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Wanda Wolska-Conus

Un «Pseudo-Galien» dans le commentaire de Stephanos


d'Athènes aux Aphorismes d'Hippocrate
In: Revue des études byzantines, tome 56, 1998. pp. 5-78.

Abstract
REB 56 1998 France p. 5-78
Wanda Wolska-Conus, Un «Pseudo-Galien» dans le commentaire de Stéphanos d'Athènes aux Aphorismes d'Hippocrate : Ό
Νεώτερος 'Εξηγητής. — Reviewing carefully the forty-three passages which Stéphanos ascribes to Galen, the author reaches the
conviction that this attribution is erroneous. Are not the passages in question to be attributed to the exeget called the «Newer
Exeget», whom Stéphanos asserts «he is explaining him» ?

Résumé
Passant minutieusement en revue les quarante-trois passages attribués par Stephanos à Galien, l'auteur arrive à la conviction
qu'il s'agit là de fausses attributions. Les passages incriminés ne reviennent-ils pas plutôt à l'exégète dit «le Nouvel Exégète»
que Stephanos affirme «être en train d'expliquer» ? La question reste ouverte.

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Wolska-Conus Wanda. Un «Pseudo-Galien» dans le commentaire de Stephanos d'Athènes aux Aphorismes d'Hippocrate. In:
Revue des études byzantines, tome 56, 1998. pp. 5-78.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1998_num_56_1_1951
UN «PSEUDO-GALIEN» DANS LE COMMENT
AIRE
DE STEPHANOS D'ATHÈNES
AUX APHORISMES D'HIPPOCRATE :
Ο ΝΕΩΤΕΡΟΣ ΕΞΗΓΗΤΗΣ

Wanda WOLSKA-CONUS

Résumé : Passant minutieusement en revue les quarante-trois passages attribués par


Stephanos à Galien, l'auteur arrive à la conviction qu'il s'agit là de fausses attributions.
Les passages incriminés ne reviennent-ils pas plutôt à l'exégète dit «le Nouvel Exégète»
que Stephanos affirme «être en train d'expliquer» ? La question reste ouverte.

Les pages qui suivent représentent la deuxième partie de l'enquête sur


les sources du commentaire de Stephanos aux Aphorismes
d'Hippocrate1 : après Asclèpios, «didascale de l'art médical» et «com
mentateur d'Hippocrate, expliquant les œuvres d'Hippocrate d'après
Hippocrate», c'est Galien qui prend le devant de la scène. Mais est-ce
vraiment Galien ? N'est-ce pas plutôt «le Nouvel Exégète» qui semble se
substituer au Galien authentique, un faux Galien donc, ou un «Pseudo-
Galien» ?
Voici le plan de l'article, suivi d'une liste des sigles et abréviations :
- I. Position du problème : source intermédiaire entre Galien et
Stephanos.
- II. Textes témoins : un Pseudo-Galien ou le Galien authentique ?
- III. Conclusion. CO Νεώτερος Εξηγητής: Philagrios, Gésios,
Palladios, Jean d'Alexandrie ?
- IV. Appendice. Textes témoins : suite.

1. Cf. Wanda Wolska-Conus, Sources des commentaires de Stephanos d'Athènes et de


Théophile le prôtospathaire aux Aphorismes d'Hippocrate, REB 54, 1996, p. 5-66. Il serait
sans doute utile d'ajouter au titre : Première partie : Asclèpios (Anqilaos), didascale de
l'art médical. Précisons aussi que, dans notre hypothèse, Théophile, réserve faite de ses
additions personnelles, ne représente que la paraphrase d'Asclèpios.

Revue des Études Byzantines 56, 1998, p. 5-78.


6 WANDA WOLSKA-CONUS

Liste des sigles et abréviations

Aph. I-II : W. I, avec indication de la page de l'édition : Stephanus of Athens.


Commentary on Hippocrates' Aphorisms, sections I-II. Text and translation
by L. G. Westerink (CMG XI 1, 3, 1). Editio princeps, Berlin 1985.
Aph. III-IV : W. II, avec indication de la page de l'édition : Idem, sections III-IV
(CMG XI 1, 3, 2). Editio princeps, Berlin 1992.
Aph. V-VI : W. Ill, avec indication de la page de l'édition : Idem, sections V-VI ;
indexes by Jutta Kollesch and D. Nickel (CMG XI 1, 3, 3). Editio princeps,
Berlin 1995.
La numérotation des Aphorismes est celle des manuscrits de Stephanos. Le
chiffre mis entre parenthèses renvoie à la numérotation de l'édition des
Aphorismes par Littré, qui est aussi celle de Théophile (D. II).
Aph. I-VII : D. II, avec indication de la page de l'édition : Theophili et Damascii
commentarii in Hippocratis Aphorismos cum fragmentis et longioribus et bre-
vioribus e Stephani, Atheniensis philosophi, sive Meletii, in eumdem librum e
codd. depromptis..., dans F. R. Dietz, Apollonii Citiensis, Stephani, Palladii,
Theophili, Meletii, Damascii, Ioannis, aliorum Scholia in Hippocratem et
Galenum e codicibus mss. Vindobonen., Monacens., Florent., Escorialens.,
etc., edidit F. R. D., 2 volumes, Königsberg 1834 (réimpression : Amsterdam
1966), II, p. 236-544.
CMG : Corpus Medicorum Graecorum, Leipzig - Berlin 1908 sq.
D. II: voir Aph. I-VII.
GAL. In Hipp. Aph. : Hippocratis Aphorismi et Galeni in eos commentaria ; K.
t. 172 (sections I-IV), t. 181 (sections VI- VII).
K. : Claudii Galeni Opera omnia, edidit D. C. G. Kühn, Leipzig 1821-1833,
20 volumes.
L. : Œuvres complètes d'Hippocrate, traduction nouvelle par É. Littré, Paris
1839-1861, 10 volumes ; t. 4 : Aphorismes (avec quelques changements
minimes de traduction), Paris 1844, p. 458-609.
Progn. : J. M. Duffy, Stephanus the Philosopher. A Commentary on the
Prognostikon of Hippokrates. Edition and translation by J. M. D. (CMG XI 1,
2), Berlin 1983.
W. I, II, III : voir Aph. I-II, III-IV, V-VI.

I. Position du problème
Source intermédiaire entre Galien et Stephanos :
Ό Νεώτερος 'Εξηγητής

Stephanos mentionne, au cours de son commentaire, un exégète qu'il


nomme ό νεώτερος. Il l'oppose aux exégètes «plus anciens» et déclare
«l'expliquer», autrement dit, croyons-nous, fonder son interprétation
d'Hippocrate sur l'exégète en question2 : Και οΰτως έξηγήσαντο οι
παλαιότεροι των εξηγητών ό μέντοι Νεώτερος 'Εξηγητής, δν ημείς
εξηγούμεθα, λέγει δτι· Ού δοκεΐ μοι λέγειν ταύτα τον Ίπποκράτην.

2. Aph. IV 8: W. II, p. 23218"21.


UN «PSEUDO-GALIEN» 7

Stephanos le mentionne à propos de Γ Aphorisme IV 8 : «Quant aux


phtisiques, s'abstenir3». «Certains, écrit-il4, affirment que cet aphorisme
est tronqué et incomplet, qu'il a besoin d'un complément : peut-être
"Quant aux phtisiques, s'abstenir de purger" ; en effet, si l'on lit cet
aphorisme ainsi, rien ne lui manque. D'autres, cependant, continue
Stephanos, soutiennent que l'aphorisme en question n'est pas défec
tueux, qu'il est, au contraire, parfait, à condition de le rattacher à l'apho
risme qui ouvre la présente théôria et où il est dit (Aph. IV 6) : "Purger
par le haut les gens maigres et qui vomissent facilement, s'abstenir en
hiver", à condition que rien ne s'y oppose, par exemple, qu'ils ne soient
pas phtisiques ; en effet, les phtisiques, il ne faut pas les purger»
(scilicet : en hiver pas plus qu'en été).
Ici, Stephanos intercale un petit développement sur la phtisie, ou plus
exactement sur la purge5 : «Nous avons appris à plusieurs reprises, dit-il,
ce qu'est la phtisie (donc, comme souvent, d'abord la définition), à
savoir que c'est une lésion du poumon (ελκωσις του πνεύμονος).» Il
ne faut donc pas, continue-t-il, purger ces gens-là en provoquant des
vomissements, de peur que la matière quittant les parties secondaires ne
se déplace vers les parties maîtresses (μήποτε άπό τών άκυρων επί τα
κύρια άποσκήψη ή υλη) et n'augmente ainsi la maladie. On sait, en
effet, ajoute-t-il, que la purge se fait soit suivant le mouvement naturel
de la matière (η προς την ροπήν της ΰλης) vers le haut ou vers le bas
— si, donc, la matière se trouve en haut, il faut purger par le haut ; si, par
contre, elle se trouve en bas, il faut purger par le bas — , soit suivant
l'importance des parties du corps, en amenant la matière à évacuer des
parties maîtresses vers les parties secondaires, ainsi, par exemple, de la
tête il convient de la reconduire vers le thorax, du thorax vers l'estomac
et les organes nutritifs, du foie vers les veines et les reins. Alors
Stephanos ajoute, à l'intention de ses jeunes élèves, quelques indications
sur les cas, d'ailleurs rares, où il est permis de déroger à ces principes
d'ordre général.
Ce discours (apparemment intercalé) une fois terminé, Stephanos
revient aux interprétations proposées par tines et par alloi, pour leur
opposer celle de YExégète qualifié de Nouveau. Il écrit6 : «En voilà l'ex-

