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« L’ENTRETIEN TISSULAIRE : UNE PRATIQUE DE LA RELATION D’AIDE EN

FASCIATHÉRAPIE »

Christian Courraud
École Supérieure de Fasciathérapie Somatologie
christian.courraud@pointdappui.com
Article paru dans le livre collectif, O Sujeito sensivel é renouvação do eu, as contribuçães da
Fasciatarapia e da somato-psicopedagogia, B OIS D. J OSSO MC, HUMPICH M (ORGS),
Éditions Paulus, centre universitaire de São Camilo du Brésil.

INTRODUCTION

La fasciathérapie est une thérapie manuelle qui a été fondée dans les années 1980 par le Pr. D.
Bois. Elle est reconnue aujourd’hui en France par les organismes officiels de la kinésithérapie
en tant que formation continue, elle y est classée dans la catégorie des « thérapies manuelles
et techniques ostéopathiques » et dans celle des « techniques de rééducation posturale et
globale ». L’École Supérieure de Fasciathérapie Somatologie, dont je suis le responsable
pédagogique depuis 10 ans, dispense l’enseignement de la fasciathérapie aux
kinésithérapeutes. Elle est membre de la Charte de Qualité des Organismes de Formation
Continue en Kinésithérapie ; cet organisme supervise la qualité de l’enseignement tant dans sa
nature, son contenu que dans son adéquation avec le métier de kinésithérapeute. La
fasciathérapie fait donc aujourd’hui partie intégrante du paysage de la kinésithérapie.
Un nombre croissant de praticiens inclut ainsi régulièrement et quotidiennement la
fasciathérapie dans leurs traitements. Des études récentes font état d’une très nette
augmentation du recours à cette pratique dans la prise en charge de problèmes douloureux et
invalidants telles que les lombalgies aiguës : « En nette augmentation, deux techniques
doivent être citées : la fasciathérapie utilisée par 15,8% des kinésithérapeutes en phase aiguë
en 1998 contre 34% en 2003, et l’ostéopathie utilisée par 20,4% des kinésithérapeutes en
phase aiguë en 1998 contre 38,8% en 2003 »1 (Trudelle, 2007). La fasciathérapie devient une
thérapie manuelle de référence directement applicable dans le cabinet du kinésithérapeute et
en totale adéquation avec les exigences de cette profession : 84% des fasciathérapeutes
pratiquent leur art dans le cadre conventionnel de la kinésithérapie (statistiques Association
Nationale des Kinésithérapeutes Fasciathérapeutes 2004).

Une thérapie manuelle centrée sur la personne

1
Le traitement de la lombalgie, Kinésithérapie scientifique n°481 Octobre 2007

1
La fasciathérapie prend en compte la dimension clinique du soin puisqu’elle préconise
dans sa démarche thérapeutique l’application d’un toucher symptomatique. Ce toucher basé
sur la réflexion thérapeutique et l’analyse anatomique et physiopathologique du symptôme
repose sur un ensemble de gestes précis adaptés au symptôme du patient. Mais si la
fasciathérapie est aujourd’hui devenue une thérapie manuelle très prisée par le monde des
kinésithérapeutes, c’est parce qu’elle développe aussi au sein de sa démarche clinique une
relation d’aide à la personne, à travers l’introduction d’un toucher de relation, lui faisant
mériter à notre sens l’appellation de « thérapie manuelle centrée sur la personne »2.
Le toucher de relation constitue le ‘toucher de base’ de la fasciathérapie : il permet
d’entrer en relation avec le patient, de construire une relation avec lui et de se mettre à
l’écoute des forces internes de l’organisme. Le toucher de relation constitue donc un moyen
de se centrer sur le patient. Cette démarche thérapeutique qui tente d’allier, dans un même
geste, relation avec la personne et démarche clinique, est tout à fait en phase avec les
exigences d’une kinésithérapie moderne. En effet, celle-ci tend vers cette approche plus
qualitative du soin et tente de s’adresser autant au patient qu’à sa maladie : « Les pratiques à
haute spécificité technique pourraient compléter leur approche thérapeutique par une
démarche plus globale centrée sur le sujet »i (Gatto, 2005, p. 31). Si cette démarche plus
globale est souhaitée, elle reste encore peu formalisée tant au niveau pratique que théorique.
Les domaines de l’éducation et de la relation d’aide sont encore peu enseignés dans le cadre
de la formation initiale et de la formation continue en kinésithérapie : « Les programmes
actuels ne comprennent généralement pas de méthodes éducatives ou de s o u t i e n
psychologique des patients. Une revue de littérature a montré que moins de 5% des articles
sur l’éducation du patient décrivent le processus pédagogique et les méthodes utilisées »3
(Jacquemet, cité par Gatto, 2005, p. 24).

Vers une relation d’aide manuelle

C’est dans ce projet de faire avancer la réflexion sur la formation des thérapeutes
manuels et des kinésithérapeutes à la relation d’aide que s’est construit le concept de relation
d’aide manuelle dans la fasciathérapie. Ce concept n’appartient pas exclusivement à la
fasciathérapie puisqu’on le retrouve également dans la pratique de la somato-
psychopédagogie (Bois 2006, Bourhis 2007, Cencig 2007, Rosenberg 2007). Nous nous

2
Nous nous inspirons ici de la terminologie chère à C. Rogers.
3
Idem

2
limiterons cependant ici à son application dans le champ particulier de la fasciathérapie et de
la kinésithérapie. Un premier travail de formalisation de la relation d’aide manuelle en
fasciathérapie a été réalisé dans le cadre de mon mémoire de recherche « Toucher
psychotonique et relation d’aide : l’accompagnement du patient dans le cadre de la
fasciathérapie et de la kinésithérapie » (Courraud, 2007). Une recherche exploratoire menée
auprès de trois patients a montré que cette forme d’accompagnement manuel favorisait la
relation à soi. Cette première démarche de recherche doit être poursuivie et complétée par
d’autres travaux qui viendront rendre compte des enjeux soignants et formateurs de cette
forme de démarche thérapeutique.

Un entretien qui touche la personne

Nous aborderons dans cet article la méthode d’ « entretien tissulaire » qui constitue le
coeur de la relation d’aide en fasciathérapie. La notion d’entretien tissulaire que nous
présentons ici rompt avec la vision classique de la thérapie manuelle et du toucher. Dans le
toucher de relation, nous apprenons « à toucher ce qui est enraciné profondément dans la vie
somatique et psychique du sujet incarné »4 (Rosenberg, 2007, p. 7). Le toucher renvoie ici à
une double notion : celle de toucher mais aussi celle d’être touché. Le toucher de relation est
un toucher qui touche la personne à travers son corps. Ce toucher renvoie ainsi à une forme de
contact privilégié avec l’autre et avec soi-même, à un mode de relation et de communication
primordial entre le praticien et le patient.
Nous nous intéresserons d’abord aux contours théoriques de cette forme d’entretien,
puis nous décrirons l’accordage somato-psychique qui résulte de cet entretien tissulaire.

