Rapport Introductif:
SPECIAL REPORT
La Responsabilité du
Commissaire aux Comptes*
INTRODUCTION
l fût un temps où le médecin,
I l’avocat, et après eux, l’expert-
comptable, jouissaient du priv-
ilège de l’homme de l’art dont la
compétence pouvait faire l’objet
d’un doute, lequel restait tout
cartésien.
Le fondement de la profession, le
label de probité, empêchaient que la
mise en cause de leur activité
dépassât le stade intellectuel pour se
traduire par une action en respons-
abilité sur le terrain judiciaire.
Et pourtant, le commissaire aux
comptes ne pouvait légitimement
penser que son activité, comme
toute activité humaine, pût échap-
per au principe de responsabilité.
Cette responsabilité du commissaire
aux comptes peut s’envisager au
triple point de vue de la respons-
abilité civile, pénale et disciplinaire.
* Intervention présentée au colloque “la
responsabilité du commissaire aux comptes”
les 11 et 12 novembre 2005, USJ.
II- CARACTÉRISTIQUES DE LA
MISSION GÉNÉRALE DU COM-
MISSAIRE AUX COMPTES
a - Le commissariat aux comptes, ou
contrôle légal, a pour finalité
générale de concourir à la sécurité
des relations financières en expri-
mant sur les principales informations
qui en sont l’objet, une opinion com-
pétente et impartiale.
Le commissariat aux comptes est régi
par la loi qui:
• Détermine les entreprises et entités
qui y sont tenues.
● Fixe les missions dans leur objet et
leurs conditions d’exercice.
• Désigne les destinataires des com-
munications et rapports du commis-
saire aux comptes.
Le processus historique d’extension
du besoin d’une information compt-
able et financière plus étendue plus
fiable et plus transparente induit une
évolution du commissariat aux
Farid Gebran
Président de l’Ordre
des Experts Comptables
Agréés au Liban
comptes marquée par :
• Des élargissements successifs:
- du nombre et de la nature des
24 Oó©dG ` ` 2005 ™HGôdG π°üØdG ` ` RÉÛG Ö°SÉÙG
entités assujetties
- des informations concernées
- des personnes et organismes qui en
sont les bénéficiaires
• Une différenciation des missions
impliquant de la part du commissaire
aux comptes:
- soit d’effectuer des contrôles plus
ou moins étendus,
- soit de signaler certains faits 62
THE CERTIFIED ACCOUNTANT – 4th Quarter 2005 – Issuse #24
b - Le commissariat aux comptes
constitue ainsi un ensemble complexe
de missions qui peuvent s’ordonner en
quatre catégories principales:
• Une mission d’audit conduisant à
certifier que les comptes présentés
répondent aux qualifications légales
de régularité, de sincérité et d’image
fidèle.
• Des missions spécifiques inter-
venant dans le cadre de sa mission
de certification.
 • Des missions particulières relatives à
la réalisation de certaines opérations.
• Une mission de communication de
ses opinions aux organismes et per-
sonnes désignés par la loi.
SPECIAL REPORT
III- RESPONSABILITÉ CIVILE
DU COMMISSAIRE AUX
COMPTES
a - Le Commissaire aux Comptes et
les dirigeants
Les dirigeants sociaux ont la charge,
sous leur responsabilité, d’établir des
comptes réguliers et sincères et qui
donnent une image fidèle du résultat
des opérations de l’exercice écoulé
ainsi que de la situation financière et
du patrimoine de la société à la fin de
cet exercice, d’informer correctement
les associés, de veiller au bon fonc-
tionnement des services de la société
et de contrôler l’activité du personnel.
Si des fautes sont commises, est-ce
24 Oó©dG ` ` 2005 ™HGôdG π°üØdG ` ` RÉÛG Ö°SÉÙG
que la responsabilité du commissaire
aux comptes se confond avec celle
des dirigeants?
b - Le commissaire aux comptes n’a
donc pas à vérifier toutes les opéra-
tions qui relèvent du champ de ses
missions, ni à rechercher systéma-
tiquement toutes les erreurs et irrégu-
larités qu’elles pourraient comporter.
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L’objectif est d’exécuter sa mission
THE CERTIFIED ACCOUNTANT – 4th Quarter 2005 – Issuse #24
avec toute la compétence et le soin
que l’on est en droit d’attendre d’un
professionnel raisonnablement dili-
gent et d’acquérir un degré
raisonnable d’assurance quant à
l’opinion qu’il est appelé à formuler.
Est-ce que le commissaire aux
comptes est tenu d’une obligation de
moyens ou de résultat?
c - Le commissaire aux comptes a
un droit de communication étendu
qui l’autorise à s’informer sur la ges-
tion pour qu’il puisse former son
opinion sur le rapport existant entre,
d’une part les réalités économiques,
commerciales et techniques. Et
d’autre part la représentation du pat-
rimoine et la situation financière tirée
des comptes.
Il est demandé au commissaire aux
comptes d’apprécier les motifs, le
contenu et les résultats de certains
actes, mais c’est toujours en fonction
de qualifications, de critères que la
loi précise.
