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D.

Jacoby

Jean Lascaris Calophéros, Chypre et la Morée


In: Revue des études byzantines, tome 26, 1968. pp. 189-228.

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Jacoby D. Jean Lascaris Calophéros, Chypre et la Morée. In: Revue des études byzantines, tome 26, 1968. pp. 189-228.

doi : 10.3406/rebyz.1968.1406

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1968_num_26_1_1406
JEAN LASCARIS CALOPHEROS,

CHYPRE ET LA MORÉE

Jean Lascaris Galophéros est sans doute un des personnages les plus
étranges de son époque 1. Il tombe en disgrâce, sous le règne de Jean V
Paléologue, pour avoir voulu épouser Marie Cantacuzène, une nièce
de l'empereur. A la suite de la conclusion de ce mariage, qui ne fut
jamais consommé 2, il est forcé de s'exiler, en 1363 au plus tard 3,
et, par la suite, ne retourne plus en terre d'Empire. En Occident
ce Byzantin de naissance se fait intituler miles Constantino politanus
et se fait passer pour un descendant de la dynastie impériale des
Lascaris4. N'empêche qu'il devient tour à tour citoyen de Gênes, puis
de Venise 5. Ami intime de Démétrius Cydonès et converti comme lui

1. On trouve des indications biographiques sur Calophéros dans K. Hopf,


Geschichte Griechenlands vom Beginn des Mittelalters bis auf unsere Zeit, Ersch-
Gruber Encyclopédie, Leipzig, 1 867-1 868, vol. 86 (ci-après : GG, II) ; en outre, dans
Ν. Jorga, Philippe de Mézières, 1327-1405, et la Croisade au XIVe siècle, Paris,
1896, p. 280, 285, 354, 357 ; O. Halecki, Un empereur de Byzance à Borne. [Travaux
historiques de la, société des sciences et des lettres de Varsovie, 8), Varsovie, 1930,
p. 91-101, 272-282, 360-363 et passim; Giov. Mercati, Per V epistolario di Deme-
trio Cidone, Studi bizantini e neoellenici 3 (1931), p. 214-225. Les lettres de Démét
riusCydonès, particulièrement précieuses pour notre propos, ainsi que de nom
breux actes inédits, ont été publiés par R.-J. Loenertz, Démétrius Cydonès, corre
spondance (Studi e Testi, 186 et 208), Gittà del Vaticano, 1956-1960 (ci-après :
D. C, I et II). De nombreux actes de Grégoire XI, ayant trait à Calophéros, ont
été édités par A. L. Täutu, Ada Gregorü P.P. XI, (1370-1 378), Pontificia com-
missio ad redigendum codicem luris canonici orientalis, Fontes, Ser. III, vol. XII,
Città del Vaticano, 1966.
2. Cf. O. Halecki, op. cit., p. 92-93, et les lettres d'Urbain V à ce sujet, en date
du 18 avril 1365 : ibid., p. 360-361 (n° 3) et p. 362-363 (n° 4) : Beg. Vat. 247, fol. 80 r.
et 81 v. En outre, cf. la lettre mentionnée à la note suivante et G. Mercati, loc.
cit., p. 215-216 et 219. Jusqu'à une date récente, on a confondu Marie de Mimars,
que Calophéros épousa en Chypre, avec Marie Cantacuzène.
3. Date déduite d'une lettre de Démétrius Cydonès à Calophéros, expédiée de
Constantinople, où il en est question : D. C, I, p. 104-107, n° 73.
4. Cf. la lettre de Grégoire XI à Charles V, roi de France, du 24 mars 1 373, où il
recommande Calophéros, vir catholicus jam, mu It is annis elapsis ac de illustri génère
Lascariorum, de quo multi imperatores Grecorum fuerunt : Beg. Vat. 269. fol. 36 ν.
5. Cf. irijra.
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au catholicisme 6, conseiller et homme de confiance des papes Urbain V


et Grégoire XI, ce voyageur infatigable parcourt pendant quelques
années les pays de la Chrétienté romaine, au service de l'Union des
Églises et de la croisade contre les Turcs. Cette prodigieuse activité
a déjà été examinée 7, et nous n'avons guère l'intention d'y revenir.
Il s'en faut toutefois qu'elle ait absorbé toute l'attention ou toute
l'énergie de Calophéros. En dépit de ses nombreux voyages, la Morée
a constitué pour celui-ci un point d'appui dès 1372, et il est de notre
propos d'examiner ici les liens qui unissent son sort à celui de cette
région. Au préalable, il sera à la fois utile et nécessaire de retracer,
dans la mesure du possible, les agissements de Jean Lascaris Calo
phéros depuis son arrivée en Occident, en particulier en Chypre. On
pourra ainsi contribuer à la biographie de ce personnage, tout en élimi
nant diverses erreurs qui ont cours à son sujet.

***

En 1365, près de deux années après avoir quitté Constantinople,


sa ville natale, Calophéros n'avait pas encore abandonné l'espoir
d'y rentrer. A défaut de réaliser son vœu dans l'immédiat, il projeta
pendant quelque temps de s'établir dans une colonie génoise, de préfé
rence à Péra 8 dans l'attente d'une réconciliation avec Jean V Paléo-
logue. Dès cette époque, il s'était lié d'amitié avec Pierre Ier de Chypre,
peut-être à Venise, où celui-ci était arrivé le 11 novembre 1364 9.
Armé d'une lettre de recommandation du roi, Calophéros se rendit
en Avignon, où il se trouvait le 18 avril 1365. A sa demande, Urbain V
le recommanda à Gabriel Adorno, doge de Gênes 10, puis, le 15 juillet
suivant aux autorités génoises de Péra11. N'empêche qu'il accompagna
Pierre Ier, quand celui-ci quitta Venise pour regagner son royaume,

6. Urbain V en fait déjà état le 18 avril 1.365, dans une lettre adressée à Pierre
Thomas, patriarche latin de Constantinople : Reg. Vat. 247, fol. 79 r. Autres lettres
où il en est question : ibid., fol. 81 v.-82 r., dont le texte a été publié par O. Halecki,
op. cit., p. 363-364 (n° 5) ; cf. également, dans ce même ouvrage, p. 97.
7. En particulier par O. Halecki et Giov. Mercati; cf. supra, n. 1.
8. Cf. infra, n. 10 et 11.
9. Pour cette date, cf. N. Jorga, op. cit., p. 259.
10. Reg. Vat. 247, fol. 81 r.-v., publié par O. Halecki, op. cit., p. 361-363 (n° 4),
et cf. p. 98, où il en est question. Calophéros désire habiter in aliquo loco vestro
de partibus Grecie, donec ad gratiam Imperatoris prefati redierit.
11. Reg. Vat. 247, fol. 129 r. : dictus miles reconciliationem eandem in nullo alia
loco quam in terra vestra Pere valeat commodius procurare.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 191

le 27 juin de la même année 12. Quelques mois plus tard, en octobre,


lors de l'expédition contre Alexandrie, Galophéros voyagea à bord
de la galère du roi, avec les barons favoris de ce dernier et des digni
taires de haut rang13. Il se trouvait également parmi ceux qui s'embar
quèrent à Famagouste, pour partir, le 17 janvier 1367, vers une
destination inconnue, et, à nouveau, le 26 février, quand une flotte
cingla, sous la direction du prince d'Antioche, à la rescousse de Gorhi-
gos, place située sur la côte méridionale d'Asie Mineure, et défendue
par une garnison chypriote depuis 1359 14. Pierre Ier préparait une
nouvelle expédition, quand une partie de la garnison de Satalie se
révolta contre le gouverneur. Le 26 mai 1367, il parti de Chypre pour
s'y rendre. Une des 29 galères de la flotte chypriote était commandée
par Calophéros 15.
La fonction occupée par celui-ci, ainsi que l'attention que lui
accorde le chroniqueur Léonce Mâcheras, suffisent à prouver l'impor
tancedu personnage et la faveur dont il jouissait auprès de Pierre Ier.
Celle-ci se manifesta d'une autre manière, puisque, vraisemblablement
en 1367, Calophéros épousait Marie de Mimars, veuve de Jean de Sois-
sons, mort à Rhodes vers le mois de mars 1366 16, mariage qui, confo
rmément aux règles du droit féodal chypriote, ne pouvait être célébré
qu'avec l'approbation du roi, seigneur de la veuve.
Fait pour le moins étrange, Marie de Mimars s'obligea de son vivant
envers Calophéros pour la somme fabuleuse de 243.567 besants de
Chypre. Ne pouvant s'exécuter, elle assigna tous ses biens en gage à
son mari, sur l'ordre et avec l'assentiment de la Cour royale, ou, pour
être plus précis, de Pierre Ier17. Il s'agit vraisemblablement d'un
subterfuge, visant à transférer à Calophéros la jouissance des biens que

12. Pour cette date, cf. N. Jorga, op. cit., p. 277.


13. Léonce Mâcheras, Chronique de Chypre, éd. E. Miller et C. Sathas, Paris,
1882, ]). 89 : ό μισέρ Τζουαν Λάσκοφις; Strambaldi, Chronique, éd. R. de Mas
Lalrie. Paris 1893, p. 67.
14. Macliéras, p. 101 et 105; Strambaldi, p. 75, 77-78; cf. N. Jorga, op. cit.,
p. 354, 357-358. Sur l'occupation de Gorhigos en 1359, cf. ibid., p. 110-114.
15. Mâcheras, p. 108 et Strambaldi, p. 80, qui mentionnent le chiffre 28, mais
énirmérent 29 galères. (If. Λ'. Jorga, op. cit., p. 359-360.
16. Macliéras, p. 92-93.
1 7. D'après une lettre de Grégoire XI, du 30 avril 1376 [Reg. Vat. 288, fol. 185-
186); 1). C, II, p. 420-421, n° 2, 1. 12-18, et en particulier ceci : et ad solvendurn
predict os. diclo lohanni nrn.nia bona sua ubicumque existèrent obligassetetypothecasset
ac pro pignore eidem lohanni Lascari assignassel (Täutu, op. cit., p. 399, n. 667);
une autre lettre du [tape, du 9 juin 1373 (Reg. Vat. 269, fol. 178 ν.), précise : in
et super bonis suis ordinacione et auctoritate curie regie predicto lohanni... concesse-
nit cl eciain assi gnm'ernl : D. (.'., I, p. 18Ί, n" 6, 1. 12-16.
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Marie tenait en douaire et à les lui assurer, même au cas où celle-ci


mourrait avant lui. Ainsi ne pourraient-ils pas faire retour à l'héritier
légitime de Jean de Soissons, premier mari de Marie. Cette opération
était évidemment contraire aux dispositions du droit féodal. On sait
que les atteintes portées à celui-ci et aux droits des chevaliers chy
priotes par Pierre Ier contribuèrent à l'assassinat du roi, le 17 janvier
1369 18.
Le compte dressé par Bernard Anselme pour le diocèse de Limassol,
qui couvre la période allant du 1er avril 1367 au 31 mars 1368, men
tionne les recettes de Siria, localité détenue par Jean Lascaris Calo-
phéros 19. On peut en déduire qu'elle l'était déjà avant la première
de ces dates. Il s'agit sans doute d'un bien octroyé directement par
Pierre Ier à notre personnage. De tout ce qui précède, on peut conclure
que Calophéros avait décidé de s'établir en Chypre.
On ne sait rien de précis sur le sort de Calophéros, immédiatement
après l'assassinat du roi, le 17 janvier 1369. A-t-il été emprisonné
alors, avec d'autres favoris de Pierre Ier, ainsi qu'on l'a affirmé20?
Rien ne le prouve. Par deux fois, Urbain V avait demandé la libéra
tionde Calophéros à Jean de Lusignan, régent de Chypre. Le 1er mai
1371, Grégoire XI réitérait la demande de son prédécesseur21. De
toute évidence, les interventions d'Urbain V sont antérieures à sa
mort, survenue le 19 décembre 1370. Divers indices semblent indiquer
que l'incarcération de Calophéros a eu lieu en 1370, sans rapport
direct avec la mort de Pierre Ier. Nous en préciserons bientôt les ci
rconstances.
Marie de Mimars mourut entre le 17 janvier 1369, date à laquelle
fut assassiné Pierre Ier, nous l'avons dit, et août 1370 22. Aussitôt
après, Janot de Soissons occupa tous les biens remis en gage à Calo
phéros, et refusa de payer à ce dernier la somme due par sa mère 23.
Cette action doit être mise en rapport avec celle qu'entreprirent les
sœurs de Janot de Soissons, Alise, mariée à Baudouin de Nores, et

18. Cf. J. Richard, La révolution de 1369 dans le royaume de Chypre, Biblio


thèque de V École des Chartes 110 (1952), p. 108-123.
19. J. Richard, Documents chypriotes des Archives du Vatican (XIVe et XVe
siècles), Paris, 1962, p. 84, 1. 14, et p. 91, 1. 17; cf. également infra, n. 39.
20. Ainsi G. Mercati, loc. cit., p. 217.
21. Reg. Vat. 263, fol. 272 r.-v. ; O. Halecki, op. cit., p. 386-387, n° 22. Urbain V
per duplicatas litteras nobilitatem tuam rogavit, ut ipsum militem restitui jaceres
pristine libertali. Le même jour, Grégoire XI écrivait à Galophéros, pour lui faire
part de l'envoi de cette lettre; D. C, I, p. 183-184, n° 4.
22. Pour la justification de ces dates, cf. infra.
23. D. C, II, p. 421, 1. 18-24.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 193

Marguerite, qui avait épousé Léon de Lusignan en mai 1369 24. Selon
un acte de Grégoire XI, du 23 mars 1373, les deux chevaliers chy
priotes s'étaient emparés, « avec des complices », de biens et revenus
ayant été détenus par Marie de Mimars, d'une valeur supérieure à
100.000 florins 25. Il y a tout lieu de croire que Janot de Soissons avait
agi en plein accord avec ses sœurs et les maris de celles-ci, ou, du
moins, leur avait [cédé une partie des biens dont il s'était emparé :
des sentences prononcées à leur sujet, et dont il sera question plus
loin, indiquent en effet que Janot et ses sœurs détenaient chacun une
part des biens qui avaient constitué le douaire de leur mère.
Janot employa d'autres moyens pour faire valoir ses revendicat
ions, profitant en particulier de la mort de Pierre Ier, protecteur de
Calophéros. Il a probablement été un des instigateurs de l'accusation
formulée contre notre personnage, selon laquelle celui-ci aurait remis
une somme d'argent aux patrons de deux navires génois, à l'encontre
des intérêts du roi, de la reine et du royaume 26. Cette accusation doit
être mise en rapport avec les événements de 1370. Eleonore, veuve de
Pierre Ier, nourrissait des plans de vengeance, en particulier à l'égard
de Jean de Lusignan, régent du royaume et véritable détenteur du
pouvoir dans l'île. Elle fit écrire des lettres au pape, au roi de France,
ainsi qu'à d'autres princes d'Occident, accusant les chevaliers d'avoir
assassiné son mari et demandant l'envoi de navires génois pour lui
permettre de venir, avec le jeune Pierre II, auprès du pape. Ces lettres
devaient sans nul doute être expédiées par des navires génois, puisqu'on
en trouva d'autres, adressées à Gênes et demandant une intervention
armée contre l'île, chez le Génois Marco Grimaldi. Celui-ci fut empri
sonné et les lettres furent confisquées. Dénoncé le 29 août 1370, le
notaire qui les avait rédigées fut condamné comme traître et pendu
en septembre 1370 27. Il est vraisemblable que Calophéros avait été
effectivement mêlé aux plans d'Éléonore, puisque, à son départ de
Chypre pour l'Occident, en 1372 ou 1373, il fut chargé par elle de
transmettre un message oral à son père, le franciscain Pedro d'Ara-
gona 28. Fait significatif, Calophéros n'infirma pas la véracité des
24. Pour la date de ce dernier mariage, cf. Jean Dardel, Chronique d'Arménie,
Rec. Histor. des Croisades, Histor. arméniens, II, Paris, 1906, p. 39. Sur Léon,
cf. également infra.
25. Beg. Aven. 189, fol. 26 v. ; Täutu, Acta Gregoni XI, p. 122-124, n° 65.
26. D'après la lettre du 24 novembre 1374, adressée par Grégoire XI à Eleonore
de Chypre : Reg. Vat. 270, fol. 180; D. C, I, p. 185, n° 7, 1. 20-23.
27. Résumé des événements par G. Hill, A History of Cyprus, II, The Prankish
Period. 1192-1432, Cambridge, 1948, p. 377-378.
28. G. Golubovich, Biblioteca bio-bibliografica delta Terra Santa e delVOriente
194 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

