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Les traditions Bonpo du Dzogchen

Bouddha Tonpa Shenrab

Par Vajranatha

Traduit de l’anglais par Istiqama pour SanghaForum


Dzogchen, les traditions Bonpo et Niyingmapa

Généralement, on trouve les enseignements Dzogchen dans les anciennes écoles tibétaines non-
réformées, Niyingmapa, pour les bouddhistes, et Bonpo, pour les non-bouddhistes. Dans les deux cas,
ces enseignements ont sensiblement la même signification et terminologie. En outre, chaque tradition
se revendique d’une lignée ininterrompue depuis le huitième siècle, voire avant. Les deux écoles
affirment que le Dzogchen n’est pas originaire du Tibet mais qu’il viendrait plutôt d’Asie Centrale
d’où il fut importé ensuite au Tibet central par des maîtres connus sous le nom de Mahasiddhas ou
grands adeptes. Il semblerait donc que les enseignements Dzogchen soient rattachés à deux lignées
anciennes et authentiques, bouddhiste et Bonpo. Ayant déjà traité des origines du Dzogchen selon la
tradition bouddhiste Niyingmapa dans mon livre The Golden Letters, je souhaiterais me consacrer ici à
une étude liminaire de la tradition Bonpo du Dzogchen, connue sous le nom de Shang-shoung Nyan-
gyud. Cette tradition Bonpo revêt une importance toute particulière dans la recherche des origines
historiques du Dzogchen car elle prétend former une tradition orale ininterrompue (snyan-rgyud)
depuis les temps les plus reculés, venant du Shang-shoung, au Tibet occidental. [1]
Bien que certaines histoires tibétaines moyenâgeuses ou modernes, écrites par des moines reclus
décrivent l’ancienne religion du Tibet pré bouddhiste appelée Bon comme un ignoble mélange de
sorcellerie, de magie noire, de chamanisme et de sacrifices sanglants, il semble que tout cela ne soit en
fait que de la propagande anti-Bonpo, destinée à produire un effet mélodramatique. L’objectif
principal de ces historiens restait de glorifier le rôle que le bouddhisme Mahayana a joué dans
l’histoire du Tibet, tout en insinuant que, pendant les sept premiers siècles de notre ère qui ont précédé
l’arrivée du bouddhisme indien au Tibet central, ce pays n’avait connu aucune culture ni civilisation.
L’Inde, pays natal du Seigneur Bouddha Shakyamouni, était considérée non seulement comme la
source de toute religion et spiritualité authentique mais aussi comme celle de toute culture civilisée, à
tel point que même la lignée des rois tibétains se réclamait d’origines indiennes, selon des historiens
tibétains comme Go Lotsawa, Buton et d’autres. [2]
L’une des difficultés est que le terme tibétain bon, probablement dérivé de la forme verbale bon-pa qui
signifie « invoquer les dieux », [3] possède deux usages culturels distincts. Dans le premier, Bon se
réfère bien à la culture pré bouddhiste indigène, chamaniste et animiste, culture qui présente de
nombreux points communs avec les cultures chamanistes de l’Asie Centrale et de Sibérie. Bien que
ces cultures intègrent différentes sortes de pratiques et de croyances religieuses, la place centrale était
tenue par un pratiquant appelé chaman. L’activité du chaman consistait essentiellement à entrer dans
un état de conscience modifié en usant de psalmodies, de percussions, de danses, etc., que cet état de
conscience altéré ou « extase » soit interprété comme un voyage de l’âme ou bien comme une
possession. [4] La principale fonction sociale de ce genre de personne consistait à guérir. Une forme
traditionnelle de chamanisme d’Asie Centrale, faisant appel à la possession de l’esprit, est encore
largement pratiquée aujourd’hui au Tibet, parmi les populations bouddhistes et Bonpo ainsi que parmi
les réfugiés au Ladakh, au Népal et au Bhoutan. Ce genre de pratiquant est appelé lha-pa ou dpa’-bo.
[5] Aux frontières himalayennes du Tibet et le long de la frontière sino-tibétaine, il existe des chamans
connus sous le nom de Bonpos dans des populations parlant tibétain comme les Na-Khi en Chine [6]
et les Tamangs au Népal. [7]

Toutefois, il existe un second type de culture religieuse également connu sous le nom de « Bon » dont
les adeptes prétendent être les représentants de la civilisation tibétaine pré bouddhiste. Ces pratiquants
du Bon soutiennent qu’une partie au moins de leur tradition religieuse n’est pas d’origine tibétaine
mais a été amené au Tibet central, au VIIème siècle, en provenance du pays autrefois indépendante de
Shang-shoung, au Tibet occidental, et de façon encore plus lointaine, du Tazik (stag-gzig), l’Asie
Centrale persanophone, au nord-ouest. [8] Cette forme de Bon est connue sous le nom de Yungdrung
Bon (g.yung-drung bon), « l’Enseignement Eternel », un terme dont la transposition en sanscrit
pourrait être « Svastika-dharma », où la swastika ou croix solaire représente le symbole de l’éternel et
de l’indestructible, correspondant à plus d’un égard au terme bouddhiste vajra ou diamant (rdo-rje). En
plus des textes se référant aux pratiques chamanistes et animistes, cette tradition ancienne possède un
important corpus de textes, dont l’origine serait également pré bouddhiste, se rapportant aux plus hauts
enseignements des sutras, des tantras et du Dzogchen (mdo rgyud man-ngag-gsum). Les lamas
bonpos, plutôt que de se référer au prince d’Inde du Nord, Siddharta Gautama, comme leur Bouddha
et source des plus hauts enseignements des sutras, tantras et Dzogchen, se réfèrent à un autre prince,
bien antérieur, Shenrab Miwoché (gSchen-rab-mi-bo-che), né à Ölmo Loungring (‘Ol-mo lung-ring),
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aux confins de l’Asie Centrale, comme leur Bouddha (sangs-rgyas) et comme source de leurs
enseignements. Ce dernier a donc reçu le titre de Tonpa ou Enseignant (ston-pa), littéralement « celui
qui révèle ». Certains érudits pourraient s’interroger sur l’historicité du personnage tant il est vrai que
la tradition Bonpo situe Tonpa Shenrab à une date fabuleuse, en affirmant qu’il vivait il y a environ
dix-huit siècles. [9] De plus, l’hagiographie que lui consacrent les sources Bonpo n’est en aucune
manière inférieure à celle du Bouddha Shakyamouni, que l’on trouve, par exemple, dans le
Lalitavistara. [10] A l’instar des fabuleuses hagiographies de Padmasambhava que l’on trouve dans la
vaste littérature de la lignée Nyingmapa, comme le Padma bka’-thang et le bKa’-thang gser-phreng, la
carrière de Tonpa Sherab représente l’un des grands cycles épiques de la littérature tibétaine. [11]
Pour un observateur extérieur, le Yungdrung Bon d’aujourd’hui ne semble pas très différent des écoles
du bouddhisme tibétain, comparé à leurs doctrines supérieures et à leurs pratiques monastiques. Le
Bon contemporain suit un système monastique semblable au système bouddhiste et développe une
philosophie Madhyamaka absolument comparable à celle des écoles bouddhistes tibétaines. Selon les
lamas Bonpo, la différence principale entre les Bon et les écoles bouddhistes réside plutôt dans la
lignée que la doctrine, dans la mesure où les Bonpos considèrent Tonpa Shenrab comme leur
fondateur alors que pour les Bouddhistes, c’est Shakyamouni. En réalité, ces personnages éminents
sont tous les deux la manifestation de l’éveil de Bouddha sur terre, un attribut connu sous le terme
technique de Nirmanakaya (sprul-sku). Sa Sainteté le Dalaï-Lama a maintenant reconnu le Bon
comme la cinquième école religieuse tibétaine, avec les Nyingmapas, les Sakyapas, des Kagyugpas et
des Gelugpas et a accordé aux Bonpos une représentation au Conseil des Affaires Religieuses de
Dharamsala. [12]

