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INTERNATIONAL

La gestion du changement organisationnel


Première partie Changer dans la turbulence

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Cet article est le premier d’une série portant sur les problèmes de gestion du
changement dans les organisations. Chaque article traitera d’un type de problème,
et proposera des mesures pour y faire face. Ce premier article examine le contexte
général dans lequel les organisations contemporaines doivent manœuvrer et tente
d’expliquer les conditions nouvelles qui semblent rendre le changement plus
difficile à vivre et à piloter depuis une quinzaine d’années.

PAR P IERRE COLLERETTE ,


R OBERT S CHNEIDER ET C’ est devenu un cliché de dire que
les dernières années ont été
caractérisées par beaucoup de change-
bon nombre ont connu des difficultés
importantes.
Qu’est-ce qui se passe? Y a-t-il vrai-
PAUL L EGRIS ments dans les organisations. Dans les ment tant de changements? Le rythme
séances de perfectionnement de cadres des changements est-il à ce point débri-
ou dans les mandats de consultation dé? Si on comparait la dernière décen-
que nous avons menés au cours des der- nie aux années 1960, aux années 1970,
nières années, nous avons souvent et même au début des années 1980,
entendu des gens se plaindre qu’il y a qu’est-ce que l’on en conclurait?
trop de changements, que l’on va trop Probablement que ces périodes aussi
vite, que l’on chambarde tout sans ont été caractérisées par de nombreux
égard aux pratiques établies, que ça va changements, à des cadences parfois
dans toutes les directions, que les orien- élevées. Qu’y a-t-il donc de si différent
tations font défaut, que les dirigeants maintenant pour qu’il y ait autant de
ont perdu la maîtrise des changements grogne?
qu’ils ont enclenchés. Autant de com- À notre avis, les forces qui induisent
mentaires qui témoignent d’un mécon- les changements actuels présentent des
tentement parfois profond, même dans caractéristiques profondément diffé-
des organisations reconnues jadis pour rentes de celles qui ont dominé au cours
être dynamiques et novatrices. des décennies précédentes, et cela a
Au travers de cette agitation, il faut pour effet d’en dérouter plusieurs.
reconnaître que si certaines entreprises
réussissent à bien se tirer d’affaires, un

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La maîtrise du changement était le même, à savoir du développe-


ment, autorisé par une perspective de
Dans un article sur la transforma- prospérité. Les membres des organisa-
tion des organisations, Alain Rondeau tions avaient alors le sentiment d’être
(1999) propose un tableau des trans- en maîtrise de la situation, ou tout au
formations majeures qui affectent pré- moins n’avaient pas l’impression d’être
sentement les organisations. Comme à la remorque des pressions externes.
on peut le voir dans le tableau suivant, En simplifiant un peu, on peut dire
ces transformations sont toutes asso- que deux caractéristiques ont marqué
ciées à des pressions externes. Ainsi, les changements que nous avons
on est passé d’une situation où l’on connus dans la société occidentale
pouvait maîtriser l’avenir en se entre les années 1950 et 1985 : la conti-
concentrant sur les forces internes nuité dans les pratiques organisation-
(conseil d’administration, direction, nelles, et l’amélioration des conditions
employés, syndicats), à une situation des travailleurs. En effet, les change-
où il faut désormais composer avec de ments s’inscrivaient souvent dans une
nombreuses pressions externes (lois logique consistant à faire plus et mieux
nouvelles, concurrence éclatée à la de ce que l’on faisait déjà. En outre,
grandeur de la planète, groupes de plusieurs de ces changements consti- C’est devenu un
pression nationaux et internationaux,
innovation technologique accélérée,
tuaient ou bien une amélioration dans cliché de dire que
le sort des travailleurs, ou bien une
frontières éclatées, etc.). addition dans l’offre de services à la les dernières années
Diverses sources de transformations
clientèle, quand ce n’était pas les deux. ont été caractérisées
Bref, on ajoutait à ce qui existait, ou on
majeures de l’environnement l’enrichissait. par beaucoup de
organisationnel
changements dans les
(extrait de Alain Rondeau, 1999) organisations
Sources de nature économique Sources de nature technologique
– mondialisation des économies – NTIC
– accroissement de la concurrence – échanges de données (EDI., etc.)
– évolution d’une économie de masse – systèmes de gestion intégrés –
vers une économie du savoir ERP (ex.: SAP, PeopleSoft, etc.)
– gestion du savoir
(knowledge-based organizations, etc.)

