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∗
Maîtrise en droit international et communautaire et DÉJA II (Université Paris X – Nanterre); DÉA en
droit des relations économiques internationales et communautaires (Université Paris X – Nanterre);
LL.M. (Université McGill). L’auteur tient à remercier Loubna Farchakh Fouret pour sa relecture
attentive et ses nombreux conseils. Julien Fouret est l’auteur des chapitres I, III, V, VII, VIII, X, XI,
XIII et XIV de la présente chronique.
**
Avocat au barreau de Paris, Shearman & Sterling LLP (Paris). Diplômé de l’Institut d’études politiques
de Paris; maîtrise (Université Panthéon-Sorbonne-Paris I); DÉA en droit international (Paris II).
L’auteur tient à signaler que le cabinet dans lequel il exerce intervient en tant que conseil de la
demanderesse dans les affaires Plama, infra note 27 et Wena c. Égypte infra note 163, et est intervenu
de manière limitée dans l’affaire Bayindir, infra note 166. Dany Khayat est l’auteur des chapitres II,
IV, VI, IX, XII et XV de la présente chronique.
1
Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants
d’autres États, 19 mars 1965, 575 R.T.N.U. 169 (entrée en vigueur : 14 octobre 1966) [Convention de
Washington].
2
On pourra se référer à l’excellent ouvrage de l’OCDÉ sur certaines questions centrales du droit des
investissements permettant d’appréhender l’évolution de la matière : International Investment Law: A
Changing Landscape – A Companion Volume to International Investment Perspectives, Paris, OCDÉ,
2005.
3
L’ensemble de ces informations, ainsi que tous les règlements, se trouvent en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid>.
4
Daimler Chrysler Services AG c. Argentine (2005), Affaire no ARB/05/1; Compañía General de
Electricidad SA et CGE Argentina SA c. Argentine (2005), Affaire no ARB/05/2; LESI SpA et Astaldi
SpA c. Algérie (2005), Affaire no ARB/05/3; I&I Beheer B.C. c. Venezuela (2005), Affaire
no ARB/05/4; TSA Spectrum de Argentina SA c. Argentine (2005), Affaire no ARB/05/5; Funnekotter
c. Zimbabwe (2005), Affaire no ARB/05/6); Saipem SpA c. Bangladesh (2005), Affaire no ARB/05/7;
314 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
I. LESI-Dipenta c. Algérie10
Composition du tribunal : Pierre Tercier, président; André Faurès et
Emmanuel Gaillard, arbitres.
La sentence sur la compétence rendue le 10 janvier 2005 opposait le
consortium LESI-Dipenta, un investisseur italien, à l’Algérie. La compétence du
tribunal était fondée sur la clause de règlement des différends de l’Accord bilatéral
sur la promotion et la protection des investissements entre l’Algérie et l’Italie (BIT)11,
entré en vigueur en novembre 1996. Il est à noter de manière préliminaire que cette
sentence est aussi l’unique décision de l’année rendue en français, toutes les autres
l’ont été en anglais, ou en anglais et en espagnol pour les décisions touchant à
l’Argentine.
Le tribunal annonce en préambule que les faits ne seront présentés que
sommairement, car l’analyse détaillée ne sera effectuée qu’en cas de discussion du
fond de l’affaire12. En septembre 1992, le ministère de l’Équipement algérien, par le
biais de l’Agence nationale des barrages (ANB), a lancé un appel d’offres pour la
réalisation du barrage de Koudiat Acerdoune, dans la wilaya de Bouira. En novembre
de la même année, les entreprises LESI et Dipenta ont signé un protocole d’accord
pour constituer un groupement momentané d’entreprises, et ont soumis leur offre
commune pour la réalisation de cet équipement. L’ANB a annoncé en octobre 1993
que le « groupement d’entreprises LESI-Dipenta » l’avait remporté. Après cette
annonce, les deux entreprises italiennes se constituèrent en consortium, mais le
contrat relatif à la constitution du barrage fut signé par le « groupement LESI-
Dipenta »13. La défenderesse soutient en outre que la constitution du consortium ne
lui avait pas été signifiée et qu’elle avait toujours notifié ses documents au
9
Les quatre décisions non publiées sont les suivantes, selon les informations communiquées par le
CIRDI sur son site : Compañía de Aguas del Aconquija SA et Vivendi Universal c. Argentine (2005),
Affaire no ARB/97/3, décision sur la compétence du tribunal saisi de la nouvelle soumission du
différend; Camuzzi International c. Argentine (2005), Affaire no ARB/03/07, ordonnance de procédure
no 5; Miminco LLC c. Congo (2005), Affaire no ARB/03/14, ordonnance de procédure no 1; El Paso
Energy c. Argentine (2005), Affaire no ARB/03/15, ordonnance de procédure no 1.
10
LESI-Dipenta c. Algérie (2005), Affaire no ARB/03/8, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/
icsid/cases/conclude.htm> [LESI-Dipenta].
11
Accord bilatéral sur la promotion et la protection des investissements entre l’Algérie et l’Italie,
18 mai 1991, en ligne (en italien) : CNUCED <http://www.unctad.org/sections/dite/iia/docs/bits/ italy_
algeria_it.pdf>.
12
Ibid. au préambule.
13
Ibid. aux para. 3-9.
316 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
14
Ibid. aux para. 12-14.
15
Ibid. aux para. 27-39.
16
LESI-Dipenta, supra note 10 aux para. 5-6.
17
Ibid. au para. 8.
Le CIRDI 317
suit la jurisprudence antérieure du CIRDI, même s’il n’en fait mention à aucun
moment18.
18
Voir notamment Compañiá del Desarrollo de Santa Elena SA c. Costa Rica (2000), Affaire
no ARB/96/1, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm#awardARB053>,
et notamment au para. 56 : « Thus, the sole issue in the present arbitration could not be more simply
stated: What is the amount of compensation now owed to CDSE for the expropriation of the Property
by Costa Rica? ».
19
LESI-Dipenta, supra note 10 au para. 10.
20
Ibid. au para. 13. La notion d'« investissement » a fait l’objet de nombreuses tentatives de définition,
ou de conjectures, en doctrine. Les écrits les plus récents comptent notamment Ali Bencheneb, « Sur
l’évolution de la notion d’investissement », dans Charles Leben, Éric Loquin et Mahmoud Salem, dir.,
Souveraineté étatique et marchés internationaux – Mélanges en l'honneur de Philippe Kahn, Paris,
Litec, 2000, 177; Ibrahim Fadlallah, « La notion d’investissement : vers une restriction de la
compétence du CIRDI? » dans Global Reflections on International Law, Commerce and Dispute
Resolution – Liber Amicorum in honour of Robert Briner, Paris, Chambre de commerce international,
2005 [Global Reflections], 259; Martin Hunter et Alexei Barbuk, « Reflection on the Definition of an
Investment » dans Global Reflections (voir Ibid. à la p. 2381); Sébastien Manciaux, Investissements
étrangers et arbitrage entre États et ressortissants d’autres États – 30 ans d’activité du CIRDI, Paris,
Litec, 2004 aux pp. 37-104; Noah Rubins, « The Notion of Investment », dans Norbert Horn et Stephan
Kröll, dir., Arbitrating Foreign Investment Disputes, La Haye, Kluwer Law International, 2004, 283
[Horn et Kröll, Arbitrating] ou encore Farouk Yala, « The Notion of Investment in ICSID Case Law: A
Drifting Jurisdictional Requirement? » (2005) 22:2 J. Int’l Arb. 105.
21
Voir les références à LESI-Dipenta, supra note 10 au para. 13.
22
Ibid.
23
Ibid. au para. 14(i).
318 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
La défenderesse soutient que c’est l’ANB qui a conclu le contrat et non pas
l’Algérie elle-même. Pour le tribunal, « il suffit que l’action ait été intentée à
l’encontre d’un État »26 pour que celui-ci soit concerné. Cette exigence purement
formelle et cette analyse prima facie illustrent parfaitement l’utilisation désormais
récurrente de cette méthode par les tribunaux lors de la phase de détermination de leur
compétence27. Toutefois, les arbitres modèrent leur affirmation en évoquant la
possibilité qu’ils ne retiennent pas cette compétence si le lien recherché avec un État
est à l’évidence inexistant et si l’action a de ce fait « un caractère abusif »28. Le
tribunal reconnaît en l’espèce l’indépendance de l’ANB en tant que personne morale.
Néanmoins, l’Algérie semble s’être mêlée d’une partie de ses décisions et paraît
disposer sur celle-ci d’une « influence importante »29. Prima facie, le tribunal
considère cette condition comme remplie.
24
Ibid. au para. 14(ii).
25
Ibid. au para. 14(iii).
26
Ibid. au para. 19(i).
27
Voir entre autres en 2005, Impregilo c. Pakistan (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/3, en ligne :
CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm> [Impregilo]; AES Corp. c. Argentine
(compétence) (2005), Affaire no ARB/02/17 aux para. 44-45 et 47, en ligne : Investment Treaty
Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/chronological_list.htm> [AES Corp], ou encore Plama Consortium
Ltd. c. Bulgarie (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/24 aux para. 118-120, en ligne :
CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm>, commentées aux chapitres V, VI et X de
la présente chronique.
28
LESI-Dipenta, supra note 10 au para. 19 (ii).
29
Ibid. au para. 19(iii).
30
Ibid. au para. 21.
Le CIRDI 319
d’activité économique, quel qu’il soit »31. Le tribunal répète que le contrat pouvait
être considéré comme un investissement, en ajoutant que la liste non exhaustive de
l'article 1(2) incluait le type de contrat de l’espèce32. Cependant, et ce afin de limiter
son champ d’analyse, le tribunal n’étend pas sa compétence de manière illimitée sur
le contrat contrairement au cas de figure d’une umbrella clause, la clause de respect
des engagements. En effet, le tribunal ne retient que les cas de figure où les « mesures
prises reviennent à une violation de l’Accord bilatéral, ce qui signifie en particulier
qu’elles soient de nature injustifiée ou discriminatoire, en droit ou en fait. Ce n’est
donc pas nécessairement le cas de toute violation d’un contrat »33. Cela n’est pas sans
raison puisque la doctrine peine à s’entendre sur les effets à donner à ces clauses
« larges » de règlement des différends34. Nous pensons que la vision plus
« restrictive » du tribunal de ces clauses « larges », contrairement à celles pouvant
permettre l’invocation de toutes les dispositions contractuelles, respecte la volonté des
parties au BIT qui, si elles l’avaient désiré, auraient inclus une umbrella clause pour
remédier plus clairement à ce problème35.
Les quatre conditions de l’article 25(1) sont donc remplies, mais le tribunal
doit également se pencher sur les fins de non-recevoir36.
31
Tel que cité dans LESI-Dipenta, supra note 10 au para. 21.
32
Ibid. au para. 24(ii).
33
Ibid. au para. 25(i).
34
Voir l’analyse d’Emmanuel Gaillard, « La compétence fondée sur les traités de protection des
investissements : les clauses ‘larges’ de règlement des différends » (2005) 71 Décideurs : Stratégie,
finance et droit 134.
35
Ibid. à la p. 135 et LESI-Dipenta, supra note 10 au para. 25.
36
Celles-ci sont énumérées dans LESI-Dipenta, supra note 10 au para. 28.
37
Ibid. au para. 32.
38
Ibid. au para. 42.
39
Ibid. au para. 34.
320 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
40
Ibid. aux para. 37-38.
41
Ibid. au para. 39.
42
Ibid. au para. 39(iv-vi).
43
Ibid. au para. 40.
44
Ibid.
45
LESI SpA and Astaldi SpA c. Algérie (2005), Affaire no ARB/05/3 (la requête d’arbitrage a été
enregistrée par le secrétariat le 18 mars 2005).
Le CIRDI 321
46
Tokelès c. Ukraine (2005), Affaire no ARB/02/18, Ordonnance no 3, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/tokios-order3.pdf> [Tokelès (ordonnance)].
47
Le précédent président du tribunal arbitral, Prosper Weil, avait en effet démissionné à l’issue de la
phase d’examen de la compétence après avoir rendu une opinion dissidente, ce qui ne s’était jamais
produit dans l’histoire du CIRDI. Voir nos commentaires sur la décision sur la compétence du 29 avril
2004 dans Julien Fouret et Dany Khayat, « Centre international pour le règlement des différends
relatifs aux investissements » dans Julien Fouret et Mario Prost, dir., « Chronique de règlement
pacifique des différends internationaux » (2004) 17: 1 R.Q.D.I. 157, 159 à la p. 176 [Fouret et Khayat,
17: 1].
48
Convention de Washington, supra note 1 à l’art. 26 : « Le consentement des parties à l’arbitrage dans
le cadre de la présente Convention est Sauf stipulation contraire, considéré comme impliquant
renonciation à l’exercice de tout autre recours. Comme condition à son consentement à l’arbitrage dans
le cadre de la présente Convention, un État contractant peut exiger que les recours administratifs ou
judiciaires internes soient épuisés. » On peut lire à l'art. 27 : « (1) Aucun État contractant n’accorde la
protection diplomatique ou ne formule de revendication internationale au sujet d’un différend que l’un
de ses ressortissants et un autre État contractant ont consenti à soumettre ou ont soumis à l’arbitrage
dans le cadre de la présente Convention Sauf si l’autre État contractant ne se conforme pas à la
sentence rendue à l’occasion du différend. (2) Pour l’application de l’alinéa (1), la protection
diplomatique ne vise pas les simples démarches diplomatiques tendant uniquement à faciliter le
règlement du différend ».
49
Tokèles (ordonnance), supra note 46 au para. 21.
322 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
its obligations under article 26 »50 même si la procédure arbitrale a été suspendue
après la démission du président du tribunal51.
Le tribunal se contente de ce constat, en soulignant que les demandes de
l’investisseur ont cessé, et rejette la demande de l’Ukraine visant à mettre un terme à
l’ensemble de la procédure arbitrale. Il n’en reste pas moins que le tribunal a fait
preuve, sur cette question, d’une sévérité, à notre avis justifiée. Les décisions de
tribunaux du CIRDI ayant eu à connaître des questions relatives à l’exercice de la
protection diplomatique étant peu nombreuses52, cette sévérité nous semble, en
l’espèce, motivée afin de donner le ton aux investisseurs tentés de multiplier les
démarches pour améliorer leurs chances d’être indemnisés.
