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Patricia Gendrey
MBA Marketing et Commerce sur Internet 2009/2010
1
Mars 2011
« Un livre indisponible, c’est un pan de mémoire qui tombe, c’est une parcelle de
patrimoine qui s’efface, c’est aussi une œuvre artistique qui s’oublie elle‐même. L’outil
numérique nous permet aujourd’hui de mettre à la portée de tous des contenus culturels
de qualité. »
Discours de Monsieur le Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand
prononcé à l’occasion de la signature de l'accord cadre sur la numérisation et l'exploitation des livres
indisponibles du XXème siècle, le mardi 1er février 2011.
2
TABLE DES MATIÈRES
Résumé 7
Paper outline 9
Recommandations 10
Introduction 12
Sous-paragraphe 1 : L’impression 17
Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre 18
Paragraphe 3. La dématérialisation,
troisième révolution du livre 19
Sous-paragraphe 1 : Le Cdrom 19
Sous-paragraphe 2 : Les Ebooks et
les tablettes de lecture 19
Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et
librairies en ligne 21
3
Sous-section 2. Les acteurs 30
Sous-paragraphe 1 : La concentration
du marché 39
Sous-paragraphe 2 : La multiplication des
plates-formes 39
Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente
en ligne 42
Sous-paragraphe 4 : Google et les
bibliothèques numériques 49
Sous-paragraphe 5 : Fabricants de readers
contre tablettes 50
Sous paragraphe 6 : Les opérateurs de
téléphonie mobile 52
4
Paragraphe 3. Risque de piratage 57
Paragraphe 1 : Babelio 73
Paragraphe 2. Blog-O-Book 74
Paragraphe 3. Livraddict 74
Sous-section 6. L’affiliation 84
5
Sous-section 3 : Former les collaborateurs 88
Conclusion 117
Bibliographie 118
Index 121
6
Résumé
Face à ces changements de fond, cette étude se propose, à partir d’éléments chiffrés,
d’analyser le marché du livre et de déterminer les leviers qui aideront les éditeurs à entrer
dans l’ère numérique. En effet, les sociétés d’édition doivent travailler et s’organiser
autrement pour se préparer aux changements attendus dans l’écosystème du livre. Ils doivent
acquérir de nouvelles compétences. C’est là une condition de leur survie !
7
Ainsi, les développements seront scindés en deux grandes parties. La première est
consacrée aux mutations qui affectent le marché du livre et à l’évolution de la chaîne de
valeur. De même, les freins à lever pour l’émergence d’une économie numérique seront
traités, suivis de l’éventail des différents modèles économiques possibles. Sur ce dernier
point, deux secteurs éditoriaux, ayant depuis de nombreuses années déjà basculé vers le
numérique, seront examinés : il s’agit de l’édition juridique et scientifique.
La deuxième partie sera consacrée à la stratégie globale à adopter. Il est mis ici
l’accent sur les outils digitaux de promotion du livre, sur le choix des plates-formes de
distribution des livres, sur la nécessité d’organiser autrement les sociétés d’édition et
l’évolution nécessaire des compétences en interne. Cette étude s’achève avec des éléments
prospectifs sur ce que sera le livre de demain.
8
Paper Outline
After the movie and music industry, book publishing is the last cultural industry to be
affected by the digital era. This process has an impact upon all the segments of this industry:
the publisher who coordinates the publishing work, the compositor, the print worker and last
but not least the distributor. It is truly a revolution that gives rise to many structural changes.
In light of these dramatic changes, the present paper will, based upon various data and
figures, provide an analysis of the book market and will also identify the tools enabling the
publishers to enter into the digital world. Indeed, the publishing houses must re-organise and
adapt themselves to the changes foreseen in the book ecosystem. They must build or acquire
new skills, failing which their survival is at stake !
The new types of publishing content, that is enhanced books, Smartphone applications
and e-tabs, give book publishers a true opportunity for growth. Publishers feel however very
reluctant as they have some doubts about their ability to see the return on their investment.
This paper contains a market analysis and will describe the various ways that may be followed
by traditional publishing houses.
The first paper chapter is dealing with the mutations that impact the book market and
the evolution in the value chain. Further, it is describing how to overcome the hurdles to the
development of the digital business as well as a quite comprehensive overview of the possible
business models. For illustration purposes, the paper looks into two specific publishing
markets that have already switched into the digital world for several years, that is legal and
scientific books.
The second chapter of this paper is focused on the global strategy to be adopted, in
particular with respect to the digital tools for book marketing, the choice of platforms for
book distribution, the critical need to reorganise publishing houses and revisit the in-houses
skills that are required. The paper conclusion contains some further prospective
considerations about what likely will be the book of tomorrow.
9
Recommandations
Travailler dans le secteur du livre permet de prendre conscience des grandes disparités
existant entre les maisons d’édition. Il y a d’abord les grands groupes qui, depuis quelques années
déjà, opèrent une veille sur le marché et se sont organisés afin de faire face à un changement brutal.
D’ailleurs, dans le cas du livre numérisé, ils sont aujourd’hui tous en ordre de marche. Pour eux, 2011
est le « moment ebook » 1 . Cette année doit donc être consacrée à l’enrichissement des catalogues
numériques, l’une des conditions du basculement du marché. Toutefois, ils restent très frileux pour
entreprendre de nouvelles expériences sur les contenus. La raison en est simple : pas de production
éditoriale sans rentabilité. Cette place est donc prise par des « start‐up » qui tentent l’aventure et se
lancent à la conquête de ce nouvel eldorado en développant tous azimuts des livres enrichis et
applications pour Smartphones et tablettes, en faisant bien trop souvent l’économie d’une étude de
marché.
Ensuite, viennent les moyennes et petites maisons d’édition dont la vision d’avenir dépend
bien trop souvent d’une personne un peu Geek, un peu webmarketeur, mais pas assez d’une
stratégie claire et bien établie. Trop de sociétés, dont le chiffre d’affaires n’est pas négligeable, ne
connaissent pas vraiment le rôle des plates‐formes de distribution et des agrégateurs. Elles ignorent
aussi comment produire un simple fichier epub pour mettre à disposition le livre numérique. Elles
voudraient parfois se lancer dans des applications dérivées de leur contenu, mais elles n’en font rien
parce qu’elles ne savent pas par où commencer et à quelles compétences elles doivent s’adresser.
Par conséquent, les « pure players » s’engouffrent dans la brèche, conscients qu’il existe des
potentiels de développement. Ceux‐là ne sont pas issus de l’édition, mais sont très souvent « game
designers » ou informaticiens. Alors, les éditeurs sont‐ils condamnés à ne produire que du livre
papier et, si celui‐ci devenait objet rare pour collectionneurs, à disparaître avec lui ?
Le déficit de compétences touche aussi les nouvelles manières de promouvoir le livre. Trop
d’éditeurs n’ont encore pas l’ombre d’un site web ; trop d’éditeurs réalisent le marketing des
ouvrages comme il y a dix ans.
Pour répondre à ces problématiques, plusieurs points sont abordés :
La chaîne de valeur qui se modifie peu à peu. D’abord, véritable clone du livre papier, son
maillage évolue d’une structure linéaire vers une structure réticulaire, réseau où tous les maillons
1
Concept dégagé par Virginie Clayssen, Présidente de la Commission numérique du syndicat national de
l’édition
10
peuvent entrer en contact. Cette prise de conscience est importante, afin que l’éditeur réaffirme son
double rôle de coach de l’auteur et de support à la commercialisation du livre, mais aussi qu’il
devienne un véritable animateur de communautés.
La répartition de la valeur est un point également important. Certes, les lecteurs souhaitent
un prix du livre numérique inférieur à celui de l’ouvrage papier (de l’ordre de 40 % moins cher 2 ).
Certes, les coûts de production sont relativement importants. Certes, la TVA est plus élevée. Certes,
les éditeurs doivent faire face à un risque de perte de la valeur. Pour toutes ces raisons, les maisons
d’édition ont adopté une position qui consiste à fixer les droits d’auteur à 15 %. Il s’agit là d’une
légère augmentation par rapport aux droits versés pour la publication papier, mais pour les auteurs
cela est loin d’être suffisant. La révolte actuellement gronde et, les auteurs, bien conscients de
disposer désormais de moyens de pression, menacent de s’organiser pour vendre leurs livres sans
l’intermédiation des éditeurs. À ce jeu, les éditeurs risquent d’être les grands perdants et de se voire
évincer par d’autres acteurs. La renégociation des droits d’auteur numériques est aujourd’hui un
enjeu capital pour l’avenir de la profession.
Les plates‐formes permettent aujourd’hui la distribution des livres numériques.
L’interopérabilité est cruciale pour diminuer les coûts et permettre la diffusion des œuvres de l’esprit
par l’ensemble des cyberlibraires. Un accord a été signé entre les trois grands acteurs, toutefois, il ne
semble pas que cela soit pour le moment opérationnel. Il est important d’accélérer ce processus.
Les modèles économiques sont analysés. Une évolution vers un modèle à abonnement à un
flux de données semble l’hypothèse la plus probable. Dans l’avenir, des sites se constitueront sans
doute autour d’une communauté intéressée par le même thème, l’art par exemple. Ils auront alors
accès à l’ensemble des contenus sur un sujet donné, quelque soit la maison d’édition ou la société de
presse à l’origine de la publication. C’est sans doute là aussi, une piste de développement pour les
éditeurs.
La cyberpromotion est passée en revue. L’étude tente de dégager des bonnes pratiques à
partir de cas concrets. De même, des pistes sont données afin de moderniser la manière de
promouvoir les livres par l’utilisation des nouvelles techniques de webmarketing.
Enfin, une partie est consacrée aux nouvelles expériences de lecture. Il s’agit d’une approche
prospective qui devrait constituer pour les éditeurs une source de réflexion.
2
Etude IPSOS/CNL, Les publics du livre numérique, mars 2010
11
Introduction
Nous y sommes, la révolution numérique est en marche et s’emploie à changer en
profondeur le monde de l’édition. Pourtant, ces modifications ne datent pas d’hier. L’amont de la
filière a modifié ces pratiques depuis plusieurs années déjà, le mode de production du livre papier
ayant radicalement changé depuis plusieurs années. Ce dont on parle aujourd’hui c’est de l’aval, c’est
bien ce qui fait l’objet aujourd’hui de toutes les attentions, ce livre sur support numérique qui
annonce, selon Robert Chartier, une triple révolution : la révolution de la technique de production du
texte, une révolution du support de l’écrit et enfin une révolution des pratiques de lecture.
Mais pourquoi entend‐t‐on évoquer chaque jour dans les médias un raz de marée qui
modifiera en profondeur les pratiques si l’on ne parle que du livre homothétique, s’il ne s’agit que de
la simple reproduction de l’ouvrage papier sur support numérique ? Parce que l’enjeu ne réside pas
dans la simple action de déposer un fichier sur une plate‐forme de distribution, mais il est bien plus
crucial. En outre, parler de livre numérique, est‐ce parler encore de livre ?
Interrogeons‐nous tout d’abord sur la définition du livre. Curieusement, seule
l’administration fiscale en propose une. Selon elle, « Un livre est un ensemble imprimé, illustré ou
non, publié sous un titre ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs
auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture. » 3 Sont donc exclus de
cette définition, les produits non imprimés et par conséquent le livre numérique. Ceci peut paraître
incongru à l’éditeur comme au lecteur ; « À la recherche du temps perdu » diffusé sur le FnacBook,
ne serait donc pas un livre au sens de l’administration fiscale. On comprend bien là qu’il existe un
vaste malentendu, et que celui‐ci réside dans la confusion entre l’œuvre de l’esprit et son support. Le
travail de l’éditeur est bien de créer du contenu afin d’enrichir la connaissance, peu importe le média
sur lequel il est diffusé. Il ne s’agit plus seulement, par conséquent, pour les maisons d’édition de se
lancer dans la production de livres homothétiques, mais bien de permettre la diffusion de la pensée
quelque soit le support (Smartphones, tablettes, ordinateurs…). Ainsi, le contenu est caméléon,
3
Bulletin officiel des impôts, Direction générale des impôts, 3 C‐4‐05, n° 82 du 12 mai 2005, relatif à la TVA au
taux réduit et à la définition fiscale du livre
12
prenant différentes formes en fonction de l’appareil sur lequel il est consulté : il peut revêtir les
atours d’une application de guides de voyage géolocalisée sur iPhone, d’un livre enrichi d’illustrations
animées, de musique et de commentaires dans le secteur de la jeunesse pour iPad, d’une base
documentaire juridique sur ordinateur ou d’un livre de littérature générale qu’il sera possible au
lecteur d’annoter sur un Kindle. Les maisons d’édition doivent déterminer le support en fonction du
contenu et en adapter la narration.
L’observateur pourrait trouver les éditeurs attentistes. Alors qu’ils expérimentent
aujourd’hui la commercialisation de livres numérisés, ils sont encore, pour la plupart, bien loin d’être
en mesure de produire des contenus numériques. Les freins sont de plusieurs ordres. Ils sont d’abord
financiers. Les coûts de production d’un livre application sont sans commune mesure avec ceux
générés par un ouvrage imprimé. L’équipement du marché en supports doit donc être suffisant.
C’est le cas aujourd’hui pour les Smartphones, cela ne l’est pas encore pour les tablettes sur le
marché français. Les sociétés sont soumises à des objectifs de rentabilité et la récente faillite de la
société numérique Leezam ne devrait pas encourager les sociétés d’édition à prendre plus de risques.
Ces freins résident aussi dans la formation des équipes. Réaliser une application qui intègre
du texte, de la vidéo et du son, fait appel à de nouvelles compétences qu’il convient de développer
dans les maisons d’édition.
Enfin, cet attentisme est dû également à la difficulté qu’éprouvent les éditeurs à trouver leur
place au sein de la nouvelle chaîne de valeur. Celle‐ci se disloque. Désormais, à l’instar du monde de
la musique, chaque maillon de la chaîne peut potentiellement entrer en contact avec les autres. Ce
constat constitue une menace. Jadis, le lecteur n’avait de lien qu’avec le libraire, alors
qu’aujourd’hui, il peut dialoguer avec l’auteur. De même, il n’y a pas si longtemps l’écrivain devait
conclure un contrat avec l’éditeur s’il voulait être publié, maintenant il lui est loisible de s’autopublier
facilement, les cyberlibraires proposant maintenant des plates‐formes d’autopublication. Des
auteurs anglo‐saxons inconnus peuvent même se targuer de vendre des millions de livres (voir plus
loin, le thème consacré à l’autopublication). Les éditeurs se trouvent face à des colosses aux moyens
financiers étendus qu’ils ne voient pas bien comment concurrencer.
À ces changements profonds, s’ajoutent ceux liés à la commercialisation du livre. Le web
apporte aux éditeurs de nouveaux outils de promotion pour accroître les ventes d’un titre. Les
éditeurs des grands groupes maîtrisent l’art et la manière de conjuguer réseaux sociaux, plates‐
formes de partage ou encore actions de communication sur les hubs littéraires. Pour les maisons
d’édition de petite et moyenne tailles, ces techniques ne sont pas si simples à utiliser.
13
La présente étude ambitionne de répondre aux questions liées à la stratégie numérique à
mener, mais aussi, les menaces sont‐elles identifiées afin de formuler des recommandations.
Dans une première partie, il sera question d’analyser les mutations du marché du livre et de
comprendre quels pourront être les modèles économiques des livres numériques, car ils sont bien
pluriels.
Dans une seconde partie, l’étude livre les clés pour bâtir une stratégie numérique efficace,
afin de ne pas se laisser distancer. Il s’agira tout d’abord des nouveaux moyens de promotion du
livre, afin d’en dégager les bonnes pratiques. Ensuite, les pistes pour réorganiser les maisons
d’édition seront abordées afin de se préparer à la révolution qui s’annonce. Enfin, la section
consacrée aux nouvelles expériences de lecture constitue une approche prospective qui devrait aider
à mieux comprendre ce que sera le métier de demain et à identifier les opportunités de
développement.
Producteur de contenus multimédias et webmarketeur averti seront les deux compétences
clés de l’éditeur. Aujourd’hui, la révolution est en marche. Il convient donc d’en comprendre les
enjeux et de bâtir une stratégie numérique qui permettra de créer de la valeur dans le monde de
demain qui gronde déjà à nos portes.
14
Partie 1 :
Le livre, un marché en pleine mutation
15
CHAPITRE I : LE MARCHE DE L’EDITION
Le célèbre historien du livre, Roger Chartier, définit trois révolutions du livre : le livre
papier tel que nous le connaissons, l’imprimerie et la dématérialisation des ouvrages. Avec
cette dernière évolution apparaît l’hypertextualité qui modifie en profondeur la dynamique de
lecture 4 .
Tout au long de cette section, nous nous attacherons, à travers l’histoire du livre, à
mettre en exergue les grandes évolutions qui devraient permettre de mieux comprendre les
mutations qui affectent les éditeurs de livres.
Cette histoire a commencé tout d’abord avec la civilisation Sumérienne. Les hommes
gravaient alors à l’aide d’une tige de roseau des signes cunéiformes sur des tablettes d’argile
3000 ans avant J.-C. Ce fut aussi les Égyptiens qui tracèrent les hiéroglyphes sur des feuilles
de papyrus collées les unes aux autres, constituant ainsi des « volumina », rouleaux de
plusieurs mètres, à l’instar du « Papyrus Prisse », recensé comme le plus vieux livre du
monde 5 .
4
Christian Vanderdorpe, Du papyrus à l’hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture :
http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf
5
Annie Schneider, Le livre objet d’art, objet rare, Éditions la Martinière, 2008
16
rouleaux – à inventer un nouveau support, le parchemin 6 . Ce support peut être utilisé sur deux
faces et présente l’énorme avantage de pouvoir être réemployé en grattant le texte précédent.
Le volumen, omniprésent à Rome, sera concurrencé à compter du 1er siècle par une
nouvelle forme de livre. Il s’agit de tablettes de cire destinées aux notations d’ordre pratique
et reliées entre elles. Cet agencement inspira sans doute le codex, feuilles de parchemin pliées
en cahiers et cousues ensemble. Son usage se développera dès le IIIe siècle, avec les débuts de
la chrétienneté, ce support étant plus commode à consulter et à conserver. En effet, le
volumen devant être tenu des deux mains, il était impossible de lire et d’écrire en même
temps, à l’inverse du codex. Ce support permit enfin aux lecteurs d’annoter et de se repérer
dans le texte à l’aide des numéros de pages qui facilitent la navigation dans le texte (index 7 ,
table des matières, renvois…). Ainsi, le changement de forme matérielle du livre a changé la
façon d’aborder le texte ; la lecture pouvait ne plus être linéaire, mais tabulaire, facilitant ainsi
le travail de consultation d’un livre.