Sources de nature politique Sources de nature sociale


– déréglementation des marchés – diversification de la main d’oeuvre
– précarité des structures de contrôle – déclin des traditions et de la
hiérarchie
– croissance de l’autonomie et du
libre arbitre dans les choix sociaux

Dans une large mesure, les pres- Une turbulence accrue


sions au changement au cours des
décennies précédentes étaient inter- Avec les années 1990, les enjeux ont
nes: les membres de l’organisation, tra- changé de façon profonde. Les pres-
vailleurs comme cadres, voyaient des sions au changement se sont graduelle-
choses qui pouvaient être améliorées, ment déplacées vers l’externe, avec la
et proposaient des mesures pour y par- conséquence que les membres des orga-
venir. Ou encore, l’entreprise répon- nisations ont en quelque sorte perdu la
dait à un accroissement de la demande maîtrise du changement; une évolution
de service ou encore à l’apparition de douloureuse qui n’avait pas été prévue,
nouvelles demandes de services. Dans ni souhaitée.
un cas comme dans l’autre, le résultat

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La situation économique en général que les décideurs organisationnels sont


s’est tantôt détériorée, tantôt déstabili- capables de maîtriser la tourmente. Et
sée, tantôt les deux, et la plupart des c’est là un autre trait distinctif de l’é-
états et des entreprises ont pris des poque que nous traversons. Plusieurs
mesures pour réduire leurs dépenses et des pressions au changement provien-
accroître leur productivité. Il en est nent tout simplement de l’extérieur des
résulté un grand nombre de change- organisations elles-mêmes.
ments, qui souvent ont été ressentis, à On peut bien sûr recourir à des for-
juste titre, comme des contraintes et mules fracassantes et prétendre par
même des épreuves. En effet, on a exemple que c’est la faute à la mondia-
demandé aux gens de faire la même lisation, mais cela n’augmente pas vrai-
chose avec moins de ressources, ou ment notre emprise sur les problèmes à
même dans bon nombre de cas, de faire l’échelle de l’organisation. Nous pen-
plus avec moins. sons qu’il faut être plus nuancé, et
Les forces qui Dans cette quête d’efficience, les constater que ces pressions au change-
organisations se sont mises à la recher- ment sont en émergence depuis plu-
induisent les che de procédés divers pour réduire les sieurs décennies, et sont associées à
changements actuels coûts, tout en améliorant la qualité. On plusieurs phénomènes à la grandeur de
a ainsi demandé aux gens de se mont- la planète. Qu’il s’agisse du prix du
présentent des rer créateurs, ouverts au changement, pétrole, des innovations en matière de
caractéristiques et d’être partenaires d’expériences communication et de télécommunica-
diverses pour relever ces défis nou- tion, de l’élargissement de l’accès au
profondément veaux. Mais en introduisant des modes savoir, de la démocratisation des insti-
différentes de fonctionnement qui n’étaient pas tutions, du vieillissement des popula-
issus des pratiques antérieures, on tions, de l’écart grandissant entre les
de celles qui ont demandait aux gens de changer dans la pays développés et ceux moins déve-
dominé au cours des discontinuité, contrairement à ce qu’ils loppés, quelle que soit leur source, ce
avaient connu auparavant. En outre, sont toutes des pressions externes avec
décennies précédentes dans plusieurs cas ces changements lesquelles les organisations sont aux
n’allaient pas améliorer le sort des tra- prises, et qui les forcent à réagir tantôt
