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ÎGIES

II DE L.ANOEnAEN-r
DE NOUVEAUX
PRODUITS DANS
UR DES

DE L-IPHON

Mariana MEDVETCHI
Doctorante en Sciences de Gestion,
ESCP-EAP et Université Panthéon-Assets il

Delphine
Professeur,
ESCP-EAP

Laurent
Principal,
Greenwich Consulting
— Resumo —
Le lancement de l'iPhone aux États-Unis puis en Europe a fait l'objet d'une couverture médiatique
exceptionnelle et d'un intérêt marqué des spécialistes du secteur et des clients potentiels. A partir d'une ana-
lyse des caractéristiques spécifiques de l'innovation, cet article étudie comment Apple a réussi à générer un
tel intérêt pour son produit à travers line stratégie de lancement particulièrement soignée. Voici en effet une
étude de cas exemplaire illustrant les effets d'une annonce préalable de nouveau produit. L'article étudie éga-
lement ¡es premières étapes du lancement de la deuxième génération du produit, en s'interrogeant sur les
évolutions qu'elle génère en termes de modèle économique et de stratégie-marketing.

Mots clés : iPhone - Apple - Innovation - Nouveau produit - Stratégie de lancement - Annonce préalable -
Préannonce - Stratégie marketing - Modèle économique.

NEW PRODUCT LAUNCH STRATEGIES IN THE TELECOM INDUSTRY :


THE EXAMPLE OF APPLE'S IPHONE

Abstract
The iPhone launch in the USA and Europe has generated an exceptional media coverage and a signi-
ficant interest from the industry experts and potential customers. Following an analysis of the iPhone's cha-
racteristics as an innovation, this paper studies hotv Apple managed to stimulate siicb an interest by care-
fully orchestrating its launching strategy. This case study illustrates the effects ofa new product preannoun-
cement. The paper also studies the first stages of tbe product second-generation's launch, exploring the
changes it induces in terms of business model and marketing strategy.

Key words : iPhone - Apple - Innovation - New product - Launch strategy - Preiinnouncement - Marketing
strategy - Business-model.

Courriel : mariana.tlahan@escp-eap.net

(2)—
Courriel ; manceau9escp-eap,net
G)
Courriel : Iaiirent.geffroy®gmail.com

REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5


ADETE

INTRODUCTION selon Apple, l'appareil intègre des innovations


décrites dans plus de 300 brevets^'*^ Parmi les fonc-
À l'heure de la convergence d'industries autre- tionnalités qui le démarquent des produits concur-
fois distinctes, notamment les télécommunications, rents figurent une interface constituée d'un écran
l'informatique, la photographie et la musique, le lan- tactile multipoint, des détecteurs de lumière et de
cement de l'iPhone constitue un des événements proximité, un écran large avec dispositif gyrosco-
récents les plus marquants du secteur. Plusieurs rai- pique, une représentation graphique de la boîte de
sons expliquent son caractère emblématique. messagerie vocale, une suite logicielle très perfor-
D'abord, ce produit réaffirme la convergence de plu- mante et proche de celle d'un ordinateur personnel,
sieurs catégories de produits par ses fonctions de un accès simplifié à Internet et à des services phares
téléphone, MP3, appareil photo, outil de navigation embarqués (Google Maps, Yahoo ! Mail) etc. Selon
sur Internet, messagerie, agenda... Ensuite, il marque Steve Jobs, le PDG d'Apple, le développement de
un changement, peut-être provisoire à en croire les l'iPhone a pris deux ans et demi.
caraaéristiques de la deuxième génération du pro-
duit, dans les relations entre fabricants et opérateurs Néanmoins, ce produit montre que - les pro-
télécoms comme dans les modèles économiques de duits technologiques apparemment révolutionnaires
l'industrie. Ce lancement correspond également à ne le sont pas forcétnent A^). À la sortie de l'iPhone,
l'arrivée dans le secteur d'un nouvel entrant au capi- les enthousiastes du monde entier se sont précipités
tal marque important et laisse présager un change- pour découvrir les fonctionnalités complètement
ment des stratégies-marketing dans cette activité. nouvelles du produit. Ils n'y ont vu que des
Enfin, l'ampleur du lancement et les techniques anciennes, optimisées certes, mais finalement pas
marketing employées semblent sans précédent dans radicalement innovantes, mis à part l'écran tactile qui
les télécoms, aboutissant à une notoriété et une permet aux utilisateurs de manipuler des données et
image construites en un temps record. des images de façon entièrement nouvelle.

C'est à ce dernier aspect qu'est consacré cet Cette divergence de points de vue correspond
article. Nous étudions le cas de l'iPhone pour ana- à la stratégie classique d'Apple qui travaille sur l'usa-
lyser la stratégie de lancement, l'annonce préalable ge des produits davantage que sur leurs fonctionna-
et ses effets sur ie marché comme sur l'environne- lités techniques. Avec l'iPhone, Apple propose une
ment concurrentiel, Nous analyserons ensuite l'évo- expérience ergonomique simple et intuitive comme
lution survenue avec la deuxième génération du il a déjà su le faire pour les ordinateurs personnels
produit et tenterons d'en dégager des enseigne- (Macintosh) au début des années 1980 ou les lec-
ments. Avant d'examiner ces aspects, il convient de teurs MP3 (iPod) au début des années 2000. Apple
préciser les caractéristiques de l'iPhone et le degré prend le parti d'une sélection drastique des fonc-
d'innovation associé au produit et au modèle éco- tionnalités du téléphone en se concentrant sur leur
nomique qui l'accompagne. Ces éléments contri- parfaite intégration et sur une utilisation intuitive.
buent en effet à expliquer les choix effectués pour le
lancement du produit. Pourtant, l'absence de fortes innovations tech-
nologiques risque d'aboutir à l'imitation rapide du
produit par les concurrents, susceptibles de propo-
LES CARACTERISTIQUES ser des produits proches en termes d'ergonomie. Au
DE L'INNOVATION : UNE INNOVATION plan marketing, le risque d'une imitation rapide
TECHNOLOGIQUE MODÉRÉE ET implique de réaliser un lancement marquant
UNE FORTE INNOVATION construisant rapidement la notoriété et l'image du
DE MODÈLE ÉCONOMIQUE produit afin d'accélérer sa diffusion. Cette stratégie

Si les consommateurs ont perçu l'iPhone


comme très innovant, les spécialistes du secteur sou- Source : www.apple.com
lignent qu'il contient peu d'innovations technolo-
giques et se distingue surtout en termes de design, 15}
Turner D. (2007) - Apple's iPhone : An In.side Lcrak at a Sensation,
d'ergonomie et de simplicité d'utilisation. Pourtant, Technology Review, Special Report. Septembre • Octobre 2007.

REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5


Les stratégies de lancement de nouveaux produits dans le secteur des télécommunications .-
le cas de l'iPhone d'Apple
Mariana Medvetchi Dahan, Delphine Manceau, Laurent Geffroy

est bien évidemment facilitée par la forte notoriété En effet, Apple avait initialement prévu de
de la marque Apple et son image, en cohérence par- commercialiser son iPhone aux Etats-Unis avec
faite avec les spécificités du produit. l'opérateur Verizon, N°2 du marché américain. Ce
dernier aurait refusé l'offre d'Apple qui, selon Jim
En outre, étant données les caractéristiques de Gerace, le Vice-président de Verizon Wjreless, ne
son produit, il serait faux de considérer qu'Apple est présentait pas de - bénéfices partagés • duns la mesu-
entré uniquement sur le marché des téléphones re où les conditions de partenariat, formulées par
mobiles. En effet, l'iPhone lui a permis d'entrer non Apple, étaient selon lui " excessives -^^^ Une des
seulement dans l'industrie manufacturière des termi- conditions d'Apple, mentionnée par Jim Gerace,
naux mobiles, mais aussi de celle des ordinateurs aurait été le contrôle de la distribution de l'iPhone,
portables - grâce à son logiciel embarqué Mac OS X - qui ne devait avoir lieu que dans les réseaux officiels
et de se repositionner dans l'industrie de la musique de distribution de Verizon et dans les Apple Store.
et du contenu multimédia, avec son iPod intégré et Fier de .ses partenariats avec les géants de la distri-
l'accès aux titres de musique de la boutique virtuel- bution Wal-Mart et Best Buy, Verizon aurait catégori-
le iTunes WiFi Music Store. Cette innovation en quement refusé. Une autre raison de discorde aurait
termes de positionnement sur le marché a impliqué résidé dans les exigences d'Apple vis-à-vis de
une reconsidération des modèles économiques exis- Verizon en terme de gestion de la relation client; • Ils
tants et des rapports avec les opérateurs, principaux (Apple/ se seraient placés entre nous et nos clients à
partenaires d'Apple dans la poursuite de ses objec- un point ou nous attrions presque dû prendre un
tifs sur le marché télécoms. siège à l'arrière-^^ ». Apple s'est donc tourné vers
AT&T, l'opérateur qui détenait plus de 30% de part
de marché aux États-Unis, Les accords exclusifs
L'innovation est donc également économique. conclus prévoyaient non seulement un contrôle de
i:llc introduit de nouveaux rapports de force avec les la distribution de l'iPhone et la gestion de la relation
opérateurs^"^. En effet, ceux-ci jouent traditionnelle- client par Apple, mais également un reversement de
ment un rôle prépondérant dans la relation tripartite AT&T à Apple de 10% à 40% des revenus générés
entre client, opérateur et constructeur qui caractéri- par les services vendus aux clients (Yoffie, 2008).
se ce secteur, à la fois parce que (1) les opérateurs Ces conditions ont été répliquées en Europe lors du
centralisent la relation commerciale avec le client lancement en France, en Allemagne et en Grande-
final ; (2) ils touchent des revenus réguliers et Bretagne.
construisent un marketing relationnel avec le client
tandis que le constructeur n'est rémunéré que de
manière transactionnelle lors de la vente de l'appa- Ce fort degré d'innovation économique a la
reil ; (3) les opérateurs ont eu historiquement ten- même conséquence marketing que la faible innova-
dance à offrir des appareils ou à octroyer des rabais tion technologique en termes de lancement : pour
pour l'achat d'un abonnement, dévalorisant implici- justifier les conditions négociées avec les opérateurs,
tement la valeur des appareils ; (4) ils disposent sou- il faut leur montrer que les spécificités du produit et
vent d'une plus forte image auprès des clients fmaux ses fortes ventes compenseront les inconvénients du
que les constructeurs (avec quelques exceptions nouveau rapport économique proposé afin qu'ils
notables dont Nokia qui dispose d'un capital marque perçoivent leur intérêt à commercialiser le produit.
important). Avec l'iPhone, Apple cherche à renverser Là encore, il s'agit de procéder à un lancement mar-
cette relation pour prendre le pas sur l'opérateur et quant susceptible d'accélérer la diffusion du produit.
s'imposer comme un acteur-clé de la relation tripar-
tite. L'entreprise cherche également à toucher des
revenus non seulement sur la vente d'appareils,
(6)
comme ses concurrents, mais de manière continue Un bu.siness motie! innovant, c'est le jackpot. Challenges, article
pendant tpute la relation commerciale. Il s'agit d'un du 29 Novembre 2007.
changement majeur de modèle économique. Cette
volonté de changer la structure organique du secteur CüLiley L. (2007) - Verizon rejeaed the iPhone deal, USA Today,
explique d'ailleurs qu'elle ait suscité des réticences article du 29 Janvier 2007.
de la pan des opérateurs.
(S)
Propos de Jim Gerace rapportés par USA Today, op. citée ci-<ie.s.sus.

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ADETEM

Tableau 1

Une stratégie de lancement de l'iPhone orchestrée en quatre temps

2007

Annonce préalable faite par 29/06 : sortie officielle Après 2 jours, 525 000 9/11 : sortie an Annonce préalable de
Steve Jobs le 9/01/07 au Mac de l'iPhone aux USA exemplaires vendus Allemagne et UK
la sortie de nPhoneV2!
World de San Francisco
29/11 : sortie en France

atat

Étudions à présent comment Apple a procédé pour les actes de préannonce formelle dans des contextes
atteindre cet objectif. hautement concurrentiels, dans le but de modifier
les comportements des concurrents et des autres
intervenants du secteur à son avantage.
UN LANCEMENT LARGEMENT
FONDÉ SUR LA PRÉANNONCE Pour Apple, l'annonce de la sortie de l'iPhone
avait clairement ce caractère formel et volontaire, La
Lors de la Conférence annuelle Mac World communication a été savamment orchestrée par
tenue à San Francisco le 9 janvier 2007, Steve Jobs a Apple et Steve Jobs lui-même. Sa présentation au
présenté son iPhone et dévoilé en partie sa stratégie Mac World de janvier 2007 détaillait de manière
de lancement. Cette annonce était particulièrement pédagogique et concise les caractéristiques du pro-
attendue sans qu'aucune caractéristique du produit duit. Steve Jobs insista sur l'importance de l'événe-
n'ait filtré au préalable. ment en n'hésitant pas à déclarer « We'll make histo-
ry today :
Lo calendrier de lancement
Cette annonce préalable se justifie de trois
Le calendrier prévu par Apple pour le lance- manières. Tout d'abord, elle crée defacto une atten-
ment de l'iPhone aux États-Unis et dans le monde te importante et démultiplie l'écho médiatique
prévoyait quatre temps forts présentés dans le autour du produit. Ensuite, elle coïncide avec l'obli-
tableau 1. gation légale de test pour homologation aux États-
Unis qui aurait occasionné un risque de fuite et de
L'annonce préalable perte de contrôle de la diffusion de l'information.
Eniin, elle permet à Apple d'affiner les prévisions de
Un des faits les plus remarquables dans le lan- vente et les capacités de production.
cement de l'iPhone fut probablement l'annonce
préalable à sa commercialisation. Comme l'ont sou- Les effets de l'annonce próalable
ligné de nombreuses recherches sur le sujet
(Eliashberg et Robertson, 1988 ; Heil et Robertson, Un véritable « marketing hypa »
1991 ; Manceau, 1996), l'annonce préalable est un
acte formel et volontaire de diffusion d'information, Apple semble avoir intégré le concept de " mar-
fait par une entreprise dans l'objectif explicite keting hypé' élaboré par Wind et Mahajan (1987),
d'émettre un signal à l'attention du marché et des qui stipule la création d'un environnement favorable
concurrents. Dans ses travaux consacrés aux straté- au lancement d'un nouveau produit grâce à la cou-
gies concurrentielles. Porter (1980) avait déjà étudié verture médiatique suite à la préannonce. Le jour de