faits dont il était accusé, mais invoqua qu'il avait été forcé de remettre
l'argent aux patrons génois 29. Cette explication ne convainc guère :
on ne voit en effet pas qui aurait pu l'y obliger. Il y a tout lieu de croire
que Calophéros fut emprisonné à cette époque, peut-être en été 1370,
à la suite des accusations formulées contre lui, la double intervention
d'Urbain V en sa faveur se plaçant peu après 30.
C'est vraisemblablement en relation avec ces événements que
se situe une initiative des sœurs de Janot de Soissons, Alise et Marguer
ite. Sans doute de connivence avec Janot, elles intentèrent un procès
au sujet des biens détenus par leur mère de son vivant et obtinrent de
la Haute Cour un verdict favorable, qui sanctionna leur action précé
dente 31. L'issue de cette action judiciaire ne doit guère nous surprend
re, puisque la politique poursuivie par le régent Jean de Lusignan
visait à révoquer diverses mesures prises par son frère Pierre Ier32_
Calophéros était toujours en prison le 1er mai 1371, ainsi qu'en
témoigne la lettre de Grégoire XI, dont il a été question plus haut33.
Il fut libéré par la suite et quitta Chypre pour l'Occident. En cours de
route, il s'arrêta en Morée 34, mais ne dut pas s'y attarder longtemps,
étant chargé d'une mission par Eleonore, reine de Chypre 35. On
pourra donc placer sa libération en 1372 36, puisque, le 20 février 1373,

francescano, V, Quaracchi, 1927, p. 164 : aliqua... quae scripto non çult commen-
dare (lettre de Grégoire XI à ce sujet, en date du 20 février 1373). Cf. O. Halecki,
op. cit., p. 272.
29. D. C, I, p. 185, n° 7, 1. 23-25 : et ipse firmiter asseratur hoc se non gratis,
sed contra eius voluntatem fecisse.
30. Cf. supra, n. 21.
31. Lettre de Grégoire XI à Domenico de Gampofregoso, doge de Gênes :
Reg. Vat. 270, fol. 182; D. C, II, p. 419-420, n° 1. Cf. aussi D. C, I, p. 185, n° 7,
1. 4-6 : quedam sententie post obitum clare memorie Pétri régis Cipri... late fuerint.
Indication chronologique imprécise, mais tout de même précieuse, puisqu'elle
permet de placer la mort de Marie de Mimars, ainsi que les agissements de Janot
de Soissons, après la mort du roi. La spoliation de Calophéros a eu lieu avec l'asse
ntiment du roi et du régent : Reg. Aven. 193, fol. 505; Täutu, op. cit., p. 246, n° 130
(lettre du 19 décembre 1374).
32. D'après Dardel, p. 39-40, le prince d'Antioche rappella tous les fiefs que le roy
Pierre, son frère, avoit donné aus forains et en leva et pris les revenues. Il s'agit ici
de biens du domaine royal.
33. Cf. supra, p. 192.
34. Il en sera question plus loin.
35. Cf. supra, p. 193.
36. R.-J. Loenertz, D. C, I, p. 70-71, attribue la lettre n° 37 de Cydonès à
l'hiver 1371-1372. Elle est certainement postérieure au 28 octobre 1371, jour de la
rentrée de Jean V à Constantinople (cf. ibid., note de la 1. 40). Cette lettre, envoyée
de Constantinople, fait déjà mention de la libération de Calophéros. Compte tenu
des arguments invoqués ici, la lettre doit avoir été rédigée en 1372.
D. JA.COBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 195

il était déjà dans Avignon, auprès du pape37. Entretemps, les biens


détenus de son vivant par Marie de Mimars restaient aux mains de
Janot de Soissons et de ses sœurs 38. Par ailleurs, après que Calophéros
eût quitté Chypre, les biens qu'il tenait directement du roi, à titre
personnel39, furent confisqués et attribués à divers feudataires de
l'île40. La situation n'avait guère changé le 9 juin 1373, quand le
pape demanda à Pierre II et au régent Jean de Lusignan de restituer
tous ces biens à Calophéros 41.
La situation fut compliquée par les événements survenus en Chypre
vers la fin de 1373 et dans les premiers mois de 1374. La guerre de
Pierre II contre les Génois se termina par un accord, prévoyant entre
autres le paiement d'une grosse indemnité à ces derniers42. Afin de
s'en assurer, les Génois demandèrent des otages, qui, fin avril 1374,
furent transférés à Gênes 43. Mais, outre ceux-ci, divers chevaliers
chypriotes furent emmenés, pour y épouser des filles de famille génoises ;
parmi eux se trouvait également Janot de Soissons, fils de Marie
de Mimars. L'amiral Pietro de Campofregoso, commandant de la
flotte génoise envoyée en Chypre, qui voulait en faire un membre de
sa famille, malgré son net refus 44, avait fait pression sur lui et en avait
obtenu certains biens, remis autrefois en gage par la mère de celui-ci
à Calophéros 45.
Dès le 23 mars 1373, Calophéros avait bénéficié de l'intervention de

37. Cf. supra, n. 28.


38. D. C, I, p. 184, n° 6, 1. 16-19 (lettre à Pierre II) : post ipsius Iohannis reces-
sum huiusmodi iura, res et bona necnon fructus, redditus et proventus [il s'agit des
biens détenus autrefois par Marie de Mimars] per te seu gentes tuas occupata juerunt
ac detenta, et adhuc detinentur de presenti.
39. Ibid., 1. 24-25 : et eciam quecumque alia bona. dicti nobilis, que per alios in
dicto regno tuo detinentur. Cf. également supra, p. 192.
40. Cf. supra, n. 32.
41. D. C.,1, p. 184-185, n° 6, en particulier 1. 23-25, publié également par Täutu,
op. cit., ]). 148-149, n° 76.
42. Cf. G. Hill op. cit., p. 391-411. Le traité ne fut signé que le 21 octobre 1374 :
ibid., p. 413.
43. Ibid., p. 411-412.
44. L. de Mas Latrie, Nouvelles preuves de V histoire de Chypre, Bibliothèque de
V École des Chartes 34 (1 873), p. 83 : Et les dessous noumés ne jurent en la devant dite
prizon [de Famagouste], ains les pristrent pour jendres, ce est : ... et P. de Campefe-
regouse, Valmiral, Janot de Ssasions, lequel tenoit en Chipre, ne le consenti/, et Janot
de Nores, fil de sire Jacques de Norez, le tercepouiller de Chippre.
45. Ü. C, II, p. 420, n° 1, 1. 28-29 : quamvis ipse [Pietro de Campofregoso]
certa bona tenere dicatur, dicto militi\ c.-à-d., à Calophéros] obligata. L'acte
de cession, rédigé en 1374 par Badin de Rames, est signalé dans un acte notarié,
dont il sera question plus loin, n. 56.
196 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

la justice pontificale. Grégoire XI justifia celle-ci dans une lettre


adressée à l'archevêque de Golossa et à l'évêque de Nisyros. Comme il
n'existe pas en Chypre de seigneur supérieur qui soit disposé à faire
justice à ce sujet, y est-il dit, Calophéros s'est adressé au pape. Pour
faire face au déni de justice, ce dernier décida d'agir et enjoignit aux
destinataires de la lettre d'enquêter au sujet de l'affaire46. Le 9 juin
suivant, le pape demanda à Pierre II et au régent Jean de Lusignan
de restituer à Calophéros les biens dont il avait été spolié 47, mais sans
effet. La situation ne changea guère, et la justice suivit son cours.
Le cardinal Jean de Blandiac, évêque de Sainte-Sabine, révoqua
les sentences émises contre Calophéros à la suite de l'accusation portée
contre lui. Il s'était également occupé du différend opposant Janot
de Soissons à Calophéros, octroyant à Ge dernier la jouissance des biens
de Marie de Mimars, jusqu'à concurrence de la somme que celle-ci
s'était engagée à lui payer, à moins que le chevalier chypriote ne s'en
acquitte. Il condamna également celui-ci à payer à Calophéros
1.000 florins d'or, à titre de dédommagements, ainsi qu'aux dépens
du procès, d'un montant de 85 florins. Le 24 novembre 1374, Gré
goire XI s'adressa à Eleonore de Chypre, à Pierre II, ainsi qu'à Jean
de Lusignan, leur demandant d'agir conformément au verdict du
cardinal 48.
Jean de Blandiac trancha également l'affaire opposant Calophéros
à Léon de Lusignan, Baudouin de Nores et les épouses respectives de
ceux-ci. Il condamna chacun des couples à payer à Calophéros
41 575 besants, tout en réservant les droits de celui-ci quant au reste
des biens de Marie de Mimars, dont il avait été spolié. En outre, il les
condamna à des dépens d'un montant de 4.000 ducats, tout en réser
vant les droits de Calophéros quant au reste des dommages qui lui
avaient été infligés49. Cette sentence avait été confirmée par le pape,
qui, le 23 novembre 1374, demanda à Domenico de Campofregoso,
doge de Gênes, d'enjoindre aux autorités génoises de Chypre de la

46. Reg. Aven. 189, fol. 26 v. ; Täutu, op. cit., p. 122-124, n° 65. Arguments
identiques dans deux autres lettres, mentionnés infra, n. 49.
47. Cf. supra, n. 41.
48. Reg. Vat. 270, fol. 180 r.-v. Le premier de ces actes a été édité dans D. G'.,
I, p. 185-186, n° 7; les deux autres sont signalés par G. Mollat, Lettres secrètes et
curiales du pape Grégoire XI (1370-1378) intéressant les pays autres que la France,
Paris 1962-1963, II, p. 83, n° 2997, et p. 84, n° 3001.
49. Reg. Aven. 193, fol. 441 v. et 505, lettres de Grégoire XI, respectivement du
12 et du 19 décembre 1374 : Täutu, op. cit., p. 242-243, n° 127, et p. 246-249,
n° 130. Le dernier de ces actes mentionne, pour le montant des dommages, 243 577
au lieu de 243 567 besants.
Π. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 197

faire exécuter. A cette occasion, il mentionna également les biens


détenus par l'amiral Pietro de Campofregoso. Le lendemain, le pape
demanda à ce dernier de ne pas entraver l'action de la justice; en outre,
il encouragea les autorités génoises de Chypre à y contribuer 50.
Calophéros était revenu en Avignon en automne 1374, après avoir
exécuté diverses missions, restées infructueuses, au service de Gré
goire XI. Au début de l'année suivante, le pape l'envoya à Gênes où,
avec divers autres envoyés du pape et de Pierre II, il devait tenter
d'amener les deux parties à un accord et obtenir la libération des che
valiers chypriotes détenus par les Génois 51. A cet effet, le pape avait
pré\^u un voyage en Chypre, avec retour à Gênes, d'une durée de trois
mois δ2. Ce voyage permit à Calophéros de s'occuper de ses affaires
personnelles53. Il est possible qu'après l'assassinat du régent Jean
de Lusignan, qui eut lieu en mars 1375 54, Pierre II ait été disposé à
aider Calophéros 55, mais il ne put vaincre la résistance de Pietro de
Campofregoso et de Janot de Soissons. Sur la foi d'une accusation
mensongère, ce dernier fit incarcérer Calophéros par les autorités de
Gênes, en mai 1375 ou peu avant, alors que notre personnage s'y
trouvait, de retour de Chypre 56. Il n'est pas exclu que l'amiral ait

50. Reg. Vat. 270, fol. 182 r.-v. Le premier de ces actes a été édité dans D. C,
II, p. 419-420, n° 1; les deux autres sont signalés par G. Mollat, op. cit., n,
p. 83, n° 2990 et 2993.
51. Actes de Grégoire XI, des 26 novembre, 27 et 31 décembre 1374, ainsi que du
1er janvier 1375; Reg. Vat. 270, fol. 74 r.-75 r., 191 r.-v.; à l'exception du premier
d'entre eux, ces actes sont signalés par L. Mirot, H. Jassemin et J. Vielliard,
Lettres secrètes et curiales du pape Grégoire XI (1370-1378) relatives à la France,
Paris, 1935-1955, col. 1127, 1131-1133, n° 3570, 3573, 3574 (ce dernier acte a été
publié par F. Cesaroli, Gregorio XI e Giovanna I, regina ai Napoli; Documenti
inediti delV Archivio Vaticano, Archivio storico per le provincie napoletane 24 (1899),
p. 419, n° GLI); cf. également G. Mollat, op. cit., II, p. 94, n° 3077.
52. Dans l'acte du 27 décembre 1374, il est question de vivres pouvant suffire
pro tribus mensibus , eundo et redeundo.
53. Son séjour dans l'île, dans les premiers mois de 1375, pourrait expliquer
son inclusion dans la liste des chevaliers chypriotes qui ne furent pas déportés
par les Génois à Chio ou à Gênes, l'année précédente : Mâcheras, p. 317-318;
Strambaldi, p. 238.
54. Cf. L. de Mas Latrie, Histoire de Vîle de Chypre sous le règne de la maison de
Lusignan, Paris, 1852-1861, II, p. 365, n. 3.
55. Ce que semble indiquer l'intervention d'un de ses ambassadeurs, à la fin
de 1375 : cf. injra.
56. D. C, II, p. 421, 1. 24-26 : in civitate lanuensi dolose et sine causa rationabili
capi fecit et carceribus mancipari. Janot de Soissons se trouvait à Gênes le 21 mai
1375, date à laquelle l'amiral établit un acte concernant les biens que lui avait
cédés ce dernier en toute propriété : Genova, Archivio di Stato, Notaio Antonio
Credenza (1375-1418) fol. 4. (Cf. N. Jorga, op. cit., p. xxxm-xxxiv et D. C,
II, p. 420, n. 2). Le 1er janvier 1375, Grégoire XI recommandait Calophéros à
198 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

également trempé dans cette affaire, puisqu'il détenait des biens reven
diqués par Calophéros.
Bien que celui-ci eût obtenu l'appui de la justice ecclésiastique,
il ne put recouvrer ses biens et demanda à plusieurs reprises l'inte
rvention du pape. Fin novembre et début décembre 1375, après que
Calophéros eût été libéré par les autorités génoises, Grégoire XI
chargeait des envoyés, dont celui du roi de Chypre, d'intervenir en
sa faveur auprès du doge de Gênes et de l'amiral 57; le 30 avril de l'année
suivante, il enjoignait aux évêques de Nicosie et de Rhodes d'exécuter
le verdict prononcé contre Janot de Soissons 58.
A une date située entre fin avril 1376 et juillet 1388, un accord
à l'amiable intervint entre Calophéros et Janot de Soissons. Celui-ci
s'engagea à payer, sur les revenus des biens qu'il détenait et détenus
autrefois par Calophéros, des annuités jusqu'à concurrence d'une
certaine somme, dont le montant ne peut être précisé. Le 5 juil
let 1388, quand notre personnage établit son testament à Venise,
cette somme n'avait pas encore été entièrement acquittée. Janot
de Soissons était mort entretemps. A son fils Janot II, encore
mineur 59, Calophéros légua 6 000 besants, à percevoir sur la somme qui
lui était due et à payer en une fois, après acquittement de la dernière
annuité 60. Par ailleurs, il légua 3 000 besants à la fille de Baudouin
de Nores et d'Alise de Soissons, ce qui indique qu'un accord était
également intervenu avec ceux-ci 61. La première de ces sommes
permet de supposer que les annuités étaient supérieures à 6 000 besants.
Les sommes perçues par Calophéros, à la suite de cet accord, expliquent
dans une certaine mesure l'origine des capitaux qu'il investit dans
diverses affaires commerciales, dont il sera question plus loin.
En revanche, aucun accord n'était intervenu entre Calophéros

Pierre II, Eleonore de Chypre et Jean de Lusignan, notre personnage étant envoyé
à Gênes, en mission au sujet du royaume de Chypre : Reg. Vat. 270, fol. 191 r.-v.,
signalé par G. Mollat, op. cit., II, p. 94, n° 3077.
57. Reg. Vat. 271, fol. 201 ν. et 202 r. (28 novembre 1375), 205 r. (1er décembre
1375) : actes signalés par G. Mollat, op. cit., II, p. 165, n° 3609; p. 166, n° 3616.
Ce dernier a été publié par Täutu, op. cit., p. 362-363, n° 184, sous la date erronée
du 13 décembre 1375. Il n'y est pas question de l'incarcération de Calophéros;
de toute évidence, il avait été libéré auparavant.
58. Reg. Vat. 288, fol. 185-186; D. C, II, p. 420-424, n° 2 et Täutu, op. cit.,
p. 398-402, n° 202.
59. D. C, I, p. 187-194, n° 10, I. 9, 40, 46; en outre, 1. 41.
60. Ibid., 1. 38-40 : semel tantum solvenda in ultimis terminis anni quo tota, summa
peccunie per ipsum testatorem de dictis bonis dicti quondam domini Iohannis de
Soysons percipienda compleverit et finierit. Cf. également 1. 41-43.
61. Ibid., 1. 45-49. Λ la 1. 47, il faut lire trium au lieu de decem.
1). .lACOBY : JEAN LASC.ARIS CALOPHÉHOS 199

et Léon de Lusignan, devenu en 1373 roi d'Arménie sous le nom de


Léon VI. En 137o, Léon VI fut capturé par les Mamlouks et incarcéré
au Caire, où sa femme Marguerite et ses deux enfants moururent.
Le roi d'Arménie ne fut libéré qu'en 1382. Ayant perdu son royaume,
il tenta de s'assurer la jouissance pleine et entière des droits et biens
auxquels il prétendait au nom de sa femme. A cet effet, il demanda à
Juan Ier d'Aragon d'intervenir en sa faveur auprès de Jacques 1er,
roi de Chypre. Le 30 août 1387, Juan envoya à ce dernier une lettre,
le priant de préparer, à l'intention de Léon VI, et de la lui transmettre,
une copie dûment authentiquée (en forma public. a) de la sentence
émise par la Haute Cour de Chypre au sujet du différend opposant
Marguerite, femme de Léon, à Calophéros. Cette sentence, postérieure
à la mort de Pierre Ier, datait de l'époque où Jean de Lusignan,
prince d'Antioche, avait été régent du royaume 62. Aucun doute n'est
donc possible quant à son contenu, que nous avons déjà examiné
plus haut. Léon VI voulait manifestement en faire usage pour reven
diquer des biens et revenus détenus autrefois par Marie de JVlimars,
et dont il avait joui temporairement. Il ne reconnaissait donc pas la
compétence de la juridiction pontificale et, en outre, refusait toujours
de régler son différend avec Calophéros. C'est pourquoi Léon VI n'est
guère mentionné dans le testament de celui-ci, contrairement à Janot
et Alise de Soissons et à leurs descendants respectifs.