vailleurs, mais plu- pour survivre, tan-
tôt créer des condi- tôt pour suivre la
tions plus contrai- Avec les années 1990, cadence, tantôt pour
gnantes. Bref, les les pressions au changement tenter d’influencer
pertes allaient s’a- le cours des choses.
jouter à la disconti- se sont graduellement En d’autres ter-
nuité. déplacées vers l’externe mes, les organisa-
C’est sans doute tions actuelles na-
là une des explica- viguent dans un
tions au mécontentement qui s’est contexte où la turbulence est régulière et
répandu durant la dernière décennie. À parfois forte. Par analogie, pensons à
moins d’être masochiste ou d’avoir un l’équipage d’un avion traversant une
tempérament particulièrement aventu- tempête forte, imprévue, et qui semble
rier, ces conditions vont naturellement sans fin. Des accalmies laissent espérer
irriter l’être humain moyen, surtout si le retour à un mode normal, mais elles
elles tendent à se perpétuer. sont suivies d’une recrudescence de la
Mais ce n’est pas suffisant pour turbulence. Et dans le contexte plané-
comprendre le contexte actuel. À ces taire actuel, bien malins ceux qui pour-
défis s’ajoutent les nouvelles technolo- raient prédire quand cette période de
gies, de même que les progrès naturels turbulence prendra fin!
dans les pratiques professionnelles qui Demanderait-on au pilote de cet
obligent à une remise à jour constante, avion volant dans ces conditions, de
ce qui n’est pas pour alléger le fardeau. «maîtriser» la tempête? On lui deman-
Devant une telle situation, plusieurs derait plutôt de prendre les mesures
vont réclamer des dirigeants qu’ils maî- pour réussir à traverser cet épisode dif-
trisent les turbulences afin de faciliter ficile; non seulement on comprendrait
la vie aux personnes affectées par les qu’il lui soit impossible de maintenir le
changements. Une telle revendication confort habituel dans la cabine, mais en
est cependant hors propos. Elle suppose outre on lui pardonnerait volontiers un

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About the authors


Pierre Robert Paul Legris
Collerette est Schneider est spécialisé
professeur et dirige sa en informa-
chercheur en propre firme tique et en
gestion à de conseil, administration
l’Université le Centre de publique. Il a
du Québec à recherche et accumulé plus
Hull (Canada). d’intervention de 20 ans
Il a publié en gestion d’expérience
des ouvrages (CRIG). dans des
dans les domaines du changement Il intervient depuis plus de 25 ans fonctions de gestion dans le sec-
organisationnel et des structures comme conseiller en gestion sur teur des technologies de l’informa-
de gestion. En plus de ses activités des enjeux de planification, de tion et l’administration en général.
académiques, il a occupé des fonc- changement et d’organisation Il s’intéresse plus spécialement à
tions de direction, et est intervenu stratégiques. Il est aussi professeur l’intégration des technologies dans
comme consultant dans de associé à l’École nationale d’admi- les processus d’affaires des entre-
nombreux projets au Canada et nistration publique du Québec, prises, et poursuit des recherches
en Europe. et a publié des ouvrages sur les dans le domaine.
organisations.
Département des sciences administratives. Université du Québec à Hull, Bureau
Université du Québec à Hull, Hull (Québec), Centre de recherche et d’intervention en du recteur, Hull (Québec), Canada J8X 3X7.
Canada J8X 3X7. gestion (CRIG) paul.legris@uqah.uquebec.ca
pierre.collerette@uqah.uquebec.ca crig.schneider@sympatico.ca