Contextualisation

Si nous abordons la question de la relation d’aide à travers le toucher de relation, c’est parce
qu’elle prend aujourd’hui une place de plus en plus importante dans l’accompagnement des
personnes qui souffrent de douleurs physiques et de maladies organiques. Le milieu médical
et paramédical prend conscience de la dimension soignante d’une telle approche : « Le
développement de la relation d’aide est donc arrivé comme une incontournable évolution dans
la qualité et l’efficacité de la médecine. Il ne s’agit pas ici de considérations psychiatriques, ni
de psychopathologies à guérir, mais d’une qualité des comportements face à la souffrance

4
Le statut de la parole du Sensible, mémoire de mestrado en psychopédagogie perceptive, Université Moderne
de Lisbonne

3
humaine. Elle (…) est aujourd’hui reconnue comme un soin à part entière »5 (F. Bonneton-
Tabariés, A. Lambert-Libert, 2006, p. 92-93).
Bien que la kinésithérapie soit une discipline dont le principal objectif est de soulager la
douleur physique, cette profession, comme le font remarquer certains auteurs, ne peut exclure
la dimension relationnelle dans la relation thérapeutique : « La situation de soin intègre (…)
autant la prescription que la relation »6 (Olry, Lang & Froissard-Monet, 2005, p. 71) ; ou
encore : « La pratique de la kinésithérapie instruit nécessairement un colloque singulier entre
le patient et le praticien. La dimension clinique y est prévalente, la relation interpersonnelle
essentielle, et ceci afin de créer les conditions favorables à la prise en charge
thérapeutique »7 (Rouxel & Lani, 2006, p. 12).

La relation d’aide, un enjeu professionnel pour la kinésithérapie

Nous ne pouvons donc pas ignorer l’aspect relationnel qui existe entre un kinésithérapeute et
son patient et qui nous situe entre solidarité et professionnalité. La relation d'aide doit ainsi
apparaître comme un mouvement de réciprocités soignante et formatrice au service du patient.
Il y a, à mon sens, nécessité pour l’avenir du métier de kinésithérapeute d’engager un
mouvement de professionnalisation de la relation d’aide, tout en respectant les frontières qui
délimitent son champ de compétence de celui de la psychologie et de la psychothérapie. En
effet, comme je l’ai soulevé dans ma recherche, la relation d’aide adaptée à la kinésithérapie
est encore à découvrir, à construire et à enseigner. La relation d’aide est en effet surtout
reconnue dans le domaine de la psychothérapie et n’entre pas nécessairement dans la
compétence du kinésithérapeute ; le kinésithérapeute, de son côté, n’a ni la vocation, ni la
formation pour devenir psychothérapeute. L’un des enjeux de la kinésithérapie est donc
d’envisager de construire une relation d’aide qui respecte son champ de compétence sans
empiéter sur le domaine de la psychothérapie.

Le toucher psychotonique, un toucher de relation impliquant le corps et le psychisme

La fasciathérapie donne au toucher de relation une place privilégiée dans l’accompagnement


du patient. Le toucher ouvre des perspectives nouvelles pour accueillir, soutenir, aider,
écouter, comprendre et être avec le Dans
patient.
cette perspective, l’entretien tissulaire

5
Le toucher dans la relation soignant-soigné, Paris, Med-line éditions
6
Distance thérapeutique et corps à corps, l’exemple du traitement de la douleur en masso-kinésithérapie, Paris,
Éducation Permanente n° 165/2005-4
7
L’enseignement de la psychosociologie en IFMK : vers une histoire naturelle des prises en charge
kinésithérapique, Paris, fmt mag, n°80

4
constitue la technique de base de la relation d’aide en fasciathérapie. Cette approche contraste
avec la relation d’aide psychologique dont la méthode prioritaire pour écouter le patient est
l’entretien « verbal » : « l’entretien personnel et humain où l’on se préoccupe d’un être
existant, évoluant, émergeant et soumis à l’expérience » (C. Rogers, 1971, p. 97). En
fasciathérapie, l’entretien se construit non plus seulement en « face à face » mais dans un
« corps à corps ». Ce toucher impliquant, qui interpelle le patient dans sa profondeur, se
construit à travers le toucher psychotonique8, mettant en jeu simultanément le corps et le
psychisme : « Une part importante de notre travail thérapeutique manuel et gestuel s’adresse
à l’architecture tonique du patient. Le tonus constitue en effet un trait d’union majeur entre le
monde corporel et le monde psychique. J’aime à le présenter comme le langage corporel du
psychisme » (Bois, 2006, p. 139). Si la fasciathérapie aborde la globalité corporelle à travers
l’unité de tous les fascias9 du corps, elle intègre également dans le geste thérapeutique l’unité
corps-psychisme à travers ce toucher psychotonique.
Ce travail thérapeutique basé sur l’harmonisation de la vie psychotonique a donné naissance à
la technique d’accordage somato-psychique manuel. Dans la dernière partie de cet article,
nous décrirons les différentes phases de cette technique d’accordage par le toucher depuis la
régulation du tonus jusqu’à la verbalisation et l’accompagnement des vécus corporels qui
émergent du traitement.

Figure 1
Le toucher psychotonique et l’entretien tissulaire

Toucher psychotonique

Relation patient-praticien Unité corps-psychisme

Accordage somato-psychique

8
Le toucher psychotonique : toucher qui met en jeu simultanément le corps et le psychisme et qui s’adresse au
tonus physique et au tonus psychique
9
Le terme fascia désigne les membranes qui unissent toutes les parties du corps et tous les organes entre eux de
la périphérie à la profondeur et de la tête aux pieds : les fascias font du corps une entité globale

5
LES CONTOURS THÉORIQUES DE L’ENTRETIEN TISSULAIRE

• TOUCHER DE RELATION ET ENTRETIEN TISSULAIRE

La relation par le toucher

Si nous développons le toucher dans le champ de la relation d’aide, c’est pour en faire un
mode de relation avec le patient. Le toucher est en effet un canal de communication distinct
du verbe mais tout aussi important. Nous considérons ainsi que le toucher est un moyen de
manifester sa présence et son attention au patient au même titre que les mots. Le toucher
devient alors contact, relation, attention et intention portées vers l’autre, et ceci avec un but :
être là, l’entendre, le respecter, l’aider. Voilà ce qu’en dit Tournebise, psychologue : « La
main se pose comme une oreille de « l’âme » dans le projet « d’entendre » le patient. C’est un
« toucher d’écoute », un « toucher rencontre », un « toucher validant », un toucher
« reconnaissant ». (…) Le projet est un projet d’écoute et de reconnaissance, en aucun cas ce
n’est un projet de pouvoir (même pas un pouvoir « pour le bien du patient »10 (Tournebise,
2004). Nous pouvons véritablement parler dans ce contexte de contact psychique plutôt que
de contact physique. La main devient dès lors un moyen de construire une présence
structurante et rassurante auprès du patient et d’enrichir la communication non-verbale si
importante dans la relation patient-thérapeute : « Il est bon de savoir que la qualité d’un
échange réside plus dans le non-verbal que dans le verbal » 11(Tournebise, 2004). En nous
intéressant au toucher en tant qu’acte de relation, nous nous inscrivons dans la lignée des
psychologues humanistes qui donnent de l’importance aux échanges subtils qui se déroulent
en marge de la conscience et qui participent à la relation thérapeutique : « Il y a toujours une
grande part de rapports subconscients dont, soit le malade, soit le thérapeute peuvent être
conscients sur le moment. Ceci met en évidence un domaine très controversé en thérapie – et
un des plus difficiles au cours de la formation et de la pratique des thérapeutes, mais que l’on
ne saurait écarter parce que capitale – il s’agit de la communication subconsciente,
empathique et télépathique » (R. May, 1971, p. 25).