Les développements historiques du Bon

Par ailleurs, certains historiens et érudits tibétains étaient conscients de la distinction qui existe entre
les deux sortes de Bon soulignée plus haut [13] et il est probable que les lamas Bonpos eux-mêmes en
étaient conscients. D’après un éminent érudit Bonpo, Lopon Tenzin Namdak [14], le développement
du Bon a suivi trois phases :
1. Le Bon primitif correspond au chamanisme et à l’animisme indigènes pratiqués au Tibet et dans les
régions adjacentes aux temps anciens. En fait, selon la tradition Bonpo, certaines de ces pratiques
comme l’invocation des dieux (lha gsol-ba) et certains rites pour exorciser les esprits malins (sel-ba)
furent bien enseignés par Tonpa Shenrab lui-même lorsqu’il se rendit rapidement à Kongpo, au sud-est
du Tibet, aux temps préhistoriques. [15] Plus tard, ces rites furent pris en compte dans la classification
des enseignements et pratiques sous le titre des Cinq Voies ou véhicules successifs (theg-pa rim dgu).
Ce pratiques de type chamaniste sont connues comme « la Voie Causale du Bon » (rgyu’i theg-pa).
Les enseignements et les pratiques que l’on trouve dans la Voie Causale sont considérés comme
dualistes dans leur approche philosophique. En effet, les dieux (lha), représentant les forces de la
lumière et de l’ordre appelées Ye, et les démons (bdud), représentant les forces de l’obscurité et le
chaos appelé Ngam, ont une existence indépendante et le pratiquant s’efforce, au travers de rituels,
d’invoquer les énergies positives des dieux et de repousser les influences négatives des démons et des
esprits malins (gdon). [16] L’étude de ces textes rituels révèle qu’ils sont d’origine non-indienne. [17]
Quoi qu’il en soit, comme le bouddhisme en général, le Yungdrung Bon est absolument opposé à la
pratique des sacrifices sous forme d’immolation (dmar mchod), l’origine de ces pratiques étant
attribuée aux démons cannibales Sinpo (srin-po) et non à Tonpa Shenrab. En conséquence, les lamas
Bonpos répugnent à identifier ne serait-ce que la Voie Causale du Bon au chamanisme des Jhangkris
ou aux chamans qui prospèrent encore dans les montagnes du Népal et qui continuent encore de nos
jours à perpétrer des sacrifices sanglants. [18]
2. L’ancien Bon (bon rnying-ma) ou Yundrung Bon (g.yung-drung bon), est composé
d’enseignements et de pratiques attribuées à Shenrab Miwoché en tant qu’Enseignant ou source de la
révélation (ston-pa), c’est-à-dire, en particulier, des plus hauts enseignements des sutras, des tantras et
du Dzogchen. Il a révélé ces enseignements à ses disciples à Ölmo Lungring, pour ce qui est de notre
monde, mais aussi quelque part dans le royaume céleste dans sa précédente incarnation comme Chimé
Tsoukpu (‘Chi-med gtsug-phud). [19] Les enseignements de Tonpa Shenrab déjà consignés par écrit
de son vivant ou immédiatement après, auraient été amenés plus tard d’Ölmo Lungring, dans le Tazik,
au pays de Shang-shoung, dans l’Ouest et le Nord du Tibet où ils furent traduits dans le langage du
Shang-shoung. Le langage du Shang-shoung était une véritable langue, distincte du tibétain et
apparemment apparentée à un dialecte de l’Ouest himalayen tibéto-birman, le Kinauri. Il ne s’agissait
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donc pas d’une création artificielle des Bon, destinée à fabriquer une langue ancienne correspondant
au Sanskrit des Indiens pour ce qui concerne les écritures bouddhistes. [20]
Au début du règne du second roi du Tibet, Moutri Tsenpo, on dit que certains textes Bonpo, en
particulier le Tantra Père (pha rgyud) furent amenés Shang-shoung au Tibet central et traduits en
tibétain. [21] Donc, les Bonpos attestent que les Tibétains avaient acquis un système d’écriture à cette
époque, fondé sur l’écriture sMar-yig utilisée au Shang-shoung qui est donc l’ancêtre de l’écriture
dbus-med souvent utilisée maintenant pour écrire les manuscrits tibétains, en particulier par les
Bonpos. [22] Les Bonpos subirent ensuite deux persécutions au Tibet central. La première, sous le
règne du huitième roi du Tibet, Drigoum Tsanpo, et la seconde à l’époque du grand roi bouddhiste,
Trisong Detsen, au huitième siècle de notre ère. D’après la tradition, à ces deux occasions, les Bonpos
persécutés décidèrent de cacher leurs livres à différents endroits, au Tibet et dans les régions voisines
comme le Bhoutan. Ces caches furent redécouvertes au dixième siècle. C’est ce que l’on appelle les
textes redécouverts ou les « trésors cachés » (gter-ma). [23] Certains autres textes n’ont jamais été
dissimulés. Ils ont continué à circuler et ont été transmis depuis le huitième siècle de manière
ininterrompue. On les appelle snyan-rgyud, littéralement « transmission orale » bien que l’on dise
habituellement qu’ils aient existé sous forme écrite, même aux tout débuts. Le Shang-shoung snyan-
rgyud est un exemple de cette « tradition orale ». Au huitième siècle, le maître Tapihritsa donna à ses
disciples la permission de le consigner par écrit comme ses instructions orales secrètes concises (man-
ngag, Skt. upadesha). Sinon, les textes étaient dictés aux lamas qui vécurent aux siècles ultérieurs par
d’anciens sages ou par des déités, pendant des visions extatiques ou des états de conscience modifiés.
On peut citer à titre d’exemple la fameuse et longue hagiographie de Tonpa Shenrab intitulée dZi-
brjid, dictée à Lodan Nyingpo (blo-ldan snying-po, né en 1360) par les esprits de la montagne. Cette
classification est assez semblable à celle des écritures Nyingmapa en bka’-ma et gter-ma. [24] Cette
forme d’ancien Bon a prospéré au Tibet central et occidental jusqu’à nos jours.

Les enseignements Bon révélés par Tonpa Shenrab sont classés d’une manière différente, en trois
descriptions hagiographiques traditionnelles de sa vie. Généralement, on dit que Tonpa Shenrab a
exposé le Bon selon trois cycles d’enseignements :
I. Les Neuf Véhicules Successifs qui mènent à l’éveil (theg-pa rim dgu) ;
II. Les Quatre Portails du Bon et le Trésor, le Cinquième Portail (sgo bzhi mdzod lnga) ;
III. Les Trois Cycles de Préceptes, exotérique, ésotérique et secret (bka’ phyl nang gsang skor gsum).

Ces neuf voies ou véhicules successifs qui mènent à l’éveil sont définis selon trois différents systèmes
de textes cachés (gter-ma) qui furent dissimulés pendant les premières persécutions et redécouverts au
cours des derniers siècles. Ces systèmes de trésors sont désignés en fonction du lieu où les textes
cachés ont été trouvés.
1. Le Système des Trésors du Sud (lho gter lugs) : ce sont les textes-trésors découverts à Drigstsam
Thakar (‘brig-mtsham mtha’ dkar), au Sud du Tibet, et à Paro (spa-gro), au Bhoutan. Ici, les Neuf
Voies sont d’abord divisées suivant les Quatre Voies Causales qui contiennent de nombreux mythes et
rituels magiques chamanistes. Elles visent principalement au travail avec les énergies afin d’en tirer
des bénéfices matériels. On trouve ensuite les cinq voies spirituelles supérieures également appelées
Voies de la Réalisation. Il ne s’agit pas ici de d’obtenir davantage de pouvoir, de préserver la santé ou
d’assurer la prospérité dans ce bas-monde mais de réaliser le but spirituel ultime de la libération des
souffrances liées au cycle des renaissances du Samsara. Le véhicule final et ultime que l’on trouve
dans les neufs thèmes de cette classification n’est autre que le Dzogchen. [25]
2. Le Système des Trésors du Centre (dbus gter lugs) : ces textes–trésors ont été retrouvés à différents
endroits du Tibet central, parmi lesquels figure le monastère de Samye. D’une manière générale, cette
classification des enseignements du Bonpo est pratiquement la même que celle des Neuf Véhicules
que l’on trouve dans les traditions de l’école Nyingmapa du bouddhisme tibétain. On dit qu’un certain
nombre de ces textes ont été amenés de l’Inde au Tibet par le grand traducteur tibétain Vairochana de
Pagor qui traduisit des ouvrages des traditions bouddhistes et Bonpo. [26]
3. Le Système des Trésors du Nord (byang gter lugs) : ces textes-trésors ont été retrouvés à différents
endroits, au Nord et au centre du Tibet. Toutefois, selon Lopon Tenzin Namdak, on ne sait plus grand-
chose de ce système actuellement. [27]

Les Quatre Portails du Bon et le Trésor, le Cinquième Portail (bon sgo bzhi mdzod inga), forment un
autre système, probablement indépendant, de classification des enseignements du Bonpo en quatre
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groupes connus comme les Quatre Portails (sgo bzhi), auxquels s’ajoute le Trésor (mdzod) en
appendice. Ces groupes d’enseignements s’articulent de la manière suivante :
1. Le Bon des « Eaux Blanches » qui contient les Redoutables Mantras (chab dkar drag-po sngags kyi
bon). Il s’agit d’un ensemble de pratiques tantriques ésotériques qui sont consacrées à la récitation
courroucée des Redoutables mantras (drag sngags) associée à la méditation sur diverses déités. On
trouve dans ce groupe le cycle de Chyipoung ou « Recueil Général » (spyi-spungs skor), c’est-à-dire
les pratiques associées au Tantra Père (pha rgyud).[28]
2. Le Bon des « Eaux Noires » pour la continuité de l’existence (chab nag srid-pa rgyud kyi bon). Ce
recueil contient différents rituels magiques, rites funéraires, pratiques divinatoires, etc., qui participent
au processus de purification et contrent les énergies négatives. Il semble correspondre, dans
l’ensemble, aux Quatre Voies Causales décrites plus haut. Ici, le mot « noir » ne se réfère pas aux
intentions du pratiquant mais aux négativités que l’on chasse et dont la couleur symbolique est le noir.
3. Le Bon du Grand Prajnaparamita, du pays de Phanyul (‘phan-yul rgyas-pa ‘bum gyl bon). Il s’agit
d’un recueil de préceptes moraux, de vœux, de règles et d’enseignements éthiques pour les moines et
les laïcs. Une attention toute particulière est accordée au système philosophique et éthique des
Prajnaparamita Sutras qui, dans le Bonpo, forment les seize volumes de ce que l’on appelle le Khams-
chen. Ce recueil constitue le système du Sutra alors que le Chab dkar représente celui du Tantra. [29]
4. Le Bon des Ecrits sacrées et des Instructions Orales Secrètes du Maître (dpon-gsas man-ngag lung
gi bon). Ce sont les instructions orales (man-ngag) et les écrits sacrés (lung) des différents maîtres
(dpon-gsas) appartenant à la lignée de transmission du Dzogchen.
5. Le Bon du Trésor, est d’une extrême pureté et comprend tout (gtsang mtho-thog spyi-rgyug mdzod
kyi bon). Ce recueil contient l’essentiel du contenu des Quatre Portails du Bon. Le Trésor, qui est le
Cinquième Portail (mdzod lnga) est décrit dan le gZer-myig de la manière suivante « Du fait de son
extrême pureté (gtsang mtho-thog), il est partout. Comme vue, il appartient au Bon qui est universel
(spyi-gcod). Il purifie le courant de la conscience du point de vue des Quatre portails ». [30]

Les Trois Cycles de Préceptes, exotérique, ésotérique et secret (bka’ phvi nang gsang skor gsum)
sont :
1. Le Cycle Exotérique (phyi skor) contient les enseignements des Sutras (mdo-lugs) qui concernent à
la Voie de la Renonciation (spong lam).
2. Le Cycle ésotérique (nang skor) contient les enseignements des Tantras (rgyud-lugs) qui concernent
la Voie de la Transformation (sgyur lam), connus également sous le nom de Mantras Secrets (gsang
sngags).
3. Le Cycle Secret (gsang skor) contient les enseignements de l’Upadesha (man-nag) qui concernent la
Voie de la Libération (grol lam), autrement dit le Dzogchen, la Grande Perfection.