D.K.
50
Ibid. au para. 22.
51
Voir supra note 47.
52
Voir Banro American Resources, Inc. et Société aurifère du Kivu et du Maniema SARL c. Congo
(2000), Affaire no ARB/98/7, extraits en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/banro-
excerpts.pdf>.
53
Lucchetti SA c. Pérou (2005), Affaire no ARB/03/4, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/
icsid/cases/ pending.htm> [Lucchetti].
54
Traité bilatéral relatif aux investissements conclu entre le Chili et le Pérou, en ligne (en espagnol) :
CNUCED <http://www.unctadxi.org/templates/DocSearch.aspx?id=779>.
55
Lucchetti, supra note 53 au para 3.
56
Ibid. au para. 18.
57
Ibid. aux para. 19-20.
Le CIRDI 323
58
Ibid. aux para. 23-25.
59
Ibid. au para. 27.
60
« ICSID Tribunal: Chilean Company’s Claim Existed Before BIT » (2005) 20.3 Mealey’s Int. Arb.
Rep. 8.
61
Commission du droit international, Projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait
internationalement illicite, Rés. AG 56/83, Doc. off. AGNU, 56e sess., supp. no 10, Doc. NU A/56/10
(2001) à l’art. 14, en ligne : Collection des traités des Nations unies <http://untreaty.un.org/
ilc/texts/instruments/francais/projet_d%27articles/9_6_2001_francais.pdf> [Projet d’articles sur la
responsabilité de l’État] : « Article 14 : extension dans le temps de la violation d’une obligation
internationale. 1. La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État n’ayant pas un
caractère continu a lieu au moment où le fait se produit, même si ses effets perdurent. 2. La violation
d’une obligation internationale par le fait de l’État ayant un caractère continu s’étend sur toute la
période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à l’obligation internationale. 3. La
violation d’une obligation internationale requérant de l’État qu’il prévienne un événement donné a lieu
au moment où l’événement survient et s’étend sur toute la période durant laquelle l’événement
continue et reste non conforme à cette obligation ».
62
Lucchetti, supra note 53 au para 29.
63
Ibid. aux para. 31-35.
64
Ibid. aux para. 37-38.
324 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
65
Ibid. aux para. 48-49.
66
CMS Gas Transmission Company c. Argentine (exceptions d’incompétence) (2003), Affaire
no ARB/01/8, 42 I.L.M. 788, en ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/
documents/cms-argentina_000.pdf> et nos commentaires, Julien Fouret et Dany Khayat, « Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) » dans Julien
Fouret et Mario Prost, dir., « Chronique de règlement pacifique des différends internationaux » (2003)
16.2 R.Q.D.I. 256 à la p. 261 [Fouret et Khayat, 16:2].
67
Lucchetti, supra note 53 au para 50.
68
Ibid. au para. 53.
69
Ibid. au para. 56.
70
Ibid.
Le CIRDI 325
71
Plama Consortium Ltd. c. Bulgarie (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/24, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/plama-decision.pdf> [Plama (compétence)] et Ordonnance,
en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/Order-090605-Prov-Measures.pdf> [Plama
(ordonnance)]. Des extraits de la décision sont traduits en français et commentés par Emmanuel
Gaillard dans « Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI) : Chronique des sentences arbitrales » (2006) 132 J.D.I. 219 à la p. 251 [Gaillard, « CIRDI
(2006) »]. Voir aussi Emmanuel Gaillard, « Energy Charter Treaty: International Centre for Settlement
Decision » 233 N.Y. Law J. 6.
72
Traité sur la Charte de l’énergie, 17 décembre 1994, J.O. L 380/24, en ligne : Energy Charter Treaty
<http://www.encharter.org/upload/1/ECT-French.pdf> [Traité sur la Charte de l’énergie].
73
Voir à ce sujet l’introduction de l’ouvrage d’Emmanuel Gaillard, La jurisprudence du CIRDI, Paris, A.
Pedone, 2004 aux pp. 1-9 [Gaillard, La jurisprudence du CIRDI].
326 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
Biélorussie et la Russie, qui n’ont pas ratifié le Traité, ont indiqué qu’elles
l’appliquaient provisoirement74.
Le Traité sur la Charte de l’énergie avait déjà été invoqué comme
fondement de la compétence d’un tribunal du CIRDI, mais l’affaire75 avait été
transigée avant qu’une décision n’ait été rendue. Par ailleurs, deux sentences ont déjà
été rendues sur le fondement du Traité sur la Charte de l’énergie dans l’affaire
Nykomb Synergetics Technology Holding AB c. Lettonie76 et Petrobart Ltd. c.
Kirghizistan77, toutes deux instruites sous l’égide de la Chambre de commerce de
Stockholm. À ce jour et à notre connaissance, six affaires seraient en cours sur le
fondement du Traité : l’affaire Plama, objet du présent commentaire et qui en est au
stade de l’examen des demandes au fond, l’affaire Alstom Power Italia SpA et Alstom
SpA c. Mongolie78 et l’affaire Hrvatska Elektroprivreda dd c. Slovénie79, qui suivent
leur cours devant des tribunaux constitués en application de la Convention de
Washington et les affaires opposant les sociétés Hulley Entreprises Yukos Universal
et Veteran Petroleum à la Russie.
L’affaire Plama, relative aux diverses mesures ayant affecté la prise de
participation d’un investisseur chypriote dans une raffinerie de pétrole en Bulgarie,
est intéressante pour les deux questions qui y sont soulevées : l’interprétation du
Traité sur la Charte de l’énergie et la question plus controversée de la portée d’une
clause de la nation la plus favorisée (NPF).
En premier lieu, le tribunal se prononce sur l’interprétation d’importantes
dispositions du Traité sur la Charte de l’énergie. Nous étudierons plus
particulièrement l’interprétation que le tribunal donne de l’article 26 du Traité,
puisqu’elle contient des prises de positions intéressantes pour le droit des
investissements.
La clause de règlement des différends figurant à l’article 26 du Traité sur la
Charte de l’énergie est classique en matière d’investissements internationaux. Elle
permet à l’investisseur, partie à un différend avec l’État contractant où il a réalisé son
investissement de saisir, à son choix, une juridiction nationale ou un tribunal arbitral
constitué sous l’égide du CIRDI, en application du règlement d’arbitrage de la
CNUDCI ou de la Chambre de commerce de Stockholm. La particularité de l’affaire
Plama réside dans le fait que la Bulgarie a entendu se prévaloir de l’article 17(1) du
Traité pour se délier du consentement à l’arbitrage qu’elle était réputée avoir donné
aux investisseurs en signant et ratifiant le Traité. L’article 17(1) permet en effet à un
74
Ces informations sont disponibles sur le site du secrétariat du Traité sur la Charte de l’énergie, en
ligne : Energy Charter Treaty <http://www.encharter.org>.
75
AES Summit Generation Ltd c. Hongrie (2001), Affaire no ARB/01/4.
76
Affaire no SCC 49/2002, sentence du 16 décembre 2003 (Stockholm Chamber of Commerce), en
ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/Nykomb-Finalaward.doc>.
77
Affaire no SCC 126/2003, sentence du 29 mars 2005 (Stockholm Chamber of Commerce), en ligne :
Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/petrobart_kyrgyz.pdf>.
78
Affaire no ARB/04/10. La source de cette information est la liste de diffusion électronique Investment
Treaty News ou Invest SD, disponible sur abonnement : International Institute for Sustainable
Development <http://www.iisd.org/investment/itn/>.
79
Affaire no ARB/05/24, Ibid.
Le CIRDI 327
80
Traité sur la Charte de l’énergie, supra note 72 à l’art. 17 portant sur la non-application de la Partie III
dans certaines circonstances : Chaque partie contractante se réserve le droit de refuser le bénéfice de la
présente partie : 1) à toute entité juridique si les citoyens ou les ressortissants d'un État tiers sont
propriétaires ou ont le contrôle de cette entité et si celle-ci n'exerce pas d'activités commerciales
substantielles dans la zone de la partie contractante dans laquelle elle est constituée.
81
Plama (compétence), supra note 71 au para. 141.
82
Ibid. aux para. 141 et 148.
83
Ibid. au para. 141.
84
Ibid. au para. 150.
85
Ibid. au para. 149.
86
Ibid. En définitive, le tribunal n’a pas seulement tranché la question de l’application autonome de la
clause de règlement des différends puisqu’il s’est également prononcé, à la demande des parties, sur le
caractère rétroactif de l’application de l’article 17(1) en décidant que cet article ne pouvait recevoir
application que pour l’avenir. Cette solution, qui n’est pas critiquable, laisse intactes les chances de
328 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
l’investisseur d’obtenir gain de cause, au fond, en soutenant que la Bulgarie a violé les dispositions de
la Partie III du Traité sur la Charte de l’énergie.
87
Traité d’encouragement et de protection mutuelles des investissements, Bulgarie et Chypre, 12
novembre 1987 (entrée en vigueur : 18 mai 1988), en ligne : UNCTAD
<http://www.unctad.org/sections/dite/iia/ docs/bits/bulgaria_cyprus.PDF>.
88
Voir Ruth Teitelbaum, « Who’s Afraid of Maffezini? Recent Developments in the Interpretation of
Most Favored Nation Clauses » (2005) 22.3 J. Int’l Arb. 225; Jurgen Kurtz, « The Delicate Extension
of Most-Favoured-Nation Treatment To Foreign Investors: Maffezini v. Kingdom of Spain » dans Todd
Weiler, dir., International Investment Law and Arbitration: Leading Cases from the ICSID, NAFTA,
Bilateral Treaties and Customary International Law, Londres, Cameron May, 2005, 523 [Weiler];
Chris Newmark et Edward Poulton, « Most favoured Nation Clause: Is The Siemens v. Argentina
Decision the High-Water Mark? » (2005) 20 Int’l Arb. Rep. 39, ainsi que Emmanuel Gaillard,
« Establishing Jurisdiction Through a Most-Favored-Nation Clause » (2005) 233 N.Y.L.J. 3.
89
Siemens A.G. c. Argentine (compétence) (2004), Affaire no ARB/02/8, en ligne : Investment Treaty
Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/SiemensJurisdiction-English-3August2004.pdf> et nos
commentaires dans Julien Fouret et Dany Khayat, « Centre international pour le règlement des
différends relatifs aux investissements (CIRDI) » dans Julien Fouret et Mario Prost, dir., « Chronique
de règlement pacifique des différends internationaux » (2004) 17:2 R.Q.D.I. 183, 231 à la p. 249
[Fouret et Khayat, 17:2]; Salini Costruttori SpA et Italstrade SpA c. Jordanie (compétence) (2004),
Affaire no ARB/02/13, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/salini-decision.pdf>
[Salini c. Jordanie] et nos commentaires, Fouret et Khayat, 17:2, Ibid. à la p. 268.
90
Salini c. Jordanie, Ibid.
91
Maffezini c. Espagne (compétence) (2000), Affaire no ARB/97/7, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/ icsid/cases/awards.htm#awardARB053>.
Le CIRDI 329
92
Plama (compétence), supra note 71 au para. 223.
93
Voir nos observations sur les décisions Siemens c. Argentine dans Fouret et Khayat, 17:2 supra note 89
et Salini c. Jordanie dans Fouret et Khayat, 17:2, supra note 89.
94
Plama (compétence), supra note 71 au para. 148.
95
Ibid.
330 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
96
Convention de Washington, supra note 1, art. 47 : « Sauf accord contraire des parties, le tribunal peut,
s’il estime que les circonstances l’exigent, recommander toutes mesures conservatoires propres à
sauvegarder les droits des parties ».
97
Règlement de procédure relatif aux instances d’arbitrage, 18 mars 1965, 575 R.T.N.U. 524
(entrée en vigueur : 14 octobre 1966), en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/basicdoc-
fra/partF.htm> [Règlement d’arbitrage du CIRDI], art. 39(1) : Une partie peut à tout moment, au cours
de la procédure, requérir que des mesures provisoires pour la conservation de ses droits soient
recommandées par le tribunal. La requête spécifie les droits devant être préservés, les mesures dont la
recommandation est sollicitée et les circonstances qui rendent ces mesures nécessaires.
98
Impregilo, supra note 27.
99
Accord sur la promotion et la protection des investissements, Italie et Pakistan, 19 juillet 1997, en ligne
(en anglais) : CNUCED <http://www.unctad.org/sections/dite/iia/docs/bits/pakistan_italy.pdf>.
100
Les faits de l’affaire et les prétentions des parties dans Impregilo, supra note 27, aux para. 8-90.
Le CIRDI 331
101
Ibid. au para. 111.
102
La question de savoir si Impregilo avait été dûment autorisée à engager un arbitrage et avait respecté
l’article 2(1)(f) du Règlement de procédure relatif à l’introduction des instances de conciliation et
d’arbitrage n’a que peu d’importance. Elle est analysée par le tribunal aux para. 175-184 d’Impregilo,
supra note 27.
103
Ibid. aux para. 115-116.
104
Ibid. aux para. 115-120.
105
Ibid. au para. 125.
106
Principalement sur Christoph Schreuer, The ICSID Convention: A Commentary, Cambridge,
Cambridge University Press, 2001, qui retient aux pp. 276-227 que « this indicates that legal
personality is a requirement for the application of art. 25(2)(b) and that a mere association of
individuals or of juridical persons would not qualify. In such a case, the individuals might be brought
under art. 25(2)(a) or the juridical persons forming the association would have to be brought
separately under article 25(2)(b). […] for the purposes of the Convention the quality of legal
personality is inherent in the concept of ‘juridical person’ and is part of the objective requirement for
jurisdiction ».
107
Impregilo, supra note 27 aux para. 144-147.
Le CIRDI 333
108
Ibid. au para. 151.
109
Sur le sujet, voir Stanimir A. Alexandrov, « The ‘Baby Boom’ of Treaty-Based Arbitrations and the
Jurisdiction of ICSID Tribunals: Shareholders as ‘Investors’ and Jurisdiction Ratione Temporis »
(2005) 4 Law & Prac. Int’l Courts & Trib. 19.
110
Impregilo, supra note 27 aux para. 158-162.