3. Τους δέ φθινώδεας ύποστελλομένους : Stephanos ; τάς δίνω add. Littré, qui tra
duit : « N'évacuer qu'avec circonspection par le haut les personnes disposées à la phtisie.»
Voir la note ad locum.
4. Aph. IV 8 (W. II, p. 23025'31) : Τινές λέγουσιν οτι κολοβός καΐ ατελής έστιν ό
παρών αφορισμός- χρείαν γαρ έχει τινός, τυχόν "Τους δέ φθινώδεας
ύποστελλομένους καθαίρειν", έάν γαρ ούτως εχη, ανελλιπής έστιν. "Αλλοι δέ
λέγουσιν οτι ούκ εστίν ελλιπής, άλλα τετελείωται· έάν γαρ σύναψης αυτόν
μετ'έκείνου τοΰ αφορισμού του έν τη άρχη της θεωρίας ταύτης, έν φ φησιν "Τους
ισχνούς και εύημέας ανω φαρμακεύειν, ύποστελλομένους χειμώνα", έάν μή τί ποτέ
κωλύση, τυχόν εάν μή είσιν φθινώδεις- τους γαρ φθινώδεις ού δει καθαίρειν.
5. Ibidem, p. 23031-23218.
6. Ibidem, p. 23219"37 : ΚαΙ ούτως έξηγήσαντο οί παλαιότεροι τών εξηγητών ό
μέντοι Νεώτερος 'Εξηγητής, ον ημείς εξηγούμεθα, λέγει δτι· Ού δοκεί μοι λέγειν
8 WANDA WOLSKA-CONUS

plication des exégètes plus anciens7. Quant au Nouvel Exégète que nous
sommes en train d'expliquer8, il dit : Je ne crois pas que cela soit ce que
dit Hippocrate. En vérité, vraies sont les affirmations qu'ils avancent;
tout le monde sait qu'on ne doit pas, à la lésion du poumon, purger les
gens en les faisant vomir. Les conceptions de ce genre ne correspondent
pas à la pensée d'Hippocrate. C'est pourquoi cet Exégète, continue
Stephanos, a donné l'explication qui suit : Hippocrate ne soutient pas
qu'il faut s'abstenir de purger les gens déjà atteints de phtisie, mais les
gens "qui sont prédisposés à la phtisie", c'est-à-dire, comme Hippocrate
l'a dit lui-même dans les Épidémies 9, "les gens décharnés au cou long et
au thorax étroit et sans profondeur, aux épaules qui font penser aux ailes,
(bref) les gens aux constitutions semblables". Ces gens-là, en effet, en
raison de leur fragilité, ne supportent pas la purge par vomissement... Et
voilà, conclut Stephanos au nom du Nouvel Exégète, ce qu'entend ici
Hippocrate : il ne faut pas purger les phtisiques, c'est-à-dire non pas les
gens atteints de phtisie — ceci tout le monde le sait — , mais les gens
prédisposés à la phtisie.»
Reportons-nous maintenant à Asclèpios-Théophile, lequel réunit dans
un seul lemme les Aphorismes IV 7 et IV 8 : après avoir expliqué la pre
mière partie du lemme, c'est-à-dire Y Aphorisme IV 7, il s'arrête à sa
deuxième partie, Γ Aphorisme IV 8 que nous venons d'expliquer. Il
écrit10 «(Les mots) "Quant aux phtisiques, s'abstenir" se rapportent à
l'Aphorisme précédent (IV 6). Là, Hippocrate a dit : "Purger par le haut

ταΰτα τον Ίττποκράτην. Μετά γαρ αληθείας άληθη είσιν και τα λεγόμενα, πάντες
δε γινώσκουσιν τοΰτο, δτι ού δει έηΐ τη έλκώσει του πνεύμονος κεχρησθαι
καθάρσει τη δι/έμέτων. Ταύτα γαρ εξωθέν είσιν της εννοίας του 'Ιπποκράτους- Οιο
αύτος ό 'Εξηγητής ούτως έξηγησατο, οτι ό Ιπποκράτης ού λέγει τους ηδη έχοντας
την φθίσιν παραιτεΐσθαι καθαίρειν, αλλά τους έπιτηδείως έχοντας προς φθίσιν
οδτοι δε είσιν, ώς έν Έπιδημίαις αυτός ό 'Ιπποκράτης εφη· "Οδτοι δε είσιν
σκελεφροί κα! μακροτράχηλοι και στενοθώρακες και άβαθη έχοντες τον θώρακα
και πτερυγώδεις και τά τοιαύτα." Οδτοι γάρ διά την εύπάθειαν ού φέρουσιν την
δι'έμέτων κάθαρσιν... Και τουτό έστιν ο φησιν ένταΰθα ό 'Ιπποκράτης, οτι ού δει
καθαίρειν τους φθινώδεις, τυχόν ού τους έχοντας την φθίσιν - τούτο γάρ παντι
άνθρώπω εγνωσται -, αλλά τους έπιτηδείως έχοντας προς την φθίσιν.
7. Je ne saurais dire ce que représentent ces palaioteroi par rapport aux palaioi, égale
ment présents dans le commentaire de Stephanos. Seraient-ils palaioteroi par rapport au
Néôtéros Exègètès, alors que le terme palaioi reviendrait à Galien et aux exégètes, qui
sont ses prédécesseurs ou ses contemporains, de même que le titre de palaios, sans autre
précision, ne s'applique, dans le commentaire de Stephanos, qu'à Hippocrate, l'Ancien
par excellence.
8. 'Όν ημείς εξηγούμεθα, que L. G. Westerink (II, p. 233) traduit de manière trop
restrictive, à notre avis : «... the most recent commentator, however, whose interpretation
we report, says... », comme si l'intervention de cet Exégète se limitait à ce seul apho
risme.
9. Cf. Hipp. Épid. III 14 ; L. 3, p. 964-98'. Citation qui revient souvent dans le comment
aire de Stephanos, cf. W. II, p. 96 et 112, App. locorum.
10. Aph. IV 7-8 (D. II, p. 38918·23) : Το δε "φθινώδεας ύποστελλομένους" προς
τον ανωτέρω άφορισμον αποτείνει. 'Εκεί γάρ έλεγε "τους ισχνούς και εύεμέας άνω
φαρμακεύειν." Ένταΰθα δε τον προσδιορισμό ν τέθεικε "τους φθινώδεας
ύποστελλομένους". Και ή αιτία· διά την των αναπνευστικών οργάνων άσθένειαν.
UN «PSEUDO-GALIEN» 9

