 
10
 Ce livre est appelé la B42, car il se divisait en deux colonnes de 42 lignes chacune. 
11
 Alde Manuce est aussi le concepteur de la lettre italique. 
12
 In‐folio : feuille pliée une fois (4 pages) ; in‐quarto : feuille pliée deux fois (8 pages); in‐octavo : feuille pliée 
trois fois (16 pages). 

18 
 
Avec le XIXe siècle, le livre se démocratisera réellement grâce à la production
industrielle et à l’alphabétisation. Deux textes auront un impact important : la loi Guizot
d’abord, parue en 1833, qui impose aux villages de plus de 500 habitants d’avoir une école et
la loi Jules Ferry ensuite, publiée en 1882, qui prône l’école laïque et obligatoire. Si en 1832,
près de 50 % des hommes savent lire, ce chiffre passera à 96 % en 1914.

En outre, grâce au mode de production, les prix chutent et les tirages augmentent.

Cette démocratisation s’accélèrera en 1838 quand, en riposte à la concurrence des


éditeurs belges, Gervais Charpentier confiera à un imprimeur le soin de créer un nouveau
format permettant de contenir plusieurs volumes en un seul afin de diminuer le prix du livre.
Avec le format in-18 (18,3 x 11,5 cm), l’ancêtre du livre de poche était né et avec lui
l’emblématique collection qui prendra le nom de «Bibliothèque Chapelier». Sur la base d’un
volume in-octavo, le prix passa de 7 francs à 3,50 francs. D’autres éditeurs se positionnèrent
également sur ce marché : en 1846 Michel Lévy et sa «Bibliothèque contemporaine», puis
Louis Hachette en 1853 et sa «Bibliothèque des chemins de fer». En 1855, les livres de la
«Collection Michel Lévy» seront tous vendus à 1 franc.

Paragraphe 3. La dématérialisation, troisième révolution du livre

Il ne sera nullement question dans les développements qui suivent de l’évolution du


mode de production des livres grâce à l’électronique. Ainsi, nous ne parlerons pas de
publication assistée par ordinateur bien que cette technique ait changé de façon spectaculaire
la façon de travailler des éditeurs. Nous nous intéresserons ici à l’aval, c’est-à-dire aux
supports. Enfin, nous ne reprendrons pas les développements sur l’histoire d’internet, rendu
très populaire par le web, qui ne sont pas propres qu’au domaine du livre.

Sous-paragraphe 1 : Le CDrom

En 1984, les spécifications du compact disc ont été étendues afin de pouvoir y stocker
des données numériques. La généralisation du codage multimédia, et avec elle, l’hypertexte,
qui améliore de manière considérable l’accès à l’information, débutent l’histoire d’une
révolution. Désormais, la navigation ne se fait plus seulement à l’intérieur du même support,
mais aussi à l’extérieur permettant ainsi de créer des liens à l’infini.

Sous-paragraphe 2 : Les ebooks et les tablettes de lecture

Avant les readers nouvelle génération, de nombreux supports sont apparus à l’état de
prototypes ou même commercialisés.

19 
 
Il y eu d’abord le projet d’Alan Kay, professeur au MIT, au début des années soixante-
dix avec l’invention du Dynabook 13 . Au format magazine, cet ordinateur sans clavier est doté
d’un écran plat haute résolution couleur et d’un stylet électronique permettant d’annoter les
documents. Ce support, portable et sans fil, peut communiquer avec d’autres machines à
l’aide d’un émetteur-récepteur radio. Le Dynabook n’est pas seulement un ordinateur
personnel puisqu’il permet d’écouter de la musique, de recevoir du courrier, jouer à des jeux
vidéo ou encore de visionner des films. Il « ouvre un des deux axes de recherche et de
développement pour le livre électronique : l’axe informatique. Il s’agit d’exploiter les
possibilités d’ouverture, d’interactivité et de communication qu’offre l’ordinateur (...) pour
transformer celui-ci en un nouveau type de livre, par un travail sur l’ergonomie et la
lisibilité.»

Le Datadiscman, baptisé également readman et Electronic Book Player, ouvre un


second axe de développement : l’axe électronique. Ce support, adaptation de l’ancêtre des
baladeurs nommé Discman, a été commercialisé par Sony au Japon en 1990 et en 1991. Il se
présentait sous la forme d’un bloc de touches, était doté d’un petit écran à cristaux liquides et
lisait des disques de 8 cm de diamètre pouvant contenir 200 Mo de données (100 000 pages de
texte imprimé). Il fut commercialisé aux Etats-Unis avec une encyclopédie multimédia au prix
de 550 dollars. En outre, il était possible d’acquérir une trentaine de titres dont le prix variait
entre 20 et 70 dollars, ainsi que les disques musicaux du Discman. Ce produit, en dépit de son
aspect novateur, n’eut pas le succès attendu pour plusieurs raisons :

- la faible résolution de l’écran ne permettait pas la lecture intensive,

- l’absence de standard de stockage de données,

- l’existence de produits concurrents : Commodore commercialisait son lecteur de disque


laser, Philips et Sony créait le CD-I, suivi du CD-ROM.

Autre évolution, le ebook fabriqué par la société française Cytale qui apparaît en avril
2000 et commercialisé en décembre de la même année. De même, l’encre élecronique (e-ink)
sera présentée au Congrès international des éditeurs à Buenos Aires en mai 2000.

Puis ce sera le tour du Kindle d’Amazon, en 2007, bientôt suivi d’autres concurrents,
comme le Nook de Barnes and Noble ou le Sony Reader. Toutefois, c’est ce premier qui
s’impose aujourd’hui sur le marché, grâce à son modèle économique créant un effet de
verrouillage des pratiques.

Enfin, c’est l’iPad d’Apple, suivi de la tablette de Samsung et de beaucoup d’autres,


qui a suscité chez les éditeurs le plus d’intérêt. Le marché n’a pas encore basculé, bien qu’il
convient de souligner que 7,33 millions d’exemplaires 14 d’iPad ont été vendus au cours du
dernier trimestre 2010 portant ainsi le parc à 15 millions dans le monde et à 350 000 en
France. Bien que l’écran LCD n’offre pas un confort de lecture optimal contrairement à

                                                            
13
 La lecture numérique : réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire Bélisle, Presses de l’ENSSIB, avril 
2004. 
14
 http://www.ebouquin.fr/2011/01/18/apple‐a‐vendu‐733‐millions‐dipad‐au‐dernier‐trimestre/ 

20 
 
l’encre électronique, Apple a néanmoins démontré que la tablette est susceptible de pouvoir
s’imposer comme un support pour les loisirs qui fera évoluer les usages, en proposant à la fois
du jeu vidéo, des livres-applications et de la presse en ligne, notamment.

Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et librairies en ligne

C’est en 1971 qu’un étudiant de l’Illinois, Michaël Hart, fonde le projet Gutenberg 15
qui a pour ambition de diffuser gratuitement par voie électronique le plus grand nombre
possible d’œuvres littéraires.

Puis, c’est au tour d’un doctorant à la Carnegie Mellon University, John Mark
Ockerbloom, de créer en 1993, l’Online Books Page, pour répertorier les textes électroniques
anglophones du domaine public en accès libre sur le web.

                                                            
15
 Une courte histoire de l’ebook, Marie Lebert, Université de Toronto, 2009 

21 
 
Le projet français de bibliothèque numérique géré par la bibliothèque nationale de
France, dénommé Gallica, sera lancé en 1997, avec comme ligne éditoriale de devenir la
«bibliothèque virtuelle de l’honnête homme». Toutefois, c’est le lancement de Google livres
qui constituera le fait marquant. C’est en effet fin 2004 que Google a annoncé la création
d’une bibliothèque contenant un fonds numérisé de 15 millions de documents issus des
grandes bibliothèques américaines. L’objectif de la société de Mountain View était de créer
une base de données au sein de laquelle les internautes pourraient effectuer leurs recherches.
En 2005, Google mettra en ligne un outil permettant de procéder à des recherches directement
dans le contenu numérisé, baptisé alors Google Print, il deviendra par la suite Google Book
Search. L’annonce fin 2004 du lancement du projet ne fut pas sans soulever la critique. Ainsi,
Jean-Noël Jeanneney alors président de la Bibliothèque nationale de France, dénonça les
risques d’hégémonie de la culture américaine dans un livre désormais célèbre : «Quand
Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut» 16 .

Ce plaidoyer sera repris par le Président Jacques Chirac qui lança, avec cinq autres
chefs d’Etats, un appel aux institutions de l’Union Européenne pour la création d’une
bibliothèque numérique européenne, afin de rendre le patrimoine culturel et scientifique de
l’Europe accessible à tous. Europeana était née.

Ce bref panorama historique ne serait pas complet sans évoquer les encyclopédies.
C’est en 2001 que naîtra Wikipédia qui est sans doute l’une des causes de la quasi disparition
d’un pan entier du marché de l’édition, celui des encyclopédies. En outre, les universités
renforceront ce phénomène. Certaines d’entre elles archivent des cours gratuits en ligne,

                                                            
16
«Quand Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut», Jean‐Noël Jeanneney, Mille et une nuits, 2005

22 
 
comme par exemple le célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) 17 qui lança ce
programme en 2002 suivi en 2007 par l’Université de Boston.

Si les bibliothèques virtuelles ont marqué l’histoire de l’édition numérique, il en va de


même des librairies en ligne. Jeff Bezos, créera en juillet 1995, Amazon.com, ouverte 7j/7 et
24h/24 grâce à l’émergence du web

Quand au printemps 1994, le patron de la célèbre société de Seattle réalisa une étude
de marché, il hésitait alors entre les vêtements, les instruments de jardinage, les livres, les CD,
les vidéos, les logiciels et le matériel informatique. Voici pourquoi, Jeff Bezos choisit le
livre :

«J’ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaque produit.
Le premier critère a été la taille des marchés existants. J’ai vu que la vente de livres
représentait un marché mondial de 82 milliards de dollars US. Le deuxième critère a été la
question du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était le suivant :
puisque c’était le premier achat que les gens allaient faire en ligne, il fallait que la somme à
payer soit modique. Le troisième critère a été la variété dans le choix : il y avait trois millions
de titres pour les livres alors qu’il n’y avait que 300 000 titres pour les CD, par exemple.»

La Fnac, quant à elle, créera son site de ventes de produits culturels en 2000 et
atteindra la rentabilité cinq ans plus tard.

Paragraphe 4. Evolution du mode de lecture


L’écriture alphabétique a été conçue à l’origine en fonction de la parole, d’après
l’ordre linéaire de l’oralité. C’est cette même linéarité qui s’appliquait à la feuille de papyrus
et au volumen. Le mode de conception de ces supports contraignait le lecteur à lire de la
première à la dernière ligne, sans pouvoir consulter les passages susceptibles de l’intéresser.

C’est pourquoi le codex marque une rupture radicale. L’assemblement des feuilles
pliées et reliées, puis l’intégration de la foliotation et de l’indexation permettront au texte
d’échapper à la continuité et d’entrer ainsi dans l’ère de la tabularité. Le lecteur va aussi
devenir actif, il peut annoter et mettre des repères sur la page. L’historienne Colette Sirat
déclarera : « Il faudra vingt siècles pour que l’on se rende compte que l’importance
primordiale du codex pour notre civilisation a été de permettre la lecture sélective et non pas
continue, contribuant ainsi à l’élaboration de structures mentales où le texte est dissocié de la
parole et de son rythme.» La lecture sur internet relève de la même révolution en modifiant
les fonctions cognitives des internautes et plus particulièrement celles des digital natives.

                                                            
17
 MIT open courseware : http:/ocw.mit.edu/index.htm 

23 
 
Sous-section 2 - Les mutations de l’industrie du livre
Durant plusieurs siècles, un seul acteur assurait les fonctions de création, de
production et de diffusion. Puis les métiers vont s’individualiser, donnant peu à peu le pouvoir
à l’éditeur. Les maisons d’édition vont d’ailleurs entrer dans une phase de concentration dès le
début du XIXe siècle et s’internationaliser.

Paragraphe 1. Déplacement du centre du pouvoir


Les libraires, puis après eux, les éditeurs ont cherché à maîtriser la diffusion des
ouvrages et par la même à contrôler le prix. Il faudra attendre l’invention de l’imprimerie au
XVe siècle, et en particulier, l’introduction des presses en France en 1470 pour voir naître la
diffusion commerciale des ouvrages imprimés. Outre la vente de livres, l’activité des libraires
va s’étendre à l’élaboration des contrats avec l’auteur, l’impression, le façonnage et la reliure
des ouvrages.

Dans le courant du XIXe siècle, les métiers vont s’individualiser, l’éditeur devenant
une profession distincte de celle du libraire qui lui-même se désolidarisera de la profession
d’imprimeur. L’éditeur étant désormais chargé de fixer le prix, il devient l’acteur dominant de
la chaîne du livre.

Paragraphe 2. Industrialisation et concentration


Louis Hachette est désigné par Jean-Yves Mollier 18 comme le premier industriel du
livre. En effet, la loi Guizot qui prône l’instruction universelle, conduit cet éditeur à
concevoir des manuels scolaires destinés aux enfants des écoles élémentaires publiés à
plusieurs milliers d’exemplaires. Ainsi, avec l’Alphabet, premier livre de lecture vendu à un
million d’exemplaires à l’Etat, il n’est plus question d’artisanat, mais de processus industriel.
À compter de 1852, la société L. Hachette et Cie sera restructurée. Elle deviendra alors une
entreprise importante vendant des livres en France et à l’étranger, et employant de nombreux
collaborateurs. Ainsi d’autres sociétés suivront comme Flammarion, par exemple. Après la
seconde guerre mondiale, le mouvement reprendra pour s’accélérer dans les années 1950-
1960.

Une bataille se mènera ensuite pour la domination des groupes de communication. En


1979, CEP Communication (filiale d’Havas), spécialisée alors dans la presse scientifique et
technique, va se lancer dans la course à la concentration afin de détrôner Hachette. Après
l’acquisition de Nathan et de Larousse, il deviendra le deuxième groupe français, suivi de près
par les Presses de la Cité. Cependant en décembre 1980, Jean-Luc Lagardère rachète 41% des
                                                            
18
 Où va le livre, Dir. Jean‐yves Mollier, La Dispute, 2007 

24 
 
actions de la société Hachette. En riposte, Havas passera un accord de partenariat avec les
Presses de la cité devenant ainsi en 1988 le premier éditeur français.

CEP deviendra la société Havas Publications Edition, puis Vivendi Universal


Publishing. Cependant, c’est à l’automne 2002 que sonnera le glas de VUP, après la
déconfiture de Jean-Marie Messier, par la vente des maisons d’édition au plus offrant.
Hachette tentera de racheter la totalité de ces sociétés, mais le groupe sera arrêté par Bruxelles
qui ne l’autorisera à acquérir que 40% de VUP. Ce qui n’empêchera pas néanmoins Hachette,
par cette opération, à devenir le premier groupe français et le sixième mondial.

Ces phénomènes d’industrialisation et de concentration, auront un impact fort sur la


créativité. Ces groupes, mus par des objectifs de rentabilité financière 19 toujours croissants,
sont conduits à mener une politique éditoriale sans risque, laissant ainsi aux petites maisons
d’édition le soin d’innover. Ce phénomène explique aujourd’hui la réticence des éditeurs à
numériser leur catalogue et à se lancer dans le livre enrichi. N’étant pas assuré de la
rentabilité, ces groupes laissent la part belle à l’arrivée de pure players sur ce marché.

Section 2. L’organisation de la filière livre


Sous-section 1 - Vers une évolution de la chaîne de valeur
Paragraphe 1. La chaîne de valeur du livre papier
Depuis l’individualisation des métiers, la chaîne du livre traditionnel n’a guère été
modifiée. L’éditeur est au centre du dispositif, il en est le chef d’orchestre. Il assure la gestion
des auteurs et leur coaching, il donne les directives pour fabriquer le livre, il briefe le
diffuseur, suit la distribution et dresse le plan de promotion.

L’éditeur gère donc l’ensemble de la chaîne du livre, il en est le coordinateur. Avec


l’arrivée des nouveaux acteurs, la chaîne de valeur numérique, encore calquée sur la chaîne
papier, va sans doute s’en trouver modifiée, notamment par la pression de certains acteurs
traditionnels, mais aussi et surtout de nouveaux entrants.
                                                            
19
 L’édition sans éditeurs, André Schiffrin, éditions La Fabrique, mars 1999 

25 
 
Cette valeur est inégalement répartie. Ainsi la commercialisation est le poste le plus
important pour l’éditeur, car elle représente 55% du chiffre d’affaires. Il est donc stratégique
pour les maisons d’édition de maîtriser la diffusion et la distribution, car alors, ce n’est pas
seulement 21% du chiffre d’affaires qui leur revient, mais bien 41 %, en déduisant la part
revenant au libraire).

Pour un ouvrage revenant 10 euros TTC, en prenant en compte les coûts de promotion
(PLV, dépliants...) et la TVA, la vente du livre ne rapportera que 1,42 euros à l’éditeur s’il fait
appel à un diffuseur-distributeur extérieur, au lieu de 3,32 euros dans le cas contraire.

Exemple de répartition de la valeur

26 
 
Toutefois, à la question des motivations liées aux revenus, s’ajoute celle d’assurer la
promotion la plus efficace, ce qui conduit à internaliser les fonctions de diffusion au sein
même de l’activité. L’éditeur peut à la fois déterminer les librairies qui seront visitées et
maîtriser les leviers qui permettront de motiver les commerciaux afin d’assurer de meilleures
performances commerciales.

Paragraphe 2. La chaîne de valeur du livre numérique : clone du livre papier ?

La problématique est si stratégique que les gros éditeurs, bien que peu actifs du moins
au début pour numériser leur catalogue, se sont lancés en ordre dispersé dans la mise en place
de plates-formes de distribution de livres numériques. C’est ainsi que Numilog a été racheté
par Hachette, puis Eden Livres a été créé sous la forme d’un partenariat entre les éditions
Gallimard, Flammarion et la Martinière et enfin, Editis a lancé depuis peu « eplateforme »
(voir les acteurs du livre numérique). L’objectif clairement affiché par ces deux dernières
plates-formes est de protéger la chaîne traditionnelle et de ne pas court-circuiter le libraire. Il
ne s’agit bien entendu pas là d’une forme d’altruisme, mais du désir de préserver les
détaillants qui assurent encore plus de 75% du chiffre d’affaires de ces éditeurs.

Chaîne de valeur du livre numérique

27 
 
La répartition de la valeur du livre numérique n’est pas simple, car tout dépend du
mode de production : s’agit-il d’une numérisation à partir du livre ? du PDF ? ou le contenu
est-il nativement structuré ?

Le schéma de synthèse proposé par Le motif - Observatoire du livre numérique en Ile


de France-, bien que ne prenant pas en compte l’ensemble de ces paramètres, a le mérite de
présenter une répartition de la valeur pouvant donner un ordre d’idée aux éditeurs néophytes
dans ce domaine.

Répartition du prix de vente d’un livre numérique (HT)

Alors que les éditeurs peuvent sans peine évaluer les coûts de fabrication d’un livre
papier, il est aujourd’hui difficile de connaître les ordres de grandeur de production d’un
ouvrage numérique. On peut toutefois noter que la présence ou l’absence de DRM, n’est pas
anodine en termes de coûts, puisque cette technologie représente 3% du coût total.

Cette répartition varie en outre en fonction des acteurs intervenant dans la chaîne de
valeur :

28 
 
Les éditeurs tentent de maintenir la chaîne de valeur traditionnelle, parfois même en
dépit du bon sens.

Comparaison de la chaîne du livre papier et de la chaîne du livre numérique

 
Source DEPS : Ministère de la culture et de la communication 2010

29 
 
C’est ainsi que cette volonté a été réaffirmée dernièrement par le président du SNE,
déclarant ainsi que : « Face à des modèles d'intégration exclusifs développés par des grands
opérateurs technologiques, les auteurs et les éditeurs ont un intérêt partagé à faire respecter
la chaîne de valeurs communes au livre imprimé et au livre numérique. Dans la perspective
proche d'une coexistence de ces deux marchés, l'équilibre de notre secteur ne se conçoit sans
que la librairie y joue son rôle. 20 » Les autres acteurs ne seront peut-être pas de cet avis.

Toutefois, la chaîne de valeur peut ne plus être linéaire, puisque l’ensemble des acteurs
ont maintenant les moyens matériels d’entrer en contact avec les autres. Les lecteurs peuvent
désormais parler aux auteurs, ces derniers peuvent placer directement leurs livres sur des
plateformes de distribution, les éditeurs peuvent aussi vendre en direct via une boutique en
ligne. La chaîne de valeur traditionnelle plutôt que linéaire évolue vers un dispositif en réseau.

L’ensemble des acteurs intègre désormais un vaste maillage où tout devient possible.
Lorenzo Soccavo propose le schéma ci-dessous et parle d’une recomposition progressive de la
chaîne qui passera d’un modèle horizontal à une structure réticulaire dans les dix prochaines
années. En fait, tous les acteurs sont à même d’entrer en contact désormais avec tous les
autres maillons que ce soit les auteurs, les éditeurs, les edistributeurs ou les cyberlibraires.

 
Source « Prospective du livre et de l’édition », Lorenzo Soccavo, janvier 2009

Sous-section 2. Les acteurs

Les acteurs traditionnels de la chaîne du livre, et en particulier les éditeurs, considèrent


les nouveaux entrants comme une menace, agissant bien trop souvent de manière
protectionniste, tentant parfois de mettre en place des dispositifs leur assurant de conserver le
contrôle de l’ensemble du processus.

                                                            
20
 L’édition numérique accorde les mêmes droits d’auteur que le livre imprimé, Le Monde,  20 janvier 2011 

30 
 
Le site d’un éditeur pure player dont la société est en création propose un mapping des acteurs
numériques sur lequel il place l’ensemble des intervenants de la chaîne 21 .

Cartographie des acteurs du livre numérique

Extrait du blog de Romain Champourlier

Paragraphe 1. Les agents littéraires et les auteurs : alliés de la renégociation


des droits

L’agent littéraire est défini, dans l’étude commandée par le Motif 22 , comme
«l’interface entre auteurs et éditeurs, ou l’intermédiaire entre éditeurs pour la vente et

                                                            
21
 http://www.rchampourlier.com/ 
22
 L’agent littéraire en France, réalités et perspectives, Juliette Joste, Le Motif, Juin 2010 

31 
 
l’achat de droits de traduction ou la négociation des coéditions.» Il est rémunéré à la
commission 23 .

Cette activité est en France peu développée, tant et si bien, que l’Hexagone est raillé
comme étant le pays aux deux agents : Susanna Lea et François Samuelson. En fait, l’étude du
Motif recense une vingtaine d’agences et 200 à 300 auteurs représentés. Néanmoins, les
débats sur le livre numérique relancent l’intérêt pour cette profession, susceptible de jouer un
rôle primordial dans la défense des droits des auteurs. Ces derniers ne pouvant pas se tourner
vers l’éditeur, qui est à la fois juge et partie, il trouve un allié en la personne de l’agent mieux
armé pour défendre ses droits. Cette profession va sans doute considérablement croître dans
les prochaines années.

En revanche, la situation est inverse aux Etats-Unis, cette profession étant largement
représentée. D’ailleurs, alors que les ventes numériques croissent dans ce pays atteignant 8%
en valeur et 10 % en volume du marché global en 2010 24 , les agents tentent tout naturellement
de renégocier les droits, arguant de la réduction des coûts et donc de l’augmentation des
marges au profit de l’éditeur. Ces derniers ont souhaité fixer les droits d’auteur numériques à
hauteur de 25 %, restant sourds aux revendications. Cette attitude intransigeante est la cause
des évènements intervenus au cours de ces derniers mois.