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Les stratégies de lancement de nouveaux produits dans ¡e secteur des télécommunications :
¡e cas de l'iPhone d'Apple
Mariana Medvetchi Dahan, Delphine Manceau, Laurent Geffroy

la sortie de l'iPhone, le critique du Neu^ York Times On peut penser que ce nombre important d'in-
décrétait • The iPhone matches most of its hype -^^^ en formations circulant au sein des communautés de
évoquant la cohérence de ce qui avait été annoncé. technophiles a servi de levier pour amorcer le pro-
cessus d'adoption et de diffusion de l'iPhone. Les
La couverture médiatique fut en grande partie utilisateurs des blogs le mentionnant sont des pas-
positive. L'iPhone est perçu comme - une rupture sionnés de technologies. Ils constituent à la fois des
d'expérience, une révolution sociétale • {Le innovateurs susceptibles d'adopter le produit rapide-
Mondé)^^^^. Quelques réactions négatives ont égale- ment et des leaders d'opinion à même de diffuser un
ment surgi, surtout pour signaler l'absence des fonc- fon bouche-à-oreille auprès du reste du marché
tionnalités présentes dans d'autres smartphones, (Rogers, 1983). Us jouent donc à la fois le rôle de
principalement la 3G et la compatibilité avec relais de communication et de relais du processus de
Microsoft Exchange. Comme on le verra plus tard, diffusion du produit. En ce sens, on peut considérer
Apple a pris note de note de ces critiques pour les qu'une annonce aussi relayée média tique ment et
évolutions futures de son produit. aussi anticipée a permis d'accomplir les premières
étapes du processus d'achat de nombreux consom-
mateurs en construisant la notoriété du produit et en
Avec la préannonce faite au Mac World, Apple
renseignant les clients potentiels sur ses caractéris-
a réussi une sensibilisation remarquable des médias
tiques techniques. Un mois avant son lancement offi-
et des leaders d'opinion sur son produit. À travers
ciel aux États-Unis, l'iPhone d'Apple connais.sait déjà
les médias traditionnels, d'abord, puisque dans les 6
un taux de notoriété de 64% auprès des utilisateurs
mois qui suivirent son annonce, l'iPhone fit l'objet de
de la téléphonie mobile^^^^
11 000 articles papier. Ensuite, le public s'est appro-
prié le produit et la communication à son sujet à tra-
vers un bouche-à-oreiile réel et électronique. Selon II est important de souligner que les délais par
le site américain Technorati.com permettant de lesquels l'annonce préalable anticipe la sortie du
comptabiliser en temps réel le nombre de blogs créés produit ne sont pas dus au hasard. Des recherches
sur un sujet particulier, plus de 5 720 blogs ont été antérieures ont modélisé les différents facteurs pris
crées suite à la préannonce faite par Apple. Sur les en compte par les entreprises lorsqu'elles détermi-
blogs dédiés à l'iPhone, on a compté en moyenne nent leurs délais d'annonce. Une forte intensité tech-
5 000 écrits/jour, sauf les jours d'annonces ou d'évé- nologique de la catégorie de produit - comme c'est
nements marquants pour le produit où ce nombre le cas dans les télécoms - allonge ces délais, afin de
était multiplié par 5 voire 10. Globalement. l'iPhone laisser le temps aux consommateurs ciblés d'assimi-
a fait l'objet de 69 millions de recherches par mot-clé ler sa complexité technique et de vaincre leurs éven-
sur Google. tuelles réticences. Ce délai de réflexion est égale-
ment utile lorsque le produit innovant coûte cher.
Malgré l'absence de l'iPhone sur le marché et Ainsi, une préannonce permet d'aider les acheteurs
les délais d'attente de plus de 6 mois, l'annonce potentiels à planifier leurs dépenses (Robertson,
préalable d'Apple a donc eu un réel effet sur le mar- 1993 ; Biemans et Setz, 1995). Rappelons que le prix
ché. initial de vente de l'iPhone aux États-Unis fut de
$499 pour le modèle 4 Go et de $599 pour le 8 Go.
L'amorce du processus d'adoption Ensuite. Apple étant nouvel entrimt dans le secteur
du nouveau produit favorise sa diffusion des télécoms, n'avait à craindre aucune cannibalisa-

Souvent, l'annonce préalable induit une consé-


quence positive sur le devenir commercial du pro- (9)
Pogue D. (2007) - The iPhone matches most of it.s hype, Tbe New
duit annoncé ; elle entame le processus d'adoption York Times. 27 Juin.
et favori.se sa pénétration sur le marché (Robertson.
(10)
1993 ; Manceau, 1996). En effet, la diffusion d'un Dumons, O, 12007) - L'iPhone, année zéro de l'internet mobile, Le
produit peut être accélérée si les informations circu- Monde. 28 Novembre.
lant à .son propos au sein du corps social sont nom-
breuses (Gatignon et Robertson, 1985). an
Étude M : metrics USA (2007) - Survey : Hifih Awareness. Strong
Oemand for Apple iPhone, M ,- metrics USA. M^i.

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REVUE FRANÇAISE DU MARKEIING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5


ADETEM

tion de ses autres produits par le fait que certains Pourquoi avoir fait une préannonce alors
clients potentiels pourraient reporter l'achat d'un qu'Apple se trouvait dans un environnement haute-
autre téléphone pour attendre l'iPhone. Bien au ment concurrentiel, pour ne pas dire hostile ? Selon
contraire, de tels phénomènes de report d'achat les résultats des travaux d'Eliashberg et Roberî.son
pénalisèrent les opérateurs concurrents tout en aug- (1988), une entreprise n'a intérêt à effectuer une pré-
mentant la taille du marché potentiel du nouveau annonce que si l'environnement concurrentiel est
produit. De manière globale, le long délai d'annon- peu combatif. Ce n'était pas le cas d'Apple...
ce adopté par Apple illustre les résultats des travaux
antérieurs selon lesquels, pour des entreprises dis- Un éclairage pour nous aiguiller dans le déchif-
posant d'une faible part de marché dans le secteur, frage de la stratégie d'Apple pourrait être apporté
les délais d'annonce sont d'autant plus longs que le par les travaux de Smiley (1988). Dans une enquête
produit revêt une forte importance stratégique aux réalisée sur les méthodes de dissuasion des nou-
yeux de l'entreprise (Manceau, 2000). veaux entrants sur le marché, l'auteur a constaté que
l'annonce préalable des nouveaux produits était une
L'annonce préalable technique privilégiée. Mais qui Apple pouvait-^il
comme un signal concurrentiel chercher à dissuader et de quoi ? La réponse à cette
question réside dans l'identification des concurrents
Un corpus important de recherches (Eliashberg de l'iPhone. Dans la mesure où le positionnement du
et Robertson. 1988 ; Heil et Robertson, 1991 ; Moore, produit est interseaoriel puisqu'il combine la télé-
1992 ; Robertson, 1993) s'est attaché à l'étude de phonie, la musique, l'internet et le multimedia^^^',
l'annonce préalable en tant que signal concurrentiel. où il s'agit d'un • cross-houndary disruptor -
Ce type de stratégie revêt un caractère ambivalent (Burgelman et Grove, 2007), on peut penser qu'il ne
puisqu'elle peut à la fois encourager les concurrents s'agissait pas tant de dissuader Nokia ou Samsung
à réagir et les dissuader de le faire (Manceau, 2000), que des acteurs des autres secteurs identifiés, par
Robertson, Eliashberg et Rymon (1995) ont montré exemple Google, ayant lui aussi les caractéristiques
que. lorsqu'elles décident de réagir à une préannon- d'un leader innovant.
ce faite par leur concurrent, les firmes répondent par
l'introduction d'un nouveau produit, dans ia majori- On peut également supposer qu'Apple a choisi
té des cas. de négliger les réactions négatives de ses concur-
rents de la téléphonie pour privilégier les effets posi-
L'intention d'Apple, ayant choisi d'annoncer tifs de la préannonce sur le marché et pour en sti-
plus de 6 mois à [avance la sortie de son iPhone. muler d'autres dans d'autres domaines. L'autre effet
s'inscrit dans une démarche de déstabilisation des souhaité par Apple à l'issue d'une prèannonce aussi
concurrents et de préemption du marché. En effet, anticipée concerne les autres acteurs du marché, et
des mmeurs concernant la sortie d'un nouveau télé- plus précisément ceux dont la collaboration était une
phone révolutionnaire chez Nokia - l'équipementier condition nécessaire pour atteindre le succès de
N°l mondial - avait fait le tour des technophiles du l'iPhone : les fournisseurs, les distributeurs, les opé-
monde entier. Le produit Nokia N95 devait être mas- rateurs de réseaux et services mobiles, etc.
sivement commercialisé sous peu... Un autre termi-
nal comparable à l'iPhone était également en pro- L'effet de la préannonce
duction, cette fois-ci chez Samsung - N°2 mondial - en cas d'externalités de réseaux
qui s'est vu pris de court pour le lancement de son
Ultra Smart F700. L'objectif d'une annonce préalable est également
d'informer l'ensemble des intervenants du marché
Face à l'annonce d'Apple, certains constructeurs qu'un nouveau produit sera commercialisé (Biemaas
concurrents agiles ont pu modifier leur calendrier de et Setz, 1995). Alors que les extemalités de réseaux
lancement et copier certains attributs de l'iPhone. directes se produisent quand l'utilité du produit est
C'est l'exemple du modèle Touch du constructeur directement affectée par le nombre de consommateurs
HTC lancé en juin 2007. D'autres ont simplement
modifié à la marge les caractéristiques des modèles Wildstroin, S. (2008) - Why iPhone Wannabe.s Cut ll.
existants pour les rendre comparables à l'iPhone. Business Week, article du 18 Juin.

REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N" 222 - 2/S


Les stratégies de lancement de nouveaiLXproduits dans le secteur des télécommimicatiotis .-
le cas de l'iPhone d'Apple
Mariana Medvetchi Dahan, Delphine Manceau, Laurent Geffroy

qui l'utilisent (Esser et Leaith, 1988). les extemalités de Les effets négatifs
réseaux indirectes se basent sur l'existence de produits de l'annonce préalable
complémentaires fournis par d'autres intervenants du
marché (Katz et Shapiro. 1986a ; Le Nagard-Assayag, Nous avons déjà évoqué l'effet probable de sti-
1999)- La téléphonie mobile, la navigation Internet et mulation des concurrents et l'avancement de plu-
l'écoute de musique se caractérisent toutes trois par sieurs lancements de produits consécutifs à la pré-
des extemalités indirectes, dans la mesure où des annonce. Autres effets négatifs, la préannonce de
applicatifs sont utilisés avec un système d'exploitation l'iPhone a attiré l'attention des entités de régulation,
et un appareil. C'est encore plus vrai de la convergen- des groupes d'influence et des organisations d'inté-
ce des trois seaeurs ; plus le nombre d'utilisateurs de rêt public. Ce constat est intéressant dans la mesure
l'iPhone est élevé, plus les applicatifs pour les conte- où de tels effets n'ont, à notre connaissance, pas été
nus, la navigation Internet ou l'écoute de musique identifiés dans les travaux antérieurs sur l'annonce
senmt nombreux et développés, accroissant l'intérêt préalable.
du produit aux yeux de ses utilisateurs.
Les risques juridiques
L'effet des annonces préalables sur le compor- et l'attention des autorités de réguiatlon
tement des autres intervenants de la chaîne de valeur
(fournisseurs, fabricants de produits complémen- Juste après l'annonce faite par Steve Jobs,
taires, autres partenaires) a été à ce jour peu étudié. Apple s'est vu saisi par la Cour de Justice califor-
Les travaux de Rabino et Moore (1989) et ceux de Le nienne, en raison d'une usurpation de nom de
Nagard-Assayag et Manceau (2001) permettent d'y marque déposée : • iPhone •. Le groupe américain
apporter un éclairage. Ainsi, la préannonce doit Cisco, premier fournisseur de solutions ré.seaux pour
encourager les fabricants de produits complémen- Internet, avait déposé ia marque iPhone en 2000
taires à concevoir des produits dans les temps impar- après avoir acquis la société Infogear. Depuis le
tis. Dans l'exemple d'iPhone, la préannonce d'Apple début 2006, la division Linksys de l'équipementier
devait inciter les fournisseurs de logiciels, de conte- Internet vendait des produits sans fil nommés
nus tiers et d'accessoires à accélérer leurs cycles de iPhone. L'existence sur le marché de deux produits
production pour être prêts pour le lancement offi- au même nom n'était probablement pas gênante
ciel. Aussi, cette préannonce joue également un rôle pour le consommateur, mais elle l'était certainement
d'engagement de l'entreprise vis-à-vis de ses objec- pour Cisco, qui en a profité pour négocier avec
tifs affichés et dynamise les relations établies entre Apple un accord de partenariat sur l'interopérabilité
les différents acteurs (Biemans et Setz, 1995). Ce de ses équipements sansfilavec le baladeur multi-
signal d'engagement et de confirmation est essentiel média téléphonique '^^
à l'égard des opérateurs ayant accepté le nouveau
modèle économique : il s'agissait de les conforter Une autre entreprise. Quantum Research CQR),
dans leur choix, en affirmant le succès annoncé du avait réagi à la préannonce â propos des caractéris-
prtxiuit et les moyens employés par Apple pour l'at- tiques de l'écran tactile de l'iPhone. Elle argumentait
leindre, de manière à justifier une rétrocession des que celui-ci était élaboré à partir du concept de QR,
revenus, inhabituelle jusqu'à présent. la technologie de transfert de charge, brevetée offi-
ciellement par QR Group. Celui-ci avait déjà intenté
Un autre groupe d'acteurs - les partenaires un procès à Apple en décembre 2005 en l'accusant
financiers ou les actionnaires - peut également être d'utiliser inopinément cette technologie dans la
influencé par une préannonce. Comme le présentait fabrication de ses baladeurs iPod'^'^^ Le sort du liti-
Porter (1980), une annonce préalable peut s'accom- ge n'est pas encore connu à date, mais en février
pagner d'une hausse des actions, symbolisant le sou- 2008, la société QR fut rachetée par Artmel
tien des interlocuteurs financiers. Lors de la préan-
nonce faite au Mac World du 9 janvier 2007, le cours
de bourse d'Apple a augmenté en direct de 8,3%, (W
alors que celui de son principal concurrent sur le Cisco et Apple vont partager la marque iPhone, Les Échos, article
du 22 Février 2007 ; Pr(x:ès de Cisco contre Apple : derrière la
marché des smartphones - RIM - a baissé de 7,8% marque iPhone, les vraies raisons du litige. Les Echos, archives du
{Los Angeles Times). t" Décembre 2007.

REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5


ADETE

Corporation qui souhaitait rentrer sur ce marché très D'autres effets de l'annonce préalable
porteur et estimé à plus de 3 milliards de dollars'-•^^\ n'ayant pas été ebservés

En Europe, la préannonce faite par Apple a Si le cas de l'iPhone illustre de nombreux effets
également alerté les autorités concernées, notam- classiquement attribués par la littérature aux préan-
ment la Commission Européenne, au sujet des nonces et permet ainsi de mieux décrypter la straté-
accords conclus entre Apple et les opérateurs de gie d'Apple, on constate que plusieurs effets habi-
téléphonie mobile pour la commercialisation de tuels ne sont pas observés ici.
l'iPhone. Ainsi, Apple a été accusé d'enfreindre les
règles de la concurrence en fixant par pays le prix La cannibalisation
de téléchargement sur iTunes*^^"^ et en imposant des
clauses d'exclusivité avec certains opérateurs télé- Farquhar et Pratkanis (1992, 1993) ont montré
phoniques. En Allemagne, une injonction a été pro- que l'annonce préalable pouvait influencer les cri-
noncée par le tribunal régional de Hambourg contre tères de choix des consommateurs et affecter leurs
T-Mobile, suite à une procédure intentée par préférences pour les produits existants, souvent en
Vodafone, son concurrent direct, avec pour fond du en limitant l'attrait. Ainsi, une préannonce peut pro-
litige, l'exclusivité de la commercialisation de voquer une chute des ventes des autres produits de
l'iPhone'^^'^^ Par la suite, Apple a donc dû revoir ses l'entreprise et cannibaliser sa gamme existante
accords de partenariat avec les opérateurs télépho- (Eliashberg et Rol>ertson, 1988 ; Heil et Robertson,
niques et changer son modèle économique. 1991)- Dans le cas étudié, cet effet ne pouvait
concerner les activités de téléphonie d'Apple puis-
La pression des organisations d'intérêt pubiic qu'il s'agit d'un nouvel entrant. En revanche, l'an-
nonce de l'iPhone aurait pu dissuader certains clients
L'annonce préalable faite par Apple a ravivé le d'acquérir des iPod pour attendre le produit combi-
débat entre celui-ci et les organisations environne-
mentales. Plus précisément, Greenpeace a dénoncé (14)
Bush, S. (2007) - Apple faces patent daim over iPod touch sensor
la présence de substances dangereuses parmi les technology. ElectronicsWeekly. article du 22 Janvier.
composants de l'iPhone, notamment du PVC utilisé
pour le plastique blanc des écouteurs et qui contien- (15)
Atmel Corporation annonce l'acquisition de Quantum Research
drait un taux de phtalate jugé trop élevé en Europe Group. Capital, article du 7 Février 2008.
ou aux États-Unis*-^"^ C'est ce taux qui aurait égale-
ment décidé The Center for Environnemental Health, (76)
Mignani. E. (2007) - La Commission européenne s'attaque à
une organisation de défense de l'environnement cali- Apple, Le Figaro, article du 15 Oaobre.
fornienne, à mettre en cause publiquement Apple et
à l'inciter à changer de mode de '^^ (Í7)
Défaite judiciaire pour T-Mobile sur l'iPhone, Challenge, article du
20 Novembre 2007.
Apple a dû se justifier en soulignant que
(18)
l'iPhone satisfaisait aux critères de la directive Hello ? Steve ? This is Green my Apple calling on the iPhone,
RoHS^^*^^ et que l'objectif d'élimination du PVC et article du 12 Janvier 2007 et le dossier Apple sur www.greenpea-
des retardateurs de flamme bromes qu'elle s'était ce.org
elle-même fixé était programmé pour lafin2008. Ce (19)
délai est inférieur à celui annoncé par son concur- iPhone Phtaiale.s Violate California Law, Communiqué de Presse
rent informatique. Dell (fin 2009), qui subit lui aussi du CEHCA iCefiter for Environmental Health of California). 15
Octobre 2007.
des pressions pour améliorer les caractéristiques
environnementales de ses ordinateurs mais, à date, (20)
reste insuffisant pour atteindre le niveau de Nokia et RoHS (de l'anglais Restrictions of Hazardous Substances) est une
Sony ^^^^ Directive Européenne qui traite de la limitation d'utilisation de
certaines substances dangereuses dans les équipements élec-
triques et électronique.s commercialisés à partir du 1er Juillet 2006.
(21)
Hov/ Green is that iPhone ?. article publié le 14 Juin 2007 sur
WWW. grée npeace.org

REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5


Les stratégies de lancement de noiii-eaiix produits dans le secteur des télécommunications .•
le cas de l'iPhone d'Apple
Mariana Medvetchi Dahan, Delphine Manceau, Laurent Geffroy

né. Selon le rapport d'Apple relatif à ses résultats la préannonce de l'iPhone ait mis sous pre.ssion
financiers en 2007, ceci ne s'est pas produit, Bien au significative les équipes d'Apple et l'ensemble de ses
contraire, les ventes de l'iPod ont progressé de 17% fournisseurs et de ses partenaires, Apple a pu se per-
par rapport à l'année précédente, alors que la vente mettre une marge d'erreur sur le respect des délais
des ordinateurs Macintosh a progressé de AlW-^^K annoncés. Notamment, lors de l'annonce du calen-
Non seulement les revenus d'Apple n'ont pas baissé, drier du lancement à l'international, Apple espérait
mais la firme a vu son chiffre d'affaires augmenter de pouvoir lancer l'iPhone d'une manière simultanée en
35% en 2007, comme si l'effet de " marketing hype - Grande-Bretagne, en Allemagne et en France, le 9
autour de l'iPhone avait indirectement bénéficié à novembre 2007*^^^^ Finalement, parce que les négo-
tous les produits de la marque. Ce résultat laisse ciations avec Orange ont pris plus de temps que
envisager un phénomène contraire aux résultats des prévu, l'iPhone ne fut lancé en France que trois
travaux antérieurs sur la préannonce, selon lequel semaines plus tard, le 29 novembre, sans que cela ne
un fort effet sur le marché peut bénéficier à l'en- ternisse en aucune manière l'image du produit.
semble de la gamme, même les produits avec les-
quels l'innovation annoncée entre en concurrence Un autre facteur de baisse de flexibilité de l'ac-
directe. teur ayant fait une préannonce est le changement
dans les goûts des consommateurs et les tendances
Rumeurs fausses du marché. Golder et Tellis (1993) ont montré que
ce changement pourrait survenir entre le moment de
Un autre risque classiquement attribué aux pré- l'annonce préalable et la sortie effective du nouveau
annonces concerne la diffusion de rumeurs erronées produit. Face à ce constat, la firme n'aurait qu'une
et incontrôlées sur le produit. Dés que le bouche-à- solution : s'adapter à la nouvelle demande. Or, dans
oreille se développe, le public et les médias évo- le cas d'Apple, la vision affirmée est différente : ne
quant un produit qu'ils n'ont jamais vu, toutes sortes pas demander son avis au client. - On ne peut pas
d'informations vraies ou fausses et, dans tous les cas, aller demander au client quelle est l'innovation du
invérifiables, peuvent se répandre et parfois détério- futur -, affirme Steve Jobs, qui indique pour preuve :
rer l'image du produit. Dans le cas de l'iPhone, ce ' on ne fait pas d'étude de marché :^^^' Pour
phénomène ne s'est quasiment pas produit. De nom- appuyer ses propos, Steve Jobs avait évoqué, dans
breuses rumeurs ont circulé sur les sites internet un entretien au magazine Fortune, la fameuse cita-
dédiés, comme sur www,macrumors.com, où des tion d'Henry Ford : « Si J'allai*; demander à mes
tentatives d'illustration graphique du futur iPhone et clients ce qu 'ils veulent, ils me répondraient • Un che-
des commentaires sur les fonctionnalités potentielles val plus rapide -^^^^ •. La stratégie qu'Apple reven-
de l'appareil ont proliféré, sans pour autant nuire à dique consiste à imaginer et à mettre sur le marché
l'image du produit d'Apple. Au contraire, et comme un produit innovant qui corresponde au mieux à un
pour rebondir dessus, Steve Jobs lui-même a projeté idéal d'u.sage, sans pour autant s'adapter à toutes les
quelques unes de ces fausses images lors de sa pré- demandes du client. Dans ce contexte, l'annonce
sentation au Mac World, avant de révéler au public préalable joue un rôle d'influence des attentes et des
le • vrai • iPhone. préférences des consommateurs en leur mettant à