Très vite donc, la nécessité se fait jour de trouver un support moins coûteux et moins
long à fabriquer que le parchemin ; c’est ainsi que le papier, inventé en Chine, s’introduit en
Europe, mais son usage ne se généralisera qu’à compter de l’invention de l’imprimerie.
Jusqu’à la moitié du XVe siècle, des scribes, essentiellement des moines, recopient les
textes pour en faire des livres. Outre les copistes, d’autres métiers gravitent pour enrichir ce
support : les miniaturistes, les enlumineurs et les calligraphes.
17
Asie depuis plusieurs siècles, cette technique xylographique 8 est par la suite supplantée par
l’impression typographique 9 à caractères mobiles fondus dans le plomb. Cette invention
permettra la diffusion de la pensée en reproduisant les livres en nombre. Le premier livre
imprimé en typographie par Gutenberg est une bible latine, la célèbre bible à 42 lignes 10 .
Il s’agit d’abord de l’époque des découvertes, et par conséquent des voyages, qui vont
favoriser la commercialisation des livres et l’extension de l’imprimerie.
L’imprimerie a été une invention remarquable qui a permis de diminuer les coûts de
fabrication, et par conséquent de permettre à un plus grand nombre de lecteurs potentiels
d’acheter des livres. Cette révolution a été l’instrument d’une évolution importante. Ainsi,
l’imprimeur-éditeur Alde Manuce 11 , qui publiera dans son imprimerie de Venise 150
ouvrages entre 1494 et 1515, invente le livre à petit format (in-octavo) 12 et à grand tirage de
1000 à 1500 exemplaires.
Au XVIIIe siècle, la littérature populaire apparaît et avec elle, la collection bleue. Ces
livres de petits formats étaient faciles à lire et accessibles à des personnes de peu d’instruction
(livres pratiques, romans, contes...). Toutefois, les ouvrages restant chers, des lieux de lecture
collective apparurent alors : les cabinets de lecture. Ces endroits, ouverts par les libraires eux-
mêmes, constituaient des bibliothèques privées au sein desquelles les livres étaient achetés en
commun.
8
Du grec Xylo : bois
9
Du grec Typo : empreinte
10
Ce livre est appelé la B42, car il se divisait en deux colonnes de 42 lignes chacune.
11
Alde Manuce est aussi le concepteur de la lettre italique.
12
In‐folio : feuille pliée une fois (4 pages) ; in‐quarto : feuille pliée deux fois (8 pages); in‐octavo : feuille pliée
trois fois (16 pages).
18
Avec le XIXe siècle, le livre se démocratisera réellement grâce à la production
industrielle et à l’alphabétisation. Deux textes auront un impact important : la loi Guizot
d’abord, parue en 1833, qui impose aux villages de plus de 500 habitants d’avoir une école et
la loi Jules Ferry ensuite, publiée en 1882, qui prône l’école laïque et obligatoire. Si en 1832,
près de 50 % des hommes savent lire, ce chiffre passera à 96 % en 1914.
En outre, grâce au mode de production, les prix chutent et les tirages augmentent.
Sous-paragraphe 1 : Le CDrom
En 1984, les spécifications du compact disc ont été étendues afin de pouvoir y stocker
des données numériques. La généralisation du codage multimédia, et avec elle, l’hypertexte,
qui améliore de manière considérable l’accès à l’information, débutent l’histoire d’une
révolution. Désormais, la navigation ne se fait plus seulement à l’intérieur du même support,
mais aussi à l’extérieur permettant ainsi de créer des liens à l’infini.
Avant les readers nouvelle génération, de nombreux supports sont apparus à l’état de
prototypes ou même commercialisés.
19
Il y eu d’abord le projet d’Alan Kay, professeur au MIT, au début des années soixante-
dix avec l’invention du Dynabook 13 . Au format magazine, cet ordinateur sans clavier est doté
d’un écran plat haute résolution couleur et d’un stylet électronique permettant d’annoter les
documents. Ce support, portable et sans fil, peut communiquer avec d’autres machines à
l’aide d’un émetteur-récepteur radio. Le Dynabook n’est pas seulement un ordinateur
personnel puisqu’il permet d’écouter de la musique, de recevoir du courrier, jouer à des jeux
vidéo ou encore de visionner des films. Il « ouvre un des deux axes de recherche et de
développement pour le livre électronique : l’axe informatique. Il s’agit d’exploiter les
possibilités d’ouverture, d’interactivité et de communication qu’offre l’ordinateur (...) pour
transformer celui-ci en un nouveau type de livre, par un travail sur l’ergonomie et la
lisibilité.»
Autre évolution, le ebook fabriqué par la société française Cytale qui apparaît en avril
2000 et commercialisé en décembre de la même année. De même, l’encre élecronique (e-ink)
sera présentée au Congrès international des éditeurs à Buenos Aires en mai 2000.
Puis ce sera le tour du Kindle d’Amazon, en 2007, bientôt suivi d’autres concurrents,
comme le Nook de Barnes and Noble ou le Sony Reader. Toutefois, c’est ce premier qui
s’impose aujourd’hui sur le marché, grâce à son modèle économique créant un effet de
verrouillage des pratiques.
13
La lecture numérique : réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire Bélisle, Presses de l’ENSSIB, avril
2004.
14
http://www.ebouquin.fr/2011/01/18/apple‐a‐vendu‐733‐millions‐dipad‐au‐dernier‐trimestre/
20
l’encre électronique, Apple a néanmoins démontré que la tablette est susceptible de pouvoir
s’imposer comme un support pour les loisirs qui fera évoluer les usages, en proposant à la fois
du jeu vidéo, des livres-applications et de la presse en ligne, notamment.
C’est en 1971 qu’un étudiant de l’Illinois, Michaël Hart, fonde le projet Gutenberg 15
qui a pour ambition de diffuser gratuitement par voie électronique le plus grand nombre
possible d’œuvres littéraires.
Puis, c’est au tour d’un doctorant à la Carnegie Mellon University, John Mark
Ockerbloom, de créer en 1993, l’Online Books Page, pour répertorier les textes électroniques
anglophones du domaine public en accès libre sur le web.
15
Une courte histoire de l’ebook, Marie Lebert, Université de Toronto, 2009
21
Le projet français de bibliothèque numérique géré par la bibliothèque nationale de
France, dénommé Gallica, sera lancé en 1997, avec comme ligne éditoriale de devenir la
«bibliothèque virtuelle de l’honnête homme». Toutefois, c’est le lancement de Google livres
qui constituera le fait marquant. C’est en effet fin 2004 que Google a annoncé la création
d’une bibliothèque contenant un fonds numérisé de 15 millions de documents issus des
grandes bibliothèques américaines. L’objectif de la société de Mountain View était de créer
une base de données au sein de laquelle les internautes pourraient effectuer leurs recherches.
En 2005, Google mettra en ligne un outil permettant de procéder à des recherches directement
dans le contenu numérisé, baptisé alors Google Print, il deviendra par la suite Google Book
Search. L’annonce fin 2004 du lancement du projet ne fut pas sans soulever la critique. Ainsi,
Jean-Noël Jeanneney alors président de la Bibliothèque nationale de France, dénonça les
risques d’hégémonie de la culture américaine dans un livre désormais célèbre : «Quand
Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut» 16 .
Ce plaidoyer sera repris par le Président Jacques Chirac qui lança, avec cinq autres
chefs d’Etats, un appel aux institutions de l’Union Européenne pour la création d’une
bibliothèque numérique européenne, afin de rendre le patrimoine culturel et scientifique de
l’Europe accessible à tous. Europeana était née.
Ce bref panorama historique ne serait pas complet sans évoquer les encyclopédies.
C’est en 2001 que naîtra Wikipédia qui est sans doute l’une des causes de la quasi disparition
d’un pan entier du marché de l’édition, celui des encyclopédies. En outre, les universités
renforceront ce phénomène. Certaines d’entre elles archivent des cours gratuits en ligne,
16
«Quand Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut», Jean‐Noël Jeanneney, Mille et une nuits, 2005
22
comme par exemple le célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) 17 qui lança ce
programme en 2002 suivi en 2007 par l’Université de Boston.
Quand au printemps 1994, le patron de la célèbre société de Seattle réalisa une étude
de marché, il hésitait alors entre les vêtements, les instruments de jardinage, les livres, les CD,
les vidéos, les logiciels et le matériel informatique. Voici pourquoi, Jeff Bezos choisit le
livre :
«J’ai utilisé tout un ensemble de critères pour évaluer le potentiel de chaque produit.
Le premier critère a été la taille des marchés existants. J’ai vu que la vente de livres
représentait un marché mondial de 82 milliards de dollars US. Le deuxième critère a été la
question du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était le suivant :
puisque c’était le premier achat que les gens allaient faire en ligne, il fallait que la somme à
payer soit modique. Le troisième critère a été la variété dans le choix : il y avait trois millions
de titres pour les livres alors qu’il n’y avait que 300 000 titres pour les CD, par exemple.»
La Fnac, quant à elle, créera son site de ventes de produits culturels en 2000 et
atteindra la rentabilité cinq ans plus tard.
C’est pourquoi le codex marque une rupture radicale. L’assemblement des feuilles
pliées et reliées, puis l’intégration de la foliotation et de l’indexation permettront au texte
d’échapper à la continuité et d’entrer ainsi dans l’ère de la tabularité. Le lecteur va aussi
devenir actif, il peut annoter et mettre des repères sur la page. L’historienne Colette Sirat
déclarera : « Il faudra vingt siècles pour que l’on se rende compte que l’importance
primordiale du codex pour notre civilisation a été de permettre la lecture sélective et non pas
continue, contribuant ainsi à l’élaboration de structures mentales où le texte est dissocié de la
parole et de son rythme.» La lecture sur internet relève de la même révolution en modifiant
les fonctions cognitives des internautes et plus particulièrement celles des digital natives.
17
MIT open courseware : http:/ocw.mit.edu/index.htm
23
Sous-section 2 - Les mutations de l’industrie du livre
Durant plusieurs siècles, un seul acteur assurait les fonctions de création, de
production et de diffusion. Puis les métiers vont s’individualiser, donnant peu à peu le pouvoir
à l’éditeur. Les maisons d’édition vont d’ailleurs entrer dans une phase de concentration dès le
début du XIXe siècle et s’internationaliser.
Dans le courant du XIXe siècle, les métiers vont s’individualiser, l’éditeur devenant
une profession distincte de celle du libraire qui lui-même se désolidarisera de la profession
d’imprimeur. L’éditeur étant désormais chargé de fixer le prix, il devient l’acteur dominant de
la chaîne du livre.
24
actions de la société Hachette. En riposte, Havas passera un accord de partenariat avec les
Presses de la cité devenant ainsi en 1988 le premier éditeur français.
25
Cette valeur est inégalement répartie. Ainsi la commercialisation est le poste le plus
important pour l’éditeur, car elle représente 55% du chiffre d’affaires. Il est donc stratégique
pour les maisons d’édition de maîtriser la diffusion et la distribution, car alors, ce n’est pas
seulement 21% du chiffre d’affaires qui leur revient, mais bien 41 %, en déduisant la part
revenant au libraire).
Pour un ouvrage revenant 10 euros TTC, en prenant en compte les coûts de promotion
(PLV, dépliants...) et la TVA, la vente du livre ne rapportera que 1,42 euros à l’éditeur s’il fait
appel à un diffuseur-distributeur extérieur, au lieu de 3,32 euros dans le cas contraire.
26
Toutefois, à la question des motivations liées aux revenus, s’ajoute celle d’assurer la
promotion la plus efficace, ce qui conduit à internaliser les fonctions de diffusion au sein
même de l’activité. L’éditeur peut à la fois déterminer les librairies qui seront visitées et
maîtriser les leviers qui permettront de motiver les commerciaux afin d’assurer de meilleures
performances commerciales.
La problématique est si stratégique que les gros éditeurs, bien que peu actifs du moins
au début pour numériser leur catalogue, se sont lancés en ordre dispersé dans la mise en place
de plates-formes de distribution de livres numériques. C’est ainsi que Numilog a été racheté
par Hachette, puis Eden Livres a été créé sous la forme d’un partenariat entre les éditions
Gallimard, Flammarion et la Martinière et enfin, Editis a lancé depuis peu « eplateforme »
(voir les acteurs du livre numérique). L’objectif clairement affiché par ces deux dernières
plates-formes est de protéger la chaîne traditionnelle et de ne pas court-circuiter le libraire. Il
ne s’agit bien entendu pas là d’une forme d’altruisme, mais du désir de préserver les
détaillants qui assurent encore plus de 75% du chiffre d’affaires de ces éditeurs.
27
La répartition de la valeur du livre numérique n’est pas simple, car tout dépend du
mode de production : s’agit-il d’une numérisation à partir du livre ? du PDF ? ou le contenu
est-il nativement structuré ?
Alors que les éditeurs peuvent sans peine évaluer les coûts de fabrication d’un livre
papier, il est aujourd’hui difficile de connaître les ordres de grandeur de production d’un
ouvrage numérique. On peut toutefois noter que la présence ou l’absence de DRM, n’est pas
anodine en termes de coûts, puisque cette technologie représente 3% du coût total.
Cette répartition varie en outre en fonction des acteurs intervenant dans la chaîne de
valeur :
28
Les éditeurs tentent de maintenir la chaîne de valeur traditionnelle, parfois même en
dépit du bon sens.
Source DEPS : Ministère de la culture et de la communication 2010
29
C’est ainsi que cette volonté a été réaffirmée dernièrement par le président du SNE,
déclarant ainsi que : « Face à des modèles d'intégration exclusifs développés par des grands
opérateurs technologiques, les auteurs et les éditeurs ont un intérêt partagé à faire respecter
la chaîne de valeurs communes au livre imprimé et au livre numérique. Dans la perspective
proche d'une coexistence de ces deux marchés, l'équilibre de notre secteur ne se conçoit sans
que la librairie y joue son rôle. 20 » Les autres acteurs ne seront peut-être pas de cet avis.
Toutefois, la chaîne de valeur peut ne plus être linéaire, puisque l’ensemble des acteurs
ont maintenant les moyens matériels d’entrer en contact avec les autres. Les lecteurs peuvent
désormais parler aux auteurs, ces derniers peuvent placer directement leurs livres sur des
plateformes de distribution, les éditeurs peuvent aussi vendre en direct via une boutique en
ligne. La chaîne de valeur traditionnelle plutôt que linéaire évolue vers un dispositif en réseau.
L’ensemble des acteurs intègre désormais un vaste maillage où tout devient possible.
Lorenzo Soccavo propose le schéma ci-dessous et parle d’une recomposition progressive de la
chaîne qui passera d’un modèle horizontal à une structure réticulaire dans les dix prochaines
années. En fait, tous les acteurs sont à même d’entrer en contact désormais avec tous les
autres maillons que ce soit les auteurs, les éditeurs, les edistributeurs ou les cyberlibraires.
Source « Prospective du livre et de l’édition », Lorenzo Soccavo, janvier 2009
20
L’édition numérique accorde les mêmes droits d’auteur que le livre imprimé, Le Monde, 20 janvier 2011
30
Le site d’un éditeur pure player dont la société est en création propose un mapping des acteurs
numériques sur lequel il place l’ensemble des intervenants de la chaîne 21 .
L’agent littéraire est défini, dans l’étude commandée par le Motif 22 , comme
«l’interface entre auteurs et éditeurs, ou l’intermédiaire entre éditeurs pour la vente et
21
http://www.rchampourlier.com/
22
L’agent littéraire en France, réalités et perspectives, Juliette Joste, Le Motif, Juin 2010
31
l’achat de droits de traduction ou la négociation des coéditions.» Il est rémunéré à la
commission 23 .
Cette activité est en France peu développée, tant et si bien, que l’Hexagone est raillé
comme étant le pays aux deux agents : Susanna Lea et François Samuelson. En fait, l’étude du
Motif recense une vingtaine d’agences et 200 à 300 auteurs représentés. Néanmoins, les
débats sur le livre numérique relancent l’intérêt pour cette profession, susceptible de jouer un
rôle primordial dans la défense des droits des auteurs. Ces derniers ne pouvant pas se tourner
vers l’éditeur, qui est à la fois juge et partie, il trouve un allié en la personne de l’agent mieux
armé pour défendre ses droits. Cette profession va sans doute considérablement croître dans
les prochaines années.
En revanche, la situation est inverse aux Etats-Unis, cette profession étant largement
représentée. D’ailleurs, alors que les ventes numériques croissent dans ce pays atteignant 8%
en valeur et 10 % en volume du marché global en 2010 24 , les agents tentent tout naturellement
de renégocier les droits, arguant de la réduction des coûts et donc de l’augmentation des
marges au profit de l’éditeur. Ces derniers ont souhaité fixer les droits d’auteur numériques à
hauteur de 25 %, restant sourds aux revendications. Cette attitude intransigeante est la cause
des évènements intervenus au cours de ces derniers mois.
Notons, tout d’abord, la décision des ayants-droit de William Styron qui ont refusé de
céder les droits numériques de l’œuvre du défunt à Random House (l’éditeur de la version
papier), au profit d’un pure player, Open Road Integrated Media, lequel proposait de verser 50
% de droits d’auteur.
23
La commission varie de la façon suivante : 10 à 15 % sur les droits couverts par le contrat d’édition, 20% sur
les adaptations audiovisuelles et 20 % sur les cessions de droits étrangers (Source Le Motif)
24
Association of American Publishers
25
Odyssey Editions, société d’édition numérique, créée par Andrew Wylie en juillet 2010 :
http://www.odysseyeditions.com
26
Odyssey Editions a conservé l’exploitation de 7 titres d’auteurs n’ayant pas cédé leurs droits numériques.
32
malentendu.» Enfin, le monde de l’édition se sentait soulagé, parvenant de plus en plus
difficilement à répondre aux critiques liées à la rémunération des droits.
Néanmoins, l’accalmie fut de courte durée. Dans un article plein d’humour, cinq
auteurs écrivent en commun une «lettre ouverte d’un auteur à son éditeur» (Voir annexe 1).
De façon faussement naïve, ils s’étonnent que les droits ne sont pas répartis plus
équitablement, s’amusent de l’infidélité des héritiers de William Styron «indifférents aux liens
anciens», s’inquiètent de «certaines pratiques en amis», évoquent «l’hypothèse d’école» de
confier les droits numériques à un éditeur web, à un libraire virtuel ou à un fabricant de
tablettes. Les rédacteurs de l’article concluent de la manière suivante, faisant ainsi planer la
menace : «Car s’il n’y a peut-être pas d’auteur sans éditeur, il n’y a sûrement pas d’éditeur
sans auteur. Je sais ce que je sais ce que je te dois, cher ami, je souhaite être ton allié et aussi
que tu me considères comme tel. Alors, voici ma question : faut-il humilier un allié ?»