111
Voir notamment Klöckner Industrie-Anlagen GmbH et autres c. Cameroun et Société camerounaise
des engrais (1983), Affaire no ARB/81/2, 2 ICSID Reports 9 [Klöckner c. Cameroun] et les
commentaires de Gaillard, La jurisprudence du CIRDI, supra note 73 aux pp. 129-138 et Salini
Costruttori SpA et Italstrade SpA c. Maroc (2001), Affaire no ARB/00/4, (2002) 129 J.D.I. 196 et
commentaires à la p. 209 et s. [Salini c. Maroc].
112
Impregilo, supra note 27 au para. 172.
113
« ICSID Arbitrators Will Consider Portion of Italian Company Claims » (2005) 20.5 Mealey’s Int.
Arb. Rep. 7.
114
Enron Corporation et Ponderosa Assets, LP c. Argentine (compétence) (2004), Affaire noARB/01/3, en
ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/Enron-Jurisdiction_000.pdf> et
nos commentaires, Fouret et Khayat, 17:1, supra note 47 à la p. 160.
115
Voir la seule étude à notre connaissance traitant uniquement des décisions sur la compétence : Omar E.
García-Bolívar, « Foreign Investment Disputes under ICSID – A Review of its Decisions on
Jurisdiction » (2004) 5.1 J.W.I.T. 187.
334 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
116
Les umbrella clauses ont fait récemment l’objet d’une abondante littérature et l’on retiendra
principalement sur le sujet Anthony C. Sinclair, « The Origins of the Umbrella Clause in the
International Law of Investment Protection » (2004) 20.4 Arb. Int’l 411 [Sinclair]; Christoph Schreuer,
« Travelling the BIT Route — Of Waiting Periods, Umbrella Clauses and Forks in the Road » 5.2
J.W.I.T. 231; Thomas W. Wälde, « The ‘Umbrella’ Clause in Investment Arbitration — A Comment
on Original Intentions and Recent Cases » (2005) 6.2 J.W.I.T. 183 et les commentaires d’Emmanuel
Gaillard, La jurisprudence du CIRDI, supra note 73 aux pp. 832-835 et 903-905.
117
Ces deux articles portent sur le traitement national et la clause de la nation la plus favorisée (article 3)
ainsi que sur le règlement des différends entre les investisseurs privés et un État partie (article 9).
118
Impregilo, supra note 27 au para. 200 et s.
119
Ibid. aux para. 201-204.
120
Ibid. aux para. 205-206.
121
Ibid. au para. 209.
Le CIRDI 335
comité ad hoc dans l’affaire Vivendi122 résulte à l’origine d’une décision de la CIJ
dans l’affaire ELSI123 et a également été reprise dans les commentaires sur le Projet
d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite de la
CDI124. Ce ne sont donc que les actes pris en violation du droit international qui
entraînent l’application du droit international de la responsabilité125.
De plus, l’article 9 du BIT ne couvre que les différends entre une partie
contractante et un investisseur ressortissant de l’autre État. Les arbitres suivent
l’interprétation donnée dans l’affaire Salini c. Maroc126 et n’acceptent pas que la
compétence accordée par le BIT soit étendue aux violations du contrat auquel une
entité autre que l’État est partie127. La WAPDA étant une entité distincte du Pakistan,
il est normal que l’article 9 du BIT ne couvre pas les violations desdits contrats, et que
les demandes d’Impregilo fondées exclusivement sur ces contrats ne soient pas
accueillies. La brièveté de l’analyse effectuée par le tribunal n’enlève rien à la clarté
du raisonnement.
En guise de conclusion, il nous faut revenir rapidement sur la tentative
d’utilisation par le demandeur de la clause de la nation la plus favorisée contenue
dans l’article 3 du BIT. Impregilo tente par ce biais de faire entrer dans le champ
conventionnel les dispositions d’autres BIT – comme celui entre la Suisse et le
Pakistan, notamment la clause de respect des engagements. Le refus du tribunal de
suivre l’investisseur dans cette voie est justifié et plus complexe qu’un simple refus
ferme et définitif. Celui-ci note en effet que dès lors que les contrats avaient été
conclus entre Impregilo et WAPDA, et non avec le Pakistan, l’article 3 ne pouvait
plus avoir d’effet128.
122
Compañia de Aguas del Aconquija SA et Vivendi Universal c. Argentine (2002), Affaire no ARB/97/3,
Décision du comité ad hoc, 6 ICSID Reports 340 au para. 96 et les commentaires d’Emmanuel
Gaillard, La jurisprudence du CIRDI, supra note 73 aux pp. 752-765.
123
Elettronica Sicula SpA (ELSI) (États-Unis c. Italie), [1989] C.I.J. rec. 15 aux para. 73 et 124.
124
CDI, Commentaires du projet d’articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement
illicite, 2001, sous l’art. 3 aux para. 4 et 7, en ligne : CDI <http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/
francais/commentaires/9_6_2001_francais.pdf>.
125
Impregilo, supra note 27 au para. 210.
126
Salini c. Maroc, supra note 111 aux para. 59-61.
127
Impregilo, supra note 27 au para. 214.
128
Ibid. aux para. 220-223.
336 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
quel est l’impact des dispositions de règlement des différends contenues dans les
contrats et le risque que de multiples fora existent pour régler un même litige129?
Sur la première question, le tribunal considère qu’il doit donner une
interprétation objective des dispositions du Traité qui sera définitive, car « if the facts
asserted by the claimants are capable of being regarded as alleged breaches of the
BIT consistently with the practice of ICSID tribunals, the claimant should be able to
have them considered on their merits »130. Il s’agit de vérifier prima facie si les faits
présentés peuvent correspondre à une violation du BIT. Dans le cas contraire, le
tribunal doit refuser de se reconnaître compétent131.
La finesse de l’analyse des arbitres est visible lorsqu'ils affirment que « the
fact that a breach may give rise to a contract claim does not mean that it cannot also–
and separately–give rise to a treaty claim. Even if the two perfectly coincide, they
remain analytically distinct, and necessarily require different enquiries »132. Pour que
les deux coïncident, il faut bien évidemment que les actes de la partie violant le
contrat aillent bien au-delà de ce qu’effectuerait un cocontractant ordinaire, que ce
soient des actes de puissance publique133. Le tribunal se replace ainsi dans la lignée
jurisprudentielle des tribunaux du CIRDI.
Les demandes d’Impregilo fondées sur le Traité s’appuient en premier lieu
sur l’article 2(2) du BIT134, que ce soit pour la manière dont les contrats ont été mis en
œuvre, la frustration quant aux actions de l’ingénieur et de la WAPDA ainsi que pour
l’attitude du Pakistan lui-même. Le tribunal estime donc que « if it is assumed pro tem
that Impregilo can establish the facts upon which it relies, it is possible, at least in
theory, that Impregilo might establish breaches of the BIT in this regard »135. Le seuil
requis pour établir que des violations des contrats sont des violations du Traité est
donc très élevé, car la qualification en actes de « puissance publique » est difficile à
atteindre. En effet, le tribunal refuse en toute logique que les conditions géologiques
imprévues rentrent dans cette catégorie, car elles ne concernent que des problèmes
d’application des contrats.
Les autres demandes fondées sur l’article 5 du BIT136 comportent l’allégation
qu’une violation suffisamment grave des droits contractuels pourrait avoir un effet
équivalent à une expropriation. En l’espèce, ce ne pourrait cependant être qu’une
129
Ibid. au para. 235.
130
Société générale de surveillance SA c. Pakistan (compétence) (2003), Affaire no ARB/01/13 au para.
144, voir aussi la p. 157, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/conclude.htm>. Voir
nos commentaires, Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 277 et ceux d’Emmanuel Gaillard, La
jurisprudence du CIRDI, supra note 73 aux pp. 828-835.
131
Impregilo, supra note 27 aux para. 252-255.
132
Ibid. au para. 258. Cela concorde avec de récentes décisions arbitrales comme Consortium RFCC c.
Maroc (2003), Affaire no ARB/00/6 au para. 48 et s., en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/
icsid/cases.htm> et nos commentaires, Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 312 et s.
133
Impregilo, supra note 27 au para. 260.
134
Citées dans Ibid. au para. 109.
135
Ibid. au para. 266.
136
Citées dans Ibid. au para. 109.
Le CIRDI 337
137
Ibid. au para. 274.
138
Ibid. au para. 309.
139
Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, supra note 61, art. 14 sur l’extension dans le temps de
la violation d’une obligation internationale : « 1. La violation d’une obligation internationale par le fait
de l’État n’ayant pas un caractère continu a lieu au moment où le fait se produit, même si ses effets
perdurent. 2. La violation d’une obligation internationale par le fait de l’État ayant un caractère continu
s’étend sur toute la période durant laquelle le fait continue et reste non conforme à l’obligation
internationale. 3. La violation d’une obligation internationale requérant de l’État qu’il prévienne un
événement donné a lieu au moment où l’événement survient et s’étend sur toute la période durant
laquelle l’événement continue et reste non conforme à cette obligation ».
338 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
On se doit de constater que les demandes d’Impregilo ont été, à juste titre,
réduites à la portion congrue par le tribunal. Il n’est pas surprenant de constater que
les parties ont mis fin à la procédure après avoir abouti à un règlement à l’amiable le
26 septembre 2005. L’investisseur, appréhendant les coûts d’une procédure
s’annonçant peu compensatrice pour lui, aura en toute logique renoncé à s’engager
dans cette voie.
J.F.
140
AES Corp. c. Argentine (compétence) (2005), Affaire no ARB/02/17, en ligne : Investment Treaty
Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/AES-Argentina-Jurisdiction_001.pdf> [AES Corp].
141
Sempra Energy International c. Argentine (compétence) (2005), Affaire no ARB/02/16, en ligne :
CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/sempra-en.pdf> [Sempra]. La décision, qui a également
été rendue en espagnol, est dans cette langue sur le site du CIRDI.
142
Camuzzi International SA c. Argentine (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/2, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/camuzzi-en.pdf> [Camuzzi I]. La décision, qui a également été
rendue en espagnol, figure aussi dans cette langue sur le site du CIRDI.
143
Camuzzi International SA c. Argentine (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/7, en ligne (en
espagnol) : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/camuzzi-decision.pdf> [Camuzzi II].
144
Gas Natural SDG SA c. Argentine (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/10, en ligne : American
Society of International Law <http://www.asil.org/pdfs/GasNat.v.Argentina.pdf> [Gas Natural].
Le CIRDI 339
145
L’affaire Pioneer c. Argentine (2003), Affaire no ARB/03/12, a fait l’objet d’une transaction en juin
2005.
146
Un doute subsiste quant au contenu des demandes de l’investisseur dans l’affaire Compañia de Aguas
del Aconquija SA et Vivendi Universal (ex Compagnie générale des eaux) c. Argentine (comité ad hoc)
(2002), Affaire no ARB/97/3, 41 I.L.M. 1135, traduction française dans 130 J.D.I. 195 [Vivendi c.
Argentine], enregistrée au CIRDI en 1997 et soumise à un nouveau tribunal en avril 2004 après qu’une
sentence ait été annulée par un comité ad hoc. Une décision sur la compétence a été rendue le 14
novembre 2005, mais celle-ci n’a pas été publiée.
147
CMS Gas Transmission Company c. Argentine (exceptions d’incompétence) (2003), Affaire
no ARB/01/8, 42 I.L.M. 788, en ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/
documents/cms-argentina_000.pdf>, commentée dans Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p.
261.
148
Enron Corporation et Ponderosa Assets, L.P. c. Argentine (compétence) (2004), Affaire
no ARB/01/3, en ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/Enron-
Jurisdiction_000.pdf> et nos commentaires dans Fouret et Khayat, 17:1, supra note 47 à la p. 160.
149
LG&E c. Argentine (compétence) (2004), Affaire no ARB/02/1, en ligne : Investment
Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/LGE-DecisiononJurisdiction-English.pdf> et nos
commentaires dans Fouret et Khayat, Ibid. à la p. 193.
150
Azurix Corp. c. Argentine (compétence) (2003), Affaire no ARB/01/12, en ligne : American Society of
International Law <http://www.asil.org/ilib/azurix.pdf>, commentée dans Fouret et Khayat, 16:2,
supra note 66 à la p. 302.
151
Siemens A.G. c. Argentine (compétence) (2004), Affaire no ARB/02/8, en ligne : Investment Treaty
Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/SiemensJurisdiction-English-3August2004.pdf> et nos
commentaires dans Fouret et Khayat, 17:2, supra note 89 à la p. 249.
340 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
152
Il en était de même pour les cinq autres affaires précitées.
153
Comme pour les affaires Enron, LG&E et Azurix.
154
Comme pour l’affaire CMS.
Le CIRDI 341
155
Gas Natural, supra note 144 au para. 36. Voir aussi Camuzzi II, supra note 143 au para. 19.
156
AES Corp., supra note 140 aux para. 24-26.
157
Ibid. au para. 30.
342 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
some difficult legal issues discussed in many cases, inasmuch as these issues share
the same substantial features »158.
Le rappel du rôle du comité ad hoc par les arbitres de l’affaire AES Corp. est
ici pertinent. Le mécanisme institutionnel de l’annulation dans le cadre de la
Convention de Washington a précisément pour fonction, parmi d’autres, d’assurer une
convergence des solutions jurisprudentielles. Nommés par le président du conseil
administratif du CIRDI, et non par les parties comme les arbitres, les membres d’un
comité ad hoc contrôlent l’application de la Convention de Washington et leurs
décisions sont, elles, empreintes d’une autorité particulière. C’est en réalité à cet
échelon que devraient se dégager les convergences qu’appelle de ses vœux Gabrielle
Kaufmann Kohler lorsqu’elle décrit les risques dérivant de la multiplication d’affaires
similaires susceptibles d’être tranchées différemment d’un tribunal à l’autre159. Ce
risque ne s’est jusqu’à présent pas matérialisé, et les comités ad hoc ont été très peu
enclins, ces dernières années, à annuler les sentences.
La publication aujourd’hui quasi systématique des sentences et décisions du
CIRDI est un instrument de création de la jurisprudence en devenir du Centre. Le fait
qu’un tribunal décide de ne pas la suivre ne semble pas devoir remettre en cause
l’ensemble. À ce sujet, nous ne partageons pas l’opinion de ceux qui souhaitent une
révision de la Convention de Washington pour y intégrer un mécanisme d’appel qui
entraînera, à notre avis, une juridictionnalisation excessive. Au contraire, nous
pensons que l’arbitrage CIRDI, certes institutionnel, devrait être capable de survivre à
de telles incohérences jurisprudentielles. À trop vouloir aplanir les différences d’un
tribunal à l’autre, il nous semble que l’arbitrage y perdrait de sa spécificité.