Le dialogue tissulaire, dialoguer avec l’être vivant

Lorsque nous parlons de toucher de relation en fasciathérapie, nous faisons référence à ce


toucher de contact physique et psychique mais surtout à un dialogue tissulaire. L’entretien
tissulaire commence quand le praticien perçoit et accompagne manuellement le mouvement

10
idem
11
idem

6
tissulaire du corps : « Lorsque la main du thérapeute suit le mouvement tissulaire, c’est un
véritable dialogue qui s’engage entre le thérapeute et le Sensible du corps, dialogue fondé sur
un langage silencieux »12 (Bois, 2006, p. 71). Ce dialogue silencieux possède son propre
langage : son rythme, sa résistance, sa forme, sa tonalité, son amplitude, ses orientations et sa
profondeur. La capacité à dialoguer, à suivre, à accompagner, et à répondre à ce langage
intérieur du corps caractérise la technique d’entretien tissulaire. La main ne touche pas un
corps objet, mais elle touche la personne dans sa totalité somatique et psychique. Comme le
précise Bois, l’entretien tissulaire est une rencontre, un dialogue avec l’être humain dans son
corps : « Lorsqu’on touche un corps, on ne touche pas seulement un organisme mais une
personne dans sa totalité ; on ne s’adresse pas à un cœur, un foie, un os, mais à un être
vivant, avec ses peurs comme avec sa potentialité »13 (2006, p. 72). Le toucher de relation
devient ainsi une manière tangible de dialoguer profondément avec la vie incarnée de la
personne.

L’entretien tissulaire, rendre la parole au corps

L’entretien tissulaire, en suscitant la confidence du corps, devient pour le fasciathérapeute un


moyen de rendre la parole au corps, d’entendre ce qu’il a à dire. Sous les mains du
fasciathérapeute, le corps peut ainsi parfois exprimer ce que la personne n’ose pas ou ne peut
pas dire avec les mots. En tant que thérapeute manuel, nous avons la possibilité d’entendre la
plainte du corps ; celle-ci, le plus souvent, n’est pas entendue par le psychologue parce que
dite à travers le langage tissulaire et pas à travers le langage verbal. Elle doit pourtant être
entendue et comprise. Le fasciathérapeute est un véritable « psychologue tissulaire »,
favorisant à travers son toucher de relation la libération des non-dits des tissus.

• L’ENTRETIEN TISSULAIRE : AU CARREFOUR DU CORPS ET DU


PSYCHISME

Le toucher psychotonique

Dans une relation d’aide, il n’est pas possible de faire l’économie de la question du rapport
entre le corps et le psychisme pour prendre en compte la personne dans sa globalité. La
fasciathérapie aborde cette articulation entre le corps et le psychisme à travers le toucher
psychotonique. Le terme ‘psychotonus’ est plus large que celui de ‘tonus’ et laisse entrevoir
la réalité d’une relation entre le psychisme et le corps. Cette notion de psychotonus est

12
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui
13
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui

7
indispensable pour comprendre que l’entretien tissulaire s’adresse simultanément au corps et
au psychisme sans les séparer. Le schéma suivant situe le tonus au carrefour de l’unité
corps/psychisme.

Figure 2
Le psychotonus et la trilogie corps/tonus/psychisme

Tonus

Mouvement

Psychisme Corps

Ce schéma nous montre à la fois le dialogue et la relation entre le physique et le psychique : le tonus
constitue le lieu de rencontre entre ces deux parties de la personne. Le mouvement contient dans sa
trame tonique cette unité corps/psychisme.

Le tonus en kinésithérapie

Si le tonus est abordé en kinésithérapie, c’est le plus souvent en tant qu’activité


physiologique, pour son rôle dans le maintien de la posture et de l’équilibre, ainsi que dans la
gestion et la coordination du mouvement. Cette activité qui sous-tend tous les mouvements et
tous les gestes est réputée pour être non consciente et automatisée. On reconnaît cependant
que cette activité tonique exprime une forme d’intelligence du corps.

Le tonus en psychologie

Le tonus est également abordé en psychologie pour son rôle dans la relation interhumaine et
plus particulièrement comme un mode de communication non-verbale : « (…) La fonction
tonique se situe au cœur de ce vaste carrefour psychophysiologique et sous-tend toutes les
formes de communication possibles »14 (Lemaire, 1964, p. 45). Le tonus est ainsi partie
prenante de la relation par la présence d’un « dialogue tonique » (Wallon; de Ajuriaguerra).
Ce mode de communication corporel, non-verbal, qui se construit pendant l’enfance, persiste
chez l’adulte, participant pleinement et de façon non-consciente à tous les modes de
communication : (…) Moi et l’Autre nous sommes un, habillés de peau et palpitant de

14
La relaxation, Paris : PBP

8
muscles, surface et profondeur, corps qui questionne et corps qui répond. Nous sommes reflet
de notre double… Moi l’autre… l’alter et l’ego. » (de Ajuriaguerra, cité par Roux, 2000, p.
11).

Toujours en psychologie, le tonus permet également de comprendre les liens entre le corps et
le psychisme et plus particulièrement entre les émotions, le caractère et le corps. Le tonus
comprend une part affective en donnant corps à l’émotion : « Ainsi, l’émotion comprend une
participation psychique affective et une manifestation tonique. On peut dire qu’il n’y a pas
d’émotion sans une certaine expression somatique tonique »15 (Lemaire, 1964, p. 43). Si l’on
en croit De Ajuriaguerra et Reich, ces réactions toniques sont inscrites profondément dans le
corps et dans l’histoire de la personne constituant même la trame de sa personnalité : « Il y a
ainsi une histoire du fond tonique et des réactions toniques correspondant à celle de la
formation de la personnalité »16 (Bernard, 1995, p. 63). Il semble bien que le tonus constitue
une sorte de matériau à mémoire qui contient nos relations affectives premières et sert de base
et de support à tous nos modes d’expression et de communication.

Le psychotonus en fasciathérapie

Pour Bois, le psychotonus renvoie à cette communication non-verbale et à cette construction


psychoaffective mais, pour lui, il est également un témoin de l’adaptabilité somatique et
psychique de la personne. Le terme psychotonus renvoie ici à une force interne, à une
potentialité qui permet à la personne de s’adapter dans le présent aux situations imprévisibles.
Pour Bois, toujours, cette activité tonique est la réaction naturelle et simultanée du corps et du
psychisme face à une situation inhabituelle et inconnue : « J’émets l’hypothèse que ce
psychotonus est dévoué à l’immédiateté et à l’imprévisible et traduit la force d’adaptabilité
physique et psychique d’une personne »17 (Bois cité par Courraud, 2004, 2005). Une thérapie
manuelle qui introduit dans son geste thérapeutique le toucher psychotonique est une thérapie
qui ne s’adresse plus seulement au corps, mais aussi à la personne dans sa totalité mentale et
physique : c’est dans ces conditions que la fasciathérapie mérite son appellation de thérapie
centrée sur la personne. Le schéma qui suit résume les différents aspects de la fonction
psychotonique et son importance dans le geste thérapeutique.

15
idem
16
Le corps, Paris : Le seuil
17
La fasciathérapie somatologie : le toucher psychotonique, revue SNKG, juillet-août-septembre

9
Figure 3
Psychotonus et geste thérapeutique : la trilogie adaptabilité-relation-identité

Adaptabilité somato- Relation


psychique Psychotonus non verbale
Support de
l’identité corporelle

Les propriétés de la fonction psychotonique et son importance dans geste thérapeutique : relation
non-verbale, support de l’identité corporelle et force d’adaptabilité somatique et psychique.