La baisse de flexibilité (22}


Best Quarterly Revenue & Earnings in Apple History r Mac. iP<xl
& iPhone Sales Break Previous Records, Communiqué de presse
Les travaux de Kohli (1992) sur la préannonce Apple Financial Statement, sur www.apple.com, le 22 Janvier
montrent qu'une fois le produit annoncé et la date 2008.
de lancement explicitée, les entreprises n'ont plus de (23)
marge de manœuvre et se voient dans l'obligation de Orange envisage un Noël sans l'iPhone d'Apple, ¿es Échos, article
respecter leurs engagements publics. Ceci réduit du 5 Octobre 2007.
coasidérablement leur flexibilité dans les étapes (24)
finales de développement du produit et dans le America's most admired companies ; Steve Jobs speaks out,
choix de ses conditions de commercialisation. Ceci Fortune, article du 7 Mars 2008,
peut également être préjudiciable si les délais ou les
(25)
conditions annoncés ne sont pas respectés. Bien que Op. Citée 24.

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REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5
ADETE

l'esprit certaines caractéristiques du produit. En duction ne pouvait permettre de répondre à la


outre, il est indispensable de relativiser les propos de demande mondiale », s'assurant ainsi une commer-
Steve Jobs : l'innovation ergonomique de l'iPhone cialisation très rapide des premières unités
s'appuie sur une analyse très fine de la manière dont Playstation 2 mises en vente : 980 000 exemplaires
les individus utilisent leur téléphone, leur smartpho- vendus en 48 heures*^^^ Le même phénomène a été
ne et même Internet : l'analyse du marché guide observé pour l'iPhone. Les premiers stocks ont été
donc bien les choix de l'entreprise. écoulés le week-end du lancement, les magasins
AT&T arrivant en rupture de stock le samedi, et ceux
d'Apple le dimanche^^^A
APRÈS L'ANNONCE, LE LANCEMENT
Le lancement en Europe
Après la préannonce, la communication autour
du produit s'est démultipliée sans que la marque Pour le lancement de l'iPhone en Europe,
reprenne la parole officiellement. En conséquence, Apple a appliqué la même stratégie de communica-
une des principales caractéristiques du lancement fut tion, en diffusant peu d'informations et en cultivant
l'ambiance de suspense et de mystère qui régna le suspens*^^'. Le lancement américain avait généré
autour de l'événement^^"'. Le f)wz2 médiatique, soi- des réverbérations médiatiques fortement ressenties
gneusement entretenu par Apple, prit une réelle outre-Atlantique. Toutefois, selon la presse, l'arrivée
ampleur. de l'iPhone en Europe n'a pas déclenché des scènes
de 'folie consumériste - comparables à ce qui avait
Le lancement au États-Unis eu lieu aux ^^
(26)
Le 29 juin 2007, jour du lancement aux États- Kerr, D. (2007) - Strategy Analytics, cité dans Le lancement de
Unis, de nombreux fans désireux d'acquérir l'iPhone l'iPhone, une "rupture" selon Steve Jobs, Challenges, article du 29
se rendirent dans les quelque 1800 boutiques AT&T Juin.
et les 170 magasins Apple. Selon les reportages des (27)
nombreux journalistes présents sur les lieux, des Macke, G. (2007) - L'iPhone, objet de tous les désirs... et délires,
campeurs s'étaient installés quelques jours plus tôt Challenges, article du 29 juin.
devant l'Apple Store de Manhattan, sur la cinquième (28)
avenue, pour être certains d'être servis parmi les pre- Some iPhone glitches reported - Hang-ups include activalion prt>-
jniej^C27) o^g f^i^g d'attente furent observées devant blems and insufficient tech aid, an analy.st says. But many new
les autres magasins. Pour accentuer le buzz et l'en- owners are thrilied, Los Angeles Times, article du 2 Juillet 2007 ;
iPhnnrtacklash.^, los Angeles Times, article du 26 Septembre 2007.
gouement autour du produit, Apple offrait des T-
shirts • / got iPhone « aux premiers clients, sans (29)
oublier les boissons fraiches à ceux qui faisaient la Interview QUA : Apple's Steve Jobs and AT&T's Randall
Stephenson, IISA Today, article du 28 Juin 2007.
queue des heures durant. Selon les estimations du
Los Angeles Times, lors du premier iveek-end, Apple (30)
a vendu 525 000 appareils, ses ventes atteignant 1 Maillet C. (2005) - Le marketing adulescent : comment les marques
s'adressent à l'enfant qui sommeille en nous ?, éditions Village
million d'unités deux mois et demi plus * ^ ^ Mondial.

Mais c'est également l'angoisse de pénurie qui Playstation 2 : tous les détails du lancement ! , interview Sony
a nourri l'euphorie d'achat de nombreux clients. Il France dans Overgame, article du 4 Août 2000.
faut dire qu'Apple avait semé ce doute en évoquant
à de nombreuses reprises une éventuelle • rupture L'tPhone se vend bien... mais ne marche pas toujours. Challenges,
de stock • pour son produit'-^^'A Les travaux de article du 3 Juillet 2007.
recherche de Maillet (2005) ont décrit cette commu-
nication autour d'une " fausse pénurie » comme un 33
Une comniimication gardée sous scellés. Les Échos, article du 28
outil marketing puissant^-^'^-', Créer de la rareté pour Novembre 2007.
justifier un prix élevé a également été la stratégie de
Sony lors du lancement de sa Playstation 2 au Japon (34)
L'iPhone débiirque en Europe sans susciter l'hystérie. Les Echos,
en 2000. À l'époque Sony annonçait que • la pro- article du 12 Novembre 2007.

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Les stratégies de lancement de nouveaux produits dans le secteur des télécommunications.
le cas de l'iPhoue d'Apple
Mariana Medvetchi Dahan, Delphine Manceau, Laurent Geffroy