les gens maigres et qui vomissent facilement" ; ici, précise Asclèpios-


Théophile, il a ajouté une définition complémentaire : "Quant aux phti
siques, s'abstenir". Et la raison en est la fragilité de leurs organes respi
ratoires.»
Ainsi, nous retrouvons chez Asclèpios-Théophile la première partie du
commentaire de Stephanos, dans laquelle ce dernier relatait la position
«d'autres» (exégètes) : pour que Y Aphorisme IV 8 ait un sens, il convient
de le rattacher à Γ Aphorisme IV 6.
Quant aux opinions du Nouvel Exégète, elles réapparaissent, d'une
manière inattendue, chez Galien. À Y Aphorisme IV 8, dont le lemme est
plus complet et, en même temps, plus restrictif que celui de Stephanos
— τους δε φθινώδεας ύποστελλομένους τας ανω φαρμακείας —
fait suite le commentaire que voici11 : «Tu ne donneras pas (aux phti
siques) les purgatifs agissant par le haut, te méfiant de la fragilité de
leurs organes respiratoires. Par "phtisiques", il convient d'entendre soit
les gens atteints de phtisie, soit ceux qui sont prédisposés à la phtisie, au
sujet desquels Hippocrate a dit dans le premier livre des Épidémies 12 :
"Sont morts surtout ceux dont la nature penchait vers la phtisie, ceux qui
ont le thorax étroit, ainsi que le poumon qui y est contenu".»
Dans cette opposition entre les palaioteroi et le Néôtéros Exegètès, il
n'y a, semble-t-il, aucun élément auquel ne nous aurait déjà habitué la
confrontation habituelle entre Y Exegètès Asclepios (ce nom pouvant être
remplacé par τινές, έτεροι, άλλοι, έτερα έξήγησις)13 et Galien. En
effet, on y retrouve la partie du texte attribuable à «d'autres» dans le
commentaire d' Asclepios -Théophile. D'autre part, les opinions expri
mées par le Néôtéros Exegètès reviennent partiellement dans Yhypom-
nèma de Galien, ce dernier ayant des points de contact avec Asclepios -
Théophile également, pour autant que, lorsqu'ils interdisent de purger les
phtisiques, ils invoquent «la fragilité de leurs organes respiratoires». On
pourrait donc penser qu'il s'agit toujours des mêmes personnages :
Stephanos,- (Asclèpios-)Théophile - Galien, l'épithète de Néôtéros
Exegètès revenant à ce dernier.
Cependant, à examiner de plus près les affirmations de Stephanos qui
rapporte que, suivant le Néôtéros Exegètès, par les «phtisiques»
Hippocrate entend non pas les gens atteints de phtisie (dire, en effet, qu'il
est interdit de purger ces gens-là ne serait qu'une banalité indigne d'un
grand maître), mais les gens qui sont prédisposés à la phtisie, on hésite.
Galien affirme, semble-t-il, le contraire : «Par les phtisiques, écrit-il14, il

11. Gal. In Hipp. Aph. IV 8 (K. 172, p. 6664"11) : Έπι τας ανω, φησί, φαρμακείας
ούδέποτ'αξεις, εύλαβούμενος δηλονότι την έν τοις άναπνευστικοΐς αυτών
όργάνοις άσθένειαν. 'Ακουστέον "δε φθινώδεις" ήτοι τους φθίσει τη νόσω
έαλωκώτας ή τους έπιτηδείως έχοντας προς την φθίσιν, υπέρ ων εΐρηκεν αυτός έν
τω πρωτω των 'Επιδημιών "Και μάλιστα εθνησκον οΤσιν ερρεπεν ή φύσις επί το
φθινώδες, στενός δε τούτοις έστιν ό θώραξ και ό περιεχόμενος έν αύτώ πνεύμων".
12. Cf. Hipp. Épid. I 2 : L. 2, ρ. δΟ^1
13. REB 54, 1996, p. 34-37.
14. Texte ci-dessus cité, note 11.
10 WANDA WOLSKA-CONUS

convient d'entendre so it les gens atteints de phtisie, soit ceux qui y sont
prédisposés». D'autre part, Galien n'émet aucune appréciation sur la pen
sée d'Hippocrate, alors que le Néôtéros Exègètès le fait, à en croire
Stephanos. Le Néôtéros Exègètès n'est donc pas Galien, comme nous
venons de le supposer. Il est, cependant, très proche de Galien.
Nous nous trouvons confrontés, par ce biais, au problème sous-jacent,
déjà apparu dans nos précédents articles mais que, jusqu'à présent, nous
n'avons pas eu l'occasion de poser directement: Stephanos lisait-il
Galien dans l'original ou se servait-il d'intermédiaires que nous ne
connaissons pas ? A plusieurs reprises, nous l'avons vu attribuer à Galien
les affirmations qui ou bien ne figurent pas dans son commentaire, ou
bien ne se trouvent pas là où elles devraient être, ou encore présentent
des modifications qui exigent des compléments d'explication. À qui
doit-on attribuer ces erreurs de références ou ces différences d'interpréta
tion ? Ne serait-ce pas justement le Néôtéros Exègètès ? Il se trouve, en
effet, que tout en suivant de très près le texte de Galien, il est pris en fla
grant délit, pourrait-on dire, de divergence d'opinion par rapport à ce
dernier. Ne constituerait-il pas alors le chaînon intermédiaire entre
Galien et Stephanos ? Un chaînon qui expliquerait bien des irrégularités
par rapport à Galien qu'on rencontre dans le commentaire de Stephanos.
Est-il possible de cerner davantage le personnage de ce Nouvel
Exégète que Stephanos déclare «expliquer», ce qui veut dire, supposons-
nous, qu'il utilise son commentaire pour expliquer le texte des
Aphorismes, un commentaire fortement inspiré par celui de Galien, mais
qui pouvait aussi s'en écarter ?
Il est curieux de constater que le Nouvel Exégète et Galien, tels qu'ils
sont cités par Stephanos, s'expriment de manière identique. Laissons
l'Exégète parler en premier lieu, en reprenant le texte déjà cité15 : Και ού
τως έξηγησαντο οί παλαιότεροι των εξηγητών ό μέντοι Νεώτερος
'Εξηγητής, δν ημείς εξηγούμεθα, λέγει δτι· Ού δοκέ! μοι λέγειν
ταύτα τον Ίπποκράτην. Μετά γαρ αληθείας άληθη είσιν και τα
λεγόμενα, πάντες δέ γινώσκουσιν τούτο δτι ού δει έπι τη έλκώσει
του πνεύμονος κεχρησθαι καθάρσει τη δι'έμέτων. Ταϋτα γαρ
έξωθεν είσιν της εννοίας του 'Ιπποκράτους- διό αυτός ό 'Εξηγητής
οΰτως έξηγησατο, δτι ό 'Ιπποκράτης ού λέγει τους ηδη έχοντας
την φθίσιν παραιτεϊσθαι καθαίρειν, άλλα τους έπιτηδείως έχοντας
προς φθίσιν.
Et maintenant donnons la parole à Galien que nous avons cité à pro
pos de l'Aphorisme V 27, longuement examiné à. une autre occasion16:
'Ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός εν τω ύπομνήματί φησιν δτι τούτο
το ρησείδιον έξωθεν της έννοιας του 'Ιπποκράτους εστίν και οΓον
ερριπται εν τω μέσω. Ει δε και Ίπποκράτειόν έστι το ρητόν τούτο,
άδιανόητον δοκεϊ εΤναι... Και ούκ ήξίωσεν δλως ό Γαληνός και

15. Texte ci-dessus traduit, p. 7-8.


16. Cf. REB 54, 1966, p. 12-13.
UN «PSEUDO-GALIEN» 11

πολλοί άλλοι έξηγησασθαι αυτό, άλλα πάντη έξέβαλον αύτο ως αν


δτι εξω της έννοιας του 'Ιπποκράτους αύτο εΤναι και οίον έρρΐφθαι
εν τω μέσω. Ό μέντοι 'Ασκληπιός ό ύπομνηματιστής του
'Ιπποκράτους έκ των 'Ιπποκράτους τα 'Ιπποκράτους έξηγούμενος
την δέουσαν αύτω έξήγησιν έπεντέθεικεν τούτον τον τρόπον...
Remarquons que, dans ces textes, dans le cas de Galien, l'opinion
qu'on y voit attribuer à Galien ne figure pas dans son commentaire, alors
que, dans le cas du Nouvel Exégète, Stephanos, tout en l'opposant aux
«anciens», le fait plutôt corriger la pensée de Galien. Dans les deux cas,
on voit apparaître des libertés considérables par rapport au texte de
Galien.
Etant donné ces points de contact entre Galien et le Nouvel Exégète,
nous allons poursuivre notre hypothèse et supposer que Galien, tel qu'il
est cité dans notre commentaire, n'est pas le Galien lu dans l'original,
mais le Galien que Stephanos utilisait pour ses cours (πράξεις), à travers
le commentaire du Nouvel Exégète. Aussi, lorsque Stephanos dit
ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός..., il ne s'agit pas de Galien lui-même
— car si Stephanos avait réellement le texte de Galien entre les mains, il
n'aurait pas commis les erreurs qu'on décèle dans son commentaire — ,
mais bien du «Galien» dans l'interprétation du Nouvel Exégète, dont il
affirme expressément suivre le commentaire (ov ημείς εξηγούμεθα). Et
chose curieuse: on n'explique donc plus τα 'Ιπποκράτους έκ των
'Ιπποκράτους, mais τα 'Ιπποκράτους έκ των Γαληνού, ou, plus
exactement έκ των του ψευδό -Γαληνοί). Nous y reviendrons.