• L’ENTRETIEN TISSULAIRE : UN DIALOGUE AVEC LE CORPS SENSIBLE

Le corps dans la relation d’aide

En associant toucher psychotonique et relation d’aide, nous nous inscrivons dans le champ
des thérapies qui introduisent le corps dans l’accompagnement de la personne. La relation
d’aide psychologique, bien que ne faisant que peu référence au tonus, introduit également le
corps ou plutôt l’organisme dans sa démarche thérapeutique. C. Rogers utilise le terme
« organismique » pour désigner la personne entière en relation avec son environnement : le
terme organismique « ne renvoie pas seulement à la structure physique et biologique de
l’individu (corps et cerveau), mais à l’individu en tant que totalité psychophysique,
interagissant comme un tout avec son environnement »18 (Note du traducteur, in Rogers,
1998, p. 19). Pour Gendlin, la notion d’« organisme » renvoie à une expérience
corporellement vécue : « La globalité organismique concerne l’expérience vivante de la
personne, en interaction avec son environnement. Elle se donne comme expérience subjective
immédiate ressentie corporellement (experiencing) »19 (Lamboy, 2003, p. 162).

Le corps Sensible

Bois, de son côté, a choisi le terme de « corps Sensible » pour rendre compte de la
dimension Sensible et expérientielle qui caractérise l’organisme vivant. Le terme Sensible
renvoie de façon prioritaire à la perception d’une présence à soi incarnée et conscientisée :
« Dans cette vision, il n’y a pas de (re) connaissance de soi sans le sentiment intérieur et
continu d’une coexistence vivante et actuelle de soi et de son corps, de soi dans son corps.
Ainsi le corps Sensible est-il le lieu d’émergence perpétuelle d’une forme singulière de

18
Le développement de la personne, Paris, Dunod
19
Devenir qui je suis, Une autre approche de la personne, Paris, Desclées de Brouwer

10
rapport entre soi et soi, qui devient le primat du rapport entre soi et le monde. » (Austry et
Bois, 2007, p. 10). La fasciathérapie fait référence à ce corps Sensible pour construire sa
relation d’aide à la personne. Le toucher de relation aide le patient à faire l’expérience de
cette présence à soi dans son corps : « La relation au Sensible, telle que nous l’entrevoyons,
est née d’un contact direct avec le corps. C’est à travers le toucher manuel que s’est élaborée
la donnée d’un Sensible incarné »20 (Bois, 2007, p. 55).

• L’ENTRETIEN TISSULAIRE : À L’ÉCOUTE DU MOUVEMENT INTERNE

Un principe de santé physique et psychique

L’entretien tissulaire se construit sur le dialogue silencieux avec le « mouvement


interne », qui porte en lui une puissance de vie, un principe dynamique, une force de
renouvellement et de santé incarnée dans le corps. Selon Bois, ce mouvement interne
constitue à la fois une force de résolution tissulaire et une véritable puissance d’autorégulation
psychique : « Nous abordons le mouvement interne comme une animation de la profondeur de
la matière portant en elle une force qui participe non seulement à la régulation de
l’organisme, mais aussi à l’équilibre du psychisme »21 (Austry et Bois, 2007, p.8).

Une force de renouvellement et d’actualisation

Cette mouvance interne participe également à rendre le corps plus humain et à rapprocher le
patient de lui-même. Pour Bois, « Le contact avec le mouvement interne produit des
changements intérieurs permanents, à travers lesquels on se découvre plus humain, plus
proche de soi »22 (2006, p. 22). La relation d’aide manuelle par le média du mouvement
interne constitue donc de notre point de vue une manière de toucher la partie la plus profonde,
la plus ‘positive’ et la meilleure de la personne. Elle est également le moyen par lequel la
personne peut ‘toucher’, épouser et se laisser guider par le mouvement interne de sa vie qui se
déroule dans son corps. Cette posture nous rapproche de la psychologie humaniste qui postule
une potentialité humaine, tendant vers l’actualisation et l’autoréalisation de la partie la
meilleure de soi-même : « Synthétiser les définitions issues des différents courants de la
psychothérapie fait apparaître la notion d’une “ force intérieure“, marquée par son
caractère mouvant, changeant, Sensible, par opposition à tout ce qui semble fixe, rigide ou

20
Le corps Sensible et la transformation des représentations chez l’adulte : vers un accompagnement perceptivo
cognitif à médiation du corps Sensible, thèse de doctorat européen, université de Séville
21
Vers l’émergence du paradigme du Sensible, in Réciprocités, Nº 1, Éditions Point d’Appui et CERAP
22
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui

11
systématique ; un principe actif mû par une “volonté de santé“. Un principe antérieur aux
idées de bien et de mal »23 (Bois, 2006, p. 32).
Pour résumer la place du mouvement interne dans le processus de relation d’aide manuelle,
on peut reprendre les propos de Bois issus de son livre Le Moi renouvelé: « Le mouvement
interne devint ainsi progressivement le support premier de notre approche
“psychothérapeutique“ (…) C’est à travers lui que la personne apprend de son intériorité » 24
(Bois, 2006, p. 37). Le mouvement interne apparaît ainsi véritablement comme une force de
croissance, de formation et d’actualisation de la personne.

• LA RÉCIPROCITÉ ACTUANTE : UNE POSTURE DANS L’ENTRETIEN


TISSULAIRE

L’importance de la posture et de l’attitude du praticien

On doit à C. Rogers, d’avoir abordé la question de la relation entre le praticien et le patient


dans le processus thérapeutique et d’avoir réfléchi aux conditions favorables au bon
déroulement d’une psychothérapie. Pour lui, l’attitude du praticien détermine en grande
partie le déroulement du processus thérapeutique et l’efficacité de la thérapie. Par sa
manière d’être, le praticien parvient à créer un climat de confiance propice au déroulement
fluide et coopératif du soin : « Les attitudes et les sentiments du thérapeute importent bien
plus que son orientation théorique. Ses processus et ses techniques sont moins importants que
ses attitudes »25 (Rogers, 1998, p. 31).
La posture dans la relation d’aide psychologique se caractérise donc essentiellement par une
qualité de relation humaine : « J’ai depuis longtemps acquis la conviction profonde que les
relations thérapeutiques ne sont qu’une forme des relations interpersonnelles, en général, et
que les mêmes lois régissent toutes les relations de ce genre »26 (Rogers, 1998, p. 27).
Proposer une relation d’aide à une personne, c’est créer les conditions pour que la personne se
sente reconnue, validée, entendue et comprise. Cela fait donc appel à d’autres compétences
que celles que développe le praticien-technicien. C. Rogers, dans l’Approche Centrée sur la
Personne, a défini les trois attitudes de base qui permettent de construire une relation d’aide :
empathie, congruence et regard positif inconditionnel.