Ces évènements montrent que les agents, et à travers eux les auteurs, souhaitent une
redistribution des profits et que, dans le cas contraire, ils se tourneront vers les acteurs de la
chaîne qui se montreront plus généreux. La question d’une renégociation des droits est donc
aujourd’hui un enjeu majeur pour les éditeurs.
À trop se replier sur le passé et les privilèges, certains finissent par en oublier les
perspectives d’avenir et omettre de bâtir pour demain.
27
L’édition numérique accorde les mêmes droits d’auteur que l’édition imprimé, Le Monde, 20 janvier 2011
33
Classement des éditeurs
Quand on parle d’édition de livres, le grand public a tendance à penser que ce secteur
est resté totalement à l’écart de la révolution numérique et ne commence que depuis quelques
mois à se mettre en ordre de marche. Il s’agit là d’idées reçues pour deux raisons : d’une part,
il y a bien longtemps que ces changements ont eu lieu en amont et que le dispositif de
fabrication profite pleinement des avancées technologiques ; d’autre part, les produits
numériques constituent une grande part du chiffre d’affaire des éditeurs scientifiques et
juridiques.
La communauté des éditeurs est majoritairement hostile à Google, parfois sans bien
même comprendre l’origine du problème. Revenons donc, en 2004. Google propose alors aux
éditeurs et aux bibliothèques de numériser et de mettre en ligne leurs contenus. C’est ainsi
que la firme de Mountain View a entrepris de scanner les livres des bibliothèques. Ces
ouvrages sont présentés sous deux formes : les livres du premier groupe figurent en texte
intégral s’ils sont entrés dans le domaine public ; en revanche, ils apparaissent sous forme
d’extraits s’ils sont encore protégés par le droit d’auteur, sauf refus explicite des titulaires des
droits. Le groupe La Martinière considérant qu’il s’agissait là d’une violation de la législation
a intenté une action en 2006 devant le tribunal de grande instance de Paris, soutenue par le
SNE. Google a alors été condamné en 2009 en première instance pour contrefaçon. Le
34
jugement lui interdit de poursuivre la numérisation d’ouvrages sans autorisation des éditeurs
(pour mieux comprendre ce contentieux, voir Annexe 3). La société américaine a fait appel de
ce jugement. Albin Michel, Flammarion, Eyrolles et Gallimard ont eux aussi poursuivi
Google.
Les représentants des éditeurs et des auteurs américains ont porté également l’affaire
devant les tribunaux. Un accord transactionnel, baptisé l’ASA 28 , a été conclu entre Google et
les ayants droits dont les règles s’appliquaient aux Etats-Unis mais visaient aussi les œuvres
étrangères. Après protestation du SNE notamment, un règlement du différend est intervenu en
2009 pour réduire le champ d’application du texte et exclure les livres français, à l’exception
de ceux enregistrés au Copyright Office (environ 200 000 titres). Le 22 mars 2011, Google a
essuyé un nouveau revers. Le juge Chin a estimé l’accord « ni juste, ni suffisant, ni
raisonnable ». Il demande aux parties de réviser leur copie et d’abandonner l’ « opt out » 29
au profit de l’ « opt in ». Ainsi, ce qui serait pour lui acceptable, c’est qu’auteurs et éditeurs
puissent accepter a priori la numérisation des œuvres orphelines, le silence des parties ne
devant pas être considéré comme un accord implicite. Amazon et Apple se sont réjouis de
cette décision judiciaire, considérant que la pratique de numérisation des œuvres orphelines
constituait une concurrence déloyale.
Alors que le dossier est toujours en cours auprès des juridictions françaises et que le
contentieux n’a pas pris fin entre Google et la communauté des éditeurs , Arnaud Nourry,
Président d’Hachette Livre a, dans la consternation la plus totale, annoncé le 17 novembre
2010, que son groupe avait conclu un accord avec le géant américain se désolidarisant ainsi
du reste de la profession. Ce contrat concerne 40 000 à 50 000 livres anciens dans les secteurs
de la littérature générale (Grasset, Fayard, Calmann Lévy), des ouvrages universitaires
(Armand Colin, Dunod) et des ouvrages documentaires (Larousse). Cet accord signé pour
cinq ans, prévoit une autorisation préalable pour la numérisation des livres et pour la diffusion
commerciale des fichiers sous forme d’ebooks. Ce protocle ne comprend pas les questions de
rémunération des ayants droits, ainsi que la répartition des revenus entre Google et Hachette,
points qui donneront lieu à un autre accord. De même, un deuxième contrat a été signé avec
les filiales américaines d’Hachette afin de permettre la mise en vente, sur la plate-forme de
vente de livres numériques Google Editions, des nouveautés. Il s’agit notamment de la
commercialisation des titres de Stephanie Meyer, John Connoly ou James Patterson, par
exemple.
Le premier coup de colère passé, Antoine Gallimard tenta de faire bonne figure en se
félicitant officiellement du recul du géant américain à travers cet accord. Le ministre de la
culture, Frédéric Miterrand, a souhaité cependant rappeler que «les questions de numérisation
et des droits des œuvres indisponibles font l’objet d’un travail commun» entre les acteurs de la
chaîne du livre, critiquant le manque de concertation et exprimant ainsi sa crainte que
l’initiative d’Hachette, premier acteur en France, brise la solidarité entre les éditeurs français
contre l’hégémonisme de Google.
28
Amended Settle Agreement
29
Opt out : acceptation tacite des propriétaires des droits ; Opt in : acceptation préalable des propriétaires des
droits
35
Néanmoins, en dépit de la démarche individualiste du groupe Hachette, cet accord
aidera peut-être les maisons d’édition à négocier un cadre légal qui protégera au mieux les
droits de chacune des parties.
Les éditeurs traditionnels sont frileux. Certes, il n’est pas si simple de proposer des
livres numérisés, tant le droit français est strict. À l’exception des livres récents, pour lesquels
les éditeurs font signer des contrats autorisant la cession de droits numériques, pour le reste la
mise à disposition d’un fichier numérique peut relever du parcours du combattant. Pour les
sociétés ayant un fonds relativement modeste, la numérisation est assez simple ; tandis que
pour les autres, il s’agit d’une entreprise de longue haleine. Non seulement, il faut parfois
partir à la recherche des héritiers, mais en plus lorsque l’ouvrage fait intervenir plusieurs
acteurs (auteur, illustrateur, photographe, par exemple), l’éditeur est contraint d’adresser un
avenant à chaque intervenant.
En outre, les maisons d’édition traditionnelles n’osent pas se lancer dans l’aventure du
livre enrichi. S’il est facile d’établir un compte d’exploitation pour un livre papier
traditionnel, l’entreprise est compliquée pour les nouveaux contenus. Difficile quand il faut
rendre compte à des actionnaires, d’engager des coûts sans connaître le retour sur
investissement.
Les pures players en revanche n’ont rien à perdre. Ainsi, nombre de sociétés
intervenant dans le domaine de l’édition numérique se multiplient depuis quelques mois. Il
peut s’agir d’acteurs ne faisant que de l’édition. C’est le cas par exemple de Smartnovel, jeune
maison lancée lors du salon du livre en 2009 qui reprend un genre ancien celui du feuilleton,
en lançant une collection de romans baptisée, Episod, à lire sur Smartphone. Les lecteurs
reçoivent chaque jour sur leur mobile un épisode (4000 signes au maximum). Les textes
émanent d’auteurs aussi prestigieux que Didier Van Cauwelaert ou Marie Desplechin.
Smartnovel n’est toutefois pas le premier à avoir tenté cette aventure. Il a été précédé
par Ave Comics et son application MyComics en 2008, une solution pour lire et conserver des
bandes dessinées digitales sur téléphones mobiles. Citons aussi Publie.net, coopérative
d’auteurs pour la littérature numérique, qui édite des livres nativement numériques et qui, tout
dernièrement, a lancé une revue littéraire multimédia baptisée D’ici là.
Il peut s’agir d’éditeurs-libraires aussi. Tel est le cas de Leezam qui diffuse son propre
catalogue, mais aussi celui de maisons d’édition françaises et québécoises. Il s’agit cependant
d’expérimentations dont l’issue est incertaine, puisque pour Leezam, l’aventure semble avoir
pris fin en ce début d’année 30 .
30
http://www.ebouquin.fr/2011/02/24/leezam‐la‐faillite‐dun‐pionnier‐francais‐de‐ledition‐numerique/
36
Sous-paragraphe 3. Les ventes d’ebooks
Les acteurs du livres numériques parlent souvent d’ebooks en regroupant des réalités
différentes : livres enrichis, livres homothétiques, Cdroms, livres audio… Les comparaisons
sont donc souvent difficiles à effectuer.
L’International Digital Publishing Forum (IDPF) indiquait quant à lui presque le triple
des ventes entre le début 2009 et la mi 2010.
Croissance confirmée par le patron d’Hachette, Arnaud Nourry, qui déclarait 31 , en juin
dernier, avoir réalisé 8% de son chiffre d’affaires aux états-unis avec des ebooks,
essentiellement en littérature générale.
31
http://www.challenges.fr/magazine/strategie/0215.031025/?xtmc=toutes_nos_vidA_os&xtcr=9
37
En France, le SNE 32 estime que le livre numérique représente 1,7 % de l’activité
éditoriale, ce chiffre est porté à 2,7 % en y ajoutant les ventes d’abonnement et d’applications.
Selon l’enquête annuelle menée par ce syndicat, le chiffre d’affaires numérique serait
constitué à 53 % des ventes sur support physique, 28 % de la diffusion numérique
(abonnement à des services en ligne) et pour 19 % des ventes d’ouvrages en téléchargement
(livres audio et ebooks).
Seuls les éditeurs les plus importants se sont organisés pour être autonomes dans la
mise à disposition des contenus et l’organisation des circuits de distribution traditionnels.
Dans le domaine du numérique, les processus de diffusion et de distribution ne sont pas
encore figés. Ils évolueront beaucoup au cours de ces prochaines années. Outre les nouvelles
plateformes, les éditeurs doivent faire face à l’arrivée de nouveaux entrants : Amazon et
Google, prêts à briser ce qui constituait les codes d’hier, avec pour enjeu le contrôle de la
chaîne du livre.
32
http://www.sne.fr/dossiers‐et‐enjeux/economie.html
38
Sous-paragraphe 1 : La concentration du marché
- Hachette, par l’intermédiaire de sa filiale Hachette Diffusion Services (HD), est à la tête du
plus grand réseau de diffusion ;
- Concentration du capital : une librairie sur deux figurant dans le top 50 du classement livres
hebdo appartient à un groupe.
Ces plates-formes sont essentielles, car elles assurent le stockage des données et leur
référencement. On peut les diviser en deux catégories : celles qui mettent les livres
numériques à disposition des seuls libraires revendeurs d’ebooks et celles qui autorisent la
vente au consommateur final. Le choix est certes stratégique, puisque dans le premier cas,
l’objectif est de préserver la chaîne du livre et en particulier les libraires; dans le second, le
but est d’accroître les chances de rencontrer son public en étant présent sur tous les canaux.
Numilog joue pleinement son rôle de diffuseur en proposant une réelle prestation
commerciale aux éditeurs adhérents. Ainsi, il propose tout un éventail d’offres commerciales :
achat du livre à l’unité, vente par chapitre (Pick and mix), location du fichier numérique à
l’heure ou à la journée, le teasing (un chapitre offert), l’achat de bouquet de titres,
l’abonnement aux bibliothèques avec un accès illimité à une collection de titres.
39
ne sont pas interopérables, le libraire qui veut accéder à l’ensemble d’entre elles doit procéder
à autant de développements informatiques, ce qui s’avère si coûteux que l’entreprise s’avère
peu rentable. Pour éviter les distorsions de concurrence, il est indispensable que les éditeurs
parviennent à s’entendre, afin de rendre les plates-formes interopérables, Un accord aurait été
signé en mai 2010 entre Eden livres, Eplateforme, Epagine et Numilog afin de mettre à
disposition des libraires un catalogue commun. Il ne semble pas pour le moment que ce
déploiement soit opérationnel. Les revendeurs sont donc toujours en attente d’un hub
professionnel, indispensable pour rendre l’offre plus lisible et offrir aux lecteurs un catalogue
riche qui les incitera à lire des livres numériques.
Cependant, une étape importante a été franchie. Dilicom, société en charge des
catalogues informatisés qu’elle met à la disposition des distributeurs et des libraires, est
actuellement en cours de réalisation d’un hub entre Eden Livres, eplateforme, Immatériel et la
librairie Dialogue. Distributeurs et détaillants pourront donc se brancher à ce point de
connexion unique. Toutefois, le catalogue le plus important, celui d’Hachette, ne fait pas
partie de l’accord, ce qui limite la portée de ce point de connexion qui a pour ambition de
devenir unique.
40
Site Modèle Type Nombre de Positionnement
d’opérateur références de l’offre
Après l’interopérabilité, un autre point est important, est celui de permettre au libraire
de disposer du fichier. En effet, lors d’une table ronde organisée par Le Motif – Observatoire
du livre numérique en Ile de France- le 7 février 2011 sur le thème « Se lancer dans l’édition
numérique », Stéphane Michalon, directeur général d’epagine, spécifiait que l’on peut
distinguer deux catégories d’éditeurs : ceux qui disposent d’une copie du fichier et ceux qui
n’en disposent pas. Pour lui, il faut rapprocher rapidement le fichier du lecteur, c’est à la fois
un problème d’intermédiation et aussi de services. Le libraire qui dispose du fichier pourra
créer de nouveaux services : proposer un extrait des contenus ou permettre de procéder à une
recherche plein texte, par exemple. Le schéma ci-dessous illustrant le circuit du fichier dans
les deux hypothèses exposées précédemment, démontre que le modèle qui a le plus d’avenir
est celui où le libraire dispose d’une copie du fichier. En effet, il comporte le double avantage
de l’accès plus rapide aux données et de réduire les coûts d’intermédiation.
41
Cas 2 : Le libraire dispose du fichier
Source DEPS
42
Sur un marché du livre de 4,2 milliards d’euros en 2010, selon l’institut GfK, la vente
en ligne représente 9 % des ventes totales en valeur et 8 % en volume (le SNE estime quant à
lui qu’il frôle les 10 %), soit 320 millions d’euros. La progression est de 0,1 % en valeur et de
0,2 en volume par rapport à 2009. Cette croissance peut paraître faible, mais contrairement
aux autres secteurs culturels, c’est un marché qui se maintient.
Il est à noter que le poids de la vente sur internet évolue en fonction des marchés. Il est
en effet largement prédominant dans le domaine des sciences humaines, et en particulier le
développement personnel qui est bien représenté.
Source GfK
De même, le poids du fonds ancien est prédominant sur internet (43 % pour la vente
en ligne, contre 27 % pour l’ensemble des circuits), constatation allant dans le sens d’un effet
longue traîne pourtant contesté par certains.
43
Source GfK
De même, on peut noter une saisonnalité spécifique d’internet par rapport aux autres
circuits de distribution. Quelques points importants sont à noter à ce sujet :
- Les achats en ligne se font aussi à la rentrée scolaire, ce qui n’était pas le cas auparavant ;
- Les ventes de livres en ligne sont plus importantes sur internet par rapport aux autres circuits
de distribution au moment de la fin de l’année. Toutefois les achats de dernière minute ne
profitent qu’aux circuits traditionnels.
44
Source Gfk
Si la part de marché d’internet a presque doublé en 4 ans, celle des libraires s’érodent
lentement mais de manière constante au fil des années.
Source GfK
45
Plus de la moitié du chiffre d’affaires généré par la vente en ligne revient à Amazon,
suivi par la FNAC dont la vente en ligne représentait, à la fin 2010, 15 % du chiffre d’affaires
livre de l’enseigne. La librairie Decitre vient en 3e position avec 1,5 millions de visiteurs par
mois, puis dans l’ordre : Chapitre, Leclerc, Virgin, ainsi que les sites des grandes librairies
indépendantes (Mollat, Dialogues, Ombres blanches, Sauramps) 33 .
- le conseil,
- la souplesse de fonctionnement.
Ces points forts ne doivent néanmoins pas dissimuler les faiblesses. Aujourd’hui, les
libraires ont tendance à privilégier les ouvrages à forte rotation (les best-sellers) au détriment
du fonds éditorial. Ensuite, en raison du phénomène de surproduction, ils sont contraints de
faire le tri, leur surface de vente n’étant pas extensible, les livres sont donc retournés plus
rapidement. Il n’est donc pas étonnant, en raison de cette difficulté à maintenir le fonds
éditorial, de constater que les ouvrages de la longue traîne profitent principalement à la vente
en ligne.
33
« 1001 libraires se mobilisent contre Amazon », Le monde des livres, 28 octobre 2010
34
Loi n° 81‐766 du 10 août 1981 relative au prix du livre
46
Source GfK
Face à ces tendances, plusieurs mesures pourraient être mises en place pour soutenir la
librairie :
1° Comme mentionné plus haut, les syndicats de librairie devraient communiquer auprès du
public sur la loi Lang afin de faire savoir qu’un livre acheté sur internet ne revient pas moins
cher.
2° Il conviendrait d’informer qu’un livre non disponible chez un libraire peut-être commandé
et obtenu en deux jours, délai aussi rapide, voire plus, que celui garanti par un cyberlibraire.
35
Où va le livre, direction Jean‐Yves Mollier, édition La Dispute, 2007
47
un communiquant désireux de transmettre son amour du livre et réunir autour de lui des gens
désireux de tisser des liens et de débattre autour de sujets réunissant des communautés de
lecteurs.
Des initiatives intéressantes sont toutefois menées par certains. Ainsi, l’exemple de
1001libraires.com 37 mérite d’être cité. Il s’agit d’un portail qui propose l’accès à la totalité de
l’offre de livres, la livraison du livre à distance, mais aussi le retrait du livre dans un délai de
2h. Le libraire dispose en outre d’une plateforme qui lui permet de créer son site internet.
L’ambition du projet est de ramener les lecteurs dans la relation avec les libraires grâce au
dispositif de géolocalisation et à la possibilité d’acheter en ligne chez son libraire adhérent.
Le libraire, quoiqu’il en soit, aurait intérêt à prendre la parole sur le net, excellent
médium pour informer, conseiller et orienter. De même, il s’agit d’un excellent canal de vente
pour les libraires indépendants. La librairie Mollat l’a bien compris. Son dirigeant déclarait,
au journal Le Monde le 28 octobre 2010, avoir réalisé 7% de son chiffre d’affaires grâce au
Net.