Calophéros n'a été mêlé à l'histoire de la Morée qu'à une date rel
ativement tardive. On a vu plus haut qu'il était arrivé en Chypre en
1365, accompagnant le roi Pierre Ier, et n'a quitté l'île, pour regagner
l'Occident, qu'après avoir été libéré de prison en 1372 63. Le 20 février
1373, Calophéros est depuis quelque temps déjà en Avignon 64. Le
23 mars suivant, Grégoire XI fait état de son mariage à Lucie, une
des filles d'Erard III Mavros, seigneur d'Arcadia 65, qui, dès 1344,

62. Barcelona, Archiva de la Corona de Aragon, reg. 1952, fol. 31. ν.- Ι ne copie
de cet acte nous a été communiquée par À. T. Luttrell, et nous tenons à l'en remerc
ierici.
63. Cf. supra, p. 19Ί-195.
61. Cf. supra, p. 19:]. n. 28 et ρ. Ι91-195.
fi."). D'après une lettre de Grégoire XI à l'évèque de Modon Reg. Aveu. 189,
:

fol. 21 v., publiée par Tau lu, op. cit., p. 1.1 9-1 20, n° 63.
200 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

apparaît comme un des plus puissants barons de la Morée franque66.


La date précise de ce mariage n'est pas connue. On pourra toutefois
le placer en 1372 ou au début de 1373, au plus tard.
Il n'est pas exclu que Marguerite de Lusignan, épouse de Manuel
Gantacuzène, despote de Mistra, et cousine de Pierre Ier 67, ait suggéré
ce mariage à Calophéros. Quand elle rencontra le roi de Chypre à
Modon, en octobre 1368, alors qu'il retournait en Chypre, elle proposa
le mariage de Léon de Lusignan à Catherine, fille aînée 68 d'Erard III
Mavros. Mais, après l'assassinat du roi, le régent Jean d'Antioche
empêcha Léon de quitter le royaume, et celui-ci ne put arriver en
Morée au terme fixé. En mai 1369, il épousa Marguerite, sœur de Janot
de Soissons et, peu après, il entra en conflit avec Calophéros 69. Une
rencontre entre celui-ci et Marguerite de Lusignan peut avoir eu lieu
soit en Morée, où notre personnage fit escale, alors qu'il faisait route
vers l'Occident, soit en Chypre, où Marguerite arriva peu après le
couronnement de Pierre II, célébré le 10 octobre 1372 70.
Le mariage de Calophéros et de Lucie fut célébré selon les règles
d'usage, per verba légitime de presently subarratione anuli iuxta morem
patrie interveniente. Le contrat de mariage comprenait diverses
clauses, fruit d'un accord entre Calophéros d'une part, Lucie et son
père de l'autre71. Il stipulait qu'Erard III remettrait à Calophéros
la somme annuelle de 1.500 ducats d'or, à titre de dot, et, à Lucie,
des bijoux séant à sa condition 72. Il y a lieu de souligner qu'il n'est pas
question de terres quelconques, et on en verra plus loin l'importance
pour notre propos. De son côté, Calophéros s'engageait à remettre à
Erard la somme de 11.000 ducats d'or, pro contradote seu donatione

66. Sur ce personnage, cf. J. Longnon, L'Empire latin de Constantinople et la


principauté de Morée, Paris, 1949, p. 326-327, 330, 332, ainsi que notre étude :
Quelques considérations sur les versions de la « Chronique de Morée », Journal des
Savants, 1968. Il en sera question plus loin.
67. Elle apparaît également sous les noms de Marie et Isabelle. Importantes
précisions à son sujet chez S. Binon, Guy d'Arménie et Guy de Chypre; Isabelle
de Lusignan à la cour de Mistra, Annuaire de Γ Institut de philologie et d'histoire
orientales et slaves 5 (1937) = Mélanges Emile Boisacq, I, p. 125-142.
68. Cf. infra, p. 219.
69. Dardel, Chronique d'Arménie (cf. supra, n. 24), p. 37-39, et supra, p. 192-193.
70. Pour cette date, cf. G. Hill, op. cit., p. 380 et n. 2, et sur le séjour de Marg
uerite, ibid., p. 381.
71. D. C, II, p. 424, 1. 11-18 (lettre de Grégoire XI aux évêques de Modon et
Coron, du 7 septembre 1377 : Reg. Aven. 201, fol. 233 V.-235 r., publiée également
par Täutu, p. 468-471, n° 238).
72. Ibid., p. 426, 1. 93-96; cf. p. 425, 1. 32-34.
1). JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 201

propter nuptias 73. On ne peut savoir comment Calophéros réunit


cette somme considérable. Peut-être n'était-il pas démuni de tout bien
en quittant Chypre, ainsi qu'on aurait pu le supposer, d'autant plus,
on le verra plus loin, qu'Erard Mavros s'empara de biens qu'il avait
apportés avec lui en Morée. Il est donc possible qu'à son départ de
Chypre, Calophéros ait été chargé d'emporter des marchandises, afin
de les vendre en Occident. Par ailleurs, il n'est pas exclu qu'il ait
emprunté certaines sommes pour les besoins du mariage.
Un conflit éclata bientôt entre Calophéros et Erard, qui gardait
auprès de lui Lucie. Avant que le mariage ne put être consommé, il
tenta d'imposer à son gendre de nouvelles conditions 74. Celui-ci quitta
seul la Morée, se rendit en Avignon, où il arriva plus tard en
février 1373 75, et s'y plaignit au pape. Le 23 mars suivant, Grégoire XI
chargea d'abord l'évêque de Modon d'intervenir 76, puis l'archevêque
de Naples d'enquêter au sujet de l'affaire. Le 24 nonembre 1374,
Erard refusait toujours d'exécuter les clauses du contrat de mariage,
et c'est pourquoi le pape lui enjoignit par lettre de remettre à Calo
phéros ce qu'il lui devait, cum dictus miles... loco filii tibi esse débet77.
Le même jour, il écrivit à Jeanne, reine de Naples 78. Après la mort de
Philippe II de Tarente, survenue le 25 novembre 1373, la reine s'était
fait reconnaître comme princesse de Morée par les barons de la princi
pauté et avait pris possession de celle-ci 79. Le pape lui demanda
d'amener Calophéros et Erard à un accord. En outre, il ordonna à
l'archevêque de Naples, ainsi qu'aux évêques de Modon et de Coron,
de procéder contre Erard et de lui imposer l'exécution du contrat de
mariage, au cas où il refuserait d'obéir 80. Il leur écrivit à nouveau
le 5 décembre 1374 81.
73. Ibid., p. 426, 1. 96-98, où figure la somme exacte, Erard prétendait que
Galophéros lui avait promis 22 000 ducats, mais cette affirmation s'avéra fausse :
D. C, II, p. 425, 1. 48-58; cf. infra. Il y a erreur ibid., p. 426, 1. 74. A noter ceci :
donacionem propter nuptias, in partibus Mis contradotem ut asseritur vulgariter
nuncupatam .· D. C, I, p. 186, n° 8, 1. 20-22 (lettre de Grégoire XI à Erard III
Mavros, du 24 novembre 1374).
74. Ibid., γ). 424, n° 3, 1. 21-26; p. 425,1. 64-66; p. 426,1. 69. La lettre du 23 mars
1373 (cf. supra, n. 65) précise : carnali tarnen copula non secuta.
75. Cf. supra, p. 193, n. 28 et p. 194-195.
76. Lettre de Grégoire XI à Erard Mavros : Reg. Vat. 270, fol. 181 r.-v. ; D. C,
I, p. 186-187, n° 8, 1. 4-14.
77. Ibid., 1. 15-39.
78. Reg. Vat. 270, fol. 183 r. ; F. Cesaroli, Gregorio XI e Giovanna I (cité supra,
n. 51), p. 417-418, n° GXLIX.
79. Cf. J. Longnon, L'Empire latin, p. 332.
80. D. C, I, p. 187, n° 8, 1. 39-43 et II, p. 424-425, n° 3, 1. 26-31.
81. Reg. Aven. 193, fol. 472; Täutu, op. cit., p. 240-241, n° 126.
202 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

L'affaire fut bientôt évoquée en présence de Bernard de Rodez,


archevêque de Naples. Calophéros exigea que Lucie lui soit remise
et demanda l'application du contrat de mariage. Mais, en outre, il
demanda qu'on impose à Erard une amende de 1.500 ducats d'or,
pour le compenser du retard apporté au payement de la dot. Sans doute
s'agit-il de l'équivalent de la première annuité, et on peut en déduire
que le mariage de Calophéros et de Lucie avait été effectivement célébré
au début de 1373, au plus tard. Enfin, Calophéros exigeait que son
beau-père lui remette 4.000 ducats, en compensation de biens qu'il
lui avait pris 82. De son côté, Erard affirma que son gendre avait promis
de lui remettre 22 000 ducats d'or, de propria pecunia sua, à titre de
prêt, dont il aurait dû disposer pendant dix ans et deux mois. Il aurait
été convenu qu'à la fin de cette période, Erard remettrait la moitié
de la somme à Calophéros, retenant l'autre moitié. Celle-ci devait servir
à couvrir les frais occasionnés par l'achat de biens et revenus, constitués
en contre-dot en faveur de Lucie 83.
L'archevêque de Naples, juge en la matière, estima que les affirma
tions d'Erard étaient mensongères 84, exigea de ce dernier qu'il remette
sa fille Lucie à Calophéros, aussitôt qu'il en ferait la demande, et
exécute les clauses du contrat de mariage. Il lui imposa des dédom
magements d'un montant de 1 500 ducats, pour les biens qu'il avait
pris à son gendre. En revanche, il refusa d'accéder à la demande de
celui-ci d'imposer une amende à Erard 85.
Il semble que les relations d'Erard avec Calophéros aient quelque
peu évolué entretemps. Le 9 février 1376, Grégoire XI autorisait Calo
phéros et sa femme Lucie à choisir et à changer librement leur confes
seur 86. Ceux-ci devaient donc déjà être réunis, mais on ne peut préci
serdepuis quand. La consommation de leur mariage pourra être
placée en 1375 au plus tôt, la naissance du fils de Calophéros étant év
idemment postérieure à cet événement. On en trompera indirectement
confirmation par la suite.
Au début de 1376, au plus tard, les deux parties firent appel de la
sentence de l'archevêque de Naples à la Cour pontificale. Grégoire XI
enjoignit à Jean de Blandiac, évêque de Sainte-Sabine, de trancher

82. D. C, II, p. 425, 1. 31-45.


83. Ibid., 1. 45-61.
84. Ibid., 1. 48 : jalso asserens.
85. Ibid., p. 425-426, 1. 61-78.
86. Reg. Vat. 288, fol. 16r. ; Täutu, op. rit. p. 374, n" 190.
1). JACOBY : JEAN LASCARIS CALOP1IÉHOS 203

définitivement l'affaire 87. Celui-ci s'était déjà occupé des intérêts


de Calophéros en Chypre 88. Il confirma la sentence de l'archevêque
de Naples quant à l'exécution du contrat, imposa à Erard 2 780 ducats
d'indemnités pour les biens enlevés à Calophéros, et non seulement
1 500; enfin, il y ajouta des dépens de l'ordre de 109 florins et 12 deniers
d'Avignon 89. Grégoire XI adressa une lettre à ce sujet aux évêques
de Modon et de Coron, le 29 février 1376, rapportant la sentence édictée
et leur enjoignant de la faire exécuter, au besoin, à l'aide du bras
séculier 90.
L'évoque de Coron commença à procéder contre Erard, mais sans
succès91. Il n'y a pas lieu de s'en étonner. En août 1376, Jeanne Ire,
reine de Naples et princesse de Morée, avait remis la principauté en
bail aux Hospitaliers pour cinq ans, contre une rente annuelle de
4 000 ducats92. Frère Daniel del Caretto fut envoyé par Jeanne en
Morée, avec le titre de baile, afin d'en prendre possession au nom de

87. Ibid., p. 426, 1. 79-86 ; non obstante quod cause ipse de earum natura ad Roma-
num curiatn devolvende et in ea tractande et finiende non essent. (1. 84-86).
88. Cf. supra, p. 196.
89. Ibid., p. Ί26-Ί27, 1. 86-1.28.
90. Reg. Vat. 288, fol. 136 r.-138 ν. Cet acte a été publié par Täutu, op. cit.,
p. 392-398, n1J 20:1, mais avec la date erronée du 30 avril 1376, ayant lu II. kal.
maii. Or, au-dessus du nom du mois figure un signe d'abréviation, qui indique
qu'il faut lire martii. Double erreur, de date et de foliotation, dansl). C, II, p. 427,
n. t. Cf. également ibid., p. 427, 1. 128-130.
91. Ibid., 1. 130-136.
92. Cf. R. J. Loenertz, Hospitaliers et Navarrais en Grèce, 1376-1383, Regestes
et documents, Orienta lia Christiana Periodica 22 (1956), p. 329-330, n° 1. Un acte
de Grégoire XI, adressé à Juan Fernandez de lleredia et à d'autres destinataires,
mentionne que Jeanne reine de Naples, a déjà offert de céder diverses terres à
ceux qui préparent un passagium contre les Turcs, alin qu'ils puissent s'y réunir,
in custodiam et regiminem pro quinque annis [ces trois derniers mots en surlig'ne]
proxime secutum (sic!), sub certis pactis et conditionibus inter vos et eandem regi-
nam ordinatis seu ordinandis (Reg. Aven. 203, fol. 27 r.-v.). Le haut du fol. 27 v.
présentant une tache d'humidité, une partie de la date de cet acte est illisible.
Il est toutefois aisé de la compléter, grâce aux deux actes qui précèdent celui-ci
au fol. 27 r. Ils traitent également du passagium, ont été établis au même endroit,
et portent la date suivante : VI kal. junii, soit le 27 mai 1377. L'acte dont il a été
question ci-dessus ne constitue manifestement pas une confirmation de l'accord
entre Jeanne et les Hospitaliers, et on ne peut donc pas en conclure que celui-ci
a été signé vers cette date, ainsi que l'affirme A. Luttrell, Interessi fiorentini nelV
economia e nella, politica dei Cavalieri Ospedalieri di Rodi nel Trecento. Annali délia
Scuola Normale Superiore di Pisa : lettere storia e fdosofia, ser. 2, 28 (1959), p. 322,
n° 13, et The Principality of Achaea in 1377, Byzantinische Zeitschrift 57 (1964),
p. 341-342, — · A. Luttrell prépare une étude détaillée sur le chronologie de l'inte
rvention des Hospitaliers en (irèce. de 1377 à 1381.
204 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

l'Ordre, entre septembre 1376 et août 1377 93. Arrivé à Clarence, il


convoqua aussitôt le parlement des prélats et des barons, dont
Erard III Mavros, et y prêta les serments d'usage 94. Les circonstances
n'étaient guère favorables à une intervention contre le puissant se
igneur d'Arcadia. Tout semble indiquer qu'Erard maintint d'excellents
rapports avec les Hospitaliers, ainsi qu'avec les chefs de la compagnie
navarraise, qui entrèrent au service de l'Ordre pendant quelque temps,
puis restèrent en Morée avec leurs troupes 95.
Calophéros s'apprêtait à partir en Morée, vraisemblablement en
juillet ou en août 1376, ainsi qu'en témoignent divers actes, dont il
sera question plus loin. Une lettre que lui expédia Démétrius Cydonès
et envoyée à Rome mentionne divers événements qui se placent en
octobre 1376 96. On pourrait en conclure que le départ de Calophéros
lui est postérieur; il n'est toutefois pas exclu qu'elle ait été rédigée
après que celui-ci eût quitté Rome, mais avant que Cydonès n'en ait eu
connaissance. Toujours est-il qu'en février 1377, Calophéros se trouvait
à Modon, sans doute depuis quelque temps déjà, peut-être dans
l'espoir d'un règlement du conflit avec son beau-père, ou pour obtenir
satisfaction en cas d'échec. Le personnage inquiétait le châtelain de
Modon, qui s'adressa à Venise pour obtenir des instructions à son sujet.
Dans une résolution du 4 mars 1377, le Sénat déclara que la présence
à Modon de Calophéros, Grecus et Januensis, constituait un danger 97.
L'obtention de la citoyenneté]génoise par Calophéros devait être récente,
et en tout cas postérieure à son départ de Chypre, en 1372. Son séjour
à Modon se place à un moment où la tension entre Venise et Gênes
va croissante, après l'occupation de Ténédos, effectuée par Venise