Notons, tout d’abord, la décision des ayants-droit de William Styron qui ont refusé de
céder les droits numériques de l’œuvre du défunt à Random House (l’éditeur de la version
papier), au profit d’un pure player, Open Road Integrated Media, lequel proposait de verser 50
% de droits d’auteur.

De même, l’agent star, Andrew Wylie, gestionnaire d’un portefeuille prestigieux -


Philipp Roth, Salman Rushdie, Norman Mailer, Julian Barnes et bien d’autres - a tenté lui
aussi de renégocier les droits numériques, mais sans succès. L’homme baptisé le Chacal,
n’étant pas un enfant de cœur, a annoncé 25 en juillet dernier lors d’une conférence de presse
qu’il venait de créer sa maison d’édition numérique et de conclure un accord de distribution
exclusif avec Amazon, afin de mieux rémunérer les droits des auteurs qu’il représente. Le
patron de Random House a aussitôt riposté déclarant que toute négociation était suspendue
avec l’agence d’Andrew Wylie, celle-ci étant devenue de fait un concurrent. Les deux parties
avaient bien trop à perdre, ils conclurent donc fin août 2010 un accord, sans en dévoiler les
détails. Random House récupéra alors 13 des 20 titres exploités par l’agence 26 .

Ainsi, Antoine Gallimard se réjouissait-il à la foire de Franckfort, s’exclamant que


«L’affaire est réglée» en se félicitant qu’Andrew Wylie ait précisé que «le couplage des
droits papier et numérique allait de soi et relevait de l’éditeur. Il n’y a donc plus de

                                                            
23
 La commission varie de la façon suivante : 10 à 15 % sur les droits couverts par le contrat d’édition, 20% sur 
les adaptations audiovisuelles et 20 % sur les cessions de droits étrangers (Source Le Motif) 
24
 Association of American Publishers  
25
 Odyssey Editions, société d’édition numérique, créée par Andrew Wylie en juillet 2010 : 
http://www.odysseyeditions.com 
26
 Odyssey Editions a conservé l’exploitation de 7 titres d’auteurs n’ayant pas cédé leurs droits numériques. 

32 
 
malentendu.» Enfin, le monde de l’édition se sentait soulagé, parvenant de plus en plus
difficilement à répondre aux critiques liées à la rémunération des droits.

Néanmoins, l’accalmie fut de courte durée. Dans un article plein d’humour, cinq
auteurs écrivent en commun une «lettre ouverte d’un auteur à son éditeur» (Voir annexe 1).
De façon faussement naïve, ils s’étonnent que les droits ne sont pas répartis plus
équitablement, s’amusent de l’infidélité des héritiers de William Styron «indifférents aux liens
anciens», s’inquiètent de «certaines pratiques en amis», évoquent «l’hypothèse d’école» de
confier les droits numériques à un éditeur web, à un libraire virtuel ou à un fabricant de
tablettes. Les rédacteurs de l’article concluent de la manière suivante, faisant ainsi planer la
menace : «Car s’il n’y a peut-être pas d’auteur sans éditeur, il n’y a sûrement pas d’éditeur
sans auteur. Je sais ce que je sais ce que je te dois, cher ami, je souhaite être ton allié et aussi
que tu me considères comme tel. Alors, voici ma question : faut-il humilier un allié ?»

Il ne semble pourtant pas que cet avertissement, véritable menace d’éviction de


l’éditeur dans le processus de publication, ait été compris par la communauté des éditeurs,
ainsi Antoine Gallimard déclarait dans un article publié par le Monde : « Malgré le contexte
d'incertitude du marché et les investissements qu'ils font, les éditeurs proposent à leurs
auteurs des taux de rémunération au moins égaux à ceux du livre imprimé, en retenant de
plus en plus fréquemment le "haut de la fourchette" de ces taux et en l'asseyant sur le prix
public (et non sur leur chiffre d'affaires net). 27 »

Ces évènements montrent que les agents, et à travers eux les auteurs, souhaitent une
redistribution des profits et que, dans le cas contraire, ils se tourneront vers les acteurs de la
chaîne qui se montreront plus généreux. La question d’une renégociation des droits est donc
aujourd’hui un enjeu majeur pour les éditeurs.

À trop se replier sur le passé et les privilèges, certains finissent par en oublier les
perspectives d’avenir et omettre de bâtir pour demain.

Paragraphe 2. L’éditeur : un métier à réinventer

Le monde de l’édition s’inquiète de l’arrivée de nouveaux acteurs et se met en ordre de


marche pour préserver la chaîne traditionnelle du livre. Pourtant, il est temps de se lancer dans
la bataille, car les pure players réalisent des produits innovants qui, dans la durée, leur
permettront d’installer leur marque et de conserver un avantage concurrentiel. Les grandes
maisons d’édition auront sans doute les moyens de rattraper leur retard, ce sont les sociétés de
taille moyenne qui prennent le risque d’être évincées de la course de façon définitive. Il est à
noter que ce marché est dominé par un petit nombre, ainsi 50 éditeurs représentent 80 % du
chiffre d’affaires du secteur et sept maisons d’édition contrôlent 90 % du marché du livre,
c’est-à-dire les principaux maillons de la chaîne.

                                                            
27
 L’édition numérique accorde les mêmes droits d’auteur que l’édition imprimé, Le Monde, 20 janvier 2011 

33 
 
Classement des éditeurs

Source Livres hebdo

Quand on parle d’édition de livres, le grand public a tendance à penser que ce secteur
est resté totalement à l’écart de la révolution numérique et ne commence que depuis quelques
mois à se mettre en ordre de marche. Il s’agit là d’idées reçues pour deux raisons : d’une part,
il y a bien longtemps que ces changements ont eu lieu en amont et que le dispositif de
fabrication profite pleinement des avancées technologiques ; d’autre part, les produits
numériques constituent une grande part du chiffre d’affaire des éditeurs scientifiques et
juridiques.

Sous-paragraphe 1 – Les éditeurs et Google : une nécessaire alliance

La communauté des éditeurs est majoritairement hostile à Google, parfois sans bien
même comprendre l’origine du problème. Revenons donc, en 2004. Google propose alors aux
éditeurs et aux bibliothèques de numériser et de mettre en ligne leurs contenus. C’est ainsi
que la firme de Mountain View a entrepris de scanner les livres des bibliothèques. Ces
ouvrages sont présentés sous deux formes : les livres du premier groupe figurent en texte
intégral s’ils sont entrés dans le domaine public ; en revanche, ils apparaissent sous forme
d’extraits s’ils sont encore protégés par le droit d’auteur, sauf refus explicite des titulaires des
droits. Le groupe La Martinière considérant qu’il s’agissait là d’une violation de la législation
a intenté une action en 2006 devant le tribunal de grande instance de Paris, soutenue par le
SNE. Google a alors été condamné en 2009 en première instance pour contrefaçon. Le

34 
 
jugement lui interdit de poursuivre la numérisation d’ouvrages sans autorisation des éditeurs
(pour mieux comprendre ce contentieux, voir Annexe 3). La société américaine a fait appel de
ce jugement. Albin Michel, Flammarion, Eyrolles et Gallimard ont eux aussi poursuivi
Google.

Les représentants des éditeurs et des auteurs américains ont porté également l’affaire
devant les tribunaux. Un accord transactionnel, baptisé l’ASA 28 , a été conclu entre Google et
les ayants droits dont les règles s’appliquaient aux Etats-Unis mais visaient aussi les œuvres
étrangères. Après protestation du SNE notamment, un règlement du différend est intervenu en
2009 pour réduire le champ d’application du texte et exclure les livres français, à l’exception
de ceux enregistrés au Copyright Office (environ 200 000 titres). Le 22 mars 2011, Google a
essuyé un nouveau revers. Le juge Chin a estimé l’accord « ni juste, ni suffisant, ni
raisonnable ». Il demande aux parties de réviser leur copie et d’abandonner l’ « opt out » 29
au profit de l’ « opt in ». Ainsi, ce qui serait pour lui acceptable, c’est qu’auteurs et éditeurs
puissent accepter a priori la numérisation des œuvres orphelines, le silence des parties ne
devant pas être considéré comme un accord implicite. Amazon et Apple se sont réjouis de
cette décision judiciaire, considérant que la pratique de numérisation des œuvres orphelines
constituait une concurrence déloyale.

Alors que le dossier est toujours en cours auprès des juridictions françaises et que le
contentieux n’a pas pris fin entre Google et la communauté des éditeurs , Arnaud Nourry,
Président d’Hachette Livre a, dans la consternation la plus totale, annoncé le 17 novembre
2010, que son groupe avait conclu un accord avec le géant américain se désolidarisant ainsi
du reste de la profession. Ce contrat concerne 40 000 à 50 000 livres anciens dans les secteurs
de la littérature générale (Grasset, Fayard, Calmann Lévy), des ouvrages universitaires
(Armand Colin, Dunod) et des ouvrages documentaires (Larousse). Cet accord signé pour
cinq ans, prévoit une autorisation préalable pour la numérisation des livres et pour la diffusion
commerciale des fichiers sous forme d’ebooks. Ce protocle ne comprend pas les questions de
rémunération des ayants droits, ainsi que la répartition des revenus entre Google et Hachette,
points qui donneront lieu à un autre accord. De même, un deuxième contrat a été signé avec
les filiales américaines d’Hachette afin de permettre la mise en vente, sur la plate-forme de
vente de livres numériques Google Editions, des nouveautés. Il s’agit notamment de la
commercialisation des titres de Stephanie Meyer, John Connoly ou James Patterson, par
exemple.

Le premier coup de colère passé, Antoine Gallimard tenta de faire bonne figure en se
félicitant officiellement du recul du géant américain à travers cet accord. Le ministre de la
culture, Frédéric Miterrand, a souhaité cependant rappeler que «les questions de numérisation
et des droits des œuvres indisponibles font l’objet d’un travail commun» entre les acteurs de la
chaîne du livre, critiquant le manque de concertation et exprimant ainsi sa crainte que
l’initiative d’Hachette, premier acteur en France, brise la solidarité entre les éditeurs français
contre l’hégémonisme de Google.
                                                            
28
 Amended Settle Agreement 
29
 Opt out : acceptation tacite des propriétaires des droits ; Opt in : acceptation préalable des propriétaires des 
droits 

35 
 
Néanmoins, en dépit de la démarche individualiste du groupe Hachette, cet accord
aidera peut-être les maisons d’édition à négocier un cadre légal qui protégera au mieux les
droits de chacune des parties.

Sous-paragraphe 2 : Les pures players de l’édition

Les éditeurs traditionnels sont frileux. Certes, il n’est pas si simple de proposer des
livres numérisés, tant le droit français est strict. À l’exception des livres récents, pour lesquels
les éditeurs font signer des contrats autorisant la cession de droits numériques, pour le reste la
mise à disposition d’un fichier numérique peut relever du parcours du combattant. Pour les
sociétés ayant un fonds relativement modeste, la numérisation est assez simple ; tandis que
pour les autres, il s’agit d’une entreprise de longue haleine. Non seulement, il faut parfois
partir à la recherche des héritiers, mais en plus lorsque l’ouvrage fait intervenir plusieurs
acteurs (auteur, illustrateur, photographe, par exemple), l’éditeur est contraint d’adresser un
avenant à chaque intervenant.

En outre, les maisons d’édition traditionnelles n’osent pas se lancer dans l’aventure du
livre enrichi. S’il est facile d’établir un compte d’exploitation pour un livre papier
traditionnel, l’entreprise est compliquée pour les nouveaux contenus. Difficile quand il faut
rendre compte à des actionnaires, d’engager des coûts sans connaître le retour sur
investissement.

Les pures players en revanche n’ont rien à perdre. Ainsi, nombre de sociétés
intervenant dans le domaine de l’édition numérique se multiplient depuis quelques mois. Il
peut s’agir d’acteurs ne faisant que de l’édition. C’est le cas par exemple de Smartnovel, jeune
maison lancée lors du salon du livre en 2009 qui reprend un genre ancien celui du feuilleton,
en lançant une collection de romans baptisée, Episod, à lire sur Smartphone. Les lecteurs
reçoivent chaque jour sur leur mobile un épisode (4000 signes au maximum). Les textes
émanent d’auteurs aussi prestigieux que Didier Van Cauwelaert ou Marie Desplechin.

Smartnovel n’est toutefois pas le premier à avoir tenté cette aventure. Il a été précédé
par Ave Comics et son application MyComics en 2008, une solution pour lire et conserver des
bandes dessinées digitales sur téléphones mobiles. Citons aussi Publie.net, coopérative
d’auteurs pour la littérature numérique, qui édite des livres nativement numériques et qui, tout
dernièrement, a lancé une revue littéraire multimédia baptisée D’ici là.

Il peut s’agir d’éditeurs-libraires aussi. Tel est le cas de Leezam qui diffuse son propre
catalogue, mais aussi celui de maisons d’édition françaises et québécoises. Il s’agit cependant
d’expérimentations dont l’issue est incertaine, puisque pour Leezam, l’aventure semble avoir
pris fin en ce début d’année 30 .

                                                            
30
 http://www.ebouquin.fr/2011/02/24/leezam‐la‐faillite‐dun‐pionnier‐francais‐de‐ledition‐numerique/ 

36 
 
Sous-paragraphe 3. Les ventes d’ebooks

Les acteurs du livres numériques parlent souvent d’ebooks en regroupant des réalités
différentes : livres enrichis, livres homothétiques, Cdroms, livres audio… Les comparaisons
sont donc souvent difficiles à effectuer.

Toutefois, si l’on en croit le syndicat de référence aux Etats-Unis - l’Association of


American publishers (AAP)- le chiffre d’affaires des ventes d’ebooks était de 313 millions de
dollars en 2009, ce qui correspond à une progression de plus de 1%. Les chiffres présentés ci-
dessous sont faibles car ils n’incluent pas l’ensemble de l’activité numérique, et en
particulier, le marché juteux des bases de données disponibles par abonnement pour les
marchés professionnels.

Part du livre numérique dans le chiffre d’affaires des éditeurs américains

L’International Digital Publishing Forum (IDPF) indiquait quant à lui presque le triple
des ventes entre le début 2009 et la mi 2010.

Croissance confirmée par le patron d’Hachette, Arnaud Nourry, qui déclarait 31 , en juin
dernier, avoir réalisé 8% de son chiffre d’affaires aux états-unis avec des ebooks,
essentiellement en littérature générale.

                                                            
31
 http://www.challenges.fr/magazine/strategie/0215.031025/?xtmc=toutes_nos_vidA_os&xtcr=9 

37 
 
En France, le SNE 32 estime que le livre numérique représente 1,7 % de l’activité
éditoriale, ce chiffre est porté à 2,7 % en y ajoutant les ventes d’abonnement et d’applications.
Selon l’enquête annuelle menée par ce syndicat, le chiffre d’affaires numérique serait
constitué à 53 % des ventes sur support physique, 28 % de la diffusion numérique
(abonnement à des services en ligne) et pour 19 % des ventes d’ouvrages en téléchargement
(livres audio et ebooks).

Répartition des ventes de produits numériques

Paragraphe 3 : Diffusion et distribution : un enjeu majeur

Seuls les éditeurs les plus importants se sont organisés pour être autonomes dans la
mise à disposition des contenus et l’organisation des circuits de distribution traditionnels.
Dans le domaine du numérique, les processus de diffusion et de distribution ne sont pas
encore figés. Ils évolueront beaucoup au cours de ces prochaines années. Outre les nouvelles
plateformes, les éditeurs doivent faire face à l’arrivée de nouveaux entrants : Amazon et
Google, prêts à briser ce qui constituait les codes d’hier, avec pour enjeu le contrôle de la
chaîne du livre.

                                                            
32
 http://www.sne.fr/dossiers‐et‐enjeux/economie.html 

38 
 
Sous-paragraphe 1 : La concentration du marché

La diffusion et de distribution comportant des coûts importants, seuls les éditeurs


ayant atteint une taille critique peuvent intégrer cette activité. Les autres doivent alors faire
confiance et sous-traiter. Cinq gros diffuseurs captent 80% du marché :

- Hachette, par l’intermédiaire de sa filiale Hachette Diffusion Services (HD), est à la tête du
plus grand réseau de diffusion ;

- Editis et Gallimard ont conclu un accord de partenariat pour la diffusion et la distribution


dans les supermarchés au travers d’Interforum ;

- Le Seuil et la Martinière gèrent Volumen ;

- Flammarion possède Union Distribution ;

- Gallimard est à la tête de la Sodis.

Ce phénomène de concentration touche aussi la libraire avec une double tendance :

- Concentration de l’achat : la vente de livres se réalise principalement au sein des grandes


chaînes ;

- Concentration du capital : une librairie sur deux figurant dans le top 50 du classement livres
hebdo appartient à un groupe.

Sous-paragraphe 2 : La multiplication des plateformes

Ces plates-formes sont essentielles, car elles assurent le stockage des données et leur
référencement. On peut les diviser en deux catégories : celles qui mettent les livres
numériques à disposition des seuls libraires revendeurs d’ebooks et celles qui autorisent la
vente au consommateur final. Le choix est certes stratégique, puisque dans le premier cas,
l’objectif est de préserver la chaîne du livre et en particulier les libraires; dans le second, le
but est d’accroître les chances de rencontrer son public en étant présent sur tous les canaux.

Parmi les trois principales plates-formes, seule Numilog, propriété d’Hachette,


propose un accès direct aux lecteurs. Eden Livres (partenariat Flammarion, Gallimard et La
Martinière) et eplateforme (Editis) ne sont accessibles qu’aux revendeurs.

Numilog joue pleinement son rôle de diffuseur en proposant une réelle prestation
commerciale aux éditeurs adhérents. Ainsi, il propose tout un éventail d’offres commerciales :
achat du livre à l’unité, vente par chapitre (Pick and mix), location du fichier numérique à
l’heure ou à la journée, le teasing (un chapitre offert), l’achat de bouquet de titres,
l’abonnement aux bibliothèques avec un accès illimité à une collection de titres.

La multiplication du nombre de plates-formes rend coûteux l’accès aux catalogues des


éditeurs et privilégie de ce fait les gros revendeurs (ex : Fnac). En effet, si ces plates-formes

39 
 
ne sont pas interopérables, le libraire qui veut accéder à l’ensemble d’entre elles doit procéder
à autant de développements informatiques, ce qui s’avère si coûteux que l’entreprise s’avère
peu rentable. Pour éviter les distorsions de concurrence, il est indispensable que les éditeurs
parviennent à s’entendre, afin de rendre les plates-formes interopérables, Un accord aurait été
signé en mai 2010 entre Eden livres, Eplateforme, Epagine et Numilog afin de mettre à
disposition des libraires un catalogue commun. Il ne semble pas pour le moment que ce
déploiement soit opérationnel. Les revendeurs sont donc toujours en attente d’un hub
professionnel, indispensable pour rendre l’offre plus lisible et offrir aux lecteurs un catalogue
riche qui les incitera à lire des livres numériques.

Cependant, une étape importante a été franchie. Dilicom, société en charge des
catalogues informatisés qu’elle met à la disposition des distributeurs et des libraires, est
actuellement en cours de réalisation d’un hub entre Eden Livres, eplateforme, Immatériel et la
librairie Dialogue. Distributeurs et détaillants pourront donc se brancher à ce point de
connexion unique. Toutefois, le catalogue le plus important, celui d’Hachette, ne fait pas
partie de l’accord, ce qui limite la portée de ce point de connexion qui a pour ambition de
devenir unique.

Plates-formes de livres numériques

Site Modèle Type Nombre de Positionnement


d’opérateur références de l’offre

Numilog Essentiellement Plate-forme 61 000 Tous genres


miroir (Hachette)

I-Kiosque Gratuité et Librairie en 2 400 Tous genres


miroir ligne

E-Pagine Miroir E-distributeur 2 650 Tous genres

E-Plateforme Miroir Plate-forme


(Editis)

Fnac Miroir Libraire en


ligne

Cyberlibris Service Bibliothèque et 1 200 pour Plusieurs


librairie en l’offre grand catalogues :
ligne public grand public
(livres
pratiques
surtout) et
universitaire

Ave-comics Gratuité et Bibliothèque en Plusieurs BD


service ligne centaines

40 
 
Site Modèle Type Nombre de Positionnement
d’opérateur références de l’offre

Relay.com Miroir Librairie en 2 000 Essentiellement


ligne best-sellers et
guides

Publie.net Miroir et Editeur 250 Littérature


service numérique contemporaine

Smartnovel Service Editeur 19 Romans en


numérique feuilletons
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la Communication, 2010

Après l’interopérabilité, un autre point est important, est celui de permettre au libraire
de disposer du fichier. En effet, lors d’une table ronde organisée par Le Motif – Observatoire
du livre numérique en Ile de France- le 7 février 2011 sur le thème « Se lancer dans l’édition
numérique », Stéphane Michalon, directeur général d’epagine, spécifiait que l’on peut
distinguer deux catégories d’éditeurs : ceux qui disposent d’une copie du fichier et ceux qui
n’en disposent pas. Pour lui, il faut rapprocher rapidement le fichier du lecteur, c’est à la fois
un problème d’intermédiation et aussi de services. Le libraire qui dispose du fichier pourra
créer de nouveaux services : proposer un extrait des contenus ou permettre de procéder à une
recherche plein texte, par exemple. Le schéma ci-dessous illustrant le circuit du fichier dans
les deux hypothèses exposées précédemment, démontre que le modèle qui a le plus d’avenir
est celui où le libraire dispose d’une copie du fichier. En effet, il comporte le double avantage
de l’accès plus rapide aux données et de réduire les coûts d’intermédiation.

Circuit de commande d’achat du livre numérique

Cas 1 : le libraire ne dispose pas du fichier

41 
 
Cas 2 : Le libraire dispose du fichier

Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente en ligne

Le paysage de la vente de livres en France par des détaillants a été considérablement


modifié. Par le poids des grandes surfaces (grandes surfaces spécialisées et non spécialisées)
d’abord, lesquelles comptabilisent plus de 40 % de parts de marché. Par la montée en
puissance d’internet ensuite qui enregistre près de 10 % de parts de marché. La librairie ne
représentant que 17,4 % en valeur.

Les lieux d’achat du livre

Source DEPS
42 
 
Sur un marché du livre de 4,2 milliards d’euros en 2010, selon l’institut GfK, la vente
en ligne représente 9 % des ventes totales en valeur et 8 % en volume (le SNE estime quant à
lui qu’il frôle les 10 %), soit 320 millions d’euros. La progression est de 0,1 % en valeur et de
0,2 en volume par rapport à 2009. Cette croissance peut paraître faible, mais contrairement
aux autres secteurs culturels, c’est un marché qui se maintient.

Il est à noter que le poids de la vente sur internet évolue en fonction des marchés. Il est
en effet largement prédominant dans le domaine des sciences humaines, et en particulier le
développement personnel qui est bien représenté.

Source GfK

De même, le poids du fonds ancien est prédominant sur internet (43 % pour la vente
en ligne, contre 27 % pour l’ensemble des circuits), constatation allant dans le sens d’un effet
longue traîne pourtant contesté par certains.

43 
 
Source GfK

De même, on peut noter une saisonnalité spécifique d’internet par rapport aux autres
circuits de distribution. Quelques points importants sont à noter à ce sujet :

- Internet décroche en période de vacances ou de longs week-ends ;

- Les achats en ligne se font aussi à la rentrée scolaire, ce qui n’était pas le cas auparavant ;

- Les ventes de livres en ligne sont plus importantes sur internet par rapport aux autres circuits
de distribution au moment de la fin de l’année. Toutefois les achats de dernière minute ne
profitent qu’aux circuits traditionnels.

44 
 
Source Gfk

Si la part de marché d’internet a presque doublé en 4 ans, celle des libraires s’érodent
lentement mais de manière constante au fil des années.