3. Le Nouveau Bon (bon gsar-ma) est apparu au XIVème siècle et se fonde sur un système de Terma
différent. Dans l’ensemble, il est assez semblable au système Nyingmapa et Padmasambhava y est
considéré comme un personnage important. Certain Tertons, comme Dorjé Lingpa ont découvert à la
fois des Termas Nyingmapa et Bonpo. Dans un texte comme le Bon-khrid, redécouvert par Tséewang
Gyalpo, on affirme que Padmasambhava vint à Uddiyana et reçut directement les enseignements
Dzogchen du Sambhogakaya Shenlha Ökar (gShen-lha ‘od-dkar) en personne. Plus tard, il transmit
ces enseignements au Tibet, en dissimulant un grand nombre, réservés aux générations futures de
Bonpos. Shardza Rinpoché indique lui aussi que le Nouveau Mouvement Bon s’est perpetué jusqu’à
nos jours depuis le XIVème siècle. Les Termas révélés à des maîtres comme Loden Nyingpo, Mishik
Dorjé (connu aussi sous le nom de Dorjé Lingpa), Kundröl Gragpa, Déchen Lingpa, Sang-ngag
Lingpa, Khandro Déchen Wangmo, etc., sont tous considérés comme des Tersar (gter-gsar) ou
découvertes récentes de textes-trésors. Le Nouveau Bon a prospéré essentiellement au Tibet oriental.
[31]

L’origine du Dzogchen

Comme c’est le cas des Nyingmapas dans le bouddhisme tibétain, l’enseignement le plus élevé que
détienne la tradition Bonpo est la méthode de contemplation appelée Dzogchen, « la Grande
Perfection » (rdogs-pa chen-po). Cet enseignement révèle par expérience personnelle immédiate l’Etat
Primordial de l’individu (ye gzhi), c’est-à-dire la nature de bouddha ou Boddhichitta inhérente à
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l'individu qui se situe au-dessus de toutes les limitations temporelles, conditionnelles et conceptuelles.
Cet Etat Naturel (gnas-lugs) est décrit en termes de pureté primordiale intrinsèque (ka-dag) et de
perfection spontanée dans la manifestation (lhun-grub). Les bouddhistes Nyingmapas et les Bonpos
affirment que leurs traditions Dzogchen respectives ont été menées au Tibet central au huitième siècle.
La transmission Nyingmapa serait due au Mahasiddha Shrisimbha, qui vivait au Nord de l’Inde, et
celle des Bonpos proviendrait d’une lignée de Mahasiddhas vivant dans la région du Mont Kailas et du
lac de Shang-shoung, à l’Ouest et au Nord du Tibet. Il semble donc que la transmission de ces
enseignements soit liée à deux authentiques lignées historiques.

La transmission Nyingmapa des préceptes du Dzogchen atteignit le Tibet central en raison des
activités de trois enseignants : le grand maître tantrique Padmasambhava du pays d’Uddiyana, le
Mahasiddha et Mahapandita Vimalamitra, d’Inde, et le traducteur tibétain Vairochana, de Pagor. Selon
la tradition, ce dernier était originaire d’une famille Bonpo. [32] On dit que Vimalamitra et lui furent
responsables des premières traductions des textes du Semdé (sems-sde) ou « Division de l’Esprit » et
du Longdé (klong-sde) ou « Division de l’espace » des enseignements du Dzogchen. Toutefois,
certains érudits, tibétains ou occidentaux, doutent que Vairochana soit réellement l’auteur des
nombreuses traductions qu’on lui attribue. [33] Certains érudits contemporains avancent même que les
Tantras Dzogchen, qui représentent les sources littéraires des enseignements Dzogchen, auraient en
réalité été fabriqués au Xème siècle par certains lamas anonymes et sans scrupule, Bonpo et
Nyingmapa, qui les auraient attribuées a posteriori à d’éminents personnages comme Padmasambhava
et Tapihritsa afin qu’elles soient acceptées comme écritures sacrées authentiques. Il s’agit donc d’une
sorte de textes apocryphes et pseudo-épigraphiques bouddhistes et Bonpo. Les détracteurs
contemporains font valoir qu’à l’exception de deux courts textes Dzogchen, le Rig-pa’i khu-byug et le
sBas-pa’i sgum-chung, on ne trouve aucune trace des textes des Tantras Dzogchen dans la
bibliothèque de Tun Huang, aux frontières occidentales de la Chine, dont l’entrée fut scellée au Xème
siècle. Il faut toutefois reconnaître que le fait que ces textes n’aient pas été trouvés à Tun Huang ne
prouve pas qu’ils n’existaient pas ailleurs ou bien qu’ils aient été forcément écrits après la fermeture
de la bibliothèque. En l’état actuel des connaissances et faute d’analyse approfondie des textes en
question, il ressort que cette conclusion ne peut pas être cautionnée. [34]

Certains érudits affirment également que Padmasambhava, dont la réalité historique du personnage est
possible, n’a certainement jamais enseigné le Dzogchen mais uniquement le système tantrique du
sGrub-pa bka’ brgyad, la pratique des huit Herukas ou méditation des déités courroucées. Ce système
forme la section du Sadhana (sgrub-sda) du Mahayoga Tantra. [35] Cependant, des lamas Nyingmapas
érudits et éminents, comme le défunt Dudjom Rinpoché, répondent que même si Padmasambhava n’a
pas enseigné le Dzogchen comme un véhicule indépendant menant à l’illumination, il l’enseigna tout
de même comme un Upadesha (man-ngag) ou instruction orale secrète, au premier cercle de ses
disciples. Cette instruction restreinte concernait la pratique de Dzogchen et l’interprétation des
expériences qui surviennent de cette pratique contemplative. Dans le contexte du Mahayoga Tantra,
Dzogchen est le nom donné à la phase culminante du processus tantrique de transformation qui
transcende à la fois le Processus de Génération (bskyed-rim) et le Processus de Perfection (rdzogs-
rim). Dans ce cadre, Dzogchen correspondrait, d’une certaine manière, à la pratique de Mahamudra
dans le Nouveau système de Tantra (rgyud gsar-ma) des autres écoles tibétaines. Un texte ancien, le
Man-ngag lta-ba’i phreng-ba, traditionnellement attribué à Padmasambhava en personne, ne traite pas
le Dzogchen comme un véhicule indépendant (theg-pa, Skt. yana) mais simplement comme une partie
du système de Tantras Supérieurs. [36] Quand elle est enseignée comme un véhicule indépendant, la
pratique du Dzogchen n’exige aucun processus préalable de transformation tantrique du pratiquant en
déité ou autre avant d’entrer en état de contemplation (mnyam-bzhag). [37] Il apparaît donc que,
d’après la tradition Nyingmapa du moins, le Dzogchen est à l’origine un Upadesha qui explique un
état de contemplation ou de Conscience intrinsèque (rig-pa) qui transcende le processus tantrique de
transformation seul, que ce soit en termes de génération ou de perfection. C’est pourquoi on l’appelle
« Grande Perfection », c’est-à-dire l’état de perfection totale et de plénitude où rien ne fait défaut.

Selon la tradition Nyingmapa, les préceptes du Dzogchen furent initialement exposés en ce bas monde
humain par le Nirmanakaya Garab Dorjé (dGa’-rab rdo-rje, Skt. Prahevajra) au pays d’Uddiyana puis
ils gagnèrent l’Inde par l’intermédiaire de son disciple Manjushrimitra. Ce dernier les transmit aux
disciples de Shrisimha qui, à leur tour, les remirent à Padmasambhava, Vimalamitra et Vairochana
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l’interprète. Ils amenèrent ces préceptes au Tibet au milieu du huitième siècle. Donc, cet enseignement
était à l’origine une instruction orale secrète réservée à un petit groupe d’initiés tantriques. La tradition
prétend qu’il vient à l’origine du mystérieux pays d’Uddiyana, au nord-ouest de l’Inde mais il semble
plus probable que ce soit du côté de la frontière indo-tibétaine nord-ouest qu’il faille chercher les
origines du Dzogchen. [38]