93. Cf. notre étude Quelques considérations sur les versions de la « Chronique de
Morée » (citée supra, n. 66), n. 124.
94. Libro de los fechos et conquistas del principado de la Morea, éd. A. Morel-
Fatio, Genève, 1885, § 725-726. Erard III n'est pas mentionné explicitement,
mais aucun doute n'est possible à cet égard.
95. Sur ces dernières, cf. R.-J. Loenertz, loc. cit., p. 331-333, n° 10, 11, 14, et
infra. On ne trouve aucune trace de conflit avec Erard. Cf. infra, p. 211, ainsi que
notre étude sur les versions de la « Chronique de Morée » (citée supra, n. 66).
96. D. C, II, p. 37-39, n° 167.
97. Venezia, Archivio di Stato (= A. S. V.), Senato, Misti, reg. 35, fol. 164 r.,
publié partiellement dans D. C, I, p. 187, n° 9. D'après la date de la résolution, on
peut déduire que le problème avait été évoqué dans une lettre envoyée au plus
tard en février de Modon à Venise. Il fallait en effet près de vingt jours pour
relier ces deux villes : cf. F. Thiriet, La Romanie vénitienne au moyen âge, Paris,
1959, p. 188. Il est vraisemblable que Calophéros se trouvait déjà à Modon depuis
quelque temps, ce qui ne manqua pas d'éveiller des soupçons. On pourra donc
placer son arrivée vers la fin de 1376.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 205

en avril ou mai 1376, et à la veille de la guerre dite « de Chioggia « 98.


La présence d'un Génois, même naturalisé, n'était guère souhaitable.
En conséquence, le Sénat enjoignit au châtelain de Modon de l'élo
igner au plus vite. Le châtelain de Coron et le baile de Négrepont
devaient en être avisés et procéder de même ".
En août 1377, Galophéros avait quitté la Morée, où l'avait rejoint
son neveu Jean Ducas Agallon 10°, échappé de Constantinople, alors
que la ville était menacée par la guerre civile, ainsi que par le conflit
opposant Venise à Gênes 101. De retour en Occident, Calophéros eut
vent de rumeurs selon lesquelles son beau-père Erard Mavros serait
mort. La procédure engagée contre le seigneur d'Arcadia n'avait
encore donné aucun résultat. C'est pourquoi Calophéros s'empressa
de s'adresser au pape, qui, d'Anagni, écrivit le 7 septembre 1377 aux
évêques de Coron et de Modon, leur ordonnant de procéder à ce sujet
contre les héritiers d'Erard 102. La nouvelle s'avéra fausse : Erard
vivait encore en 1388 103.
Une lettre adressée par Démétrius Cydonès à son ami Galophéros,
après le 20 septembre 1378, témoigne de la présence de ce dernier à
Rome à cette époque ou en 1379 104, année pendant laquelle il effectua
un voyage à Rhodes. En janvier 1381, il se trouve à Modon, on ne peut
savoir depuis combien de temps105. C'est vraisemblablement lors de ce
séjour, en 1380 et pendant le premier trimestre 1381 tout au moins, que
fut définitivement réglé le conflit entre Calophéros et Erard III : on
n'en trouve plus trace après septembre 1377.
Si on est plus ou moins bien renseigné sur l'activité déployée par
Galophéros au service de la politique pontificale ou dans les affaires
de la Morée, sujet dont il sera question plus loin, on ne possède que de
rares témoignages sur son activité commerciale. Celle-ci pose un pro
blème ardu : d'où provenaient les capitaux nécessaires à cet effet?
Certes, le 28 octobre 1374, Grégoire XI promit à Calophéros une pen
sion viagère, de l'ordre de 100 florins par mois, qui devait lui être

98. Cf. F. Thiriet, Régestes des délibérations du Sénat de Venise concernant


la Remanie, Paris-La Haye, 1958-1961, I, n° 586.
100. Ce qui constitue une date limite pour la lettre n° 418 de Cydonès, adressée
à Calophéros alors qu'il se trouvait dans le Péloponnèse : D. C, II, p. 374. Agallon
(1. 19) apparaît également dans le testament de Calophéros : ibid., p. 188, 1. 11-13.
101. Cf. G. T. Dennis, The Reign of Manuel II Palaeologus in Thessalonica,
1382-1387 [Orientalia Christiana Analecta, 159), Roma, 1960, p. 37-40.
102. Ibid., II, p. 427-428, 1. 135-153.
103. Cf. infra.
104. D. C, II, p. 62-63, n° 190; pour la date, cf. note à la I. 6.
105. Pour le voyage à Rhodes et le séjour à Modon, cf. infra.
206 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

payée à partir du 1er janvier 1376 106. Le pape s'en occupa à plusieurs
reprises, postérieurement à cette date, le paiement de la pension
n'étant pas effectué régulièrement 107. N'empêche que celle-ci ne pou
vait pas suffire à alimenter des affaires, dont on mesurera bientôt
l'ampleur. Par ailleurs, Galophéros n'a bénéficié de revenus provenant
de Chypre qu'en 1376 au plus tôt, sinon plus tard.
Le 7 novembre 1374, peu avant son départ pour Gênes et pour
Chypre, Calophéros obtint du pape des permis de commercer avec
Alexandrie et, en général, avec les terres du sultan mamelouk. Il y
était autorisé pendant une année, à compter de la date à laquelle il
enverrait une galée chargée de marchandises. A sa demande, le pape
lui accorda de répartir celles-ci en plusieurs cargaisons, six au maxi
mum. De nombreuses copies du permis furent établies, afin que Calo
phéros puisse en faire usage dans les ports d'où il comptait les expédier.
Parmi ceux-ci se trouvait Gênes, comme en témoigne l'autorisation,
accordée à l'archevêque de la ville, d'établir plusieurs copies 108.
Malheureusement, il est impossible de savoir dans quelle mesure Calo
phéros fit usage de ces permis. Remarquons qu'en prévision de ce
même voyage, Calophéros obtenait du pape de choisir cent personnes,
autorisées à effectuer un pèlerinage en Terre-Sainte109. Le même jour,
soit le 24 novembre 1374, une faveur identique était accordée à Eleo
nore de Chypre, veuve de Pierre Ier no.
Le 30 janvier 1376, Calophéros obtenait à nouveau un permis de
commercer, analogue à celui de 1374. Il pourrait envoyer de l'argent
et des marchandises d'une valeur totale de 10 000 florins, dedans trois
années, à compter du 1er août suivant 1U. On peut en déduire qu'il
projetait un voyage vers cette date, vraisemblablement en Morée,
où il arriva effectivement dans le courant de la même année ou au
début de l'année suivante 112. Le 7 février suivant, il obtenait l'autori-

106. Reg. Aven. 193, fol. 458 r.-v.; Täutu, op. cit., p. 225-228, n° 119-120.
De même, Reg. Vat., 277, fol. 98 v.-99 r.
107. Respectivement le 5 février 1376, [1er et 22 octobre 1377 : Reg. Vat. 279,
fol. 14 v.-15 r. et 288, fol. 16 r.-v. ; Täutu, op. cit., p. 376-379, n° 191-191 c. — Reg.
Aven. 201, fol. 232 V.-233 r.; Täutu, op. cit., p. 474-479, n° 240-240 a — Reg. Aven.
201, fol. 460; Täutu, op. cit., p. 479-483, n° 240 b-240 c.
108. Reg. Aven. 192, fol. 253 v., 288-290; Reg. Aven. 193, fol. 458; Reg. Vat.
285, fol. 83, 86 V.-87 r., 123 Γ.-124 v.; cf. Täutu, op. cit., p. 229-232, n° 121-121 a.
109. Reg. Aven. 192, fol. 290 = Reg. Vat. 285, fol. 124 V.-125 r. ; Täutu, op. cit.,
p. 239-240, n° 125.
110. Reg. Vat. 270, fol. 184; cf. G. Mollat, op. cit., p. 84, n° 3002.
111. Reg. Vat. 288, fol. 15 v.; Täutu, op. cit., p. 373-374, n° 189.
112. Cf. supra, p. 204.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 207

sation de répartir les biens envoyés sur plusieurs navires, six au total 113,
et, le 27 avril, Grégoire XI lui accorda un autre permis, pour l'envoi
de biens d'un montant de 4 000 florins, également pendant trois
années 114.
Calophéros n'a vraisemblablement pas fait usage de ces permis,
lors de son séjour à Modon, puisque, le 2 septembre 1377, de retour
en Occident, il obtint leur renouvellement, pour une période de cinq
années, invoquant que beaucoup de temps était passé depuis qu'ils
lui avaient été accordés 115. A sa demande, il fut autorisé de répartir
la cargaison de deux navires sur douze petits bâtiments au maximum.
En outre, l'évêque de Modon devait exécuter plusieurs copies de ces
permis116, preuve évidente que Calophéros projetait de se rendre à
nouveau dans cette ville.
Faute de témoignages, on ne peut préciser s'il en fut ainsi. En revanc
he,une lettre écrite le 15 décembre 1379 par Aldobrando Baroncielli
à Lorenzo Acciaiuoli mentionne, de façon assez obscure, une vente
à Jean Lascaris Calophéros effectuée à Rhodes par Busone da
Fabriano, agent au service de la famille Acciaiuoli. Elle mentionne,
en outre, l'arrivée d'un envoyé de Calophéros en Morée, avant décemb
re 1379, ce qui confirme que notre personnage n'y séjournait pas à
cette époque 117. Il n'est pas exclu qu'on trouve allusion à ces affaires
dans une lettre de Démétrius Cydonès, écrite en 1382 ou 1383, où il
est question de voyages effectués par Calophéros dans divers pays,
dont l'Egypte et Rhodes 118.
Des renseignements plus précis figurent dans deux actes : le premier
a été rédigé le 19 mars 1382, sur l'ordre de Pierre IV d'Aragon, et, le
second, le 10 février 1383, sur l'ordre des conseillers de la ville de Barce-

113. Reg. Vat. 288, fol. 38 V.-39 ν.


114. Ibid., fol. 47 r. ; Täutu, op. cit., p. 388-389, n° 199.
115. Le retour eut lieu en août, au plus tard; cf. supra, p. 205.
116. Pour ce qui précède, Reg. Aven., 201, fol. 273 r.-v., 388; Täutu, op. cit.,
p. 463-466, n° 236-236 c.
117. Cf. F. Gregorovius-Sp. Lambros, Ιστορία της πόλεως 'Αθηνών κατά τους
μέσους αιώνας, III, Athènes, 1906, ρ. 130, dernière ligne et p. 131, 1. 1-3 : egglie
venuto qua uno per parte di messer Giani Laschari e dicte ehe messer fra Busone se
çenda a rodi al detto messer Giovanni. Se vero e la vendita e stata asai chattiva.
Pour la date de cette lettre, cf. P. Topping, Le régime agraire dans le Péloponnèse
latin an XIVe siècle, Hellénisme contemporain, 2e série, 10 (1956), p. 289-295, et
une correction postérieure de l'auteur, signalée par A. Luttrell, Interessi fioren-
tini (cité supra, n. 92), p. 324, n. 5. Busone devint Hospitalier en 1379 (ibid.,
p. 324), ce qui explique son titre de fra ou frère, ainsi que sa présence à Rhodes.
118. /). f., Il, p. 186, n° 269, 1. 48-53.
208 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

lone 119. Compte tenu de leur intérêt, il y a lieu de les examiner atten
tivement.
Le 23 janvier 1381, le notaire Henri Slucherth de Groleo, proche
collaborateur de Calophéros 120, dressait un acte, par lequel ce dernier
déclarait avoir reçu de Johannes Fabri, marchand de Perpignan, la
somme de 1 258 ducats, comme paiement pour une quantité équiva
lentede soie grège. Le 4 mars suivant, le même notaire établissait
un autre acte, confirmant que Calophéros avait reçu de Béranger Mira,
marchand de Perpignan, la somme de 225 ducats, contre 200 livres de
soie, ainsi qu'un billet de la main de Raynaut Olivier de Majorque,
par lequel celui-ci s'obligeait envers Béranger de payer un reliquat de
101 ducats à Calophéros. Par la suite, Béranger Mira reprit toute la
soie achetée à son propre compte 121. En outre, Pietro de Justis, de
Bologne, Raynaut Oliver et Estaci de Bellvacho prenaient en com-
mende 1 800 livres de Modon de soie grège, d'une valeur de 2 935 ducats
environ 122.
La mention de la livre de Modon permet de déduire que les contrats
de vente dont il a été question ont été dressés dans cette ville. La soie
y fut chargée à bord d'un navire castillan en partance pour l'Occi
dent123. Non loin du cap Passero 124, situé à la pointe sud-est de la
Sicile, ce dernier rencontra trois navires aragonais, commandés par
Eiximen Père d'Arenos et Roger de Montcada. Ceux-ci donnèrent
l'ordre de s'emparer de force, entre autres, de la cargaison de soie pro
venant de Modon, afin d'assurer par sa vente la solde de leurs équi
pages 125. Le 9 avril 1381, soit quelques jours plus tard, tous ces navires

119. A. Rubio i Lluch, Diplomatari de l'Orient català (ci-après : DOC) Barcelona,


1947, p. 559-561, n° 508; p. 590-591, n° 541.
120. C'est bien ce qui ressort du testament de Calophéros; cf. infra.
121. DOC, n° 508, p. 560, 15 dernières lignes, et p. 561, 1. 1-3. Sur Bérenger Mira,
cf. aussi p. 559, 1. 2-3 de cet acte. Arnaldus Oliverius est identique à Raynaut
Oliver, qui apparaît dans l'acte cité à la note suivante. — - Le prix de la soie vendue
par Calophéros correspond à celui qu'on trouve dans le rapport établi par Aldo-
brando Baroncielli, en novembre 1379, pour le compte d'Angelo Acciaiuoli :
F. Gregorius-Sp. Lambros, op. cit., III, p. 95-105; pour la date, cf. supra, n. 117.
Ce prix était de 6 hyperpères la livre, soit 1 200 hyp. pour 200 livres. A raison de
3,75 hyp. le ducat, parité attestée dans ce même rapport, nous obtenons 320 ducats,
tandis que Calophéros en recevait 326 (225 + 101).
122. DOC, n° 541, p. 591 : la tenien en comanda del dit cavalier. 200 livres de soie
valant au total 326 ducats (225 + 101), on peut aisément calculer le prix de 1 800
livres, en multipliant cette somme par neuf.
123. Ibid., p. 560, 1. 2-3 : in quadam navi castellana a partibus Romanie naviganti.
124. Ibid., p. 590, 1. 6.
125. Ibid., p. 560, 1. 5-6 : quodque sericum dictus clavarius recepit pro exsolvendo
stipendio xurme dictarum galearum; cf. aussi 1. 12.
D. JACOBY JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 209