36
http://blog.epagine.fr/index.php/2010/10/les‐bornes‐numeriques‐debarquent‐dans‐six‐librairies‐
parisiennes/
37
Le site dont la sortie était prévue initialement en décembre n’est pas encore disponible au moment
de la rédaction de ce document. Il devrait être mis en ligne avril 2011.
Ce site souffre toutefois d’un double handicap : la remise de 5 % ne sera pas appliquée et la livraison
sera facturée 2,95 € si le panier est inférieur à 25 €, gratuite au delà.
48
Il convient également de noter des initiatives locales, comme par exemple Libr’Est,
réseau de librairies du Nord-Est parisien 38 qui dispose d’ un fonds de 800 000 références et
donne au lecteur la possibilité de retirer le livre dans une des 9 librairies du réseau. Ce dernier
peut aussi choisir la livraison à domicile qui est faite sous 3 heures à Paris et Vincennes.
Les éditeurs doivent-ils avoir peur de ce nouvel acteur qui cumule les casquettes ? La
vigilance doit être certes de mise, toutefois, elle ne doit pas se transformer en dogmatisme.
L’arrivée d’un troisième acteur sur la place, ne peut être que positive. Une concurrence est
nécessaire pour rompre la position dominante du duopole Amazon et Apple sur le marché du
numérique. Google l’a bien compris. C’est cette position de leader qui permet à Apple
d’abuser de son quasi-monopole sur le marché des tablettes, en imposant aux éditeurs de
presse de proposer leurs titres en passant par l’application d’achat in-app 39 . Cette décision
ayant pour conséquence le versement à Apple de 30% du chiffre d’affaires généré par les
abonnements.
Françoise Benhamou 40 soulignait que : «Bien que cette stratégie conforte la position
dominante de Google sur le marché de l’accès aux contenus numériques, elle paraît plus
ouverte que celle d’Amazon : elle ne crée ni verrouillage, ni pression sur les prix et, comme le
souligne la firme elle-même, sa situation de quasi-monopole pourrait rendre plus de services
au consommateur que la fragmentation de l’offre constatée aujourd’hui.»
Google ne vend pas seulement du livre numérique, cette société est surtout connue
comme étant devenue la plus grosse bibliothèque en termes de références, suivie par
Europeana.
38
Le réseau regroupe les librairies : Le comptoir des mots, l’Atelier, Atout Livre, La Manœuvre, Le Genre urbain,
Millepages, Millepages BD et jeunesse, La librairie du 104, Le Merle moqueur.
39
http://www.macgeneration.com/unes/voir/129102/apple‐et‐la‐presse‐de‐l‐eau‐dans‐le‐gaz
40
Modèles économiques d’un marché naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou et Olivia Guillon,
Département des études, de la prospective et des statitstiques, Ministère de la culture, juin 2010
49
Les grandes bibliothèques numériques
Amazon et Apple ont été conduits à développer leur matériel de lecture numérique
pour des raisons différentes. Le premier pour vendre des livres, ce qui est son cœur de métier,
et le second pour vendre des matériels. C’est d’ailleurs l’arrivée sur le marché de l’iPad qui a
encouragé Amazon à modifier son modèle. Ainsi, le libraire en ligne a d’une part abandonné
50
la politique du prix plafonné, alors fixé à 9,99 € pour les nouveautés et a adopté le modèle
d’agence 41 et d’autre part, a modifié la répartition des revenus. Ainsi, cette société est passée
d’un modèle de partage du chiffre d’affaires 50/50 à une répartition 70/30, à l’instar d’Apple.
Il est à noter que l’ Agency model américain permet à l’éditeur de conserver la maîtrise du
prix qui sera pratiqué par le détaillant.
Kindle iPad
Part de marché 76 % 5%
Projection 2015 51 % 16 %
Sur le marché des readers, Amazon est le leader incontestable, suivi très loin derrière
par le Pandigital Novel et le Nook de Barnes and Noble.
Source: IDC Worldwide Quarterly Media Tablet and eReader Tracker, January 18, 2011.
41
L’éditeur mandate la plate-forme pour vendre le livre et fixe le prix.
42
http://www.apple.com/pr/library/2011/01/18results.html
51
La répartition est moins équitable sur le marché des tablettes. Ainsi, l’iPad
enregistrerait 87,4 % de parts de marché. Toutefois, il convient de noter que le marché n’est
pas encore stabilisé et risque de basculer en raison de l’avalanche de tablettes annoncées
chaque jour, (Galaxy Tab de Samsung, le Xoom de Motorola et le Playbook de Blackberry).
Un basculement du marché est possible. En effet, de nombreux produits équipés d’Androïd,
système d’exploitation open source, seront lancés sur le marché. En revanche, l’iPad qui
repose sur un dispositif propriétaire, et qui par conséquent entraîne un verrouillage de
l’utilisation, risque de perdre à terme son avance sur le marché. Les clients pourraient se
laisser séduire par des produits offrant plus de liberté.
15 millions d’iPad vendus rendent désormais le potentiel du marché attractif pour les
éditeurs désireux de publier des livres en anglais ou en plusieurs langues. En outre, selon
l’Institut GfK 43 , 435 000 tablettes seraient en circulation en France dont 350 000 iPad. Cet
équipement commence à être suffisamment significatif pour commencer à développer des
produits adaptés à ces supports.
Les opérateurs tentent de se lancer dans la course en subventionnant les appareils pour
recruter de nouveaux clients. Certains ont négocié avec Apple et Samsung des accords de
distribution.
En outre des éditeurs ont passé des accords avec les opérateurs téléphoniques, en
particulier sur les créneaux du guide de voyage, du feuilleton ou des bandes dessinées, par
exemple. On peut ainsi citer Mobilire, les guides de voyage Gallimard (Smartcity) et
Michelin, ou encore Smartnovel.
43
« Les tablettes ont trouvé un public en 2010, selon GfK », 01.net, 27 janvier 2011
52
Si le droit de la propriété intellectuelle est relativement bien adapté à l’économie du
livre papier, il l’est beaucoup moins à celui du livre numérique. Nous ne soulignerons pas ici
les incongruités qui imposent de citer dans les contrats d’édition des dispositions qui ne
peuvent s’appliquer aux contenus numériques, comme le tirage par exemple.
Autre problème, celui des œuvres orphelines, c’est-à-dire les livres dont on ne parvient
pas à retrouver les ayants-droits et qui ne sont pas encore entrés dans le domaine public. Dans
ce cas, l’éditeur doit-il renoncer à publier sur support numérique ? Le pragmatisme justifierait
d’éditer et de consigner la part des droits revenant aux auteurs. Mais alors, si le livre
numérique devient un succès, les ayants droits se feront alors connaître et pourront demander
à obtenir en plus des droits d’auteur des dommages et intérêts dont le montant pourrait être
préjudiciable à la rentabilité du titre.
Tous ces freins militent pour une remise à plat du droit d’auteur. Il conviendrait par
ailleurs d’intégrer l’ouverture d’un débat sur l’entrée des œuvres dans le domaine public,
passé depuis quelques années en France de 50 à 70 ans à compter de la mort de l’auteur.
Ainsi, il n’est possible d’éditer librement à ce jour que les œuvres d’auteurs décédés avant
1941. Ces contenus pourraient pourtant venir enrichir de nouvelles créations éditoriales et
permettraient à des pures players de limiter les coûts de production des œuvres aujourd’hui
très élevés. Des voix s’élèvent de plus en plus nombreuses, s’inquiétant des effets de
l’extension de la durée de protection des œuvres, en particulier, la faible incitation à la
création et l’attribution de rentes 44 . En réaction à ce phénomène, un mouvement en faveur du
libre s’est constitué, avec pour porte parole, Lawrence Lessig 45 , juriste américain qui a lancé
la licence Creative Commons destinée à mettre les œuvres à disposition d’une communauté.
Celles-ci pouvait être modifiées et rediffusées librement, chaque contributeur abandonnant ses
droits exclusifs au profit du suivant. Ces dispositions présentent un intérêt tout particulier
pour les ouvrages collaboratifs qui se développent aujourd’hui. Il n’est alors nul besoin
d’autorisation pour corriger le livre ou le compléter.
Pourtant, dans le cas d’une œuvre collective, le choix pour l’éditeur de se placer sous
le régime des Creative Commons plutôt que sous celui du code n’est pas forcément plus
avantageux. Pour bien comprendre le raisonnement, il convient d’abord de définir ce qu’est
une œuvre collective. Au titre de l’article L. 113-2 al 3 du Code de la propriété intellectuelle:
« Est dite collective l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui
44
L’économie de la culture, Françoise Benhamou, Edition la découverte, collection repères, février
2010
45
Lawrence Lessig, The future of ideas, Random House, New York, 2001
53
l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution
personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue
duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur
l'ensemble réalisé ». Ainsi, un dictionnaire, une encyclopédie ou tout contenu mêlant le
travail de plusieurs auteurs de façon telle qu’il est difficile de savoir quelle est la contribution
réelle, sont placés sous ce régime. Les effets sont définis par l’article L. 113-5 qui stipule que
« L'œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou
morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. ». Le législateur ajoute dans le dernier
alinéa que : « Cette personne est investie des droits de l'auteur. ». Ainsi, dans cette hypothèse,
c’est bien l’éditeur qui est titulaire des droits d’auteur et non pas les contributeurs. Ce qui
revient à dire qu’il peut disposer de l’œuvre, comme il le souhaite, sans avoir à solliciter
d’autorisations pour en modifier le contenu.
Les enjeux juridiques étant importants, c’est d’abord la question des œuvres
orphelines qui a été mise à l’honneur tant au niveau européen que français. En Europe, le
« Comité des sages », groupe de réflexion sur la numérisation du patrimoine culturel
européen, a remis un rapport 46 traçant le cadre réglementaire et financier de ce que devrait
être le programme commun des 27 Etats de l’Union Européenne et appelle à l’adoption, aussi
vite que possible, d’un texte européen réglementant les œuvres orphelines.
Dernier point important, celui de l’extension de la TVA au taux réduit aux livres
numériques, soit le passage d’un taux de 19,6 % à 5,5 %. L’enjeu est de taille puisqu’il
permettrait de réduire le prix du livre, en s’approchant plus sensiblement de celui souhaité par
les lecteurs. Bien que cette disposition figure dans l’article 25 de la loi de finances 2011, elle
ne s’appliquera théoriquement qu’à compter du 1er janvier 2012. Il est à rappeler que ce vote
du parlement a été fait en infraction aux dispositions de la directive 2006/112/CE relative à la
taxe sur la valeur ajoutée qui prévoit que c’est le taux normal qui s’applique en matière de
livre numérique. Pour que ce texte entre en vigueur, l’État français va devoir mener un travail
de lobbying important dans les couloirs de Bruxelles et arracher à ses partenaires un vote à
l’unanimité. La mise en œuvre du taux de TVA au taux réduit n’est donc pas gagnée. En
46
The New Renaissance, Report of the « Comité des sages », Elisabeth Niggemann, Jacques de Decker, Maurice
Lévy, Bruxelles, 10 janvier 2011 http://www.livreshebdo.fr/cache/upload/pdf/Rapport%20final%20‐
%20complet.pdf
47
Discours d’ouverture du ministre de la culture prononcé à l’occasion de la signature de l’accord‐cadre sur la
numérisation et l’exploitation d’œuvres indisponibles du XXe siècle le 9 février 2011
54
outre, cette polémique concerne le livre homothétique, ouvrage reflet du livre papier et non
pas le livre enrichi- le livre pluriel contenant à la fois du texte, du son et de la vidéo-. Ce
livre application, pourtant aujourd’hui extrêmement cher à développer, gagnerait, plus que le
modèle ancien, à obtenir un coup de pouce afin de soutenir des nouvelles formes de création.
Pour rassurer les éditeurs et les inciter à diffuser des livres numériques sans protection,
plusieurs arguments pourraient être avancés :
- Les DRM accroissent tout d’abord le coût de revient du numérique, puisqu’il est de
l’ordre de 3% ;
- Il est très facile pour les pirates de supprimer les DRM. De nombreux tutoriels
présents sur internet enseignent aux cyberpirates l’art et la manière de contourner la
contrainte ;
- L’une des raisons du piratage serait l’absence d’offre légale de livre numérique. Ainsi,
le livre de Michel Houellebecq a-t-il été massivement piraté, jusqu’à sa mise à
disposition sous forme digitale ;
- Le piratage sera limité si les contenus numériques sont proposés à un prix bien
inférieur au livre numérique, comme tend à le démontrer une étude conduite par GfK ;
- C’est une incongruité absolue puisqu’il porte obstacle à la portabilité des contenus qui
ne peuvent être transférés aisément d’un appareil nomade à un autre.
Pour résoudre cette question qui ne peut l’être que par l’expérimentation, les éditeurs
devraient procéder à des tests, en formant deux groupes de livres. Le premier constitué de
contenus protégés par DRM et l’autre sans protection.
55
Paragraphe 2 : Les métadonnées
Il s’agit des informations données sur le contenu : nom de l’auteur, titre de l’ouvrage,
nom de l’éditeur…La question des métadonnées est essentielle, car elles permettent au
consommateur de se repérer facilement, si elles sont correctement renseignées. En outre, plus
les contenus numériques seront nombreux et plus l’existence d’un ou plusieurs sites
permettant de rechercher le titre correspondant aux besoins des lecteurs sera indispensable.
Avec un libre accès aux métadonnées, il sera possible de développer des outils permettant
d’orienter le lecteur dans cette jungle que constitue le web. Comme le souligne Françoise
Benhamou : «Aujourd’hui les métadonnées prennent une dimension communautaire (dans un
réseau social, l’usager pourrait par exemple rendre visible et partager sa bibliothèque
numérique) et dynamique (mises à jour automatiques).»
Le livre est une industrie de prototypes à fort degré de risque. Les dépenses de
création, de production et de réalisation sont engagées, alors même que l’éditeur n’est pas à
même d’évaluer le succès de l’œuvre sur le marché 48 . Les petits et moyens éditeurs peuvent
assumer des coûts qui sont relativement modestes quand il s’agit de livre papier, mais qui
deviennent très importants pour les livres applications. Les économistes ne sont pas parvenus
pour le moment à expliquer la dynamique du succès, en dépit des tentatives d’intégrer des
théories mathématiques, comme celle du chaos par exemple. Pour faire face à ce risque, il faut
donc multiplier la production, pour élever les chances statistiques de publier un blockbuster
qui financera les échecs et permettra de dégager une marge acceptable. S’il est possible pour
une petite maison de publier sur ses deniers propres un ou deux livres enrichis ; elle sera
contrainte de se rapprocher d’une structure plus importante pour éditer un catalogue plus
ambitieux. Les pures players ne s’y sont pas trompés, puisqu’ils se voient contraints de lever
des fonds pour financer leur production éditoriale.
48
Révolution numérique et industries culturelles, Philippe Chantepie et Alain Le Diberder, La
Découverte, Collection repères, septembre 2010
56
Paragraphe 2. Risque de perte de la connaissance client
Pour bien travailler, l’éditeur a besoin d’un fichier et de connaître ses clients. Le
marketing relationnel est une donnée importante pour contribuer au succès des oeuvres. Ces
données se trouvent aujourd’hui concentrées chez les acteurs dont la position dominante
s’affirme de jour en jour. Quand un lecteur passe commande sur le Kindlestore ou
l’Applestore, ce n’est pas l’éditeur du livre qui récolte les données clients, mais les deux
cyberlibraires, Amazon ou Apple, qui sont alors à même de communiquer en fonction des
produits déjà achetés par le client.
Aujourd’hui, selon une étude menée par Hadopi 49 , le livre arriverait en 4e position des biens
culturels les plus piratés, 29 % des internautes en faisant un usage illicite. Le piratage est
majoritairement masculin (56 %) et est le fait d’adolescents et de jeunes adultes, les 15 à 24
ans représentant 70 % des pirates.
49
Hadopi biens culturels et usages d’internet : pratiques et perceptions des internautes français, 23 janvier
2011 http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/HADOPI_VDef_02A4.pdf
57
Afin d’y voir plus clair, le Motif, Observatoire du livre et de l’écrit en Ile de France, a
lancé une étude sur le piratage 50 . Cet organisme estime le nombre d’ouvrages piratés, à l’été
2009, de 4 000 à 6 000 titres, dont 3000 à 4 500 bandes dessinées, soit plus de 50 % du total.
Source le Motif
On note une très forte présence des best-sellers. Ainsi, Bernard Weber, Amélie
Nothomb et Frédéric Beigbeder sont les auteurs les plus piratés.
Titres les plus piratés en 2010
1 Gilles Deleuze 13
2 Bernard Weber 11
3 Amélie Nothomb 10
4 Frédéric Beigbeder 7
5 J.K. Rowling 7
6 Michael Connelly 6
7 Sophie Dudemaine 6
8 Jean‐Paul Sartre 6
50
Ebookz, Etude sur l’offre numérique illégale des livres français sur internet en 2009, le Motif, Octobre 2009
58
9 Albert Camus 5
10 Daniel Pennac 4
11 Eckart Tolle 4
12 Harlan Coben 4
13 Michel Foucault 4
14 Isaac Asimov 3
15 Marc Levy 3
16 Ken Wilber 3
17 Paul Ricoeur 3
18 Paulo Coelho 3
19 Stephenie Meyer 3
20 Ray Bradbury 3
Source le Motif
De même, certaines catégories d’auteurs font l’objet d’un piratage accru, il s’agit
d’abord des philosophes (Gilles Deleuze, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Michel Foucault et
Paul Ricoeur), qui apparaissent pour 25 % dans le top 20. Ceci serait dû en partie à la forte
notoriété internationale de ces auteurs dans le monde universitaire liée à la difficulté d’obtenir
ces titres dans des librairies ou des bibliothèques locales. De même, 25 % des ouvrages les
plus piratés sont des auteurs de science-fiction et fantastique (Bernard Weber, J.K. Rowling,
Isaac Asimov, Stephenie Meyer et Ray Bradbury). Ceci peut s’expliquer par le fait que ces
auteurs sont lus majoritairement par des adolescents, lesquels disposent de plus de temps pour
scanner page après page les livres.
Enfin, les auteurs de livres ésotériques sont eux aussi fortement piratés, tel est le cas
de Eckart Tolle et Ken Wilber.
Selon le classement effectué par le motif , les titres les plus souvent piratés en 2009
sont « Le sexe pour les nuls », la série « Harry Potter », « Le grand livre de cuisine » d’Alain
Ducasse et la série Twilight.