23
idem
24
idem
25
Le développement de la personne, Paris, Dunod
26
Idem

12
L’entretien tissulaire : une empathie corporéisée

En fasciathérapie, l’entretien tissulaire sert de support à la relation d’aide parce que c’est un
instrument privilégié de l’accordage entre le patient et le thérapeute. À travers le dialogue
tissulaire, le fasciathérapeute crée un lien avec son patient et ce dernier en fait de même avec
son thérapeute. Une empathie, une ‘communication organique’ et un échange tissulaire, non-
verbaux mais conscients, s’installent ainsi entre les deux personnes. Le dialogue tissulaire
constitue ainsi la toile de fond relationnelle du geste thérapeutique manuel. Cette forme de
dialogue manuel donne naissance à une nouvelle manière de construire et de concevoir
l’empathie : « L’empathie dont je parle repose sur l’éprouvé corporel avant tout : l’éprouvé
de son propre corps et l’éprouvé du corps de l’autre. La compréhension intellectuelle
réciproque sera une conséquence – heureuse, certes- de l’empathie du Sensible, en aucun cas
le point de départ de la relation. »27 (Bois, 2006, p. 139). Avant toute compréhension
intellectuelle, le praticien éprouve consciemment et simultanément ce qui se passe dans le
patient à travers son toucher et ce qui se passe en lui à travers son propre corps. Il éprouve
ainsi la qualité du climat thérapeutique qui accompagne le geste thérapeutique : profondeur,
amplitude, émotion, calme, intensité, etc. sont ainsi vécus avant d’être intellectualisés.

Un éprouvé de présence en réciprocité

Cette qualité d’éprouvé ne concerne pas seulement le praticien. Si le thérapeute perçoit ce qui
se passe dans le patient grâce à une résonance interne, le patient ressent également ce que le
praticien déclenche à l’intérieur de lui. On assiste finalement à une nouvelle manière d’être en
relation, puisque les deux acteurs sont conscients en même temps de ce qui se passe dans leur
propre corps et dans le corps de l’autre. Le terme réciprocité désigne pour Bois cette forme
particulière d’empathie : « réciprocité parce que patient et thérapeute sont aussi bien en
relation avec leur propre Sensible qu’en relation l’un avec l’autre »28 (Bois, 2006, p. 139)
Les deux acteurs qui s’éprouvent ainsi en même temps dans cette qualité de relation se
rencontrent en faisant l’expérience de leur propre présence et de la présence de l’autre :
« l’asymétrie patient-thérapeute s’efface au profit d’une communauté de présence »29 (Bois,
2006, p. 139). On comprend ainsi que l’entretien tissulaire puisse servir de support pour
trouver la bonne distance entre thérapeute et patient, en actualisant présence à soi et présence
à l’autre.

27
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui
28
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui
29
Idem

13
• LA MAIN SENSIBLE : UNE QUALITÉ DE PRÉSENCE DANS L’ENTRETIEN
TISSULAIRE

Une présence à la subjectivité tissulaire

L’entretien tissulaire requiert véritablement une forme particulière de sensibilité qui dépasse
la perception tactile ou proprioceptive. Cette « habileté perceptive manuelle » implique le
praticien en convoquant chez lui une qualité d’attention et de présence à son geste
thérapeutique. Cet entretien demande une réelle capacité d’écoute et de perception des
moindres variations de la vie tissulaire, afin d’accompagner au plus près et de répondre de
façon la plus juste et la plus adaptée possible à la demande profonde du corps de la personne.
En effet, le praticien ne perçoit pas uniquement le déplacement tissulaire objectif (mobilité,
densité, contracture, tension) mais accueille la subjectivité qui émerge de son geste
thérapeutique : « À ce stade d’accompagnement, il est proposé d’associer au geste objectif
une écoute de la subjectivité émergente : la qualité de la lenteur du voyage, la pression
adéquate, le respect des orientations tissulaires qui se donnent sous la main, la perception
des modulations psychotoniques tissulaires, la perception des effets tissulaires en relation
avec la sphère psychique et émotionnelle de la personne »30 (Bourhis, 2007, p. 58). Cette
qualité de présence et d’attention à la subjectivité tissulaire demande une réelle implication
perceptive de la part du praticien.

De la main effectrice à la main Sensible

Parler de toucher de relation, c’est donc faire appel à une qualité de présence au sein du geste
thérapeutique : le patient a l’intention d’être présent à son geste et d’être à l’écoute des effets
qu’il déclenche. H. Bourhis (op. cité), dans ses travaux de recherche sur La potentialité
perceptive et le geste pédagogique, a mis en relief l’importance de développer les potentialités
perceptives pour améliorer la présence à la subjectivité tissulaire. En mobilisant ses
ressources attentionnelles, le praticien découvre ainsi différents niveaux et modes de
perception manuelle. Le terrain pratique de notre recherche s’appuyait sur ce modèle pour
proposer évoluer le statut de la main du thérapeute manuel afin de faciliter le passage d’une
main technicienne vers une main de relation.
En effet, la plupart des professionnels de la thérapie manuelle ont développé une main
effectrice qui demande avant tout un engagement technique mais ne nécessite pas une très

30
Pédagogie du Sensible et enrichissement des potentialités perceptives, Mémoire de master 2 recherche :
Éducation tout au long de la vie, Paris 8

14
grande qualité de présence. Dans le cadre de la fasciathérapie, nous faisons évoluer ce statut
de la main en développant ce que nous appelons la main Sensible. Si nous nous référons au
tableau ci-dessous, nous pouvons observer les différents types de main en fonction de
l’engagement perceptif et de la profondeur de l’attention convoquée. La main percevante
exige une qualité de présence plus attentionnée que la main effectrice, elle permet d’entrer en
relation avec la modulation tissulaire. La main Sensible, quant à elle, engage le praticien dans
une implication attentionnelle plus totale servant de base à la réciprocité actuante. Cette main
Sensible ouvre véritablement l’accès au dialogue tissulaire : le praticien peut réguler en temps
réel son geste thérapeutique en fonction des effets subjectifs qu’il réceptionne.

La main Sensible, un toucher impliquant et émouvant

Chaque niveau de main implique le patient de manière différente : si la main effectrice est
centrée sur le symptôme et sa stratégie pour le résoudre, la main percevante est centrée sur le
corps du patient à travers l’attention aux changements internes qui s’y produisent. La main
Sensible, quant à elle, accompagne en temps réel le dialogue tissulaire dans une réciprocité
évolutive qui épouse les variations toniques et psychiques du patient. Elle touche la personne,
qui se sent alors impliquée, concernée. Quant au praticien, il est lui aussi touché par le patient.
Nous sommes au coeur d’une rencontre touchante car émouvante.

Tableau 1
Les différents niveaux de présence, leurs impacts sur la sollicitation de la personne

Présence de faible niveau Présence de niveau moyen Présence de haut niveau

Main effectrice Main percevante Main Sensible

Toucher « technique » Toucher de relation tonique Toucher de relation psychotonique

Toucher non impliquant s’adressant Toucher impliquant sur le mode Toucher de réciprocité
au corps objet tonique sans que la personne soit Le praticien et le patient interagissent
consciente des effets du traitement en conscience

Attention aux symptômes Attention portée sur la modulation Attention du thérapeute et du patient
tonique tissulaire portée sur les effets physiques et
psychiques du toucher

Toucher symptomatique : prises, Toucher de relation centré sur la Toucher de relation centré sur la
stratégies thérapeutiques personne et non plus seulement sur personne impliquée et concernée
le tissu psychiquement et émotionnellement