Source GfK

45 
 
Plus de la moitié du chiffre d’affaires généré par la vente en ligne revient à Amazon,
suivi par la FNAC dont la vente en ligne représentait, à la fin 2010, 15 % du chiffre d’affaires
livre de l’enseigne. La librairie Decitre vient en 3e position avec 1,5 millions de visiteurs par
mois, puis dans l’ordre : Chapitre, Leclerc, Virgin, ainsi que les sites des grandes librairies
indépendantes (Mollat, Dialogues, Ombres blanches, Sauramps) 33 .

Comment expliquer la diminution des parts de marché de la librairie traditionnelle au


profit d’internet ? De prime abord, on pourrait affirmer que le circuit classique bénéficie
d’atouts indéniables, au moins au nombre de trois :

- le conseil,

- la capacité d’entretenir un fonds maîtrisé,

- la souplesse de fonctionnement.

Ces points forts ne doivent néanmoins pas dissimuler les faiblesses. Aujourd’hui, les
libraires ont tendance à privilégier les ouvrages à forte rotation (les best-sellers) au détriment
du fonds éditorial. Ensuite, en raison du phénomène de surproduction, ils sont contraints de
faire le tri, leur surface de vente n’étant pas extensible, les livres sont donc retournés plus
rapidement. Il n’est donc pas étonnant, en raison de cette difficulté à maintenir le fonds
éditorial, de constater que les ouvrages de la longue traîne profitent principalement à la vente
en ligne.

De même, le succès d’internet s’explique également par la perception erronée des


français qui, pour 45 %, pensent que le livre est moins cher sur ce circuit. Ainsi, il y a là un
levier pour les syndicats de libraires qui devraient communiquer plus largement sur la loi
relative au prix unique du livre 34 .

                                                            
33
 « 1001 libraires se mobilisent contre Amazon », Le monde des livres, 28 octobre 2010 
34
 Loi n° 81‐766 du 10 août 1981 relative au prix du livre 

46 
 
Source GfK

Face à ces tendances, plusieurs mesures pourraient être mises en place pour soutenir la
librairie :

1° Comme mentionné plus haut, les syndicats de librairie devraient communiquer auprès du
public sur la loi Lang afin de faire savoir qu’un livre acheté sur internet ne revient pas moins
cher.

2° Il conviendrait d’informer qu’un livre non disponible chez un libraire peut-être commandé
et obtenu en deux jours, délai aussi rapide, voire plus, que celui garanti par un cyberlibraire.

3° Rendre la librairie indépendante plus attractive et la rapprocher de ses clients, en


s’interrogeant sur ce qu’un magasin peut offrir de plus. Contrairement à ce que dit Philippe
Lane 35 : «Triste constat : les libraires seraient de plus en plus amenés à remplir ce rôle de
divertissement (notamment la restauration dans les magasins eux-mêmes.», les libraires
devraient s’attacher à rendre le lieu de vente accueillant et en faire un vecteur de lien social.
Force est de constater que les libraires qui l’ont compris parviennent à générer du profit en
organisant, par exemple, des ateliers adaptés à la cible de leurs clients (par exemple, les
librairies du secteur jeunesse organisent bien souvent des activités pour les enfants le mercredi
ou les librairies spirituelles, des conférences dispensées par des maîtres), devenant parfois
aussi des concepts stores où il est possible de lire, de se restaurer, de participer à des lectures
publiques, de se rencontrer et d’échanger. Le profil du libraire est donc conduit à évoluer en

                                                            
35
 Où va le livre, direction Jean‐Yves Mollier, édition La Dispute, 2007 

47 
 
un communiquant désireux de transmettre son amour du livre et réunir autour de lui des gens
désireux de tisser des liens et de débattre autour de sujets réunissant des communautés de
lecteurs.

4° La librairie traditionnelle devrait tenter de dépasser ses craintes vis-à-vis du livre


numérique. En effet, un ebook, en dépit de tous les débats, reste un livre. Les conseils restent
indispensables. Les libraires, en association avec les éditeurs, devraient proposer des bornes
sur lesquelles, il serait possible de consulter le livre et le télécharger, par exemple. La société
epagine a lancé une initiative dans ce sens 36 .

Des initiatives intéressantes sont toutefois menées par certains. Ainsi, l’exemple de
1001libraires.com 37 mérite d’être cité. Il s’agit d’un portail qui propose l’accès à la totalité de
l’offre de livres, la livraison du livre à distance, mais aussi le retrait du livre dans un délai de
2h. Le libraire dispose en outre d’une plateforme qui lui permet de créer son site internet.
L’ambition du projet est de ramener les lecteurs dans la relation avec les libraires grâce au
dispositif de géolocalisation et à la possibilité d’acheter en ligne chez son libraire adhérent.

Visuel 1001 libraires.com

Le libraire, quoiqu’il en soit, aurait intérêt à prendre la parole sur le net, excellent
médium pour informer, conseiller et orienter. De même, il s’agit d’un excellent canal de vente
pour les libraires indépendants. La librairie Mollat l’a bien compris. Son dirigeant déclarait,
au journal Le Monde le 28 octobre 2010, avoir réalisé 7% de son chiffre d’affaires grâce au
Net.
                                                            
36
 http://blog.epagine.fr/index.php/2010/10/les‐bornes‐numeriques‐debarquent‐dans‐six‐librairies‐
parisiennes/ 
37
Le site dont la sortie était prévue initialement en décembre n’est pas encore disponible au moment
de la rédaction de ce document. Il devrait être mis en ligne avril 2011.
Ce site souffre toutefois d’un double handicap : la remise de 5 % ne sera pas appliquée et la livraison
sera facturée 2,95 € si le panier est inférieur à 25 €, gratuite au delà.

48 
 
Il convient également de noter des initiatives locales, comme par exemple Libr’Est,
réseau de librairies du Nord-Est parisien 38 qui dispose d’ un fonds de 800 000 références et
donne au lecteur la possibilité de retirer le livre dans une des 9 librairies du réseau. Ce dernier
peut aussi choisir la livraison à domicile qui est faite sous 3 heures à Paris et Vincennes.

Sous-paragraphe 4 : Google et les bibliothèques numériques

Google l’inclassable : ni libraire en ligne, ni bibliothèque, ni agence publicitaire, mais


tout cela à la fois, et bien plus encore. Le souhait de départ était de proposer une bibliothèque
numérique planétaire. Non par altruisme, mais parce que des données correctement indexées
alliées à des résultats pertinents attirent un nombre croissant d’internautes et par conséquent
de revenus. Google n’avait-il pas affirmé qu’il ne vendrait pas de livres ? Pourtant, c’est ce
qu’il s’attache à faire aujourd’hui, avec le programme Google Edition, plateforme de
téléchargement de livres numériques, déployé aux Etats-Unis. Après avoir été repoussé
plusieurs fois, ce service serait accessible dans le courant de l’année 2011 .

Les éditeurs doivent-ils avoir peur de ce nouvel acteur qui cumule les casquettes ? La
vigilance doit être certes de mise, toutefois, elle ne doit pas se transformer en dogmatisme.
L’arrivée d’un troisième acteur sur la place, ne peut être que positive. Une concurrence est
nécessaire pour rompre la position dominante du duopole Amazon et Apple sur le marché du
numérique. Google l’a bien compris. C’est cette position de leader qui permet à Apple
d’abuser de son quasi-monopole sur le marché des tablettes, en imposant aux éditeurs de
presse de proposer leurs titres en passant par l’application d’achat in-app 39 . Cette décision
ayant pour conséquence le versement à Apple de 30% du chiffre d’affaires généré par les
abonnements.

De même, la diffusion des applications est soumise à l’approbation préalable d’Apple,


ce qui peut mettre en danger le projet et créer un risque financier non négligeable, si
l’application n’est pas retenue. En outre, les formats propriétaires imposés par Amazon et
Apple, accroissent les coûts de développement et par conséquent les coûts de revient du livre.

Françoise Benhamou 40 soulignait que : «Bien que cette stratégie conforte la position
dominante de Google sur le marché de l’accès aux contenus numériques, elle paraît plus
ouverte que celle d’Amazon : elle ne crée ni verrouillage, ni pression sur les prix et, comme le
souligne la firme elle-même, sa situation de quasi-monopole pourrait rendre plus de services
au consommateur que la fragmentation de l’offre constatée aujourd’hui.»

Google ne vend pas seulement du livre numérique, cette société est surtout connue
comme étant devenue la plus grosse bibliothèque en termes de références, suivie par
Europeana.
                                                            
38
 Le réseau regroupe les librairies : Le comptoir des mots, l’Atelier, Atout Livre, La Manœuvre, Le Genre urbain, 
Millepages, Millepages BD et jeunesse, La librairie du 104, Le Merle moqueur. 
39
 http://www.macgeneration.com/unes/voir/129102/apple‐et‐la‐presse‐de‐l‐eau‐dans‐le‐gaz 
40
 Modèles économiques d’un marché naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou et Olivia Guillon, 
Département des études, de la prospective et des statitstiques, Ministère de la culture, juin 2010 

49 
 
Les grandes bibliothèques numériques

Affiliation Date de Nombre de Interface


lancement références avec ventes
éditeurs
Gallica BNF 1997 puis 112 500 livres Oui
2007 pour en mode texte
Gallica 2
Projet Organisation à 1971 30 000 Non
Gutenberg but non (ebooks
lucratif gratuits)
Google livres Google 2005 pour 12 millions Non
Google Print

Google Google 1er semestre Oui


Edition 2011

Open content Yahoo et 2005 1,2 millions Non


Alliance Internet de livres plein
Archive texte

American Bibliothèque 1994 Non


Memory du Congrès,
Etats-Unis
Europeana Commission 2007 6 millions de Non
européenne documents
tous types
confondus

Source : DEPS, ministère de la Culture et de la Communication, 2010

A ce stade, il convient de s’interroger sur la place des bibliothèques traditionnelles.


Internet ne devrait pas changer fondamentalement la donne, les bibliothèques devraient
conserver leur rôle de médiateur et de conseils. Celui-ci pourrait être renforcé par l’aide au
public à la recherche d’informations sur la toile et à la mise en place d’outils permettant
d’organiser les données (utilisation des moteurs de recherche, stockage des données, outils
pour créer sa propre bibliothèque virtuelle...).

Sous-paragraphe 5 : Fabricants de readers contre tablettes

Amazon et Apple ont été conduits à développer leur matériel de lecture numérique
pour des raisons différentes. Le premier pour vendre des livres, ce qui est son cœur de métier,
et le second pour vendre des matériels. C’est d’ailleurs l’arrivée sur le marché de l’iPad qui a
encouragé Amazon à modifier son modèle. Ainsi, le libraire en ligne a d’une part abandonné

50 
 
la politique du prix plafonné, alors fixé à 9,99 € pour les nouveautés et a adopté le modèle
d’agence 41 et d’autre part, a modifié la répartition des revenus. Ainsi, cette société est passée
d’un modèle de partage du chiffre d’affaires 50/50 à une répartition 70/30, à l’instar d’Apple.
Il est à noter que l’ Agency model américain permet à l’éditeur de conserver la maîtrise du
prix qui sera pratiqué par le détaillant.

Amazon reste sans conteste le leader en nombre de supports numériques vendus. Le


rapport Cowen and Co estime les ventes de la firme de Seattle à plus de 5 millions d’unités,
Bloomberg l’estimerait à un peu moins de 8 millions d’unités. Toutefois, si l’on en croit le
tableau ci-dessous, la part de marché de l’iPad ne sera que de 16 % en 2015. Or, le succès de
ce support, 7,33 millions d’exemplaires vendus du 25 septembre au 25 décembre 2010- ce qui
porte le parc à 14,79 millions d’appareils dans le monde 42 - risque de démentir ces chiffres.

Le tableau ci-dessous compare les parts de marché du Kindle et de l’iPad. Toutefois, il


convient de noter à ce stade que les deux produits n’ont pas les mêmes fonctionnalités, l’un
n’est consacré qu’à la lecture, il s’agit du Kindle ; tandis que l’autre est un appareil destiné
aux loisirs (lecture, musique, vidéo, jeux).

Parts de marché du Kindle et de l’iPad

Kindle iPad

Part de marché 76 % 5%

Projection 2015 51 % 16 %

Part reversée 70 % éditeur 70 % éditeur

Rapport Cowen and Co, 2010

Sur le marché des readers, Amazon est le leader incontestable, suivi très loin derrière
par le Pandigital Novel et le Nook de Barnes and Noble.

Parts de marché des vendeurs de readers au troisième trimester 2010


Rank Vendor 3Q10 Shipments (M) Market Share (%)
1 Amazon 1.14 41.5%
2 Pandigital 0.44 16.1%
3 Barnes and Noble 0.42 15.4%
4 Sony 0.23 8.4%
4 Hanvon 0.23 8.2%
6 Others 0.29 10.4%

Source: IDC Worldwide Quarterly Media Tablet and eReader Tracker, January 18, 2011.

                                                            
41
L’éditeur mandate la plate-forme pour vendre le livre et fixe le prix.
42
 http://www.apple.com/pr/library/2011/01/18results.html 

51 
 
La répartition est moins équitable sur le marché des tablettes. Ainsi, l’iPad
enregistrerait 87,4 % de parts de marché. Toutefois, il convient de noter que le marché n’est
pas encore stabilisé et risque de basculer en raison de l’avalanche de tablettes annoncées
chaque jour, (Galaxy Tab de Samsung, le Xoom de Motorola et le Playbook de Blackberry).
Un basculement du marché est possible. En effet, de nombreux produits équipés d’Androïd,
système d’exploitation open source, seront lancés sur le marché. En revanche, l’iPad qui
repose sur un dispositif propriétaire, et qui par conséquent entraîne un verrouillage de
l’utilisation, risque de perdre à terme son avance sur le marché. Les clients pourraient se
laisser séduire par des produits offrant plus de liberté.

15 millions d’iPad vendus rendent désormais le potentiel du marché attractif pour les
éditeurs désireux de publier des livres en anglais ou en plusieurs langues. En outre, selon
l’Institut GfK 43 , 435 000 tablettes seraient en circulation en France dont 350 000 iPad. Cet
équipement commence à être suffisamment significatif pour commencer à développer des
produits adaptés à ces supports.

Sous-paragraphe 6 : Les opérateurs de téléphonie mobile

Les opérateurs tentent de se lancer dans la course en subventionnant les appareils pour
recruter de nouveaux clients. Certains ont négocié avec Apple et Samsung des accords de
distribution.

En outre des éditeurs ont passé des accords avec les opérateurs téléphoniques, en
particulier sur les créneaux du guide de voyage, du feuilleton ou des bandes dessinées, par
exemple. On peut ainsi citer Mobilire, les guides de voyage Gallimard (Smartcity) et
Michelin, ou encore Smartnovel.

CHAPITRE II : VERS L’EVOLUTION DU MODELE


ECONOMIQUE

Section 1. Les freins à lever pour l’émergence d’une


économie numérique
Ils sont de plusieurs ordres : juridiques, techniques et économiques

Sous-section 1. Les enjeux juridiques

                                                            
43
 « Les tablettes ont trouvé un public en 2010, selon GfK », 01.net, 27 janvier 2011 

52 
 
Si le droit de la propriété intellectuelle est relativement bien adapté à l’économie du
livre papier, il l’est beaucoup moins à celui du livre numérique. Nous ne soulignerons pas ici
les incongruités qui imposent de citer dans les contrats d’édition des dispositions qui ne
peuvent s’appliquer aux contenus numériques, comme le tirage par exemple.

Il s’agit d’abord des difficultés soulevées lors de la conversion de la majeure partie


des livres, c’est-à-dire globalement à compter de 1995, voire des années 2000 pour les moins
prévoyants. En effet, les contrats antérieurs ne prévoyaient pas la cession des droits
numériques. Pour pouvoir diffuser des contenus sous la forme digitale, les éditeurs doivent
donc régulariser les contrats en établissant un avenant avec chacune des personnes
intervenues dans le livre : écrivain, illustrateur, photographes. Cela fait du monde donc et
c’est une entreprise titanesque pour les sociétés d’édition disposant d’un fonds important.

Autre problème, celui des œuvres orphelines, c’est-à-dire les livres dont on ne parvient
pas à retrouver les ayants-droits et qui ne sont pas encore entrés dans le domaine public. Dans
ce cas, l’éditeur doit-il renoncer à publier sur support numérique ? Le pragmatisme justifierait
d’éditer et de consigner la part des droits revenant aux auteurs. Mais alors, si le livre
numérique devient un succès, les ayants droits se feront alors connaître et pourront demander
à obtenir en plus des droits d’auteur des dommages et intérêts dont le montant pourrait être
préjudiciable à la rentabilité du titre.

Tous ces freins militent pour une remise à plat du droit d’auteur. Il conviendrait par
ailleurs d’intégrer l’ouverture d’un débat sur l’entrée des œuvres dans le domaine public,
passé depuis quelques années en France de 50 à 70 ans à compter de la mort de l’auteur.
Ainsi, il n’est possible d’éditer librement à ce jour que les œuvres d’auteurs décédés avant
1941. Ces contenus pourraient pourtant venir enrichir de nouvelles créations éditoriales et
permettraient à des pures players de limiter les coûts de production des œuvres aujourd’hui
très élevés. Des voix s’élèvent de plus en plus nombreuses, s’inquiétant des effets de
l’extension de la durée de protection des œuvres, en particulier, la faible incitation à la
création et l’attribution de rentes 44 . En réaction à ce phénomène, un mouvement en faveur du
libre s’est constitué, avec pour porte parole, Lawrence Lessig 45 , juriste américain qui a lancé
la licence Creative Commons destinée à mettre les œuvres à disposition d’une communauté.
Celles-ci pouvait être modifiées et rediffusées librement, chaque contributeur abandonnant ses
droits exclusifs au profit du suivant. Ces dispositions présentent un intérêt tout particulier
pour les ouvrages collaboratifs qui se développent aujourd’hui. Il n’est alors nul besoin
d’autorisation pour corriger le livre ou le compléter.

Pourtant, dans le cas d’une œuvre collective, le choix pour l’éditeur de se placer sous
le régime des Creative Commons plutôt que sous celui du code n’est pas forcément plus
avantageux. Pour bien comprendre le raisonnement, il convient d’abord de définir ce qu’est
une œuvre collective. Au titre de l’article L. 113-2 al 3 du Code de la propriété intellectuelle:
« Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui
                                                            
44
L’économie de la culture, Françoise Benhamou, Edition la découverte, collection repères, février
2010
45
 Lawrence Lessig, The future of ideas, Random House, New York, 2001 

53 
 
l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution
personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue
duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur
l'ensemble réalisé ». Ainsi, un dictionnaire, une encyclopédie ou tout contenu mêlant le
travail de plusieurs auteurs de façon telle qu’il est difficile de savoir quelle est la contribution
réelle, sont placés sous ce régime. Les effets sont définis par l’article L. 113-5 qui stipule que
« L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou
morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. ». Le législateur ajoute dans le dernier
alinéa que : « Cette personne est investie des droits de l'auteur. ». Ainsi, dans cette hypothèse,
c’est bien l’éditeur qui est titulaire des droits d’auteur et non pas les contributeurs. Ce qui
revient à dire qu’il peut disposer de l’œuvre, comme il le souhaite, sans avoir à solliciter
d’autorisations pour en modifier le contenu.

Les enjeux juridiques étant importants, c’est d’abord la question des œuvres
orphelines qui a été mise à l’honneur tant au niveau européen que français. En Europe, le
« Comité des sages », groupe de réflexion sur la numérisation du patrimoine culturel
européen, a remis un rapport 46 traçant le cadre réglementaire et financier de ce que devrait
être le programme commun des 27 Etats de l’Union Européenne et appelle à l’adoption, aussi
vite que possible, d’un texte européen réglementant les œuvres orphelines.

En France, un accord-cadre sur la numérisation et l’exploitation des œuvres


indisponibles du XXe siècle, signé le 9 février 2011 entre le ministère de la culture, la
Bibliothèque nationale de France, le Syndicat national de l’édition et la société des gens de
lettres, marque une première avancée dans la prise en compte de la répercussion des
évolutions technologiques par le droit. Ce texte va permettre, après adaptation du code de la
propriété intellectuelle, une véritable adaptation des droits d'auteur à l'ère du numérique. Les
ouvrages encore dans le domaine privé et non exploités entreront sous un régime de gestion
collective qui permettra, selon les propres mots du ministre de la culture, de garantir d'une
part, le respect des droits patrimoniaux et moraux, d'autre part, la rémunération équitable des
ayants droit 47 .

Dernier point important, celui de l’extension de la TVA au taux réduit aux livres
numériques, soit le passage d’un taux de 19,6 % à 5,5 %. L’enjeu est de taille puisqu’il
permettrait de réduire le prix du livre, en s’approchant plus sensiblement de celui souhaité par
les lecteurs. Bien que cette disposition figure dans l’article 25 de la loi de finances 2011, elle
ne s’appliquera théoriquement qu’à compter du 1er janvier 2012. Il est à rappeler que ce vote
du parlement a été fait en infraction aux dispositions de la directive 2006/112/CE relative à la
taxe sur la valeur ajoutée qui prévoit que c’est le taux normal qui s’applique en matière de
livre numérique. Pour que ce texte entre en vigueur, l’État français va devoir mener un travail
de lobbying important dans les couloirs de Bruxelles et arracher à ses partenaires un vote à
l’unanimité. La mise en œuvre du taux de TVA au taux réduit n’est donc pas gagnée. En

                                                            
46
 The New Renaissance, Report of the « Comité des sages », Elisabeth Niggemann, Jacques de Decker, Maurice 
Lévy, Bruxelles, 10 janvier 2011 http://www.livreshebdo.fr/cache/upload/pdf/Rapport%20final%20‐
%20complet.pdf 
47
 Discours d’ouverture du ministre de la culture prononcé à l’occasion de la signature de l’accord‐cadre sur la 
numérisation et l’exploitation d’œuvres indisponibles du XXe siècle le 9 février 2011 

54 
 
outre, cette polémique concerne le livre homothétique, ouvrage reflet du livre papier et non
pas le livre enrichi- le livre pluriel contenant à la fois du texte, du son et de la vidéo-. Ce
livre application, pourtant aujourd’hui extrêmement cher à développer, gagnerait, plus que le
modèle ancien, à obtenir un coup de pouce afin de soutenir des nouvelles formes de création.  

Sous-section 2 : les enjeux techniques


Paragraphe 1. Les DRM
Les DRM (Digital Rights Management) sont de plus en plus critiqués. Charles Kermarec,
propriétaire de la librairie Dialogues à Brest, a déclaré qu’il n’accepterait plus de fichiers
protégés, la circulation des livres étant rendues trop complexe et compliquée générant un
SAV important. Il souligne ainsi, avec beaucoup de bon sens: «A quoi, à qui ça sert les DRM
si ça emmerde les honnêtes gens et que ça ne gêne pas les voleurs? Jouez ce jeu-là messieurs
les fournisseurs, mes amis, si ça vous chante. Mais sans ma complicité.». En bref, cela ne fait
que des mécontents. En effet, contrairement, à l’achat d’un livre physique, le propriétaire de
contenus numériques ne peut en disposer librement, le prêter ou le donner, par exemple.

Pour rassurer les éditeurs et les inciter à diffuser des livres numériques sans protection,
plusieurs arguments pourraient être avancés :

- Les DRM accroissent tout d’abord le coût de revient du numérique, puisqu’il est de
l’ordre de 3% ;

- Il est très facile pour les pirates de supprimer les DRM. De nombreux tutoriels
présents sur internet enseignent aux cyberpirates l’art et la manière de contourner la
contrainte ;

- L’une des raisons du piratage serait l’absence d’offre légale de livre numérique. Ainsi,
le livre de Michel Houellebecq a-t-il été massivement piraté, jusqu’à sa mise à
disposition sous forme digitale ;

- Le piratage sera limité si les contenus numériques sont proposés à un prix bien
inférieur au livre numérique, comme tend à le démontrer une étude conduite par GfK ;

- C’est une incongruité absolue puisqu’il porte obstacle à la portabilité des contenus qui
ne peuvent être transférés aisément d’un appareil nomade à un autre.