59
Répartition du piratage en fonction du secteur
Romans Romans
0,9
1,4
2,2 Pratique 2 0,6 Pratique
8,7
12,9
28,8 Scolaire et 17,4 Scolaire et
parascolaire parascolaire
26,7 25,6
12,1
27,1 Jeunesse Jeunesse
10,8
Beaux‐livres Beaux‐livres
Poésie, Poésie,
théatre théatre
Données SNE et le Motif
Les éditeurs les plus piratés sont Gallimard, Dunod et Hachette. Pour la bande
dessinée, Delcourt, Dargaud et Dupuis se trouvent dans le Peloton de tête.
Le piratage concerne avant tout les parutions récentes (2 ouvrages sur 3 ont été publiés
il y a moins de 10 ans), mais dans une moindre mesure les nouveautés (1 ouvrage piraté sur 4
a été publié il y a moins de 4 ans).
Une des motivations pour pirater semblerait être le manque de disponibilité du titre :
25,6 % des livres et 31,4 % des BD ne sont plus disponibles en offre légale papier. En outre,
94,9 % des livres piratés ne sont pas proposés en version numérique légale.
Ces données militent pour le développement d’un catalogue numérique d’une part et
pour des prix fixés très inférieurs au livre papier. Enfin, les éditeurs vont devoir concevoir des
outils de veille afin d’identifier les copies illégales en circulation et d’en bloquer le
téléchargement.
60
Section 2 : Les modèles économiques du livre numérique
Sous-section 1. L’éventail des modèles existants
Paragraphe 1. Tour d’horizon des modes de commercialisation
Actuellement, de nombreux modèles coexistent. Il peut s’agir de la vente du livre à
l’unité, ou d’une seule partie de celui-ci (Pick and mix 51 ), d’un abonnement, du pay per view
ou encore de la vente d’un bouquet de titres.
Françoise Benhamou 52 distingue ainsi trois modèles, qui peuvent toutefois être mixés avec
d’autres :
1° L’offre simple miroir du papier : le lecteur paie alors à l’unité et l’achat se fait par
téléchargement pour un accès à durée illimitée. La question qui se pose étant le juste prix, les
études montrent que le public se décidera à basculer si le prix du livre numérique est moins
élevé que celui du livre papier. Actuellement, la réduction de l’ordre de 15 à 20 %, est jugée
insuffisante par les consommateurs.
2° L’offre est gratuite : l’objectif étant d’inciter les internautes à aller vers l’offre payante. Il
peut s’agir d’une offre numérique vers des accès payants du type miroir ou service. Cela peut
concerner aussi une offre papier payante jointe à un site compagnon gratuit par exemple,
proposant des ressources complémentaires. Ce site étant un plus produit et une plateforme
commerciale pour faire découvrir le livre papier. Ces contenus gratuits peuvent être financés
par de la publicité (Le site du guide du routard et de Larousse, par exemple).
3° L’offre de service : le lecteur achète non pas un fichier ou un livre physique, mais l’accès à
un service associé à un contenu éditorial. Le lecteur consulte une bibliothèque numérique,
dont les droits lui sont accordés par la souscription d’un abonnement ou le versement d’un
forfait. L’édition scientifique et juridique a adopté depuis une dizaine d’années ce modèle qui
s’avère très lucratif. Toutefois, ces secteurs s’adressent à des cibles familières du modèle par
abonnement.
C’est sans doute ce dernier modèle qui se développera au fil des années avec
l’évolution des mentalités. En effet, avec le livre numérique, il ne s’agit pas de l’achat d’un
objet physique, mais de l’accès à un flux de données qui ne justifie plus que le lecteur
51
L’éditeur Lonely Planet propose ce type de modèle
52
Modèles économiques : d’un marché naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou, Olivia Guillon,
Département des études de la prospective et des statistiques, février 2010
61
détienne le contenu. Il passe de la qualité d’acheteur à celle d’usager. L’abonnement à des
bouquets de thématiques devrait donc se développer.
1° L’éditeur vend directement le livre numérique au lecteur (sur sa propre plateforme, par
exemple), le revenu dégagé sera alors réparti 50/50, comme pour la coopérative publie.net.
2° L’éditeur passe par un revendeur qui peut être un libraire en ligne ou un libraire
traditionnel, par exemple. L’éditeur cédera alors 25 à 30 % du profit, voire 50 % dans le cas
d’offres d’abonnement ou de streaming.
62
4° L’éditeur a sa propre plateforme et réalise la vente grâce au libraire : ce dernier recevra 25
% du chiffre d’affaires.
6° L’éditeur numérique adapte une œuvre à la lecture sur mobile : l’opérateur reçoit 30 %
pour assurer la distribution et la solution de paiement ; 5 % sera consacré à la mise en ligne,
l’hébergement et la maintenance. Si le contenu provient d’un éditeur papier, la somme
restante sera partagée.
On a tendance à penser bien trop souvent que le contenu numérique est constitué
d’ouvrages numérisés qui seront lus sur liseuses. Pourtant, l’information électronique
regroupe les bases de données en ligne, les ouvrages et revues au format PDF, les offres de
CD-Rom/DVD-Rom, l’extranet et le mobile.
Le marché français de l’information juridique électronique a été estimé par une étude
réalisée par SerdaLAB 53 pour Juriconnexion à 257,4 millions d’euros en 2008, en croissance
de 0,9% par rapport à 2007. Cette croissance est cependant inférieure à celle du marché global
de l’information électronique professionnelle en France qui est de 3,4 % pour un chiffre
d’affaires en 2008 de 1,57 milliard d’euros, mais aussi en net ralentissement par rapport aux
années précédentes (+ 7,6 % en 2005, +16 % en 2006 et + 17 % en 2007). Il est à noter que ce
53
Le marché français de l’information juridique numérique en 2010, SerdaLAB pour Juriconnexion, mars 2010
63
marché a subi de plein fouet la crise et que les grands groupes sont contraints de procéder à
des réorganisations 54 .
Le marché de l’information juridique est caractérisé par une forte concentration. Les
trois premiers éditeurs (Wolters Kluwer, Lefebvre Sarrut et Lexis Nexis) représentent 85 %
du marché de l’information juridique numérique.
SerdaLAB 2010
Les maisons d’édition juridique ne se contentent plus seulement de publier des livres,
elles diffusent de l’information professionnelle. Elles vont d’ailleurs plus loin, le numérique
leur permet de fournir à la fois du contenu et des services, satisfaisant ainsi l’ensemble des
besoins de la cible. Désormais, il est donc difficile de tracer la frontière entre information et
outils. Pour combler ce déficit de savoir-faire, les éditeurs juridiques ont acheté, ces dernières
années, des sociétés de logiciels métier. C’est ainsi que le groupe Lefebvre Sarrut 55 est
devenu en 2009, l’actionnaire majoritaire de la société Dhymiotis spécialisée dans les
solutions de signature électronique, les certificats numériques et l’archivage légal. L’objectif
étant de positionner l’entreprise sur le marché des téléprocédures (communication des pièces
par voie électronique, signature certifiée...) à l’instar de Lexis Nexis 56 et de Wolters Kluwer.
Francis Lefebvre a acquis en 2008 la société Patrimoine Management et Technologies qui
exploite notamment un logiciel d’approche patrimoniale globale. Lexis Nexis a racheté, quant
à lui, en 2006 l’éditeur de logiciel Datops qui propose des solutions d’extraction, de
traitement et d’analyse de l’information pour la veille sur internet. Wolters Kluwer propose
également des logiciels métier (Lamy solutions de gestion, par exemple). Grâce à la fusion de
l’information et des outils métier, l’éditeur est à même de proposer une solution intégrant
nativement le fonds documentaire au logiciel.
54
Wolters Kluwer (Editions Lamy et Liaisons) a mis en place un plan de suppression de 10% des postes situés en
France.
55
Le groupe Lefebvre Sarrut regroupe les marques Francis Lefebre, Editions Législatives et Dalloz. Il comporte
plusieurs activités : édition, formation et prestation informatique. Ce groupe est contrôlé par la famille
Lefebvre (66 %), Banexi (16 %) et les cadres dirigeants (17 %)
56
Lexis Nexis, qui regroupe Litec, Documentation organique et Jurisclasseur, appartient au groupe néerlandais
Reed Elsevier qui possède également en France Reed Business Information (regroupe notamment le magazine
Stratégies, les marques Prat, ESF et Comundi).
64
L’offre électronique n’est pas anecdotique. L’étude du SerLAB spécifie qu’elle
représente entre 10 à 55 % du chiffre d’affaires total des éditeurs juridiques.
Bien que de nombreuses circulaires aient été publiées par le gouvernement et qu’un
médiateur de l’édition publique ait été nommé, il est bien difficile au syndicat national de
l’édition de faire respecter le cadre des missions de service public dévolues à ces institutions
et de freiner les éditeurs publics dans leur travail d’enrichissement des données juridiques
brutes. Cette concurrence loin de décroître ne faisant que se renforcer, il est donc nécessaire
que les éditeurs juridiques ne se contentent pas de proposer seulement du contenu, mais
renforcent aussi leur offre de services.
La segmentation peut se faire aussi en fonction de la finalité lucrative ou non, ces derniers
n’étant pas soumis aux mêmes objectifs de rentabilité.
57
Scénarios prospectifs pour l’édition scientifique, Ghislaine Chartron, CNRS, janvier 2011
65
professeur au CNAM et directrice de l’Institut National des sciences et techniques de la
documentation, dégage quatre effets induits par le numérique :
1° Le marché est à la fois plus concentré et ouvert. Des plates-formes ont été créées ces
dernières années mettant à disposition un vaste catalogue de contenu accessible sous la forme
d’un abonnement global ou sectoriel. De même, la demande s’est organisée avec le
développement de groupements d’achats tels que l’association internationale ICOLC,
Couperin et Carel. Il s’est produit l’émergence de nouveaux éditeurs (Biomedcentral et Plos,
par exemple) et de plates-formes comme celle de Scielo.
3° Les nouvelles modalités de diffusion ont peu modifié les modalités de communication
entre chercheurs. L’évaluation par les pairs continue d’être faite majoritairement à partir des
revues installées et jugées incontournables et quelques nouvelles revues peu nombreuses.
66
Partie 2 :
Bâtir une stratégie numérique
67
Au moment où sont écrites ces lignes, la question n’est plus de publier ou non des
ouvrages numériques, mais elle est de savoir quels livres numériques ? Pour quelle
rentabilité ? Toutefois, la révolution numérique peut aussi bénéficier aux livres papiers grâce
à leur promotion sur le web.
Le livre, ce n’est pas le support, mais bien le contenu. Qu’il soit papier ou numérique,
l’éditeur doit s’assurer qu’il se vende au mieux. La question qui se posait encore il y a
quelques mois dans les groupes d’édition, et qui semble avoir été résolue depuis, tournait
autour de l’opportunité d’éditer ou non la version numérique d’un livre papier. La réponse
aujourd’hui, pour la majeure partie des maisons d’édition, est positive. Virginie Clayssen,
directrice adjointe du développement numérique chez Editis, déclare que le contenu est
systématiquement édité sur ces deux supports. Cette assertion est d’ailleurs démontrée par les
faits. Ainsi, l’animatrice du blog Idboox 58 , a posté le 22 janvier 2011 un billet, écrivant que le
distributeur de livres numériques ePagine a augmenté son catalogue d’ebooks de 602
nouveautés provenant de 54 éditeurs, ce qui prouve que les éditeurs commencent à se
mobiliser sur ce marché.
Si les gros éditeurs ont choisi d’entrer dans la course, les petits et les moyens éditeurs
peuvent voir là une manière d’accroître les canaux de distribution et par là même de faire
croître leur chiffre d’affaires. Ainsi, Hatier propose sous la forme numérique sa collection
« Profil d’une œuvre » composée de 45 titres. L’éditeur jeunesse Nantais, Gulf Stream, a
quant à lui numérisé sa collection de romans policiers intitulée « Courants noirs » destinée
aux enfants de 9 ans et plus, tendant ainsi à prouver que la digitalisation concerne l’ensemble
des secteurs, y compris celui de la jeunesse. De même, les éditions Champ social, installées à
Nîmes, a mis en ligne l’intégralité de son catalogue en numérique sur son site internet. En 4
mois, les ventes de livres numériques représentaient 10 % de son chiffre d’affaires.
58
http://www.idboox.com/
68
Enfin, le prix des livres numériques est encore ressenti comme trop élevé par le public.
Une étude 59 réalisée par l’IPSOS pour le compte du Centre National du livre, montre que les
lecteurs souhaiteraient que le prix du livre numérique soit inférieur en moyenne de 40% à
l’ouvrage papier.
Les prix pratiqués sont donc encore trop élevés. Bien que les éditeurs réduisent
actuellement les prix de vente du livre numérique par rapport au papier, cet effort reste encore
bien timide. Ainsi, la version papier d’Antigone de Jean Anouilh publiée par Hatier est
vendue à 4,50 € prix public (prix Fnac : 4,25 €), tandis que le prix du livre numérique est fixé
à 3,49 €. L’effort est encore moins significatif pour l’éditeur Gulf Stream, car non seulement
son fonds est proposé dans la version PDF, mais la remise n’est pas susceptible d’encourager
59
“Les publics du livre numérique”, IPSOS/CNL, mars 2010
69
l’acheteur à acquérir la version numérique. Le prix public du livre papier intitulé « Attaques
nocturnes » est fixé à 12,50 € et est vendu sur ePagine sous sa forme numérique à 10,63 €.
L’augmentation de la part des ventes dans le chiffre d’affaires des éditions Champs social
(voir plus haut) montre que le facteur prix est déterminant. Alors que le livre papier est vendu
20 €, celui-ci est proposé a 4,99 € dans sa version numérique.
Les prix généralement pratiqués paraissent disproportionnés pour le public qui est en
droit de s’interroger sur les raisons pour lesquelles le prix moyen d’une application sur
l’Applestore est de 2,68 € alors que les coûts de développement sont largement supérieurs aux
coûts de production d’un livre numérisé.
Volume d'ebooks (%) par
fourchettes de prix
2,8 Gratuit
0,01‐ 1,00 €
4,5 11 12,8
1,01 ‐ 2,00 €
6,4 2,01 ‐ 3,00 €
26,5
15,4 3,01 ‐ 4,00 €
4,01 ‐ 5,00 €
20,5
5,01 ‐ 10 €
10,01 €
Apple Appstore – Mai 2010
Les éditeurs ne doivent pas s’attendre pour le moment à des ventes faramineuses.
Ainsi, la librairie électronique Immatériel déclarait, lors d’une journée organisée par Dilicom
en février 2011, que son chiffre d’affaires est de 8000 € par mois. Il faut toutefois remarquer
que la progression des revenus de ce cyberlibraire a en un an largement progressé Il est, en
outre, intéressant de constater que les livres en informatique et dans le domaine de
l’entreprise, sont ceux qui se vendent le mieux proportionnellement.
70
Catalogue Immatériel
Secteurs % du catalogue % du CA
Littérature générale 37 % 35 %
Sciences humaines 28 % 9%
Informatique 5% 40 %
Entreprise 5% 12 %
Livres pratiques 4% 4%
Ces sites présentent l’avantage de créer un contact direct avec le lecteur, en permettant
de mieux comprendre le lectorat de la maison d’édition et de créer un lien entre le marché et
la marque. Alors que sur le marché traditionnel les éditeurs ne connaissent pas leurs lecteurs,
il est aisé sur internet de constituer une base de données clients permettant de mettre en
œuvre une politique de contacts directs pour adresser des propositions commerciales.
Il peut être joint à ce site, la création d’une application présentant l’offre de la maison
d’édition. Bien qu’onéreuse à fabriquer, c’est un moyen de créer un contact plus intime avec
le client, en lui envoyant des informations en push sur les nouveautés et en facilitant l’accès
au catalogue numérique. C’est ainsi que Le Diable Vauvert a proposé dès janvier 2010 une
application. Celle-ci permet d’accéder au catalogue. En outre, elle contient une rubrique
actualités (signatures, sorties libraires, rencontres…), ainsi qu’une section multimédia avec
des interviews d’auteurs, des bandes annonces et l’accès gratuit en streaming à des ouvrages
numériques. Toutefois, un an plus tard l’application semble avoir été supprimée de
l’Applestore.
De même, les éditions Harlequin, chez qui le chiffre d’affaires du livre numérique
représente 8 % du total, propose une librairie mobile sur l’Applestore. Afin de découvrir le
71
fonds, le lecteur peut accéder gratuitement à des extraits des livres du catalogue, ainsi qu’au
premier chapitre. Les livres sont vendus 2,99 €.
Aujourd’hui, les buzz orchestrés sont surtout le fait de groupes d’édition qui mettent
en pratique ces techniques quand les enjeux sont importants, afin d’assurer une mise en place
conséquente d’ouvrages en librairie et permettre la rencontre entre le livre et son lecteur. Il
peut s’agir de campagnes d’emailing, d’interventions sur les forums, de sites compagnons ou
de vidéos, par exemple. Twilight de Stephenie Meyer est un cas d’école. Cet ouvrage a été
d’abord publié chez un petit éditeur américain. Une communauté très active s’est développée
par la suite sur intenet, alimentant le buzz.
Ils peuvent être utilisés comme support de communication, en créant une intimité entre
la collection, l’auteur ou le héros. Toutefois, il convient de faire attention, quand le lien entre
les personnages et les lecteurs est noué, il faut le maintenir et ne pas se contenter d’alimenter
le blog uniquement durant le lancement de l’ouvrage.
Les blogs sont aussi des outils de prescription. Il faut alors mener un travail
d’identification des blogueurs reconnus dans le milieu et dont l’avis compte. Dans le cas de
l’édition littéraire, ce travail quelque peu fastidieux, a été facilité grâce à l’apparition des hubs
littéraires. Il s’agit en fait d’agrégateurs d’une communauté qui d’une part répertorie les
articles postés par les blogueurs et qui, d’autre part, les rassemble autour de points d’intérêts
communs. Ces hubs jouent de plus en plus un rôle d’interface entre les éditeurs et les
blogueurs. Ainsi, l’éditeur contacte le hub et détermine le nombre d’exemplaires à servir en
service de presse, ceux-ci sont alors répartis par le site entre les blogueurs.
72
Quatre hubs sont particulièrement efficaces dans le secteur.
Paragraphe 1 : Babelio
Ce site créé en avril 2007 enregistre près de 4 millions de visiteurs uniques. Outre son
activité de mise en contact des internautes par affinité de lecture, il met en œuvre des
opérations baptisées « Masse critique », programme de promotion des livres auprès de la
blogosphère comprenant un fichier de 400 blogueurs. Le service de presse est gratuit,
toutefois une version premium payante est proposée aux éditeurs.