15
L’ACCORDAGE SOMATO-PSYCHIQUE MANUEL : UNE
CONSÉQUANCE DE L’ENTRETIEN TISSULAIRE

• L’ACCORDAGE SOMATO-PSYCHIQUE : RÉUNIFIER LE CORPS ET


L’ESPRIT

Réunifier des parties de soi

En fasciathérapie, l’entretien tissulaire construit un espace relationnel profond dans le contact


non-verbal avec le patient. Cet entretien tissulaire est également la méthode thérapeutique et
pédagogique qui sert de support à l’accordage somato-psychique. L’accordage somato-
psychique, tel qu’il a été décrit par Bois, a pour principal objectif de recréer ou de créer des
liens entre différentes parties de la personne. Il l’aide à se recentrer sur elle-même en lui
donnant accès à différentes couches de son être. L’accordage somato-psychique se fait ainsi
de façon progressive et à plusieurs niveaux. Il s’agit d’abord d’accorder le corps et le
psychisme, pour ensuite relier le monde du ressenti corporel avec celui de la pensée pour
enfin permettre à la personne d’être congruente entre sa perception d’elle-même et son
action : « L’ambition, (…) est de reconstruire l’unité entre le corps et le psychisme. J’ai
appelé cette reconstruction accordage somato-psychique : accordage entre la personne et son
corps, accordage entre la personne et ses propres pensées, accordage entre la personne et ses
comportements. »31 (Bois, p. 101, 2006). Nous constatons que la notion d’accordage renvoie à
un véritable accompagnement de la personne qui démarre avec la modulation psychotonique
pour aller jusqu’à la mise en sens et en action de son ressenti corporel.

La notion d’accordage dans la relation d’aide psychologique

La notion d’accordage s’inscrit fort bien dans le champ de la relation d’aide psychologique.
Ce terme est développé par exemple par B. Lamboy, psychologue et formatrice en
« focusing », pour expliquer comment la personne peut s’appuyer sur son « sens corporel »
(Gendlin, 2006) pour mettre en mouvement sa réflexion. Il s’agit ici d’un accordage interne
qui permet d’obtenir une congruence entre ce que la personne pense d’une situation donnée et
ce que son corps lui en fait ressentir et comprendre. Le but est d’accorder le corps et le
psychisme par un aller-retour (« holo-mouvement ») entre les perceptions corporelles et les
31
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui

16
pensées, les attitudes et les comportements : « La base de l’accordage est la référence
expérientielle : ce que je ressens de manière organismique me guide pour ajuster ma position,
revoir une pensée, un comportement, évaluer ce qui est approprié ou non »32 (Lamboy, 2003,
p. 227). Le terme accordage renvoie ainsi à cette possibilité d’accorder le corps et le
psychisme sur la base d’une écoute et d’une sensibilité à l’expérience et au vécu corporel.

L’accordage somato-psychique : priorité à la relation au corps Sensible

En fasciathérapie, la notion d’accordage somato-psychique passe d’abord par la construction


d’une qualité de relation au corps Sensible. Cette forme d’accordage se fait par une
reconquête perceptive de l’ensemble des parties du corps, de la périphérie à la profondeur et
de la tête au pied. La reconstruction de la relation au corps est la clé de la relation à soi : « Le
but de l’accordage somato-psychique est d’installer chez la personne un profond sentiment
d’unification entre toutes ses parties : d’abord entre les parties de son corps (…) puis, aussi
et surtout entre toutes les parties de son être. »33 (Bois, 2006, p. 103). L’accordage somato-
psychique est donc un préalable à toute approche expérientielle et à toute mise en sens des
vécus corporels. Il modifie en effet profondément le champ psychique de la personne, la
qualité de son éprouvé corporel, son attention, la nature de ses perception et de ses sensations
internes ainsi que la relation à soi. L’accordage somato-psychique ouvre ainsi l’accès au corps
Sensible et crée les conditions d’une expérience corporelle hautement signifiante : « Le corps
Sensible devient alors en lui-même, un lieu d’articulation entre perception et pensée, au sens
où l’expérience Sensible dévoile une signification qui peut être saisie en temps réel et intégrée
ensuite aux schèmes d’accueil cognitifs existants, dans une éventuelle transformation de leurs
contours. »34 (Berger, 2005, p. 60).

Les phases de l’accordage somato-psychique

En pratique, l’accordage somato-psychique comprend différentes phases qui vont de


l’entretien tissulaire centré sur la régulation tonique, à l’entretien verbal axé sur la mise en
mots de l’expérience corporelle. Nous allons maintenant décrire les différentes étapes de cette
démarche thérapeutique qui vont permettre au patient de se percevoir afin de mieux faire
l’expérience de lui-même. Cette démarche est autant pédagogique que thérapeutique : le
praticien doit apprendre à son patient à affiner sa perception, puis doit l’aider à ressentir et à

32
Devenir qui je suis, Une autre approche de la personne, Paris, Desclées de Brouwer
33
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui
34
Le corps Sensible : quelle place dans la recherche en formation ? In C. Delory-Momberger (dir.). Pratiques de
formation, Corps et formation, St Denis : Université de Paris 8. pp. 51- 64

17
tirer du sens de ce qu’il éprouve dans son corps. Pour D. Bois : « Les deux étapes sont
indispensables : vivre les sensations perçues dans son corps et analyser la pensée, sans qui
nulle action n’est possible. Dans la démarche que je propose, les sensations internes offrent à
éprouver ce que la pensée met en action »35 (2002, pp. 66-67). Il s’agit à la fois de penser à
partir de ce qui est éprouvé et d’éprouver ce qui est pensé et ou mis en action.

• L’ACCORDAGE SOMATO-PSYCHIQUE MANUEL : ACCORDER LE


PSYCHOTONUS

Le point d’appui manuel et la modulation psychotonique

Le premier temps de l’accordage somato-psychique est manuel. Il exige la maîtrise du toucher


de relation et du toucher psychotonique. Le but du geste thérapeutique est ici d’obtenir
l’harmonisation et la modulation du psychotonus. Cette « modulation psychotonique » (Bois,
2006) apparaît au moment du point d’appui manuel et sollicite sans les séparer le tonus
physique et le tonus psychique. L’entretien tissulaire comprend ainsi deux temps distincts
mais indissociables : « En pratique, ce dialogue silencieux comprend deux phases : la
première, dynamique, consiste en un accompagnement manuel méthodique des différentes
orientations et amplitudes du mouvement interne qui s’offre dans le tissu ; la seconde,
correspond au point d'appui, arrêt circonstancié du mouvement interne, appliqué au bon
endroit, au bon moment, et avec la bonne pression »36 (Bois, 2006, p. 72). La qualité et
l’efficacité de l’accordage somato-psychique manuel reposent sur la capacité du praticien à
solliciter le tissu au bon moment, avec la pression juste, dans l’orientation et l’amplitude
souhaitées par le corps, c’est-à-dire dans le respect de la demande profonde du corps.

La lecture de la modulation psychotonique

La lecture du point d’appui manuel est indispensable pour construire l’entretien tissulaire et
accompagner la personne : le point d’appui indique au thérapeute si son geste thérapeutique
est adapté ou non. La lecture et l’évaluation de la réponse au point d’appui se font à travers
l’analyse de la modulation psychotonique : son délai d’apparition, sa durée, son intensité, son
seuil maximum et son effondrement ou relâchement.

Le délai d’apparition de la réponse tonique apparaît entre le moment du point d’appui et

35
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui
36
Idem

18
l’apparition de la tension tonique : cette tension qui apparaît sous la main traduit l’implication
tonique et psychique de la personne dans le processus thérapeutique.