Pour résoudre cette question qui ne peut l’être que par l’expérimentation, les éditeurs
devraient procéder à des tests, en formant deux groupes de livres. Le premier constitué de
contenus protégés par DRM et l’autre sans protection.

Le watermarking, c’est-à-dire un système de tatouage numérique du livre, pourrait


constituer une bonne alternative.

55 
 
Paragraphe 2 : Les métadonnées
Il s’agit des informations données sur le contenu : nom de l’auteur, titre de l’ouvrage,
nom de l’éditeur…La question des métadonnées est essentielle, car elles permettent au
consommateur de se repérer facilement, si elles sont correctement renseignées. En outre, plus
les contenus numériques seront nombreux et plus l’existence d’un ou plusieurs sites
permettant de rechercher le titre correspondant aux besoins des lecteurs sera indispensable.
Avec un libre accès aux métadonnées, il sera possible de développer des outils permettant
d’orienter le lecteur dans cette jungle que constitue le web. Comme le souligne Françoise
Benhamou : «Aujourd’hui les métadonnées prennent une dimension communautaire (dans un
réseau social, l’usager pourrait par exemple rendre visible et partager sa bibliothèque
numérique) et dynamique (mises à jour automatiques).»

Sous-section 3 : Les enjeux économiques


Paragraphe 1. Risque d’accroissement de la concentration
La mise en place d’une chaîne permettant de produire à la fois du livre numérique et
du livre papier a un coût. Celui-ci s’accroît encore s’il s’agit de livres enrichis. Si les éditeurs
ne parviennent pas à financer ces dépenses, il faut s’attendre dans les années à venir à un
renforcement du phénomène de concentration. Les pures players qui actuellement
expérimentent seront rachetés par les plus gros, ainsi que les éditeurs de petite taille, voire de
taille moyenne, qui ne pourront pas acquitter le ticket d’entrée en raison des coûts
d’investissement.

Le livre est une industrie de prototypes à fort degré de risque. Les dépenses de
création, de production et de réalisation sont engagées, alors même que l’éditeur n’est pas à
même d’évaluer le succès de l’œuvre sur le marché 48 . Les petits et moyens éditeurs peuvent
assumer des coûts qui sont relativement modestes quand il s’agit de livre papier, mais qui
deviennent très importants pour les livres applications. Les économistes ne sont pas parvenus
pour le moment à expliquer la dynamique du succès, en dépit des tentatives d’intégrer des
théories mathématiques, comme celle du chaos par exemple. Pour faire face à ce risque, il faut
donc multiplier la production, pour élever les chances statistiques de publier un blockbuster
qui financera les échecs et permettra de dégager une marge acceptable. S’il est possible pour
une petite maison de publier sur ses deniers propres un ou deux livres enrichis ; elle sera
contrainte de se rapprocher d’une structure plus importante pour éditer un catalogue plus
ambitieux. Les pures players ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils se voient contraints de lever
des fonds pour financer leur production éditoriale.

                                                            
48
Révolution numérique et industries culturelles, Philippe Chantepie et Alain Le Diberder, La
Découverte, Collection repères, septembre 2010

56 
 
Paragraphe 2. Risque de perte de la connaissance client
Pour bien travailler, l’éditeur a besoin d’un fichier et de connaître ses clients. Le
marketing relationnel est une donnée importante pour contribuer au succès des oeuvres. Ces
données se trouvent aujourd’hui concentrées chez les acteurs dont la position dominante
s’affirme de jour en jour. Quand un lecteur passe commande sur le Kindlestore ou
l’Applestore, ce n’est pas l’éditeur du livre qui récolte les données clients, mais les deux
cyberlibraires, Amazon ou Apple, qui sont alors à même de communiquer en fonction des
produits déjà achetés par le client.

Paragraphe 3. Risque de piratage


La numérisation illégale de livres est, en comparaison des marchés de la vidéo ou du
jeu, très marginale, représentant en effet moins de 1% de l’offre légale. Ceci s’explique par le
caractère fastidieux du travail de numérisation d’un livre qui oblige le contrefacteur à scanner
l’ouvrage page par page, ce qui nécessite plusieurs heures de travail. Avec le développement
du livre numérique et donc de l’existence d’un fichier digital, ce chiffre devrait être appelé à
augmenter considérablement.

Aujourd’hui, selon une étude menée par Hadopi 49 , le livre arriverait en 4e position des biens
culturels les plus piratés, 29 % des internautes en faisant un usage illicite. Le piratage est
majoritairement masculin (56 %) et est le fait d’adolescents et de jeunes adultes, les 15 à 24
ans représentant 70 % des pirates.

                                                            
49
 Hadopi biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes français,  23 janvier 
2011 http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/HADOPI_VDef_02A4.pdf 
 

57 
 
Afin d’y voir plus clair, le Motif, Observatoire du livre et de l’écrit en Ile de France, a
lancé une étude sur le piratage 50 . Cet organisme estime le nombre d’ouvrages piratés, à l’été
2009, de 4 000 à 6 000 titres, dont 3000 à 4 500 bandes dessinées, soit plus de 50 % du total.

Catégorie des titres sur le circuit du piratage

Estimation des quantités Provenance


piratées

Livrels 1 000 à 1500 titres Une grande partie


appartiennent aux
domaines scientifiques,
techniques ou médicaux

Bande dessinée 3 000 à 4500 titres Beaucoup proviennent de


la diffusion de séries
complètes

Livres audio 200 à 300 titres La moitié au moins entre


dans le domaine public

Source le Motif

On note une très forte présence des best-sellers. Ainsi, Bernard Weber, Amélie
Nothomb et Frédéric Beigbeder sont les auteurs les plus piratés.

Titres les plus piratés en 2010 

Classement  Auteur  Titres piratés 

1  Gilles Deleuze  13 

2  Bernard Weber  11 

3  Amélie Nothomb  10 

4  Frédéric Beigbeder  7 

5  J.K. Rowling  7 

6  Michael Connelly  6 

7  Sophie Dudemaine  6 

8  Jean‐Paul Sartre  6 

                                                            
50
 Ebookz, Etude sur l’offre numérique illégale des livres français sur internet en 2009, le Motif, Octobre 2009 
 

58 
 
9  Albert Camus  5 

10  Daniel Pennac  4 

11  Eckart Tolle  4 

12  Harlan Coben  4 

13  Michel Foucault  4 

14  Isaac Asimov  3 

15  Marc Levy  3 

16  Ken Wilber  3 

17  Paul Ricoeur  3 

18  Paulo Coelho  3 

19  Stephenie Meyer  3 

20  Ray Bradbury  3 

Source le Motif

De même, certaines catégories d’auteurs font l’objet d’un piratage accru, il s’agit
d’abord des philosophes (Gilles Deleuze, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Michel Foucault et
Paul Ricoeur), qui apparaissent pour 25 % dans le top 20. Ceci serait dû en partie à la forte
notoriété internationale de ces auteurs dans le monde universitaire liée à la difficulté d’obtenir
ces titres dans des librairies ou des bibliothèques locales. De même, 25 % des ouvrages les
plus piratés sont des auteurs de science-fiction et fantastique (Bernard Weber, J.K. Rowling,
Isaac Asimov, Stephenie Meyer et Ray Bradbury). Ceci peut s’expliquer par le fait que ces
auteurs sont lus majoritairement par des adolescents, lesquels disposent de plus de temps pour
scanner page après page les livres.

Enfin, les auteurs de livres ésotériques sont eux aussi fortement piratés, tel est le cas
de Eckart Tolle et Ken Wilber.

Selon le classement effectué par le motif , les titres les plus souvent piratés en 2009
sont « Le sexe pour les nuls », la série « Harry Potter », « Le grand livre de cuisine » d’Alain
Ducasse et la série Twilight.

De même, les catégories essais, romans et livres pratiques représentent plus de 25 %


des livres piratés.

59 
 
Répartition du piratage en fonction du secteur

Fichiers illégaux Essais,  Ventes papier légales


Essais, 
documents  documents 

Romans Romans
0,9
1,4
2,2 Pratique 2 0,6 Pratique

8,7
12,9
28,8 Scolaire et  17,4 Scolaire et 
parascolaire parascolaire
26,7 25,6
12,1
27,1 Jeunesse Jeunesse
10,8

Beaux‐livres Beaux‐livres

Poésie,  Poésie, 
théatre théatre
 
Données SNE et le Motif

Les éditeurs les plus piratés sont Gallimard, Dunod et Hachette. Pour la bande
dessinée, Delcourt, Dargaud et Dupuis se trouvent dans le Peloton de tête.

Le piratage concerne avant tout les parutions récentes (2 ouvrages sur 3 ont été publiés
il y a moins de 10 ans), mais dans une moindre mesure les nouveautés (1 ouvrage piraté sur 4
a été publié il y a moins de 4 ans).

Une des motivations pour pirater semblerait être le manque de disponibilité du titre :
25,6 % des livres et 31,4 % des BD ne sont plus disponibles en offre légale papier. En outre,
94,9 % des livres piratés ne sont pas proposés en version numérique légale.

Ces données militent pour le développement d’un catalogue numérique d’une part et
pour des prix fixés très inférieurs au livre papier. Enfin, les éditeurs vont devoir concevoir des
outils de veille afin d’identifier les copies illégales en circulation et d’en bloquer le
téléchargement.

60 
 
Section 2 : Les modèles économiques du livre numérique
Sous-section 1. L’éventail des modèles existants
Paragraphe 1. Tour d’horizon des modes de commercialisation
Actuellement, de nombreux modèles coexistent. Il peut s’agir de la vente du livre à
l’unité, ou d’une seule partie de celui-ci (Pick and mix 51 ), d’un abonnement, du pay per view
ou encore de la vente d’un bouquet de titres.

Françoise Benhamou 52 distingue ainsi trois modèles, qui peuvent toutefois être mixés avec
d’autres :

- l’accès à durée déterminée ou indéterminée,


- la vente du livre en partie ou entier,
- la vente d’un livre ou d’un ensemble de livres.

De même elle distingue trois types d’offres :

1° L’offre simple miroir du papier : le lecteur paie alors à l’unité et l’achat se fait par
téléchargement pour un accès à durée illimitée. La question qui se pose étant le juste prix, les
études montrent que le public se décidera à basculer si le prix du livre numérique est moins
élevé que celui du livre papier. Actuellement, la réduction de l’ordre de 15 à 20 %, est jugée
insuffisante par les consommateurs.

2° L’offre est gratuite : l’objectif étant d’inciter les internautes à aller vers l’offre payante. Il
peut s’agir d’une offre numérique vers des accès payants du type miroir ou service. Cela peut
concerner aussi une offre papier payante jointe à un site compagnon gratuit par exemple,
proposant des ressources complémentaires. Ce site étant un plus produit et une plateforme
commerciale pour faire découvrir le livre papier. Ces contenus gratuits peuvent être financés
par de la publicité (Le site du guide du routard et de Larousse, par exemple).

3° L’offre de service : le lecteur achète non pas un fichier ou un livre physique, mais l’accès à
un service associé à un contenu éditorial. Le lecteur consulte une bibliothèque numérique,
dont les droits lui sont accordés par la souscription d’un abonnement ou le versement d’un
forfait. L’édition scientifique et juridique a adopté depuis une dizaine d’années ce modèle qui
s’avère très lucratif. Toutefois, ces secteurs s’adressent à des cibles familières du modèle par
abonnement.

C’est sans doute ce dernier modèle qui se développera au fil des années avec
l’évolution des mentalités. En effet, avec le livre numérique, il ne s’agit pas de l’achat d’un
objet physique, mais de l’accès à un flux de données qui ne justifie plus que le lecteur

                                                            
51
 L’éditeur Lonely Planet propose ce type de modèle 
52
Modèles économiques : d’un marché naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou, Olivia Guillon, 
Département des études de la prospective et des statistiques, février 2010 

61 
 
détienne le contenu. Il passe de la qualité d’acheteur à celle d’usager. L’abonnement à des
bouquets de thématiques devrait donc se développer.

Typologie des offres de contenu numérique

Modèle Gratuité Miroir Service

Forme de Gratuit Prix en miroir du Paiement pour des


tarification Possibilité de papier flux de contenus ou
financement par la de services
publicité Possibilité de
tarification collective
(communauté de
lecteurs)
Possibilité de ventes
liées entre l’édition
papier et l’édition ou
les services
numériques

Forme d’accès Web Téléchargement Consultation sur


support dédié ou
occasionnel

Principaux genres Dictionnaires, Contenus non Feuilletons, éditions


concernés pratiques évolutifs (œuvres universitaires
ayant un début et une
fin bien définis :
romans...)
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la Communication, 2010 

Paragraphe 2. le partage de la valeur


Différents modèles de partage de la valeur coexistent dans l’univers numérique,
contrairement à la chaîne du livre papier.

Il existe plusieurs hypothèses :

1° L’éditeur vend directement le livre numérique au lecteur (sur sa propre plateforme, par
exemple), le revenu dégagé sera alors réparti 50/50, comme pour la coopérative publie.net.

2° L’éditeur passe par un revendeur qui peut être un libraire en ligne ou un libraire
traditionnel, par exemple. L’éditeur cédera alors 25 à 30 % du profit, voire 50 % dans le cas
d’offres d’abonnement ou de streaming.

3° L’éditeur conclut la transaction directement avec le lecteur, grâce à un intermédiaire. En


l’hypothèse, il s’agit du cas où un site a orienté l’acheteur sur le site de l’éditeur, par un lien
par exemple. L’intermédiaire recevra alors 15 % des revenus.

62 
 
4° L’éditeur a sa propre plateforme et réalise la vente grâce au libraire : ce dernier recevra 25
% du chiffre d’affaires.

5° L’éditeur n’a pas de plateforme et passe par le edistributeur : celui-ci recevra 50 % du CA


qu’il partagera avec le libraire.

6° L’éditeur numérique adapte une œuvre à la lecture sur mobile : l’opérateur reçoit 30 %
pour assurer la distribution et la solution de paiement ; 5 % sera consacré à la mise en ligne,
l’hébergement et la maintenance. Si le contenu provient d’un éditeur papier, la somme
restante sera partagée.

Le partage de la valeur dans l’univers numérique

Cas Règle approximative de Exemples d’acteurs


partage

Vente directe au lecteur 50 % auteur


50 % éditeur

Vente intermédiée 50 à 85 % éditeur Amazon, Apple


15 à 50 % intermédiaire Cyberlibris (abonnement
forfaitaire), Google Edition

Vente via plate-forme 50 % éditeur Eden, Epagine


50 % plate-forme
25 % e-distributeur et
libriaire

Vente sur téléphone 30 à 50 % opérateur Smartnovel


Partage négocié Mobilire
éditeur/éditeur numérique
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la Communication, 2010

Paragraphe 3. Cas de l’édition juridique

On a tendance à penser bien trop souvent que le contenu numérique est constitué
d’ouvrages numérisés qui seront lus sur liseuses. Pourtant, l’information électronique
regroupe les bases de données en ligne, les ouvrages et revues au format PDF, les offres de
CD-Rom/DVD-Rom, l’extranet et le mobile.

Le marché français de l’information juridique électronique a été estimé par une étude
réalisée par SerdaLAB 53 pour Juriconnexion à 257,4 millions d’euros en 2008, en croissance
de 0,9% par rapport à 2007. Cette croissance est cependant inférieure à celle du marché global
de l’information électronique professionnelle en France qui est de 3,4 % pour un chiffre
d’affaires en 2008 de 1,57 milliard d’euros, mais aussi en net ralentissement par rapport aux
années précédentes (+ 7,6 % en 2005, +16 % en 2006 et + 17 % en 2007). Il est à noter que ce

                                                            
53
 Le marché français de l’information juridique numérique en 2010, SerdaLAB  pour Juriconnexion, mars 2010 

63 
 
marché a subi de plein fouet la crise et que les grands groupes sont contraints de procéder à
des réorganisations 54 .

Le marché de l’information juridique est caractérisé par une forte concentration. Les
trois premiers éditeurs (Wolters Kluwer, Lefebvre Sarrut et Lexis Nexis) représentent 85 %
du marché de l’information juridique numérique.

SerdaLAB 2010

Les maisons d’édition juridique ne se contentent plus seulement de publier des livres,
elles diffusent de l’information professionnelle. Elles vont d’ailleurs plus loin, le numérique
leur permet de fournir à la fois du contenu et des services, satisfaisant ainsi l’ensemble des
besoins de la cible. Désormais, il est donc difficile de tracer la frontière entre information et
outils. Pour combler ce déficit de savoir-faire, les éditeurs juridiques ont acheté, ces dernières
années, des sociétés de logiciels métier. C’est ainsi que le groupe Lefebvre Sarrut 55 est
devenu en 2009, l’actionnaire majoritaire de la société Dhymiotis spécialisée dans les
solutions de signature électronique, les certificats numériques et l’archivage légal. L’objectif
étant de positionner l’entreprise sur le marché des téléprocédures (communication des pièces
par voie électronique, signature certifiée...) à l’instar de Lexis Nexis 56 et de Wolters Kluwer.
Francis Lefebvre a acquis en 2008 la société Patrimoine Management et Technologies qui
exploite notamment un logiciel d’approche patrimoniale globale. Lexis Nexis a racheté, quant
à lui, en 2006 l’éditeur de logiciel Datops qui propose des solutions d’extraction, de
traitement et d’analyse de l’information pour la veille sur internet. Wolters Kluwer propose
également des logiciels métier (Lamy solutions de gestion, par exemple). Grâce à la fusion de
l’information et des outils métier, l’éditeur est à même de proposer une solution intégrant
nativement le fonds documentaire au logiciel.

                                                            
54
 Wolters Kluwer (Editions Lamy et Liaisons) a mis en place un plan de suppression de 10% des postes situés en 
France. 
55
 Le groupe Lefebvre Sarrut regroupe les marques Francis Lefebre, Editions Législatives et Dalloz. Il comporte 
plusieurs activités : édition, formation et prestation informatique. Ce groupe est contrôlé par la famille 
Lefebvre (66 %), Banexi (16 %) et les cadres dirigeants (17 %) 
56
 Lexis Nexis, qui regroupe Litec, Documentation organique et Jurisclasseur, appartient au groupe néerlandais 
Reed Elsevier qui possède également en France Reed Business Information (regroupe notamment le magazine 
Stratégies, les marques Prat,  ESF et Comundi). 

64 
 
L’offre électronique n’est pas anecdotique. L’étude du SerLAB spécifie qu’elle
représente entre 10 à 55 % du chiffre d’affaires total des éditeurs juridiques.

Enfin, les éditeurs restent particulièrement attentifs au développement de contenus


juridiques par les éditeurs publics (la direction de l’information légale et administrative
(DILA) -issue de la fusion entre la direction des journaux officiels (DJO) et la documentation
française- et les sites des ministères ou d’établissements publics). En effet, les éditeurs publics
ne se contentent plus seulement aujourd’hui de livrer à l’état brut des données (voir le site
Légifrance), ils proposent également des contenus considérablement enrichis (voir le site
Service Public). Cette concurrence est qualifiée de déloyale par les éditeurs privés. En effet,
ces institutions mettent en ligne des contenus entièrement gratuits, produits avec les deniers
de l’Etat sans objectif de rentabilité et sont en mesure de publier les commentaires d’un texte
récemment adopté bien avant les éditeurs privés puisqu’ils sont l’auteur de ce document.

Bien que de nombreuses circulaires aient été publiées par le gouvernement et qu’un
médiateur de l’édition publique ait été nommé, il est bien difficile au syndicat national de
l’édition de faire respecter le cadre des missions de service public dévolues à ces institutions
et de freiner les éditeurs publics dans leur travail d’enrichissement des données juridiques
brutes. Cette concurrence loin de décroître ne faisant que se renforcer, il est donc nécessaire
que les éditeurs juridiques ne se contentent pas de proposer seulement du contenu, mais
renforcent aussi leur offre de services.

Paragraphe 4. Le cas de l’édition scientifique

Le marché de l’édition scientifique peut être segmenté de la manière suivante :

- les maisons d’édition appartenant à des groupes financiers et à dimension


internationale : Reed-Elsevier, Wolters-Kluwer, Thomson-Reuters, Riley, Informa, par
exemple;

- les maisons d’édition nationales : Lavoisier, Armand Colin, Puf, Erès... ;

- Les sociétés savantes et les associations scientifiques (ACM, ACS, APS...);

- Les universités, organismes de recherche et établissements publics.

La segmentation peut se faire aussi en fonction de la finalité lucrative ou non, ces derniers
n’étant pas soumis aux mêmes objectifs de rentabilité.

En outre, ce marché est oligopolistique : 5 groupes se partagent la plus grande part du


marché avec en tête Reed-Elsevier qui se prévaut de plus d’un milliard d’euros de chiffre
d’affaires pour un taux de marge opérationnelle de 32,3 % de ce CA. Ce groupe est suivi de
Springer Science Business qui enregistre un chiffre d’affaires de 892 millions d’euros et une
marge de 38 %, puis de Wolters Kluwer Health, Wiley et Thomson Reuters. La structure
financière de ces groupes engendre une politique fondée sur la rentabilité à tout prix et un
développement de l’offr basée sur une politique à court terme. Ghislaine Chartron 57 ,

                                                            
57
 Scénarios prospectifs pour l’édition scientifique, Ghislaine Chartron, CNRS, janvier 2011 

65 
 
professeur au CNAM et directrice de l’Institut National des sciences et techniques de la
documentation, dégage quatre effets induits par le numérique :

1° Le marché est à la fois plus concentré et ouvert. Des plates-formes ont été créées ces
dernières années mettant à disposition un vaste catalogue de contenu accessible sous la forme
d’un abonnement global ou sectoriel. De même, la demande s’est organisée avec le
développement de groupements d’achats tels que l’association internationale ICOLC,
Couperin et Carel. Il s’est produit l’émergence de nouveaux éditeurs (Biomedcentral et Plos,
par exemple) et de plates-formes comme celle de Scielo.

2° Le marché voit poindre la renégociation et l’affirmation de nouvelles formes de pouvoir.


L’arrivée de nouveaux acteurs (plateformes de thèses, nouvelles revues, développement des
archives ouvertes, Google, par exemple) déplace le centre du pouvoir. De même, l’accès au
contenu des plates-formes des éditeurs par l’abonnement à des bouquets réduit l’autonomie
des centres de documentation dans le choix des contenus. Les archives ouvertes préservent
ainsi la diversité.

3° Les nouvelles modalités de diffusion ont peu modifié les modalités de communication
entre chercheurs. L’évaluation par les pairs continue d’être faite majoritairement à partir des
revues installées et jugées incontournables et quelques nouvelles revues peu nombreuses.

L’auteur conclut son étude en préconisant un partenariat public-privé afin de


contrebalancer, d’une part, la financiarisation de l’économie de l’édition avec pour dérive
l’inflation des prix et d’autre part, une édition purement publique susceptible d’entraîner des
freins à l’innovation.

66 
 
Partie 2 :
Bâtir une stratégie numérique

67 
 
Au moment où sont écrites ces lignes, la question n’est plus de publier ou non des
ouvrages numériques, mais elle est de savoir quels livres numériques ? Pour quelle
rentabilité ? Toutefois, la révolution numérique peut aussi bénéficier aux livres papiers grâce
à leur promotion sur le web.

La numérisation modifiant les manières de produire et de travailler en général, les


compétences doivent-elles aussi évoluer afin de publier des contenus qui rencontreront leur
public.