158
Ibid. au para. 33.
159
Gabrielle Kaufmann-Kohler, « L’arbitrage d’investissement : entre contrat et traité, entre intérêts
privés et intérêt public » (2004) 32 Revue libanaise de l’arbitrage arabe et international 9.
160
AES Corp., supra note 140 aux para. 34-39; Camuzzi I, supra note 142 aux para. 15-18; Sempra, supra
note 141 aux para. 25-27; Camuzzi II, supra note 143 aux para. 20-27. Voir, déjà, Azurix, supra note
150 aux para. 48-50.
Le CIRDI 343
161
Sempra, supra note 141 au para. 29 et s.; Camuzzi I, supra note 142 au para. 28 et s. et Camuzzi II,
supra note 143 au para. 29 et s.
162
Gas Natural, supra note 144 aux para. 32-35; Sempra, supra note 141 aux para. 59-79; Camuzzi I,
supra note 142 aux para. 45-67; Camuzzi II, supra note 143 aux para. 35-46.
163
Wena Hotels Ltd. c. Égypte (comité ad hoc) (2002), Affaire no ARB/98/4, 41 I.L.M. 933 [Wena c.
Égypte].
164
Vivendi c. Argentine (comité ad hoc), supra note 146.
344 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
tribunaux, dans la mesure où les investisseurs présentent des demandes fondées sur
des manquements aux BIT, ils doivent se reconnaître compétents et examiner, au
fond, la réalité de ces prétentions165. L’examen prima facie ici réalisé tranche avec
l’examen beaucoup plus lourd et approfondi réalisé par le tribunal arbitral constitué
dans l’affaire Bayindir c. Pakistan166.
165
Sempra, supra note 141 au para. 80 et s.; Camuzzi I, supra note 142 au para. 78 et s.; Camuzzi II, supra
note 143 au para. 55 et s.; AES Corp., supra note 140 au para. 90 et s.; Gas Natural, supra note 144 au
para. 24 et s.
166
Bayindir Insaat Turizm Ticaret Ve Sanayi AS c. Pakistan (compétence) (2005), Affaire no ARB/03/29,
commentée, par ailleurs, dans cette chronique au chapitre XV.
167
Sempra, supra note 141 au para. 80 et s.; Camuzzi I, supra note 142 au para. 105 et s.
168
AES Corp., supra note 140 au para. 57.
Le CIRDI 345
169
Archer Daniels Midland Company and Tate & Lyle Ingredients Americas, Inc. c. Mexique (2005),
Affaire no ARB(AF)/04/5 et Corn Products International, Inc. c. Mexique (2005), Affaire no
ARB(AF)/04/1, Ordonnances du tribunal de consolidation du 20 mai 2005, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm> [Archer/Corn].
170
Accord de libre-échange nord-américain, 17 décembre 1992, R.T. Can. 1994 no 2, (entrée en vigueur :
1 janvier 1994) [ALÉNA]. Ci-après, les cinq premiers alinéas : « Article 1126 : Jonction 1. Un tribunal
établi en vertu du présent article sera constitué aux termes des règles d'arbitrage de la CNUDCI, et
mènera ses procédures conformément aux dites règles SAuf dans la mesure où elles sont modifiées par
la présente section. 2. Un tribunal établi aux termes du présent article qui est convaincu que les plaintes
soumises à l'arbitrage en vertu de l'article 1120 portent sur un même point de droit ou de fait pourra,
dans l'intérêt d'un règlement juste et efficace des plaintes, et après audition des parties contestantes, par
ordonnance a) se saisir de ces plaintes et en connaître simultanément, en totalité ou en partie, ou b) se
saisir de l'une ou de plusieurs des plaintes dont le règlement, selon le tribunal, faciliterait le règlement
des autres, et en connaître. 3. Une partie contestante qui cherche à obtenir une ordonnance visée au
paragraphe 2 devra demander au secrétaire général d'instituer un tribunal, et indiquer dans la demande
a) le nom de la partie contestante ou des investisseurs contestants contre lesquels l'ordonnance est
demandée, b) la nature de l'ordonnance demandée, et c) les motifs de l'ordonnance demandée. 4. La
partie contestante signifiera une copie de la demande à la partie contestante ou aux investisseurs
contestants contre lesquels l'ordonnance est demandée. 5. Dans les soixante jours de la réception de la
demande, le secrétaire général instituera un tribunal comprenant trois arbitres. Il choisira l'arbitre en
chef à partir de la liste mentionnée au paragraphe 1124(4). Si aucun arbitre en chef figurant sur cette
liste n'est disponible pour assumer cette fonction, le secrétaire général choisira, dans le Groupe
d'arbitres du CIRDI, un arbitre en chef qui n'est un ressortissant d'aucune des parties. Il choisira les
deux autres membres à partir de la liste mentionnée au paragraphe 1124(4) ou, si aucune des personnes
figurant sur cette liste n'est disponible, dans le Groupe d'arbitres du CIRDI. L'un des membres devra
être un ressortissant de la partie contestante et l'autre, un ressortissant d'une partie dont relèvent les
investisseurs contestants ».
346 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
171
The Softwood Lumber Cases (Canfor, Tembec and Terminal v. USA), ordonnance du 7 septembre 2005
au para. 221, en ligne : Département d’État américain <http://www.state.gov/s/l/c14432.htm>.
172
Investment Law and Policy News Bulletin, 30 juin 2005, en ligne : International Institute for
Sustainable Development <http://www.iisd.org/pdf/2005/investment_investsd_june30_2005.pdf>.
173
Pour les arguments du Mexique, voir Archer/Corn, supra note 169 aux para. 2-3.
174
Ibid. au para. 5.
Le CIRDI 347
Les demandeurs dans les deux affaires sont, comme l’affirme le tribunal et
l’acceptent les parties, de « fierce competitors »175. Cela signifie par conséquent que
les deux entreprises se refusent à communiquer certaines informations sur la nature de
leurs investissements, leurs coûts de production ou encore l’effet des taxes sur leurs
investissements. Le tribunal en conclut donc que « the parties would not be in a
position to work together and share information »176. Ces éléments s’opposent, pour
les arbitres, à une consolidation qui ne pourrait prendre en compte tous les éléments
des litiges en présence et ainsi ne serait pas non plus un règlement juste et efficace des
plaintes. Cette solution est justifiée dès lors que les investisseurs se sont opposés de
manière frontale à cette consolidation et que « confidential information among
competitors is much more easily protected in separate proceedings »177.
En outre, le risque dénoncé par le Mexique de se retrouver face à des
sentences incohérentes, s’il est bien réel, n’engendrera pas d’iniquité pour ce dernier,
car les faits de chaque affaire sont suffisamment différents pour ne pas créer de
confusion néfaste dans la jurisprudence du CIRDI. Comme le tribunal, nous
considérons que la consolidation des affaires engendrerait en revanche une injustice
pour l’une ou l’autre des entreprises et, de plus, l’inefficacité des procédures en raison
des problèmes de communication des informations par les demandeurs lors d’une
possible consolidation ne permettrait pas de respecter les standards de justice posés
par l’ALÉNA178. Si la situation des entreprises sur le marché mexicain est
d’importance pour la prise de décision du tribunal, les différences entre les demandes
et les disparités quant à certaines conséquences des mesures fiscales plaident aussi en
défaveur d’une consolidation.
Les arbitres acceptent qu’il existe une similarité entre certaines demandes
mais retiennent que les questions de responsabilité et de quantum sont trop différentes
pour justifier une jonction des instances. L’implantation sur le marché mexicain, les
175
Ibid. au para. 7.
176
Ibid. au para. 8.
177
Ibid. au para. 10.
178
Ibid. au para. 17.
179
Ibid. au para. 13.
348 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
180
Ibid. au para. 14.
181
Ibid. aux para. 18-19.
182
Voir en particulier la conclusion d’Éloïse Obadia, « ICSID, Investment Treaties and Arbitration:
Current and Emerging Issues » ICSID News 18:2 (automne 2001) 4, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/news/n-18-2-4.htm> : « Unlike article 1126 of the NAFTA, the
ICSID Convention and the Additional Facility Rules do not contain a provision establishing a
framework for consolidation of claims ».
183
Cargill, supra note 4, enregistré le 30 août 2005.
184
CMS Gas Transmission Company c. Argentine (2005), Affaire no ARB/01/8, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm> [CMS Gas]. Pour un résumé rapide de la
sentence, voir « CMS Gas Awarded $133.2 Million in Dispute With Argentina » (2005) 20:5 Mealey’s
Int. Arb. Rep. 4.
Le CIRDI 349
longueur s’explique, entre autres, par la volonté affichée des arbitres de se préserver
de toute critique et de trancher de la manière la plus sereine un différend à forte
connotation politique.
Pour revenir à l’affaire elle-même, nous nous contenterons de rappeler les
faits que nous avions évoqués lors du commentaire de la décision du tribunal ayant
reconnu sa compétence185.
L’origine du différend est similaire aux autres arbitrages portés devant le
Centre contre l’Argentine du fait de l’effondrement de son économie et de sa devise.
Le fondement de cet arbitrage est le fameux Traité bilatéral de protection des
investissements américano-argentin186 (BIT), qui a donné lieu à de nombreux
arbitrages devant le CIRDI et à d’importants développements en droit des
investissements internationaux187. Quant aux faits, ce sont les mesures de privatisation
des secteurs publics et des industries étatiques dans lesquels ont investi les
investisseurs étrangers qui ont engendré par la suite des problèmes avec ces
investisseurs susmentionnés188.
C’est dans ce contexte que Transportadora de Gas del Norte (TGN) a obtenu
une autorisation de transport de gaz. Grâce à un nouvel appel d’offres en 1995, CMS
a acheté 25% de TGN, puis 4,42% supplémentaires par la suite189. Le calcul des droits
de douane était prévu en dollars, mais exprimé en pesos, avec une réévaluation, tous
les six mois, du montant. Cependant,
[f]ollowing a major economic and financial crisis, the Republic of
Argentina enacted, starting late 1999, various measures which had, in the
claimant’s view, an adverse impact on its business and breached the
guarantees which protected its investment in TGN. Theses measures later
led to the devaluation of the currency and the adoption of additional
financial and administrative measures also alleged to have an adverse
impact on the investor.190
En raison de tous ces facteurs, CMS soutient que l’Argentine l’a exproprié
en violation de l’article 4 du BIT, qu’elle a violé l’article 2(2)(a) du BIT en matière de
traitement juste et équitable et enfin qu’elle a pris des mesures arbitraires et
discriminatoires en violation de l’article 2(2)(b) du BIT. La demanderesse souhaite
donc obtenir une réparation d’un montant de 261,1 millions de dollars191. À l’opposé,
185
Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 261.
186
Traité bilatéral de protection des investissements, États-Unis et Argentine, 14 novembre 1991 (entrée
en vigueur : 20 octobre 1994), en ligne (en anglais) : CNUCED <http://www.unctad.org/sections/
dite/iia/docs/bits/argentina_us.pdf>.
187
« Jurisprudence – Introduction to the Case Law Section » ASA Bulletin 22:1 (2004) 65.
188
CMS Gas, supra note 184 au para. 53.
189
Ibid. au para. 58.
190
CMS Gas Transmission Company c. Argentine (compétence) (2003), Affaire noARB/01/8, 42 I.L.M.
788 au para. 20, en ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/cms-
argentina_000.pdf> [CMS-Compétence]. Voir aussi CMS Gas, supra note 184 aux para. 59-67.
191
CMS Gas, supra note 184 aux para. 88-89.
350 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
l’Argentine réfute ces arguments en soutenant que les critères pour l’expropriation
indirecte et pour la violation des standards de traitement ne sont pas réunis.
Subsidiairement, au cas où le tribunal en viendrait à retenir les violations du BIT
susmentionnées, l’Argentine soutient qu’elle est excusée en raison de l’état de
nécessité dans lequel elle se serait trouvée à l’époque et du caractère urgent de ses
mesures192.
Que faut-il retenir de ces cent quarante-sept pages? Quatre éléments majeurs
méritent d’être soulignés dont notamment la solution apportée au problème du droit
applicable au litige (A). Une fois cette détermination effectuée, il faudra s’attacher à
analyser les principales violations du BIT invoquées par la demanderesse (B)
auxquelles feront écho les excuses avancées par l’Argentine (C). Enfin, il sera
possible de tirer les conséquences de ces déterminations, que ce soit sur le plan
pécuniaire, pour les parties, ou sur le plan doctrinal, pour la jurisprudence future du
CIRDI relative aux affaires argentines (D).
192
Ibid. aux para. 98-99.
193
L'article le plus récent et probablement le plus complet concernant notamment la place du droit
international étant Yas Banifatemi et Emmanuel Gaillard, « The Meaning of ‘land’ in Article 42(1),
Second Sentence of the Washington Convention: The Role of International Law in the ICSID Choice
of Law Process » (2003) 18 ICSID Rev. – F.I.L.J. 375 [Banifatemi et Gaillard, « The meaning of
‘and’ »]. Voir, entre autres, Emmanuel Gaillard, « The Extent of Review of the Applicable Law in
Investment Treaty Arbitration » dans Yas Banifatemi et Emmanuel Gaillard, dir., Annulment of ICSID
Awards, IAI series on International Arbitration no 1, Huntington, Juris, 2004, 221 à la p. 223
[Banifatemi et Gaillard, Annulment of ICSID Awards]; W. Michael Reisman, « The Regime for
Lacunae in the ICSID Choice of Law Provision and the Question of its Threshold » (2000) 15 ICSID
Rev. – F.I.L.J. 362; Schreuer, The ICSID Convention, supra note 106 au pp. 558 et s.; Ibrahim Shihata
et Antonio R. Parra, « Applicable Substantive Law in Dispute between States and Private Foreign
Parties: The Case of Arbitration under ICSID Convention » (1994) 9 ICSID Rev. – F.I.L.J. 183.
194
CMS Gas, supra note 184 au para. 115.