Cela semble tout aussi vrai en ce qui concerne les origines du Dzogchen Bonpo puisque cette seconde
lignée authentique d’enseignements Dzogchen n’est pas originaire de l’Inde proprement dite mais a
été importée de Shang-shoung, au Nord du Tibet, jusqu’au Tibet central, au neuvième et dixième
siècles, par les disciples de Gyerpoung Nangsher Löpo. [39] Jusqu’au huitième siècle, le Shang-
shoung était un royaume indépendant avec sa propre langue et sa propre culture. Il s’étendait sur ce
qui forme aujourd’hui l’Ouest et le Nord du Tibet et le centre du pays était dominé par la majestueuse
présence de la montagne sacrée du Gangchen Tisé ou Mont Kailas. D’après les éléments dont nous
disposons, il est fort probable que, avant que le bouddhisme ne pénètre au Tibet Central aux septième
et huitième siècles, le Shang-shoung avait de nombreux contacts avec les cultures bouddhistes qui
prospéraient en Asie Centrale et à la frontière indo-tibétaine. Rien qu’à la frontière occidentale du
Shang-shoung, il y avait à cette époque l’immense empire Kushana qui était bouddhiste dans sa
religion et sa culture. C’était une région où le bouddhisme indien communiquait avec les différents
aspects de la religion iranienne – zoroastriens, zervanistes, mithriaques, manichéens – aussi bien
qu’avec le shivaïsme indien ou le christianisme nestorien. Cela vaut également pour les villes-oasis de
la Route de la Soie au nord-est du Shang-shoung, comme Kashgar. Certains érudits ont estimé que
cette région, au-delà de l’Inde, a joué un rôle important dans le développement de certains aspects du
bouddhisme Mahayana et aussi, plus tard, dans celui de la forme tantrique du bouddhisme appelée
Vajrayana. [40] Par exemple, la révélation du Tantra Guhyasamaja aurait été faite au roi Indrabhouti à
Uddiyana et fut ensuite apportée en Inde proprement dite par les Mahasiddhas Saraha et Nagarjuna.
[41] De même, le Tantra Kalachakra proviendrait de Shambala, en Asie Centrale, et aurait été amené à
Nalanda par le Mahasiddha Tsiloupa, en Inde, au Xème siècle. [42] Les Bonpos en virent même à
identifier cette Shambala à Ölmo Loungring. [43] Tout ceci suggère que certaines tendances au sein du
Bon Yungdrung n’étaient pas des plagias ou des imitations du bouddhisme indien concoctés au
dixième siècle mais trouvent leur origine dans une sorte de syncrétisme indo-iranien du bouddhisme
qui prospérait autrefois dans le royaume indépendant du Shang-shoung, avant qu’il ne fut annexé de
force à l’empire tibétain, au huitième siècle. Ce bouddhisme, appelé gyer en langage de Shang-shoung
et bon en tibétain, n’était pas spécialement monastique mais plutôt tantrique par nature et sa diffusion
fut favorisée par la présence de divers Mahasiddhas dans la région, comme l’illustre Tapihritsa et ses
prédécesseurs troglodytes du Mont Kailas et des lacs à l’Est du Tibet septentrional. Même
actuellement, demeure un lieu de pèlerinage important qui attire les sâdhus hindous et les yogis
indiens. [44]
Une telle culture « bouddhiste », à la fois tantrique et chamaniste, fut réprimée au huitième siècle
quand, à l’instigation du roi tibétain Trisong Détsen, le dernier roi du Shang-shoung indépendant,
Ligmigya, tomba en embuscade et fut assassiné en quittant son château de Khyung-dzong sur le lac
Dang-ra au Tibet du Nord. Shang-shoung et ses habitants furent incorporés à l’empire tibétain et
disparurent en tant qu’entité distincte. Les Shang-shoung-pas furent enrôlés au service de l’armée
tibétaine lors de son expansion vers l’ouest, au Ladakh et au Baltistan. [45] Aujourd’hui, les survivants
des Shang-shoung-pas sont des nomades du Tibet occidental et septentrional qui portent souvent les
noms de leurs anciens clans. Comme ils ont été convertis à l’école bouddhiste Drigung Kagyudpa, ils
ont oublié leur héritage passé. Les vieilles grottes, où vivaient autrefois les Mahasiddhas Bonpos, sont
maintenant le domaine des fantômes, des endroits qu’il vaut mieux éviter. De vieilles ruines, réputées
dater de la période antérieure à l’empire tibétain, sont encore visibles à Khyoung-loung (Kyung-lung
dngulèmkhar), à l’ouest de Kailas et sur les rives du lac Dang-ra à l’Est du Tibet septentrional. [46]
Pour satisfaire les demandes pressantes des moines-érudits bouddhistes indiens qui rejetèrent
radicalement ces hérétiques Bonpos [47] et faillirent à reconnaître les liens qui existaient entre la
doctrine et la pratique du « bouddhisme » de Shang-shoung, appelé Gyer ou Bon, et le bouddhisme
monastique fraîchement importé d’Inde au Tibet Central, le gouvernement tibétain s’empressa de
supprimer cette culture religieuse indigène du Shang-shoung. Par ailleurs, la persécution des Bonpos
par le roi tibétain Trisong Détsen avait peut-être des motivations politiques et pas seulement
religieuses. A cette époque, les Bonpos du Tibet n’étaient pas organisés en une église ou une secte qui
aurait pu s’opposer réellement aux moines indiens soutenus financièrement par le gouvernement
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 7/16 Vajranatha
tibétain. Il s’agit là d’un anachronisme introduit dans les chroniques des historiens bouddhistes
médiévaux. Plutôt que de parler de conflit entre doctrines religieuses rivales, on pourrait tracer un
parallèle avec l’extermination des druides par les Romains en Gaule et sur l'île de Bretagne, où ils
représentaient une source omniprésente de nationalisme et un point de ralliement de la résistance
contre la règle romaine. De la même manière, les Bonpos ont peut-être été éliminés parce qu’ils
représentaient une source potentielle de rébellion des Shang-shoung-pas contre l’autorité de la
dynastie tibétaine Yarlung. De même que les druides avaient été accusés de perpétrer des sacrifices
humains, ce que les Romains avaient avancé comme prétexte pour les exterminer, les Bonpos furent
accusés de se livrer à des sacrifices sanglants ce qui fut exploité pour les éradiquer du Tibet.

Les Trois Traditions du Dzogchen Bonpo

D’une manière générale, il existe au sein de la tradition Bon plusieurs chaînes de transmission des
enseignements du Dzogchen qui sont collectivement connues sous le nom de A rdzogs snyan gsum.
Les deux premières représentent les traditions Terma fondées sur la redécouverte des textes-trésors
tandis que la troisième est une tradition orale (snyan brgyud) basée sur une transmission continue au
travers une chaîne ininterrompue de maîtres. Ces trois transmissions du Dzogchen sont :

1. A-khrid
Ce premier cycle d’enseignements du Dzogchen est appelé A-khrid (prononcé A-tri), c’est-à-dire les
enseignements qui guident quelqu’un (khrid) vers l’état primordial (A). La lettre tibétaine blanche est
le symbole de Shunyata et de la sagesse primordiale. Le fondateur de cette tradition était Meuton
Gongdzad Ritrod Chenpo, plus connu sous le nom de Dampa, « le saint homme ». [48] Il a extrait ces
préceptes Dzogchen des textes du Khro rgyud. Avec le Zhi-ba don gyi skor, ces textes formaient une
partie des enseignements du sPyi-spungs yan-lag gi skor qui appartiennent au Tantras Père (pha
rgyud), initialement attribué à Tonpa Shenrab sous l’apparence de Chimé Tsoukpu (‘Chi-med gtsug-
phud). A tout ceci, Meuton ajouta son propre trésor de l'esprit (dgongs gter) et organisa sa pratique
suivant un cycle de quatre-vingts méditations qui s’étendaient sur plusieurs semaines. Cela était connu
sous le nom de A-khrid thun mtsham brgyad-cu-pa. Les instructions furent réparties en trois sections
traitant de la vue (lta-ba), la méditation (sgom-pa) et la conduite (spyod-pa). Quand les quatre-vingts
méditations avaient été réalisées avec succès, on recevait le titre de Togden (rtogs-ldan), c’est-à-dire «
celui qui possède la compréhension ».
Par la suite, le système fut condensé par ses successeurs. Au treizième siècle, Aza Lodrö Gyaltsen
réduisit le nombre de sessions à trente puis, au même siècle, Drouchen Gyalwa Youngdroung rédigea
un manuel pratique dans lequel le nombre de sessions de retraite (thun mtsham) fut ramené à quinze.
Ce manuel de pratique populaire est connu sous le nom de A-khrid thun mtsham bco-lnga-pa. [50] Et à
l’époque actuelle, le grand maître Bonpo Shardza Rinpoche a écrit de longs commentaires sur le A-
khrid et la retraite dans le noir qui lui est associée (mun mtsham). [51] La tradition A-khrid, où la
pratique est systématiquement conçue sous la forme d’un nombre spécifique de sessions, correspond à
bien des égards à la tradition Nyingmapa du rDzogs-chen sems-sde. [52]

2. rDzogs-chen
Ici, le terme rDzogs-chen n’a pas la même signification que celui Dzogchen en général. On fait
référence à une transmission particulière du Dzogchen dont le texte-racine est le rDzogs-chen yang-
rtse’i klong-chen, « l’immensité du fait suprême de la Grande Perfection », redécouvert par le grand
Tertön Shötön Ngödroub Dragpa en l’an 1080. Il faisait partie des fameux textes-trésors cachés
derrière une statue de Vairochana dans le temple de Khumthing, à Lhodrak. Ce texte-racine aurait été
composé au huitième siècle par le maître Bonpo Lishou Tagring. [53]

3. sNyan-rgyud
La troisième chaîne de transmission des enseignements du Dzogchen dans la tradition Bon est la
lignée ininterrompue de transmission orale provenant du Shang-shoung (Zhang-zhung snyan-rgyud)
qui est l’objet de la présente étude. Du fait que cette tradition jouit d’une lignée ininterrompue qui
remonte au moins au huitième siècle de notre ère, et ne représente donc pas les textes Terma
redécouverts plus tardivement, on comprendra qu’elle revête une importance toute particulière pour la
recherche sur les origines historiques du Dzogchen (extraits de Space, Awareness and Energy : An

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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 8/16 Vajranatha
Introduction to the Bonpo Dzogchen Teachings of the Oral Tradition from Zhang-zhung, par John
Myrdhin Reynolds, Snow Lion Publications, à paraître en 2001).

Notes:

(1) Cf. John Myrdhin Reynolds, The Golden Letters, Snow Lion, Ithaca 1996, pp. 199-286.
(2) Par exemple, voir the Deb-ther sngon-po of 'Gos lo-tswa-ba gZhon-nu dpal (1392-1481), traduit
dans The Blue Annals by George Roerich, Part I, Book I, Motilal Banarsidass, New Delhi reprint
1979; pp. 35-37. Voir aussi Tarthang Tulku, Ancient Tibet, Dharma Publishing, Berkeley 1986;
pp.102-106, 140-148.
(3) Cf. Geza Uray, "The Old Tibetan Verb Bon," in Acta Orientalia Academiae Scientarium
Hungaricae, 1964, vol. 17, no. 3, pp. 323-34.
(4) Le chamanisme, maintenant reconnu comme une religion répandue à l’échelle mondiale et une
activité culturelle de la haute antiquité, a été largement décrit par les Russes et d’autres
anthropologistes, aussi bien que par des érudits de l’Histoire des Religions comme Mircea Eliade et
consorts. Voir, en particulier, de Mircea Eliade, Shamanism: Archaic Techniques of Ecstasy, Pantheon
Books, New York 1964.
(5) A propos du chamanisme tibétain, en général, voir René de Nebesky-Wojkowitz, Oracles and
Demons of Tibet, Mouton, The Hague 1956, pp. 538-553, et aussi Per-Arne Berglie, "Preliminary
Remarks on Some Tibetan Spirit Mediums in Nepal," in Kailash 4 (1), Kathmandu 1976, pp. 85-108.
Pour le récit d’un chaman tibétain du Ladakh exerçant à Katmandu, voir Larry G. Peters, "The Tibetan
Healing Rituals of Dorje Yudronma: A Fierce Manifestation of the Feminine Cosmic Force," in
Shaman's Drum 45, Ashland OR 1997, pp. 36-47.
(6) Cf. Joseph Rock, "Contributions to the Shamanism of the Tibetan-Chinese Borderland", Anthropos
LIV (1959), pp. 796-818
(7) Cf. Larry Peters, Ecstasy and Healing in Nepal, Udena Publications, Malibu 1981. Voir aussi Stan
Royal Mumford, Himalayan Dialogue, University of Wisconsin Press, Madison 1989.
(8) A propos des relations entre l’ancien royaume tibétain et l’Asie Centrale en général, voir
Christopher Beckwith, The Tibetan Empire in Central Asia, Princeton University Press, Princeton NJ
1987. A ce propos, comme l’a suggéré Beckwith, le terme bon pourrait venir d’un emprunt à la langue
iranienne d’Asie Centrale, le Sogdian, dans laquelle le mot bwn signifie "dharma." Ce mot est
également le premier élément du titre d’un livre zoroastrien qui traite de la création, le Bundahishn.
Beckwith évoque aussi la présence éventuelle d’un substrat indo-iranien dans la langue Shang-shoung.
Cf. Beckwith, The Tibetan Empire in Central Asia, op. cit., pp. 3-36. Les Sogdians formaient une
population importante de commerçants, le long de la Route de la Soie, au Nord-Ouest du Tibet et de
nombreux textes bouddhistes, écrits en Sogdian ont été récupérés en Asie Centrale. A propos de
Shang-shoung en particulier, voir Tsering Thar, "The Ancient Zhang Zhung Civilization," in Tibet
Studies, Lhasa 1989, pp. 90-104.
(9) Selon le bsTan-rtsis of Nyima Tenzin, traduit par Per Kvaerne dans "A Chronological Table of the
Bon-po: The bsTan rcsis of Nyi-ma bstan-'jin," in Acta Orientalia XXXIII, Copenhagen 1971, pp.
205-282.
(10) Il existe trois biographies ou hagiographies principales de Tonpa Shenrab dans la tradition Bon :
1. mDo 'dus or Dus gsum sangs-rgyas byung-khungs kyi mdo, 2. gZer-myig or 'Dus-pa rin-po-che'i
rgyud gzer-myig, et 3. gZi-brjid or 'Dus-pa rin-po-che dri-ma med-pa gzi-brjid rab tu 'bar-ba'i mdo.
On trouvera un résumé de l’hagiographie de Tonpa Shenrab, tiré du gZer-myig, chez Helmut
Hoffman, The Religions of Tibet, George Allen and Unwin, London 1961, pp. 84-98. Il existe une
version condensée de cette hagiographie chez Richard Gard and Sangye Tandar, The Twelve Deeds: A
Brief Life Story of Tonpa Shenrab, the Founder of the Bon Religion, LTWA, New Delhi 1995. Bien
que la carrière monastique de Tonpa Shenrab, à la fin de sa vie, présente de nombreuses similitudes
avec le récit de la Grande Renonciation du Bouddha Shakyamouni et les activités d’enseignement qui
ont suivi, comme on peut le voir, par exemple, dans le Lalitavistara, l’histoire de sa vie a autrement
une origine complètement indépendante de quoi que ce soit qui puisse être relié au bouddhisme indien.
En fait, l’érudit russe Kuznetsov estime que Tonpa Shenrab aurait été d’origine asiatique centrale ou
iranienne. Cf. B.I. Kuznetsov, "Who was the Founder of the Bon Religion," in Tibet Journal, Vol. I,
No. 1, Dharamsala 1975. Certains tibétologues contemporains pensent que Tonpa Shenrab aurait été
natif du Tibet, plutôt qu’un prince ou un prêtre originaire d’Asie Centrale. Cf. Namkhai Norbu, The
Necklace of gZi: A Cultural History of Tibet, LTWA, Dharamsala 1981. Karmay compte aussi parmi
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 9/16 Vajranatha
ceux qui suggèrent cela. Cf. Samten G. Karmay, "A General Introduction to the History and Doctrines
of Bon," in The Memoirs of the Research Department of the Toyo Bunko, No. 33, Tokyo 1975, pp.
171-218. Lopon Tenzin Namdak, d’après la tradition Bonpo, soutient formellement que Tonpa
Shenrab n’était pas Tibétain mais originaire d’ 'Ol-mo lung-ring, qu’il identifie à Shambhala. Dans ce
cas, 'Ol-mo lung-ring était un domaine mystique et non un emplacement géographique précis, situé
historiquement quelque part au nord-ouest du Tibet. Sur la signification d’ 'Ol-mo lung-ring and
Shambhala, voir Edwin Birnbaum,The Way to Shambhala: A Search for the Mythical Kingdom
beyond the Himalayas, Anchor Press/ Doubleday, New York 1980, pp. 12-13, 44, 79-81, 102. En ce
qui concerne la signification de la géographie mystique en général, voir Mircea Eliade, The Sacred
and the Profane: The Nature of Religion, Harcourt Brice & World, New York 1957, et aussi Henry
Corbin, Spiritual Body and Celestial Earth, Princeton University Press, Princeton 1977.
(11) Sur le barde et l’épopée dans la tradition tibétaine en général, voir R.A. Stein, Tibetan
Civilization, Faber and Faber, London 1972, pp. 272-281. On peut également consulter l’étude plus
détaillée, Recherches sur l'épopée et le barde au Tibet, Annales du Musée Guimet, Paris 1959.
(12) Cela ne signifie pas que le Dalai Lama considère que les Bonpos sont des Bouddhistes. Selon la
plupart des Lamas tibétains, les Bouddhistes suivent le chos and les Bonpos suivent le bon. Quoi qu’il
en soit, les Bouddhistes (chos-pa) et les Bonpos sont considérés comme "Esotériques" (nang-pa) par
opposition aux "Exotériques" or non-Bouddhistes (phyi-pa), comme les Hindous, les Jaïnistes, les
Musulmans et les Chrétiens.
(13) Voir, par exemple, le Grub-mtha' legs bshad shel kyi me-long by Chos kyi nyi-ma dpal bzang-po
(1674-1740). La partie de ce texte qui traite du Bon a été traduite par Sarit Chandra Das in
Contributions on the Religion and History of Tibet, Manjusri Publishing House, New Delhi 1970, pp.
1-19; réédité du Journal of the Asiatic Society of Bengal, 1881. L’auteur, un érudit Gelugpa, distingue
trois phases dans le développement historique duf Bon: 'jol bon, 'khyar bon, et bsgyur bon. Bien que
les Bonpos ne voient pas leur propre histoire de cette manière, ce texte est utile dans la mesure où il
donne la perception que les autres écoles bouddhistes en ont. Ceci peut être résumé de la manière
suivante:
1. Le Bon révélé ('jol bon) : Pendant le règne du sixième roi du Tibet, Tridé Tsenpo (Khri-lde btsan-
po), un démon ou un esprit malin ('dre) enleva un garçon de 13 ans qui appartenait au clan des Shen
(gshen) et l’emmena avec lui à différents endroits sauvages dans les montagnes du Tibet et du Kham.
D’autres récits précisent qu’on avait découvert que ce garçon de 13 ans avait, semble-t-il de naissance,
des oreilles d’âne, sur quoi les esprits malins s’enfuirent avec lui. Ce garçon passa les treize années
suivantes à errer dans les régions sauvages et fut complètement formé à la magie des esprits non-
humains (mi ma yin). A 26 ans, il fut autorisé à retourner dans son village natal. Du fait de ses
voyages dans l’Au-delà et des connaissances qu’il y acquit, il connaissait le nom et les demeures de
tous les esprits et démons. Il savait quels étaient les esprits qui inquiétaient les humains et ceux qui
apportaient la chance et la prospérité. Il savait également comment calmer les esprits hostiles à l’aide
de rituels et d’offrandes. Ce jeune homme fut donc le premier à introduire le Bon parmi les Tibétains
et, à partir de ce moment là, les rois du Tibet pratiquèrent le Bon à l’exclusion de toute autre religion.
On ajoute que lorsqu’il revint des régions sauvages pour son village, il cacha ses oreilles d’âne avec un
turban de laine blanche. C’est la raison pour laquelle le turban blanc devint le couvre-chef distinctif
des anciens Bonpos. On dit de ces premiers Bonpos que, en bas('og), ils apprivoisaient les esprits
malins, en haut (steng), ils invoquaient les dieux et leurs ancêtres, et au milieu (bar), ils purifiaient le
cœur quand il était souillé et offensait ainsi le dieu du cœur (thab lha) et d’autres dieux domestiques.
Ceci est clairement un scenario d’initiation chamaniste et pourrait expliquer l’origine du chamanisme
au Tibet.
2. Le Bon déviant ('khyar bon): Il s’agit des innovations résultant d’influences étrangères, venant de
l’extérieur du Tibet. Quand le roi du Tibet, Drigoum Tsenpo (Gri-gum btsan-po), fut tué suite à la
persécution des Bonpos, il devint nécessaire d’empêcher l’esprit sans repos du roi assassiné, qui était
devenu un gshin ou fantôme sans répit, de semer le trouble dans le peuple. Donc, trois pratiquants
Bonpo furent invités, respectivement du Cachemire (Kha-che), du Gilgit (Bru-sha), et du Shang-
shoung, pour procéder aux rites funéraires appropriés pour assurer le repos de l’esprit. Car les prêtres
locaux ne savaient pas comment s’y prendre. Ces rites sont appelés 'Dur. Ces trois Bonpos étaient des