Il s’agit notamment:
• du caractère sincère de certaines
opérations.
● du caractère délictueux de certains
faits.
• du caractère normal de certaines
conventions.
• des faits susceptibles de mettre en
cause la continuité de l’exploitation.
• de la convocation de l’assemblée
générale en cas de carence des
dirigeants sociaux.
• du caractère vraisemblable et plau-
sible des hypothèques et méthodes
retenues.
Par contre, il est interdit au commis-
saire aux comptes:
d’accomplir des actes de gestion, ni
directement ni par association ou
substitution aux dirigeants.
D’exprimer des jugements de valeur
sur la conduite de la gestion.
Si cette interdiction est impérative
dans son principe, elle est évolutive
dans son application en fonction des
normes et de la pratique.
Mais est-ce que cette interdiction
vise l’intervention volontaire faite à
tort ou sans base légale?
Ou il est du jugement du commis-
saire aux comptes de mesurer les
limites que l’immixtion pose aux
nécessités du bon exercice de ses
mission?
d - La mission implique-t-elle des
avis et conseils?
L’essentiel de la mission du commis-
saire aux comptes est de se pronon-
cer sur les qualités des comptes
soumis par les dirigeants sociaux à
l’approbation de l’assemblée
générale. Pour autant, elle ne se lim-
ite pas à l’appréciation à posteriori
des comptes arrêtés.
Le pouvoir d’investigation permanent
qui est donné au commissaire aux
comptes, et qui est utile pour un

exercice efficace de sa mission,
l’amène à entretenir des contacts
suivis avec les dirigeants et les per-
sonnes responsables de la société. A
l’occasion de ces contacts, il est
appelé:
• A répondre aux questions qui lui
seraient posées sur la régularité et la
sincérité d’une opération envisagée.
• A signaler aux dirigeants les points
sur lesquels une amélioration est
nécessaire.
• A assister aux réunions du conseil
d’administration pour donner un con-
seil ou avis.
Ces conseils et avis, que le commis-
saire aux comptes est amené à don-
ner aux dirigeants, doivent-ils rester
en relation avec sa mission ou con-
duire à déroger aux règles d’indépen-
dance, d’incompatibilité, de non-
immixtion dans la gestion?
e - Le caractère permanent de la
mission
Le commissaire aux comptes a un
pouvoir permanent de contrôle, mais
il n’est pas chargé d’un contrôle per-
manent.
Ayant reçu ce pouvoir, c’est dans le
cadre général de son obligation de
moyens qu’il incombe au commis-
saire aux comptes de déterminer
quand et comment il doit en user,
surtout que les délais entre l’arrêté
des comptes et leur approbation ne
permet pas, dans la plupart des cas,
au commissaire aux comptes d’ef-
fectuer dans ce court laps de temps
tous les contrôles que requiert une
certification raisonnablement fondée.
f - L’importance du Jugement
Personnel
Le commissaire aux comptes ne peut
tout contrôler, quels que soient ses
moyens. Sa mission et sa respons-
La Responsabilité du C.A.C.
abilité sont donc d’effectuer les con-
trôles qu’il estime appropriés afin
d’acquérir un degré raisonnable d’as-
surance pour fonder son opinion.
Ainsi, l’exercice de la mission
requiert à tout instant une suite de
choix et de décision.
Le jugement personnel est-il une
composante essentielle de la
démarche du commissaire aux
comptes et de ses conséquences en
matière de responsabilité?
g - Travail en équipe et intervention
personnelle
L’intervention personnelle du profes-
sionnel est le fondement même d’une
profession libérale. Elle a, à la fois
pour cause et conséquence, sa
responsabilité personnelle.
Les contrôles que requiert l’exercice
du commissariat aux comptes exi-
gent que le commissaire aux
comptes, titulaire du mandat ou co-
signataire, se fasse assister par des
associés, des collaborateurs salariés
ou des experts indépendants.
Mais conservant personnellement
une responsabilité entière, le com-
missaire aux comptes peut-il
déléguer tous ses pouvoirs, ou trans-
férer l’essentiel des travaux?
Est-ce qu’il doit conserver la maîtrise
de l’exécution de la mission et
assumer les décisions les plus signi-
ficatives à responsabilité entière?
IV- RESPONSABILITÉ PÉNALE DU
COMMISSAIRE AUX COMPTES
Afin de restaurer la confiance des
marchés vis-à-vis de la communica-
tion financière, certaines dispositions
ayant trait au statut et aux missions
du commissaire aux comptes sont
adoptées et concernent notamment:
• Les travaux à mener afin de rendre
le rapport plus lisible et plus utile.
• L’élargissement de la révélation des
faits délictueux relevés dans le cadre
de sa mission.
• L’usage illégal du titre de commis-
saire aux comptes ou de titre tendant
SPECIAL REPORT
à créer une similitude ou une confu-
sion avec celui-ci.
• Les incompatibilités légales.