Le CIRDI 351
195
Julien Fouret et Dany Khayat, « Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI) » dans Julien Fouret et Mario Prost, dir., « Chronique de règlement pacifique
des différends internationaux » (2002) 15.2 R.Q.D.I. 117, 167 à la p. 172 [Fouret et Khayat, 15:2].
196
CMS Gas, supra note 184 au para. 117.
197
Ibid. au para. 118.
198
Ibid. au para. 122.
199
Banifatemi et Gaillard, « The meaning of ‘and’ », supra note 193 aux pp. 410-411.
200
CMS Gas, supra note 184 aux para. 200-251.
201
Ibid. au para. 252.
202
De surcroît, le tribunal lie leur « destin » à celui du traitement juste et équitable (Ibid. aux para. 285-
295).
203
Cité dans CMS Gas, supra note 184 au para. 253.
204
Ibid. au para. 260.
352 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
suite d'une activité normative générale »205, qui, elle, fait l’objet d’une opposition
entre les parties. Le tribunal, tout comme pour la détermination du droit applicable,
s’appuie abondamment sur les précédents arbitraux en la matière206.
Bien que ce test ait parfois été dénoncé comme étant trop réducteur et
qualifié de « litmus test for expropriation »207, le tribunal utilise, pour déterminer s’il
y a eu une expropriation indirecte, le critère de la privation substantielle de droits208.
Nous pensons malgré tout que ce test est un bon étalon de mesure pour s’assurer
qu’une législation bona fide ne soit pas écartée. Cela ne nous empêche cependant pas
de croire qu’il faut prendre garde, pour la détermination d’une expropriation indirecte,
de préserver l’idée que les « regulatory expropriation claims are fundamentally about
the proper allocation of risk in the modern regulatory state […] Underlying this risk
calculus are value judgments on the proper balancing of sovereign powers and
foreign investors’ right »209. Ces deux positions ne nous semblent cependant pas
antinomiques en matière d’expropriation, contrairement à ce qu’affirme Andrew
Newcombe210.
En l’espèce, le tribunal refuse de reconnaître une violation de l’article 4(1)
du BIT en examinant la situation de l’investisseur. Il vérifie ainsi que ce dernier
contrôle toujours son investissement, que le gouvernement ne le gère pas et que CMS
le possède toujours211. Cette analyse traditionnelle, mais toujours efficace, des critères
de l’expropriation indirecte convainc les arbitres que CMS n’a pas été exproprié. Cela
ne signifie pas pour autant que d’autres standards, de traitement notamment, n’ont pas
été violés.
Si une expropriation n’a pas été reconnue, le tribunal retient cependant qu’il
y a eu une ingérence (« interference »212) dans les affaires de la demanderesse. Ce
sont ces ingérences qui sont examinées pour déterminer si une violation du traitement
juste et équitable a eu lieu. Ce traitement est prévu par l’article 2(2)(a) du BIT213.
La demanderesse souhaite que l’on reconnaisse que les mesures prises par
l’Argentine ont altéré la stabilité et la prévisibilité de l’environnement juridique des
investissements, un paramètre essentiel dans la décision d’investir, et que le
205
Charles Leben, « La liberté normative de l’État et la question de l’expropriation indirecte » dans
Colloque IHEI du 3 mai 2004 sur les nouveaux développements dans le contentieux arbitral
transnational relativement à l’investissement international, Paris [non publié].
206
Les affaires Lauder et Pope & Talbot notamment; CMS Gas, supra note 184 aux para. 261-262.
207
Andrew Newcombe, « The Boundaries of Regulatory Expropriation in International Law » (2005) 20:1
ICSID Rev. – F.I.L.J. 1 à la p. 54.
208
« Substantial deprivation » dans le texte de la sentence, CMS Gas, supra note 184 au para. 262.
209
Ibid. à la p. 7.
210
Ibid.
211
Ibid. au para. 263.
212
Ibid. au para. 265.
213
Cité dans Ibid. au para. 266.
Le CIRDI 353
traitement juste et équitable a donc été violé214. L’Argentine, de son côté, utilise le
subterfuge classique pour nier toute autonomie et toute application du standard à
savoir l’idée que le standard est tellement vague que la vérification de son application
s’avère impossible :
In the respondent’s view, the standard of fair and equitable treatment is
too vague to allow for any clear identification of its meaning and, in any
event, it only provides for a general and basic principle found in the law of
the host State which at the same time is compatible with an international
minimum standard. A deliberate intention to ignore an obligation or even
bad faith would be required to breach the standard, the argument adds.215
214
Ibid. au para. 267.
215
Ibid. au para. 270.
216
Voir notamment l’assimilation du standard avec les autres standards de traitement et, par conséquent,
son absence d’autonomie : American Manufacturing & Trading c. Zaïre (1997), Affaire no ARB/93/1
aux para. 6.4-6.11.
217
Voir notamment « Comments of the OECD Draft Convention on the Protection of Foreign Property »
(1961) 2 I.L.M. 241 à la p. 244; Maximo Romero Jimenez, « Considerations of NAFTA Chapter 11 »
(2001) Chicago J. Int’l L. 243 à la p. 244 ou encore Huu-Tru Nguyen, « Le réseau suisse d’accords
bilatéraux d’encouragement et de protection des investissements » (1998) 92 R.G.D.I.P. 577 aux pp.
604-614. Contra nos commentaires dans Julien Fouret, The Notion of Fair and Equitable Treatment of
Foreign Direct Investment, mémoire de maîtrise en droit, Université McGill, 2003 aux pp. 40-45 [non
publié].
218
CMS Gas, supra note 184 au para. 273.
219
Ibid. au para. 275. Ce critère de transparence et de stabilité dans les règlementations internes sur les
investissements avait déjà été soulevé précédemment, notamment par un tribunal CIRDI, Técnicas
Médioambiantales Tecmed SA c. Mexique (2000), Affaire no ARB(AF)/00/2 au para. 154,
en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/laudo-051903%20-English.pdf>. Voir aussi
nos commentaires dans Fouret et Khayat, 15:2 supra note 195 à la p. 237.
354 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
220
CMS Gas, supra note 184 au para. 277.
221
Ibid. au para. 280 et l’affaire Neer c. Mexique (1927), 21 A.J.I.L. 555 à la p. 556.
222
Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, supra note 61, art. 25 : 1. L’État ne peut invoquer
l’état de nécessité comme cause d’exclusion de l’illicéité d’un fait non conforme à l’une de ses
obligations internationales que si ce fait : a) Constitue pour l’État le seul moyen de protéger un intérêt
essentiel contre un péril grave et imminent; et b) Ne porte pas gravement atteinte à un intérêt essentiel
de l’État ou des États à l’égard desquels l’obligation existe ou de la communauté internationale dans
son ensemble. 2. En tout cas, l’état de nécessité ne peut être invoqué par l’État comme cause
d’exclusion de l’illicéité: a) Si l’obligation internationale en question exclut la possibilité d’invoquer
l’état de nécessité; ou b) Si l’État a contribué à la survenance de cette situation.
223
Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit international public, 7e éd., Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 2002 à la p. 787.
Le CIRDI 355
Ceci étant pris en compte et connu par le tribunal, ce dernier analyse donc
cette excuse sous deux angles : tout d’abord au regard du droit international
coutumier de l’état de nécessité (1) et ensuite eu égard à la clause du traité prévoyant
l’état d’urgence (2).
224
CMS Gas, supra note 184 au para. 211.
225
Ibid. au para. 317 et les commentaires relatifs au Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, supra
note 124 à la p. 208 : « désigner les cas exceptionnels où le seul moyen qu’a un État de sauvegarder un
intérêt essentiel menacé par un péril grave et imminent est, momentanément, l’inexécution d’une
obligation internationale dont le poids ou l’urgence est moindre ».
226
CMS Gas, supra note 184 au para. 320.
227
Ibid. au para. 321.
228
Ibid. au para. 322.
356 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
229
Ibid. au para. 323.
230
Commentaires relatifs au Projet d’articles sur la responsabilité de l’État, supra note 124 à la p. 220.
231
CMS Gas, supra note 184 au para. 328.
232
Ibid. au para. 329.
233
Ibid. aux para. 330-331.
234
Cité dans Ibid. au para. 332.
Le CIRDI 357
235
Daillier et Pellet, supra note 223 à la p. 786.
236
CMS Gas, supra note 184 au para. 354.
237
Ibid. aux para. 355-358.
238
Ibid. aux para. 360-361.
239
Ibid. à la n. 186 et s.
240
CMS Gas, supra note 184 au para. 363-366. Voir l’utilisation de ce concept et sa définition par la CIJ
pour la première fois dans l’Affaire Interhandel (Suisse c. États-Unis), [1959] C.I.J. rec. 6 aux pp. 116-
119.
241
Mentionné notamment dans CMS Gas, Ibid. au para. 368.
242
Ibid. au para. 373.
358 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
243
Ibid. aux para. 395-472.
244
« Argentina Challenges $133.2 Million Award to CMS Gas » (2005) 20.11 Mealey’s Int’l Arb. Rep. 8.
245
Voir notamment dans la pléthore d’écrits sur le sujet dont la publication de l’IAI, Banifatemi et
Gaillard, Annulment of ICSID Awards, supra note 193. Voir aussi, entre autres, les articles d’Alan
Redfern, « ICSID – Losing its Appeal? » (1987) 3 Arb. Int’l 98 [Redfern, « ICSDI »]; W. Michael
Reisman, « The Breakdown of the Control Mechanism in ICSID Arbitration » (1989) Duke L.J. 739.
Le CIRDI 359
246
Aguas Argentinas SA, Suez, Sociedad General de Aguas de Barcelona SA et Vivendi Universal SA c.
Argentine (2005), Affaire no ARB/03/19, ordonnance, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/
icsid/cases/ARB0319-AC-en.pdf> [Aguas Argentinas (ordonnance)].
247
Aucune décision du tribunal n’a été rendue à ce jour dans cette affaire enregistrée au CIRDI le 17
juillet 2003 et qui porte sur un litige relatif à l’exploitation d’une concession de distribution d’eau et de
collecte d’eaux usées.
248
Après la publication de cette ordonnance, la décision sur la compétence rendue dans l’affaire Aguas del
Tunari SA c. Bolivie (2005), Affaire no ARB/02/3), en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/
icsid/cases/ AdT_Decision-en.pdf> [Aguas del Tunari] a été publiée et contient, en annexe 3, une lettre
du tribunal à une association qui avait souhaité participer à la procédure en qualité d’amicus curiae. Le
Tribunal a refusé la demande de cette association. Nous y reviendrons plus bas. Sur cette décision, voir
nos commentaires dans cette chronique.
249
Règlement d’arbitrage du CIRDI, supra note 97 à l’art. 32(2) : « Le tribunal décide, avec le
consentement des parties, quelles personnes, autres que les parties, leurs agents, conseillers et avocats,
les témoins et experts au cours de leur déposition, et les fonctionnaires du tribunal, peuvent assister aux
audiences ».
250
Aguas Argentinas (ordonnance), supra note 246 aux para. 4-7.
251
Methanex Corporation c. États-Unis (2005), (ALÉNA) en ligne : Naftaclaims
<http://www.naftaclaims.com/ disputes_us_6.htm> pour le détail complet de la procédure menant à la
sentence finale du 9 août 2005.
252
United Parcel Service c. Canada (2005), (ALÉNA) en ligne : Naftaclaims <http://www.naftaclaims.
com/disputes_canada_ups.htm> pour le détail complet de la procédure.
253
Aguas Argentinas (ordonnance), supra note 246 aux para. 30-32.
360 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
254
Ibid. au para. 13.
255
Ibid. aux para. 18-23.
256
Ibid. au para. 24.
257
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 17.
Le CIRDI 361
Kaufmann-Kohler, qui estime qu’« il faut aller dans le sens d’une transparence
suffisante pour tenir compte de l’intérêt public, sans pour autant compromettre une
gestion efficace de la procédure »258.
C’est également le sens général de l’évolution de la procédure arbitrale du
CIRDI. À ce titre, cette question fait partie des propositions de modification du
Règlement d’arbitrage du CIRDI soumis à discussion par le secrétariat du CIRDI en
mai 2005259, qui concerne, entre autres, la procédure d’admission de tierces parties à
l’arbitrage.
D.K.
258
Gabrielle Kaufmann-Kohler, supra note 159.
259
Disponibles en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/highlights/052405-sgmanual.pdf>.
260
MTD Equity Sdn. Bhd. et MTD Chile SA c. Chili (comité ad hoc) (2005), Affaire no ARB/01/7, en
ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm> [MTD c. Chili].
261
Fouret et Khayat, 17:1, supra note 47 à la p. 198.
262
MTD c. Chili, supra note 260 au para. 1.
263
In favorem, Amco Asia Corporation et autres c. Indonésie (comité ad hoc) (1986), Affaire
no ARB/81/1, 25 I.L.M. 1439; Amco Asia Corporation et autres c. Indonésie (1992), Affaire
no ARB/81/1, décision rejetant la demande d’annulation de la sentence et annulant la décision pour un
décision supplémentaire et une rectification, [non publiée]; Southern Pacific Properties Ltd. c. Égypte
(1993), Affaire no ARB/84/3, ordonnance dans laquelle les parties se sont mises d’accord sur une
suspension d’exécution en l’échange d’une garantie [non publiée]; Wena c. Égypte, supra note 163
Ltd.plus particulièrement les para. 5-6; CDC Group plc c. Seychelles (annulation) (2004), Affaire
no ARB/02/14, décision sur la continuation de la suspension de l’exécution de la sentence du 14 juillet
2004. Contra, Maritime International Nominees Establishment (MINE) c. Guinée (comité ad hoc)
(1989), Affaire no ARB/84/4, ICSID Rev. – F.I.L.J. 95 et Mitchell c. Congo (annulation) (2004),
Affaire no ARB/99/7, Décision sur la suspension d’exécution de la sentence du 30 novembre 2004
[Mitchell].
362 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
264
Paul Friedland, « Stay of Enforcement of the Arbitral Award Pending ICSID Annulment Proceedings »
dans Banifatemi et Gaillard, Annulment of ICSID Awards, supra note 193 à la p. 182.
265
MTD c. Chili, supra note 260 au para. 28.
266
Ibid. au para. 30 et Mitchell, supra note 263 au para. 42.