étrangers, provenant de pays situés à l’Ouest du Tibet. L’un de ces Bonpos, apparemment celui du
Shang-shoung, gagna les faveurs des déités Ge-khod (la déité du Shang-shoung), Khyung (Garuda),
and Me-lha (le dieu du feu). Il put alors voler dans les cieux sur son tambour et deviner l’emplacement
de gisements minéraux et de métaux cachés à l’intérieur de la terre. Le deuxième Bonpo,
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 10/16 Vajranatha
probablement celui du Gilgit, était expert en divination et pouvait voir le futur au moyen de nœuds sur
des cordes, une pratique appelée ju-thig, et en utilisant des omoplates (sog dmar). En plus, il fit des
déclarations divinatoires inspirées (lha bka'). C’est peut-être l’origine de cette méthode de divination
que l’on trouve au Gilgit. Le troisième Bonpo, du Cachemire, une terre réputée pour ses
enseignements sanscrits aussi bien bouddhistes que shivaïtes, était un expert en cérémonies funéraires.
Auparavant, il n’existait aucune philosophie Bon au Tibet, mais à partir de là, le Bon se mélangea aux
doctrines shivaïtes des Tirthikas, des Hindous du Cachemire, et fut connu comme Bon déviant (mu-
stegs dbang-phyug-pa'i grub-mtha' 'khyar-ba bon).
3. Le Bon transformé (bsgyur bon): On distingue ici trois phases. D’abord, un Pandit Indien, qui avait
calomnié un éminent maître bouddhiste et était accusé d’actes immoraux, avait été expulsé de la
Sangha ou communauté monastique. Il alla au Nord du Cachemire et portant de lui-même des robes
bleues (sham-thabs sngon-po-can), il proclama qu’il était un grand maître. Il écrivit ensuite plusieurs
livres hérétiques et les enterra pour les cacher. Quelques années plus tard, il invita les gens à
témoigner de ces textes qu’il avait cachés auparavant. Il déclara qu’il s’agissait des écritures saintes du
Bon et provoqua ainsi une transformation de la religion Bon.
Deuxièmement, pendant le règne du grand roi bouddhiste du Tibet, Trisong Détsen, un édit fut
promulgué qui demandait à tous les Bonpos de renoncer au Bon pour embrasser la foi bouddhiste
d’Inde. Un Bonpo nommé Rinchenchok (Rin-chen mchog) refusa de s’y conformer et fut puni par le
roi pour son obstination. Il en fut très fâché et décida, avec quelques autres prêtres Bon, de composer à
grande échelle des textes Bonpo plagiant les textes bouddhistes. Quand le roi entendit parler de cette
activité, il fut outragé et fit décapiter ces prêtres. Quelques conspirateurs survécurent toutefois et
cachèrent des copies de ces plagiats sous des roches. Par la suite, ces prêtres redécouvrirent les textes
qui devinrent les Termas Bonpo.
Troisièmement, après la destitution et la mort du roi tibétain Langdarma au neuvième siècle, des
prêtres Bonpo continuèrent à modifier des textes bouddhistes en utilisant une orthographe et une
terminologie différentes. Dans le Tsang supérieur, deux d’entre eux, Shengur Luga (gSen rgur klu-
dga') and Daryul Drolag (Dar-yul sgro-lag), composèrent d’autres textes et les cachèrent sous des
rochers. De cette manière, ils transformèrent beaucoup d’écritures bouddhistes en textes Bon, comme
ils le firent pour le Prajnaparamita (Yum rgyas) transformé en Khams-chen, la version Bonpo du
Prajnaparamita. Par la suite, ils les ressortirent en les faisant passer pour des découvertes fortuites. Ces
caches de textes était connues sous le nom de "Eau Blanche" (Chab dkar) et Bon de la Réalisation
('bras-bu'i bon).
Ici, le ton du récit est plutôt anti-Bon et il peut être relativisé par ce que disent eux-mêmes les Bonpos
sur l’origine et le développement de leur tradition, comme ce que l’on trouve dans le Legs-bshad
mdzod of Shardza Rinpoché. Voir la traduction de cet ouvrage chez Samten G. Karmay, The Treasury
of Good Sayings: A Tibetan History of Bon, Oxford University Press, London 1972.
(14) Communication orale de Lopon Tenzin Namdak. Voir aussi son Histoire du Bon, g.Yung-drung
bon gyi bstan-pa'i 'byung khungs nyung bsdus, Kalimpong 1962.
(15) D’après les rapports traditionnels que l’on trouve dans le gZer-myig and the gZi-brjid, le prince
démon et sorcier Khyabpa Lagring (bDud-rgyal Khyab-pa lag-ring) vola les sept chevaux de Tonpa
dans leur écurie à 'Ol-mo lung-ring, et après les avoir fait disparaître, il les séquestra à Kongpo, un
pays au Tibet du Sud-ouest. Tonpa Shenrab en profita pour voyager au Tibet pour soumettre les
redoutables démons (srin-po) qui vivaient à cette époque dans la région et opprimaient les humains
primitifs. Cf. H. Hoffman, The Religions of Tibet, op. cit. Voir également Tarthang Tulku, Ancient
Tibet, op. cit., pp. 107-108.
(16) Voir David Snellgrove, The Nine Ways of Bon, Oxford University Press, London 1967.
Egalement Namkhai Norbu, Drung, Dreu and Bon, LTWA, Dharamsala 1995.
(17) Voir Snellgrove, The Nine Ways of Bon, op. cit. Egalement pour le rituel Bonpol, voir John
Myrdhin Reynolds, The Cult and Practice of Zhang-zhung Meri, Bonpo Translation Project (privately
printed), San Diego 1996.
(18) Communication orale de Lopon Tenzin Namdak. A propos du conflit qui opposait les lamas
bouddhistes aux chamans indigènes sur la question des sacrifices sanglants, voir Mumford, Himalayan
Dialogue, op. cit. Sur une situation similaire au XVIIème siècle en Mongolie, voir Walther Heissig,
The Religions of Mongolia, University of California Press, Berkeley 1980 et Walther Heissig, "A
Mongolian Source to the Lamaist Suppression of Shamanism in the 17th Century," in Anthropos 48,
pp. 493-533.
(19) A propos de 'Chi-med gtsug-phud et des lignées d’enseignements Bonpo Dzogchen, se référer au
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 11/16 Vajranatha
chapitre 2 plus bas et aussi aux traductions du Yig-chung et du rNam-thar dans la seconde partie.
(20) Concernant la langue Shang-shoung, voir Erik Haarh, "The Zhang-zhung Language: A Grammar
and Dictionary of the Unexplored Language of the Tibetan Bonpos," in Acta Jutlandica XL: 1,
Copenhagen 1968, pp. 7-43.
(21) Samten G. Karmay, The Treasury of Good Sayings: A Tibetan History of Bon, Oxford University
Press, London 1972.
(22) A propos de la copie sMar-yig du Shang-shoung, voir Tshe-ring Thar, "The Ancient Zhang
Zhung Civilization," op. cit. Also see Namkhai Norbu, The Necklace of gZi, op. cit..
(23) Sur la tradition Terma, voir Samten Karmay, The Treasury of Good Sayings, op. cit. Toutes les
premières découvertes de Terma par les Bonpos étaient sa-gter, c’est-à-dire les véritables textes écrits
antérieurement et cachés en différents endroits du Tibet et du Bhoutan. La plupart des véritables
découvreurs de ces textes Terma n’étaient pas des Lamas lettrés, mais de simples fermiers et
chasseurs, qui ne pouvaient pas avoir fabriqué ces textes. Parmi les plus célèbres de ces "Tertons" de
la première heure, figurent trois voleurs népalais connus comme les trois Atsaras qui, en 961 de l’ère
chrétienne, dérobèrent un lourd coffre-fort dans le temple de Cha-ti dmar-po, au monastère de Samye.
En se sauvant dans les montagnes avec leur butin, pensant qu’elle contenait de l’or, ils percèrent le
coffre, mais quand ils l’ouvrirent, ils ne trouvèrent que de vieux textes. Fort déçus, ils troquèrent ces
vieux livres à des lamas Bonpos du village du coin, contre un peu d'or et un cheval.
(24) Sur la tradition Terma Nyingmapa, voir Eva Dargyay, The Rise of Esoteric Buddhism in Tibet,
Motilal Banarsidass, Delhi 1977. Egalement, Tulku Thondup, Hidden Teachings of Tibet: An
Explanation of the Terma Tradition of the Nyingmapa School of Buddhism, Wisdom Publications,
London 1986, and Tulku Thondup, The Tantric Tradition of the Nyingmapas, Buddhayana, Marion
MA 1984.
(25) Dans les Neuf Voies du Bon, ou plutôt, les neuf véhicules successifs du Bon (bon theg-pa rim
dgu), selon la classification du Système des Trésors du Sud (lho gter lugs), est exposée, comme dans
beaucoup de chapitres du the gZi-brjid, la plus vaste hagiographie de Tonpa Shenrab. Ces chapitres
ont été traduits par Snellgrove avec la contribution de Lopon Tenzin Namdak. Voir David
Snellgrove,The Nine Ways of Bon, Oxford University Press, London 1967. Ici, les Neufs Voies sont
énumérées comme suit :
1. La Voie de la Pratique de la Prédiction (phywa gshen theg-pa): Littéralement theg-pa signifie un
véhicule ou un moyen de transport, plutôt qu’une route ou une voie. gShen, un mot dont l’origine et le
sens sont obscures, peut-être ici traduite par "pratique" or "pratiquant" selon Lopon. Et le terme phywa
signifie prédiction ou pronostique. Cette voie ou ce véhicule concerne principalement la divination
(mo), les calculs astrologiques et géomantiques (rtsis), le diagnostique médical (dpyad), et la conduite
des rituels de guérison (gto).
2. La Voie de la Pratique des Manifestations Visibles (snang gshen theg-pa): Cette voie concerne
principalement les manifestations visibles (snang-ba) perçues comme des manifestations positives des
activités des dieux (lha) qui viennent aider l’humanité. Il en découle que l’accent est mis ici sur
l’invocation des dieux (lha gsol-ba) en vue d’obtenir leur aide. Ceci inclut des classes de déités comme
les Thugs-dkar, sGra-bla, Wer-ma, etc.
3. La Voie de la Pratique du Pouvoir Magique ('phrul gshen theg-pa) : Cette voie concerne
principalement les rituels magiques visant à gagner la prospérité et contrôler les esprits invoqués, en
particulier les rites d’exorcisme (sel-ba) pour éliminer l’énergie négative et les provocations négatives
des esprits malins (gdon) qui viennent troubler les humains. Le pratiquant travaille avec ces énergies
au moyen de l’évocation, de la conjuration et de la supplique (bsnyen sgrub las gsum).
4. La Voie de la Pratique de l’Existence (srid gshen theg-pa): Ici "existence" (srid-pa) signifie le