étaient ancrés dans le port d'Augusta, sur la côte orientale de la Sicile,


où le trésorier de la flotte aragonaise délivra aux marchands lésés
divers actes, confirmant la confiscation de la soie, ainsi que sa valeur;
le lendemain, il confirmait à Béranger Mira le prix du nolis de la car
gaison, soit 39 florins126. Le 19 mars 1382, Pierre III d'Aragon enjoi
gnait à son trésorier de payer à ce marchand des dédommagements,
ainsi que l'intérêt sur la valeur de sa marchandise, à raison de 2 sous
par livre de Barcelone, après déduction de certains frais de procé
dure127.
En revanche, les trois autres marchands dont il a été question
plus haut n'avaient pas encore obtenu satisfaction le 10 février 1383.
Ils s'étaient adressés aux conseillers de Barcelone, afin d'obtenir
leur intervention auprès du roi. Pietro de Justis représentait également
ses deux compagnons. Pour appuyer sa demande de compensation
il avait invoqué un argument de poids qui, semble-t-il, impressionna
vivement les Barcelonais, et ceux-ci ne se firent pas faute de le ment
ionner dans la lettre qu'ils expédièrent au roi. Jean Lascaris Calo-
phéros, y est-il dit, personnage de marque à Modon, est également
comte des îles de Zante et de Céphalonie. Les marchands catalans
et autres sujets du roi d'Aragon fréquentent ces îles et y cherchent
parfois refuge. Ils risquent d'y pâtir de l'application du droit de marque
ou d'encourir d'autres dommages, si les compensations demandées
n'étaient pas payées 128. La naïveté des conseillers de Barcelone a de
quoi surprendre, et on verra bientôt ce qu'il faut en penser.
Toujours est-il qu'en 1381, Calophéros fait figure de gros brasseur
d'affaires, la valeur totale de la soie vendue ou remise en commende,
en quelques mois à peine, étant de 5 520 ducats environ 129. On ne peut
préciser l'origine de la marchandise, la soie grège de Syrie, de Crimée
et des territoires byzantins transitant par la Romanie vénitienne 130.
Il y a toutefois lieu de croire qu'elle provenait de la Morée, dont la
production et l'exportation étaient considérables 131, ce qui suppose

126. Ibid., p. 559, n° 508, 1. 2-6, et p. 560, 1. 1-19.


127. Ibid., p. 561, n° 508.
128. Ibid., p. 590, n° 541 : l dit Johan Lascari es ho m assats notable e assenyalat
en lo dit loch de Modo, e es comte de les Mes de Jazant e de Sefalonia.
129. 1 584 ducats de soie vendue et 2 935 en commende.
130. Cf., F. Thiriet, Régestes (cité supra, n. 99), I, n° 375, 462, 556, 921, 955;
W. Heyd, Histoire du commerce du Levant au moyen âge, trad. F. Raynaud, Leipz
ig, 1885-1886, II, p. 296, 377, 506-507, 670-674!
131. Francesco Balducc.i Pegolotti, La Pratica délia mercatura , éd. A. Evans,
Cambridge (Mass), 1936, p. 119. 149: \V. Heyd. op. cit.. I, p. 272: II, p. 296, 674:
F. Thiriet, La Romaine vénitienne, p. 44, 49, 100, 349, 417; B. Khekk';, Dubrovnik
210 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

l'existence de relations d'affaires de Calophéros avec les barons de


la Morée franque, ainsi qu'avec le despotat grec de Mistra.
Il semble d'ailleurs que Calophéros s'était établi à Modon. Sa pré
sence y est attestée de janvier à mars 1381. L'acte émanant des conseil
lers de Barcelone le considère comme un personnage de marque à
Modon, et on peut en inférer qu'il y possédait une maison. Notons
que la maison de son beau-père Erard III Mavros, située à Modon,
est signalée en 1377 132.
Il subsiste deux autres témoignages sur les affaires de Calophéros,
mais il est malheureusement impossible de dater celles-ci avec préci
sion. Le premier a trait à une dette de Niccolô Bellegno à Calophéros,
d'un montant de 40 ducats133. Le 16 janvier 1387, Calophéros obtint
un verdict favorable dans le procès qu'il avait intenté à Carlo Zeno
devant la Curia mobiliumlu. Celle-ci s'occupait de prêts et de biens
mobiliers jusqu'à une valeur de 50 livres 135. Carlo Zeno avait donc
omis de rembourser un prêt que lui avait fait Calophéros ou le prix
de marchandises que celui-ci lui avait remises. Cette affaire se situe
sans doute en Morée, à l'époque où les deux personnages en cause s'y
trouvaient. Elle ne peut donc pas être antérieure à l'été 1377, quand
Carlo Zeno reparut en Romanie. Il fut alors chargé de défendre Téné-
dos contre les attaques génoises. En 1379, il fit voile vers la Romanie,
avec mission de restaurer Jean V sur le trône, et atteignit Constant
inopleen septembre de la même année. Enfin, en 1382, il fut chargé
d'obtenir, avec Giovanni Memo, la soumission de Zanachi Mudazzo,
baile de Ténédos, qui refusait d'évacuer l'île, à l'encontre des disposi-

(Raguse) et le Levant au moyen âge, Paris-La Haye, 1961, p. 51, 78-79,101-102;


D. A. Zakythinos, Le despotat grec de Morée, Paris-Athènes, 1932-1953, II,
p. 251. Un acte du 15 juillet 1389 fait état de soie d'une valeur de 2 521 ducats,
appartenant à Hélène Asanina Gantacuzène, veuve de Lluis d'Aragon et dame de
Salona : A. S. V ., Senato Misti, reg. 41, fol. 21 r. ; le 14 août 1384, le Sénat autori
sait l'archevêque de Patras à importer à Venise une certaine quantité de soie :
Senato, Misti, reg. 38, fol. 155 ν.; D. C, II, p. 436, n° 4. On en cultivait égal
ement sur les terres d'Angelo Acciaiuoli en 1379; cf. supra, n. 121.
132. Senato, Misti, reg. 35, fol. 11 v. ; cf. F. Thiriet, Régestes, I, n° 559.
133. D'après un acte du Maggior Consiglio de Venise, du 20 février 1407; cf.
infra, p. 228. — Niccolô Bellegno croisait en avril 1392 dans les eaux de Négre-
pont {Senato Misti, reg. 42, fol. 55 r.-v. ; D. C, II, p. 447, 1. 27-28), mais nous
n'avons pu découvrir de témoignages sur sa présence en Romanie avant cette
époque.
134. D'après l'acte du Maggior Consiglio, mentionné à la note précédente.
135. Sur sa compétence, cf. H. Kretschmayr, Geschichte von Venedig, Gotha-
Stuttgart, 1905-1934, II, p. 109-110.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 211

tions du traité de Turin, signé en 1381 136. La Vita Caroli Zeni signale
qu'en 1379, il passa par Modon : en 1381, Carlo Zeno importa des
marchandises de Grèce, alors qu'il était à Venise; au cours de la même
année, il apparût deux fois à Modon et, vraisemblablement en septemb
re, y chargea des marchandises avant de rentrer à Venise 137. Il n'est
donc pas exclu que l'affaire jugée par la Curia mobilium remonte à
1381, quand Calophéros séjourna à Modon.
Calophéros a été mêlé, de 1381 à 1388, à une série de tentatives,
effectuées par divers prétendants à la principautés de Morée, d'y éta
blir leur autorité. L'activité débordante de notre personnage à cet effet
semble avoir eu, entre autres, un but précis : l'acquisition de terres en
Morée ou dans ses dépendances, afin d'assurer la condition de son fils
Erard Lascaris. Les circonstances de l'année 1381 allaient lui fournir
une première occasion d'intervenir.
Au printemps ou en été 1381, frère Dominique d'Allemagne, lieute
nant du grand-maître des Hospitaliers en Italie, se trouve dans la
principauté de Morée, dont il remet le gouvernement aux officiers
de Jeanne de Naples, au terme de la période de cinq années, prévue
par le contrat de bail passé entre l'Ordre et la reine, en 1376 138. Le
16 juillet, la reine, assiégée dans le Château-neuf de Naples, se rend à
Charles III d'Anjou-Durazzo 139. Le vide créé en Morée à la suite de
ces événements permet à Jacques des Baux de faire valoir ses préten
tionssur l'empire latin de Constantinople, ainsi que sur la Morée et ses
dépendances M0.
Dans le dernier trimestre de 1381, les chefs de la Compagnie navar-
raise et les hommes liges de la principauté, dont Erard Mavros, Centu-
rione Zaccaria et Jean Misito, reconnaissent Jacques des Baux comme
empereur de Constantinople et prince de Morée 141. L'appui de la
Compagnie, seule force militaire de la principauté, explique la nomi-

136. Cf. F. Thiriet, Venise et l'occupation de Ténédos au XIVe siècle, Mélanges


d'Archéologie et d'Histoire de l'École française de Rome 65 (1953), p. 227-237,
et en particulier p. 232-233.
137. Vita Caroli Zeni, éd. G. Zonta, R. I. S. 2, XIX, p. vi, p. 22, 1. 39-45; p. 69,
1. 15-20; p. 74, 1. 41-43; p. 78, 1. 23-33. Carlo Zeno ne reparut pas en Romanie
depuis 1382 jusqu'à la mort de Calophéros (cf. p. 82 sqq.).
138. R.-J. Loenertz, loc. cit., p. 337, n° 29; cf. p. 329-330, n° 1. — L'exposé des
événements de Morée, de 1376 à 1383, doit être entièrement revisé d'après les
travaux de cet auteur.
139. Ibid., p. 339, n° 35.
140. Son père François, duc d'Andria, était un des principaux partisans de
Charles III d'Anjou Durazzo; cf. note précédente.
141. Ibid., p. 3ΊΟ, n" 38; cf. aussi n° 37.
212 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

nation de ses chefs aux fonctions les plus importantes : Mahiot de


Goquerel comme baile, Pierre de Saint-Supéran et Bernard Varvassa
comme capitaines142. Mais, en outre, Jacques des Baux nomme Jean
Lascaris Calophéros comte de Géphalonie et de Zante, sans doute
à la même occasion. Le titre apparaît dans la lettre des conseillers de
Barcelone, du 10 février 1383, dont il a été question plus haut, et son
octroi semble indiquer que Calophéros avait contribué activement à
obtenir la reconnaissance de Jacques des Baux143. Il est possible,
voire probable, que celui-ci n'a jamais mis les pieds en Morée144; par
conséquent, il faudra admettre un voyage de Galophéros en Italie
à cet effet entre juillet 1381, quand Jeanne de Naples se rendit à ses
adversaires, et la fin de la même année.
Devenu homme lige de l'empereur de Constantinople et du prince
de Morée et doté d'un fief 145, Calophéros se hissait au niveau des barons
moréotes. N'empêche que son titre ne changea rien à la situation de
fait. Maddalena Buondelmonti, veuve de Leonardo Tocco, dont la
mort est antérieure au 1er août 1377 146, continua a assumer le pouvoir
et la régence dans le comté de Céphalonie, au nom de son fils Carlo,
jusqu'en 1388, quand celui-ci commença son règne personnel 147.
Calophéros ne put pas prendre possession du comté qui lui avait été
octroyé. La vive déception qu'il en ressentit s'exprima clairement
en 1387, ainsi qu'on le verra plus loin.
On ne sait rien de précis sur l'activité de Calophéros, depuis le der
nier trimestre de 1381 jusqu'en automne 1386, et il n'est guère possible
de préciser s'il a résidé à Modon à cette époque 148. Entretemps, la
situation de la Morée franque s'était sensiblement détériorée. La
Compagnie navarraise y demeurait la véritable maîtresse, mais elle
n'était pas en mesure de la protéger efficacement. Après la mort de

142. Pour ces titres, cf. ibid., p. 341-343, n° 42-43.


143. Cf. supra, p. 207-208 et R.-J. Loenertz, ibid., p. 347, n° 60.
144. En tout cas pas avant le 7 septembre 1381 : cf. R.-J. Loenertz, ibid.,
p. 340, n° 37.
145. On peut le déduire du fait qu'il en sera ainsi en 1387, avec Amédée de
Savoie : cf. infra.
146. Pour la date, cf. A. Luttrell, Interessi fiorentini (cité supra, n. 92),
p. 322-323, et en particulier p. 323, n. 1.
147. Cf. Ch. Hopf, Chroniques gréco-romanes inédites et peu connues (doréna
vant : CGR), Berlin, 1879, p. 530.
148. La lettre adressée par Démétrius Cydonès à notre personnage, en 1382-
1383, ne révèle pas où celui-ci séjournait à cette époque : D. C, II, p. 185-187,
n. 269.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 213

Jacques des Baux, survenue le 17 juillet 1383 149, divers prétendants


se mirent en rapport avec les chefs de la Compagnie ou avec des
barons moréotes 15°.
Calophéros arriva vraisemblablement en novembre 1386 à Venise,
en tant que membre d'une ambassade envoyée par Pierre de Saint -
Supéran, vicaire général, ainsi que par les prélats, barons et feuda-
taires liges de la principauté 151. Les membres de l'ambassade appor
taient à Venise une copie du traité de paix et de bon voisinage conclu,
le 18 janvier 1382, entre les châtelains de Coron et de Modon et les chefs
de la Compagnie navarraise, qui détenait le pouvoir en Morée fran-
que 152. Manifestement, ils étaient chargés de négocier le renouvelle
ment de ce traité, et peut-être s'efforcèrent-ils d'obtenir, en outre, la
protection de la Commune, les négociations engagées entre la Compag
nie navarraise et Juan Fernandez de Heredia, grand-maître de l'Hôpit
al, ayant échoué153. Leurs efforts furent partiellement couronnés de
succès, puisque, le 14 janvier 1387, le doge Antonio Venier autorisait
les châtelains de Coron et de Modon à conclure, avec les chefs de la
principauté, un nouveau traité, qui fut effectivement signé à Modon,
le 29 juillet suivant154.
Une lettre de Cydonès, envoyée à Calophéros avant son départ de
Morée à Venise, révèle que ce dernier projetait de s'y rendre non
seulement en mission officielle, mais également pour s'occuper de ses

149. Cf. R.-J. Loenertz, loc. cit., p. 348-349, n° 66. Un acte inédit, signalé par
J. Longnon, JJ Empire latin, p. 335, n. 2, permet de déterminer cette date.
150. Cf. J. Longnon, op. cit., p. 340.
151. Ce que confirme également une lettre de Cydonès (n° 359), dont il sera
question plus loin. Cf. aussi infra, η. 154.
152. Le traité de 1382 a été publié par L. de Mas Latrie, Documents concernant
divers pays de ΓΟ rient latin, 1382-14 13, Bibliothèque de: Γ École des Chartes 58 (1897),
p. 81-87. Il est précédé, dans A.S.V., Commemoriali, reg. 8, fol. 117 r., de la notice
suivante (publiée ibid., p. 81, n. 3) Copia pactorum initorum inter castellanos Coro-
nis et Mothonis et bailum imperialem principatus Achaye et alios barones et nobiles
dicti principatus ; que copia habita est ab ambaxatoribus dicti principatus, qui vene-
runt Venecias, M. CCC LXXXVI , de novembre. — Remarquons qu'en fait le traité
ne mentionne pas les feudataires moréotes. L'auteur de la notice a sans doute été
influencé par l'acte de procuration présenté par les ambassadeurs, qui, lui, en
faisait mention, et dont le texte est reflété par un acte du doge Antonio Venier;
cf. infra, n. 154. L'allusion au baile a sans nul doute trait à Pierre de Saint-Supéran,
qui assume cette fonction en 1386, mais qui figure en tant que capitaine de la
principauté dans le traité de 1382.
153. Sur celles-ci, cf. .1 Lo\gnon:, /.''Empire latin, p. 340.
.