267
Convention de Washington, supra note 1, art. 54 : « (1) Chaque État contractant reconnaît toute
sentence rendue dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure l'exécution sur
son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement
définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État. Un État contractant ayant une
constitution fédérale peut assurer l'exécution de la sentence par l'entremise de ses tribunaux fédéraux et
prévoir que ceux-ci devront considérer une telle sentence comme un jugement définitif des tribunaux
de l'un des États fédérés. (2) Pour obtenir la reconnaissance et l'exécution d'une sentence sur le
territoire d'un État contractant, la partie intéressée doit en présenter copie certifiée conforme par le
secrétaire général au tribunal national compétent ou à toute autre autorité que ledit État contractant
aura désigné à cet effet. Chaque État contractant fait savoir au Secrétaire général le tribunal compétent
ou les autorités qu'il désigne à cet effet et le tient informé des changements éventuels. (3) L'exécution
est régie par la législation concernant l'exécution des jugements en vigueur dans l'État sur le territoire
duquel on cherche à y procéder ».
268
MTD c. Chili, supra note 260 au para. 35.
269
Fouret et Khayat, 17:2, supra note 89 à la p. 239.
Le CIRDI 363
J.D.I. 195. Nos commentaires des deux décisions : Fouret et Khayat, 15:2, supra note 195 aux pp.167
et 192.
276
Christoph Schreuer, « Three Generations of ICSID Annulment Proceedings » dans Banifatemi et
Gaillard, Annulment of ICSID Awards, supra note 193, 17 [Schreuer, « Three Generations »].
277
CDC Group c. Seychelles (2003), Affaire no ARB/02/14, en ligne : Investment Treaty Arbitration
<http://ita.law.uvic.ca/documents/CDCvSeychellesAward_001.pdf> [CDC] et nos commentaires dans
Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 307. Pour un résumé du fond de la sentence, voir aussi le
premier tiers de la décision du Comité ad hoc, CDC annulation, supra note 272 aux para. 19-31.
278
CDC, Ibid. aux para. 1-16.
279
Ibid. au para. 61.
280
Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 307.
281
Wena c. Égypte étant la première, voir supra note 275.
282
Le comité résume en cinq paragraphes toutes les prises de positions eu égard aux procédures
d’annulation afin d’en faire une synthèse la plus précise possible, voir CDC annulation, supra note 272
aux para. 33-37.
283
Ibid. aux para. 39-43, 48-50 et 66-72.
Le CIRDI 365
284
Ibid. au para. 44.
285
Schreuer, « Three Generations », supra note 276 à la p. 28.
286
CDC annulation, supra note 272 au para. 45.
287
Ibid. au para. 46.
288
Pour les statistiques, voir Schreuer, « Three Generations », supra note 276 aux pp. 22 et 29.
289
CDC annulation, supra note 272 au para. 51.
290
Ibid. aux para. 53-54.
291
Ibid. aux para. 56-57.
366 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
292
Ibid. au para. 58.
293
Ibid. aux para. 59-61.
294
Ibid. aux para. 62-65.
295
Schreuer, « Three Generations », supra note 276 à la p. 33.
296
Contre-mémoire de CDC au para. 323, cité dans CDC (annulation), supra note 272 au para. 73.
297
CDC (annulation), Ibid. aux para. 75-76.
Le CIRDI 367
298
Ibid. aux para. 77-86.
299
Ibid. au para. 83.
300
Ibid. au para. 87.
301
Caron, supra note 274 à la p. 45.
302
CDC (annulation), supra note 272 au para. 38.
303
Ibid. aux para. 88-90.
368 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
304
Noble Ventures, Inc. c. Roumanie (2005), Affaire no ARB/01/11, en ligne : Investment Claims
<http://www.investmentclaims.com/decisions/Noble-Ventures-Final-Award.pdf> [Noble]. Des extraits
de la sentence sont traduits en français et commentés dans Gaillard, « CIRDI (2006) », supra note 71.
305
Traité bilatéral de protection des investissements, États-Unis et Roumanie, 28 mai 1992 (entrée en
vigueur : 15 janvier 1994), en ligne (en anglais) : CNUCED <http://www.unctad.org/sections/dite/iia/
docs/bits/us_romania.pdf> [TBI États-Unis et Roumanie].
Le CIRDI 369
Ventures a notamment soulevé le fait que la Roumanie n’a pas accordé à son
investissement un traitement juste et équitable et une protection et une sécurité pleines
et entières, au sens du BIT. Il en résulte, selon la société américaine, que la Roumanie
a, en réalité, procédé à une expropriation de son investissement sans indemnisation.
La Roumanie, qui a contesté au fond toutes les allégations de Noble
Ventures, a soutenu que l’investisseur, déçu des performances d’une entreprise qu’il
avait pourtant sérieusement étudiée avant de l’acquérir, et réticent à l’idée d’y injecter
ses propres fonds, a cru pouvoir utiliser les dispositions du BIT pour corriger ses
erreurs de calcul. In limine litis, la Roumanie a également soulevé deux exceptions à
la compétence du tribunal arbitral : la première tenait à la nature contractuelle des
demandes de l’investisseur, que la Roumanie a considéré exclues du champ du BIT,
même en présence d’une clause de respect des engagements; la seconde se rapportait
à la nécessité de distinguer entre l’État et l’entité qui a signé le contrat de privatisation
avec l’investisseur, ce qui aurait pour effet de rendre irrecevables les demandes de
Noble Ventures à l’égard de l’État. Ce sont ces questions que nous étudierons plus
particulièrement.
La première exception d’incompétence soulevée par la Roumanie est en
passe de devenir classique. La question de savoir si une clause de respect des
engagements stipulée dans un traité relatif aux investissements permet à un
investisseur d’invoquer des manquements contractuels devant un tribunal constitué,
comme en l’espèce, en application des règles de la Convention de Washington est
encore, en l’état du droit des investissements internationaux, controversée306. On
rappellera que cette clause contient un engagement – plus ou moins étendu, c’est tout
le débat – pris par l’État de respecter les engagements contractuels pris avec les
investisseurs. La question est de savoir si cette clause permet de soumettre à un
tribunal arbitral constitué en application d’un traité de protection des investissements
des demandes relatives aux contrats en cause. Pour Noble Ventures, la question était
d’importance, car certaines de ses demandes étaient directement et exclusivement
liées à des manquements de la Roumanie à ses obligations contractuelles. Il était donc
capital, à ses yeux, que le tribunal accepte de donner plein effet à l’article 2(2)(c) du
BIT qui dispose que « [e]ach party shall observe any obligation it may have entered
into with regards to investments »307.
306
Voir notamment SGS c. Pakistan (compétence) (2003), affaire no ARB/01/13, 42 I.L.M. 1290 [SGS c.
Pakistan] et nos commentaires dans Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 277; SGS c.
Philippines (compétence) (2004), Affaire no ARB/02/6, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/
icsid/cases/SGSvPhil-final.pdf> [SGS c. Philippines] ainsi que dans Fouret et Khayat, 17:1, supra note
47 à la p. 174; Salini c. Jordanie, supra note 89 et nos commentaires dans Fouret et Khayat, 17:2,
supra note 89 à la p. 268. Pour une discussion sur l’ensemble de la question, voir Emmanuel Gaillard,
« Investment Treaty Arbitration and Jurisdiction Over Contract Claims – the SGS Cases Considered »
dans Weiler, supra note 87, 325; Sinclair, supra note 115; Bernardo M. Cremades et David J. A.
Cairns, « Contract and Treaty Claims and Choice of Forum in Foreign Investment Disputes » dans
Horn et Kröll, Arbitrating, supra note 20, 324; Eric Teynier, « Les umbrella clauses », (5-7 décembre
2004) 340 Gaz. Pal. à la p. 29; Christoph Schreuer, « Traveling the BIT Route: Of Waiting Periods,
Umbrella Clauses and Forks in the Road » (2004) 5 J.W.I.T. 231; pour une approche historique,
Prosper Weil, « Problèmes relatifs aux contrats passés entre un État et un particulier » (1969) 128 Rec.
des Cours 95.
307
TBI États-Unis et Roumanie, supra note 305 à l'art. 2(2)(c).
370 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
Pour statuer sur la question, les arbitres se sont appuyés sur les décisions déjà
citées en la matière et, comme elles, se sont intéressés principalement au libellé de la
clause. Selon le tribunal, la rédaction de l’article 2(2)(c) est claire et révélatrice de la
force de l’engagement pris par les États-Unis et la Roumanie lorsqu’ils ont négocié le
BIT. La terminologie employée est ferme et ne laisse aucune place à l’interprétation :
l’article 2(2)(c) est indéniablement source d’obligation pour l’État signataire, celui-ci
devant respecter les « obligations entered into with regards to investments », c’est-à-
dire les contrats d’investissements, comme l’a parfaitement démontré le tribunal308.
Les arbitres ont par ailleurs conforté leur analyse en relevant qu’une telle
interprétation est conforme au but et à l’objet du BIT, conformément à l’article 31 de
la Convention de Vienne sur le droit des traités309. Les arbitres relèvent que la clause
de respect des engagements « is naturally to be understood as protecting investors
also with regard to contracts with the host State generally in so far as the contract
was entered into with regard to an investment »310, dans une formule que d’autres
investisseurs ne manqueront pas d’apprécier.
L’analyse du tribunal sur la clause de respect des engagements dans l’affaire
Noble Ventures est importante pour deux raisons. D’une part, dès lors que la question
de l’effet d’une clause de respect des engagements se mesure en fonction de sa
rédaction, comme l’a confirmé le tribunal, c’est qu’il n’y a plus de difficulté de
principe relative à son efficacité. Il est désormais possible, dès lors que la clause est
rédigée de manière juridiquement contraignante, de considérer sans heurter les
principes du droit international que le manquement contractuel d’un État peut être
« élevé » au niveau d’un manquement à une obligation internationale. C’est là une
première avancée, énoncée de manière fort convaincante, qui semble devoir clore les
débats initiaux sur le contenu de cette clause : en négociant une telle clause, les États
ont sciemment admis que « the breach of contract being thus ‘internationalized’ »311
soit assimilé à un manquement au BIT.
D’autre part, le tribunal a clairement voulu appuyer ce constat par une
démonstration de droit international public destinée à renforcer la solution qu’il a
retenue. Comme le soulignent les arbitres, s’il est vrai qu’en théorie, la sphère du
droit international et la sphère du droit privé, telle qu’elle résulte de contrats, ne se
rejoignent pas, il reste loisible aux États, acteurs du droit international et souverains
dans leurs décisions, de modifier cette donne et de restreindre les domaines qui leur
sont exclusivement réservés pour des raisons qui leur sont propres. Ainsi, si des États
négociant un traité de protection des investissements jugent utile d’étendre le bénéfice
de cette protection aux contrats d’investissement, rien ne les empêche de le faire.
C’est ce qu’exprime très judicieusement le tribunal en relevant que le droit
international repose sur le principe de la
308
Noble, supra note 304 au para. 51.
309
Convention de Vienne sur le droit des traités, 22 mai 1969, 1155 R.T.N.U. 354, R.T. Can. 1980 no 37,
art. 31 [Convention de Vienne].
310
Noble, supra note 304 au para. 52.
311
Ibid. au para. 54.
Le CIRDI 371
Les États sont ainsi libres de négocier ces clauses, qui s’imposent donc aux
arbitres, à condition, selon le tribunal, de les manier avec circonspection. Celui-ci a en
effet relevé que, si les États peuvent donc, par le biais des clauses de respect des
engagements, et s’ils le désirent, faire figurer la sphère du droit privé au rang des
domaines soumis au droit international et donc aux dispositions du BIT, ceux-ci
doivent exprimer très clairement cette volonté. En effet, le mécanisme de la clause de
respect des engagements « introduces an exception to the general separation of States
obligations under municipal and international law »313. Et le tribunal de rappeler
l’arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’affaire ELSI selon lequel « an
important principle of international law should not be held to have been tacitly
dispensed with by international agreement, in the absence of words making clear an
intention to do so »314.
Cette démonstration justifie pour la première fois – et à notre avis de manière
extrêmement convaincante – le principe selon lequel il est possible de donner effet
utile aux clauses de respect des engagements à condition d’en examiner le contenu et
la rédaction de manière stricte. L’appréciation des clauses de respect des engagements
dispose désormais de la solide assise juridique qui, selon nous, lui faisait défaut.
L’intérêt de cette sentence réside également dans le fait que, pour la première
fois dans la jurisprudence du CIRDI, le tribunal a accepté de tirer les conclusions de
sa décision au regard des litiges contractuels et a effectivement examiné ceux-ci. En
effet, si d’autres tribunaux avaient retenu le principe selon lequel une réclamation
contractuelle pouvait être « élevée » au rang d’une violation d’un traité de protection
des investissements, y compris par le jeu d’une clause de règlement des différends
dite large315, aucun n’avait examiné ces réclamations au fond. Dans l’affaire SGS c.
Philippines par exemple, le tribunal avait fait sienne cette conception sans toutefois la
mettre en application en renvoyant, dans un premier temps, les parties à purger leur
différend devant les juridictions locales des Philippines, désignées dans le contrat316.
Dans l’affaire Salini c. Maroc317, comme dans l’affaire Impregilo c. Pakistan318, une
312
Ibid., au para. 54.
313
Ibid., au para. 55.
314
Elettronica Sicula SpA (ELSI) (États-Unis c. Italie), [1989] C.I.J. rec. 4, cité dans Noble, supra note
304 au para. 55.
315
Sur ces clauses, voir Emmanuel Gaillard, « Treaty-Based Jurisdiction: Broad Dispute Resolution
Clauses » (2005) 234 N.Y. Law J. 5.
316
SGS c. Philippines, supra note 306.
317
Salini SpA c. Maroc, supra note 111, extraits et avec commentaires dans Gaillard, La jurisprudence du
CIRDI, supra note 73 à la p. 621 et s.
372 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
transaction est intervenue entre les parties avant que le tribunal n’examine le fond de
l’affaire319. Signalons également que, hors du système du CIRDI mais toujours sur le
fondement d’un traité de protection des investissements, le tribunal constitué dans
l’affaire Eureko BV c. Pologne, instruite selon les règles de la CNUDCI, après avoir
retenu sa compétence vis-à-vis des litiges contractuels entre les parties dans une
décision du 19 août 2005320, devrait ultérieurement rendre sa sentence sur le fond.