CHAPITRE 1 : LA COMMERCIALISATION DU LIVRE DANS


L’UNIVERS NUMERIQUE
Section 1. Être présent sur les plates-formes

Le livre, ce n’est pas le support, mais bien le contenu. Qu’il soit papier ou numérique,
l’éditeur doit s’assurer qu’il se vende au mieux. La question qui se posait encore il y a
quelques mois dans les groupes d’édition, et qui semble avoir été résolue depuis, tournait
autour de l’opportunité d’éditer ou non la version numérique d’un livre papier. La réponse
aujourd’hui, pour la majeure partie des maisons d’édition, est positive. Virginie Clayssen,
directrice adjointe du développement numérique chez Editis, déclare que le contenu est
systématiquement édité sur ces deux supports. Cette assertion est d’ailleurs démontrée par les
faits. Ainsi, l’animatrice du blog Idboox 58 , a posté le 22 janvier 2011 un billet, écrivant que le
distributeur de livres numériques ePagine a augmenté son catalogue d’ebooks de 602
nouveautés provenant de 54 éditeurs, ce qui prouve que les éditeurs commencent à se
mobiliser sur ce marché.

Si les gros éditeurs ont choisi d’entrer dans la course, les petits et les moyens éditeurs
peuvent voir là une manière d’accroître les canaux de distribution et par là même de faire
croître leur chiffre d’affaires. Ainsi, Hatier propose sous la forme numérique sa collection
« Profil d’une œuvre » composée de 45 titres. L’éditeur jeunesse Nantais, Gulf Stream, a
quant à lui numérisé sa collection de romans policiers intitulée « Courants noirs » destinée
aux enfants de 9 ans et plus, tendant ainsi à prouver que la digitalisation concerne l’ensemble
des secteurs, y compris celui de la jeunesse. De même, les éditions Champ social, installées à
Nîmes, a mis en ligne l’intégralité de son catalogue en numérique sur son site internet. En 4
mois, les ventes de livres numériques représentaient 10 % de son chiffre d’affaires.

Cependant, le marché n’étant pas encore suffisamment développé, beaucoup d’éditeurs


attendent qu’il bascule ou que, tout au moins, les chiffres deviennent significatifs. Néanmoins,
plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce marché se développe. D’abord, les
constructeurs doivent proposer à la vente des readers connectés (ce qui est le cas aujourd’hui
du Fnacbook). En outre, les lecteurs doivent pouvoir bénéficier d’une variété de choix grâce à
un catalogue de titres en nombre suffisant. Actuellement, la Fnac ne propose que 80 000 titres
à la vente, alors qu’Amazon détient un fonds de plus de 800 000 références.

                                                            
58
 http://www.idboox.com/ 

68 
 
Enfin, le prix des livres numériques est encore ressenti comme trop élevé par le public.
Une étude 59 réalisée par l’IPSOS pour le compte du Centre National du livre, montre que les
lecteurs souhaiteraient que le prix du livre numérique soit inférieur en moyenne de 40% à
l’ouvrage papier.

Prix souhaité par le public

Prix du livre numérique Baisse par rapport au livre


papier

Un roman récent qui 12€ -40 %


coûterait 20 € au format
papier

Un roman plus ancien qui 4,1 € -41 %


coûterait 7 € en livre de
poche

Un livre scientifique, 22,9 € -43%


technique ou professionnel
qui coûterait 20 € au format
papier

Un essai (politique, 11,2 € -44%


philosophie, histoire…) qui
coûterait 20 € au format
papier

Un album de bande dessinée 6,7 € -44 %


qui coûterait 12 € au format
papier

Un manga qui coûterait 6 € 3,3 € -45 %


au format papier

IPSOS mars 2010

Les prix pratiqués sont donc encore trop élevés. Bien que les éditeurs réduisent
actuellement les prix de vente du livre numérique par rapport au papier, cet effort reste encore
bien timide. Ainsi, la version papier d’Antigone de Jean Anouilh publiée par Hatier est
vendue à 4,50 € prix public (prix Fnac : 4,25 €), tandis que le prix du livre numérique est fixé
à 3,49 €. L’effort est encore moins significatif pour l’éditeur Gulf Stream, car non seulement
son fonds est proposé dans la version PDF, mais la remise n’est pas susceptible d’encourager
                                                            
59
 “Les publics du livre numérique”, IPSOS/CNL, mars 2010 

69 
 
l’acheteur à acquérir la version numérique. Le prix public du livre papier intitulé « Attaques
nocturnes » est fixé à 12,50 € et est vendu sur ePagine sous sa forme numérique à 10,63 €.
L’augmentation de la part des ventes dans le chiffre d’affaires des éditions Champs social
(voir plus haut) montre que le facteur prix est déterminant. Alors que le livre papier est vendu
20 €, celui-ci est proposé a 4,99 € dans sa version numérique.

Les prix généralement pratiqués paraissent disproportionnés pour le public qui est en
droit de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le prix moyen d’une application sur
l’Applestore est de 2,68 € alors que les coûts de développement sont largement supérieurs aux
coûts de production d’un livre numérisé.

Volume d'ebooks (%) par 
fourchettes de prix

2,8 Gratuit
0,01‐ 1,00 €
4,5 11 12,8
1,01 ‐ 2,00 €
6,4 2,01 ‐ 3,00 €
26,5
15,4 3,01 ‐ 4,00 €
4,01 ‐ 5,00 €
20,5
5,01 ‐ 10 €
10,01 €
Apple Appstore – Mai 2010

Les éditeurs ne doivent pas s’attendre pour le moment à des ventes faramineuses.
Ainsi, la librairie électronique Immatériel déclarait, lors d’une journée organisée par Dilicom
en février 2011, que son chiffre d’affaires est de 8000 € par mois. Il faut toutefois remarquer
que la progression des revenus de ce cyberlibraire a en un an largement progressé Il est, en
outre, intéressant de constater que les livres en informatique et dans le domaine de
l’entreprise, sont ceux qui se vendent le mieux proportionnellement.

70 
 
Catalogue Immatériel

Secteurs % du catalogue % du CA

Littérature générale 37 % 35 %

Sciences humaines 28 % 9%

Informatique 5% 40 %

Entreprise 5% 12 %

Livres pratiques 4% 4%

Section 2 : Développer un site internet

Le marché de l’édition étant fortement concurrentiel, l’éditeur doit trouver le moyen


de mieux communiquer et d’accroître ses ventes. Aujourd’hui, internet étant pour la plupart
d’entre nous, un réflexe, il est indispensable de posséder un site pour présenter son catalogue.
Certains vont même jusqu’à intégrer une boutique en ligne, afin de vendre en direct. Il s’agit
principalement des éditeurs techniques qui, moins dépendants de la librairie en raison de la
part importante des abonnements dans leur chiffre d’affaires, peuvent mettre en place un site
de ventes directes. Ainsi certains éditeurs, tels que Dalloz et Elsevier Masson, par exemple,
ont développé des boutiques n’ayant rien à envier aux cyberlibraires les plus chevronnés.
D’ailleurs, nombre d’entre eux proposent à la fois la vente du livre papier et sa version
numérique.

Ces sites présentent l’avantage de créer un contact direct avec le lecteur, en permettant
de mieux comprendre le lectorat de la maison d’édition et de créer un lien entre le marché et
la marque. Alors que sur le marché traditionnel les éditeurs ne connaissent pas leurs lecteurs,
il est aisé sur internet de constituer une base de données clients permettant de mettre en
œuvre une politique de contacts directs pour adresser des propositions commerciales.

Il peut être joint à ce site, la création d’une application présentant l’offre de la maison
d’édition. Bien qu’onéreuse à fabriquer, c’est un moyen de créer un contact plus intime avec
le client, en lui envoyant des informations en push sur les nouveautés et en facilitant l’accès
au catalogue numérique. C’est ainsi que Le Diable Vauvert a proposé dès janvier 2010 une
application. Celle-ci permet d’accéder au catalogue. En outre, elle contient une rubrique
actualités (signatures, sorties libraires, rencontres…), ainsi qu’une section multimédia avec
des interviews d’auteurs, des bandes annonces et l’accès gratuit en streaming à des ouvrages
numériques. Toutefois, un an plus tard l’application semble avoir été supprimée de
l’Applestore.

De même, les éditions Harlequin, chez qui le chiffre d’affaires du livre numérique
représente 8 % du total, propose une librairie mobile sur l’Applestore. Afin de découvrir le

71 
 
fonds, le lecteur peut accéder gratuitement à des extraits des livres du catalogue, ainsi qu’au
premier chapitre. Les livres sont vendus 2,99 €.

Section 3. Mettre en œuvre une cyberpromotion performante

Avec la généralisation de l’utilisation d’internet en France, la manière de faire


connaître les livres a foncièrement évolué en permettant la mise en place de nouvelles
techniques de ventes qui requièrent bien souvent des investissements moins importants que le
marketing traditionnel.

Sous-section 1. Créer le buzz et développer la viralité

Internet ouvre de nouvelles voies de communications permettant de créer l’évènement


en incitant l’internaute à transmettre le message à son groupe de connaissances.

Aujourd’hui, les buzz orchestrés sont surtout le fait de groupes d’édition qui mettent
en pratique ces techniques quand les enjeux sont importants, afin d’assurer une mise en place
conséquente d’ouvrages en librairie et permettre la rencontre entre le livre et son lecteur. Il
peut s’agir de campagnes d’emailing, d’interventions sur les forums, de sites compagnons ou
de vidéos, par exemple. Twilight de Stephenie Meyer est un cas d’école. Cet ouvrage a été
d’abord publié chez un petit éditeur américain. Une communauté très active s’est développée
par la suite sur intenet, alimentant le buzz.

Il en va de même pour le succès de librairie français, Oksa Pollock, un livre du secteur


jeunesse écrit par deux bibliothécaires qui, en réaction aux héros de romans pour enfants qui
n’ont ni parents, ni grands-parents, se décident de surfer sur la vague bit-lit, mais cette fois
l’héroïne vit dans une famille unie, excentrique, mais structurante. Le manuscrit ayant d’abord
été refusé par Gallimard, les auteurs décident d’avoir recours à l’autopublication. Grâce au
bouche à oreille alimenté par les jeunes internautes, les trois tomes du livre se vendront à
14 000 exemplaires, avant que Bernard XO ne décide de publier cet ouvrage.

Sous-section 2. Les blogs pour faire parler

Ils peuvent être utilisés comme support de communication, en créant une intimité entre
la collection, l’auteur ou le héros. Toutefois, il convient de faire attention, quand le lien entre
les personnages et les lecteurs est noué, il faut le maintenir et ne pas se contenter d’alimenter
le blog uniquement durant le lancement de l’ouvrage.

Les blogs sont aussi des outils de prescription. Il faut alors mener un travail
d’identification des blogueurs reconnus dans le milieu et dont l’avis compte. Dans le cas de
l’édition littéraire, ce travail quelque peu fastidieux, a été facilité grâce à l’apparition des hubs
littéraires. Il s’agit en fait d’agrégateurs d’une communauté qui d’une part répertorie les
articles postés par les blogueurs et qui, d’autre part, les rassemble autour de points d’intérêts
communs. Ces hubs jouent de plus en plus un rôle d’interface entre les éditeurs et les
blogueurs. Ainsi, l’éditeur contacte le hub et détermine le nombre d’exemplaires à servir en
service de presse, ceux-ci sont alors répartis par le site entre les blogueurs.

72 
 
Quatre hubs sont particulièrement efficaces dans le secteur.

Paragraphe 1 : Babelio

Ce site créé en avril 2007 enregistre près de 4 millions de visiteurs uniques. Outre son
activité de mise en contact des internautes par affinité de lecture, il met en œuvre des
opérations baptisées « Masse critique », programme de promotion des livres auprès de la
blogosphère comprenant un fichier de 400 blogueurs. Le service de presse est gratuit,
toutefois une version premium payante est proposée aux éditeurs.

Service gratuit : Service payant :

Masse critique Masse critique +

Partenaires Opération multi-éditeur Opération mono-éditeur

Timing Date fixe imposée par Date choisie en lien avec la


Babelio campagne de promotion de
l’éditeur

Volume 5 exemplaires maximum par 20, 35 ou 50 exemplaires par


titre titre

Mise en avant sur Babélio Non Bannières et newsletter


dédiée

Synthèse Liste des critiques Liste des critiques et note


d’analyse détaillée

Expéditions Exemplaires expédiés par Exemplaires expédiés par


l’éditeur l’éditeur ou Babélio

Tarification Gratuit Sur devis

73 
 
Paragraphe 2. Blog-O-Book

Ce site a été créé en 2009 afin de répertorier les livres dont les blogueurs parlent. Il
propose aussi un programme à destination des maisons d’édition. Ainsi, Blog-O-Book affiche
chaque semaine une liste de livres offerts tous les dimanches à partir de 15h. Les premiers
blogueurs volontaires reçoivent un exemplaire du livre en échange d’une critique à publier
dans le délai maximum d’un mois. En outre, BOB publie une carte des lecteurs francophones.

Paragraphe 3. Livraddict

Ce site communautaire, créé en septembre 2009, enregistre 10 000 visiteurs uniques.


Livraddict propose de la même façon un espace partenariats baptisé « un livre, une critique ».
Livraddict publie une liste d’ouvrages tous les vendredis à 20h, les blogueurs les plus rapides
s’engagent à écrire une critique en échange de l’exemplaire du livre choisi.

Sous-section 3. Les Bonnes pratiques

Notons tout d’abord les réseaux sociaux. Complémentaires des blogs, ils permettent
aux internautes de se regrouper par cercles d’intérêts. Il est désormais classique pour les
éditeurs d’ouvrir une page Facebook et un compte Twitter. C’est, en effet, une bonne manière
de faire parler des livres, sachant que pour les gros lecteurs comme pour ceux qui lisent peu,
les conseils fournis par des amis constituent le premier vecteur de prescription.

74 
 
Ces réseaux sont un bon indice de la popularité d’un titre ou d’une collection. Ainsi
pour Twilight : 5 millions de personnes aiment le livre ; Harry Potter comptabilise quant à lui
près de 7 millions de fans. Les internautes sont parfois si impliqués qu’ils n’hésitent pas à
créer leurs propres pages pour alimenter leur communauté, voire de créer des blogs à la gloire
des héros.

Les réseaux sociaux sont composés d’une palette d’outils qu’il convient d’utiliser en
fonction de l’objectif à atteindre, mais aussi de la cible. Nicolas Cauchy 60 , responsable
internet Univers Poche (Editis), fournit un exemple concret. Lors du salon Japan expo,
évènement mondial réunissant les amoureux de manga, le community manager de la
collection Kurokawa a twitté pendant toute la durée du salon, permettant aux lecteurs qui ne
pouvaient pas se déplacer de suivre les grands moments. Ces tweets ont donné lieu à de
multiples interactions au sein de la communauté.

Anne Assous, directrice marketing chez Gallimard, pense que les réseaux sociaux
constituent un outil bien adapté au livre qui est un bien d’expérience, selon le concept
introduit par Phillip Nelson 61 . C’est cette expérience même qui permet d’attribuer une valeur.
L’éditeur doit apporter aux lecteurs les moyens de faire part de cette expérience, de
témoigner. Le ticket d’entrée est toutefois élevé, certes l’ouverture d’une page sur facebook
est gratuite, mais si l’éditeur veut donner aux internautes des raisons de transmettre
l’information et de communiquer avec d’autres, alors le coût au contact est plus élevé.

                                                            
60
 “Assises du livre numérique : la commercialisation du livre dans l’univers numérique », conférence organisée 
par le SNE 
61
 « Information and consumer behavior », Phillip Nelson, Journal of Political Economy, vol. 78, n° 2, p 311‐329 
 

75 
 
Toutefois, si pour la littérature générale, la question d’être ou ne pas être sur les
réseaux sociaux peut se poser, elle ne doit pas l’être pour le secteur jeunesse. Une étude IFOP
montrait que 96 % des jeunes 62 de 18 à 24 ans sont sur les réseaux sociaux. Y être n’est même
plus une option mais une évidence.

Gallimard Jeunesse a lancé une expérience sur la plate-forme Skyblog qui cible la
tranche des 10-15 ans. Cet outil permet de conserver un lien avec les lecteurs. La marque peut
ainsi converser et prolonger l’expérience de lecture. Plusieurs leviers ont été mis en place :
des vidéos sont proposées sur la plateforme ; les internautes sont sollicités pour faire partie
d’un groupe de lecteurs experts ou devenir chroniqueurs.

Pour le lancement d’un livre, les éditeurs combinent souvent différents outils. Pour le
lancement de l’ouvrage « Le chuchoteur » de Donato Carrisi, différents moyens ont été
utilisés :

1° les réseaux sociaux pour faire parler du livre,

2° une communication auprès des blogueurs influents,

3° l’achat d’espace,

4° l’organisation d’un concours,

5° la création d’un mini site sur lequel les internautes étaient renvoyés pour entrer dans
l’univers du livre.

                                                            
62
 « Observatoire des réseaux sociaux », IFOP, Janvier 2010 

76 
 
Les newsletters sont aussi un moyen de maintenir le lien avec le lecteur et de procéder
à un marketing ciblé. Le cercle de lecteurs de la Pléiade compte 30 000 membres, dont 15 000
d’entre eux abonnés à la newsletter. Gallimard utilise cet outil de fidélisation pour
communiquer auprès de cette communauté de lecteurs fidèles. Les résultats sont d’ailleurs
excellents : le taux d’ouverture étant de 50 % et le taux de clic de 20 %.

Sous-section 4. Exemple d’une campagne de lancement d’un titre jeunesse :


Ghostgirl Lovesick

Ce titre, dernier livre d’une trilogie qui compte l’histoire d’une jeune fille qui décédée
et devenue fantôme côtoie le monde des humains, a bénéficié d’une campagne de grande
ampleur. Ainsi, la sortie de ce livre a été accompagnée d’un trailer, digne des meilleurs films
d’animation. Ce lancement a été soutenu par un jeu concours permettant à l’internaute ayant
posté la vidéo la mieux notée de gagner une guitare rock.

77 
 
Tonya Hurley, l’auteure, anime un blog sur lequel figure des anecdotes concernant les
évènements liés au livre, en lien avec le mini-site skyrock aux couleurs de Ghostgirl. Une
appli iPhone crée une relation intime entre le personnage et le lecteur, afin de prolonger
l’expérience de lecture.

Sous-section 5. Les moteurs de recherche au service de la promotion du livre

Notons d’abord qu’il n’y a pas seulement les moteurs de recherche classiques qui
proposent des dispositifs permettant de promouvoir le livre. En effet, le cyberlibraire Amazon
propose aux éditeurs d’intégrer l’opération « Chercher au cœur du livre ». Ainsi, en échange
de l’envoi de l’ouvrage papier ou PDF, le livre est mis en ligne. L’internaute accède alors à un
dispositif de feuilletage. Il peut également effectuer des recherches parmi les pages de
l’ensemble du fonds éditorial numérisé figurant sur le site afin de trouver précisément le livre
qu’il souhaite acheter.
78 
 
A cette forme de promotion, l’éditeur peut intégrer le dispositif proposé par Google,
dont les performances devraient être meilleures et ceci pour deux raisons : d’une part, parce
qu’il s’agit du moteur de recherche le plus utilisé en France et d’autre part, sa plateforme de
promotion est multicanal.

Après conclusion d’un contrat avec Google dans le cadre du programme partenaires,
l’éditeur peut proposer le contenu de ses livres dans les résultats de recherche, accroissant
ainsi la visibilité des livres. L’adhésion à ce programme est gratuite. En échange, l’éditeur
s’engage à permettre la visualisation d’au moins 20 % du contenu. Ce dernier reçoit chaque
semaine un rapport statistique rendant compte de la popularité des ouvrages mis en ligne.
L’internaute qui est intéressé par un livre peut l’acheter en ligne grâce à un dispositif
d’affiliation avec des libraires.

Les éditeurs français sont encore peu nombreux à se joindre au programme de Google.
Ils craignent à la fois de mettre en ligne gratuitement du contenu qui ferait concurrence au
livre payant et éprouvent des craintes à pactiser avec la firme américaine diabolisée par les
médias. Pourtant les avantages sont nombreux. 85 % des internautes passent par Google pour
procéder à une recherche. Donc si le fonds de l’éditeur s’y trouve, et si l’internaute décide
d’aller plus loin, il pourra être enclin à acheter le livre, d’autant que la partie du contenu
lisible n’est ni imprimable, ni copiable. En outre, l’achat de l’internaute est facilité par des
liens vers les sites des libraires ou le propre site de l’éditeur.

79 
 
Lien vers l’achat d’un livre

De même, l’éditeur n’a pas à craindre d’évincer les libraires physiques au profit des
cyberlibraires, puisque l’internaute peut procéder à une recherche sur le site des librairies les
plus proches de chez lui, afin de s’y rendre.

Liens vers les librairies avoisinantes

Bien que les revenus publicitaires soient anecdotiques pour l’éditeur, celui-ci perçoit
une rémunération lorsque l’internaute clique sur une publicité figurant sur la page sur laquelle
figure le livre.

80 
 
Revenus perçus grâce aux publicités contextuelles

Enfin, le rapport statistique, adressé toutes les semaines à l’éditeur, récapitule les
tendances de consultation et permet d’avoir une meilleure connaissance du marché. Il est ainsi
possible de comparer les chiffres d’une semaine sur l’autre et des points particuliers, comme
la consultation de livres, consultation de pages ou consultation de livres avec clics d’achat,
par exemple.

Rapport statistique

En outre, l’éditeur peut obtenir les chiffres pour un pays ou une région et connaître
ainsi l’origine du trafic.

81 
 
Carte de représentation du trafic

Enfin, si l’éditeur accepte de fournir au moins 75 % de son catalogue au programme,


Google fournit une API Google recherche de livres qui pourra être intégrée au site de
l’éditeur. L’internaute pourra ainsi procéder, sur le site de la marque, au feuilletage des livres
mais aussi à une recherche intégrale.

Intégration de l’API Google Search sur le site de l’éditeur

82 
 
Cette même application pourra être intégrée au site des libraires pour valoriser le fonds
de l’éditeur. L’internaute peut alors feuilleter les titres, mais ne peut ni imprimer, ni copier-
coller ou télécharger.

Partenariat Libraires / Google Book Search

Il est à noter que ce programme nommé Google Books search ne doit pas être
confondu avec Google ebooks store. Le premier est un moteur de recherche dédié aux livres,
tandis que le second est un magasin en ligne qui permet de consulter et d’acheter des livres
électroniques.

Ce dernier programme baptisé, Google Editions, devait voir le jour à l’été 2010 et a été
sans cesse repoussé depuis. Son lancement est programmé en France dans le courant de
l’année 2011. Celui-ci sera peut-être bientôt accessible puisqu’un accord a été signé avec
Hachette et que le fonds présenté dans ce magasin virtuel devrait être suffisant pour justifier
son lancement.

83 
 
Sous-section 6. L’affiliation

Ce levier de recrutement est actuellement exclusivement développé par les revendeurs.


Pourtant, les éditeurs vendant en direct sur leur site auraient intérêt à mettre en place une
politique d’affiliation en s’adressant aux blogueurs, lesquels ont souvent au sein des
communautés un fort pouvoir de prescription. Le pourcentage des commissions versées varie
de 5 à 10 % en moyenne.

Pourcentage de commission

Revendeur Editeur Plateforme

Amazon : 5%<20 ; 5,5 % 5% Numilog : 10 %


>20-100

Fnac : 6 à 8 %

Amazon et Fnac.com propose l’intégration de mini-boutiques autonomes que le


bloggeur peut intégrer directement dans la page web de son blog.

Mini-boutique Fnac.com

84 
 
Sous-section 7. Achat de mots clés

La pratique d’achat de mots clés sur les moteurs de recherche est particulièrement
développée au sein des librairies en ligne. L’éventail de mots clés choisis est varié.