Π. Textes témoins
Un Pseudo-Galien ou le Galien authentique?

Comme nous l'avons fait pour «Asclèpios, l'Exégète du présent


ouvrage17», nous allons passer en revue, dans les pages qui suivent, les
commentaires aux Aphorismes particuliers, dans lesquels apparaît le nom
de Galien, pour les comparer aux passages parallèles du commentaire de
Galien qu'on lit dans l'édition de Kühn. Nous nous limitons aux pas
sages introduits par des formules stéréotypées telles que ένταυΦα
γενόμενος ό Γαληνός λέγει... ou bien : ό Γαληνός έν τω ύπομνήματι
λέγει..., formules qui semblent garantir l'exactitude de la référence aux
développements précis du commentaire de Galien. Nous espérons faire
apparaître de cette façon les différences qui séparent le Galien cité par
Stephanos du Galien auteur du commentaire que nous connaissons, et
ajouter ainsi la démonstration à l'hypothèse que nous venons de
formuler : Stephanos ne lit pas Galien dans l'original.
Les passages, au nombre de quarante-trois, que nous allons examiner,
sont de longueur et d'intérêt inégaux. Ils comportent des explications,

17. REB 54, 1996, p. 10-30.


12 WANDA WOLSKA-CONUS

réflexions, précisions que Stephanos attribue à Galien, mais qui ne figu


rent pas dans son commentaire.
Les plus nombreux et les plus importants concernent les leçons des
manuscrits, les corrections du texte, l'ordre, l'omission, l'interpolation,
l'authenticité de certains aphorismes.
D'autres présentent des glissements de sens ou des interprétations
divergentes des mots et des phrases.
D'autres, imitant les «choses de la vie» (έξωθεν), fournissent des
détails et des images, parfois amusantes et vivantes, mais sans consé
quence pour le sens réel de l'aphorisme.
D'autres, enfin, concernent la mise en pratique des préceptes qu'on
peut déduire du texte d'Hippocrate.
Cependant, il n'y a pas que de fausses attributions manifestes ou des
interprétations résolument différentes dans ces renvois explicites à
Galien. Il arrive que les interprétations du Galien cité par Stephanos et
du Galien de Kühn soient identiques (ou presque), alors que la forme
rédactionnelle, le cadre du raisonnement, l'expression verbale, la
manière de dire sont si différents qu'on se pose la question : est-il pos
sible que Stephanos, à rencontre de ses références à Galien, claires et
précises, prenne personnellement la responsabilité de transformer le
texte original au point de faire douter de sa véritable paternité ? Ou bien
faut-il revendiquer, pour ces cas également, l'intervention de cette source
intermédiaire, de ce Pseudo-Galien dont nous soupçonnons l'existence ?
Ou encore peut-on supposer qu'il s'agit là de ce galénisme sous-jacent,
indéfinissable, qui s'infiltre, en se parant du nom de Galien, dans le com
mentaire de Stephanos, comme dans toute la littérature médicale de
l'époque ? On regrette de ne pas disposer de témoin comparable à celui
de Théophile, le porte-parole d'Asclèpios.
Cet Asclèpios, nous l'avons vu, qu'il soit dit YExégète du présent
ouvrage, VExégète de l'ouvrage ou l'Exégète tout court, chaque fois
qu'il est cité nommément, on le voit opposé à Galien. Il l'est sept fois,
sept cas que nous avons longuement examinés dans notre précédent
article, sans parler de nombreux développements où il se dissimule sous
les dénominations telles que τινές, άλλοι, έτεροι, άλλη έξήγησις.
Cependant, à voir de plus près ces quarante-trois passages où il est
question de Galien, on s'aperçoit que ce Galien-là reste inconnu
d'Asclèpios (Théophile). S'il arrive que ses opinions rejoignent celles de
Galien, ce sont les opinions du Galien de Kühn et non pas, à quelques
exceptions près (en effet, les deux Galien peuvent quelquefois se rencont
rer à travers les sources anciennes, aujourd'hui perdues, ou des contami
nations ultérieures), celles du Galien cité par Stephanos. La confronta
tion entre Galien et Asclèpios, qu'on observe dans l'ouvrage de
Stephanos, relève d'une mise en scène imaginée par Stephanos qui comb
ine, ordonne, associe ou oppose deux commentaires qu'il utilise pour
élaborer le sien. Asclèpios (Théophile) et Galien (le Pseudo-Galien) ne
s'affrontent pas directement, mais à travers les situations choisies par
Stephanos.
UN «PSEUDO-GALIEN» 13

Voici les quarante-trois passages en question, présentés dans l'ordre


des six sections des Aphorismes. Précisons que, dans les pages qui sui
vent, nous nous trouvons constamment en présence des deux Galien, le
Galien (le Pseudo-Galien) cité par Stephanos et le Galien authentique,
dont on lit Yhypomnèma dans l'édition de Kühn. Quant à Théophile,
désigné souvent comme Théophile (Asclèpios), il ne fait que représenter
la paraphrase d'Asclèpios.

Αρη. Ι 9 (4)
Le commentaire à Y Aphorisme I 9 (4) — «Une diète tenue et stricte
est toujours dangereuse dans les maladies longues et dans les maladies
aiguës, sauf là où cela n'est pas possible18...» — commence par un long
exposés sur les genres, usages, avantages et méfaits de la diète19, avant
d'aborder l'explication du texte.
La phrase οδ μη επιδέχεται donne à Stephanos l'occasion de se réfé
rerà Galien20 : «Que veut dire cela : "sauf là où cela n'est pas possible?",
demande-t-il et de répondre : Galien dit qu'une diète tenue à l'extrême
(εσχάτως λεπτότατη) n'est possible (ούκ ενδέχεται δεχθηναι) ni dans
les maladies chroniques ni dans les maladies aiguës, car elle démolit les
ύπ'
forces (καταλύεται γαρ αύτης ή δύναμις).»
Mais est-ce bien là l'opinion de Galien? Regardons de plus près son
commentaire : «... dans cet aphorisme, écrit-il21, (Hippocrate) s'étend

18. Ου μη επιδέχεται : Littré traduit : «... et, parmi les maladies aiguës, dans celles qui
ne s'en accommodent pas». L'expression, de toute évidence, posait problème déjà aux
exégètes anciens.
19. Aph. I 9 (4) (W. I, p. 7010-7430) : Cette théôria se développe en quatre paragraphes
(τέτρασι δέ κεφαλαίοις περιγράφεται ή παρούσα θεωρία). - 1) Dans le premier, on
examine les dangers que présente une diète stricte pour les gens bien portants et aussi
pour les malades : elle détruit leurs forces.- 2) Dans le deuxième, on établit les différents
genres de diète : diète tenue à l'extrême, diète moins tenue, tenue tout court, interméd
iaire,abondante, plus abondante, très abondante (εσχάτως λεπτή — qualifiée parfois
d'άσLτία - λεπτότερα, απλώς λεπτή, μέση, αδρά, άδροτέρα, αδρότατη). En même
temps, on énumère les aliments correspondants à chacune d'entre elles. - 3) Dans le tro
isième, on fait remarquer que la diète poussée à l'extrême n'est cependant pas à rejeter
complètement (μηδέ γαρ πάντη άπόβλητον αυτήν νομίσης) ; elle est utile dans les
maladies arrivées à l'extrême limite. On procède alors à la classification des maladies qui
sont soit chroniques, soit aiguës ; les maladies chroniques vont au-delà des quarante
jours ; quant aux maladies aiguës, on en distingue trois catégories : les maladies dites
aiguës par homonymies (όμωνύμως), qui se prolongent jusqu'au quatorzième jour; les
maladies aiguës tout court (απλώς), qui durent sept ou neuf jours ; enfin, les maladies
aiguës arrivées au dernier degré (κατόξεα), qui ne dépassent pas le quatrième jour. - 4)
Dans le quatrième, on établit des règles et on ajoute des définitions complémentaires
(κανόνας et προσδορισμούς) qui permettent de prescrire une diète appropriée à chaque
maladie, en se fondant sur les critères tels que le genre de la maladie, le moment de son
évolution, l'intensité de la faculté de résistance (εκ τοΰ ε'ι'δους του νοσήματος, έκ του
καιρού τοΰ νοσήματος καΐ έκ τοΰ τόνου της δυνάμεως), trois critères amplement
développés par la suite.
20. Ibidem, p. Ί69Α1.
21. Gal.-7/i Hipp. Aph. I 4 : Κ. 172 , p. 36714-3684.
14 WANDA WOLSKA-CONUS