154. Texte publié par L. de Mas Latrie, loc. cit., p. 87-98. 11 comprend la procu
ration du doge Antonio Venier [ibid., p. 88-89) qui autorise des pourparlers cum...
Peilt» de Santo Scverano (sic! ) \'icirio ßetierali principatus Achaye et prelatis. baro-
mbus et li.gits diet ι principatus.
214 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

affaires et de celles de son fils 155. Leur nature n'est pas spécifiée à cette
occasion; elle est toutefois révélée par deux faits importants. Dans le
testament de Calophéros, établi à Venise le 5 juillet 1388, il est stipulé
qu'au cas où son fils Erard mourrait sans héritiers légitimes, avant
d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans, tous ses biens devaient être remis
à la Camera imprestitorum de Venise 156.
Cette disposition testamentaire, particulièrement favorable à
la Commune, suggère que Calophéros en avait obtenu des avantages
substantiels. Or, dans la documentation vénitienne postérieure à sa
mort, ce personnage est qualifié de Vénitien, ainsi que son fils
Erard 157. On peut en déduire que l'octroi de la citoyenneté véni
tienne à Calophéros, postérieur à 1377, quand celui-ci apparaît en
tant que Grecus et Januensis 158, se situe à l'époque de son séjour à
Venise, au cours de l'hiver 1386-1387. De cette manière, notre per
sonnage s'assurait la protection de la Commune, ainsi qu'à son fils.
Il estimait sans doute que seule Venise, à la fois maîtresse de Modon,
où il possédait vraisemblablement une maison 159, et voisine de la
Morée franque, était en mesure de l'accorder efficacement. Ainsi
s'explique également l'inclusion des procurateurs de Saint-Marc
parmi les exécuteurs testamentaires, chargés de gérer les biens légués
à la Camera imprestitorum 160.
Le 16 janvier 1387, au cours du même séjour à Venise, Calophéros
obtint un verdict favorable dans le procès qu'il avait intenté à Carlo
Zeno devant la Curia mobilium 161. Peu après, en février 1387 au plus
tard 162, Calophéros se rendit auprès d'Amédée de Savoie, seigneur de
Piémont, et, pendant quelque temps, il fut étroitement mêlé aux
tractations diplomatiques visant à établir l'autorité de ce prince en
Morée franque 163. Amédée était intervenu à la Cour pontificale dès

155. D. C, II, p. 302-303, n° 359, 1. 11 : εν ταΐς περί των πραγμάτων και του υίέος
φροντίσιν έσόμενος.
156. Ibid., Ι, ρ. 193, 1. 72-73 : ...quod omnia ipsa bona spectantia ipsi Arardo
ponantur ad cameram imprestitorum Communis Venetiarium.
157. Cf. infra, p. 227.
158. Cf. supra, p. 204.
159. Cf. supra, p. 210.
160. II en sera question plus loin. — Malgré de patientes recherches à VArchivio
di Stato de Venise, nous n'avons retrouvé aucune trace du privilège de citoyenneté
de Calophéros.
161. Cf. supra, p. 210.
162. Cf. infra, n. 164.
163. Sur celles-ci, cf. R. Cessi, Amedeo di Acaia e la rivendicazione dei domini
sabaudi in Oriente, Nuovo Archivio Veneto, N.S. 37 (1919), p. 5-64. Résumé
commode de la situation, avec renvois aux études et sources publiées, dans
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 215

décembre 1386. Au mois de février suivant, il était précisément à la


recherche d'arguments, permettant de prouver ses droits sur la Morée.
L'activité de Calophéros à ce sujet ne découle pas d'une initiative
personnelle. Notre personnage était en effet accompagné de « trois
officiers des détenteurs de la principauté d'Achaïe 164 ». Il semble
donc avoir été mandaté par la Compagnie navarraise et les barons de
Morée.
En mars 1387, Amédée envoya des messages en Avignon, auprès
de Clément VII, afin d'obtenir l'annulation de la vente de la Morée
par Marie de Bretagne aux Hospitaliers, conclue le 24 janvier. Conseill
és par Calophéros, ils eurent gain de cause, et le pape cassa cette
vente le 11 avril. Le 19 juillet 1387, à Turin, Amédée de Savoie le
récompensait de ses services en l'investissant de diverses terres,
dont il sera bientôt question. Antérieurement au 14 août, Calophéros
arrivait à Venise comme émissaire officieux d'Amédée, chargé de
sonder si Venise était disposée à seconder celui-ci dans son entre
prise 165. Les comptes d'Amédée de Savoie le mentionnent à nouveau
le 6 septembre 1387 166.
Les intérêts et projets contradictoires de Venise et d'Amédée de
Savoie, ainsi que les diverses obédiences du grand schisme, firent
traîner les négociations en longueur, en 1388 et 1389. Elles n'allaient
reprendre qu'en 1390. Le 26 septembre de cette année, Amédée arrivait
à un accord avec Venise. Une fois l'appui de celle-ci acquis, il pouvait
agir en Morée. Ses ambassadeurs y arrivèrent quelque temps après;
en décembre, les Navarrais et les barons se décidaient à envoyer une
délégation à Amédée. Le 5 juin 1391, les tractations aboutirent enfin
à un accord.
Mais, entretemps, le 5 juillet 1388, Calophéros avait rédigé son
testament à Venise 167. Sans doute était-il souffrant et croyait-il
D. A. Zakythinos, Le despotat grec, I, p. 132-138, 148-151, et J. Longnon, VEmpire
latin, p. 340-343.
164. Le 22 février 1387, à Pignerol, le trésorier d'Amédée payait 8 florins tribus
menesteriis tenentium principatus Amoree : R. Gessi, loc. cit., p. 44, n° 4. Il ne
s'agit pas de ménestrels, venus réciter au prince Amédée la geste des conquérants
de la Morée, hypothèse avancée par J. Longnon, op. cit., p. 341, mais de minister
iellesou officiers. Notons que le 20 juillet suivant, Calophéros était accompagné
d'une comitiva, mais on ne peut savoir s'il s'agit des mêmes ministerielles, ou d'une
suite composée de membres de la maison de Calophéros; cf. le compte publié
par R. Cessi, loc. cit., p. 47, n° 14. — Sur l'ensemble de cette période, cf. ibid.,
p. 7.
165. Cf. R. Cessi, ibid., p. 8-10.
166. Ibid., p. 47-48, n° 19.
167. Nous l'examinerons plus loin.
216 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

que sa fin était proche. En février ou au début de mars 1390, il est


toujours à Venise, d'où il expédie des actes officiels concernant la
Morée. A cet effet, il envoie auprès d'Amédée son chapelain, Bertuccio
de Tarento 168. Par la suite, on ne trouve plus mention de Calophéros
dans les comptes du prince ou en relation quelconque avec les pour
parlers menés par Amédée de Savoie, en 1390 et 1391 169. Les services
de notre personnage étaient peut-être devenus superflus, d'autres
émissaires assurant le contact d'Amédée avec Venise et la Morée 17°.
Calophéros quitta Venise, vraisemblablement fin février ou en mars
1390 m, pour se rendre en Chypre. Vers la même époque, son ami
Cydonès quittait Constantinople pour Venise, espérant y retrouver
Calophéros. Celui-ci n'y apparût toutefois pas juqu'au départ de
Cydonès, qui, après avoir obtenu la citoyenneté vénitienne, le 20 jan
vier 1391, regagna la capitale byzantine. De retour à Constantinople,
peu après le 8 mars suivant, Cydonès écrivit à Calophéros. Ce dernier
était toujours en Chypre 172, et y mourut l'année suivante, sans être
rentré à Venise. La date de sa mort ne peut être précisée. Elle est
toutefois antérieure au 2 septembre 1392, quand la nouvelle était déjà
connue en Morée 173.
Le privilège par lequel Amédée de Savoie concéda des fiefs à Calo
phéros, le 19 juillet 1387, ne nous est point parvenu. Nous en connais
sons toutefois le contenu, grâce à un acte établi le lendemain par
Calophéros m. Celui-ci a sans nul doute suggéré la concession au prince,
168. Dans un compte du 10 mars 1390, il est question d'un paiement à domino
Bertuccio, capellano domini Ioh. Lasqueris, qui Domino [c. à. d., à Amédée de Savoie]
quosdam litteras dommacionis Venec, facientes mencionem de pnncipatu Achaye,
presentavit : R. Ccssi, loc. cit., p. 52, n° 41. Sur Bertuccio, cf. infra.
169. Cf. ibid., p. 52 sqq., n° 42 sqq.
170. Ainsi, Pierre de Narbonne, mentionné dans des comptes des 28 décembre
1388, 13 janvier et 19 mars 1389, et 11 mai 1390, Ibid., p. 52, n° 39, 40, 42, 43.
La seconde rentrée fait état d'un voyage en Morée; les troisième et quatrième,
de voyages à Venise.
171. Pour cette date, cf. supra.
172. D. C, II, p. 392-393, n° 435, précède de peu le départ de Cydonès de Cons
tantinople. Le privilège de citoyenneté figure dans A. S.V., Priçileggi, reg.l, fol.
94 r., et est publié dansZXC, II, p. 452-453. A lai. 18, on lit, apropos de Cydonès :
nunc habitator Venetiarum. Il est vraisemblable qu'il était à Venise à cette date.
Peu après le 8 mars, il était déjà à Constantinople, ainsi qu'en témoigne la lettre
n° 430, D.C., II, p. 386. En comptant près de deux mois de voyage hivernal
(cf. F. Thiriet, La Romanic vénitienne, p. 188), on pourra placer le départ de Venise
fin janvier 1391. Cf. également R.-J. Loenertz, Les recueils de lettres de Démétrius
Cydonès (Studi e Testi, 131), Città del Vaticano, 1947, p. 120 et, du même, Corres
pondance de Manuel Calccas (Studi e Testi, 152), Città del Vaticano, 1950, p. 21.
173. Cf. infra.
174. Torino, Archwio di Stato, Acaja, mazzo 3°, n° 3. L'acte a été établi per
H. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 217

et il est vraisemblable qu'à cet effet, il lui a présenté le privilège que


Jacques des Baux avait délivré en sa faveur, en 1381 175. Mais tandis
qu'alors, le fief noble concédé contre hommage 176 ne comprenait que
le comté de Céphalonie, avec les îles de Zante et d'Ithaque, la conces
siond'Amédée comportait également des biens situés en Morée :
fort de son expérience personnelle quant au comté de Céphalonie,
Galophéros désirait sans doute s'assurer l'avenir.
Parmi les biens qu'il obtint en 1387 figurent le château et la localité
de Port-Jonc ou Navarin, Maniatochori, Platanos, Pyla et Ligoudista,
localités situées en Messénie occidentale 177. Or, dans la liste des fiefs
de Morée, établie en 1376 ou 1377, lo castello de porto de Junco figure
sous la rubrique : Quisti sono li castelli ehe madame ave in lo princepato
de Achaya, l'allusion ayant trait à Jeanne Ire de Naples; dans celle
qui fut établie en 1391, pour les besoins d'Amédée de Savoie, Port-
Jonc figure parmi les lieux du propre domaine en ladicte province de
Morée 178. Le rapprochement avec notre document est suggestif.

Β artholomeum de Parma, secretarium nostrum. II est scellé d'un sceau de cire


rouge, pendant par des lacs de soie jaune et rouge, et porte la souscription au
cinabre de Jean Lascaris Calophéros, en grec. A cet égard, il est d'un intérêt
particulier, étant le seul acte parvenu jusqu'à nous à porter cette souscription.
Cf. également infra, n. 202.
175. Cf. supra, p. 21 2.
176. Cette formule, employée dans l'acte d'Amédée (cf. note suivante), reflète
sans doute celle qui figurait dans le privilège de Jacques des Baux. Cf. également
le compte du 20 juillet 1387, soit du lendemain du jour où Amédée établit l'acte
en faveur de Calophéros : ad expensas comitis Céphalonie, in principatu Achaye
vaxalli et hominis Domini : R. Cessi, loe. cit., p. 47, n° 15.
177. Amadeus de Sabaudia, princeps Achaye etc. nobis et nostris heredibus ac
successoribus, sua benigna largitione et gratia., donaverit et concesserit in feudum
nobile et sub homagio, per nos pro nobis et nostris prefacto domino nostro principi pro
se et suis heredibus et successoribus facto et prestito, videlicet comitatum Cefalonie cum
insula, Ianciti (sic!) et Volle de Compare, item castrum Avarmum et portum Iunci
cum casalibus de Magnatocori et Platano, cum piano de Pilla, item casalia de Agore-
riça. (sic!), de Ligudista, de Lostenicho, de Morlendi, de Prothis et Euchion, cum
hominibus, vassalis, feudis, feudatarus , redditibus, serçiciis, possesswnibus , iundi-
tionibus, mer ο et mixto imperio et aliis suis iuribus [et] pertinentiis, cumque indem
(sic!) dominas noster princeps per se et suos predieta nobis m feudum donata nobis
et nostris manutenere, defendere et guarentere promisit bona fide sua, prout hec et
quant plura, aha in duobus instrumentis per Nicoletum Ruffi de Chamberiaco, nola-
num publicum, receptis et confectis sub anno presenti, die XVIIIl11 mens is huius
latius continentur. — Pour la localisation des endroits cités dans notre texte,
cf. P. Topping, A. Frankish Estate near the Bay of Navarino, Hesperia, Journal
of the American School of Classical Studies at Athens 35 (1966), p. 428-432 (cf. la
carte, ibid., p. 430). Les autres localités n'ont pu être identifiées, mais il est vrais-
scmblabk' qu'elles étaient situées dans la même région.
178. Cf. la liste des fiefs de 1376 ou 1377, rééditée par A. Luttrell, The Princi
pality of Achaea in 1377 (cf. supra, η. 92), p. 343, et, pour sa date approximative,
218 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

II est vraisemblable que les autres localités étaient également comp


rises dans le domaine princier 179, et que c'est à ce titre que Calo-
phéros en demandait la concession. Leur choix n'est d'ailleurs pas
fortuit, puisque ces biens étaient situés entre Modon, où Calophéros
résidait quand il séjournait en Morée et où il possédait sans doute une
maison, et la seigneurie d'Arcadia, détenue par son beau-père Erard III
Mavros180. Le 20 juillet 1387, soit le lendemain du jour où ces biens
lui avaient été concédés, Galophéros déclarait que la promesse d'Amé-
dée de les défendre et garantir n'aurait d'effet, que quand le prince
ou ses héritiers obtiendraient la possession réelle de la principauté 181.
Cette déclaration avait évidemment été faite à la demande d'Amédée.
Bien lui en prit, puisqu'il ne réalisa jamais ses projets. La concession
dont Calophéros avait bénéficié resta par conséquent toute théorique.
Erard III Mavros, beau-père de Calophéros, figure parmi les prélats,
barons et feudataires liges de la principauté qui, le 25 juillet 1387,
mandatèrent Pierre de Saint-Supéran pour négocier, avec les châte
lains de Coron et de Modon, le renouvellement du traité de paix et de
bon voisinage, dont il a été question plus haut 182. Il apparaît à nouveau
dans le testament de Calophéros, établi à Venise, le 5 juillet 1388, en
tant qu'exécuteur testamentaire 183. Mais, par la suite, il n'est plus

ibid., p. 341. En 1391, Port-Jonc était détenu par deux feudataires (cf. Ch. Hop!,
CGR, p. 230), mais il n'est guère certain qu'il en était déjà ainsi en 1387.
179. Gh. Hopf, CGR, p. 502, n° 1, fait de Genturione Ier Zaccaria le seigneur
de Damala, Chalandritza, Lisarea et Maniatochori, de 1336 à 1382. Nous n'avons
pu retrouver sur quoi repose l'affirmation de Hopf quant à cette dernière localité,
mais il est probable que, conformément à un procédé qui lui est cher, cet auteur
a fait un usage arbitraire d'une indication à son propos. Un acte vénitien du
27 janvier 1411 révèle que Maniatochori était détenu en partie par Genturione II
Zaccaria, prince de Morée, en partie par son frère Benedetto et peut-être d'autres
feudataires : C. N. Sathas, Documents inédits relatifs à V histoire de la Grèce au
moyen âge, Paris, 1880-1890, I, p. 39-40, n° 37 (l'éditeur indique à tort le millé
sime 1410, n'ayant pas tenu compte que la date était énoncée more veneto).
Il est évident que Centurione en détenait une partie et avait inféodé l'autre, en tant
que prince de Morée et héritier du domaine princier, ce que confirme la détention
de Port-Jonc par le même Centurione. Cette situation ne peut remonter au-delà
du 20 avril 1404, date à laquelle ce dernier obtint le titre princier, et ne justifie
nullement les affirmations de Hopf relatives à une époque antérieure.
180. Sur celle-ci, cf. infra, p. 219.
181. Nisi prius adepta et consecuta per eundem dommun nostrum principem vel
suos aut alium suo nomine reali et pacifica possessione dicti principatus Achaye. Et
quousque ipsam realem et pacificam possessionem adepti fuerint et consecuti, ipsam
promissionem et ipsius effectum dicto domino nostro principi et suis pro nobis et
nostris totaliter remittimus per présentes .
182. L. de Mas Latrie, loc. cit., p. 92.
183. D.C., I, p. 191, 1. 56 : magnificum et potentem dominum Arardum, dominum
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 219