On retiendra également que, dans l’affaire Noble Ventures, le tribunal a
également examiné le statut de l’entité publique de droit roumain en charge de la
privatisation litigieuse de l’usine sidérurgique pour juger, au terme d’une analyse
convaincante, que cette entité n’était en réalité qu’une émanation de l’État roumain.
Ce n’est qu’après ce constat que le tribunal a pu examiner chacune des réclamations
de Noble Ventures, y compris, et c’est là que réside la nouveauté, celles qui
trouvaient leur fondement dans une violation du contrat.
Au fond, le tribunal a rejeté une à une toutes les demandes de l’investisseur,
les considérant infondées pour des raisons de fait qu’il n’est pas utile de développer
ici. Cette issue affaiblit-elle la portée de cette sentence? Il nous semble que non : les
principes juridiques ont été si clairement posés par les arbitres que leur valeur
dépasse, et de loin, les faits de cette affaire.
Il reste toutefois une zone d’ombre : les arbitres ont-ils entendu limiter leur
compétence à certains litiges contractuels à l’exclusion d’autres? En effet, certains
passages de la sentence pourraient laisser à penser qu’en principe, le tribunal ne s’est
considéré saisi que des questions contractuelles intéressant l’État ou l’une de ses
émanations. En effet, le tribunal n’a pas répondu directement à la question de savoir si
tout litige contractuel pouvait entrer dans son champ de compétence ou s’il fallait se
limiter à ceux qui opposent l’investisseur et l’État ou l’une de ses émanations. Le
tribunal estime ainsi qu’il n’a pas besoin d’entrer dans un débat dont l’issue ne
porterait pas à conséquence :
on the facts of the present case, as will appear from what follows, the
tribunal’s ultimate conclusions would not be affected one way or another
by the resolution of that question, the tribunal proceeds on the basis that,
in including article II(2)(c) in the BIT, the parties had as their aim to
equate contractual obligations governed by municipal law to international
treaty obligations as established in the BIT.321
318
Impregilo, supra note 27 commentée par ailleurs dans cette chronique au chapitre V.
319
Dans ces deux affaires toutefois, les tribunaux ont restreint l’étendue de leur compétence au regard des
litiges contractuels en la limitant aux seuls litiges avec l’État ou l’une de ses émanations.
320
Eureko B.V. c. Pologne (2005), en ligne : Investment Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/
documents/ Eureko-PartialAwardandDissentingOpinion.pdf>.
321
Noble, supra note 304 au para. 60.
Le CIRDI 373
l’État ou l’une de ses émanations322. Il nous semble possible d’en conclure qu’en
l’état, la question de savoir si, en présence d’une clause de respect des engagements
rédigée de manière contraignante, un litige purement contractuel entre l’investisseur
et une entité autre que l’État ou l’une de ses émanations, tout en étant relatif à
l’investissement, n’est toujours pas tranchée par un tribunal du CIRDI.
D.K.
322
« [W]here the acts of a governmental agency are to be attributed to the State for the purposes of
applying an umbrella clause, such as article 2(2)(c) of the BIT, breaches of a contract into which the
State has entered are capable of constituting a breach of international law by virtue of the breach of
the umbrella clause », Ibid. au para. 85.
323
Aguas del Tunari, supra note 248.
324
Voir notamment Economic Justice News Online aux numéros 5.3 et 7.1 en ligne : Fifty Years Is
Enough Network <http://www.50years.org> ; les campagnes en cours de l’association Agir Ici et
notamment « Cochabamba : la guerre de l’eau n’est pas finie! », en ligne : Agir Ici
<http://www.agirici.org> et enfin, pour des informations sur l’affaire : Earthjustice
<http://www.earthjustice.org>.
325
Voir l’annexe III de la sentence, Aguas del Tunari, supra note 248.
326
Ibid. aux para. 15-18.
327
Ibid. aux para. 50-73.
374 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
Public Potable Water and Sewer Service for the City of Cochabamba », Cochabamba
étant la troisième ville en importance de Bolivie. En septembre 1999, AdT était
détenue à 55% par une entreprise des îles Cayman qui était elle-même possédée à
100% par Bechtel, une multinationale américaine328.
Durant l'automne 1999, la société civile bolivienne s’est indignée de cette
privatisation du service public de l’eau ainsi que du manque de transparence lors de
l’attribution de cette concession. À la même période, Bechtel a annoncé son alliance
avec Edison, entreprise italienne, pour tous ses projets en matière de gestion de
l’eau329. Cette modification engendra en décembre 1999 un changement dans la
structure de possession d’AdT et une complexification de celle-ci. Bechtel crée
Baywater, une entreprise de droit néerlandais qui s’associe avec Edison pour créer
International Water Holdings BV (IWHBV), toujours de droit néerlandais. Cette
dernière ayant une filiale, International Water (Tunari) BV (IWTBV), entièrement
possédée par elle et également néerlandaise, possède elle aussi une filiale à 100%,
International Water (Tunari) SARL (IWASARL), de droit luxembourgeois, gérant les
55% dans AdT. Trois étapes pour remonter aux propriétaires véritables ont donc été
rajoutées et cette complexité sera un des points d’achoppement entre les arbitres.
Pour AdT, la Bolivie a, par ses actions, prétendument violé l’Accord
d’encouragement et de protection réciproque entre les Pays-Bas et de la Bolivie
(BIT). L’investisseur soutient que la Bolivie, la défenderesse, a, de par ses actes et ses
omissions, a engendré la fin de la concession en avril 2000. AdT a donc démarré la
procédure arbitrale en novembre 2001 avec la soumission d’une requête d’arbitrage
au secrétariat du CIRDI330. La Bolivie a cependant soulevé deux exceptions à la
compétence du tribunal. Avant tout, celui-ci doit déterminer le droit applicable (A),
puis s’attacher à analyser l’exception en vertu de laquelle la Bolivie n’aurait pas
donné son accord à la compétence du CIRDI (B), pour enfin décider de la véritable
nationalité de l’investisseur qui, selon la défenderesse, n’est pas néerlandais (C).
328
Voir le tableau dans Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 61.
329
Ibid. au para. 67.
330
Pour un résumé concis voir « ICSID Majority Rules It Has Jurisdiction Over Public Water Dispute »
(2005) 20:12 Mealey’s Int. Arb. Rep. 6.
331
Les dispositions du BIT citées par le tribunal sont reproduites dans l’annexe 2 de la sentence.
« If both contracting parties have acceded to the Convention on the Settlement of Investment Disputes
between States and Nationals of other States of 18 March 1965, any disputes that may arise from
investment between one of the contracting parties and a national of the other contracting party shall,
in accordance with the provisions of that convention, be submitted for conciliation or arbitration to the
international Center for Settlement of Investment Disputes ».
Le CIRDI 375
332
Reproduit dans Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 90.
333
Ibid. au para. 109.
334
Ole Spiermann, « Individual Rights, State Interests and the Power to Waive ICSID Jurisdiction under
Bilateral Investment Treaties », (2004) 20 Arb. Int’l 179. Il est intéressant de relire aussi l’article
« historique » sur les dispositions visant le règlement des différends en droit des investissements;
Antonio R. Parra, « Provisions on the Settlement of Investment Disputes in Modern Investment Laws,
Bilateral Investment Treaties and Multilateral Instruments on Investment » (1997) 12:1 ICSID Rev.-
F.I.L.J. 287.
335
Spiermann, Ibid. aux pp. 208-209.
376 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
l’espèce, ait le même objet et les mêmes parties que le traité, mais aussi qu’il ne
contienne pas d’obligation contradictoire à laquelle il est interdit de déroger. Dans un
second temps, si conflit il y a, il faut examiner l’effet de ce document sur la
compétence du tribunal336.
L’une des deux premières conditions tombe, car l’article 41.2 du contrat de
concession ne pose absolument aucune obligation de recours aux juridictions
boliviennes, la clause attributive de compétence n’étant aucunement exclusive337.
Comme l’affirme Ole Spiermann, « [a] forum clause that is not expressly to the
exclusion of other forums will probably have no effect on ICSID’s jurisdiction »338.
Quant à la question de l’effet du document sur la compétence du tribunal,
tout est affaire de volonté des parties, comme les décisions des tribunaux arbitraux
antérieurs en attestent339. Cependant, il est nécessaire que l’abandon de la compétence
du CIRDI soit explicite, qu’il soit clairement exprimé pour être effectif. L’expression
de cet abandon étant difficile à déterminer, le tribunal ne voit pas quelle raison
pourrait l’empêcher de se reconnaître compétent au vu du peu d’éléments tangibles et
déterminants pour s’opposer à sa compétence : « [t]he tribunal will not read an
ambiguous clause as an implicit waiver of ICSID jurisdiction; silence as to the
question is not sufficient »340.
336
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 111.
337
Ibid. au para. 112.
338
Spiermann, supra note 334 à la p. 211.
339
Aguas del Tunari, supra note 248 aux para. 115-118.
340
Ibid. aux para. 119-122.
341
Ibid. au para. 133.
342
Cable Television of Nevis Ltd. et Cable Television of Nevis Holdings Ltd. c. Saint-Kitts-et-Nevis
(1997), Affaire no ARB/95/2, (1998) 13 ICSID Rev.—F.I.L.J. 328.
343
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 137.
Le CIRDI 377
344
Ibid. au para. 142. L’article 2 dispose : Either conctracting party shall, within the framework of its law
and regulations, promote economic cooperation through the protection in its territory of investments of
nationals of the other contracting party. Subject to its right to exercise powers conferred by its laws or
regulations, each contracting party shall admit such investments.
345
Ibid. au para. 148.
346
Ibid. au para. 153.
347
Ibid. au para. 160.
348
Ibid. aux para. 164-165.
349
Ibid. au para. 174.
350
Ibid. au para. 178.
378 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
juridique351. Il serait en effet trop aisé de se voir condamné pour des faits envisagés,
fussent-ils en violation du droit applicable, mais non accomplis. Le tribunal refuse
donc de reconnaître cette exception.
351
Ibid. aux para. 188-190.
352
Declaration of Jose Luis Alberro-Semerena dans Aguas del Tunar (compétence), supra note 323 à la
p. 81.
353
Ibid. au para. 216.
Le CIRDI 379
354
Ibid. aux para. 222-223.
355
Cet alinéa de l’article dispose que des ressortissants des Pays-Bas peuvent être des « legal persons
controlled directly or indirectly, by nationals of the contracting party, but constituted in accordance
with the law of the other contracting party ».
356
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 227.
357
Convention de Vienne, supra note 309 : « 4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est
établi que telle était l’intention des parties ».
358
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 234.
359
Ibid. au para. 241.
360
Daillier et Pellet, supra note 223 à la p. 261.
361
Voir notamment l’avis de la CPJI, Compétence de l'OIT pour la réglementation internationale des
conditions du travail des personnes employées dans l'agriculture, (1922) C.P.J.I. (sér. B) no 2 à la p.
22 : « à la lumière même des termes du Traité, il faut évidemment lire celui-ci dans son ensemble, et
l’on ne saurait déterminer sa signification sur la base de quelques phrases détachées de leur milieu et
qui, séparées de leur contexte, peuvent être interprétées de plusieurs manières ».
380 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
362
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 246.
363
Ibid. au para. 258. La lettre du tribunal est à l’annexe IV.
364
Convention de Vienne, supra note 309, art. 31(3) : « 3. Il sera tenu compte, en même temps que du
contexte : a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou
de l’application de ses dispositions; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du
traité par laquelle est établie l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité; c) de toute règle
pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties ».
365
Aguas del Tunari, supra note 248 au para. 264. Le tribunal confirme cette vision dans une analyse
vérifiant ce qu’elle a démontré précédemment. Nous jugeons que cette analyse est superfétatoire car
elle reprend, outre l’historique de la négociation du BIT, la jurisprudence sur l’article 25(1) de la
Convention de Washington, les décisions de tribunaux arbitraux sur le critère de « contrôle » et les
pratiques des deux États pour leurs BIT, tous ces éléments confirmant, bien évidemment, la première
analyse. Cet examen se trouve aux para. 266-314.
366
Declaration of Jose Luis Alberro-Semerena reproduite dans Aguas del Tunari, supra note 248 aux pp.
82-87.
Le CIRDI 381
qu’elles auraient probablement été d’une grande utilité. Mais le tribunal, confiant
dans son analyse théorique, l’applique aux faits de l’espèce.
367
Ibid. au para. 316 (cf. le tableau).
368
Ibid. aux para. 318-322.
369
Ibid. au para. 323.
370
Ibid. aux para. 328-337.
371
Sophocle, Philoctète dans Théâtre complet, trad. par Robert Pignarre, Paris, Garnier-Flammarion, 1964
à la p. 223.
382 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
372
Hal Weitzman, « Bechtel Drops Bolivian Compensation Claim » Financial Times (19 janvier 2006), en
ligne : Financial Times <http://www.ft.com> et Latin Petroleum <http://www.latinpetroleum.com/
article_5154.shtml>; Damon Vis-Dunbar et Luke Eric Peterson, « Bolivian Water Dispute Settled,
Bechtel Forgoes Compensation », Investment Treaty News (20 Janvier 2005), en ligne : International
Institute for Sustainable Development <http://www.iisd.org/investment/itn>.
373
Wena c. Égypte (interprétation) (2005), Affaire no ARB/98/4, en ligne : Investment Treaty Arbitration
<http://ita.law.uvic.ca/chronological_list.htm> [Wena (interprétation)]. Pour un résumé extrêmement
concis de l’affaire, voir « ICSID Arbitrators Issue Decision on Meaning of Expropriation » (2005)
20:12 Mealey’s Int. Arb. Rep. 8.
374
Wena Ltd.c. Égypte, supra note 163 et nos commentaires, Fouret et Khayat, 15:2, supra note 195 à la
p. 167 [Wena (annulation)]. Elle n’est désormais plus la seule depuis la décision CDC commentée au
chapitre XI de cette chronique.