73
Paragraphe 2. Blog-O-Book
Ce site a été créé en 2009 afin de répertorier les livres dont les blogueurs parlent. Il
propose aussi un programme à destination des maisons d’édition. Ainsi, Blog-O-Book affiche
chaque semaine une liste de livres offerts tous les dimanches à partir de 15h. Les premiers
blogueurs volontaires reçoivent un exemplaire du livre en échange d’une critique à publier
dans le délai maximum d’un mois. En outre, BOB publie une carte des lecteurs francophones.
Paragraphe 3. Livraddict
Notons tout d’abord les réseaux sociaux. Complémentaires des blogs, ils permettent
aux internautes de se regrouper par cercles d’intérêts. Il est désormais classique pour les
éditeurs d’ouvrir une page Facebook et un compte Twitter. C’est, en effet, une bonne manière
de faire parler des livres, sachant que pour les gros lecteurs comme pour ceux qui lisent peu,
les conseils fournis par des amis constituent le premier vecteur de prescription.
74
Ces réseaux sont un bon indice de la popularité d’un titre ou d’une collection. Ainsi
pour Twilight : 5 millions de personnes aiment le livre ; Harry Potter comptabilise quant à lui
près de 7 millions de fans. Les internautes sont parfois si impliqués qu’ils n’hésitent pas à
créer leurs propres pages pour alimenter leur communauté, voire de créer des blogs à la gloire
des héros.
Les réseaux sociaux sont composés d’une palette d’outils qu’il convient d’utiliser en
fonction de l’objectif à atteindre, mais aussi de la cible. Nicolas Cauchy 60 , responsable
internet Univers Poche (Editis), fournit un exemple concret. Lors du salon Japan expo,
évènement mondial réunissant les amoureux de manga, le community manager de la
collection Kurokawa a twitté pendant toute la durée du salon, permettant aux lecteurs qui ne
pouvaient pas se déplacer de suivre les grands moments. Ces tweets ont donné lieu à de
multiples interactions au sein de la communauté.
Anne Assous, directrice marketing chez Gallimard, pense que les réseaux sociaux
constituent un outil bien adapté au livre qui est un bien d’expérience, selon le concept
introduit par Phillip Nelson 61 . C’est cette expérience même qui permet d’attribuer une valeur.
L’éditeur doit apporter aux lecteurs les moyens de faire part de cette expérience, de
témoigner. Le ticket d’entrée est toutefois élevé, certes l’ouverture d’une page sur facebook
est gratuite, mais si l’éditeur veut donner aux internautes des raisons de transmettre
l’information et de communiquer avec d’autres, alors le coût au contact est plus élevé.
60
“Assises du livre numérique : la commercialisation du livre dans l’univers numérique », conférence organisée
par le SNE
61
« Information and consumer behavior », Phillip Nelson, Journal of Political Economy, vol. 78, n° 2, p 311‐329
75
Toutefois, si pour la littérature générale, la question d’être ou ne pas être sur les
réseaux sociaux peut se poser, elle ne doit pas l’être pour le secteur jeunesse. Une étude IFOP
montrait que 96 % des jeunes 62 de 18 à 24 ans sont sur les réseaux sociaux. Y être n’est même
plus une option mais une évidence.
Gallimard Jeunesse a lancé une expérience sur la plate-forme Skyblog qui cible la
tranche des 10-15 ans. Cet outil permet de conserver un lien avec les lecteurs. La marque peut
ainsi converser et prolonger l’expérience de lecture. Plusieurs leviers ont été mis en place :
des vidéos sont proposées sur la plateforme ; les internautes sont sollicités pour faire partie
d’un groupe de lecteurs experts ou devenir chroniqueurs.
Pour le lancement d’un livre, les éditeurs combinent souvent différents outils. Pour le
lancement de l’ouvrage « Le chuchoteur » de Donato Carrisi, différents moyens ont été
utilisés :
3° l’achat d’espace,
5° la création d’un mini site sur lequel les internautes étaient renvoyés pour entrer dans
l’univers du livre.
62
« Observatoire des réseaux sociaux », IFOP, Janvier 2010
76
Les newsletters sont aussi un moyen de maintenir le lien avec le lecteur et de procéder
à un marketing ciblé. Le cercle de lecteurs de la Pléiade compte 30 000 membres, dont 15 000
d’entre eux abonnés à la newsletter. Gallimard utilise cet outil de fidélisation pour
communiquer auprès de cette communauté de lecteurs fidèles. Les résultats sont d’ailleurs
excellents : le taux d’ouverture étant de 50 % et le taux de clic de 20 %.
Ce titre, dernier livre d’une trilogie qui compte l’histoire d’une jeune fille qui décédée
et devenue fantôme côtoie le monde des humains, a bénéficié d’une campagne de grande
ampleur. Ainsi, la sortie de ce livre a été accompagnée d’un trailer, digne des meilleurs films
d’animation. Ce lancement a été soutenu par un jeu concours permettant à l’internaute ayant
posté la vidéo la mieux notée de gagner une guitare rock.
77
Tonya Hurley, l’auteure, anime un blog sur lequel figure des anecdotes concernant les
évènements liés au livre, en lien avec le mini-site skyrock aux couleurs de Ghostgirl. Une
appli iPhone crée une relation intime entre le personnage et le lecteur, afin de prolonger
l’expérience de lecture.
Notons d’abord qu’il n’y a pas seulement les moteurs de recherche classiques qui
proposent des dispositifs permettant de promouvoir le livre. En effet, le cyberlibraire Amazon
propose aux éditeurs d’intégrer l’opération « Chercher au cœur du livre ». Ainsi, en échange
de l’envoi de l’ouvrage papier ou PDF, le livre est mis en ligne. L’internaute accède alors à un
dispositif de feuilletage. Il peut également effectuer des recherches parmi les pages de
l’ensemble du fonds éditorial numérisé figurant sur le site afin de trouver précisément le livre
qu’il souhaite acheter.
78
A cette forme de promotion, l’éditeur peut intégrer le dispositif proposé par Google,
dont les performances devraient être meilleures et ceci pour deux raisons : d’une part, parce
qu’il s’agit du moteur de recherche le plus utilisé en France et d’autre part, sa plateforme de
promotion est multicanal.
Après conclusion d’un contrat avec Google dans le cadre du programme partenaires,
l’éditeur peut proposer le contenu de ses livres dans les résultats de recherche, accroissant
ainsi la visibilité des livres. L’adhésion à ce programme est gratuite. En échange, l’éditeur
s’engage à permettre la visualisation d’au moins 20 % du contenu. Ce dernier reçoit chaque
semaine un rapport statistique rendant compte de la popularité des ouvrages mis en ligne.
L’internaute qui est intéressé par un livre peut l’acheter en ligne grâce à un dispositif
d’affiliation avec des libraires.
Les éditeurs français sont encore peu nombreux à se joindre au programme de Google.
Ils craignent à la fois de mettre en ligne gratuitement du contenu qui ferait concurrence au
livre payant et éprouvent des craintes à pactiser avec la firme américaine diabolisée par les
médias. Pourtant les avantages sont nombreux. 85 % des internautes passent par Google pour
procéder à une recherche. Donc si le fonds de l’éditeur s’y trouve, et si l’internaute décide
d’aller plus loin, il pourra être enclin à acheter le livre, d’autant que la partie du contenu
lisible n’est ni imprimable, ni copiable. En outre, l’achat de l’internaute est facilité par des
liens vers les sites des libraires ou le propre site de l’éditeur.
79
Lien vers l’achat d’un livre
De même, l’éditeur n’a pas à craindre d’évincer les libraires physiques au profit des
cyberlibraires, puisque l’internaute peut procéder à une recherche sur le site des librairies les
plus proches de chez lui, afin de s’y rendre.
Bien que les revenus publicitaires soient anecdotiques pour l’éditeur, celui-ci perçoit
une rémunération lorsque l’internaute clique sur une publicité figurant sur la page sur laquelle
figure le livre.
80
Revenus perçus grâce aux publicités contextuelles
Enfin, le rapport statistique, adressé toutes les semaines à l’éditeur, récapitule les
tendances de consultation et permet d’avoir une meilleure connaissance du marché. Il est ainsi
possible de comparer les chiffres d’une semaine sur l’autre et des points particuliers, comme
la consultation de livres, consultation de pages ou consultation de livres avec clics d’achat,
par exemple.
Rapport statistique
En outre, l’éditeur peut obtenir les chiffres pour un pays ou une région et connaître
ainsi l’origine du trafic.
81
Carte de représentation du trafic
82
Cette même application pourra être intégrée au site des libraires pour valoriser le fonds
de l’éditeur. L’internaute peut alors feuilleter les titres, mais ne peut ni imprimer, ni copier-
coller ou télécharger.
Il est à noter que ce programme nommé Google Books search ne doit pas être
confondu avec Google ebooks store. Le premier est un moteur de recherche dédié aux livres,
tandis que le second est un magasin en ligne qui permet de consulter et d’acheter des livres
électroniques.
Ce dernier programme baptisé, Google Editions, devait voir le jour à l’été 2010 et a été
sans cesse repoussé depuis. Son lancement est programmé en France dans le courant de
l’année 2011. Celui-ci sera peut-être bientôt accessible puisqu’un accord a été signé avec
Hachette et que le fonds présenté dans ce magasin virtuel devrait être suffisant pour justifier
son lancement.
83
Sous-section 6. L’affiliation
Pourcentage de commission
Fnac : 6 à 8 %
Mini-boutique Fnac.com
84
Sous-section 7. Achat de mots clés
La pratique d’achat de mots clés sur les moteurs de recherche est particulièrement
développée au sein des librairies en ligne. L’éventail de mots clés choisis est varié.
85
Sans doute pour les éditeurs techniques, cette politique marketing est plus aisée à
financer en raison du prix élevé des livres. Toutefois, les éditeurs généralistes pourraient eux
aussi mettre en place des campagnes adwords pour promouvoir l’ensemble d’une collection.
63
« Etude de faisabilité et préfiguration d’un SPL du livre dans le Nord‐Est parisien », Benoît Berthou, Université
Paris XIII Nord, LABSIC, en collaboration avec Fontaine O livres et en partenariat avec la Mairie de Paris (DPVI)
86
Benoît Berthou préconise, en outre, la mise en place d’une coopération entre les
différents acteurs de la filière, laquelle permettrait notamment la mutualisation des
compétences (par exemple, le partage d’un comptable ou encore la négociation en commun
des achats) et la mise en place de coopérations permettant de mieux exploiter le potentiel des
outils de production.
Dans le même esprit, la mairie de Paris ouvrira les portes du Labo de l’édition 64 , un
lieu d’incubation et d’innovation, qui a pour ambition d’aider les acteurs du livre à vivre la
transition numérique. La mairie de Paris souhaite : «soutenir des projets innovants qui
mutualisent des compétences et suscitent des convergences et liens entre les filières du livre,
de l’édition et du marché numérique».
Aujourd’hui, force est de constater que nombre de maisons d’édition réalisent cette
production de façon artisanale. Elles produisent les nouveautés, puis constituent les fichiers
numériques à partir du PDF ou du livre papier. Le bon sens milite vers une modification du
process en un mode de production XML natif, celui-ci devant présenter un triple avantage :
La maison d’édition doit donc mettre en place des outils destinés à fluidifier la
production et à l’automatiser. Cela commence d’abord par l’analyse des objectifs à moyen
terme. Ensuite, les différentes collections doivent être analysées afin de définir le niveau de
structuration qu’impose les fonctionnalités nécessaires pour publier le contenu papier et
numérique tel que défini par l’éditeur. Ce travail d’analyse servira de base pour écrire la
DTD 65 . Celle-ci devra être modulaire et comprendre par conséquent des modules communs et
des modules spécifiques. Cette DTD permettra l’export des données au format XML et leur
intégration automatique dans les gabarits de mise en page.
64
http://www.paris.fr/accueil/accueil‐paris‐fr/le‐labo‐de‐l‐edition‐un‐nouvel‐equipement‐innovant‐de‐la‐
ville/rub_1_actu_98352_port_24329
65
DTD, définition de type de document, décrit un modèle de document SGML ou XML.
87
Afin de réduire les coûts amont et de gagner du temps, l’idéal serait de former les
auteurs à l’utilisation d’éditeur structuré du type XML Editor ou XMetal. En outre, il faudra
adopter de façon définitive un logiciel de mise en page permettant de traiter du XML,
Indesign CS5 étant considéré comme le plus adapté aujourd’hui.
De même, produire des contenus plurimedia, c’est bien, mais encore faut-il savoir les
vendre. C’est la raison pour laquelle l’éditeur doit se former pour maîtriser les nouvelles
techniques permettant de faire connaître les ouvrages et de mieux les diffuser, afin de
dialoguer efficacement avec le service marketing et commercial.
Enfin, la tendance vers une convergence des médias, marque la nécessité d’intégrer
une partie des savoir-faire de l’industrie du cinéma, des jeux vidéo et de la musique
notamment.
66
Les écrits à l’heure du numérique, Bain et Company, Forum d’Avignon 2010
http://www.forum‐avignon.org/sites/default/files/editeur/2010_Etude_Bain_FR.pdf
88
population de ces deux pays d’ici 2015. La France devrait atteindre 4% d’équipement en
2012.
En outre, les pratiques changent. Alors que 20 % des lecteurs se constituaient une
bibliothèque complètement gratuite et 10 % entièrement achetée sur ordinateur, ce chiffre est
de 5 % dans le premier cas et de 20 % dans le dernier quand ils font l’acquisition d’une
tablette ou d’une liseuse. Le lecteur électronique favorise le payant, sans doute en raison de la
facilité d’achat sur les librairies en ligne ; dans le cas de l’Applestore, il suffit de deux clics
pour être débité. L’ebook ne devrait pas remplacer complètement à moyen terme le papier. En
effet, 41 % des personnes interrogées déclarent qu’elles ne peuvent pas se passer de
l’expérience papier.
Le prix n’est pas le seul catalyseur d’adoption de l’ebook (40 % des personnes
interrogées), puisqu’il entre en troisième position. Le premier critère étant la facilité d’achat et
le second la portabilité de la bibliothèque sur un seul support.
89
Bain et Company, 2010
En outre, les lecteurs actuels d’ebooks sont surtout des lecteurs de livres de littérature
générale appartenant au fonds pour 43 %, des nouveautés pour 30 % et des livres illustrés
pour 23 %. La littérature générale est surreprésentée, ceci en raison, sans doute, des
fonctionnalités des liseuses, dont l’encre est uniquement noire. Le développement d’appareils
traitant les couleurs et permettant une lecture sans fatigue oculaire devrait permettre
d’accroître l’intérêt pour le livre illustré.
Enfin, les lecteurs considèrent que le prix d’un livre numérique doit être inférieur de
36 % pour les nouveautés et de 40 % pour les livres plus anciens.
67
http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2011/01/13/quelle‐influence‐ont‐nos‐supports‐de‐lecture‐sur‐le‐moment‐
ou‐on‐lit/
90
Blog, La Feuille
Hubert Guillaud, rédacteur du blog «La Feuille», note ainsi que «l’iPhone permet de
faire de la lecture interstitielle, dans les moments de vides, moments de transports, de
déplacements... » La lecture sur smartphones est bien liée principalement à la mobilité.
Pour les utilisateurs d’un iPad, l’usage est différent. Ainsi, on peut observer un pic en
tout début de matinée et une utilisation croissante en début de soirée à partir de 19 h.
Blog La Feuille
De même, si l’on compare l’usage des utilisateurs qui possèdent à la fois un ordinateur
et un iPad avec ceux qui ne possèdent que le premier, on peut constater que les possesseurs
d’iPad lisent sur ordinateur pendant les heures de bureau de 10 h à 14 h, et qu’ils se tournent
vers l’iPad en fin de journée. Alors que le deuxième groupe fait un usage important de
l’ordinateur tout au long de la journée.
91
Blog, La feuille
On peut ainsi en déduire que la tablette d’Apple est lié à un usage de détente et de
confort. Hubert Guillaud conclut sur ces mots : «Les gens ont certainement tendance à vouloir
trouver un moment et un support plus confortable pour consommer du contenu que devant
leurs écrans d’ordinateur. Visiblement, l’iPad conduit à un changement de consommation du
contenu. On passe de la contrainte de lire, de s’accrocher aux flux, au plaisir. On passe du
fauteuil de bureau au canapé du salon ou au lit.»
Les parents pensent que le temps passé par leurs enfants sur des supports numériques a
des effets sur leur vie.
68
2010 Kids et Family reading report : turning the page in the digital age, Harrison Group
http://dayspringag.org/files/Fall2010/2010_KFRR.pdf
92
Harrison Group 2010
Plus les enfants sont âgés et plus le temps passé sur des supports électroniques
augmente au détriment de celui occupé à la lecture.
Les parents sont majoritairement inquiets de l’impact du numérique sur le temps que
leurs enfants consacrent à la lecture, 56 % en moyenne. En outre, si les parents devaient
supprimer un appareil électronique à leurs enfants pendant une à deux semaines, ils répondent
majoritairement la télévision, les jeux vidéo et les téléphones portables. Toutefois, les
réponses diffèrent selon le sexe et l’âge des enfants.
93
Harrison Group 2010
La plupart des enfants de 9 à 17 ans ont une définition plus large que leurs parents de
ce qu’est la lecture, 28 % pensent que lire des commentaires sur Facebook est une activité
apparentée à la lecture.
.
Harrison Group 2010
En dix ans, la lecture de livres a diminué chez les jeunes parmi lesquels on note une
réduction du rythme de lecture et du nombre de gros lecteurs.
94
Toutes ces tendances sont intéressantes à analyser pour les éditeurs de livres, et en
particulier, du secteur scolaire et parascolaire. Nous savons désormais en effet que les jeunes
adoptent d’autres formes de pensée 69 , en privilégiant les accès au savoir et les approches
aléatoires 70 , par le biais des liens hypertextes notamment. Ils éprouvent des difficultés avec
l’enseignement académique, en particulier le raisonnement démonstratif progressif 71 . Le
digital native est un impatient pour lequel tout doit aller vite. Il recherche la satisfaction d’un
plaisir immédiat et des récompenses fréquentes. Ce que montrent les études, c’est que pour
exploiter ces nouvelles structures mentales, il faut aménager, sinon abandonner la pédagogie
traditionnelle où seul l’enseignant s’exprime et les élèves restent passifs, sauf très rares
exceptions. Le jeune, désormais doté d’un cerveau hypertexte et d’une aptitude au
fonctionnement multitâches, attend plus d’autonomie, d’interactivité et que soit privilégié le
travail en réseau ou en groupe. Certains auteurs plaident pour l’utilisation du jeu sérieux 72 à
des fins pédagogiques. Ces attentes peuvent trouver à être satisfaites par le développement de
produits plus adaptés dans l’édition scolaire et parascolaire. Ceci ne pourra se faire néanmoins
sans les enseignants. Les éditeurs ne pourront faire évoluer seuls les manières de concevoir
des manuels numériques, ils doivent le faire au côté des enseignants qui doivent eux-mêmes
révolutionner l’apprentissage et la transmission du savoir auprès des digital natives, en
remettant en question les méthodes traditionnelles de pédagogie.