En Grande-Bretagne, où Apple avait conclu un conséquences financières pour Apple qui, comme
accord d'exclusivité avec l'opérateur O2, l'iPhone a nous l'avons décrit plus haut, percevait des revenus
été commercialisé le 9 novembre 2007, à 6.02 de non seulement sur la vente de l'appareil, mais éga-
l'après-midi précisément. - Même l'beure du lance- lement sur l'usage des services mobiles par l'abcinné.
ment choisie contient de la publicité subliminale -, Si ce dernier ne souscrit pas l'offre iPhone auprès de
souligna le quotidien anglais Tbe Guardian, en réfé- l'opérateur partenaire, Apple ne perçoit plus sa part
rence au partenariat d'Apple avec O2^^^^ Dans la de revenus. Selon une estimation de Bernstein
boutique de Regent Street, des centaines de jeunes Research, si une telle pratique devait se f)erpétuer,
" Apple addicts • sont venus acheter leur coffret fin 2008, Apple aurait perdu plus de 500 millions de
iPhone sous - les applaudissements de la foule »^5°^. dollars de revenus potentiels''^^^. Ce constat a pu
Si les ventes réalisées le week-end du lancement également conforter Apple dans son intention de
n'ont pas du tout atteint des chiffres comparables revoir le modèle économique et les termes de parte-
aux États-Unis, O2 a vendu plus de 70 000 unités en nariat avec les opérateurs.
deux jours, ce qui dépasse largement les ventes en
Allemagne. Ls génération suivante du produit
et la nouvelle stratógie-marketing
En effet, l'iPhone a été lancé le même jour, sur
le marché allemand, par l'opérateur exclusif T- Le 9 juin 2008, à l'occasion de la conférence
Mobile malgré l'opposition de son concurrent mondiale des développeurs organisée chaque année
V(xiafone. Environ 10 000 exemplaires ont été ven- par l'entreprise, Apple a procédé de la même maniè-
dus le week-end du re pour annoncer le lancement du nouvel iPhone
3G. Le téléphone d'Apple cherche à se réinventer
En Erance, l'iPhone a connu un certain succès dans une version plus perfectionnée, incluant de
médiatique, mais ses ventes sont restées modérées, nouvelles fonctionnalités et donnant accès à de mul-
avec environ 30 000 unités vendues en cinq tiples nouveaux usages. Panni les nouveautés de
jours^^"^ La veille du lancement, Didier Lombard, (55)
PDG d'Orange, avec qui Apple a conclu un accord At 6.02 pm the worshippers got their reward, Ihe Guardian,
d'exclusivité pour la France, avait déclaré dans une article du 10 Novembre 2Ü07.
interview que - plus de 50 000 préinscriptions de (36)
consommateurs • intéressés à acheter l'iPhone L'iPhone débarque en Europe sans susciter l'hystérie, Les Échos,
[avaient] été enregistrées sur le site Internet ouvert à anicle du 12 Novembre 2007.
cet effet(39). Toutefois, dans la nuit du 28 au 29 (37)—
novembre 2007, moment officiel du lancement en T-Mobile Has Sold More Than 10.000 IPhones in Germany, Dow
France, l'engouement des technophiles devant les ¡ones Newswires, article du 9 Novembre 2007-
douze boutiques Orange participant à l'opération,
fut peu comparable à celui des États-Unis. Selon une Orange indique avoir vendu 30 000 iPhone depuis le 29
analyse fournie par le cabinet Ovum, ' la cherté des novembre, ZDNet.fr, article du 5 Décembre 2007.
forfaits et la durée d'engagement de 24 mois "
auraient pu décourager certains consommateurs Didier Lombard cilé dans - iPhone : douze ÎXDutique.s Orange
• dans un pays où les téléphones gratuits sont la ouvriront la nuit du lancement. Les Échos, anicle du 22 Novembre
norme -^^^K En outre, certains clients européens 2007.
choisirent d'opter pour des importations indivi- (40)
duelles outre-atlantique afin de profiter de la diffé- Jonathan Arber. Ovum, cité dans - L 'iPhone d'Apple débarque en
rence de prix entre les deux continents (499$ aux Europe sans susciter l'hystérie. I^s Échas, anicle du 12 Novembre
2007.
États-Unis, 399 € en Europe) et éviter de s'engager
sur une trop longue durée d'abonnement. Pourtant, (41)
Orange et Apple avaient mis en place des systèmes A quarter of Apple iPhones may be 'unlocked', Reuters, article du
28 Janvier 2008.
techniques limitatifs et dissuasifs. Les experts éva-
luèrent les achats parallèles avec - desimlockage • de (42)
l'appareil à environ 1,5 millions d'unités dans le More than a quarter of people who Ixjught Apple's iPhone are
u.sing them on wireless networks other than AT&T's, Bernstein
monde fin 2007^'*^^ Cette pratique ne fut pas sans Research cité dans ZDnet.com, article du 28 Janvier 2008.

REVtJE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N" 222 - 2/5


ADETE

cette deuxième génération du produit, il faut noter la marque, la préannonce et le buzz, laisserait-elle la
vitesse de connexion et de téléchargement multi- place à une approche plus classique fondée sur du
pliée par trois ou quatre du fait d'une compatibilité • pusb - par les opérateurs, où les qualités de
avec le réseau 3G, ainsi que la présence d'une puce l'iPhone et son image particulière sont quelque peu
GPS, qui pennet à l'utilisateur de se laisser guider reléguées au second plan ?
par des applications du type TomTom et qui associe
les photos à des coordonnées géographiques. Un prix sensiblement abaissé
Ensuite, Apple fait un pas important vers une cible
professionnelle, en rendant son nouvel iPhone com- Les prix de vente élevés pratiqués pour la pre-
patible avec les réseaux d'entreprise Microsoft mière génération d'iPhone ont limité sa diffusion aux
Exchange. Pour le reste, selon Le Figaro, » c'est tou- technophiles et aux fans de la marque. Si elle a per-
jours un iPod haut de gamme, à la fois baladeur mis à Apple de capter les clients les plus rentables,
audio et vidéo, avec son calendrier, son vrai naviga- la diffusion aux adopteurs précoces puis à la majori-
teur Web, sa messagerie électronique et son appareil té précoce n'était pas évidente à ce niveau de prix.
photo "'^43). Il est classique pour une innovation, même à faible
teneur technologique, de commencer par un prix
Au-delà des caractéristiques techniques évo- d'écrémage pour le baisser ensuite progressivement
quées, cette nouvelle version suggère un change- en utilisant la deuxième génération du produit pour
ment de modèle économique et la fm de la stratégie cela, a fortiori au moment où les produits concur-
prix d'écrémage d'Apple. rents relativement proches arrivent sur le marché.
Nous avions indiqué que la préannonce massive de
La fin du modèle de reversement de revenus la première génération du produit avait notamment
pour objectif d'intimider, sinon de dissuader, les
Apple a révisé ce premier modèle à l'occasion concurrents. À l'heure où ceux-ci réagissent forte-
du lancement de l'iPhone V2 en juillet 2008. Il a bas- ment avec des produits proches et moins coûteux, il
culé vers un modèle plus classique de subvention du paraît logique de baisser le prix.
téléphone par les opérateurs mobiles. En France, ce
modèle consiste à vendre l'iPhone V2 à 200 € envi- C'est la stratégie adoptée par Apple. Les prix de
ron contre 400 € pour la première ^génération. La vente de l'iPhone V2 le rendent beaucoup plus
différence de prix est prise en charge par l'opérateur accessible, certains opérateurs mobiles en Allemagne
mobile en échange d'un engagement d'abonnement et Grande Bretagne le subventionnant même de telle
du client sur 12 ou 24 mois. En contrepartie, Apple manière qu'il soit vendu 1 € . Il s'agit bien évidem-
ne perçoit plus de reversements des revenus géné- ment d'un prix facial conditionné par la souscription
rés par l'opérateur. On revient donc au modèle éco- d'un abonnement téléphonique coûteux et de
nomique classique de la téléphonie mobile, avec longue durée. Cependant, compte tenu du revire-
une subvention de l'appareil par l'opérateur et des ment que constitue un changement de prix d'une
revenus réguliers touchés uniquement par l'opéra- telle ampleur, on ne peut manquer de s'interroger :
teur. Ce retour en arrière contraste avec les accords Comment les clients de la première génération
précédents qui permettaient à Apple de récupérer réagissent-ils à un tel changement de prix ? Ne se
entre 10% et 40% des revenus de l'opérateur sur les sentent-ils pas - trahis - par la marque, alors qu'il
services vendus aux clients iPhone. s'agit souvent de passionnés d'Apple ? En effet, tel
pourrait être le cas, comme en témoignent les com-
Comment expliquer ce revirement ? Les ventes, mentaires négatifs d'utilisateurs déçus sur le blog de
moins élevées que prévues, constituent probable- New York Time^ -^ depuis l'annonce faite par
ment une raison. La société aurait-elle supposé que Apple.
les opérateurs ne " poussaient • pas suffisamment le
produit du fait de leur moindre intéressement finan- (43>
Le nouvel iPhone 3G débarque le 17 Juillel en France, Le Figaro,
cier à le faire, a fortiori dans un contexte de prix très article du 10 Juillet 2008.
élevé ? La stratégie-marketing employée, au départ
très centrée sur une approche - pull • fondée sur la (44)
The $400 iPhone Lives On, Neu> York Times, dans Pogue's Posts,
qualité ergonomique du produit, le design, la le 18 Juillet 2008.