375
S’il est vrai qu’une décision d’interprétation et de correction a déjà été rendue en application du
Mécanisme supplémentaire, celle-ci, comme nous l’avions commenté, s’attache presque uniquement
aux problèmes de correction de la sentence et aucunement à l’interprétation : Marvin Roy Feldman
Karpa (CEMSA) c. Mexique (inteprétation et rectification) (2003), Affaire no ARB(AF)/99/1, (2003)
18 ICSID Rev. – F.I.L.J. 595, et nos commentaires Julien Fouret et Dany Khayat, « Centre
international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) » dans Julien
Fouret et Mario Prost, dir., « Chronique de règlement pacifique des différends internationaux » (2003)
16:1 R.Q.D.I. 125, 224 à la p. 245 [Fouret et Khayat, 16:1].
376
Règlement d’arbitrage du CIRDI, supra note 97, art. 50: « La demande : (1) Une demande en
interprétation, révision ou annulation d'une sentence est adressée par écrit au Secrétaire général et doit :
(a) préciser la sentence visée; (b) indiquer la date de la requête; (c) mentionner de façon détaillée : i)
dans une demande en interprétation, les points précis en litige; […] (d) être accompagnée du paiement
du droit de dépôt de la demande ».
Le CIRDI 383
Les faits de l’affaire ont été extensivement analysés dans une chronique
précédente377, nous ne reviendrons donc que sur certains éléments d’importance.
L’État égyptien avait été condamné par le tribunal arbitral pour des mesures
équivalentes à une expropriation, sans indemnisation prompte et effective. Pour
Wena, un nouveau différend est apparu avec l’Égypte concernant la signification de la
sentence arbitrale378. En effet, la Egyptian General Company for Tourism and Hotels
(EGOTH), contrôlée par l’Égypte, a réclamé des loyers impayés pour les hôtels alors
que la sentence arbitrale avait reconnu que l’investisseur en avait été exproprié à cette
période-là379. Wena souhaite donc que le tribunal interprète la sentence afin de
déterminer très clairement que l’Égypte l’a exproprié de ses droits sur les hôtels et l’a
privé de ses « fundamental rights of ownership », ce qui implique une privation totale
et permanente des droits de l’investisseur et suppose donc son impossibilité de tirer
partie de ses investissements380. A contrario, l’Égypte indique qu’elle ne peut être
tenue pour responsable des faits et gestes de l’EGOTH, ne contrôlant pas cette entité.
Elle demande donc de son côté le rejet de la demande, car aucune ambiguïté ne
subsiste quant à la signification de la sentence et le demandeur tente uniquement de
« subvert the interpretation process »381.
L’intérêt de cette décision d’interprétation réside dans deux points
principaux : la question de l’admissibilité de cette demande d’interprétation, première
du genre (A), et celle du caractère définitif d’une mesure d’expropriation, nouvelle
pierre à l’édifice définitionnel de cette notion (B).
377
Fouret et Khayat, 16:1, supra note 374 aux pp. 167-168.
378
Wena (interprétation), supra note 373 au para. 17.
379
Ibid. aux para. 20-22.
380
Ibid. au para. 33.
381
Ibid. aux para. 45-52.
382
Schreuer, The ICSID Convention, supra note 106.
383
Voir Wena (interprétation), supra note 373 au para. 76.
384
Les différentes affaires de la CPJI, notamment l’affaire de l’Usine de Chorzów (1928), C.P.I.J. (sér. A)
no 17 et de la CIJ à l’appui de cette vision sont citées par le tribunal, supra note 383 aux para. 77-79.
384 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
ferme : « general complaints about the award lack of clarity do not suffice »385. Il est
donc nécessaire d’avoir une forte divergence de vues entre les parties sur l’étendue de
la sentence qui a été rendue. Le tribunal posant en outre la nécessité de l’existence
d’un intérêt pratique pour l’exécution de la sentence, de simples considérations
théoriques devant être écartées386. Qu’en est-il en l’espèce?
L’existence du différend doit être en premier lieu analysée : pour
l’investisseur, le différend repose sur l’interprétation des conséquences relatives à son
expropriation, principalement sur le caractère définitif et permanent de
l’expropriation. L’Égypte s’inscrit en faux contre cette approche de la notion
d’expropriation. Le tribunal est donc satisfait, car la condition d’existence d’un
différend est remplie : les parties ne s’accordent pas quant au sens à donner au terme
« expropriation »387.
Dans un second temps, les arbitres s’attachent à comprendre le but de cette
interprétation car pour ces derniers, « the purpose of an interpretation is to obtain a
clarification of the meaning or scope of an award »388. C’est en accord avec les
prétentions des parties que les arbitres concluent que le but du tribunal est de clarifier
les points décidés avec force exécutoire par la sentence, et non pas de statuer sur de
nouveaux points de droit qui iraient au-delà des limites posées par ladite sentence389.
Acceptant leur compétence au vu des prétentions des parties, les arbitres
analysent dès lors les demandes d’interprétation de la sentence soulevées par
l’investisseur, principalement la définition de l’expropriation.
385
Ibid. au para. 81.
386
Ibid. au para. 87.
387
Ibid. aux para. 96-100.
388
Ibid. au para. 104.
389
Ibid. au para. 106.
390
Ibid. au para. 109.
391
Ibid. au para. 120.
Le CIRDI 385
saisie par la force des hôtels, le vandalisme effectué en ces lieux ainsi que le refus
d’octroyer un permis d’exploitation des hôtels sont des éléments déterminants.
Le fait que Wena ait pu réutiliser l’hôtel pendant une très courte période
après la véritable expropriation n’a pas eu de conséquence pour la prise de décision
finale. Les arbitres, en l’espèce, utilisent un faisceau d’indices pour accepter le
caractère total et permanent de l’expropriation, et notamment les dommages-intérêts
payés qui excluent cette réutilisation temporaire des investissements par Wena392.
Sans hésitation, ni même d’atténuation, le tribunal assure qu’en l’espèce
l’expropriation était totale et permanente. Si l’on se doit de saluer la solution choisie,
on ne peut que regretter que le tribunal n’ait pas eu plus d’audace en acceptant par
exemple qu’une expropriation était toujours définitive et que le caractère temporaire
d’une expulsion est difficilement qualifiable d’expropriation per se. En raisonnant de
la sorte, ce tribunal se serait aligné de facto sur la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme (CEDH) ou encore sur celle du tribunal des
différends irano-américains393. Le premier pas est fait, il revient à d’autres arbitres
d’aller plus avant.
Concernant les deux autres points, l’investissement a tout d’abord bien été
exproprié à la date à partir de laquelle sont calculés les dommages-intérêts, malgré le
retour momentané sur les lieux de l’investisseur. Enfin, le tribunal affirme avec force
et détermination que l’Égypte est « indeed precluded from legal actions that would
presume the contrary of the tribunal’s determination in the award »394.
En conclusion, l’on se doit de noter que le tribunal a refusé de reconnaître
une responsabilité supplémentaire de l’Égypte en raison des conséquences d’une
expropriation. Cela est, comme le tribunal l’affirme, hors de son champ de
compétence, l’argument n’ayant pas été soulevé lors des débats au fond de l’affaire395.
Il aurait en effet été fort déplacé pour ce tribunal « d’inventer » des conséquences,
principalement pécuniaires, de l’expropriation alors que le tribunal au fond avait
calculé les dommages-intérêts correspondant à la violation du BIT anglo-égyptien
sans l’évoquer. Il aurait outrepassé sa compétence. Il ne l’a pas fait et cette première
sentence en interprétation sera donc le modèle, le maître étalon, de futurs tribunaux
392
Ibid. au para. 123.
393
Voir pour la CEDH, entre autres, les affaires : Handyside c. Royaume-Uni (1976), 24 Cour Eur. D.H.
(Sér. A) aux para. 62-63; Sporrong et Lönnroth c. Suède (1982), 52 Cour Eur. D.H. (Sér. A) au para.
63; Papamichalopoulos c. Grèce (1993), 260-B Cour Eur. D.H. (Sér. A) aux para. 44-45; Matos e
Silva, Lda. c. Portugal (1996) 52 Cour Eur. D.H. (Sér. A) au para. 85. Toutes les décisions sont
disponibles en ligne : CEDH <http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/search.asp?skin=hudoc-fr>; pour le
tribunal des différends irano-américains voir notamment Tippets, Abbett, McCarthy, Stratton c. TAMS-
AFFA Consulting Engineers of Iran (1984), Affaire no 141-7-2, (1984-II) 6 IUSCTR 219 à la p. 225;
Payne c. Iran (1986), Affaire no 245-335-2, (1986-III) 12 IUSCTR 3 aux pp. 9-11; Birnbaum c. Iran
(1993), Affaire no 549-967-2, (1993) 29 IUSCTR 260 aux pp. 268-269.
394
Wena (interprétation), supra note 373 au para. 125.
395
Ibid. aux para. 127-131.
386 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
pour son analyse rigoureuse, sans excès aucun, et pour son interprétation qui lève tous
les doutes pouvant subsister sur le règlement de cette très longue affaire396.
J.F.
396
Sur l’interprétation des sentences arbitrales de manière générale et sur la nécessité d’une telle
procédure pour la clarté de l’arbitrage, voir Wolfgang Kühn, « Rectification et interprétation des
sentences arbitrales » (1996) 7.2 Bull. Cour Int’l d’Arb. de la CCI 80.
397
Bayindir, supra note 166. Des extraits de la sentence sont traduits en français et commentés dans
Gaillard, « CIRDI (2006) », supra note 71.
398
Traité de protection et de promotion réciproque des investissements, Pakistan et Turquie, 16 mars
1995 (entrée en vigueur : 3 septembre 1997) : CNUCED <http://www.unctad.org/sections/dite/iia/
docs/bits/pakistan_turkey.pdf> [BIT Pakistan-Turquie].
Le CIRDI 387
399
Consortium Groupement LESI – DIPENTA c. Algérie (2005), Affaire no ARB/03/8, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm#award32> et également dans (2004) 19 ICSID
Rev. – F.I.L.J. 427 [avec renvois au ICSID Rev. – F.I.L.J.], commentée par ailleurs dans cette
chronique.
400
Ibid. à la p. 441.
401
Voir par exemple la décision Maffezini, supra note 91, dans laquelle une question débattue était de
savoir si l’investisseur chilien pouvait se prévaloir d’une clause de la nation la plus favorisée pour
éviter d’attendre l’expiration d’une période de négociation amiable de dix-huit mois stipulée dans le
traité de protection des investissements Chili/Espagne.
388 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
402
BIT Pakistan-Turquie, supra note 398 art. 1(2).
403
Bayindir, supra note 166 au para. 113, citant Noah Rubins, « The Notion of ‘Investment’ in
International Investment Arbitration » dans Horn et Kröll, Arbitrating, supra note 20, 292.
404
Ibid. aux para. 114-121.
405
Il s’agit de l’affaire Autopista Concesionada de Venezuela, C.A. (« Aucoven ») c. Venezuela
(2003), Affaire no ARB/00/5 au para. 101, en ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/
Award_Total.pdf>. Voir nos commentaires sur cette décision dans Fouret et Khayat, 16:2, supra note
66 à la p. 288.
406
Salini SpA c. Maroc (2001), supra note 111, extraits et commentaires dans Gaillard, La jurisprudence
du CIRDI, supra note 73 à la p. 621 et s., spécialement les pp. 637-639.
407
Voir Salini SpA c. Maroc, supra note 111 au para. 52 et le commentaire d’Emmanuel Gaillard, supra
note 406 à la p. 636 et s., spécialement la p. 639.
408
Bayindir, supra note 166 aux para. 130-137.
Le CIRDI 389
409
Voir parmi les nombreuses références : Vivendi c. Argentine, supra note 164. Voir nos commentaires
sur la décision du comité ad hoc dans Fouret et Khayat, 15:2, supra note 195 à la p. 192; Salini SpA c.
Maroc, supra note 111, commentaires d’Emmanuel Gaillard, supra note 73 à la p. 621; CMS Gas
Company c. Argentine (compétence) (2003), Affaire no ARB/01/8, 42 I.L.M. 788, en ligne : Investment
Treaty Arbitration <http://ita.law.uvic.ca/documents/cms-argentina_000.pdf> et nos commentaires,
Fouret et Khayat, 16:2, supra note 66 à la p. 261; SGS c. Pakistan, supra note 306, Fouret et Khayat,
supra note 66 à la p. 277; Azurix Corp. c. Argentine (compétence) (2003), Affaire no ARB/01/12, en
ligne : American Society of American Law <http://www.asil.org/ilib/azurix.pdf>, et nos commentaires,
Fouret et Khayat, Ibid. à la p. 302; Consortium R.F.C.C. c. Maroc (2003), Affaire no ARB/00/6, en
ligne : CIRDI <http://www.worldbank.org/icsid/cases/awards.htm#award26> et nos commentaires,
Fouret et Khayat, Ibid. à la p. 312. Et en doctrine : Cremades et Cairns, supra note 306 à la p. 325;
Gaillard, La jurisprudence du CIRDI, supra note 73 aux pp. 815 et s. et 865 et s.; Emmanuel Gaillard,
« Investment Treaty Arbitration and Jurisdiction over Contractual Claims : The SGS v. Pakistan and
SGS v. Philippines Precedents » dans Weiler, supra note 87, 325; Stanimir Alexandrov, « Breaches of
Contract and Breaches of Treaty: The Jurisdiction of Treaty-based Arbitration to Decide Breach of
Contract Claims in SGS v. Pakistan and SGS v. Philippines » (2004) 5: 4 J. World Inv’t & Trade 555;
J. Gill, M. Gearing, G. Birt, « Contractual Claims and Bilateral Investment Treaties. A Comparative
Review of the SGS Cases » (2004) 21 J. Int’l Arb. 397; Walid Ben Hamida, L’arbitrage transnational
unilatéral : réflexions sur une procédure réservée à l’initiative d’une personne privée contre une
personne publique, thèse de doctorat en droit, Paris II, 2003 [à paraître].
390 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international
410
Bayindir, supra note 166 aux para. 152-167.
411
Ibid. au para. 194.
412
Ibid. aux para. 200-264.
Le CIRDI 391
413
SGS Société générale de surveillance SA c. Philippines (2004), Affaire no ARB/02/6, en ligne : CIRDI
<http://www.worldbank.org/icsid/cases/SGSvPhil-final.pdf> et nos commentaires dans Fouret et
Khayat, 17:1, supra note 47 à la p. 170.
414
Bayindir, supra note 166 au para. 273.
392 (2005) 18.2 Revue québécoise de droit international