69
Marc Prensky, Digital natives, digital immigrants, 2001, www.marcprensky.com
70
Born Digital, John Palfrey et Urs Gasser, Basic Books, 2008
71
Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions de transmission : un choc de cultures, Sylvie Octobre,
DEPS, janvier 2009
72
http://henryjenkis.org
95
Section 3 : Le rôle de l’éditeur
La profusion de contenu oblige les éditeurs à mettre en œuvre des stratégies marketing
destinées à capter l’attention de la cible et devrait ouvrir la voie à la création de sociétés qui
mettraient à disposition du public des outils permettant de faire la part des informations
pertinentes et non pertinentes. Google répond en partie à cette problématique en «vendant de
l’attention» aux éditeurs et en permettant aux consommateurs d’accéder au contenu en
fonction de sa pertinence. Toutefois, les moteurs de recherche tels que nous les connaissons
ne suffisent pas à satisfaire ce besoin. Il est, par exemple, très difficile de s’y retrouver dans le
capharnaüm des applications distribuées sur l’Apple Store. Certains éditeurs s’organisent,
comme Hachette , en créant avec Myboox un réseau communautaire jouant le rôle de
prescripteur, mais aussi en développant un module «My boox affinité» - ayant pour base line
«j’ai rencontré un livre»- qui, en fonction de la typologie de l’internaute, fournit des conseils
de lecture.
73
La longue traîne : la nouvelle économie est là, Chris Anderson, Pearson, avril 2009
96
Matt Shatz affirme que le rôle de l’éditeur est affecté par ce qui hier faisait sa valeur ajoutée :
la coordination de la fabrication du livre papier ou ses relations avec les libraires, n’a plus
d’intérêt dans l’ère numérique. Il y a, dit l’auteur de cet article, quelques signes avant-
coureurs de l’érosion de la position dominante des éditeurs. Ainsi, l’éditeur Random House
annonçait récemment qu’il souhaitait sous-louer 30 % de la surface de son siège social à
Manhattan. De même, Seth Godin, ancien responsable du marketing chez Yahoo et auteur de
plusieurs livres à succès, a passé un accord avec Amazon pour vendre ses livres en direct.
Cette bataille qui consiste à devenir l’intermédiaire principal entre l’auteur et les
lecteurs est composée de trois acteurs : agents, éditeurs et distributeurs. Les agents ont certes
une relation privilégiée avec les auteurs, mais ne possèdent pas l’infrastructure pour mettre en
oeuvre une politique commerciale et marketing satisfaisante. Matt Shatz estime que les mieux
placés sont les distributeurs parce qu’ils sont directement en contact avec le consommateur et
peuvent déployer de façon efficace des outils de marketing relationnel, ce qui n’est pas le cas
de l’éditeur. L’analyste Marianne Wolk estime qu’Amazon, Apple et Google vendent en
cumulé aujourd’hui 40 à 50 % des livres électroniques. L’enjeu est donc de casser cet
oligopole à trois têtes, afin d’éviter que ces acteurs dictent les lois du marché.
Matt Shatz pense qu’il est temps pour les éditeurs de chercher à recréer dans le monde
numérique les forces qu’ils avaient en marketing traditionnel, afin que les auteurs soient
convaincus que passer par une maison d’édition permet d’atteindre la plus large audience et
de vendre plus de livres. L’éditeur dispose pourtant d’un avantage considérable, c’est la
maîtrise des métadonnées. Ainsi, il est bien placé pour fournir les informations permettant
d’optimiser la recherche d’un internaute sur un livre en particulier . Ces données pourraient
aller très loin, l’éditeur pourrait ainsi renseigner le style, le ton, le caractère pratique,
l’épaisseur des personnages, la maîtrise du suspens. Faire donc son métier, trier l’information,
l’organiser et orienter le lecteur vers le livre qu’il attend.
Ce qui va faire la force des éditeurs de demain, c’est la capacité de vendre livres papier
et numérique, en démontrant qu’avec lui l’auteur s’enrichit beaucoup plus qu’avec les plates-
formes. C’est plus son aptitude à vendre et à organiser les métadonnées que l’art de corriger la
copie qui lui permettront de demeurer au cœur de la chaîne du livre.
Enfin, les éditeurs qui parviendront à animer des communautés auront un avantage
concurrentiel considérable. Les maisons d’édition dans le domaine du voyage l’ont bien
compris. C’est le cas de Lonely Planet qui propose sur son site aux internautes voyageurs de
nombreuses fonctionnalités : catalogue des publications, réservation de chambres d’hôtel, de
voitures, billets d’avion, des conseils au voyageur, la possibilité de contracter une assurance
voyage... L’éditeur répond ainsi à l’ensemble des besoins d’un internaute intéressé par une
destination. Il renforce, en outre, sa relation avec les lecteurs par le biais des forums de
voyageurs et de plusieurs blogs. C’est cette compétence d’animation et de développement
d’une communauté qui rend Lonely Planet difficile à concurrencer par des plates-formes
comme Amazon ou Apple. Dans ce cas précis, les distributeurs seraient plutôt des alliés
pour assurer le développement des sociétés d’édition, que des concurrents.
97
le Routard, il existe des sites animant des communautés, qui ne développent pas de produits
éditoriaux du type livres. C’est le cas de VoyageForum.com, un site francophone qui compte
près de 700 000 membres ou encore de Tripadvisor. Les éditeurs de voyage sont néanmoins
concurrencés par des sites communautaires qui tentent de développer des produits apparentés
aux livres pour monétiser leur site. Citons, par exemple, Cityscouter qui produit des
applications sur iPhone et iPad ou encore Newyorknetguide.com qui édite un livre papier sur
le shopping à New-York.
Des secteurs entiers pourront à terme basculer en grande partie dans le numérique, il
s’agit des livres qui nécessitent une mise à jour fréquente ou qui sont destinés principalement
à la consultation : les dictionnaires, les encyclopédies, les ouvrages pratiques, les livres
juridiques et scientifiques. En revanche, dans le cas des romans qui nécessitent une lecture
immersive, nombre de lecteurs continueront à lire encore durant de nombreuses années sur
papier. Les seules fonctionnalités sociales et d’annotations, n’étant pas, à mon sens
suffisantes, pour supprimer entièrement le livre broché.
98
on peut ainsi citer tout d’abord les ayants-droits de William Styron qui ont confié la gestion
de leurs droits numériques à Open Road Integrated Media qu’ils jugeaient plus apte que
Random House à vendre les titres au format numérique, leur permettant ainsi d’être mieux
rétribués (50 % de droits d’auteurs). Citons encore cette jeune écrivaine du Minnesota,
Amanda Hocking, qui, en déposant simplement son fichier numérique sur le Kindle store,
vend près de 100 000 livres par mois et est devenue millionnaire. Soyons clair, elle est loin
d’être un amateur : ses livres possèdent une maquette attrayante, elle anime un blog, manie les
réseaux sociaux comme personne et a créé un trailer pour présenter sa trilogie.
Toutefois, la jeune auteure Amanda Hocking prouve que déposer un fichier ne suffit
pas, encore faut-il être capable d’aider à capter l’attention, afin de le vendre. L’expérience
mitigée de Stephen King 74 montre que la notoriété ne suffisait pas à vendre en
autopublication la version numérique de ses livres, sans un marketing efficace.
74
Stephen King a mis en ligne sur son site, en mars 2000, la nouvelle « The Plant ». Il a par la suite arrêté
l’expérience en novembre 2000, pour la reprendre en 2001, considérant que la vente en ligne de chapitres
s’avérait rentable dans la durée. Ainsi, il déclarait : "Mes amis, nous avons la chance de devenir le pire
cauchemar de la Grande Edition".
99
Production de livres aux Etats-Unis
Sur le marché américain, souvent précurseur dans les tendances, on peut constater
qu’en 2002, l’édition professionnelle était majoritaire avec 215 000 titres différents et 32 000
titres à la demande. En 2008, le marché bascule en faveur de l’édition personnalisée, pour
prendre largement le dessus. Le marché a donc profondément changé. Les titres publiés par
des éditeurs étant désormais inférieurs en nombre par rapport aux titres publiés à la demande,
laissant la première place à des sociétés proposant des prestations d’autoédition. C’est ainsi
que Kelly Gallagher de l’institut Booker déclarait que les premiers éditeurs sont aujourd’hui
BiblioBazaar (275 000 titres), Books LLC et Kessinger Publishing LLC, spécialisés dans
l’autopublication.
100
Le financeur reçoit en contrepartie des cadeaux et non de l’argent contrairement à My
major company books qui propose également de financer des projets, mais avec pour
contrepartie l’intéressement au profit. Ce site a été toutefois très critiqué. Une sélection est
réalisée en amont par XO, l’éditeur qui se chargera de diffuser le livre. Ce qui a fait dire à
certains, que cette maison d’édition avait trouvé un bon moyen de générer des profits sans
mise de fonds initiale. Ces plates-formes pourront devenir concurrentes des éditeurs quand
elles mettront à disposition des auteurs des outils de promotion pour donner toutes les chances
aux livres.
Enfin, citons les blogs d’auteurs qui déposent, généralement gratuitement sur leur site,
le fichier PDF d’un livre qui n’a jamais été publié dans les circuits traditionnels. L’objectif
étant d’accroître leur réputation et non pas leurs revenus. Ce système est certes peu coûteux,
mais sa portée est limitée. En effet, multiplier la présence d’un produit sur différents canaux
(livre papier, livre numérique et application, par exemple) en procédant à une promotion
efficace donne plus de chance au contenu et accroît par conséquent la notoriété de l’auteur.
75
http://www.youtube.com/watch?v=odQfE48wM_M&feature=player_embedded
101
1° Information sur les personnages
Cette fonctionnalité est essentielle pour Kevin Rose. Le lecteur pourra obtenir ainsi des
informations sur les personnages quelque soit l’endroit du livre où il se trouve, ces
informations évolueront en fonction de la progression dans le récit.
2° Le partage de commentaires
Le partage sur les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter aujourd’hui possible, est
insuffisant. Il préconise d’enrichir cette fonction, afin que le lecteur puisse choisir ceux à qui
il souhaite adresser ses annotations. Il peut s’agir de commentaires ou de passages surlignés,
par exemple.
102
5° Ouvrir le livre sur l’extérieur
Donner la possibilité au lecteur d’obtenir des informations complémentaires en accédant à un
dictionnaire, une encyclopédie en ligne, des compléments vidéo ou audio, par exemple.
La société de consulting Ideo 76 a montré dans une courte vidéo ce que pourrait être le
livre de demain en montrant les fonctionnalités possibles en fonction de la typologie du
lecteur. Le personnage « Copland » illustre l’usage en entreprise qui pourrait être fait, comme
le partage et le transfert des connaissances, mais aussi des recommandations de lecture sur des
problématiques précises. Pour « Nelson », c’est la lecture enrichie avec des informations liées
au contenu qui est à l’honneur, enrichissement auquel participera la communauté par des
débats ou des discussions.
Le livre de demain, nous fera donc sortir du livre, étendant ces ramifications à l’infini.
La lecture sociale est sans doute la fonctionnalité qui révolutionnera le plus le livre. Ces
applications sont infinies. Des groupes dont les membres interagissent entre eux pourront se
réunir autour de contenu, c’est là notamment une piste intéressante pour les éditeurs de
manuels scolaires ; de la même façon, il sera possible d’engager une conversation en marge,
ce mot prenant ainsi un double sens – à côté du discours, et physiquement dans la partie
blanche des pages- créant ainsi un dialogue ininterrompu entre chercheurs ou enseignants et
élèves.
Des outils se créent pour organiser cette fonctionnalité. Le réseau social de lecture
Goodreads, par exemple, qui compte 4 millions de contributeurs, met en commun plus d’un
million de commentaires disponibles sur de nombreuses plates-formes. De même, le
lancement prochain d’un système de lecture sociale nommé Readsocial API qui permettra aux
lecteurs de mettre en commun des commentaires à partir de n’importe quel support et quelque
76
http://vimeo.com/15142335
103
soit le logiciel de lecture. Ainsi un lecteur sur iPad pourra échanger des informations avec
l’utilisateur d’un Kindle ou d’un téléphone ayant pour système d’exploitation Androïd.
C’est la fonction sociale qui fait toute la force de l’édition numérique et l’attachement
quasi addictif de certains. L’intégration de ces fonctionnalités dans les nouveaux produits est
un point important pour en assurer le succès commercial. L’éditeur pourrait trouver sa place
en aidant les auteurs à devenir, comme le prédit Bob Stein, les chefs de files de communauté
de réflexion lorsqu’il s’agit d’essais ou d’études ou les créateurs de mondes imaginaires
quand il s’agit de romans : « Authors become leaders of communities of inquiry (non-fiction)
or creators of worlds that readers populate (fiction) ».
Ce scénario décrit par James Thomas Farrel en 1958 est-il seulement envisageable ? Il
y a plus de 50 ans, une nouvelle intitulée « A benefactor of humanity » 77 , décrit l’ascension
d’Ignatius Bulganov Worthington qui pour répondre à la question d’une jeune employée
d’une maison d’édition : « Pourquoi faut-il donc qu’il y ait des auteurs ? » invente une
nouvelle technologie permettant de supprimer les auteurs grâce à l’invention d’une nouvelle
technologie la Worthy, Worthington, Writing. JT Farell écrit ainsi : « Et il inventa la machine
qui révolutionna la vie de l’humanité : il inventa la Worthy Worthington Writing machine
(WWW) » (Notons à cet égard que l’auteur avait, bien avant l’émergence du web, baptisé sa
machine WWW… Simple coïncidence ?). Une machine extraordinaire, qui non seulement
supprime les auteurs, mais ne produit plus de livre immoral ou simplement triste. Une
machine qui écrit des ouvrages au contenu « pleins de joie et d’espoir ». Une machine, digne
ascendant de la firme Google, laquelle prône la philosophie : « Don’t be evil », ou encore
d’Apple qui entend contrôler les contenus immoraux. L’auteur développe dans cette nouvelle
l’idée que les livres peuvent être produits sans qu’on puisse les attribuer à un auteur. La
situation est-elle si différente aujourd’hui ? Plus vraiment. Philip M. Parker 78 a créé la
Worthy, Worthington, Writing, à partir du web justement.
Ce professeur de l’INSEAD, qui a déjà à son actif plus d’une dizaine de milliers de
livres, a construit une machine capable d’écrire automatiquement des études, des
77
La version française traduite par Thierry Quinquetton figure dans la Revue Esprit éditée en mai 2010, sous le
titre plein d’ironie : un bienfaiteur de l’humanité
http://www.esprit.presse.fr/archive/review/article.php?code=35636
78
http://www.neatorama.com/2010/10/05/how‐to‐write‐85000‐books/ ;
http://www.youtube.com/watch?v=SkS5PkHQphY&feature=player_embedded
104
bibliographies, des dictionnaires ou des guides à partir de données reprises du web. Il suffit
d’entrer dans le logiciel certaines données telles que le domaine de l’étude, le sujet ou le pays
et dix minutes à deux heures plus tard, à partir de sources fiables, le robot produit des
informations parfaitement ordonnées, référencées, indexées comprenant graphiques et
tableaux. Le créateur ne s’arrête pas là puisqu’il travaille sur des projets de programmes
télévisés et des jeux vidéo éducatifs qui seront produits automatiquement. Cette expérience
n’est toutefois pas nouvelle puisqu’une entreprise aux Etats-Unis automatise les histoires
relatives au sport, de même que Thomson Reuters le fait pour l’histoire de la finance. En
outre, le site Qwiki propose une compilation intelligente du web sur un thème donné en
scénarisant l’information par l’agrégation de vidéos, de photos, notamment.
Toutefois, l’usage que laisse présager l’invention de Parker est très intéressant,
puisque la machine est susceptible de produire des sujets très pointus qui ne peuvent
intéresser qu’un nombre infime de personnes, comme par exemple, « The 2007-2012 Outlook
for Chinese Prawn Crackers in Japan ». Certes, il s’agit d’un titre improbable, mais ce qui est
extraordinaire, c’est que la machine est capable de produire un livre qui n’intéresse que vous,
un livre seulement écrit pour vous.
Paragraphe 1 : Storytelling
79
http://www.hboimagine.com
105
Une expérience semblable a été menée dans le domaine littéraire. Le livre de Stephen
Fry intitulé The Fry Chronicles 80 a été découpé de manière à permettre une lecture non
linéaire sur une application interactive et de naviguer dans l’ouvrage au fil de ses envies, le
lecteur étant libre de créer sa propre structure narrative. Une sorte de balade à travers le
contenu est proposée au lecteur grâce aux différentes options proposées : mots clefs, tags,
catégories de couleur identifiant les thèmes (sentiments, personnages, questions, par
exemple). La rosace, véritable fil conducteur, est fragmentée de barres qui constituent autant
de sections du texte.
80
http://www.youtube.com/watch?v=kxLpMMzXVCk&feature=player_embedded
81
http://www.13mots.com/#/1/13_mots
106
Sommes-nous toujours dans le livre ? Non, probablement pas. Avec les nouveaux
supports, le métier de l’éditeur évolue : un peu producteur de film, un peu metteur en scène,
un peu metteur en écran, mais toujours coordinateur de projets. Désormais, éditeur de
contenus quelque soit le support, et non plus de livres, sa culture métier deviendra au fil des
années transmedia, c’est le gage de sa survie.
Citons encore une fois les blogs. Il s’agit ici de l’écriture d’un texte littéraire sous une forme
inédite. Le site d’Eric Chevillard 82 constitue en cela un exemple intéressant. L’auteur livre à
ses lecteurs, selon ses propos, une « chronique nerveuse ou énervée d'une vie dans la tension
particulière de chaque jour ».
Il s’agit bien d’un texte littéraire ayant investi le champ de l’écran : jour après jour,
l’auteur nous livre au fil des pages web ses pensées.