longuement sur la diète des malades, en nous recommandant de suivre


toujours (άεί), dans les maladies longues, une diète tenue (φυλάττεσθαι
τοις λεπτας δίαιτας), et, dans les maladies aiguës, pas toujours (ουκ
άεί) ; il semble bien, en effet, que la plupart de ces dernières exigent une
diète tenue, mais il y en a quelques-unes (ενια) parmi elles qui en exi
gent une tenue à l'extrême (της έσχατης λεπτής).»
Ainsi, contrairement au Galien cité par Stephanos, le Galien du com
mentaire que nous connaissons ne rejette pas entièrement la diète tenue à
l'extrême, qu'il juge même nécessaire dans certaines maladies aiguës.
Mais l'enquête de Stephanos ne s'arrête pas là. Il oppose à l'opinion
du Galien qu'il cite une autre explication : «II existe , écrit-il22, une autre
explication (δίλλη έξήγησις) : il a déclaré (άπεφήνατο : Qui ? Galien ?
Quelqu'un d'autre ? L'auteur de cet autre exégèse ?) que la diète tenue à
l'extrême (εσχάτως λεπτότατη) est difficile à supporter (χαλεπήν) non
seulement dans les maladies chroniques et aiguës, mais aussi dans les
maladies très aiguës (κατοξέων) ; sans déclarer pour autant qu'elle est à
rejeter complètement (ού πάντη άπόβλητον αυτήν άποφηνάμενος),
car il ajoute : "sauf où cela n'est pas possible", c'est-à-dire là où les
forces sont trop faibles.»
Ainsi, l'auteur de cette autre exégèse, qui ne rejette pas complètement
la diète poussée à l'extrême, apparaît plus proche du Galien du comment
aire que du Galien cité par Stephanos, qui écartait résolument la diète
poussée à l'extrême pour les maladies aiguës aussi bien que pour les
maladies chroniques.
Pour finir, il est intéressant de voir ce qu'en dit Théophile, le porte-
parole, dans notre hypothèse, d'Asclèpios, l'Éxégète du présent ouvrage.
Il écrit23 : «... une diète stricte et tenue, autrement dit le jeûne complet
(ασιτία), est nuisible dans les maladies longues..., mais aussi dans les
maladies aiguës le jeûne est nuisible, "sauf là où cela est inadmissible".
Quant aux maladies aiguës, on les dit aiguës soit par homonymie
(όμωνύμως), celles qui arrivent jusqu'au quatorzième jour, soit aiguës
tout court (απλώς), celles qui vont jusqu'au septième ou neuvième jour,
ou encore aiguës poussées à l'extrême (κατοξέα) qui ne dépassent pas le
quatrième jour. Donc, pour les maladies dites aiguës par homonymie et
pour les maladies dites aiguës tout court, les diètes tenues et strictes,
c'est-à-dire les jeûnes complets, sont dangereuses, parce qu'il est imposs
iblequ'un souffrant (κάμνοντα) reste sans manger aussi longtemps.
Mais, pour ce qui est des maladies aiguës poussées à l'extrême, ces
diètes ne sont pas dangereuses, parce qu'elles ne durent que quelques
jours. Quant à l'expression "sauf où cela n'est pas possible", elle
signifie : les maladies auxquelles cela ne convient pas (έφ'ων μη
αρμόζει).»

22. Aph. 9 (4) : W. I, p. 761114.


23. Aph. 14 :D. II, p. 261 17"32.
UN «PSEUDO-GALIEN» 15

Quelle conclusion peut-on tirer de la juxtaposition de ces cinq textes :


s'agit-il de Stephanos lui-même, du Galien qu'il cite, du Galien du comm
entaire, de l'auteur de Vautre exégèse et de Théophile ?
Remarquons, tout d'abord, que dans le troisième chapitre de sa théô-
ria, où il relève les avantages de la diète poussée à l'extrême24,
Stephanos, comme l'auteur de cette autre exégèse, fait observer que la
diète poussée à l'extrême «n'est pas à rejeter complètement» (μηδέ γαρ
πάντη άπόβλητον αυτήν νομίσης) ; elle est même utile pour les mala
dies aiguës arrivées à la dernière limite (χρησιμεύει τοίνυν ή
λεπτότατη δίαιτα έπι των κατοξέων νοσημάτων). D'autre part, il pro
pose une classification des maladies dites aiguës identique à celle de
Théophile, qui soutient lui aussi qu'une diète très stricte n'est pas dange
reuse pour les maladies aiguës poussées à l'extrême, «sauf où cela ne
convient pas».
Ainsi, Stephanos, l'auteur de Vautre exégèse et Théophile tombent
d'accord pour reconnaître quelque utilité à la diète poussée à l'extrême
pour certaines maladies aiguës. Comme, dans notre hypothèse, lorsque
une αλλη έξήγησις de Stephanos se retrouve dans le commentaire de
Théophile, elle désigne leur source commune, nous nous retrouvons ici,
comme dans quelques autres cas que nous avons examinés25, en présence
de l'Exégète Asclèpios.
Théophile ignore le Galien cité par Stephanos, un Galien qui, comme
nous l'avons vu, se trouve souvent opposé, dans le commentaire de
Stephanos, à Asclèpios, le seul à être utilisé par Théophile.

Αρη. Ι 24 (14)
Stephanos écrit à propos de V Aphorisme I 24 (14) — «Les êtres qui
croissent ont le plus de chaleur innée ; il leur faut donc le plus de nourri
ture ; sinon le corps dépérit ...» — ce qui suit26 : «Arrivé à ce passage,
Galien dit que la conjonction en effet (γαρ) fait défaut, pour que la
phrase se présente de la manière que voici (ώς είναι το λεγόμενον
τοιούτον) : "de tous, ce sont les enfants surtout qui supportent difficil
ement le jeûne ; en effet, les êtres qui croissent ont le plus de chaleur
innée"...»
Galien, en effet, propose d'ajouter la conjonction en effet (γάρ) dans
le commentaire qu'il fait à V Aphorisme I 13 : «Les vieillards supportent
le plus aisément le jeûne ..., les enfants le supportent le plus difficilement
...» Il écrit27 : «De cet aphorisme, (Hippocrate) fait connaître lui-même le
sens dans celui qui suit (τούτου δέ του αφορισμού την αίτίαν αυτός
έν τω εφεξής διδάσκει) et qui commence : "Les corps qui croissent ont
le plus de chaleur innée", de sorte que si l'on voulait les rattacher l'un à

24. Voir ci-dessus, note 19.


25. Cf. REB 54, 1996, p. 34-35.
26. Aph. I 24 (14) : W. I, p. 10216"18.
27. Gal. In Hipp. Aph. I 13 ; K. 172, p. 401 10"17.
16 WANDA WOLSKA-CONUS

l'autre à l'aide de la conjonction en effet, on n'aurait plus qu'un seul


aphorisme (parfaitement) clair ; il se présenterait comme suit : "Les
vieillards supportent le jeûne plus aisément, en deuxième lieu les
hommes faits ; les adolescents le supportent moins bien ; les enfants le
moins bien de tous ; en effet, les corps qui croissent ont le plus de chaleur
innée...".»
Ainsi, les deux Galien tombent d'accord pour ajouter la conjonction
γαρ au début de Y Aphorisme I 24 (14), mais la proposition de former un
seul aphorisme en réunissant les aphorismes 23 et 24 (13 et 14) ne figure
que chez le Galien de Kühn.
Théophile, dont la paraphrase se retrouve en grande partie dans le
commentaire de Stephanos, ignore Galien et sa conjecture28.