certain nombre de secousses. Dans Quatre phénomènes nouveaux


nos organisations, les dirigeants se
retrouvent parfois dans la même situa- Les périodes de mutation sont
tion que le pilote, à cette différence caractérisées par divers phénomènes Les organisations
qui leur sont propres. Dans le contexte
près que les gens sont beaucoup plus
actuel, au-delà du fait que plusieurs actuelles naviguent
sévères à leur endroit.
Comprenons bien: il ne s’agit pas ici changements soient dictés par des pres- dans un contexte où
sions externes, nous avons relevé quatre
d’excuser l’incompétence ou de cau-
phénomènes qui ont une incidence par- la turbulence est
tionner des gestes malveillants ou irré-
fléchis. Nous voulons plutôt attirer l’at- ticulièrement importante sur la gestion régulière
des entreprises et sur la façon d’abor-
tention sur le fait qu’une partie des
der les changements organisationnels: et parfois forte
pressions auxquelles les organisations
doivent réagir, échappent à l’emprise la rupture, l’éclatement, la simultanéité,
de leurs dirigeants. Les blâmer de ne la récurrence.
pas maîtriser la situation, c’est se trom-
per de cible, et l’effet le plus négatif est La rupture. Les pressions externes
de nous empêcher de comprendre ce s’exercent parfois dans des directions
qui se passe, et d’adopter l’état d’esprit qui exigent de rompre avec le passé. Il
requis pour traverser cette période ne suffit pas de faire mieux ce que l’on
chaotique. fait déjà; il faut aussi faire des choses
Nous pensons sincèrement que nous différentes, avec des méthodes diffé-
traversons une période de grande tur- rentes, qui trouvent peu de référence
bulence, éprouvante à plusieurs égards, dans le passé. Dans des entreprises
dont on ne connaît malheureusement matures, ou dans des secteurs d’activité
pas l’issue. En fait, selon nous, c’est le où des traditions se sont installées, une
signe que nous traversons une véritable telle rupture s’avère souvent déchiran-
période de mutation. te, et on n’a pas toujours le dynamisme
nécessaire pour se lancer vers l’incon-
nu.

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L’éclatement. Où va-t-on? On se de l’entreprise (Clayton Christensen).


trouve face à des perspectives non seu- Toutes les options sont là, en même
lement imprécises, mais qui semblent temps, et difficilement conciliables. Et
pointer vers des directions différentes. dans les faits, il faut parfois faire co-
Il n’y a pas de voie simple ou évidente; exister divers types de gestion, divers
l’horizon semble écla- rythmes de change-
té en multiples op- ment, diverses orienta-
tions qui paraissent Une partie des pressions tions de changement,
inconciliables, et qui
rendent les décisions
auxquelles les organisations ce qui alimente cette
tendance à l’éclate-
à la fois difficiles, ris- doivent réagir, échappent ment.
quées et angoissantes.
La Harvard Business
à l’emprise de La simultanéité.
Review présentait dans leurs dirigeants Chaque effort de
son numéro d’avril changement entraîne
2001 une revue des une surcharge de tra-
approches proposées par des experts vail pour les membres de l’organisa-
du changement organisationnel dans tion, ainsi qu’un stress mental pour
ses numéros de 2000-2001. trouver les solutions adaptées. Par
L’un préconise une approche à exemple, un des auteurs a été engagé
petits pas (Eric Abrahamson), un autre dans la préparation d’une fusion de six
propose une approche de type «révolu- administrations municipales. Pour en
tion» (Gary Hamel), un autre invite à la arriver à créer une nouvelle ville adap-
prudence face à la «mode» du change- tée aux défis des années à venir, les
ment (Peter Brabeck), un autre met en fonctionnaires des anciennes villes ont
garde contre des changements qui été invités à collaborer activement à la
dépasseraient la capacité d’absorption création de la nouvelle administration
municipale. Ceux-ci se sont alors retrou-
vés dans la situation particulièrement
difficile de devoir maintenir un niveau
de service élevé à l’intérieur des villes
existantes, tout en consacrant des heu-
res nombreuses à la définition de pra-
tiques novatrices pour la nouvelle ville,
et à la préparation des divers outils
nécessaires à son bon fonctionnement.
Le nouveau et l’ancien co-existent,
et créent une pression importante sur
les acteurs. Dans certains cas, c’est pire
car c’est trois ou quatre changements
qu’il faut introduire de façon simulta-
née. Lorsque l’on est sollicité simulta-
nément par plusieurs pressions au chan-
gement, on frise la crise.
Avec l’accumulation des pressions
s’exerçant de façon simultanée, mais
n’allant pas toutes dans la même direc-
tion (certaines sont contradictoires), on
perd le sens de chaque changement, et
s’installe alors une impression de chaos,
assortie du sentiment de manquer de
temps pour bien faire les choses. On en
est réduit à aller au plus pressant, avec
des solutions imparfaites, et dont la
mise en œuvre laisse un goût amer,
faute d’avoir été bien préparée, ou
faute de temps pour aplanir les effets
non désirés.
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B i b l i o g ra p h i e Une expérience difficile