L’étendue de la réponse tonique correspond à la « contagion tonique » : plus la réponse


tonique est globale, plus grande est la participation de la personne à son processus curatif.

L’intensité de la réponse tonique correspond au degré d’implication de la personne dans son


processus thérapeutique : le patient est touché par ce qu’il ressent dans son corps.

Le seuil maximum de la réponse répond à la tension psychotonique maximale et traduit une


confrontation entre la force de renouvellement de la personne et la force de préservation,
c'est-à-dire sa résistance au changement.

L’effondrement ou « résolution psychotonique » correspond à « un relâchement tonique


donnant lieu à un mouvement interne de résolution de la résistance tissulaire et cognitive »37
(Bourhis, 2007, p. 50). Cette phase donne naissance au mouvement tonique qui traduit le
changement de la structure psychotonique de la personne.

Figure 4
Le dialogue psychotonique manuel
Courbe d’évolution du point d’appui psychotonique
selon le Pr. Danis Bois

Seuil maximum
de la réponse tonique

Étendue et intensité
de la réponse tonique Relâchement-Effondrement
Résolution tonique

Point d’appui
Délai d’apparition de Mouvement tonique
la tension tonique

Cette figure illustre l’évolution de la tension tonique au cours du point d’appui manuel. La réponse tonique
perçue sous les mains traduit la participation physique et psychique de la personne. Les différentes phases
illustrées dans la figure (délai d’apparition, étendue et intensité de la réponse, seuil maximum, relâchement,
mouvement tonique) forment le temps du dialogue psychotonique et le coeur du dialogue tissulaire. L’accordage
somato-psychique se fait au moment du relâchement tonique.

37
Pédagogie du Sensible et enrichissement des potentialités perceptives, Mémoire de master 2 recherche :
Éducation tout au long de la vie, Paris 8

19
De la modulation psycho-tonique à la présence à soi

L’entretien tissulaire qui sollicite la modulation tonique est un entretien thérapeutique qui
transforme profondément l’état somatique et psychique de la personne ; le point d’appui
manuel reconfigure l’architecture psychotonique. La personne passe alors progressivement
d’un état de tension à un état de relâchement. Ce changement d’état global, physique, tonique
et psychique, s’inscrit chez les patients dans un processus de découverte appelé la spirale
processuelle du rapport au Sensible (Bois, 2007) : au cours de l’accordage somato-psychique
manuel, les patients décrivent un état de chaleur, de profondeur, de globalité, de présence à
soi et de sentiment d’exister38 (Courraud, 2007, Cencig, 2007). L’entretien tissulaire qui
sollicite cette modulation psychotonique reconstruit la relation à soi. Le point d’appui manuel
doit ainsi être considéré comme un moment de reconfiguration de la relation à soi.

• L’ACCORDAGE SOMATO-PSYCHIQUE MANUEL : UNE


EXPÉRIENCE EXTRA-QUOTIDIENNE

L’accordage somato-psychique manuel est profondément thérapeutique parce qu’il transforme


le tonus somatique et psychique de la personne. Il constitue aussi pour nous les conditions de
l’émergence d’une nouvelle expérience de soi et de référence à soi, que le patient va peu à peu
apprendre à découvrir et à s’approprier avec l’aide du praticien.

Guider l’attention du patient vers l’intérieur

Allons plus loin : le praticien, au cours de l’accordage somato-psychique manuel, fait une
médiation pédagogique en conviant le patient à poser son attention sur les changements
intérieurs produits par l’entretien tissulaire : « Le thérapeute prend en compte ces modulations
et les harmonise au fil du traitement ; le patient, quant à lui, est invité à les percevoir et, par
la voie de l’éprouvé, à en comprendre la signification »39 (Bois, 2006, p. 142). La relation
d’aide manuelle par le toucher psychotonique ne se limite donc pas seulement à la régulation
du tonus, mais introduit une dimension pédagogique. Le praticien demande à son patient de
fermer les yeux et de se mettre à l’écoute des changements qui apparaissent au cours du
traitement : « Avant la phase verbale proprement dite, le praticien guide par la voix son

38
Résultats de recherche : Toucher psychotonique et relation d’aide, Mestrado en Psychopédagogie perceptive,
Université Moderne de Lisbonne
39
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui

20
patient à poser son attention sur les phénomènes dominants qui se dégagent du fond
perceptif. Cette étape constitue le premier éveil de la conscience du patient constamment
sollicité à percevoir telle zone de son corps, telle manifestation interne et notamment la
vitesse et l’orientation du mouvement interne qui circule dans la profondeur du corps. »40
(Rosenberg, 2007, p. 48)

Faire l’expérience de soi en s’éprouvant dans son corps

Le patient est donc invité à faire une conversion de son attention vers son intériorité
corporelle dans une forme d’introspection guidée à la fois par l’entretien tissulaire et la voix
du thérapeute. À l’entretien tissulaire s’ajoute ainsi un guidage verbal orienté vers les
perceptions internes qui émergent du dialogue tissulaire. Ce processus pédagogique implique
plus profondément le patient : ce dernier devient plus présent à lui, développe une écoute de
ce qui se passe en lui. Ce temps de guidage verbal en temps réel de l’entretien tissulaire a été
largement décrit par Rosenberg (op. cit.). Indépendamment des effets thérapeutiques de la
régulation tonique, le patient est alors conduit sur le chemin de l’expérience de lui-même en
s’éprouvant dans son corps. L’entretien tissulaire conduit ainsi la personne à faire
l’expérience d’elle-même dans des conditions appelées « extra-quotidiennes » (Bois,
2007) parce qu’elles convoquent un rapport au corps et une attention inhabituelle : « La mise
en situation extra-quotidienne est ainsi nommée par opposition à (ou en complément de)
l’expérience puisée dans la vie quotidienne, cette dernière se caractérisant à la fois par son
cadre habituel de déroulement et par une attitude naturelle envers cette expérience.(…) On
voit d’emblée que les conditions extra-quotidiennes servent à produire des perceptions
inédites. C’est cet inédit qui crée l’étonnement, qui fait que l’expérience interne va pouvoir
devenir une motivation en soi, qu’un intérêt va se dessiner de la part de la personne pour des
aspects d’elle-même et de son expérience qu’elle ne connaissait pas jusque-là. »41 (Bois,
2007, p. 75).

L’accordage somato-psychique installe un nouveau rapport du patient à son corps et prépare


la personne à engager une réflexion autour des contenus de vécu qui sont produits par
l’accordage. L’accordage somato-psychique favorise ainsi le retour à une expérience interne

40
Le statut de la parole du Sensible, mémoire de mestrado en psychopédagogie perceptive, Université Moderne
de Lisbonne
41
Le corps Sensible et la transformation des représentations chez l’adulte : vers un accompagnement perceptivo
cognitif à médiation du corps Sensible, thèse de doctorat européen, université de Séville

21
et invite à une réflexion centrée sur cette expérience corporéisée : « Ainsi peut s’installer un
renouvellement du rapport à son corps, ainsi que le retour à une certaine qualité réflexive
autour de l’expérience. »42 (Bois, 2005, p.18).