Αρη. Ι 37 (24)
Venons-en à Y Aphorisme I 37 (24) : «Dans les affections aiguës, user
des évacuations rarement, et dans le début ; et le faire après un examen
préalable scrupuleux (προεξευκρινήσαντας).»
Stephanos commente la phrase «le faire après l'examen préalable
scrupuleux». «C'est-à-dire, écrit-il29, après avoir reconnu l'humeur
qu'on doit évacuer, pour que nous puissions prescrire l'évacuant qu'il
convient ; ou bien : après avoir préparé la matière (à évacuer), en l'ame
nuisant à l'aide de décoctions appropriées (δια των τούτο ποιησαι
δυναμένων), comme Hippocrate le recommande plus bas (Aph. II 9) :
"Quand on veut évacuer, il faut rendre le corps bien coulant". Bref, en
résumant l'essentiel de l'aphorisme (συνελών... το του λόγου), on doit
dire : "Dans les affections aiguës, il convient d'user rarement des éva
cuants, et dans le début, après un examen préalable".»
«Cependant, ajoute Stephanos30, Galien, arrivé à ce passage, affirme
que, jamais, dans les maladies aiguës, il n'a pratiqué la purge, ce qui (le
fait qu'il ne faut pas purger) n'a pas échappé non plus à Hippocrate
(δπερ ουδέ τον 'Ιπποκράτην διέλαθεν είρηκότα), puisqu'il dit qu'il
faut en user rarement dans ces maladies-là. Bien au contraire, dit Galien,
dans les maladies de ce genre, j'ai pratiqué la phlébotomie, même si le
corps avait besoin d'une purge, en cherchant ainsi à atteindre deux
objectifs (τα δύο εντεύθεν πραγματευσάμενος) : évacuer la matière et
apaiser la dyscrasie, en poussant la phlébotomie jusqu'à l'évanouisse
ment. En effet, là (ενταύθα), il est de mon pouvoir d'arrêter l'évacuat
ion, quand je veux, ou de ne pas l'arrêter, ce qu'il est impossible de
faire, en usant de purgatifs, car il n'est de mon pouvoir ni de provoquer
l'évanouissement, ni d'arrêter facilement l'évacuation qui se prolonge.»
Ces confidences ou ces recommandations ne figurent pas dans le com
mentaire de Galien à Y Aphorisme I 24 que nous sommes en train d'exa-

28. Aph. I 13-14 : D. II, p. 2765-2775, et p. 278117.


29. Aph. I 37 (24) : W. I, p. 1366"12.
30. Ibidem, p. 13613"21.
UN «PSEUDO-GALIEN» 17

miner. Peut-être faut-il nous reporter au commentaire à V Aphorisme I 23,


où Galien semble reconnaître, pour certaines maladies, quelques avan
tages à l'évacuation poussée jusqu'à l'évanouissement: «Je ne connais
pas de meilleur remède, écrit-il31, dans des inflammations très import
antes et dans de très grandes douleurs, qu'une évacuation poussée jus
qu'à l'évanouissement, après avoir déterminé s'il faut recourir à la phlé-
botomie ou à la purge, pour en arriver jusqu'à l'évanouissement, comme
cela a été démontré dans les mémoires sur la phlébotomie.»
Affirmation à laquelle le Galien cité par Stephanos, si toutefois notre
interprétation est juste, semble s'opposer avec détermination: lui n'a
jamais pratiqué la purge dans les maladies graves. Ne l'a-t-il pas prat
iquée non plus dans des cas de graves inflammations et de douleur ?
Stephanos ne le dit pas.
Théophile32, quant à lui, ignore aussi bien Galien que les réserves rele
vées par Stephanos. Cependant, il ne semble pas écarter complètement la
purge dans les maladies aiguës, à condition de se conformer aux recom
mandations d'Hippocrate : la faire après un examen préalable.

Αρη. II 1 et 2
Les Aphorismes II 1 «Une maladie où le sommeil fait du mal est mort
elle ; si, au contraire, il soulage, cela n'est pas mortel» et II 2 «Quand le
sommeil fait cesser le délire, c'est un bon signe» ne font qu'un seul dans
le commentaire de Stephanos33. Il écrit34 : «Galien dit qu'il faut innover
et introduire dans le texte la conjonction en effet, de manière à ce que
l'ensemble des deux aphorismes (τον πάντα σκοπόν) présente la conti
nuité du sens que voici : "Une maladie où le sommeil fait du mal est
mortelle; si, au contraire, il soulage, cela n'est pas mortel. En effet,
quand le sommeil fait cesser le délire, c'est un bon signe", (sentence) qui
présente l'exemple d'un bon sommeil faisant cesser les symptômes....»
Hippocrate, ajoute Stephanos35, ne fait l'état que de l'affection la plus
significative (κατ'έξαίρετον), notamment celle du cerveau, pour en faire
un «symbole du salut» (ώς αγαθόν σύμβολον σωτηρίας), mais toi, tu
dois faire le même raisonnement pour la douleur et pour d'autres malad
ies.

31. Gal. In Hipp. Aph. I 24 (K. 172, p. 4466"10) : "Εν τε ταϊς μεγίσταις φλεγμοναίς
καΐ ταϊς ΐσχυροτάταις όδύνοας ουδέν οΐδα μείζον βοήθημα τοΰ μέχρι λειποθυμίας
εκκένωσα^ διορισάμενος εϊτε φλεβοτομεϊν είτε καθαίρειν άχρι λειποθυμίας
προσήκει, καθότι δεδήλωται εν τοις περί φλεβοτομίας ύπομνήμασιν.
32. Aph. Ι 24 : D. Π, ρ. 29228-2934.
33. Aph. II 1 (1-2) : W. Ι, p. 1381-14410 et p. 14416"25.
34. Aph. II 1 (2) (W. I, p. 14416"21) : Καί φησιν ό Γαληνός, οτι δει καινοτομήσαι την
λέξιν καί τον "γαρ" καταθεϊναι σύνδεσμον, ώστε μίαν άπαρτίζεσθαι συνέχειαν
τον πάντα σκοπόν περιλαμβάνουσαν, ώς ει ελεγεν ούτως... όπερ παράδειγμα έστι
τοΰ αγαθόν είναι τον τα συμπτώματα παύοντα υπνον.
35. Ibidem, p. 14421"25.
18 WANDA WOLSKA-CONUS

Galien36, comme Stephanos, relie les deux aphorismes, mais il met


γουν (certes) à la place de γάρ : « "Une maladie où le sommeil... etc.
Certes, quand le sommeil fait cesser le délire, c'est un bon signe"...»
La différence entre les deux textes n'est pas grande, mais elle est
significative de la minutie, pour ne pas dire de l'insignifiance, de l'exé
gèse qui s'exerce parfois sur le traité d'Hippocrate37.
Théophile38 ne fait aucune allusion au problème de la continuité des
deux aphorismes, pas plus qu'à la conjonction γάρ ou γουν.

Αρη. II 9 (10)
À propos de Y Aphorisme II 9 (10) — «Plus vous nourrirez des corps
qui ne sont pas purs, plus vous leur nuirez» — , Stephanos écrit39 :
«Galien explique : il faut relier cet aphorisme-ci à celui énoncé un peu
plus avant où il est dit (Aph. II 7 (8)) : "mais si cela arrive alors qu'il
(c'est-à-dire l'homme relevant d'une maladie) ne prend pas de nourriture
(et reste languissant), cela indique que son corps a besoin d'évacuation
(κενώσεως τοΰτο δεΐται)"40. En effet, comme si quelqu'un demandait :
pourquoi a-t-il besoin d'évacuation? Hippocrate ajoute (Aph. II 9 (10)) :
"Plus vous nourrirez des corps qui ne sont pas purs, plus vous leur nui
rez", pour la bonne raison qu'ils prennent de la nourriture remplis qu'ils
sont de mauvais chymes. Puis, après cet aphorisme-ci, il faut mettre celui
qui est placé entre ces deux. En effet, interrogé encore : comment faut-il
pratiquer la purge (καθάρσει χρήσασθαι) ? Hippocrate ajoute (Aph.
II 8 (9)) : "Les corps, lorsqu'on veut les purger, il faut les rendre bien
coulants".»
Galien, comme Stephanos, conteste l'ordre des aphorismes, vicié à
son avis, et qu'il faudrait rétablir de la manière que voici : Aph. II 10, 8,
9 (9, 7, 8, chez Stephanos). Cependant, se conformant à l'ordre adopté
par la plupart des manuscrits, il fait sienne leur interprétation41 .
Théophile42 reste silencieux sur le problème de l'ordre des aphorismes
mis en cause par Galien et Stephanos.