Les éditeurs du secteur professionnel utilisent fréquemment ce levier marketing pour


accroître le trafic sur leur site. Il en va ainsi notamment de l’éditeur « le Moniteur » qui achète
fréquemment le mot clé : «code des marchés publics » pour promouvoir ces ouvrages dans le
domaine ; ou encore Dunod, qui acquiert « Livres action sociale », parvenant ainsi en
première position devant ESF, pourtant leader dans ce domaine.

85 
 
Sans doute pour les éditeurs techniques, cette politique marketing est plus aisée à
financer en raison du prix élevé des livres. Toutefois, les éditeurs généralistes pourraient eux
aussi mettre en place des campagnes adwords pour promouvoir l’ensemble d’une collection.

CHAPITRE 2 : FAIRE EVOLUER L’ORGANISATION ET LES


COMPETENCES

Section 1. Adopter une organisation en réseau


Alors que les groupes ont les moyens de s’organiser afin de réunir les compétences
nécessaires en matière de production numérique, la situation est plus compliquée pour les
petits et moyens éditeurs. Benoît Berthou, enseignant-chercheur à l’université Paris XIII,
auteur d’un rapport intitulé « Etude de faisabilité et de préfiguration d’un SPL de la filière
livre sur le Nord-Est Parisien » 63 préconise un modèle de développement économique, le
cluster, c’est-à-dire un pôle de compétence, reprenant la théorie de l’économiste Michael
Porter qui propose de penser le territoire sur le mode de la compétence. C’est le
rapprochement d’entreprises de la filière livre au sein d’un même espace géographique qui
permettra l’acquisition d’avantages compétitifs au niveau régional, national et international.
La concentration d’acteurs opérant dans la même filière permet de fournir une main d’œuvre
disponible et qualifiée, et un réseau de sous-traitants couvrant l’ensemble des besoins de la
filière. L’accent est mis sur la mise en réseau d’entreprises ayant des activités similaires ou
complémentaires.

                                                            
63
 « Etude de faisabilité et préfiguration d’un SPL du livre dans le Nord‐Est parisien », Benoît Berthou, Université 
Paris XIII Nord, LABSIC, en collaboration avec Fontaine O livres et en partenariat avec la Mairie de Paris (DPVI) 

86 
 
Benoît Berthou préconise, en outre, la mise en place d’une coopération entre les
différents acteurs de la filière, laquelle permettrait notamment la mutualisation des
compétences (par exemple, le partage d’un comptable ou encore la négociation en commun
des achats) et la mise en place de coopérations permettant de mieux exploiter le potentiel des
outils de production.

La création d’un Cluster pourrait effectivement combler le déficit de compétences face


à l’évolution technologique en créant un pont entre des sociétés d’édition de contenus livres,
jeux vidéo, musique et cinéma, par exemple.

Dans le même esprit, la mairie de Paris ouvrira les portes du Labo de l’édition 64 , un
lieu d’incubation et d’innovation, qui a pour ambition d’aider les acteurs du livre à vivre la
transition numérique. La mairie de Paris souhaite : «soutenir des projets innovants qui
mutualisent des compétences et suscitent des convergences et liens entre les filières du livre,
de l’édition et du marché numérique».

Section 2 : Des outils au service d’une stratégie


multisupport
L’usage des tablettes et des readers étant appelé à se généraliser, l’éditeur va devenir à
terme, non pas éditeur de livres, mais un éditeur de contenu. Il devra définir à la fois le
contenu et le support le plus adéquat pour le rendre accessible aux lecteurs. Ce contenu
pouvant être multisupport, il est indispensable d’adapter la production, afin de la rendre la
moins onéreuse possible.

Aujourd’hui, force est de constater que nombre de maisons d’édition réalisent cette
production de façon artisanale. Elles produisent les nouveautés, puis constituent les fichiers
numériques à partir du PDF ou du livre papier. Le bon sens milite vers une modification du
process en un mode de production XML natif, celui-ci devant présenter un triple avantage :

- La publication simultanée des deux versions,


- La réduction des coûts de production,
- L’utilisation possible du flux XML pour alimenter, sans retraitement, d’autres
publications comme le site compagnon du livre, par exemple.

La maison d’édition doit donc mettre en place des outils destinés à fluidifier la
production et à l’automatiser. Cela commence d’abord par l’analyse des objectifs à moyen
terme. Ensuite, les différentes collections doivent être analysées afin de définir le niveau de
structuration qu’impose les fonctionnalités nécessaires pour publier le contenu papier et
numérique tel que défini par l’éditeur. Ce travail d’analyse servira de base pour écrire la
DTD 65 . Celle-ci devra être modulaire et comprendre par conséquent des modules communs et
des modules spécifiques. Cette DTD permettra l’export des données au format XML et leur
intégration automatique dans les gabarits de mise en page.

                                                            
64
http://www.paris.fr/accueil/accueil‐paris‐fr/le‐labo‐de‐l‐edition‐un‐nouvel‐equipement‐innovant‐de‐la‐
ville/rub_1_actu_98352_port_24329 
65
 DTD, définition de type de document, décrit un modèle de document SGML ou XML. 

87 
 
Afin de réduire les coûts amont et de gagner du temps, l’idéal serait de former les
auteurs à l’utilisation d’éditeur structuré du type XML Editor ou XMetal. En outre, il faudra
adopter de façon définitive un logiciel de mise en page permettant de traiter du XML,
Indesign CS5 étant considéré comme le plus adapté aujourd’hui.

Section 3 : Former les collaborateurs


Les évolutions liées à l’intégration du numérique en amont comme en aval de la
chaîne a ébranlé les fondements de l’édition traditionnelle en générant des difficultés
d’adaptation liées à un déficit de compétence. Pour remédier à cette situation, il est
indispensable de former les équipes appelées à produire les contenus de demain.
La formation de l’éditeur doit être double : connaître la nouvelle chaîne de production et
maîtriser les techniques de webmarketing. L’outsourcing de ces compétences ne peut être
viable. En effet, s’agissant désormais du cœur de métier, l’éditeur doit impérativement être à
même de piloter de ces deux activités.

L’éditeur étant au coeur du processus éditorial, il se doit de bien connaître le process


menant à un mode d’édition multisupport. Ainsi, il devra notamment apprendre ce qu’est un
flux XML, lire et comprendre les DTD et avoir une bonne culture générale sur l’outil de
mise en page qu’est InDesign. De même, il doit suivre très attentivement les nouvelles
opportunités qu’offre l’impression à la demande. Le Print On Demand n’est pas à négliger,
cette technique permettant de mieux gérer les stocks et d’être prudent quant au tirage initial.

De même, produire des contenus plurimedia, c’est bien, mais encore faut-il savoir les
vendre. C’est la raison pour laquelle l’éditeur doit se former pour maîtriser les nouvelles
techniques permettant de faire connaître les ouvrages et de mieux les diffuser, afin de
dialoguer efficacement avec le service marketing et commercial.

Enfin, la tendance vers une convergence des médias, marque la nécessité d’intégrer
une partie des savoir-faire de l’industrie du cinéma, des jeux vidéo et de la musique
notamment.

CHAPITRE 3 : LES EDITEURS DE LIVRES DE DEMAIN

Section 1. Ce qu’attendent les lecteurs

Sous-section 1. Les tendances


Le secteur du livre ne connaîtra sans doute pas un choc semblable au marché de
l’industrie musicale. Les français encore très attachés au papier adopteront sans doute les
nouveaux outils de l’ère numérique de façon plus graduelle. Les tablettes et les liseuses se
démocratisent, en particulier en Corée et aux Etats-Unis qui, selon une étude réalisée par Bain
et Company 66 dans le cadre des rencontres «culture, médias et économie» du Forum
d’Avignon présentée le 6 novembre 2010, devraient être adoptés par 15 à 20 % de la

                                                            
66
  Les écrits à l’heure du numérique, Bain et Company, Forum d’Avignon 2010  
http://www.forum‐avignon.org/sites/default/files/editeur/2010_Etude_Bain_FR.pdf 

88 
 
population de ces deux pays d’ici 2015. La France devrait atteindre 4% d’équipement en
2012.

50 % des personnes interrogées pourraient se décider à acheter quand le prix sera


inférieur à 200 € pour la liseuse et moins de 300 € pour les tablettes. Ces chiffres expliquent
pour une large part la réussite du Kindle sur le marché, le prix d’entrée de gamme étant fixé à
139 €. Les tablettes, quant à elles, apparaissent comme étant beaucoup trop chères.

En outre, les pratiques changent. Alors que 20 % des lecteurs se constituaient une
bibliothèque complètement gratuite et 10 % entièrement achetée sur ordinateur, ce chiffre est
de 5 % dans le premier cas et de 20 % dans le dernier quand ils font l’acquisition d’une
tablette ou d’une liseuse. Le lecteur électronique favorise le payant, sans doute en raison de la
facilité d’achat sur les librairies en ligne ; dans le cas de l’Applestore, il suffit de deux clics
pour être débité. L’ebook ne devrait pas remplacer complètement à moyen terme le papier. En
effet, 41 % des personnes interrogées déclarent qu’elles ne peuvent pas se passer de
l’expérience papier.

Le prix n’est pas le seul catalyseur d’adoption de l’ebook (40 % des personnes
interrogées), puisqu’il entre en troisième position. Le premier critère étant la facilité d’achat et
le second la portabilité de la bibliothèque sur un seul support.

89 
 
Bain et Company, 2010

En outre, les lecteurs actuels d’ebooks sont surtout des lecteurs de livres de littérature
générale appartenant au fonds pour 43 %, des nouveautés pour 30 % et des livres illustrés
pour 23 %. La littérature générale est surreprésentée, ceci en raison, sans doute, des
fonctionnalités des liseuses, dont l’encre est uniquement noire. Le développement d’appareils
traitant les couleurs et permettant une lecture sans fatigue oculaire devrait permettre
d’accroître l’intérêt pour le livre illustré.

Enfin, les lecteurs considèrent que le prix d’un livre numérique doit être inférieur de
36 % pour les nouveautés et de 40 % pour les livres plus anciens.

Sous-section 2 : comparaison des modes de lecture sur


Smartphones, tablettes et ordinateurs
La manière de lire change selon le support. Une étude 67 , qui n’a rien de représentatif,
montre néanmoins certaines tendances. Ainsi, on constate sur Iphone des pics d’activité à
certains moments de la journée : le matin au petit-déjeuner, au début de la matinée, à la fin de
la journée, à 20 heures et au moment du coucher.

                                                            
67
 http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2011/01/13/quelle‐influence‐ont‐nos‐supports‐de‐lecture‐sur‐le‐moment‐
ou‐on‐lit/ 
 

90 
 
Blog, La Feuille

Hubert Guillaud, rédacteur du blog «La Feuille», note ainsi que «l’iPhone permet de
faire de la lecture interstitielle, dans les moments de vides, moments de transports, de
déplacements... » La lecture sur smartphones est bien liée principalement à la mobilité.

Pour les utilisateurs d’un iPad, l’usage est différent. Ainsi, on peut observer un pic en
tout début de matinée et une utilisation croissante en début de soirée à partir de 19 h.

Blog La Feuille

De même, si l’on compare l’usage des utilisateurs qui possèdent à la fois un ordinateur
et un iPad avec ceux qui ne possèdent que le premier, on peut constater que les possesseurs
d’iPad lisent sur ordinateur pendant les heures de bureau de 10 h à 14 h, et qu’ils se tournent
vers l’iPad en fin de journée. Alors que le deuxième groupe fait un usage important de
l’ordinateur tout au long de la journée.

91 
 
Blog, La feuille

On peut ainsi en déduire que la tablette d’Apple est lié à un usage de détente et de
confort. Hubert Guillaud conclut sur ces mots : «Les gens ont certainement tendance à vouloir
trouver un moment et un support plus confortable pour consommer du contenu que devant
leurs écrans d’ordinateur. Visiblement, l’iPad conduit à un changement de consommation du
contenu. On passe de la contrainte de lire, de s’accrocher aux flux, au plaisir. On passe du
fauteuil de bureau au canapé du salon ou au lit.»

Section 2 : Les pratiques des digital natives


Le rapport 2010 68 sur la lecture des enfants et de la famille écrit par le groupe
Harrison et l’institut Scholastif, bien que réalisé aux Etats-Unis, fournit des résultats
intéressants qui pourront alimenter la réflexion pour des développements éditoriaux futurs.

Les parents pensent que le temps passé par leurs enfants sur des supports numériques a
des effets sur leur vie.

                                                            
68
 2010 Kids et Family reading report : turning the page in the digital age, Harrison Group 
http://dayspringag.org/files/Fall2010/2010_KFRR.pdf 
 

92 
 
Harrison Group 2010
Plus les enfants sont âgés et plus le temps passé sur des supports électroniques
augmente au détriment de celui occupé à la lecture.

Harrison Group 2010

La télévision, tous les âges confondus, constitue le premier loisir, à l’exception de la


tranche des plus de 15 ans. La lecture constitue la seconde activité pour la tranche des 6-11
ans et passe en dernière position à partir de 12 ans.

Les parents sont majoritairement inquiets de l’impact du numérique sur le temps que
leurs enfants consacrent à la lecture, 56 % en moyenne. En outre, si les parents devaient
supprimer un appareil électronique à leurs enfants pendant une à deux semaines, ils répondent
majoritairement la télévision, les jeux vidéo et les téléphones portables. Toutefois, les
réponses diffèrent selon le sexe et l’âge des enfants.

93 
 
Harrison Group 2010
La plupart des enfants de 9 à 17 ans ont une définition plus large que leurs parents de
ce qu’est la lecture, 28 % pensent que lire des commentaires sur Facebook est une activité
apparentée à la lecture.

.
Harrison Group 2010

En dix ans, la lecture de livres a diminué chez les jeunes parmi lesquels on note une
réduction du rythme de lecture et du nombre de gros lecteurs.

94 
 
Toutes ces tendances sont intéressantes à analyser pour les éditeurs de livres, et en
particulier, du secteur scolaire et parascolaire. Nous savons désormais en effet que les jeunes
adoptent d’autres formes de pensée 69 , en privilégiant les accès au savoir et les approches
aléatoires 70 , par le biais des liens hypertextes notamment. Ils éprouvent des difficultés avec
l’enseignement académique, en particulier le raisonnement démonstratif progressif 71 . Le
digital native est un impatient pour lequel tout doit aller vite. Il recherche la satisfaction d’un
plaisir immédiat et des récompenses fréquentes. Ce que montrent les études, c’est que pour
exploiter ces nouvelles structures mentales, il faut aménager, sinon abandonner la pédagogie
traditionnelle où seul l’enseignant s’exprime et les élèves restent passifs, sauf très rares
exceptions. Le jeune, désormais doté d’un cerveau hypertexte et d’une aptitude au
fonctionnement multitâches, attend plus d’autonomie, d’interactivité et que soit privilégié le
travail en réseau ou en groupe. Certains auteurs plaident pour l’utilisation du jeu sérieux 72 à
des fins pédagogiques. Ces attentes peuvent trouver à être satisfaites par le développement de
produits plus adaptés dans l’édition scolaire et parascolaire. Ceci ne pourra se faire néanmoins
sans les enseignants. Les éditeurs ne pourront faire évoluer seuls les manières de concevoir
des manuels numériques, ils doivent le faire au côté des enseignants qui doivent eux-mêmes
révolutionner l’apprentissage et la transmission du savoir auprès des digital natives, en
remettant en question les méthodes traditionnelles de pédagogie.

                                                            
69
 Marc Prensky, Digital natives, digital immigrants, 2001, www.marcprensky.com 
70
 Born Digital, John Palfrey et Urs Gasser, Basic Books, 2008 
71
 Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures, Sylvie Octobre, 
DEPS, janvier 2009 
 
72
 http://henryjenkis.org 

95 
 
Section 3 : Le rôle de l’éditeur

Sous-section 1. Les moyens de trouver et d’organiser


l’information
La révolution numérique ne bouleverse pas seulement les relations entre les différents
acteurs de la chaîne, elle donne les moyens à tous, grâce à la démocratisation des outils de
production et de distribution, de publier. C’est l’avènement de la génération nobody. La star
peut être vous, quelque soit vos talents et vos qualités morales. A l’instar des émissions de
téléréalité qui donnent l’opportunité à «la fille du coin de la rue» de devenir célèbre, la
digitalisation de la société donne à tous les moyens de se faire connaître auprès du monde. Le
web 2.0 est l’outil de scénarisation de monsieur personne. Il annonce sur Facebook
qu’actuellement il est dans le train, rend public les photos de son chien sur Flickr et dépose
sur Youtube la vidéo d’une soirée trop arrosée. Lui aussi peut devenir une star, il peut enfin
exister aux yeux de tous et les plates-formes de partage de contenus lui en donnent
l’opportunité.

Par conséquent, le public est noyé d’informations de qualités diverses. Chris


Anderson, dans son célèbre ouvrage « La longue traîne » 73 définit deux règles : Make
everything available (rendre tout disponible) et Help me find it (aidez moi à le trouver). Cette
surproduction induite renverse la relation entre l’offre et la demande, modifiant ainsi ce qui
est à la base de l’économie de marché, la rareté. La surabondance d’offre de biens
informationnels rend la demande rare, et par conséquent sa valeur, conduisant les éditeurs à
s’interroger sur la question de savoir si l’ensemble des contenus ne finiront pas à terme par
devenir gratuits. Tendance induite par le web, mais modérée avec l’explosion du marché des
applications.

La profusion de contenu oblige les éditeurs à mettre en œuvre des stratégies marketing
destinées à capter l’attention de la cible et devrait ouvrir la voie à la création de sociétés qui
mettraient à disposition du public des outils permettant de faire la part des informations
pertinentes et non pertinentes. Google répond en partie à cette problématique en «vendant de
l’attention» aux éditeurs et en permettant aux consommateurs d’accéder au contenu en
fonction de sa pertinence. Toutefois, les moteurs de recherche tels que nous les connaissons
ne suffisent pas à satisfaire ce besoin. Il est, par exemple, très difficile de s’y retrouver dans le
capharnaüm des applications distribuées sur l’Apple Store. Certains éditeurs s’organisent,
comme Hachette , en créant avec Myboox un réseau communautaire jouant le rôle de
prescripteur, mais aussi en développant un module «My boox affinité» - ayant pour base line
«j’ai rencontré un livre»- qui, en fonction de la typologie de l’internaute, fournit des conseils
de lecture.

Sous-section 2 : Le devenir de l’éditeur


On peut se poser aujourd’hui la question, à l’instar de Matt Shatz - Directeur de la
stratégie pour les contenus chez Nokia - : «Les auteurs ont-ils encore réellement besoin des
éditeurs ?»

                                                            
73
 La longue traîne : la nouvelle économie est là, Chris Anderson, Pearson, avril 2009 

96 
 
Matt Shatz affirme que le rôle de l’éditeur est affecté par ce qui hier faisait sa valeur ajoutée :
la coordination de la fabrication du livre papier ou ses relations avec les libraires, n’a plus
d’intérêt dans l’ère numérique. Il y a, dit l’auteur de cet article, quelques signes avant-
coureurs de l’érosion de la position dominante des éditeurs. Ainsi, l’éditeur Random House
annonçait récemment qu’il souhaitait sous-louer 30 % de la surface de son siège social à
Manhattan. De même, Seth Godin, ancien responsable du marketing chez Yahoo et auteur de
plusieurs livres à succès, a passé un accord avec Amazon pour vendre ses livres en direct.

Cette bataille qui consiste à devenir l’intermédiaire principal entre l’auteur et les
lecteurs est composée de trois acteurs : agents, éditeurs et distributeurs. Les agents ont certes
une relation privilégiée avec les auteurs, mais ne possèdent pas l’infrastructure pour mettre en
oeuvre une politique commerciale et marketing satisfaisante. Matt Shatz estime que les mieux
placés sont les distributeurs parce qu’ils sont directement en contact avec le consommateur et
peuvent déployer de façon efficace des outils de marketing relationnel, ce qui n’est pas le cas
de l’éditeur. L’analyste Marianne Wolk estime qu’Amazon, Apple et Google vendent en
cumulé aujourd’hui 40 à 50 % des livres électroniques. L’enjeu est donc de casser cet
oligopole à trois têtes, afin d’éviter que ces acteurs dictent les lois du marché.

Matt Shatz pense qu’il est temps pour les éditeurs de chercher à recréer dans le monde
numérique les forces qu’ils avaient en marketing traditionnel, afin que les auteurs soient
convaincus que passer par une maison d’édition permet d’atteindre la plus large audience et
de vendre plus de livres. L’éditeur dispose pourtant d’un avantage considérable, c’est la
maîtrise des métadonnées. Ainsi, il est bien placé pour fournir les informations permettant
d’optimiser la recherche d’un internaute sur un livre en particulier . Ces données pourraient
aller très loin, l’éditeur pourrait ainsi renseigner le style, le ton, le caractère pratique,
l’épaisseur des personnages, la maîtrise du suspens. Faire donc son métier, trier l’information,
l’organiser et orienter le lecteur vers le livre qu’il attend.

Ce qui va faire la force des éditeurs de demain, c’est la capacité de vendre livres papier
et numérique, en démontrant qu’avec lui l’auteur s’enrichit beaucoup plus qu’avec les plates-
formes. C’est plus son aptitude à vendre et à organiser les métadonnées que l’art de corriger la
copie qui lui permettront de demeurer au cœur de la chaîne du livre.

Enfin, les éditeurs qui parviendront à animer des communautés auront un avantage
concurrentiel considérable. Les maisons d’édition dans le domaine du voyage l’ont bien
compris. C’est le cas de Lonely Planet qui propose sur son site aux internautes voyageurs de
nombreuses fonctionnalités : catalogue des publications, réservation de chambres d’hôtel, de
voitures, billets d’avion, des conseils au voyageur, la possibilité de contracter une assurance
voyage... L’éditeur répond ainsi à l’ensemble des besoins d’un internaute intéressé par une
destination. Il renforce, en outre, sa relation avec les lecteurs par le biais des forums de
voyageurs et de plusieurs blogs. C’est cette compétence d’animation et de développement
d’une communauté qui rend Lonely Planet difficile à concurrencer par des plates-formes
comme Amazon ou Apple. Dans ce cas précis, les distributeurs seraient plutôt des alliés
pour assurer le développement des sociétés d’édition, que des concurrents.

Cette politique nécessite néanmoins des investissements. En effet, l’utilisation de


technologies interactives et la mise en place d’une politique d’animation nécessitent un
budget considérable qui peut être difficilement dégagé par les éditeurs de petite et moyenne
taille. Des alliances et des partenariats avec des sites animant des communautés pourraient
constituer une solution. Dans le domaine du voyage, en dehors des éditeurs Lonely Planet et

97 
 
le Routard, il existe des sites animant des communautés, qui ne développent pas de produits
éditoriaux du type livres. C’est le cas de VoyageForum.com, un site francophone qui compte
près de 700 000 membres ou encore de Tripadvisor. Les éditeurs de voyage sont néanmoins
concurrencés par des sites communautaires qui tentent de développer des produits apparentés
aux livres pour monétiser leur site. Citons, par exemple, Cityscouter qui produit des
applications sur iPhone et iPad ou encore Newyorknetguide.com qui édite un livre papier sur
le shopping à New-York.