processus de la mort et de la renaissance. Cette voie est aussi connue comme 'Dur gshen, la pratique
des cérémonie d’exorcisme ('dur) des esprits de la mort qui troublent les vivants. Il s’agit
principalement des trois cent soixante sortes de rites qui correspondent à cette pratique, mais aussi des
méthodes pour assurer bonne fortune et longue vie aux vivants. Ces quatre voies représentent les
Quatre Voies Causales du Bon (bon rgyu'i theg-pa bzhi). Elles sont suivies par les voies supérieures de
nature plus spirituelle, dont le but est la libération et l’illumination, connus collectivement sous le nom
de Voies de la Réalisation ('bras-bu'i theg-pa).
5. La Voie du Pratiquant Laïc Vertueux (dge-bsnyen theg-pa): Cette voie concerne principalement les
questions de morale et d’éthique, comme les dix actions vertueuses (dge-ba bcu), les dix Perfections
ou Paramitas, etc., ainsi que les activités pieuses comme la construction de stupas, etc.
6. La Voie des Sages Ascétiques (drang-srong theg-pa): Le terme drang-srong (Skt. rishi), signifiant
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 12/16 Vajranatha
un sage, a ici la signification technique d’un moine pleinement ordonné qui a prononcé tous ses vœux,
ce qui correspond au bhikshu bouddhiste (dge-slong). Le sujet principal se rapporte aux vœux du
moine et à la discipline monastique ('dul-ba).
7. The Voie du A Blanc (A-dkar theg-pa) : Cette voie concerne principalement la pratique tantrique de
transformation au moyen de la visualisation identifiant le méditant à la déité de méditation et les
pratiques associées au mandala. Ceci inclut à la fois les Bas et Hauts Tantras.
8. La Voie du Shen Primordial (ye gshen theg-pa) : Cette voie concerne certaines pratiques tantriques
secrètes dont les relations appropriées avec le Guru et avec les fréquentations tantriques, mais aussi les
méthodologies du Processus de Génération (bskyed-rim) et du Processus de Perfection (rdzogs-rim) et
la conduite qui leur est afférente.
9. La Voie Ultime (bla-med theg-pa) : La voie ultime et inégalée (bla na med-pa) comprend les
enseignements et pratiques du Dzogchen, la Grande Perfection, qui décrit le processus de
l’illumination en termes de Base, de Chemin et de Fruit, et aussi la pratique de la contemplation en
termes de vue, de méditations et de conduite.
(26) Les Neuf Voies selon le Système des Trésors Centraux (dbus gter lugs) sont aussi divisées en
Véhicules Causals (rgyu'i theg-pa) et Véhicules de Réalisation ('bras-bu'i theg-pa). Ce sont :
1. Le Véhicule des Dieux et des Hommes, dans lequel on compte sur quelqu’un d’autre (lha mi gzhan
rten gyi theg-pa): en d’autres termes, c’est le véhicule de ces disciples qui doivent d’abord entendre les
enseignements de quelqu’un d’autre. Ce véhicule correspond au Shravakayana dans le système
bouddhiste et le point de vue philosophique est celui des Vaibhashikas.
2. Le véhicule des Shenrabpas, qui comprennent par eux-mêmes (rang-rtogs gshen-rab kyi theg-pa) :
Ces pratiquants n’ont pas besoin d’entendre d’abord les enseignements de quelqu’un d’autre mais les
découvrent par eux-mêmes. Ce véhicule correspond au Pratyekabuddhayana des bouddhistes et le
point de vue philosophique est celui des Sautrantikas.
3. Le Véhicule des Bodhisattvas Compatissants (thugs-rje sems-pa'i theg-pa): Ce véhicule correspond
au système de Sutra du Mahayana ou véhicule Bodhisattvayana dans le système bouddhiste. En
particulier, on fait référence aux Bodhisattvas qui pratiquent les dix Paramitas de la générosité, la
moralité, la patience, la vigueur, la méditation, la force, la compassion, l’engagement, les moyens
habiles, et la sagesse. Le point de vue philosophique est celui des Yogacharins ou Chittamatrins
(sems-tsam-pa) qui discernent l’absence de toute existence intrinsèque en termes de Soi interne et
aussi de phénomènes externes.
4. Le Véhicule des Bodhisattvas qui sont en dehors de tout développement conceptuel (g.yung-drung
sems-pa'i spros med-pa'i theg-pa): Ce véhicule correspond aussi au Bodhisattvayana du système
bouddhiste. Le terme Bonpo g.yung-drung sems-dpa', littéralement Svastikasattva ou "être Swastika,"
a la même signification que le terme bouddhiste Bodhisattva (byang-chub sems-dpa'). Ici, on trouve la
même pratique des dix Paramitas. Toutefois, le point de vue philosophique de la vacuité et de toute
existence intrinsèque du Soi interne et des phénomènes externes est compris par le biais du
Madhyamaka (dbu-ma-pa) plutôt que du Chittamatra. Ces quatre voies inférieures représentent les
Véhicules Causals (rgyu'i theg-pa) tandis que ceux qui suivent sont connus comme Véhicules de
Réalisation
5. Le Véhicule du Bon Primitif de Pure Conduite et d’Activité Rituelle (bya-ba gtsang-spyod ye bon
gyi theg-pa) : Se concentrant sur les activités rituelles (bya-ba, Skt. kriya) et la pureté de la conduite,
ce véhicule correspond au Kriyatantrayana dans le système Nyingmapa. Du point de vue de la
méthode, l’Etre de Sagesse (ye-shes-pa) est invoqué en visualisation et traité comme un grand
seigneur sollicité par un humble serviteur. Ainsi, le pratiquant reçoit la connaissance (ye-shes) et les
bénédictions (byin-rlabs) de la déïté.
6. Le Véhicule de la Connaissance Clairvoyante qui possède tous les aspects (rnam-par kun-ldan
mngon-shes kyi theg-pa): L’attention est portée à la fois sur l’action rituelle externe et sur la pratique
de yoga interne. Ce véhicule correspond au Charyatantrayana dans le système Nyingmapa. Allié à la
pratique des dix Paramitas et des quatre Souvenirs, la présence de l’Etre de Sagesse est invoquée mais,
cette fois-ci, la déité est considérée comme un ami intime plutôt qu’un seigneur supérieur. Ces deux
véhicules représentent les Tantras exotériques ou Inférieurs (phyi rgyud) alors que ceux qui suivent
représentent les Tantras ésotériques ou Supérieurs (nang rgyud).
7. Le Véhicule de la Compassion se manifestant de manière Visible en termes de Processus de
Génération Réel (dngos bskyed thugs-rje rol-pa'i theg-pa): Ce véhicule correspond au Yoga Tantra et,
dans une certaine mesure au Mahayoga Tantra et au Anuttara Tantra dans le système bouddhiste de
classification des Nyingmapas et des Nouvelles Ecoles. S’établissant dans la vue supérieure de la
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 13/16 Vajranatha
Vérité Ultime et restant dans la condition originelle de l’Etat Naturel, on s’engage dans le Processus
de Génération (bskyed-rim) et on se transforme en la déité de méditation, réalisant ainsi les qualités
attribuées à cette manifestation de conscience illuminée.
8. Le Véhicule où Tout est Entièrement Parfait et Extrêmement Significatif (shin tu don-ldan kun
rdzogs kyi theg-pa) : Devenant établi dans l’Ultime Vérité et les conditions originelles de l’Etat
Naturel, comme c’était le cas précédemment, on met ici l’accent sur le Processus de Perfection
(rdzogs-rim) plutôt que sur le Processus de Génération (bskyed-rim), de manière à réaliser que
l’Espace et l’Eveil sont inséparables (dbyings rig dbyer-med). Et en particulier, en termes de déité de
méditation, le pratiquant en vient à réaliser la cognition ou la conscience parfaite du caractère
inséparable de la béatitude et du vide (bde stong ye-shes). Ce véhicule correspond au Mahayoga
Tantra et spécialement aux classifications des Anuyoga Tantra des Nyingmapas.
9. Le Véhicule Inégalé du plus Haut Sommet de la Grande Perfection Primordiale (ye nas rdzogs-chen
yang-rtse bla-med kyi theg-pa) : Ce véhicule comprend les enseignements Dzogchen du point de vue
des divisions de l’esprit (sems-sde), qui met l’accent sur l'aspect conscience de l'Etat Naturel, et des
divisions de l’espace (klong-sde) qui met l’accent sur l'aspect de vacuité , et aussi des divisions des
instructions secrètes (man-ngag sde) qui soulignent leur caractère inséparable.
A propos des Trésors Centraux, voir John Myrdhin Reynolds, Yungdrung Bon: The Eternal Tradition,
Tibetan Translation Project (privately printed), New York 1994. Egalement, Lopon Tenzin Namdak
and John Reynolds (tr), The Condensed Meaning of an Explanation of the Teachings of Yungdrung
Bon, Bonpo Foundation, Kathmandu n.d. Also see Tenzin Wangyal, Wonders of the Natural Mind,
Station Hill Press, Barrytown NY 1993, pp. 35-37, 203-208.
(27) Communication orale.
(28) Selon Lopon Tenzin Namdak, les traductions des termes techniques « chab dkar en "eau blanche"
et « chab nag » en "eau noire" sont problématiques. En fait, chab ne signifie pas "eau" en tibétain,
mais il se peut que ce mot ait été à l’origine un terme Shang-shoung et ait revêtu un autre sens
maintenant oublié. Dans l’ancien usage Bonpo, les termes "blanc" (dkar) et "noir" (nag) n’avaient pas
la même connotation morale qu’en anglais, comme dans "magie blanche" pour des objectifs louables
et "magie noire" pour les objectifs maléfiques. Dans ce contexte, blanc se réfère à l’invocation de
l’aide des dieux et esprits, qui amène de l’énergie positive, alors que noir se réfère à l’exorcisme et à
l’expulsion des énergies négatives, perçus comme un processus de purification. Les énergies négatives
exorcisées sont ressenties sous la couleur noire mais l’intention est bien positive, à savoir la
purification.
(29) Selon Karmay, le nom 'Phan-yul désigne le district de 'Phan-yul au Nord de Lhassa. Il se pourrait
que ce soit là que la traduction Bonpo du Prajnaparamita ait été réalisée au tout début, puis dissimulée
dans différentes régions et redécouverte plus tard par gShen-chen klu-dga' au XIème siècle. Toutefois,
Lopon conteste cette théorie et défend que 'phan-yul était probablement un mot Shang-shoung dont la
signification a été oubliée. Le terme tibétain 'bum, signifiant littéralement "one hundred thousand," est