36. Gal. In Hipp. Aph. II 2 ; Κ. 172, p. 4563-7.


37. Stephanos cite Galien une deuxième fois à propos du même Aphorisme II 1 (W. I,
p. 14218s), mais, le texte étant, à ce qu'il semble, lacuneux, le sens m'échappe.
38. Aph. II 2 ; D. II, p. 29629-2974.
39. Aph. II 9 (10) ; W. I, p. 156815.
40. Notre texte et traduction diffèrent de ceux de Littré. Voir l'ensemble de cet apho
risme qui a posé quelques problèmes aux éditeurs et qui est longuement discuté par Littré.
41. Gal. In Hipp. Aph. Il 8 (K. 172, p. 46312-4645) : ..."ην δε μη λαμβάνοντος τοΰτο
γίγνηται, είδέναι οτι κενώσεως δεΐται"' και την γε τάξι,ν τών έφεζης δυοΐν
αφορισμών πεπλημμελησθαι νομίζω κατά τα πλείστα τών αλλων αντιγράφων...,
άλλ'
ήμεΐς τη κατά τα πλείστα τών αντιγράφων επόμενοι τάξει την έξήγησιν αυτών
ούτω ποιησόμεθα.
42. Aph. II 8, 9, 10 : D. Π, ρ. 300-302.
UN «PSEUDO-GALIEN» 19

II 40 (41)
Commentant43 Y Aphorisme II 40 (41) — «Ceux qui ont des
défaillances fréquentes et graves, sans cause manifeste, meurent subit
ement» — , Stephanos cite Galien à deux reprises. Une première fois, lors
qu'il rapporte les cas d'évanouissement qui ont une «cause apparente»44 :
mauvais combustibles employés dans le bain, maladie utérine, faiblesse
de l'estomac ; une deuxième fois, lorsqu'il rappelle les dissections effec
tuées par Galien sur des animaux qui lui ont permis d'expliquer la raison
des évanouissements «sans cause apparente»45 : la présence dans les
cavités du cœur d'une sorte d'enveloppe membraneuse remplie d'un
liquide malodorant (έν ταΐς κοιλίαις της καρδίας χιτώνα τίνα
περικείμενον έχοντα πεπληρώμενον ύγροΰ δυσώδους). C'est ce
liquide qui, par sa mauvaise qualité, corrompait et souillait, d'une
manière permanente, le pneuma vital, en provoquant ainsi le phénomène
d'évanouissement (πάθος της έκλύσεως). Cependant, dans ce dernier
cas, il ne s'agit plus d'une référence au commentaire des Aphorismes,
mais bien à celui du De locis affectis 46, sans que le titre en soit donné.
Quant à Théophile qui, cette fois cite nommément Galien47, il réunit
incorrectement les deux cas.

Αρη. II 44 (45)
Le long commentaire à Y Aphorisme II 44 (45)48 —«Chez les jeunes épi-
leptiques (τών επιληπτικών τοϊσι νέοισιν), la guérison s'opère surtout par
les changements d'âge (της ηλικίας), de lieu et de genre de vie» — aboutit
à des considérations sur la contradiction entre l'expression et le sens que
Stephanos croit découvrir dans l'aphorisme qu'il vient d'expliquer :

43. Aph. II 40 (41) : W. I, p. 22214-22610 ; cf. REB 52, 1994, p. 63.


44. Aph. II 40 (41) : W. I, p. 2247"19 ; cf. Gal. In Hipp. Aph. II 41 : K. 172, p. 5401"13.
45. Aph. II 40 (41) : W. I, p. 22424s·, particulièrement 1. 32s.
46. De locis affectis V 2 : K. 8, p. 3033-3045.
47. Aph. II 41 : D. II, p. 3327-3335 ; cf. REB 52, 1994, p. 42-43, n. 133.
48. Stephanos commence comme souvent par une définition de l'épilepsie ('Επιληψία
εστί σπασμώδης και άτακτος κίνησις τοϋ παντός σώματος μετά βλάβης τών
ηγεμονικών ενεργειών) et continue avec l'exposé sur les affinités et les différences
qu'elle présente avec l'apoplexie {Aph. II 44 (45) : W. I, p. 23426-2365 ; cf. Gal. In Hipp.
Aph. II 45 : K. 172, p. 5488 s) — Viennent ensuite quelques remarques sur les noms qu'on
donne à l'épilepsie : παιδικόν, ιερά νόσος, 'Ηράκλεια νόσος (W. I, p. 2366"18), suivies
d'un récit de l'entretien d'un médecin avec la mère d'un enfant malade pour déterminer
les causes de sa maladie : hérédité ? incurable ; mauvaise qualité du lait maternel ? chan
gerde nourrice ; présence dans le cerveau du chyme glaireux ? prescrire des médicaments
et nourritures qui le réduisent et réchauffent (κέχρημαι λεπτύνουσι βοηθήμασι και
θερμαίνουσι καΐ τροφαϊς ωσαύτως). Rien de tout cela ne s'applique au malade ? Que
conseille, dans ce cas, l'art établi par Hippocrate ? Attendre l'âge de la maturité : chaud
par son tempérament, il la guérit de la manière la plus sûre (ή κατά την άκμήν ηλικία
θεραπεύσει... τί δε ούτως θερμον τω οίκείω καΐ έμφύτω θερμω ώς ή άκμαστική
ηλικία;) {ibidem, p. 23619-2388). — Cependant, ni le passage à la maturité ni l'art médic
al,avec ses remèdes et sa thérapie, ne seront efficaces, si le patient persiste à s'adonner à
une vie indisciplinée et à la gloutonnerie {ibidem, p. 2389"23).
20 WANDA WOLSKA-CONUS

«II convient de constater, écrit-il49, que le caractère particulier de l'ex


pression littérale du texte semble contredire le sens entendu par
Hippocrate (μάχεσθαι δοχει ή ποιότης της λέξεως τη διάνοια του
Ιπποκράτους) qui, disons-le, se présente de la manière suivante: si
quelqu'un souffre depuis l'enfance (έκ παίδων) de l'épilepsie que l'art
est impuissant à guérir, il convient d'attendre l'âge d'adolescence (την
ήβητικήν ήλικίαν), pour que celui-ci, en raison de la chaleur de son
tempérament, en devienne le médecin (ώς γενησομένης αύτης
ιατροί)). Tel est donc le sens ; cependant, il semble se trouver en contra
diction avec l'expression littérale du texte qui se présente de la manière
que voici : les jeunes épileptiques (των επιληπτικών τοϊσι νέοισι),
autrement dit ceux qui souffrent d'épilepsie dans leur jeune âge (εν τη
νέα ηλικία), en sont délivrés à l'âge de la jeunesse, c'est-à-dire à l'âge
de l'adolescence (ή νέα ηλικία απαλλάσσει, ήγουν ή ήβική). En effet,
il est permis de penser que l'âge de jeunesse et l'âge d'adolescence dési
gnent la même chose (ταύτον νοησαι νέαν και ήβικήν ήλικίαν), de
sorte que, partant de là, ce qui est dit n'est qu'une absurdité
(άδιανόητον είναι το λεγόμενον). En effet50, si dans le même âge
qu'arrive la maladie — il est dit les "jeunes" — arrive aussi dans le
même âge, j'entends l'âge d'adolescence, la guérison, comment le mot
"changement" peut-il s'accorder avec ce qui est dit, puisqu'on suppose
que l'âge reste le même ?»
«C'est pour cette raison que Galien, arrivé à ce passage51, dit qu'il
faut sous-entendre le mot : aux enfants ; s'il arrive (aux enfants) de souff
rird'épilepsie, le passage à l'adolescence, autrement dit à l'âge de jeu
nesse, la fait cesser.»
«À moins qu'on puisse l'expliquer d'une autre manière également52, en
partant de ce que dit Hippocrate lui-même53 : il faut bien savoir que ce qui