Collerette, P.; Schneider, R. Ces quatre phénomènes contrastent
Le pilotage du changement. avec les conditions nettement plus
Québec, Presses de l’Université favorables des décennies précédentes,
du Québec, 1996. et elles rendent l’expérience du change-
ment certainement plus difficile, tant
BPR Online Learning Center,
Best Practices in Managing pour les travailleurs que pour les diri-
Change Report. geants.
www.prosci.com. Les périodes de changement dans
une organisation se traduisent naturel-
Rondeau, Alain, «Transformer lement par un désordre accru, et indui-
l’organisation; comprendre les sent habituellement trois réactions
forces qui façonnent l’organisa-
assez classiques : un accroissement de
tion et le travail», dans Gestion :
Revue internationale de gestion, fatigue chez les personnes concernées,
Automne 1999, vol. 24, No 3. une période de flou, de confusion où les
repères font défaut, et un sentiment
Schneider, R.; Collerette, P., plus ou moins prononcé d’incompéten-
«Les modèles organisationnels ce. Dans le contexte actuel de turbulen-
en mutation», dans ce, ces effets sont amplifiés, et rendent
Changement planifié et dévelop-
l’équilibre organisationnel encore plus
pement des organisations,
fragile, sans parler de l’équilibre phy-
Tessier, R.; Tellier, Y., Québec,
Presses de l’Université du Québec, sique et psychologique des personnes
1990, Tome 2. affectées.
Sommes-nous trop sombres? Peut-
Strebel, Paul, être. Mais dans l’ensemble ce constat
«Why Do Employees Resist to correspond à la situation de bon nomb-
Change?»
re d’organisations occidentales, petites,
Harvard Business Review,
moyennes et grosses que nous avons
Mai-Juin 1996, pp.86-92.
côtoyées depuis plusieurs années. Si
certains reconnaissent là leur réalité,
qu’ils soient rassurés; il ne s’agit pas
d’un mauvais tour de leur cerveau, et
ils ne sont pas seuls dans cette aventu-
re.
La récurrence. «Ouf, voilà; mainte-
Il faut bien dire par ailleurs qu’un
nant c’est terminé avec ces nouveautés!
On peut désormais se détendre un
certain nombre d’organisations ont la Chaque effort
chance d’être moins soumises aux pres-
peu…». Eh bien hélas non; demain ce
sions financières actuelles, et connais- de changement
sera à refaire! En effet, il ne s’agit plus
de s’ajuster à une situation clairement
sent même un développement réel. Il entraîne une surcharge
n’en reste pas moins que la trame de
identifiable, mais bien de procéder à
fond, c’est-à-dire une turbulence relati- de travail pour les
des changements successifs pour rester
en phase avec le flux continu des pres-
ve, aux soubresauts difficilement prévi- membres de
sibles, se vérifie là aussi, et que ces
sions. Parfois on doit même changer
entreprises font face à des défis sembla- l’organisation
des choses que l’on n’a pas eu le temps
bles d’ajustement continu, mais à des
d’intégrer complètement. C’est un peu
degrés plus faibles (et tant mieux pour
comme naviguer dans une tempête; il
elles!).
faut corriger la trajectoire d’un obsta-
cle à l’autre, avec le sentiment que l’on
doit sans cesse recommencer. On assis-
te à une sorte de jeu d’ajustements suc-
Comment réagir?
cessifs face à des pressions qui elles- Ce type de situation est nouveau
mêmes évoluent continuellement, de dans l’histoire contemporaine des orga-
sorte que c’est toujours à recommen- nisations, et il demeure difficile de cer-
cer. ner les actions, les approches, les dispo-
sitions mentales et les compétences qui
sont requises pour bien se tirer d’affai-
res. On doit presque improviser sur un
thème nouveau, et pour cela il faut