celui qui est habituellement employée dans la tradition bouddhiste pour désigner l’ensemble des
Prajnaparamita Sutras, dont le plus important est composé de cent mille versets.
(30) Voir Snellgrove, The Nine Ways of Bon, ibid.
(31) Les Termas révélés à bLo-ldan snying-po (b.(1360), Mi-zhig rDo-je, autrement connus comme
rDo-rje gling-pa (1346-1405), Kun-grol grags-pa (b. 1700), bDe-chen gling-pa (b.1833), gSang-
sngags gling-pa (b. 1864), mKha'-'gro bDe-chen dbang-mo (b.1868), etc., sont considérés comme de
récentes découvertes de textes-trésors (gter gsar). Parmi ceux qui sont cités ici, rDo-rje gling-pa est
également bien connu comme Terton Nyingmapa. A son sujet, voir Eva Dargyay, The Rise of Esoteric
Buddhism in Tibet, Motilal Banarsidass, Delhi 1977. Sur les Nouveaux Termas Bon en général, voir
Karmay, Treasury, ibid., pp.182-190.
(32) A propos du traducteur tibétain Vairochana comme Bonpo, voir Samten Karmay, The Great
Perfection, Brill, Leiden 1988, pp. 17-37, 216-223.
(33) Cf. Samten G. Karmay, The Great Perfection: A Philosophical and Meditative Teaching of
Tibetan Buddhism, Brill, Leiden 1988. Voir également Eva Dargyay, The Rise of Esoteric Buddhism
in Tibet, Motilal Banarsidass, Delhi 1977.
(34) Voir la discussion chez Reynolds, The Golden Letters, op. cit., pp. 199-286.
(35) Eva Dargyay, The Rise of Esoteric Buddhism in Tibet, Motilal Banarsidass, Delhi 1977. Chez les
Nyingmapa la division des Tantras Mahayoga comprend la section du Tantra (rgyud-sde), composée
de dix-huit Tantras commençant par le Tantra Guhyagarbha (rgyud gsang-ba snying-po), et la section
Sadhana (grub-sde) composée des textes pour les pratiques des huit Herukas.
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(36) Voir la traduction de Man-ngag lta-ba'i phreng-ba in Samten Karmay, The Great Perfection, op.
cit., pp. 137-174.
(37) Le stade de contemplation calme (mnyam-bzhag, Skt. samahita) représente le point culminant du
processus tantrique de transformation appelé sadhana (grub-thabs). Juste au moment où le processus
de visualisation commence à partir de l’état de vacuité ou Shunyata, générant les formes pures de la
déité et le mandala en dehors de cette condition primordiale de pure potentialité, à la fin de la pratique
de transformation, la visualisation de la déité et de son espace sacré est à nouveau dissoute dans sa
source, l’état de Shunyata. La dissolution de toutes les formes pures générées au cours du processus de
création (bskyed-rim) de sadhana dans la vacuité ne représente toutefois pas une véritable destruction
ou une anéantissement au sens propre du terme. Affirmer que c’est le cas équivaudrait à la position
erronée du nihilisme (chad-lta). Cela représente plutôt une réintégration des formes manifestées à leur
source, où elles demeurent dans leur pleine potentialité. Ayant dissout les visualisation une fois
encore, le méditant se repose un certain temps dans Shunyata ou pure potentialité non manifestée, dans
ce que l’on appelle une condition de contemplation calme (mnyam-bzhag), en dehors duquel, par la
suite, les visions et sons de la vie quotidienne refont surface comme condition de l’après méditation
(rjes-thob). Le terme sanscrit samahita est de la même origine que le terme plus familier samadhi, que
je traduis tous les deux en anglais par "contemplation," de manière à bien les distinguer du terme
« méditation » (sgom-pa, Skt. bhavana). Pour le Dzogchen, le fait de demeurer dans cet état de
contemplation est assimiler à être dans l’Etat Naturel (gnas-lugs). Toutefois, dans la pratique du
Tantra, il est nécessaire de passer d’abord par le processus élaboré de visualisation et de
transformation de manière à se trouver dans les conditions de contemplation une fois que la
visualisation a été dissoute à nouveau dans Shunyata. Ce processus de visualisation récapitule la
création, l’évolution, et la dissolution de tout l’univers manifesté. Mais dans le contexte de la pratique
du Dzogchen, il n’est pas nécessaire de transformer d’abord quelque chose en autre chose pour se
trouver dans les conditions de contemplation. On se relaxe plutôt, simplement, et on se place en
contemplation au tout début de la pratique et on s’y maintient, par tous les moyens. C’est la principale
pratique de Dzogchen, par rapport à laquelle toutes les pratiques de transformation tantriques sont
considérées comme secondaires. Sur cette question, voir aussi David Jackson, Enlightenment by a
Single Means: The Tibetan Controversies on the "Self-Sufficient White Remedy" (dkar po chig thub),
Verlag Der Östereichischen Akademie der Wissenschaften, Vienne 1994.
(38) Il y a eu de nombreuses discussions parmi les érudits pour définir l’emplacement d’Uddiyana (o-
rgyan). Tucci la localise dans la vallée de Swat, au Pakistan en se référant à deux textes tibétains
médiévaux. Voir Giuseppe Tucci, Travels of Tibetan Pilgrimes in the Swat Valley, The Greater India
Society, Calcutta 1940. Toutefois, davantage d’indices semblent indiquer qu’Uddiyana était une
région bien plus importante, incluant la plus grande partie orientale de l’Afghanistan. See C.S.
Upasak, History of Buddhism in Afghanistan, Central Institute of Higher Tibetan Studies, Varanasi
1990.
(39) Sur Gyer-spungs sNang-bzher Lod-po et ses disciples, voir les chapitres trois et quatre plus bas.
(40) A propos des origines du Mahayana dans le Nord-Ouest de l’Inde, voir Etienne Lamotte, History
of Indian Buddhism, Louvain 1988. Sur les origines du Dzogchen dans la même région, voir Samten
G. Karmay, "A Discussion of the Doctrinal Position of the rDzogs-chen from the 10th to the 11th
Centuries, in Journal Asiatique 1-2, Paris 1975, pp. 147-155; ainsi que, du même auteur, The Great
Perfection: A Philosophical and Meditative Teaching of Tibetan Buddhism, Brill, Leiden 1988.
(41) Sur le Tantra Guyasamaja, voir Alex Wayman, The Buddhist Tantras: Light on Indo-Tibetan
Esotericism, Samual Weiser, New York 1973, et, du même auteur, The Yoga of the
Guhyasamajatantra, Motilal Banarsidass, New Delhi 1977.
(42) Au sujet des origines du Tantra Kalachakra et de Shambhala, voir Edwin Bernbaum, The Way to
Shambhala, Anchor / Doubleday, New York 1980.
(43) Lopon Tenzin Namdak et d’autres lamas Bonpo dont j’ai dit qu’ils avaient assimilé 'Ol-mo lung-
ring à Shambhala. Pour une discussion sur Shambhala dans la tradition tibétaine en général,
bouddhiste et Bonpo, voir Bernbaum, The Way to Shambhala, op. cit.
(44) Ceci a déjà été suggéré par Snellgrove in Indo-Tibetan Buddhism, ibid.
(45) Voir C. Beckwith, The Tibetan Empire in Central Asia, ibid.
(46) Communication orale de Lopon Tenzin Namdak. Lopon passa deux années dans cette région à se
cacher des communistes chinois. Sur cette région et ses vestiges archéologiques, voir John Vincent
Bellezza, Divine Dyads: Ancent Civilization in Tibet, Library of Tibetan Works and Archives,
Dharamsala 1997. Voir également son article, John Vincent Bellezza, "High Country Culture: A
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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 15/16 Vajranatha
Civilization Flourished in the Himalayas before Buddhism Reached Tibet," Discovering Archaeology
v.1 n.3, May-June 1999, pp. 78-83.
(47) Snellgrove and Richardson, A Cultural History of Tibet, ibid. Lopon Tenzin Namdak soutient que
ce moine Bodhisattva n’était pas le fameux érudit bouddhiste indien Shantirakshita qui, plus tard,
devint le premier abbé du monastère de Samye. Mais voyez la traduction du Bon ma nub-pa'i gtan-
tshigs au chapitre six, seconde partie.
(48) A propos du système A-khrid et rMe'u-ston dGongs-mdzod ri-khrod chen-po, voir Per Kvaerne,
"Bonpo Studies: The A-khrid System of Meditation," Première partie: "The Transmission of the A-
khrid System," in Kailash v. I, n. 1, pp. 19-50, Kathmandu 1973.
(49) A-za bLo-gros rgyal-mtshan, 1198-1263.
(50) Bru-chen rGyal-ba g.yung-drung, 1242-1209, composa le guide intitulé A-khrid thun mtshams
bco-lnga-pa, "les quinze sessions de pratique duA-khrid." Pour la traduction de la plus grande partie
de cet ouvrage, voir Per Kvaerne and Thubten Rikey, The Stages of A-khrid Meditation: Dzogchen
Practice of the Bon Tradition, Library of Tibetan Works and Archives, Dharamsala 1996. Et pour le
système A-khrid en général, voir Per Kvaerne, "Bonpo Studies: The A-khrid System of Meditation,"
Première partie: "The Transmission of the A-khrid System," in Kailash v. I, n. 1, pp. 19-50, Seconde
partie: "The Essential Teachings of the A-khrid System, in Kailash v. I, n. 4, pp. 248-332, Kathmandu
1973. Pour une traduction de l’hagiographie de ce maître, voir le chapitre huit plus loin.
(51) Shar-rdza bKra-shis rgyal-mtshan, 1859-1934. Shardza Rinpoche était un pratiquant réalisé de
Dzogchen qui, à la fin de sa vie, manifesta le Corps d'Arc-en-ciel. A propos de la retraite dans le noir
selon Shardza Rinpoché, voir la monographie, John Myrdhin Reynolds, The Instructions of Shardza
Rinpoche for the Practice of Vision and the Dark Retreat, Bonpo Translation Project (privately
printed), New York 1992.
(52) A propos de rDzogs-chen sems-sde, voir Reynolds, The Golden Letters, ibid. et aussi Namkhai
Norbu, The Crystal and the Way of Light: Sutra, Tantra, and Dzogchen, Arkana Penguin Books,
London 1993.
(53) On dit que sNya-chen Li-shu stag-rings était un contemporain du roi tibétain Khri-srong lde'u-
btsan et activement impliqué dans la dissimulation des textes Terma. Voir Karmay, Treasury, ibid. On
Li-shu stag-rings, see also Chapitre quatre plus loin. Le texte du rDzogs-chen yang-rtse'i klong-chen
fut réédité en Inde en 1973

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Les Traditions Bonpo du Dzogchen 16/16 Vajranatha

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