Sous-section 3 : Développer ou non des produits numériques


La réponse est positive si le marché est suffisamment équipé. La vraie question est la
suivante : quels sont les facteurs qui favoriseront le basculement du marché en faveur du
numérique ? On peut citer comme facteurs :
- Un support mobile connecté, ayant une taille d’écran suffisante pour faciliter la
lecture. De même, la lecture sur un écran LCD étant fatigante, la possibilité de
produire une encre électronique couleur de qualité devrait avoir une incidence ;
- Le support de lecture doit proposer des fonctionnalités d’interactivité et intégrer le son
et la vidéo ;
- La liseuse intègre des fonctionnalités de lecture sociale ;
- Les téléchargements doivent être rapides et faciles ;
- L’indexation doit être performante afin que le lecteur trouve aisément le titre qu’il
recherche ;
- La lecture doit être possible à tout moment, partout et sur n’importe quel support ;
- Le prix de l’ouvrage numérique doit être bien inférieur à l’ouvrage papier, dans l’idéal
moins de 40% ;
- Les plates-formes doivent proposer un catalogue riche ;
- Le lecteur doit pouvoir feuilleter le produit en ligne ;
- Le lecteur doit pouvoir consulter le produit chez un libraire qui pourra jouer son rôle
de conseil. Il le téléchargera ensuite sur une borne ou via un lien qui lui sera adressé
sur son mobile ou par mail.

Des secteurs entiers pourront à terme basculer en grande partie dans le numérique, il
s’agit des livres qui nécessitent une mise à jour fréquente ou qui sont destinés principalement
à la consultation : les dictionnaires, les encyclopédies, les ouvrages pratiques, les livres
juridiques et scientifiques. En revanche, dans le cas des romans qui nécessitent une lecture
immersive, nombre de lecteurs continueront à lire encore durant de nombreuses années sur
papier. Les seules fonctionnalités sociales et d’annotations, n’étant pas, à mon sens
suffisantes, pour supprimer entièrement le livre broché.

Section 4 : Les nouvelles formes d’édition


Sous-section 1. L’autopublication
La révolution numérique met désormais les outils de production du livre à portée des
auteurs, si bien qu’ils s’interrogent sur l’utilité des éditeurs. En outre, les maisons d’édition ne
les ont pas convaincus de leur capacité à savoir vendre le livre numérique, ni même le livre
papier, mieux qu’ils ne pourraient le faire eux-mêmes, vu la difficulté à mettre en place un
plan de promotion efficace pour ces supports liée à la politique du statu quo sur la répartition
de la valeur, les auteurs sont tentés d’aller voir ailleurs. Les cas sont de moins en moins isolés,

98 
 
on peut ainsi citer tout d’abord les ayants-droits de William Styron qui ont confié la gestion
de leurs droits numériques à Open Road Integrated Media qu’ils jugeaient plus apte que
Random House à vendre les titres au format numérique, leur permettant ainsi d’être mieux
rétribués (50 % de droits d’auteurs). Citons encore cette jeune écrivaine du Minnesota,
Amanda Hocking, qui, en déposant simplement son fichier numérique sur le Kindle store,
vend près de 100 000 livres par mois et est devenue millionnaire. Soyons clair, elle est loin
d’être un amateur : ses livres possèdent une maquette attrayante, elle anime un blog, manie les
réseaux sociaux comme personne et a créé un trailer pour présenter sa trilogie.

Amazon vient de rebaptiser l’outil de publication des auteurs Kindle Digital


Publishing, mettant ainsi l’accent sur le fait qu’il s’agit bien d’une plate-forme de publication
ouvert à tous. En outre, les auteurs peuvent légitiment être intéressés par le montant des droits
reversés qui sont de 70 %, alors qu’en France pour une édition papier, ils sont en moyenne de
8 à 10 %. Le cyberlibraire de Seattle n’est pas le seul sur ce créneau, les gros libraires
numériques proposent tous ce service, c’est le cas de Barnes and Noble (fabricant du Nook) et
de sa plate-forme d’autoédition nommée Pubit, mais aussi d’ Apple sur son Ibookstore.

Toutefois, la jeune auteure Amanda Hocking prouve que déposer un fichier ne suffit
pas, encore faut-il être capable d’aider à capter l’attention, afin de le vendre. L’expérience
mitigée de Stephen King 74 montre que la notoriété ne suffisait pas à vendre en
autopublication la version numérique de ses livres, sans un marketing efficace.

Ces plates-formes d’autopublication proposeront sans doute à terme la réalisation


d’actions de marketing pour le compte des auteurs. Ainsi, le libraire numérique français,
également éditeur, Feedboox qui met sa plate-forme de publication au service des auteurs
souhaitant être publiés sans éditeur, fournit aux auteurs des conseils afin d’accroître leur
visibilité :
- ouvrir une page facebook et l’animer,
- tweeter,
- communiquer sur les forums et les blogs.

Ce développement de l’autopublication va sans doute faire émerger deux types de


services : d’une part, des sociétés qui mettront en forme le texte (réécriture, modification de la
hiérarchie du texte, corrections orthographiques et typographiques, ainsi que la réalisation
d’une mise en page attrayante) ; d’autre part, des sociétés qui se chargeront de promouvoir
l’auteur numérique proposant ainsi des prestations en marketing et communication
(réalisation du service de presse, par exemple).

Un autre phénomène qui s’apparente à l’autoédition, est celui de la personnalisation du


livre. Désormais pour un coût modique, le consommateur peut faire fabriquer son livre
personnalisé, à l’occasion d’évènements comme une naissance, un mariage ou une Bar Mitza,
par exemple. Il achète ainsi un ou plusieurs exemplaires de livres photos.

                                                            
74
 Stephen King a mis en ligne sur son site, en mars 2000, la nouvelle « The Plant ». Il a par la suite arrêté 
l’expérience en novembre 2000, pour la reprendre en 2001,  considérant que la vente en ligne de chapitres 
s’avérait rentable dans la durée. Ainsi, il déclarait : "Mes amis, nous avons la chance de devenir le pire 
cauchemar de la Grande Edition". 

99 
 
Production de livres aux Etats-Unis

Booker reports 2009

Sur le marché américain, souvent précurseur dans les tendances, on peut constater
qu’en 2002, l’édition professionnelle était majoritaire avec 215 000 titres différents et 32 000
titres à la demande. En 2008, le marché bascule en faveur de l’édition personnalisée, pour
prendre largement le dessus. Le marché a donc profondément changé. Les titres publiés par
des éditeurs étant désormais inférieurs en nombre par rapport aux titres publiés à la demande,
laissant la première place à des sociétés proposant des prestations d’autoédition. C’est ainsi
que Kelly Gallagher de l’institut Booker déclarait que les premiers éditeurs sont aujourd’hui
BiblioBazaar (275 000 titres), Books LLC et Kessinger Publishing LLC, spécialisés dans
l’autopublication.

Les plates-formes de financement de projets forment également une concurrence d’un


genre nouveau. Kickstarter permet ainsi à des auteurs de trouver les fonds pour se faire
publier et met à leur disposition des widgets qui les aident à promouvoir leurs créations sur les
réseaux sociaux.

100 
 
Le financeur reçoit en contrepartie des cadeaux et non de l’argent contrairement à My
major company books qui propose également de financer des projets, mais avec pour
contrepartie l’intéressement au profit. Ce site a été toutefois très critiqué. Une sélection est
réalisée en amont par XO, l’éditeur qui se chargera de diffuser le livre. Ce qui a fait dire à
certains, que cette maison d’édition avait trouvé un bon moyen de générer des profits sans
mise de fonds initiale. Ces plates-formes pourront devenir concurrentes des éditeurs quand
elles mettront à disposition des auteurs des outils de promotion pour donner toutes les chances
aux livres.

Autre exemple d’autopublication : les coopératives d’auteurs. Publie.net, par exemple,


dirigé par le flamboyant François Bon, en est le porte drapeau. Les revenus sont ici partagés à
part égale entre auteurs et éditeurs. Les livres diffusés sont uniquement numériques et
peuvent être achetés à l’unité ou par abonnement. Ce site est très dynamique et semble mettre
en place une politique de promotion des livres efficace.

Enfin, citons les blogs d’auteurs qui déposent, généralement gratuitement sur leur site,
le fichier PDF d’un livre qui n’a jamais été publié dans les circuits traditionnels. L’objectif
étant d’accroître leur réputation et non pas leurs revenus. Ce système est certes peu coûteux,
mais sa portée est limitée. En effet, multiplier la présence d’un produit sur différents canaux
(livre papier, livre numérique et application, par exemple) en procédant à une promotion
efficace donne plus de chance au contenu et accroît par conséquent la notoriété de l’auteur.

Sous-section 2. « A book is a place » : la lecture sociale


Ce titre repris de l’intervention de Bob Stein, directeur de l’Institute for the future of
book, au Tools of Change for Publishing en 2009 dévoile une nouvelle définition du livre en
le définissant comme tel : « A book is a place where readers – and sometimes authors-
congregate ».
Le web 2.0 met en contact les gens. Le lecteur peut désormais communiquer en temps réel
avec d’autres ou tout simplement avec des amis, faisant partager ainsi ses lectures. Kevin
Rose, patron de Digg, l’a bien compris à travers ce petit cours posté sur Youtube 75 destiné à
Jeff Bezos et Steve Jobs. En un mot, il leur explique ce que veulent les lecteurs et ce que doit
être le livre de demain, les enjoignant de fabriquer des liseuses adaptées aux besoins. Ces
enseignements sont de plusieurs ordres :

                                                            
75
 http://www.youtube.com/watch?v=odQfE48wM_M&feature=player_embedded 

101 
 
1° Information sur les personnages
Cette fonctionnalité est essentielle pour Kevin Rose. Le lecteur pourra obtenir ainsi des
informations sur les personnages quelque soit l’endroit du livre où il se trouve, ces
informations évolueront en fonction de la progression dans le récit.

2° Le partage de commentaires
Le partage sur les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter aujourd’hui possible, est
insuffisant. Il préconise d’enrichir cette fonction, afin que le lecteur puisse choisir ceux à qui
il souhaite adresser ses annotations. Il peut s’agir de commentaires ou de passages surlignés,
par exemple.

3° Prêter un livre à un ami


Le vœu de Kevin Rose a été exaucé puisque cette fonctionnalité est désormais possible sur
Kindle. Toutefois, il va plus loin, en souhaitant savoir où chacun en est de la lecture, de lire en
même temps les mêmes passages et de pouvoir chatter en temps réel, créant ainsi un club de
lecture des temps nouveaux.

4° Fournir des statistiques de lecture


Ces informations mettraient fin au reproche couramment exprimé par les lecteurs, l’absence
d’informations relatives au nombre de pages lues et restant à lire. Il suggère aussi d’intégrer
un outil permettant de connaître la vitesse moyenne de lecture et le temps restant.

102 
 
5° Ouvrir le livre sur l’extérieur
Donner la possibilité au lecteur d’obtenir des informations complémentaires en accédant à un
dictionnaire, une encyclopédie en ligne, des compléments vidéo ou audio, par exemple.

The Internet Archive 2010

La société de consulting Ideo 76 a montré dans une courte vidéo ce que pourrait être le
livre de demain en montrant les fonctionnalités possibles en fonction de la typologie du
lecteur. Le personnage « Copland » illustre l’usage en entreprise qui pourrait être fait, comme
le partage et le transfert des connaissances, mais aussi des recommandations de lecture sur des
problématiques précises. Pour « Nelson », c’est la lecture enrichie avec des informations liées
au contenu qui est à l’honneur, enrichissement auquel participera la communauté par des
débats ou des discussions.

Le livre de demain, nous fera donc sortir du livre, étendant ces ramifications à l’infini.
La lecture sociale est sans doute la fonctionnalité qui révolutionnera le plus le livre. Ces
applications sont infinies. Des groupes dont les membres interagissent entre eux pourront se
réunir autour de contenu, c’est là notamment une piste intéressante pour les éditeurs de
manuels scolaires ; de la même façon, il sera possible d’engager une conversation en marge,
ce mot prenant ainsi un double sens – à côté du discours, et physiquement dans la partie
blanche des pages- créant ainsi un dialogue ininterrompu entre chercheurs ou enseignants et
élèves.

Des outils se créent pour organiser cette fonctionnalité. Le réseau social de lecture
Goodreads, par exemple, qui compte 4 millions de contributeurs, met en commun plus d’un
million de commentaires disponibles sur de nombreuses plates-formes. De même, le
lancement prochain d’un système de lecture sociale nommé Readsocial API qui permettra aux
lecteurs de mettre en commun des commentaires à partir de n’importe quel support et quelque

                                                            
76
 http://vimeo.com/15142335 
 

103 
 
soit le logiciel de lecture. Ainsi un lecteur sur iPad pourra échanger des informations avec
l’utilisateur d’un Kindle ou d’un téléphone ayant pour système d’exploitation Androïd.

Cette socialisation là se rencontre aussi dans l’écriture, dont le blog en est le


paradigme. Endroit désormais de toutes les conversations où blogueurs et lecteurs débattent
au sein d’un vaste espace composé de la blogosphère en perpétuels échanges grâce aux
rétroliens. Cette collaboration de la construction d’un discours se réalise aussi au sein des
encyclopédies libres. Profitant des technologies de partage, les ateliers d’écriture se sont
installés sur le web . Ils peuvent prendre des formes diverses de la conception d’écrit par mail,
à la rédaction guidée destinée à des élèves, en passant par la conception d’un texte
collaboratif.

C’est la fonction sociale qui fait toute la force de l’édition numérique et l’attachement
quasi addictif de certains. L’intégration de ces fonctionnalités dans les nouveaux produits est
un point important pour en assurer le succès commercial. L’éditeur pourrait trouver sa place
en aidant les auteurs à devenir, comme le prédit Bob Stein, les chefs de files de communauté
de réflexion lorsqu’il s’agit d’essais ou d’études ou les créateurs de mondes imaginaires
quand il s’agit de romans : « Authors become leaders of communities of inquiry (non-fiction)
or creators of worlds that readers populate (fiction) ».

Sous-section 3. L’édition sans auteur

Ce scénario décrit par James Thomas Farrel en 1958 est-il seulement envisageable ? Il
y a plus de 50 ans, une nouvelle intitulée « A benefactor of humanity » 77 , décrit l’ascension
d’Ignatius Bulganov Worthington qui pour répondre à la question d’une jeune employée
d’une maison d’édition : « Pourquoi faut-il donc qu’il y ait des auteurs ? » invente une
nouvelle technologie permettant de supprimer les auteurs grâce à l’invention d’une nouvelle
technologie la Worthy, Worthington, Writing. JT Farell écrit ainsi : « Et il inventa la machine
qui révolutionna la vie de l’humanité : il inventa la Worthy Worthington Writing machine
(WWW) » (Notons à cet égard que l’auteur avait, bien avant l’émergence du web, baptisé sa
machine WWW… Simple coïncidence ?). Une machine extraordinaire, qui non seulement
supprime les auteurs, mais ne produit plus de livre immoral ou simplement triste. Une
machine qui écrit des ouvrages au contenu « pleins de joie et d’espoir ». Une machine, digne
ascendant de la firme Google, laquelle prône la philosophie : « Don’t be evil », ou encore
d’Apple qui entend contrôler les contenus immoraux. L’auteur développe dans cette nouvelle
l’idée que les livres peuvent être produits sans qu’on puisse les attribuer à un auteur. La
situation est-elle si différente aujourd’hui ? Plus vraiment. Philip M. Parker 78 a créé la
Worthy, Worthington, Writing, à partir du web justement.

Ce professeur de l’INSEAD, qui a déjà à son actif plus d’une dizaine de milliers de
livres, a construit une machine capable d’écrire automatiquement des études, des
                                                            
77
 La version française traduite par Thierry Quinquetton  figure dans la Revue Esprit éditée en mai 2010, sous le 
titre plein d’ironie : un bienfaiteur de l’humanité 
http://www.esprit.presse.fr/archive/review/article.php?code=35636 
78
 http://www.neatorama.com/2010/10/05/how‐to‐write‐85000‐books/ ; 
http://www.youtube.com/watch?v=SkS5PkHQphY&feature=player_embedded 
 

104 
 
bibliographies, des dictionnaires ou des guides à partir de données reprises du web. Il suffit
d’entrer dans le logiciel certaines données telles que le domaine de l’étude, le sujet ou le pays
et dix minutes à deux heures plus tard, à partir de sources fiables, le robot produit des
informations parfaitement ordonnées, référencées, indexées comprenant graphiques et
tableaux. Le créateur ne s’arrête pas là puisqu’il travaille sur des projets de programmes
télévisés et des jeux vidéo éducatifs qui seront produits automatiquement. Cette expérience
n’est toutefois pas nouvelle puisqu’une entreprise aux Etats-Unis automatise les histoires
relatives au sport, de même que Thomson Reuters le fait pour l’histoire de la finance. En
outre, le site Qwiki propose une compilation intelligente du web sur un thème donné en
scénarisant l’information par l’agrégation de vidéos, de photos, notamment.

Toutefois, l’usage que laisse présager l’invention de Parker est très intéressant,
puisque la machine est susceptible de produire des sujets très pointus qui ne peuvent
intéresser qu’un nombre infime de personnes, comme par exemple, « The 2007-2012 Outlook
for Chinese Prawn Crackers in Japan ». Certes, il s’agit d’un titre improbable, mais ce qui est
extraordinaire, c’est que la machine est capable de produire un livre qui n’intéresse que vous,
un livre seulement écrit pour vous.

La créature de Frankenstein fera-t-elle disparaître les auteurs ? Je ne le pense pas, tout


au moins à moyen terme, puisque ces données sont exportées à partir de ce qui a déjà été écrit
sur le web. Le monde aura encore très longtemps besoin de personnes capables d’analyser des
données et non pas seulement de les compiler. Toutefois, la machine du Professeur Parker
ouvre des perspectives de développement intéressantes.

Sous-section 4 : Le Storytelling et les nouvelles formes d’écriture

Avec les nouveaux supports, de nouvelles formes de narration émergent. En effet, la


transmission du savoir, du discours ou tout simplement de l’histoire se matérialise
différemment en fonction du média. Les histoires ne peuvent être en effet racontées de façon
semblable au théâtre, au cinéma ou dans les webdocumentaires, par exemple.

Paragraphe 1 : Storytelling

La structuration de la narration se modifie radicalement sur les nouveaux médias,


l’enjeu étant de trouver une forme adaptée. L’interactivité est une fonctionnalité qui permet de
raconter autrement. Les expériences se multiplient, comme celle d’HBO Imagine 79 , qui
propose de suivre la trame de l’histoire par fragments sur un immense écran noir, sur lequel
sont disposées des images. C’est à l’internaute de reconstituer le fil du récit, en associant les
différents éléments les uns aux autres.

                                                            
79
 http://www.hboimagine.com 

105 
 
 
Une expérience semblable a été menée dans le domaine littéraire. Le livre de Stephen
Fry intitulé The Fry Chronicles 80 a été découpé de manière à permettre une lecture non
linéaire sur une application interactive et de naviguer dans l’ouvrage au fil de ses envies, le
lecteur étant libre de créer sa propre structure narrative. Une sorte de balade à travers le
contenu est proposée au lecteur grâce aux différentes options proposées : mots clefs, tags,
catégories de couleur identifiant les thèmes (sentiments, personnages, questions, par
exemple). La rosace, véritable fil conducteur, est fragmentée de barres qui constituent autant
de sections du texte.

Parlons aussi de ce webdocumentaire réalisé par Karine Lebrun, une artiste


plasticienne, qui engage une conversation autour de 13 mots 81 avec l’écrivaine Christine
Lapostolle. Sorte de face à face, écriture chorale et littéraire, où les deux femmes se répondent
dans deux vidéos à l’écran partagé. Expérience artistique inédite qui nous amène vers de
nouveaux champs du possible.

                                                            
80
 http://www.youtube.com/watch?v=kxLpMMzXVCk&feature=player_embedded 
 
81
 http://www.13mots.com/#/1/13_mots 

106 
 
Sommes-nous toujours dans le livre ? Non, probablement pas. Avec les nouveaux
supports, le métier de l’éditeur évolue : un peu producteur de film, un peu metteur en scène,
un peu metteur en écran, mais toujours coordinateur de projets. Désormais, éditeur de
contenus quelque soit le support, et non plus de livres, sa culture métier deviendra au fil des
années transmedia, c’est le gage de sa survie.

Paragraphe 2 : Les nouvelles formes d’écriture

Sous-paragraphe 1. les blogs

Citons encore une fois les blogs. Il s’agit ici de l’écriture d’un texte littéraire sous une forme
inédite. Le site d’Eric Chevillard 82 constitue en cela un exemple intéressant. L’auteur livre à
ses lecteurs, selon ses propos, une « chronique nerveuse ou énervée d'une vie dans la tension
particulière de chaque jour ».

Il s’agit bien d’un texte littéraire ayant investi le champ de l’écran : jour après jour,
l’auteur nous livre au fil des pages web ses pensées.

                                                            
82
 http://l‐autofictif.over‐blog.com/ 

107 
 
Sous-paragraphe 2. La narration sur Twitter

De nouvelles expériences ont été menées également sur Twitter. Ainsi de nombreux
auteurs essayent ce nouveau genre contraignant, puisque le texte ne doit pas dépasser 140
caractères. Laurent Zavack 83 fut le tout premier à publier un Twitteroman qu’il fit ensuite
éditer sur papier. Après cette expérience, l’auteur est devenu cyberéditeur. Il propose la
reconstitution par chapitres de romans écrits via Twitter. Le site de l’éditeur se veut espace de
promotion pour tous les « twittecrivains ». L’expérience s’est ensuite propagée aux Etats-
Unis avec Matt Stewart qui, ne parvenant pas à trouver un éditeur, a publié sur Twitter en
2009 son premier roman « The French Revolution », décomposé en 3 700 tweets. Le livre a
ensuite été mis à disposition sous forme d’ebook à 1,99 $.

De même, un genre nouveau a été inventé par un auteur américain Matt Ritchel, le
Twiller, un thriller à base de tweets. Il a été suivi par Thierry Crouzet en France, avec son
livre croisade, et au Québec, par LeRoy K. May et Eric Bourdonnais, un livre à quatre mains
intitulé Buboneka 84 . Twitter est d’ailleurs le terrain d’élection des poètes, genre
particulièrement apprécié dans les pays anglophones que l’on retrouve sous le hastag
#micropoetry, redonnant une seconde vigueur aux haikus, ces poèmes en tercets d’origine
japonaise, s’adaptant parfaitement aux contraintes de concision. Le site twitterhaikus 85
reprend toutes les heures les derniers textes publiés.

Sous-paragraphe 3 : La renaissance du roman feuilleton

De même, les nouveaux médias ont fait revivre un genre oublié, celui du roman
feuilleton, genre littéraire qui fit florès au XIXe siècle et permit à un plus large public de
découvrir des auteurs tels que Honoré de Balzac ou Charles Dickens, par exemple. La forme
courte étant particulièrement bien adaptée aux smartphones, des sociétés 100 % numériques
se sont créées, comme l’éditeur Smartnovel qui a su réunir des auteurs prestigieux comme
Didier Van Cauwelaert ou Marie Despleschins. Ici aussi, l’écriture se doit d’être différente :
les phrases sont plus courtes et surtout chaque épisode doit laisser en attente de lire le second,

                                                            
83
 http://twitter.com/Laurent_ZAVACK 
 
84
 http://twitter.com/buboneka 
 
85
 http://twitterhaikus.com/ 

108 
 
afin de ménager un certain suspens. Le modèle assure une récurrence aux maisons d’édition,
puisque le lecteur souscrit un abonnement.

Alexandre Jardin se livre, avec le soutien d’Orange, à l’exercice de la rédaction d’un


feuilleton en temps réel depuis octobre 2010. Quinze ans après, l’auteur lance le pari de
donner une seconde vie au roman Fanfan 2 86 en invitant les lecteurs à poursuivre l’histoire en
temps réel. Cette expérience est non seulement une aventure écrite à plusieurs mains, mais
aussi un projet transmédia. Au programme : le récit se déroule principalement sur le site
fanfan2, complété par la rédaction des textes sur twitter et facebook.