La loi, les règlements, les normes et
la déontologie font l’obligation au
commissaire aux comptes d’être et
de paraître indépendant. Il doit con-
server une attitude d’esprit permet-
tant d’exécuter ses missions avec
intégrité et objectivité, et être libre de
tout lien réel pouvant constituer une
entrave à cette intégrité et à cette
objectivité. Du respect de ces
principes découle la législation sur
les incompatibilités.
De même, le législateur réprime
également l’absence de nomination
du commissaire aux comptes et l’en-
24 Oó©dG ` ` 2005 ™HGôdG π°üØdG ` ` RÉÛG Ö°SÉÙG
trave à ses missions dans un souci
d’efficacité du contrôle.
A côté de ses responsabilités civile et
disciplinaire, le professionnel peut
être poursuivi pénalement pour les
infractions dont il s’est rendu
coupable en qualité d’auteur princi-
pal ou de complice, telles que:
a - Infractions relatives aux incom-
patibilités.
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b - Infractions relatives a la nomina- THE CERTIFIED ACCOUNTANT – 4th Quarter 2005 – Issuse #24
tion et a la convocation du commis-
saire aux comptes.
c - Infraction relative a l’exercice de
la mission du commissaire aux
comptes – délit d’entrave.
d - Délit de confirmation d’informa-
tions mensongères.
e - Délit de non révélation des faits
délictueux.
f - Sanctions liées a l’absence de
respect du secret professionnel.
Devant cette énumération des faits
 délictueux à révéler, est-ce qu’il
s’agit:
1. Des faits dont le commissaire aux
comptes a eu connaissance, quelle
que soit leur gravité et même si la sit-
uation a été régularisée?
SPECIAL REPORT
2. Ou seuls doivent être révélés les
faits significatifs et délibérés?
3. Est-ce que l’erreur de bonne foi
serait considérée comme intention
coupable?
V- RESPONSABILITÉ DISCIPLINAIRE
DU COMMISSAIRE AUX COMPTES
Les obligations du commissaire aux
comptes ne naissent pas seulement
du contrat le liant à ses clients ou des
effets de son activité professionnelle
vis-à-vis des tiers. Du fait de son
appartenance à l’ordre, il se trouve
soumis à un pouvoir disciplinaire.
a - Nature de la responsabilité disci-
plinaire
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La constitution en ordre profession-
nel, entraîne par nature même l’exis-
tence d’un droit disciplinaire.
Ce droit disciplinaire auquel sont
soumis les membres de l’ordre
présente les mêmes caractéristiques
que les autres droits disciplinaires
des professions organisées en Ordre.
L’action disciplinaire s’exerce dans
un domaine distinct et indépendant
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de l’action civile et de l’action pénale,
THE CERTIFIED ACCOUNTANT – 4th Quarter 2005 – Issuse #24
elle obéit à des règles qui lui sont
propres, et ne concernent ni le patri-
moine, ni la liberté du professionnel
et restent limitées dans leurs effets à
ses seules relations avec la profes-
sion.
b - Fondement de la Responsabilité
disciplinaire
Les obligations qui constituent la
matière de la responsabilité disci-
plinaire définissent l’éthique de la
profession. Les sources proviennent
des textes législatifs et réglemen-
taires, et pour une grande part du
code des devoirs professionnels et
des normes internationales.
Les éléments essentiels s’articulent
autour de deux domaines:
D’une part l’éthique personnelle
La devise même de l’ordre “science,
conscience, indépendance” ren-
ferme le résumé des obligations de
ses membres, et au plan personnel
c’est la conscience qui est l’élément
essentiel.
Au sens où Rabelais disait:
“Science sans conscience n’est que
ruine de l’âme”.
Il est exigé du membre de l’ordre une
moralité qui soit compatible avec la
dignité professionnelle.
Et d’autre part l’éthique profession-
nelle
Cette éthique porte:
• sur les conditions d’installation du
membre de l’ordre pour exercer sa
profession,
• sur ses obligations professionnelles
vis-à-vis de ses clients et des
autorités de contrôle,
• ses relations avec les autres mem-
bres de l’Ordre et l’Ordre lui-même,
• sa compétence et la mise à jour de
ses connaissances, ainsi que de ses
collaborateurs ou experts auxquels il
confie des travaux,
• sur la qualité du travail,
sur le secret professionnel,
• sur l’acceptation et le maintien de
ses missions.
Chers amis,
C’est dans un concert mondial que
s’inscrit le développement des normes
d’audit, qui sont l’une des conditions
du développement de notre profes-
sion.
Quelles que soient la nature et les
conséquences de la normalisation
de la profession d’audit, politique
ou à effets économiques.
Et quelle que soit l’origine des
normes provenant d’organisations
mondiales, relevant du droit pub-
lic ou du droit privé,
Ou des normes provenant d’une
autorité régionale ou nationale avec
également des sources publiques ou
privées.
L’Ordre des Experts Comptables
Agréés au Liban s’est lancé à fond
dans ce développement, et par-
ticipe avec ardeur et prudence à
cette mutation.