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05 May 2011
Depuis trente ans, la France n'a pas su gérer ses finances publiques. Le ratio de dette n'a presque jamais
cessé d'augmenter, la politique budgétaire a souvent été à contretemps de la stabilisation conjoncturelle et
le pays a gaspillé sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires à force d'engagements non tenus.
L'échéance cependant est venue et la prochaine élection présidentielle sera dominée par la question
budgétaire. Pour deux raisons, interne et externe. La première est que, pour reprendre la maîtrise de ses
finances publiques, la France va devoir dès la prochaine mandature procéder à un ajustement sans
précédent de l'ordre de 4 points de PIB (80 milliards). La deuxième est qu'à la demande des pays
créanciers, qui ne veulent plus tolérer les déficits permanents de leurs partenaires, la surveillance
budgétaire européenne va être bien plus prégnante.
Cette double contrainte s'imposera à tous les candidats. Ceux-ci n'auront pas vraiment le choix de l'objectif,
seulement ceux du rythme et des moyens. Il est donc souhaitable que le débat électoral porte sur la
stratégie de redressement, c'est-à-dire sur l'équilibre entre ajustement par les recettes et/ou par les
dépenses, et surtout sur la nature des mesures de recettes et de dépenses.
Il est donc temps de changer de méthode : de distinguer ce qui relève des disciplines inévitables et ce qui
ressort du choix politique ; de mettre la politique budgétaire en état de servir les objectifs économiques ; et
de regagner une crédibilité perdue.
Le projet de réforme présenté par le gouvernement vise à inscrire les décisions budgétaires annuelles dans
des lois-cadres fixant des orientations pluriannuelles pour les finances publiques. Le contenu des lois-
cadres, la période qu'elles couvrent et la manière dont leurs dispositions s'imposent aux lois de Finances
devraient faire l'objet d'une loi organique.
Ce projet offre l'occasion d'une réflexion trop longtemps retardée sur une définition nationale de la
responsabilité budgétaire. Certes, le moment choisi, à l'approche d'une échéance nationale, n'est pas le
meilleur. Mais la question ne va pas disparaître avec l'élection et il serait dommage que le débat de fond
soit occulté par les préoccupations tactiques.
Inspiré du rapport Camdessus, le projet corrige plusieurs défauts des pratiques budgétaires passées, mais
doit être amendé sur plusieurs points.
En premier lieu, il ne fixe pas l'horizon auquel une situation financière stable doit être atteinte. Le risque est
que cela aboutisse à un déficit contrôlé a minima et à une dette publique maintenue à un niveau
durablement élevée. Au-delà des cycles politiques, la France devrait se doter d'un objectif de dette publique
à un horizon de vingt ans, suffisamment éloigné pour ne pas pénaliser la croissance le temps de
l'ajustement.
Se pose en troisième lieu la question de la correction des écarts passés. Dérapages et bonnes surprises
peuvent conduire sur cinq ans à des écarts de trajectoire considérables. Il est donc indispensable
d'instituer un compte de contrôle afin qu'au-delà d'un certain seuil les écarts en exécution soient rattrapés
au cours des années ultérieures. Une telle procédure offrirait de la flexibilité par rapport au cycle, mais
éviterait les dérapages persistants.
Enfin, la réforme devrait s'accompagner de la mise en place d'un Conseil des finances publiques
indépendant chargé non de prendre des décisions, mais de fixer des hypothèses économiques, d'effectuer
des projections budgétaires et de procéder à des évaluations. Cela garantirait la sincérité des prévisions et
évaluations ; permettrait d'alimenter le débat public en évaluations impartiales ; et assurerait la cohérence
entre décisions annuelles et objectif de long terme.
Il est temps de repenser le cadre de notre politique budgétaire : c'est la clef pour retrouver l'indépendance
économique nécessaire pour faire de vrais choix politiques.