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REVUE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 * 2/5
Les stratégies de lancement de nouveaux produits dans le secteur des télécommunications :
le cas de l'iPhone d'Apple
Mariana Medvetchi Dahan, Delphine Manceau, Laurent Geffroy

Ensuite, ce nouveau niveau de prix induit un du produit peut générer une notoriété très élevée et
changement d'image du produit, jusque-là position- un engouement des médias et des clients pour un
né dans l'univers du luxe et de l'exclusivité... peu produit qu'ils n'ont jamais vu. Ce phénomène pro-
compatible avec une offre à 1 € ! Le produit va-t-il voque ensuite un effet de mode qui se traduit par
se banaliser et perdre une partie de son attrait spé- des ventes élevées au moment du lancement. À l'in-
cifique, devenant un téléphone comme les autres au verse, un lancement réussi n'implique pas forcément
moment où les concurrents arrivent sur le marché ? des ventes élevées à moyen tenne, comme en témoi-
Ce n'est pas sûr si l'on en croit le buzz médiatique gnent les ventes décevantes d'Apple'**"^ lors de la
considérable survenu dans la semaine suivant la pré- première année de vie du produit et avant qu'il ne
annonce du nouvel iPhone 3G : 1000 articles ont été mette en place des actions marketing correctives et
publiés dans les journaux du monde entier et plus des baisses de prix répétées.
de 8500 articles et billets électroniques ont été écrits
sur les blogs dédiés (indexés par Google News). En Enfin, ce cas est frappant par la grande cohé-
même temps, Apple a annoncé que son produit rence du marketing initial du produit, positionné
serait disponible dans 70 pays du tnonde début comme un produit exclusif, fondé sur une marque
2009, préférant une diffusion internationale massive au fort capital, et demandé par les clients aux opé-
et rapide (grâce à ses prix bas) à la stratégie initiale rateurs.. , puis par un revirement important au
d'exclusivité. Par ailleurs, son accord d'exclusivité moment de la deuxième génération pour adopter
avec Orange a été contesté par la Cours d'appel de une stratégie de pénétration rapide du marché fon-
Paris*-**^^, aboutissant à une mise sur le marché dée sur des prix bas et une priorité donnée aux
d'une offre iPhone par les deux autres opérateurs volumes et non plus aux marges. On peut interpré-
français que sont SFR et Bouygues Telecom. La bais- ter ce changement de politique marketing comme
se des prix apparaît dès lors comme un moyen une réaction à un environnement concurrentiel par-
d'élargir la cible marketing après une stratégie ticulièrement combatif, comme une réaction à des
d'écrémage pour l'iPhone première génération. ventes décevantes de la première génération du pro-
duit, ou comme une deuxième étape assez classique
de diffusion du produit après une première phase de
CONCLUSIONS construction d'image. En tout état de cause, il pose
de nombreuses questions sur la manière de gérer les
Le lancement de l'iPhone, tel que nous l'avons relations avec les acheteurs de la première généra-
étudié dans cet article, nous semble porteur de plu- tion et sur la volonté initiale d'Apple de modifier le
sieurs enseignements. D'abord, il montre que la modèle économique du secteur.
notion d'innovation ne repose pas .seulement sur les
fonctionnalités techniques d'un produit mais égale- D'un point de vue académique, ce cas éclaire
ment sur ses qualités ergonomique et de design ainsi et complète notre connaissance des effets de l'an-
que sur le modèle économique qui l'accompagne. nonce préalable d'un nouveau produit. L'iPhone
montre les effets d'emballement médiatique consé-
Ensuite, il met en lumière le lien entre les stra- cutif à une préannonce et son impact sur le marché,
tégies de lancement et le modèle économique d'un la construction rapide de notoriété, ainsi que l'effet
secteur, puisque la volonté d'Apple d'imposer de de conviction auprès des opérateurs et des autres
nouvelles conditions aux opérateurs explique (en partenaires nécessaires à la commercialisation du
partie) son souhait d'orchestrer un lancement spec-
taculaire et médiatique susceptible de générer une (45)
iPhone : 5 questions sur la fin de l'exclusivité d'Orange,
demande forte et rapide du marché comme une L'E>ipansion, article du 4 Février 2009.
volonté des opérateurs de commercialiser le produit
pour des raisons d'image. (46)
iPhone Use Disappoints; Apple Südes, Neu> York Times, article du
24 Juillet 2007 ; Apple sale.s warning unnerves Wall Street, Times,
En outre, l'iPhone illustre extrêmement bien les anicle du 22 Juillet 2007 ; I^ baisse brutale du prix do l'iPhone
effets du - marketing hype • et de l'annonce préa- suscite questions et polémique, L'Expansion, anicle du 6
Septembre 2007 ; iPhone: ventes décevantes en Allemagne et
lable, montrant de manière exemplaire comment baisse de prix significative, BusinessMobile, article du 7 Avril 2008.
une annonce anticipée et soigneusement orchestrée

RE\TJE FRANÇAISE DU MARKETING - Mai 2009 - N° 222 - 2/5


ADETE

produit en cas d'externalités de réseau. Il met égale- Internet), et sur la connaissance que les auteurs ont
ment en évidence d'autres phénomènes jusque-là du secteur, mais ne repose pas sur des entretiens
peu explorés dans la littérature, comme le fait que avec les dirigeants d'Apple ou sur une connaissance
les annonces préalables attirent l'attention des auto- intime de leurs intentions lors de l'adoption de telle
rités de régulation et favorisent la pression des asso- ou telle pratique de lancement. Nous n'avons pas
ciations de consommateurs, ainsi que la dissociation non plus intégré une analyse du point de vue des
entre • marketing hype • et ventes réelles à moyen clients car notre propos est centré sur les stratégies
terme. Il montre également que certains effets néga- de lancement. Or, très peu d'études du profil des uti-
tifs attribués aux préannonces, comme la baisse de lisateurs de l'iPhone sont disponibles au moment de
flexibilité ou la cannibalisation des produits anté- la rédaction de cet article. Des recherches complé-
rieurs, n'apparaissent pas forcément. mentaires pourraient étudier dans quelle mesure
l'iPhone a surtout fidélisé les clients d'Apple ou lui a
Malgré ces enseignements, cette analyse n'est permis de conquérir de nouveaux adeptes. En outre,
bien évidemment pas exempte de faiblesses. il conviendrait d'étudier comment les différentes
D'abord, elle est réalisée peu de temps après le lan- opérations de - marketing hype « et de communica-
cement, empêchant une vision historique d'en- tion présentées dans cet article ont été perçues par
semble sur l'iPhone, sa politique marketing et sa dif- les clients. Une analyse du cas après quelques
fusion internationale, et suscitant des interprétations années de vie du produit et fondée sur des inter-
sur la stratégie d'Apple au cours des derniers mois. views de dirigeants de l'entreprise permettrait d'en
Ensuite, elle est fondée sur une analyse de sources savoir davantage sur les questions posées dans cet
publiées (presse grand public et professionnelle, article et les interprétations proposées ici.

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