signalé comme vivant, et sa mort doit donc être placée peu après
cette dernière date. Sa baronnie, qui comprenait Arcadia, Saint-Sauveur
et Aquilla ou Aétos 184, ne fut pas partagée après sa mort, ce qui aurait
été contraire aux règles de succession du droit féodal moréote 185,
mais échut intégralement à sa fille aînée, sans nul doute Catherine,
promise en 1368 à Léon de Lusignan, mais devenue par la suite l'épouse
d'Andronic Asên Zaccaria 186. La détention d'Arcadia par leur fils
Centurione II le confirme amplement. Quand celui-ci accorda sa
propre fille Catherine à Thomas Paléologue, en 1429, il lui donna pour
dot ce qui restait de la principauté de Morée, « excepté Γ Arcadia
côtière », soit la partie proche de la côte et comprenant le château
d'Arcadia 187. Thomas s'en empara de force en 1432, après la mort
de son beau-père 188. Le seigneur de VArcadie, dont il est question dans
le tableau des fiefs de 1391, est donc Andronic Asên, le mesrre Assane
cité en relation avec son frère189; c'est lui qui tint Porcelle, Chastel-
de-Fer ou Sidérokastron, ainsi que la Praye, trois localités du domaine
princier situées dans l'Escorta 190. Son identification est d'autant plus
sûre, que, dans cette liste, on ne trouve aucune mention de grand
connétable, fonction revêtue en 1391 précisément par le même Andronic
Asên 191.
Archadie. Il ne faut pas le confondre avec Erard, fils de Calophéros, cité à sa suite
parmi les exécuteurs testamentaires : Arardum Lascari suprascriptum (1. 57).
184. Cf. L. de Mas Latrie, ibid., ainsi que la liste des fiefs de 1376 ou 1377,
rééditée par A. Luttrell, loc. cit., p. 344.
185. Cf. notre étude Les archontes grecs et la féodalité en Morée franque, Travaux
et mémoires du Centre de recherche et d'histoire et civilisation byzantines de la
Sorbonne, 2 (1967), p. 447.
186. Son identité ressort du nom de sa petite-fille; cf. infra. Sur le projet de
mariage avec Léon de Lusignan, cf. supra, p. 200. Catherine devait être l'aînée
des enfants vivants, puisqu'elle hérita de la baronnie et la transmit à son fils.
Ch. Hopf, CGR, p. 472, n° Xlllb, ne le spécifie pas dans les généalogies des barons
de Saint-Sauveur et d'Arcadia, mais bien dans celles des Zaccaria, ibid., p. 502,
n° 1. Le mariage de Catherine et d'Andronic Asên est donc antérieur à la mort
d'Erard III Mavros. Par ailleurs, Andronic Asên ne peut avoir été baron d'Arcadia
dès 1386, comme l'affirme Hopf, CGR, p. 472, n° Xllb, mais à partir de 1388 au
plus tôt.
187. Laon. Chalcocondyle, De rebus turcicis, V; Bonn, p. 242, 1. 2-9, et en parti
culier ceci : πλην της παραλίου 'Αρκαδίας. Aétos et Saint-Sauveur sont à quelque
distance de la côte. Entretemps Aétos avait été occupé par les Grecs : cf. D.A.
Zakythinos, op. cit., I, p. 206. Le sort de Saint-Sauveur n'est pas connu.
188. Laon. Chalcocondyle, ibid.
η» 189.
XII ft.Et non Erard Lascaris, comme l'affirme à tort Ch. Hopf, CGR, p. 472,
190. Ibid., p. 229-230.
191. Si une telle mention y figurait, il aurait été question de deux personnages
différents.
220 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Quant à Erard Lascaris, fils de Calophéros, il n'eut ni droits, ni


prétentions sur Arcadia, sa mère Lucie, déjà morte 192, étant de toute
évidence une sœur puînée de la femme d'Andronic Asên 193. Fait signi
ficatif, ni le testament de Calophéros, ni le faux testament d'Erard
Lascaris, que nous examinerons plus loin, ne font la moindre allusion
à des terres situées en Morée. Ajoutons que l'énoncé des sommes
léguées par Calophéros figure, dans son testament, soit en ducats
vénitiens, soit en besants de Chypre, île dont il tirait effectivement
des revenus, mais jamais en tournois, sterlins ou hyperpères de Cla
rence ou de Morée 194. On comprend dès lors l'empressement mis par
Calophéros à assurer à son fils la protection de Venise, ainsi que de&
investissements fructueux, lors de son séjour à Venise, pendant
l'hiver 1386-1387.
Le testament de Calophéros 195 présente un grand intérêt. Il révèle
tout d'abord le train de vie de ce personnage, à Venise depuis l'automne
de 1386. Il y possède une maison dans la contrôla sancti Angeli196r
outre celle qu'il avait vraisemblablement à Modon. A son service,
on trouve un chapelain, Bertuccio de Tarento, ainsi qu'un notaire,
Henri Slucherth, signalé à Modon en 1381 197; en outre, des esclaves
aux noms grecs 198 et des serviteurs grecs 199. A en juger d'après la

192. Galophéros ne la mentionne pas dans son testament; elle y aurait sans doute
figuré, parmi les exécuteurs testamentaires, si elle avait encore été vivante en
1388.
193. Hopf fait d'Erard un prétendant sur Arcadia {GG, II, p. 49a) ou sur une
partie de la baronnie {CGR, p. 472, n° Xllè); ailleurs, il prétend qu'Brard en
détint une partie (CGR, ibid. et GG, II, p. 87a) et même que son père Galophéros
le précéda comme héritier de cette partie [G G, II, ibid.). Tout ceci est pure fan
taisie. Hopf est à l'origine d'une erreur fort répandue, reprise récemment encore
par R.-J. Loenertz, Correspondance de Manuel Calécas, p. 86, et D.C., II, p. 303,
note à la 1. 11, in fine, selon laquelle Erard était héritier d'Arcadia par sa mère.
N. Jorga, Philippe de Mézières, p, 280, n. 6, en fait un co-seigneur d'Arcadia.
194. Pour l'usage de ces dénominations, cf. Pegolotti, Pratica, p. 116-117, et
J.A. C. Buchon, Nouvelles recherches historiques sur la principauté française de
Morée et ses hautes baronnies, Paris, 1843, II, p. 75, 1. 1-3.
195. D.C., I, p. 187-194; nous renvoyons ci-dessous aux lignes de ce texte.
196. Ibid., 1. 83; cf. 1. 3 : nunc Venetiis moram trahens in contrôla sancti Angeli.
197. Pour le premier, cf. 1. 14-16; pour le second, 1. 16-22, 58-62, 74, et supra,
p. 208.
198. Ibid., 1. 23-28, 68-70, 78; la servitrix Catherine ayant une fille (1. 51-52)
est sans doute identique à l'esclave de ce nom. Le nom grec ne prouve pas qu'elles
étaient d'origine grecque. Il était d'usage de donner des noms chrétiens aux
esclaves baptisés.
199. Ibid., 1. 28-34 : Georgius Caludi, Iohannotus Glava et Georgius Borile.
Ce dernier ne suivit pas Calophéros en Chypre, mais resta à Venise, où, le 30 mai
1396, il obtint la citoyenneté vénitienne : Simile, privilegium annorum, octo habi-
1). JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 221

mention de ces derniers et du notaire, il semble que Calophéros avait


amené toute cette suite de Modon.
Certaines dispositions du testateur ne présentent que peu d'intérêt,
parce que communes aux testaments de l'époque : ainsi les legs en
faveur d'institutions ecclésiastiques, de pauperes propinquos et famil
iäres domus sue200; en outre, les affranchissements d'esclaves, sans
doute à son service depuis plusieurs années, à charge de servir son
fils Erard pendant une période déterminée 201. D'autres dispositions
méritent une attention particulière, compte tenu surtout de la struc
ture du testament. Celui-ci présente en effet deux partie? nettement
distinctes. La première s'achève par une clause prévoyant le cas où le
testateur changerait d'avis et rédigerait un nouveau testament; il y
est en outre question des signes qui permettraient d'identifier un acte
authentique émanant de lui 202. Cette clause est suivie de la liste des
exécuteurs testamentaires et des pouvoirs qui leur étaient accordés 203.
Puis, Calophéros ajoute de manière imprévue diverses dispositions,
pour terminer ainsi : Et hoc voluit.. .esse suum ultimum testamentum et
ultimam voluntatem 204. On a donc l'impression, qu'après avoir terminé
en fait l'élaboration de son testament, Calophéros a cru bon de le
compléter en y ajoutant diverses clauses. Or, pour l'essentiel, les dispo
sitions comprises dans la seconde partie traitent du cas où Erard
Lascaris mourrait, sans héritiers directs et légitimes, avant d'avoir
atteint l'âge de dix-huit ans 205. Il y est prévu que ses biens seraient
tationis de intus factum fuit provido viro Georgio Vor Ma de Constantinopoli, filio
quondam Michailis Vor Ma, nunc habitatori Venetiarum (A. S.V., Privileggi,
reg. 1, fol. 118 r.). — La présence de Grecs aux côtés de Calophéros n'est guère
surprenante : il en avait toujours été ainsi. Le 18 avril 1365, Urbain recommande
Galophéros, ainsi que Démétrius Angélus de Thessalonique, socius eius : Reg.
Vat. 247, fol. 79 r. Manuel Francopoulos de Constantinople, nommé chanoine de
Patras par Grégoire XI, le 22 novembre 1374, en obtient l'autorisation, le 22 octo
bre1377, de jouir de ses bénéfices, même obsequiis dilecti filii nobilis viri Iohannis
Lascari Calofero, militis constantinopolitani, insistendo : Reg. Aven. 194, fol. 682
et Reg. Aven. 203, fol. 510; Täutu, op. cit., p. 236-238, n° 124, et p. 484-486,
n° 242.
200. Ainsi 1. 7-8 du testament, et cf. 1. 74-78.
201. Cf. supra, n. 198.
202. A noter en particulier ceci : et dicta talis ordinatio fuerit bullata vero sigillo
ipsius testator is et subscripts litter is grecis et signo greco manu dieu testaroris (1. 54).
Cf. supra, n. 174.
203. Ibid., 1. 55-68.
204. Ibid., 1. 68-83. Il était prévu que, si le testament non possit valere iure
testamenti, voluit illud valere iure codicillorum. Et si non valeret iure codicillorum,
voluit illud valere iure donationis causa- mortis et omni alio modo quo melius de iure
valere poteri.t et teuere (1. 82-83).
205. Cas également prévu à la 1. 44, mais relatif à une personne particulière.
222 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

alors déposés à la Camera imprestitorum de la Commune de Venise,


et l'intérêt produit devait être distribué par les exécuteurs testament
aires, dont Henri Slucherth et Démétrius Scaranos 206, aux parents
pauvres, familiers et alias personas sub fide catholica sp[iritu]aliter
constitutas. Cette clause particulière était formulée avec le consente
ment des procurateurs de Saint-Marc, qui, à cet effet, étaient inclus
parmi les exécuteurs testamentaires 207. Ainsi qu'on le verra plus loin,
ces dispositions furent effectivement appliquées et on peut en déduire
qu'Erard Lascaris mourut en 1392 208, avant d'avoir atteint l'âge
prévu. Il n'y a pas lieu de s'en étonner puisque, ainsi que nous l'avons
constaté, la consommation du mariage de Calophéros et de Lucie,
fille du seigneur d'Arcadia, ne peut être antérieure à 1375 209.
Le jeune âge d'Erard Lascaris explique les dispositions visant à
assurer ses affaires et son éducation : Henri Slucherth, ainsi que
Démétrius Scaranos, étaient encouragés à rester auprès de lui et, en
ce cas, devaient assumer la direction de sa maison, étant manifeste
ment les hommes de confiance de Calophéros, ce que prouve également
leur inclusion parmi les exécuteurs testamentaires 210. Bertuccio de
Tarento, chapelain de Calophéros, était également encouragé à rester
auprès d'Erard, comme les précédents, jusqu'à ce que celui-ci atteigne
vingt ans211. Cet âge ne correspond pas à la majorité féodale, fixée
en Morée franque à quatorze ans révolus 212. En revanche il est conforme
à une certain conception de la majorité byzantine, ce que confirme
d'ailleurs le fait que Calophéros prend des dispositions, pour le cas où
Erard mourrait avant d'avoir atteint l'âge de dix-huit ans213, et ne
serait par conséquent pas en mesure de tester 214. Le testament révèle
ainsi le mode de pensée de Calophéros. Bien qu'allié par mariage à
une famille baroniale moréote et vivant depuis de longues années en

206. Sur ces personnages, cf. également infra.


207. Ibid., 1. 72-76.
208. Pour cette date, cf. infra.
209. Cf. supra, p. 202.
210. Ibid., p. 189, 1. 16-23 : regere domum dicti Arardi et expendere de bonis dicti
testamentoris pro dieto Arardo et pro omni eius familia id qua fuerit necessarium;
en outre, cf. 1. 57-58, 60-62, 73-74, et infra, n. 217.
211. Ibid., 1. 13-16 et 19.
212. Les « Assises de Romanie », éd. G. Recoura, Paris, 1930, § 85.
213. Testament de Calophéros, 1. 44, 72, 76-79.
214. Sur la majorité byzantine, cf. K. E. Zachariae von Lingenthal, Geschichte
des griechisch-römischen Rechts3 (reproduction anastatique) Aalen, 1955, p. 120-
126; M. Käser, Das römische Privatrecht, 2. Abschnitt, Die nachklassischen Ent
wicklungen, München, 1959, p. 79-80.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 223

Occident, il reste fidèle, dans ce domaine, aux conceptions juridiques


byzantines.
La liste des exécuteurs testamentaires désignés par Calophéros est
imposante et révèle la nature de ses relations. On y trouve, bien
entendu, son beau-père Erard III Mavros et son fils Erard Lascaris.
Y figurent également quatre Byzantins : ses amis Démétrius Cydonès
et Manuel Chrysolaras, intimement liés à l'histoire de l'Humanisme,
le premier, pour le cas où il serait à Venise, le second, à Venise ou en
Chypre 215 ; en outre, son parent Georges Monomaque, « chevalier de
Constantinople » émigré en Chypre, qu'on trouve en 1373 au service de
la reine Eleonore et, avec Calophéros, parmi les Chypriotes qui ne
furent pas emprisonnés par les Génois en 1375 216. Quant au dernier,
Démétrius Scaranos, il fait figure d'homme de confiance de Calophéros,
dès l'automne de 1386 au moins, époque à laquelle Cydonès signale
qu'il en avait appris des nouvelles sur notre personnage 217. Il était
prévu que toute décision concernant les biens de ce dernier serait
prise à la majorité des exécuteurs testamentaires, et, parmi ceux-ci,
devaient toujours figurer deux des trois personnages suivants : son
fils Erard, Scaranos et le notaire Henri Slucherth 218. Après la mort de
Calophéros et de son fils Erard Lascaris, Scaranos s'occupa de leurs
biens : nous y reviendrons plus loin.
Ainsi que nous l'avons déjà signalé, les sommes léguées sont énoncées
soit en besants de Chypre, soit en ducats vénitiens. Les intérêts chy
priotes de Calophéros étaient considérables. Il n'est donc guère surpre
nantde trouver, parmi les exécuteurs testamentaires, Jacques Ier
de Lusignan, roi de Chypre, ainsi que Pierre de Cafran, amiral de son
royaume 219. Les intérêts vénitiens devaient être régis, entre autres,