82
http://l‐autofictif.over‐blog.com/
107
Sous-paragraphe 2. La narration sur Twitter
De nouvelles expériences ont été menées également sur Twitter. Ainsi de nombreux
auteurs essayent ce nouveau genre contraignant, puisque le texte ne doit pas dépasser 140
caractères. Laurent Zavack 83 fut le tout premier à publier un Twitteroman qu’il fit ensuite
éditer sur papier. Après cette expérience, l’auteur est devenu cyberéditeur. Il propose la
reconstitution par chapitres de romans écrits via Twitter. Le site de l’éditeur se veut espace de
promotion pour tous les « twittecrivains ». L’expérience s’est ensuite propagée aux Etats-
Unis avec Matt Stewart qui, ne parvenant pas à trouver un éditeur, a publié sur Twitter en
2009 son premier roman « The French Revolution », décomposé en 3 700 tweets. Le livre a
ensuite été mis à disposition sous forme d’ebook à 1,99 $.
De même, un genre nouveau a été inventé par un auteur américain Matt Ritchel, le
Twiller, un thriller à base de tweets. Il a été suivi par Thierry Crouzet en France, avec son
livre croisade, et au Québec, par LeRoy K. May et Eric Bourdonnais, un livre à quatre mains
intitulé Buboneka 84 . Twitter est d’ailleurs le terrain d’élection des poètes, genre
particulièrement apprécié dans les pays anglophones que l’on retrouve sous le hastag
#micropoetry, redonnant une seconde vigueur aux haikus, ces poèmes en tercets d’origine
japonaise, s’adaptant parfaitement aux contraintes de concision. Le site twitterhaikus 85
reprend toutes les heures les derniers textes publiés.
De même, les nouveaux médias ont fait revivre un genre oublié, celui du roman
feuilleton, genre littéraire qui fit florès au XIXe siècle et permit à un plus large public de
découvrir des auteurs tels que Honoré de Balzac ou Charles Dickens, par exemple. La forme
courte étant particulièrement bien adaptée aux smartphones, des sociétés 100 % numériques
se sont créées, comme l’éditeur Smartnovel qui a su réunir des auteurs prestigieux comme
Didier Van Cauwelaert ou Marie Despleschins. Ici aussi, l’écriture se doit d’être différente :
les phrases sont plus courtes et surtout chaque épisode doit laisser en attente de lire le second,
83
http://twitter.com/Laurent_ZAVACK
84
http://twitter.com/buboneka
85
http://twitterhaikus.com/
108
afin de ménager un certain suspens. Le modèle assure une récurrence aux maisons d’édition,
puisque le lecteur souscrit un abonnement.
Les lecteurs peuvent consulter les derniers textes sur leur Smartphone en téléchargeant
l’application. Une application payante, 1,59 €, permet de basculer dans l’univers des
personnages et de participer au processus créatif.
Dans le même esprit, Michel Field a lancé un polar interactif en septembre 2010 dans
le cadre de son émission « Au field de la nuit » 87 . Ingrid Desjours, auteur de polar, a proposé
un premier chapitre et a dressé le portrait de l’ensemble des personnages. Les téléspectateurs
sont invités à imaginer la suite de l’histoire. Les meilleurs chapitres sont sélectionnés par un
comité de lecture. L’expérience prendra fin en juin prochain et donnera lieu à la publication
d’un livre chez Plon, dans la collection nuit blanche.
86
http://www.fanfan2.fr/
87
http://www.tf1.fr/au‐field‐de‐la‐nuit/le‐roman‐de‐l‐ete/
109
Sous-paragraphe 4 : Les romans dont vous êtes le héros
Les nouveaux médias donnent une seconde vie aux « histoires dont vous êtes le
héros » qui invitent le lecteur à naviguer dans le livre en fonction de ses attentes et de ses
envies. Ils permettent aussi de ressusciter la littérature combinatoire de Queneau et ses Cent
mille milliards de poèmes (1960). Ainsi, le lecteur s’associe à l’auteur dans la composition de
l’histoire et interagit, devenant partie intégrante du récit. De nombreuses applications pour
Iphone et Ipad, généralement anglosaxones, ont été développées sur ce principe comme « Je
suis le héros », développé par une entreprise québécoise .
De même, la société Choose your own adventure a porté plusieurs titres sur iPhone.
Citons encore l’initiative de la société Choice of games qui a créé un script, certes plutôt
compliqué à utiliser, mais qui offre le mérite de proposer aux internautes de créer leur propre
histoire. Même idée chez Istory 88 dont l’application est disponible sur iPhone. Les sociétés
d’édition françaises semblent malheureusement absentes de l’aventure, à ce jour.
Le livre scolaire est composé de différents supports : les livres papiers, les livres
numérisés et vidéoprojetables, l’offre bimédia (livre papier et généralement livre numérisé),
les livres purement numériques, actuellement rares, et surtout des sites web mettant en ligne
du contenu collaboratif produit par des professeurs. On peut donc s’interroger sur ce que sera
le marché de demain.
88
http://istoryweb.appspot.com/
110
Le ministère de l’Éducation nationale expérimente 89 actuellement dans douze académies
l’utilisation de manuels scolaires numériques via l’Espace Numérique de Travail (ENT) des
collèges depuis la rentrée 2009, en visant plusieurs objectifs :
C’est à travers 69 collèges Via l’ENT que plus de 15 000 élèves et 1000 enseignants ont
été observés dans leur pratiques. Des premiers résultats pour l’année scolaire 2009-2010 ont
été analysés par l’Education nationale.
La première situation d’usage du manuel numérique est une utilisation collective ; c’est
d’ailleurs la plus appréciée. Les enseignants mettent en avant une motivation et une attention
plus importantes. En outre, 54 % des enfants déclarent être plus concentrés et 86 % des élèves
aiment quand le manuel est projeté au tableau. Les fonctionnalités les plus appréciées sont
différentes selon les disciplines.
Discipline Fonctionnalités
Histoire et géographie L’utilisation des enrichissements : projection
de fonds de cartes et de croquis ; dans une
moindre mesure les vidéos et les animations.
Français Analyses d’images extraites du manuel
Mathématiques Projection de l’énoncé de l’exercice
permettant aux élèves de venir corriger au
tableau
Sciences de la vie et de la terre Projection d’animations et de vidéos
Langues Ecoute du texte
Les freins cités par les enseignants à l’adoption du manuel numérique sont de plusieurs
ordres :
- Il s’agit d’un manuel numérisé et non pas numérique. Il est souvent difficile d’afficher
certains contenus sélectionnés, notamment quand ils se trouvent sur une double page ;
- Certains contenus sont peu exploitables : par exemple, quand le texte est trop long ou
encore lorsque des contenus figurent sur différentes pages du manuel, il s’avère
impossible de les projeter ensemble afin de les comparer ;
- Peu de ressources multimédia sont proposées ;
- Le travail individuel en classe est difficile quand chaque élève ne possède pas un poste
informatique ;
- Manque d’accompagnement pour l’utilisation des tableaux interactifs.
89
http://www.educnet.education.fr/contenus/dispositifs/manuel‐numerique/evaluation‐manuel‐numerique
111
À la maison, le manuel numérique est très peu utilisé. Les raisons évoquées sont :
- Le souhait de ne pas pénaliser les enfants n’ayant pas d’accès internet à leur domicile ;
- L’absence de valeur ajoutée du livre numérique par rapport au papier ;
- Impossible d’enregistrer les résultats des exercices rédigés par les élèves.
S’agissant de l’utilisation de ce manuel dans la préparation des cours, les freins évoqués
sont principalement la difficulté de personnalisation de ce support (impossible de modifier le
contenu ou d’en intégrer d’autres).
Ils ne semblent pas avoir pris la décision d’investir pour réaliser des manuels ambitieux
répondant pleinement aux attentes et ce, pour plusieurs raisons :
- Les sociétés d’édition appartiennent à des groupes qui souhaitent maintenir voire
augmenter les marges. L’investissement pour réaliser un ouvrage multimédia est
considérable et donc la rentabilité à court terme est donc loin d’être assurée ;
- L’équipement est aussi un frein. Pour que le manuel numérique puisse être utilisé dans
toutes ses composantes, cela nécessite d’investir dans des espaces numériques de
travail, d’installer des tableaux interactifs dans chaque classe et que tous les élèves
possèdent des postes informatiques ;
- Une partie du corps enseignant est hostile au déploiement de ces technologies. Il
faudra donc d’une part, vaincre les résistances et d’autre part, accompagner le corps
professoral afin de maîtriser les nouveaux outils.
Bien que le livre papier et le manuel numérique s’avèrent complémentaires, il est fort
probable que, dans l’avenir, seul ce dernier subsistera. Non pas en raison des attentes des
utilisateurs, mais parce qu’il s’avérera moins coûteux. Les collectivités investissent des
sommes considérables dans l’achat des livres. Ils pourront ainsi mettre les éditeurs en
concurrence et retenir celui qui leur proposera le meilleur prix pour l’accès au contenu en
ligne sous forme d’abonnement. Des pures players arrivent d’ailleurs sur ce marché, comme
le livre scolaire.fr, et seront sans doute plus enclins à proposer une tarification avantageuse.
112
ne pas être évincés de ce nouveau marché. L’animation de communauté peut s’avérer une
porte d’entrée intéressante qui leur permettra d’entretenir un lien privilégié avec la cible et de
proposer des produits plus adaptés.
Sans surprise, c’est Apple qui domine sur ce marché. La répartition en terme de volume étant
la suivante :
- Iphone : 30%,
- Android : 23%,
- RIM : 12%,
- Windows mobile : 6%,
Selon l’étude REC réalisée par GfK, plus de la moitié des applications mobiles téléchargées
concerne les contenus. De même, l’ebook réussit la percée la plus spectaculaire , en effet
l’offre de livres numériques a été multipliée par 16 dans le mois suivant le lancement de
l’Ipad. Apple déclarait le 24 janvier 2011 avoir atteint le cap de 10 milliards d’applications
téléchargées depuis le lancement de sa boutique d’applications en 2008.
Nombre d’applications disponibles sur les stores
Android Market 200 000
Source blog bénéfice.net, 24 janvier 2011
Une étude réalisée par l’institut de Marketing Gartner déclare que 8,2 milliards
d’applications ont été téléchargées en 2010 et prévoit que celui-ci atteindra 15 milliards en
2011 et 54 milliards en 2014. Les applications gratuites représentent 81 % des
téléchargements. Le rapport d’étude fait remarquer que « Les usagers commenceront à payer
pour plus d'applications quand ils verront l'utilité du concept, et qu'ils auront plus confiance
dans les mécanismes de paiement. » Seulement 16 % des recettes sont générées par la
publicité, elles devraient représenter près du tiers en 2014. Tous ces chiffres sont toutefois à
113
retenir avec beaucoup de réserves. En effet, selon l’institut Distimo, 90 la part des applications
payantes serait de 62,2 %, Gartner l’estime quant à elle à 81 %.
Il convient de même de noter que c’est l’Androïd store qui enregistre la plus grosse
part d’applications gratuites par rapport aux payantes.
De même, le prix moyen des applications varie en fonction des Stores. Pour une
même application, le prix peut se révéler plus élevé dans une boutique (IM + For Skype est à
5$ sur Iphone et à …30 $ sur Blackberry). En raison sans doute de la typologie des clients,
bien que venant à se démocratiser, le Appworld de Blackberry affiche les prix les plus élevés
du marché (une moyenne de 8,26 dollars).
Sans surprise, c’est Apple toujours qui enregistre le taux de croissance le plus élevé en
terme de nombres d’applications : 13 % contre 3 % pour Android.
90
http://www.slideshare.net/distimo/distimo‐mobile‐world‐congress‐2010‐presentation‐mobile‐application‐
stores‐state‐of‐play
114
Les éditeurs doivent être très attentifs à ce marché en pleine croissance et produire des
applications de qualité. Il semblerait que le fort taux de gratuité des applications soit
synonyme de piètre qualité puisque le pourcentage d’utilisation unique des applications est
passé de 22 % en janvier 2010 à 28 % en décembre de la même année.
En outre, le coût d’une application étant élevé, au regard des perspectives de ventes
actuelles et du budget nécessaire (30 000 euros pour une application de bonne qualité), il
convient de trouver des sources de financement. La publicité serait une manière de financer
partiellement le projet, mais rien ne dit qu’elle sera acceptée par le client quand l’application
est payante.
Enfin, avec des milliers d’applications disponibles, l’éditeur va devoir cultiver l’art de
capter l’attention par des moyens marketing et renforcer sa présence auprès des communautés
virtuelles et réelles.
115
Les éditeurs anglo-saxons dans les domaines de la jeunesse et parascolaire ont investi
massivement ce secteur, en particulier sur Iphone et Ipad. Ce dernier support offre des
perspectives créatives sans précédent. Les maisons d’édition traditionnelles, comme les pures
players, ne s’y sont pas trompées. On a vu fleurir ces derniers mois au rayon des livres pour
enfants des applications aussi étonnantes que The Peddlar Lady of Gushing cross 91 passée en
tête des meilleures ventes sur iPad et Twas the Night Before Christmas. Citons également, la
jeune société française Soouat et son livre à succès « Les trois petits cochons » classé en tête
du palmarès de l’Education Apps Review.
En dépit des 370 000 IPAD vendus en France selon GfK, le potentiel est insuffisant
pour développer sur le marché national des applications ambitieuses en langue française
seulement. Le marché anglo-saxon reste bien le premier. En effet, alors que Moving Tales,
éditeur du livre animé The Peddlar Lady of Gushing cross, avait publié l’application en trois
langues (anglais, français et espagnol), sa seconde application Twas the night before
christmas, publiée quelques mois plus tard, a été développée uniquement en anglais. Les
éditeurs traditionnels français ne se positionnent que timidement sur ce marché. On peut citer
Nathan qui a publié plusieurs Apps pour les jeunes enfants à partir de 3 ans. Bien que
positionnées dans la fourchette haute des applications de ce secteur en terme de prix, elles
s’avèrent décevantes eu égard au potentiel créatif qu’offre l’iPad.
91
http://www.youtube.com/watch?v=1mfm9dwLzdU&feature=player_embedded
116
Conclusion
Tous les voyants sont aujourd’hui au vert pour se lancer dans l’aventure numérique, à
condition d’y être préparés. Le préalable reste donc la formation dans les domaines de la
fabrication et de la commercialisation notamment.
Les éditeurs doivent dès aujourd’hui mettre en place une chaîne de production multi-
supports qui leur permette de produire le livre papier et le contenu numérique à moindre coût.
De même, il est de leur intérêt de multiplier la présence de l’ouvrage numérique sur les
réseaux de distribution. Il n’est donc pas conseillé de conclure un contrat d’exclusivité avec
une plate-forme, mais de multiplier les canaux de vente, afin d’accroître la visibilité du livre.
Alors qu’un français sur deux possède un Smartphone et que 370 000 iPad
circuleraient sur le territoire, il est désormais possible de travailler sur des développements
éditoriaux nouveaux. Les livres enrichis, presqu’essentiellement développés dans les pays
anglo-saxons, constituent une opportunité de croissance pour les maisons d’édition, tout
comme les applications. Les éditeurs français devraient prendre garde à ne pas trop attendre
pour se positionner sur ce marché.
117
Bibliographie
• Apologie du livre : demain, aujourd’hui, hier, Robert Darnton, Gallimard, janvier 2011
• Un bienfaiteur de l’humanité, James Thomas Farell, Revue Esprit, mai 2010 (version
française)
• Don’t bother me mum : i’m learning, Marc Prensky, Paragon House, février 2006
• Ebookz, Etude sur l’offre numérique illégale des livres français sur internet en 2009, le
Motif, Octobre 2009
• Teaching digital natives : Partnering for real learning, Marc Prensky, Corwin Press, Mars
2010
• The future of ideas, Lawrence Lessig, Random House, New York, 2001
• 2010 Kids et Family reading report : turning the page in the digital age, Harrison Group
http://dayspringag.org/files/Fall2010/2010_KFRR.pdf
• La lecture numérique : réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire Bélisle, Presses
de l’ENSSIB, avril 2004.
118
• Le livre objet d’art, objet rare, Annie Schneider, Éditions la Martinière, 2008
• Le manuel scolaire à l’heure du numérique : une « nouvelle donne » de la politique des
ressources pour l’enseignement, rapport remis au ministre de l’Education nationale, juillet
2010
• Le marché français de l’information juridique numérique en 2010, SerdaLab, mars 2010
• Du papyrus à l’hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture, Christian
Vanderdorpe, http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf
• Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique, Olivier Donnat, La Découverte,
septembre 2009
• Quand Google défie l’Europe, plaidoyer pour un sursaut, Jean-Noël Jeanneney, Mille et une nuits ,
2005
• Rapport d'étude sur l'édition numérique de livres scientifiques et techniques : L'éditeur des
années 2010, Bernard Prost, 2007, Étude réalisée par QUÆ avec le soutien du Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
• Rapport relatif au prix du livre numérique, Hervé Gaymard, Assemblée Nationale, février
2011
119
• Rapport sur le livre numérique, Bruno Patino, Juin 2008
• Read write book : le livre inscriptible – Collection édition électronique – Cleo – mars 2010
• Scénarios prospectifs pour l’édition scientifique, Ghislaine Chartron, CNRS, janvier 2011
120
INDEX
Acteurs 30 Enjeux techniques 55
Adwords 85 Espace numérique de travail 111
Affiliation 84 Facebook 74
Agents littéraires 31 Formation 88
Amazon 23, 78 Google 34, 49, 78
Androïd 114 Histoire du livre 16 et s.
Applications 113 Hubs littéraires 73 et s.
Auteurs 31 iPad 20, 50, 89, 90
Autopublication 98 iPhone 90
Bibliothèque numérique 21, 49 Kindle 20, 50, 89, 90
Blog 72, 107 Kindle Digital Publishing 99
Buzz 72 Lecture sociale 101
Chaîne du livre 25 Libraire 42
Communautés 97, 116 Librairie en ligne 21, 42
Cyberpromotion 72 Manuel scolaire numérique 110
Diffusion 38 Métadonnées 56
Digital natives 92 Modèles économiques livre numérique 61
Distribution 38 Moteurs de recherche 78
DRM 55 Opérateurs de téléphonie 52
Ebooks 19, 37, 69, 89 Organisation 86
Editeur 33, 96 et s. Organiser l’information 96
Edition juridique 63 Piratage 57
Edition multisupport 87 Plateformes 39, 68, 116
Edition sans auteur 104 Produits numériques 98
Edition scientifique 65 Promotion 72
121
Pure player 36
Reader 50
Roman dont vous êtes le héros 110
Site éditeur 71
Smartphones 90
Storytelling 105
Tablettes 19, 50, 89 et s.
Tendances 88
Twitter 74, 108
Vente de livres en ligne 42 et s.
Viralité 72
Webdocumentaire
106
122