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s’inspirer de gens ayant connu des deux niveaux de réalité en même


situations comparables. temps: la fragilité de l’organisation dans
En plus de nous inspirer de pra- son ensemble, et les problèmes induits
tiques en vigueur dans des milieux où par chacun des changements en cours.
l’on doit composer régulièrement avec Au niveau de la fragilité globale de l’or-
la tourmente (salles ganisation, les gestion-
d’urgence d’hôpitaux, naires doivent être très
services d’incendie, ser- Une partie de la solution rigoureux dans le pro-
vices policiers), notre cessus décisionnel et
propre expérience nous
n’est pas de nature dans le suivi des déci-
a amenés à dégager technique; elle réside sions, tout en s’efforçant
quelques règles pour de communiquer la per-
réussir à naviguer avec dans une intensification spective globale, car ils
une certaine efficacité des mécanismes de sont les seuls à avoir
dans les zones de turbu- cette vue d’ensemble et
lence. communication à pouvoir la diffuser. Ne
Une de ces règles en temps réel pas le faire, c’est per-
consiste à faire un mettre aux leaders
monitorage constant de informels de le faire,
l’évolution des choses, tant à l’externe avec les risques que cela comporte.
qu’à l’interne, pour ajuster le fonction- Au niveau de chacun des change-
nement en conséquence; entre autres, ments en cours, il faut une gestion très
il est particulièrement important d’in- méthodique, à un niveau supérieur dans
former régulièrement les gens des l’organisation, avec un suivi constant.
pressions qui s’exercent sur l’organisa- Une étude de Prosci (www.prosci.com,
tion, de réviser régulièrement les prio- 1999) suggère que parmi les causes
rités et d’en informer constamment le d’échec à de nombreux changements,
personnel par des communications les deux suivantes sont fréquentes:
il est particulièrement directes et fréquentes. déléguer le changement à des niveaux
Nos recherches suggèrent qu’un hiérarchiques inférieurs, et une haute
important d’informer contact soutenu entre les dirigeants et direction qui se désintéresse trop rapi-
régulièrement le personnel constitue un moyen effica- dement des changements. Ces résultats
ce de réduire les effets négatifs de la confirment notre expérience.
les gens des pressions turbulence; ils facilitent l’ajustement La pratique nous dicte une règle
qui s’exercent mutuel à la grandeur de l’organisation. plus générale qui transcende les actions
En d’autres termes, une partie de la spécifiques: adopter un état d’esprit de
sur l’organisation solution n’est pas de nature technique; type «organique ou adaptatif», où l’on
elle réside dans une intensification des prend pour acquis que l’instabilité est
mécanismes de communication en une condition normale, faisant appel à
temps réel. Curieusement d’ailleurs, des modes de fonctionnement particu-
c’est ce que les gestionnaires réclament liers: décisions rapides, révision fré-
des niveaux supérieurs, mais qu’ils ten- quente des décisions et des priorités,
dent à ne pas faire avec leur propre ajustements fréquents, planification
personnel. liée à l’action, échange constant d’in-
D’une certaine façon, c’est un enjeu formation, style de décision affirmatif,
de crédibilité de l’équipe de gestion qui décideurs rapprochés des opérations,
est en cause. Dans la tourmente, sa cré- etc. C’est un style de gestion qui se rap-
dibilité est mise à rude épreuve et il proche de la gestion de crise, avec ceci
faut la renouveler sans cesse. Comme de particulier que les dirigeants doi-
nous le verrons dans un prochain arti- vent fonder leurs actions sur la qualité
cle sur la communication, le fait d’ex- de l’information et sur la proximité
pliciter ouvertement et régulièrement avec les opérations, plutôt que sur leur
ses choix (orientations, décisions, prio- statut d’autorité.
rités) est de nature à protéger une cré- En effet, ils doivent mettre à contri-
dibilité qui sera précieuse pour mainte- bution les personnes qui peuvent avoir
nir la mobilisation des membres de une valeur ajoutée dans la recherche
l’organisation. de solutions, et s’assurer de maintenir
Une autre règle consiste à avoir une la complicité de l’ensemble des memb-
approche de gestion qui s’adresse à res de l’organisation. Il faut donc des