215. Pour la biographie du premier, cf. R.-J. Loenertz, Les recueils de lettres
de Démétrius Cydonès, p. 108-122 (Essai de chronologie) et la bibliographie, ibid.,
p. ix-x; en outre, du même, Correspondance de Manuel Calécas, p. 53-57, et D.C.,
I-II. Sur Chrysoloras, cf. G. Gammelli, Manuele Crisolora, I dotti bizantini e le
origini dell'u mânes imo, I, Firenze, 1941, et R.-J. Loenertz, Calécas, p. 63-71.
216. Georgio Monomacho de Constantinopoli consanguineo dicti testatoris (1. 35;
cf. aussi 1. 36 et 60); Léonce Mâcheras, p. 196, 247, 318; Chronique d'Amadi, éd.
R. de Mas Latrie, Paris, 1891, p. 457; Strambaldi, p. 146, 184, 238.
217. Cf. la lettre signalée supra, p. 214, n. 155. Sur ce personnage, cf. R.-J. Loe
nertz, Calécas, p. 86-89, mais il n'est pas prouvé qu'il était l'homme d'affaires
de Calophéros, comme l'affirme cet auteur.
218. Et ceci, donec ipsi Dimitrius et Henricus vel alter eorum non fuerit in Ma
terra et loco ubi erunt ahi cornmissari dicti testatoris (1. 61-62). Cf. également 1. 73-74,
et supra, p. 222.
219. Cf. supra, p. 198-199, et, sur l'amiral, G. Hill, op .cit., II, p. 436-437. II
n'est pas exclu que les accords de Calophéros avec Janot et Alise de Soissons
224 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

par Lodovico da Priuli, ancien châtelain de Modon, de 1377 à 1380,


période pendant laquelle Calophéros y avait séjourné220, ainsi que
Tomaso Falier qui, en 1384, en tant que sapiens ordinum, soumit
au Sénat une proposition relative à l'archevêque de Patras 221, preuve
évidente qu'il était un personnage influent, versé dans les affaires
de la Morée.
A une date qu'il est impossible de préciser, mais postérieure au
départ de son père en Chypre, Erard Lascaris se trouvait à Venise. Y
était-il arrivé avec Calophéros, en automne 1386? On ne peut le savoir.
A Venise, il rencontra Humbertus Fabri, émissaire d'Amédée de Savoie,
et lui prêta une certaine somme. Il envoya ensuite à Pignerol, auprès
du prince, un prêtre grec qui avait auparavant servi son père. Le
11 août 1391, il était toujours à Venise222.
Mais, par la suite, il regagna la Morée, et s'y trouvait vers le début
de septembre 1392. Un acte vénitien du 22 avril 1409 mentionne un
testament d'Erard Lascaris, établi le 2 de ce mois à Androusa, dans la
maison de Pierre de Saint-Supéran, vicaire général et capitaine de la
principauté de Morée 223. Ce testament, rédigé par Bertuccio de Tarento,
ancien chapelain de Calophéros, passé au service d'Erard, s'avéra
être un faux, fabriqué après la mort d'Erard Lascaris et celle de son
père 224. N'empêche que la date qu'il portait fournit une indication
précieuse : elle doit correspondre à celle de la mort d'Erard Lascaris à
Androusa, à la rigueur, à un ou deux jours près 225. De toute évidence,
celui-ci n'avait pas atteint l'âge de dix-huit ans et n'avait pas d'héri
tiersdirects. C'est pourquoi les biens du défunt passèrent à la Camera

{supra, p. 198) ont été conclus sous l'égide de Jacques Ier, roi de Chypre depuis
1382.
220. Cf. Ch. Hopf, CGR, p. 379, et supra, p. 204-205.
221. Acte publié dans D.C., II, p. 436, n° 4; l'année précédente, il s'était occupé
des affaires de Négrepont : R.-J. Loenertz, Hospitaliers et Navarrais, p. 358-359
(acte du 12 septembre 1383).
222. D'après les comptes d'Amédée de Savoie : cf. R. Cessi, loc. cit., p. 60,
n° 83-85.
223. D.C., I, p. 196, n° 12, 1. 22-27.
224. Ibid., 1. 28-32, et en particulier ceci : fuerit facta et fabricata post mortem
dicti Arardi, habita notitia de morte domini Iohannis Laschari, qui decessit in par-
tibus Cipri, et ceci, prêter mentem et scientiam dicti Arardi. — Bertuccio de Tarento
semble être resté à Venise, quand Calophéros partit en Chypre, en 1390, et y entra
au service d'Erard Lascaris.
225. Hopf est à l'origine de l'erreur fort répandue, selon laquelle Erard serait
mort en 1409; CGR, p. 472, n° XUb. A noter que, dans GG, II, p. 74a, il adopte
la date de 1408!
D. JACOBY I JEAN LASCARIS CALOPHÉROS 225

imprcstitorum de Venise, conformément au testament de Galophéros 22(?.


Mais, peu de temps après, le 2 janvier 1393, Pierre de Saint-Supéran
et sa femme constituèrent à Androusa deux procureurs, chargés de
revendiquer les biens ayant appartenu à leur neveu Erard Lascaris
et leur appartenant, à quelque titre que ce soit, entre autres, morte
et iure testamenti nobilis quondam Arardi Lascari, filii quondam magni-
fici domini Iohannis Lascaris, nepotis ipsorum dominorum constituen-
tium227. L'identité des deux procureurs est significative228. L'un est le
notaire Johanellus Rostagni de Naples, actif en Morée depuis 1387 au
moins, entre autres, au service de Pierre de Saint-Supéran 229. Le second
est l'ancien chapelain de Calophéros et d'Erard Lascaris, Bertuccio
de Tarento, devenu curé de Lilla, localité dépendant de l'évêché de
Coron 23°, qui, selon toute probabilité, fabriqua le faux testament,
de connivence avec Pierre de Saint-Supéran. L'objet du faux était
d'obtenir les emprunts inscrits au nom de Jean Lascaris Galophéros à
la Camera imprestitorum de Venise, qui, après sa mort, étaient passés
au nom de son fils Erard 231. De toute évidence, le faux testament les

226. D.C., I, p. 196, 1. 34-42; pour cette clause du testament, cf. ibid., p. 193,
1. 72-73 et supra, p. 214 et 221-222.
227. Ibid., p. 194-195, n° 11, 1. 7-8. Marie, femme de Pierre de Saint-Supéran
à cette date, ne peut être identique à Marie Zaccaria, sœur d'Erard III (ainsi
Ch. Hopf, CGR, p. 502, n° 1). Erard Lascaris étant qualifié nepos de Marie, celle-ci
ne peut-être qu'une tante, fille d'Erard III et sœur de Lucie, mère d'Erard Lasc
aris. On pourra en déduire que Pierre de Saint-Supéran épousa d'abord Marie,
fille d'Erard III Mavros, morte après le 2 janvier 1393, puis Marie, sœur d'Andro-
nic Asên Zaccaria.
228. D. C, I, p. 194, 1. 3-4.
229. C'est lui qui, le 5 juillet 1387, établit la procuration des feudataires de
Morée en faveur de Pierre de Saint-Supéran, en vue des négociations avec les châ
telains de Coron et de Modon, au cours desquelles il a été présent; L. de Mas Latrie,
Documents (cité supra, n. 152), p. 94, 1. 10, et p. 98, 1. 13-14. Le 11 décembre
1390, il est nommé ambassadeur par les barons de Morée, en vue des négociations
finales avec Amédée de Savoie, et il figure parmi les témoins de l'accord conclu le
5 juin 1391 ; J. A. C. Buchon, Recherches et matériaux pour servir à une histoire de la
domination française aux XIIIe, XIVe et XVe siècles dans les provinces démemb
réesde l'empire grec à la suite de la quatrième Croisade, Paris, 1840, I, p. 289,
1. 11-12, et p. 294, en note, col. 1, 1. 17-18 du bas. Le 12 octobre 1397, il établit
un acte d'inféodation à la demande de Guillaume Hugot, feudataire lige de la
principauté : E. Gerland, Neue Quellen zur Geschichte des lateinischen Erzbis
tumsPatras, Leipzig, 1903, p. 185-186, n° 7, et cf. p. 186, 1. 10-13. Dans un acte
vénitien du 12 juillet 1414, il apparaît comme ambassadeur de Centurione Zaccar
ia : C. N. Sathas, Documents inédits, III, p. 61, 1. 31-32.
230. Parochianum Lille (1. 4). Cette localité figure dans deux actes vénitiens,
respectivement de 1454 et 1456 : C. N. Sathas, Documents inédits, I. p. 221, 1. 23,
et p. 235, 1. 10-11.
231. D. C, I, p. 196, n° 12, 1. 12-15, 38-41.
226 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

avait légués à Pierre de Saint-Supéran et à sa femme Marie. Cet


acte, ainsi que la procuration établie par ceux-ci, furent présentés
par les procureurs aux autorités de Venise et, le 11 mars, transférés
sur ordre du doge à l'office de VAvvogaria di Comun232. Le 12 mai
suivant, il en était de même du testament de Jean Lascaris Galophéros,
nécessaire à l'enquête ouverte 233. L'affaire fut tranchée en faveur de
Pierre de Saint-Supéran, sur la foi du testament d'Erard 234. Mais,
en 1409, après une enquête laborieuse, les Aççogadori di Comun décla
rèrent que cet acte était un faux et soumirent à la Quarantia une propos
ition, visant à annuler le testament établi au nom d'Erard Lascaris
et à confisquer, au profit de la Commune, les emprunts inscrits à son
nom, tout en réservant les droits des Avvogadori di Comun ou d'autres
personnes. Cette proposition fut adoptée le 25 avril de la même année,
à une majorité écrasante235. Toutefois, deux jours plus tard, cinq
conseillers demandèrent son annulation pour vice de forme, en parti
culier à cause de la clause restrictive réservant divers droits; en outre,
ils exigèrent le retour au statu quo ante236. Les Aççogadori di Comun
s'opposèrent violemment à cette proposition des cinq conseillers, leur
imposèrent une amende pour l'avoir formulée et exigèrent qu'ils la
retirent237. Le 17 novembre 1411 ils eurent finalement gain de cause :
la Quarantia adopta leur point de vue 238.
Entretemps, le sort des biens de Calophéros, déposés à la Camera
imprestitorum de Venise, avait fait l'objet de contestations de la part

232. Ibid., p. 195, 1. 30-31. Dans cette note, ajoutée au bas de la procuration,
il n'est pas question du testament, mais il est évident que celui-ci a été transféré
à la même occasion.
233. Ibid., p. 194, n° 10, 1. 90-91.
234. Cf. infra,
235. D. C, I, p. 196-197, n° 12, 1. 4-46 : A. S. V., Avogaria di Comun, Raspe,
reg. 6, pars 1, fol. 56 v.-57 r.
236. Ibid., p. 197, 1. 47-69, et en particulier ceci (1. 57-61) Et quia in dicta parte
continentur aliqua ultra incessionem et annulationem testamenti, que non potuerunt
poni ullo modo, determinatum fuit per infrascriptos consiliarios quod dicta pars non
fuit posita nec convenu cum ordine.
237. Avogaria di Comun, Raspe, reg. 6, pars 1, fol. 57 r. : quatenus secundum
formant consilij debeant solvisse libras decem pro quolibet, amodo usque ad octo dies
proximos, et se removisse a quadam terminatione per eis facta, per quam termina-
verunt quod quedam pars posita per advocatores Comunis... non iverit cum ordine. —
Cette partie de l'acte n'a pas été publiée par R.-J. Loenertz. Il en est de même du
texte cité à la note suivante.
238. Ibid. : propter placitare dominorum advocatorum comunis revocata et can-
cellata fuit suprascripta terminatio tanquam facta contra id quod fieri poterat et
debebat per suprascriptos nominatos consiliarios, qui se removerunt.
D. JACOBY : JEAN LASCARIS CALOPHEROS 227

de Byzance239. Vers la fin de 1404, les ambassadeurs de Manuel II


exigèrent qu'il soit tranché par l'empereur240. Le 30 janvier 1405,
Venise opposa un net refus à cette demande et fit de même le 10 jan
vier 1410, précisant que Galophéros et Erard avaient été citoyens véni
tiens et que, par conséquent, l'affaire devait être jugée par les autor
ités de la Commune241. A cette date, on savait déjà que le testament
d'Erard était un faux. Le 5 mai 1412, le Sénat de Venise soulignait
que les biens de Calophéros étaient passés à son fils Erard, en vertu
d'un acte de donation, et que le sort des biens de ce dernier avait été
réglé par les officiers de Venise, conformément au droit vénitien. Si
quelqu'un prétendait avoir des droits sur ces biens, il pouvait se présent
er aux Avvogadori di Comun.2*2·.
Cette décision était conforme à la résolution, adoptée l'année précé
dente par la Quarantia, dont il a été question plus haut. Byzance revint
une dernière fois à la charge en 1414. Le 24 juillet de cette année, le
Sénat repoussa à nouveau la plainte impériale concernant les biens de
Calophéros, déposés à la Camera imprestitorum, tout en proposant à
l'ambassadeur de Manuel II de se présenter aux Avvogadori, afin que
ceux-ci lui expliquent la procédure appliquée à leur sujet243.
Démétrius Scaranos, qui obtint la citoyenneté vénitienne le
23 décembre 1394 244, continua à s'occuper des autres biens de Calo
phéros, du moins, pendant quelques années encore. Vers la fin de 1400,
il était sur le point de se rendre en Chypre245, sans doute pour s'y
occuper des sommes dues à Calophéros en vertu de l'accord conclu par
celui-ci avec Janot et Alise de Soissons246. En tant qu'exécuteur testa-

239. Il ne peut évidemment être question que de ces biens; pour ceux de Chypre,
cf. infra.
240. A. S. V ., Senato, Misti, reg. 46, fol. 166 r. : quod juditium cause pertineat
dicto domino imperatori.
241. Cf. note précédente et Senato, Sécréta, reg. IV, fol. 87 r. Résumés dans
F. Thiriet, Régestes, II, n° 1176 et 1362. Cf. également note suivante.
242. Senato, Misti, reg. 49, fol. 108 v. : bona que requirit non erant ipsius domini
Johannis Lascari, qui sicut patet erat civis noster, ymo fuerunt Henrardj Lascarj
filij sui, similiter civis nostri, cui ipse dominus Johannes de ipsis bonis donationem
fecit, ut patet per publicum instrumentum donationis, et tanquam bona dicti Enrardi
civis nostri intromissa fuerunt per nostros offrtiales et facte sunt terminationes
et alij actus fudicanj, prout apparuit, secundum leges et ordines nostros.
243. Senato, Sécréta, reg. 6, fol. 4 v. : qui eundem similiter clare informabunt quali-
ter processerunt facta predicta.
244. A. S. V., Privileggi, reg. 1, fol. 113 v. : Dimitri Scarano filio quondam
Theodori qui fuit de Constantinopoli. Ce fait n'est pas mentionné dans la biographie
de Scaranos, retracée par R.-J. Loenertz, Calécas, p. 86-89.
245. R.-J. Loenertz, op. cit., p. 86.
246. Sur cet accord, cf. supra, p. 239.
228 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

mentaire, il avait en sa possession divers actes, entre autres, la copie


du jugement prononcé en faveur de Galophéros contre Carlo Zeno
et l'acte attestant l'emprunt fait par notre personnage à Niccolô
Bellegno 247. Ces deux actes ayant été perdus par Scaranos, le Maggior
Consiglio décida, en mai 1406, de prendre des mesures pour lui venir
en aide 248. Le 20 février 1407, il enjoignit aux chanceliers de la Can-
celleria inferiore de faire pression sur les débiteurs, astreints à acquitter
la dette contractée par Niccolô Bellegno, afin qu'ils remplissent leurs
obligations 249. En outre, il décida qu'un des notaires de la Curia
mobilium recopierait la sentence prononcée contre Carlo Zeno et la
ferait signer par Andrea Diedo, seul survivant parmi les juges en cette
affaire 250. Postérieurement à cette dernière date, on ne trouve pas de
témoignages attestant une activité quelconque de Démétrius Scaranos
en relation avec les biens de Calophéros, bien qu'il ait vécu jusqu'en
1426 251. L'ensemble du problème ne semble plus avoir été soulevé
après 1414.
Université hébraïque de Jérusalem. D. Jacoby.

247. A leur sujet, cf. supra, p. 210-211.


248. A. S. V., Maggior Consiglio, Deliberazioni, Leona, fol. 160 r. : Cum alias
captum fuerit de mense mai] nuper prêterai in hoc consilio quod fieret gratia Dimitrio
Scarano de Constantinopoli, qui casualiter amisserat duo instrumenta commissarie
quondam Johannis Laschari, cuius est commissarius. — Nous n'avons retrouvé
aucune trace de cette résolution, qui aurait dû figurer dans le même registre du
Maggior Consiglio.
249. Ibid. : quod mandaretur cancellariis nostris inferioribus, quod astringere
deberent ex officio suo debitores dicte commissarie quondam ser Johannis Lascari ad
ostendendum dictam commissariam fore ab eis satisfactam.
250. Ibid. : que la sentence contre Carlo Zeno per modum subventionis relevetur
per unum ex notariis curie mobilium, cum clausulis opportunis et cum subscriptione
ipsius ser Andrée Diedo.
251. Il est douteux que la présence de Scaranos à Venise, ait été nécessaire en
relation avec la délibération du Sénat du 10 janvier 1410 (cf. supra), ainsi que le
suggère R.-J. Loenertz, op. cit., p. 87, puisque celle-ci avait trait uniquement aux
relations vénéto-byzantines.

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