Les lecteurs peuvent consulter les derniers textes sur leur Smartphone en téléchargeant
l’application. Une application payante, 1,59 €, permet de basculer dans l’univers des
personnages et de participer au processus créatif.

Dans le même esprit, Michel Field a lancé un polar interactif en septembre 2010 dans
le cadre de son émission « Au field de la nuit » 87 . Ingrid Desjours, auteur de polar, a proposé
un premier chapitre et a dressé le portrait de l’ensemble des personnages. Les téléspectateurs
sont invités à imaginer la suite de l’histoire. Les meilleurs chapitres sont sélectionnés par un
comité de lecture. L’expérience prendra fin en juin prochain et donnera lieu à la publication
d’un livre chez Plon, dans la collection nuit blanche.
                                                            
86
 http://www.fanfan2.fr/ 
 
87
 http://www.tf1.fr/au‐field‐de‐la‐nuit/le‐roman‐de‐l‐ete/ 

109 
 
Sous-paragraphe 4 : Les romans dont vous êtes le héros

Les nouveaux médias donnent une seconde vie aux « histoires dont vous êtes le
héros » qui invitent le lecteur à naviguer dans le livre en fonction de ses attentes et de ses
envies. Ils permettent aussi de ressusciter la littérature combinatoire de Queneau et ses Cent
mille milliards de poèmes (1960). Ainsi, le lecteur s’associe à l’auteur dans la composition de
l’histoire et interagit, devenant partie intégrante du récit. De nombreuses applications pour
Iphone et Ipad, généralement anglosaxones, ont été développées sur ce principe comme « Je
suis le héros », développé par une entreprise québécoise .

De même, la société Choose your own adventure a porté plusieurs titres sur iPhone.
Citons encore l’initiative de la société Choice of games qui a créé un script, certes plutôt
compliqué à utiliser, mais qui offre le mérite de proposer aux internautes de créer leur propre
histoire. Même idée chez Istory 88 dont l’application est disponible sur iPhone. Les sociétés
d’édition françaises semblent malheureusement absentes de l’aventure, à ce jour.

Sous-section 3. Vers des manuels scolaires numériques

Le marché du livre scolaire est le 4e secteur de l’édition Il représente 8,8 % du chiffre


d’affaires de l’édition française en 2009 et pèse 239 millions d’euros.

Infographie, le Figaro.fr, 25 août 2010

Le livre scolaire est composé de différents supports : les livres papiers, les livres
numérisés et vidéoprojetables, l’offre bimédia (livre papier et généralement livre numérisé),
les livres purement numériques, actuellement rares, et surtout des sites web mettant en ligne
du contenu collaboratif produit par des professeurs. On peut donc s’interroger sur ce que sera
le marché de demain.

                                                            
88
 http://istoryweb.appspot.com/ 
 

110 
 
Le ministère de l’Éducation nationale expérimente 89 actuellement dans douze académies
l’utilisation de manuels scolaires numériques via l’Espace Numérique de Travail (ENT) des
collèges depuis la rentrée 2009, en visant plusieurs objectifs :

- diminuer le poids du cartable de l’élève,


- proposer des ressources numériques pédagogiques innovantes,
- développer les usages des TICE en classe.

C’est à travers 69 collèges Via l’ENT que plus de 15 000 élèves et 1000 enseignants ont
été observés dans leur pratiques. Des premiers résultats pour l’année scolaire 2009-2010 ont
été analysés par l’Education nationale.

Il ressort de ce rapport plusieurs constats :

La première situation d’usage du manuel numérique est une utilisation collective ; c’est
d’ailleurs la plus appréciée. Les enseignants mettent en avant une motivation et une attention
plus importantes. En outre, 54 % des enfants déclarent être plus concentrés et 86 % des élèves
aiment quand le manuel est projeté au tableau. Les fonctionnalités les plus appréciées sont
différentes selon les disciplines.

Fonctionnalités les plus appréciées dans le manuel numérique

Discipline Fonctionnalités
Histoire et géographie L’utilisation des enrichissements : projection
de fonds de cartes et de croquis ; dans une
moindre mesure les vidéos et les animations.
Français Analyses d’images extraites du manuel
Mathématiques Projection de l’énoncé de l’exercice
permettant aux élèves de venir corriger au
tableau
Sciences de la vie et de la terre Projection d’animations et de vidéos
Langues Ecoute du texte

Les freins cités par les enseignants à l’adoption du manuel numérique sont de plusieurs
ordres :

- Il s’agit d’un manuel numérisé et non pas numérique. Il est souvent difficile d’afficher
certains contenus sélectionnés, notamment quand ils se trouvent sur une double page ;
- Certains contenus sont peu exploitables : par exemple, quand le texte est trop long ou
encore lorsque des contenus figurent sur différentes pages du manuel, il s’avère
impossible de les projeter ensemble afin de les comparer ;
- Peu de ressources multimédia sont proposées ;
- Le travail individuel en classe est difficile quand chaque élève ne possède pas un poste
informatique ;
- Manque d’accompagnement pour l’utilisation des tableaux interactifs.

                                                            
89
 http://www.educnet.education.fr/contenus/dispositifs/manuel‐numerique/evaluation‐manuel‐numerique 

111 
 
À la maison, le manuel numérique est très peu utilisé. Les raisons évoquées sont :

- Le souhait de ne pas pénaliser les enfants n’ayant pas d’accès internet à leur domicile ;
- L’absence de valeur ajoutée du livre numérique par rapport au papier ;
- Impossible d’enregistrer les résultats des exercices rédigés par les élèves.

S’agissant de l’utilisation de ce manuel dans la préparation des cours, les freins évoqués
sont principalement la difficulté de personnalisation de ce support (impossible de modifier le
contenu ou d’en intégrer d’autres).

Le rapport de synthèse de l’expérimentation précise que : « L’absence de fonctions


interactives observée dans la quasi-totalité des manuels numériques limite très fortement,
pour l’instant, leur valeur ajoutée par rapport à la version papier. »

Les éditeurs traditionnels sont néanmoins conscients du manque de fonctionnalités


interactives de ces manuels numérisés vidéoprojetables.

Ils ne semblent pas avoir pris la décision d’investir pour réaliser des manuels ambitieux
répondant pleinement aux attentes et ce, pour plusieurs raisons :

- Les sociétés d’édition appartiennent à des groupes qui souhaitent maintenir voire
augmenter les marges. L’investissement pour réaliser un ouvrage multimédia est
considérable et donc la rentabilité à court terme est donc loin d’être assurée ;
- L’équipement est aussi un frein. Pour que le manuel numérique puisse être utilisé dans
toutes ses composantes, cela nécessite d’investir dans des espaces numériques de
travail, d’installer des tableaux interactifs dans chaque classe et que tous les élèves
possèdent des postes informatiques ;
- Une partie du corps enseignant est hostile au déploiement de ces technologies. Il
faudra donc d’une part, vaincre les résistances et d’autre part, accompagner le corps
professoral afin de maîtriser les nouveaux outils.

Bien que le livre papier et le manuel numérique s’avèrent complémentaires, il est fort
probable que, dans l’avenir, seul ce dernier subsistera. Non pas en raison des attentes des
utilisateurs, mais parce qu’il s’avérera moins coûteux. Les collectivités investissent des
sommes considérables dans l’achat des livres. Ils pourront ainsi mettre les éditeurs en
concurrence et retenir celui qui leur proposera le meilleur prix pour l’accès au contenu en
ligne sous forme d’abonnement. Des pures players arrivent d’ailleurs sur ce marché, comme
le livre scolaire.fr, et seront sans doute plus enclins à proposer une tarification avantageuse.

De même, notons la concurrence de sites collaboratifs gratuits d’excellentes qualités,


comme Sésamath ou Weblettres. Cette tendance devrait se développer au fil des années.
Ainsi, des professeurs enseignant une même matière dans une école ou une académie peuvent
être tentés de s’organiser pour concevoir au sein de l’ENT un manuel pour une discipline
donnée. Celui-ci pouvant non seulement être personnalisé en fonction de l’enseignant, par
l’ajouts de ressources propres, mais ces contenus sont aussi susceptibles d’être plus adaptés au
projet pédagogique de l’établissement.

Le manuel de demain sera sans doute collaboratif et personnalisé. Cette personnalisation


pourra se faire en fonction du niveau de l’enfant par rapport à la classe, mais aussi en fonction
des centres d’intérêt d’un professeur. Les éditeurs scolaires doivent donc être plus actifs pour

112 
 
ne pas être évincés de ce nouveau marché. L’animation de communauté peut s’avérer une
porte d’entrée intéressante qui leur permettra d’entretenir un lien privilégié avec la cible et de
proposer des produits plus adaptés.

Sous-paragraphe 5 : L’explosion du marché des applications

Le marché des applications a explosé. L’Applestore enregistre une croissance globale du


nombre d’applications de + de 58 % de janvier à mai 2010.

Sans surprise, c’est Apple qui domine sur ce marché. La répartition en terme de volume étant
la suivante :

-  Iphone  : 30%, 
- Android : 23%, 
- RIM : 12%, 
- Windows mobile : 6%, 

Selon l’étude REC réalisée par GfK, plus de la moitié des applications mobiles téléchargées
concerne les contenus. De même, l’ebook réussit la percée la plus spectaculaire , en effet
l’offre de livres numériques a été multipliée par 16 dans le mois suivant le lancement de
l’Ipad. Apple déclarait le 24 janvier 2011 avoir atteint le cap de 10 milliards d’applications
téléchargées depuis le lancement de sa boutique d’applications en 2008.

Nombre d’applications disponibles sur les stores 

Magasin d’applications  Société  Nombre applications 


téléchargées 

App store  Apple  350 000 

Android Market    200 000 

App world  Research in Motion  20 000 

Market Place  Microsoft  6 200 

              Source blog bénéfice.net, 24 janvier 2011 

Une étude réalisée par l’institut de Marketing Gartner déclare que 8,2 milliards
d’applications ont été téléchargées en 2010 et prévoit que celui-ci atteindra 15 milliards en
2011 et 54 milliards en 2014. Les applications gratuites représentent 81 % des
téléchargements. Le rapport d’étude fait remarquer que « Les usagers commenceront à payer
pour plus d'applications quand ils verront l'utilité du concept, et qu'ils auront plus confiance
dans les mécanismes de paiement. » Seulement 16 % des recettes sont générées par la
publicité, elles devraient représenter près du tiers en 2014. Tous ces chiffres sont toutefois à

113 
 
retenir avec beaucoup de réserves. En effet, selon l’institut Distimo, 90 la part des applications
payantes serait de 62,2 %, Gartner l’estime quant à elle à 81 %.

Il convient de même de noter que c’est l’Androïd store qui enregistre la plus grosse
part d’applications gratuites par rapport aux payantes.

De même, le prix moyen des applications varie en fonction des Stores. Pour une
même application, le prix peut se révéler plus élevé dans une boutique (IM + For Skype est à
5$ sur Iphone et à …30 $ sur Blackberry). En raison sans doute de la typologie des clients,
bien que venant à se démocratiser, le Appworld de Blackberry affiche les prix les plus élevés
du marché (une moyenne de 8,26 dollars).

Sans surprise, c’est Apple toujours qui enregistre le taux de croissance le plus élevé en
terme de nombres d’applications : 13 % contre 3 % pour Android.

Enfin, les jeux arrivent en première position tous Stores confondus.

                                                            
90
 http://www.slideshare.net/distimo/distimo‐mobile‐world‐congress‐2010‐presentation‐mobile‐application‐
stores‐state‐of‐play 
 

114 
 
 

Les éditeurs doivent être très attentifs à ce marché en pleine croissance et produire des
applications de qualité. Il semblerait que le fort taux de gratuité des applications soit
synonyme de piètre qualité puisque le pourcentage d’utilisation unique des applications est
passé de 22 % en janvier 2010 à 28 % en décembre de la même année.

Le marché des applications est en pleine explosion et constitue une véritable


opportunité pour les éditeurs. Les éditeurs de livres, s’ils veulent se positionner sur ce marché,
vont devoir développer des compétences en gestion de projets complexes et intégrer de
nouveaux profils dans leurs équipes. De même, les nouveaux acteurs auront intérêt à
débaucher des talents venant du monde de l’édition.

En outre, le coût d’une application étant élevé, au regard des perspectives de ventes
actuelles et du budget nécessaire (30 000 euros pour une application de bonne qualité), il
convient de trouver des sources de financement. La publicité serait une manière de financer
partiellement le projet, mais rien ne dit qu’elle sera acceptée par le client quand l’application
est payante.

Enfin, avec des milliers d’applications disponibles, l’éditeur va devoir cultiver l’art de
capter l’attention par des moyens marketing et renforcer sa présence auprès des communautés
virtuelles et réelles.

115 
 
Les éditeurs anglo-saxons dans les domaines de la jeunesse et parascolaire ont investi
massivement ce secteur, en particulier sur Iphone et Ipad. Ce dernier support offre des
perspectives créatives sans précédent. Les maisons d’édition traditionnelles, comme les pures
players, ne s’y sont pas trompées. On a vu fleurir ces derniers mois au rayon des livres pour
enfants des applications aussi étonnantes que The Peddlar Lady of Gushing cross 91 passée en
tête des meilleures ventes sur iPad et Twas the Night Before Christmas. Citons également, la
jeune société française Soouat et son livre à succès « Les trois petits cochons » classé en tête
du palmarès de l’Education Apps Review.

En dépit des 370 000 IPAD vendus en France selon GfK, le potentiel est insuffisant
pour développer sur le marché national des applications ambitieuses en langue française
seulement. Le marché anglo-saxon reste bien le premier. En effet, alors que Moving Tales,
éditeur du livre animé The Peddlar Lady of Gushing cross, avait publié l’application en trois
langues (anglais, français et espagnol), sa seconde application Twas the night before
christmas, publiée quelques mois plus tard, a été développée uniquement en anglais. Les
éditeurs traditionnels français ne se positionnent que timidement sur ce marché. On peut citer
Nathan qui a publié plusieurs Apps pour les jeunes enfants à partir de 3 ans. Bien que
positionnées dans la fourchette haute des applications de ce secteur en terme de prix, elles
s’avèrent décevantes eu égard au potentiel créatif qu’offre l’iPad.

Sous-paragraphe 6 : Les plates-formes, lieu privilégié d’animation des


communautés

Les communautés sont aujourd’hui des outils de prescription. Demain, ces


communautés vont se multiplier, s’organiser et devenir de plus en plus segmentées. Les
plates-formes qui regroupent plusieurs maisons d’édition et de presse autour d’une ou
plusieurs thématiques devraient avoir de l’avenir. La cible étant homogène, il sera possible de
leur proposer un abonnement à un flux de données. Si l’on prend l’exemple de l’art
contemporain, l’amateur de sculptures pourra s’abonner à un flux qui lui permettra d’obtenir
le contenu de tous les éditeurs publiant sur ce sujet. Les contenus seront à terme agrégés à la
manière de Flipboard ou de Qwiki, mettant en valeur le fonds en accordant moins
d’importance à la marque.

Izneo, plate-forme numérique qui regroupe 80 % de l’édition francophone de bandes


dessinées numériques, a déjà franchi le pas. Ainsi trois maisons du groupe Media
Participations (Dargaud, Dupuis, Lombard), Casterman, Delcourt et Glénat se sont regroupées
pour proposer leurs produits. Les amateurs du genre peuvent de leur ordinateur ou iPad
accéder à un catalogue de plus de 2000 titres, moyennant l’achat ou la location d’un titre. Très
bientôt une formule d’abonnement leur sera proposée. La plupart des albums sont vendus 40
% moins cher qu’au format papier. Ainsi un livre de 12 € sera accessible sur la plate-forme à
4,99 €. La location est, quant à elle, facturée 1,99 €. Le deuxième pas que devra franchir Izneo
sera d’aider les lecteurs à se repérer dans le catalogue en fonction de leurs goûts et de créer un
lien plus étroit avec eux, en animant la communauté des amateurs de BD.

                                                            
91
 http://www.youtube.com/watch?v=1mfm9dwLzdU&feature=player_embedded 
 

116 
 
Conclusion

Tous les voyants sont aujourd’hui au vert pour se lancer dans l’aventure numérique, à
condition d’y être préparés. Le préalable reste donc la formation dans les domaines de la
fabrication et de la commercialisation notamment.

Les éditeurs doivent dès aujourd’hui mettre en place une chaîne de production multi-
supports qui leur permette de produire le livre papier et le contenu numérique à moindre coût.
De même, il est de leur intérêt de multiplier la présence de l’ouvrage numérique sur les
réseaux de distribution. Il n’est donc pas conseillé de conclure un contrat d’exclusivité avec
une plate-forme, mais de multiplier les canaux de vente, afin d’accroître la visibilité du livre.

L’étude insiste sur l’importance d’animer des communautés. Il peut s’agir de


partenariat ou d’un site créé par l’éditeur. Pour le secteur littéraire, l’intérêt est sans doute
moindre, en revanche, dans le cas de l’édition technique, c’est moins une opération de
branding qu’une manière de recruter et de fidéliser. Un client faisant partie d’une
communauté, aura tendance à acheter les produits de la marque animatrice de la plate-forme.
Il y a un lien manifeste à d’une part, vendre des livres pour préparer l’examen d’entrée pour
devenir avocat, et d’autre part animer un site regroupant les étudiants se préparant au barreau.

Alors qu’un français sur deux possède un Smartphone et que 370 000 iPad
circuleraient sur le territoire, il est désormais possible de travailler sur des développements
éditoriaux nouveaux. Les livres enrichis, presqu’essentiellement développés dans les pays
anglo-saxons, constituent une opportunité de croissance pour les maisons d’édition, tout
comme les applications. Les éditeurs français devraient prendre garde à ne pas trop attendre
pour se positionner sur ce marché.

Il y a donc de nombreuses opportunités pour faire du numérique un vecteur de


croissance. Toutefois, les éditeurs doivent d’ores et déjà combler leur déficit de compétences
pour dissiper les menaces qui planent sur la profession et assurer leur maintien dans la chaîne
de valeur du livre.

117 
 
Bibliographie 

 
 

• L’agent littéraire en France : réalités et perspectives, Le Motif, Juin 2010

• Apologie du livre : demain, aujourd’hui, hier, Robert Darnton, Gallimard, janvier 2011

• A benefactor of humanity, James Thomas Farell, The socialist call, 1958

• Un bienfaiteur de l’humanité, James Thomas Farell, Revue Esprit, mai 2010 (version
française)

• Born Digital, John Palfrey et Urs Gasser, Basic Books, 2008

•Une courte histoire de l’ebook, Marie Lebert, Université de Toronto, 2009


(http://www.etudes-françaises.net/dossiers/ebook.htm)

• Don’t bother me mum : i’m learning, Marc Prensky, Paragon House, février 2006

• Ebookz, Etude sur l’offre numérique illégale des livres français sur internet en 2009, le
Motif, Octobre 2009

• L’économie de la culture, Françoise Benhamou, Edition la découverte, collection repères,


février 2010

• Les écrits à l’heure du numérique, Bain et Company, Forum d’Avignon 2010


http://www.forum-avignon.org/sites/default/files/editeur/2010_Etude_Bain_FR.pdf

• L’édition électronique, Pierre Mounier et Marin Dacos, Edition la découverte, collection


repères, mars 2010

• L’édition sans éditeurs, André Schiffrin, éditions La Fabrique, mars 1999

• Teaching digital natives : Partnering for real learning, Marc Prensky, Corwin Press, Mars
2010

• The future of ideas, Lawrence Lessig, Random House, New York, 2001

• 2010 Kids et Family reading report : turning the page in the digital age, Harrison Group
http://dayspringag.org/files/Fall2010/2010_KFRR.pdf 

• Hadopi biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes


français, 23 janvier 2011 http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/HADOPI_VDef_02A4.pdf

• La lecture numérique : réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire Bélisle, Presses
de l’ENSSIB, avril 2004.
118 
 
• Le livre objet d’art, objet rare, Annie Schneider, Éditions la Martinière, 2008

•La longue traîne, Chris Anderson, Pearson Education, 2007

• Le manuel scolaire à l’heure du numérique : une « nouvelle donne » de la politique des
ressources pour l’enseignement, rapport remis au ministre de l’Education nationale, juillet
2010

• Le marché français de l’information juridique numérique en 2010, SerdaLab, mars 2010

• Le marketing du livre, promotion et outils de communication – Laurence Bascle-Parkansky


et Max Prieux – Editions du cercle de la librairie – Avril 2010

• « Les Modèles économiques du livre numérique : perspectives internationales (Canada,


États-Unis, Japon) », Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe
(Idate)/MCC/Deps, mars 2010

• Modèles économiques d’un marché naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou et


Olivia Guillon, Département des études, de la prospective et des statitstiques, Ministère de la
culture, juin 2010

• Où va le livre, Direction Jean-Yves Mollier, Edition La Dispute, avril 2007

• Du papyrus à l’hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture, Christian
Vanderdorpe, http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf

• Pour le livre, Hervé Gaymard, Gallimard, septembre 2009

• Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures,


Sylvie Octobre, DEPS, janvier 2009

• Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique, Olivier Donnat, La Découverte,
septembre 2009

• Les publics du livre numérique, IPSOS/CNL, mars 2010

• Quand Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut, Jean-Noël Jeanneney, Mille et une nuits ,
2005

• Rapport d'étude sur l'édition numérique de livres scientifiques et techniques : L'éditeur des
années 2010, Bernard Prost, 2007, Étude réalisée par QUÆ avec le soutien du Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

• Rapport relatif au prix du livre numérique, Hervé Gaymard, Assemblée Nationale, février
2011

119 
 
• Rapport sur le livre numérique, Bruno Patino, Juin 2008

• Read write book : le livre inscriptible – Collection édition électronique – Cleo – mars 2010

• Révolution numérique et industries culturelles, Philippe Chantepie et Alain Le Diberder, La


Découverte, Collection repères, septembre 2010

• Scénarios prospectifs pour l’édition scientifique, Ghislaine Chartron, CNRS, janvier 2011

• Situation du livre : évaluation de la loi relative au prix du livre et questions prospectives,


Hervé Gaymard, mars 2009

120 
 
INDEX 

Acteurs  30  Enjeux techniques 55 

Adwords  85  Espace numérique de travail 111 

Affiliation 84  Facebook 74 

Agents littéraires 31  Formation 88 

Amazon 23, 78  Google 34, 49, 78 

Androïd  114  Histoire du livre 16 et s. 

Applications  113  Hubs littéraires 73 et s. 

Auteurs 31  iPad  20, 50, 89, 90 

Autopublication 98  iPhone 90 

Bibliothèque numérique 21, 49  Kindle 20, 50, 89, 90 

Blog 72, 107  Kindle Digital Publishing 99 

Buzz 72  Lecture sociale 101 

Chaîne du livre 25  Libraire 42 

Communautés 97, 116  Librairie en ligne 21, 42 

Cyberpromotion 72  Manuel scolaire numérique 110 

Diffusion 38  Métadonnées 56 

Digital natives 92  Modèles économiques livre numérique 61 

Distribution 38  Moteurs de recherche 78 

DRM 55  Opérateurs de téléphonie 52 

Ebooks 19, 37, 69, 89  Organisation 86 

Editeur 33, 96 et s.  Organiser l’information 96 

Edition juridique 63  Piratage 57 

Edition multisupport 87  Plateformes 39, 68, 116 

Edition sans auteur 104  Produits numériques 98 

Edition scientifique 65  Promotion 72 

121 
 
Pure player 36   

Reader 50 

Roman dont vous êtes le héros 110 

Site éditeur 71 

Smartphones   90 

Storytelling 105 

Tablettes 19, 50, 89 et s. 

Tendances 88 

Twitter 74, 108 

Vente de livres en ligne 42 et s. 

Viralité 72 

Webdocumentaire 

 106 

122 
 

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