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leaders qui savent associer les acteurs Que faire alors? Une partie de la
à l’analyse des problèmes et à la réponse appartient certainement aux
recherche des solutions, sans s’encom- dirigeants qui doivent faire un effort
brer de mécanismes lourds ou bureau- pour distinguer l’essentiel de l’acces-
cratiques. soire. Cela fait, ils se doivent de bien
Il faut aussi des leaders qui font démarquer les priorités, de bien les
l’effort d’expliquer aux gens les solu- communiquer, et de piloter avec
tions qu’ils retiennent, tout en ayant rigueur les actions qui en découlent.
l’audace d’évoquer ouvertement les Sans doute faut-il aussi s’efforcer de
risques d’erreur élevés, et en consé- IMAGE BANK
quence la nécessité d’expérimenter,
d’aller à tâtons, de procéder par essai
et erreur! Cela suppose des gestionnai-
res capables de faire preuve d’imagina-
tion, de s’adapter rapidement, de se
remettre en question, de prendre des
décisions et aussi de changer leurs
décisions.
En outre, l’équipe dirigeante doit
disséminer et cultiver cette disposition
mentale à la grandeur de l’organisation
afin que tous soient partenaires d’une
action concertée et harmonieuse. Paul
Strebel (1996), à l’aide de quelques
exemples, suggère qu’il s’agit d’une
sorte de contrat social que doivent par-
tager les acteurs de l’organisation,
sinon une rupture se crée entre les diri-
geants et le personnel.
Mais attention, car l’expérience des
dernières années indique que si ces
dispositions «adaptatives» permettent
d’effectivement mieux composer avec Il faut des leaders
les exigences du changement en profiter des périodes d’accalmie pour
contexte de turbulence, des signes d’u- permettre aux gens de refaire le plein qui savent associer
sure prématurée peuvent apparaître d’énergie, plutôt que de les engager les acteurs à l’analyse
autant chez les dirigeants qu’au sein du dans des changements additionnels
personnel. Cette usure prématurée se inspirés davantage par la mode du des problèmes et
traduit par de la fatigue chronique, une moment que par les exigences de la à la recherche
baisse de la créativité ou une chute réalité.
d’enthousiasme. des solutions

Dans les articles suivants, nous


reviendrons sur divers aspects spéci-
Il s’agit fiques de la conduite du changement, et
d’une sorte de nous proposerons des mesures concrè-
tes pour chacun.
contrat social
que doivent
partager les
acteurs de
l’organisation, sinon une
rupture se crée entre les
dirigeants et le personnel

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