• L’ACCORDAGE SOMATO-PSYCHIQUE MANUEL : UN CADRE


D’EXPÉRIENCE FORMATRICE

L’accordage somato-psychique et la mise en mots de l’expérience

Rosenberg indique que l’accordage somato-psychique est effectué avant la mise en mots de
l’expérience et il constitue même un moyen de faire émerger des contenus de vécus qui ne se
donneraient pas en l’absence de cet accordage : « Nous devons insister fortement sur
l’importance de l’accordage somato-psychique manuel qui précède la « verbalité » (c'est-à-
dire une parole qui nait du rapport au Sensible). Nous militons pour l’idée que cet accordage
influence considérablement la phase de verbalisation. En effet, grâce à elle le patient accède
à un terreau de contenus de vécu et de conscience corporels très amplifiés. Ce mode
d’accordage somato-psychique est donc générateur de vécus qui ne se donneraient pas en son
absence. Ensuite, l’accordage somato-psychique permet, comme son nom l’indique, de créer
le lien entre le psychisme et le corps en développant les ressources attentionnelles du patient.
Il découvre alors un vaste champ de perception qui devient le terreau fertile d’informations
internes nourrissant autant le sentiment de soi que la vie réflexive. »43 (Rosenberg, 2007, p.
46-47).
L’entretien tissulaire qui s’appuie sur l’accordage somato-psychique permet ainsi de faire
émerger à la conscience des contenus de vécus qui viendront prendre place dans la réflexion
de la personne. On constate alors qu’un entretien tissulaire bien construit est générateur de
connaissances pour la personne. Dans le cadre de la relation d’aide manuelle, l’entretien
tissulaire doit ainsi être entrevu comme une technique préparatoire qui installe un cadre
d’expérience depuis lequel la personne va engager une démarche réflexive et compréhensive
enracinée dans sa subjectivité corporelle : « Le développement de la relation d’aide manuelle
doit donc ici être entrevu comme installation d’un terrain d’expérience pour le patient dans
lequel il se verra proposer de déployer une activité réflexive. »44 (Rosenberg, 2007, p. 47).

42
Corps Sensible et transformation des représentations : propositions pour un modèle perceptivo-cognitif de la
formation. Tesina en didactique et organisation des institutions éducatives, Université de Séville
43
Le statut de la parole du Sensible, mémoire de mestrado en psychopédagogie perceptive, Université Moderne
de Lisbonne
44
Idem

22
La dimension verbale dans l’accordage somato-psychique

Le patient peut alors prendre conscience que le corps porte en lui un langage, un sens à partir
duquel on peut se sentir plus proche de soi et réfléchir autrement en apprenant de son corps.
L’accordage somato-psychique contient une dimension formatrice parce qu’il aide la
personne à apprendre de son corps : « Le thérapeute, grâce à l’expérience qu’il a acquise
dans l’écoute interne, capte cette demande silencieuse du corps. C’est à partir d’elle que la
personne peut prendre conscience du fait que son corps a des exigences de santé qu’elle
ignore »45 (Bois, 2006, p. 75).
L’entretien tissulaire ne peut donc exclure du soin la dimension verbale. Une fois l’entretien
tissulaire réalisé, le praticien engage une technique destinée à faire émerger la parole. Cet
« entretien expérientiel à médiation corporelle » basé sur la « directivité informative » (Bois,
2006, Rosenberg, 2007) a été très bien décrit par Rosenberg. Retenons ici que pour interroger
le vécu expérientiel corporel en relation avec l’accordage somato-psychique, le praticien
convoque un espace de parole immédiatement après la séance de fasciathérapie (« entretien
post-immédiat »). Ce dernier favorise une proximité entre l’expérience, son vécu et son
compte-rendu verbal, évitant ainsi une déperdition de la qualité et de la quantité
d’informations vécues pendant le traitement : « Cette pratique mobilise le patient dans sa
capacité à préserver précieusement le lien de relation instauré pendant le temps de
l’accordage manuel. La contemplation des états internes est prise en relais par une analyse
introspective très active. Il s’agit de se remémorer les moments intenses vécus quelques
instants avant, de les questionner sous l’éclairage d’un état nouvellement conquis et qui invite
à voir ou à se représenter les évènements de sa vie à partir du lieu du Sensible. »46
(Rosenberg, 2007, p. 50). On se rend compte à travers ces propos que le patient s’appuie sur
ce qu’il a éprouvé et sur son nouvel état pour se réactualiser dans son présent. L’entretien
tissulaire participe pleinement à la relation d’aide au patient en lui donnant accès à une
connaissance intérieure inédite émergeant de sa profondeur corporelle et en l’aidant à se
reconfigurer à partir d’un lieu nouveau de lui-même enraciné dans le Sensible, c’est-à-dire
dans une présence à soi solide et stable.

45
Le moi renouvelé, Introduction à la somato-psychopédagogie, Point d’appui
46
Le statut de la parole du Sensible, mémoire de mestrado en psychopédagogie perceptive, Université Moderne
de Lisbonne

23
CONCLUSION

La relation d’aide manuelle et l’entretien tissulaire font partie du geste thérapeutique de la


fasciathérapie. Cette manière de pratiquer la thérapie manuelle rompt avec une conception du
soin privilégiant la centration sur le symptôme. Le toucher de relation permet de prendre en
compte la personne dans le geste thérapeutique en étant à l’écoute de la demande profonde de
son corps. Comme nous en avons fait mention en début de cet article, cette forme de relation
d’aide manuelle, qui privilégie le toucher et l’entretien tissulaire vient en complément de la
relation d’aide basée sur l’entretien verbal.
L’entretien tissulaire explore et ouvre les portes de la communication non-verbale entre le
patient et le thérapeute. Le toucher de relation demande alors une qualité de présence et une
posture tout à fait spécifique. Le geste thérapeutique s’appuie sur une main Sensible qui crée
les conditions d’une réciprocité actuante entre le praticien et le patient. À travers la médiation
du toucher psychotonique, l’entretien tissulaire s’adresse à la personne dans sa globalité
corporelle et psychique. Il sert alors de support pour construire l’accordage somato-psychique
et ainsi reconstruire le rapport de la personne à son corps, à ses sensations, à ses pensées et à
ses comportements.
L’entretien tissulaire tel qu’il est pratiqué dans le cadre de la fasciathérapie a une vocation
thérapeutique. En effet, le fasciathérapeute a le plus souvent en charge des personnes qui
souffrent dans leur corps et qui le plus souvent somatisent. La relation d’aide manuelle est un
allié de choix pour soulager toutes ces souffrances enracinées dans la matière du corps. Dans
ce cas l’entretien tissulaire permet de rendre la parole au corps, de l’aider à retrouver sa
vitalité et son expressivité. Le corps peut alors dire ce que les mots ne sauraient exprimer.
L’entretien tissulaire agit principalement pour réactiver ce langage tissulaire, redynamiser des
tonalités endormies, relancer des élans de vie. L’entretien tissulaire a également une
dimension formative. L’accordage somato-psychique mobilise l’attention du patient vers son
intériorité corporelle et offre à la personne l’opportunité d’écouter, d’entendre et d’accueillir
les demandes profondes de son corps. L’entretien tissulaire basé sur le toucher psychotonique
permet d’intégrer dans la thérapie manuelle une dimension relationnelle qui prend en compte
la personne dans sa globalité mentale et physique. Cette approche peut répondre aux
demandes des kinésithérapeutes qui souhaitent développer auprès de leurs patients qui
souffrent de douleurs physiques et psychiques une méthode d’accompagnement qui s’inscrit
pleinement dans le cadre de leur compétence.

i
Enseigner la santé, Technologies de l’action sociale, L’Harmattan

24

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