49. Ibidem, p. 23824"31.


50. Ibidem, p. 23831 ~33 : Έάν γαρ έν τη αυτί) ηλικία γένηται το πάθος, δια το
ειπείν "τοϊσι νέοισι", και πάλιν ή αύτη παύει αυτό, φημί δη ή ήβική, πώς συμβαίη
τοις λεγομένοις το "αϊ μεταβολαί", της ηλικίας της αύτης ύποτεθείσης;
51. Ibidem, ρ. 23834"35 : Διό ενταύθα γενόμενος ό Γαληνός, Δει, φησί,
προσυπακούειν το παιδίοισιν ει επιληψία γένηται, ταύτην ή κατά την ήβην, ήτοι
νέαν ήλικίαν, μεταβολή παύει .
52. Ibidem, p. 23836-2404 : Μήποτε δέ και αλλως εστίν έρμηνευσαι εκ των
Ίπποκράτει είρημένων. Ίστέον τοίνυν οτι το έν μήτρα δημιουργούμενον "κύημα"
και "εμβρυον" κυρίως λέγεται, το δέ άποτεχθέν "παιδίον" όνομάζουσιν εστί δ'δτε
καταχρώμενος τοις όνόμασιν ό 'Ιπποκράτης και το ετι κυοφορούμενον "παιδίον"
ονομάζει, ώς δηλοί ή επιγραφή του Περί παιδιού φύσεως συγγράμματος. Έκεΐσε
γαρ προθέμενος την έκ της μήτρας γινομένην δημιουργίαν του εμβρύου διεξελθείν
ού 77ept κυήματος φύσεως ή εμβρύου, άλλα Περί παιδιού φύσεως τό βιβλίον
έπέγραψε. Μήποτε οδν και ένταΰθα κατεχρήσατο τω ονόματι, νέαν ήλικίαν ού την
άκμαστικήν κυρίως καλέσας, άλλα την μειρακιώδη, ώς είναι τοιούτον τό
λεγόμενον "Οσοις έν ττ\ νέα ηλικία, τουτέστι μειρακιώδει, γένηται επιληψία, oStol
εις άκμαστικήν ήλικίαν έλθόντες θεραπεύονται.
53. Il s'agit sans doute du principe «expliquer Hippocrate d'après Hippocrate», mis en
œuvre, selon Stephanos, par Asclèpios dans son commentaire aux Aphorismes ; cf. REB
54, 1996, p. 38-41.
UN «PSEUDO-GALIEN» 21

est en train de se former dans la matrice est dit, au sens propre du mot,
fœtus ou embryon, alors que ce qui est né, les gens l'appellent enfant. Et
bien, il arrive qu'Hippocrate, employant les mots d'une manière abusive54,
appelle "enfant" ce qui est encore foetus, comme le prouve le titre du traité
Sur la nature de l'enfant. Là, en effet, s 'étant proposé de traiter de la for
mation de l'embryon dans la matrice, il a intitulé l'ouvrage non pas Sur la
nature du foetus ou de l'embryon, mais bien Sur la nature de l'enfant. À
moins (d'admettre) qu'ici également il a abusé du terme, ayant appelé
"jeune âge" non pas l'âge de maturité pris dans le sens propre du mot,
mais l'âge d'adolescence, de sorte que l'on aboutit au sens que voici : ceux
qui dans le jeune âge, c'est-à-dire à l'âge d'adolescence, souffrent d'épi-
lepsie, arrivés à l'âge de la maturité en sont guéris.»
La contradiction entre l'expression et le sens qui préoccupe Stephanos
n'éveille pas de soupçons chez Galien. L'explication que lui attribue
Stephanos ne figure pas dans le commentaire que nous lisons55.
Il en va de même pour Théophile56.

A/w. III 13(12)


L'Aphorisme III 13 (12) — «Si l'hiver est sous le régime du vent du
sud..., les femmes dont le terme des couches est au printemps font des
fausses couches...» — a été examiné dans le chapitre consacré à
Asclèpios et aux exégètes57. Les calculs astronomiques, qui y sont attr
ibués à Galien, ne figurent pas dans son commentaire.

Αρη. Ill 20 (17)


Commentant V Aphorisme III 20 (17), qui traite des maladies causées
par le vent du sud, Stephanos s'arrête sur le terme «vertige» ('ίλιγγοι58).
«Il faut savoir, écrit-il59 que les vertiges se produisent de la façon que
voici : les vents du sud rendent les corps humides ; cette humidité donc

54. Particularité du langage d'Hippocrate, souvent relevée par Stephanos ; cf. REB 50,
1992, p. 82-83.
55. Gal. In Hipp. Aph. II 45, loc. cit. à la n. 48.
56. Aph. II 45 : D. II, p. 33629-3384.
57. REB, 54, 1996, p. 29-30 et p. 79.
58. "Ιλιγγος est une forme plus récente de Ί'λιγξ, également employée par Stephanos.
59. Aph. III 20 (17) (W. II, p. 12225-1246) : Δει είδέναι δτι Ί'λιγγες γίνονται τρόπω
τοιούτω, οτε οι νότοι ύγραίνουσι τα σώματα· αυτή οςν ή ύγρότης άτμοειδώς
φέρεται έπι την κεφαλήν και συναναπλέκεται τώ ψυχικώ πνεύματι και άμαυροΐ
αυτό και μολύνει καΐ παχύνει. Τοΰτο οδν το ψυχικόν πνεύμα μη δυνάμενον
εύθυπορήσαι δια την παχύτητα, επειδή έξέστη του κατά φύσιν, λοιπόν περιφέρεται
και περιειλίσσεται και ποιεί τους ιλίγγους. Τούτους δε τους ιλίγγους και έκτος
θεωροϋμεν εντός γαρ γινομένου του πάθους φέρεται δια τών οφθαλμών, και έκτος
όρώμεν τήν ΐλιγγα. Ταύτην δε τήν Ί'λιγγα ό Γαληνός δι'εύφράδειαν σκοτόδινον
καλεί, επειδή εύαρμόστως ονομάζεται σκοτόδινος· το δέ άληθέστερον ειπείν
δινόσκοτος θέλει όνομάζεσθαι, πρότερον γαρ έπεται ή δίνωσις και οϋτως το
σκότος.
22 WANDA WOLSKA-CONUS

monte, sous forme de vapeurs, vers la tête et se mélange avec le pneuma


psychique; elle l'obscurcit, le contamine et Γ épaissit. Ce pneuma psy
chique, puisqu'il ne peut plus avancer en ligne droite en raison de son
épaisseur, écarté qu'il est de son (état) naturel, tourne tout autour, s'en
roule et provoque des vertiges. Ces vertiges, nous les voyons (se manif
ester) à l'extérieur ; en effet, bien que l'affection se situe à l'intérieur, en
débordant, à travers les yeux, à l'extérieur, elle nous fait voir le vertige.
Ce vertige, continue Stephanos, Galien, pour rendre sa phrase plus belle,
l'appelle "ténèbres vibrantes" (σκοτόδινος), puisque le mot "ténèbres
vibrantes" sonne harmonieusement. Il serait pourtant plus juste de l'ap
peler "vibrations ténébreuses" (δινόσκοτος), parce que c'est la vibration
qui se produit la première, ensuite viennent les ténèbres.»
Quant à Galien, il définit bien, dans le passage correspondant à
YAphorisme III 17, le vertige comme «ténèbres vibrantes». Il écrit60 :
«Que faut-il dire au sujet des vertiges? Ils sont tout proches de l'épilep-
sie et de l'apoplexie. En effet, le vertige ce sont les ténèbres vibrantes
(σκοτοδινία), qui se produisent lorsque l'humide mélangé au pneuma
épais s'agite dans la tête.»
Ainsi, le Galien du commentaire que nous lisons aussi bien que le
Galien cité par Stephanos emploient bel et bien, l'un comme l'autre, le
même terme : σκοτόδινος, que Stephanos conteste, lui préférant celui de
δινόσκοτος. Le fait-il de sa propre initiative ? La réponse se trouve, à ce
qu'il semble, dans le commentaire à Y Aphorisme IV 17.
En effet, Stephanos y revient sur le problème des vertiges61, bien que
le mot ίλιγγος ne soit pas mentionné dans le lemme de cet aphorisme
(IV 17) qui traite des symptômes indiquant qu'une purge «par le haut»
est nécessaire et qui nomme, entre autres malaises, celui de σκοτόδινος
(traduit par Littré : «vertiges ténébreux»).
Mais, cette fois, il ne s'agit plus des malaises qu'apportent les vents
du sud ; ce sont les méfaits de la bile qui, après avoir causé des ravages
dans l'estomac, l'œsophage, le pharynx et la cavité buccale, monte sous
forme de vapeurs vers le cerveau. Mélangées au pneuma psychique
qu'elles souillent, ces vapeurs l'empêchent de fonctionner correctement
et provoquent sa vibration (δίνησις). Si ces vibrations se portent sur les
nerfs optiques et bloquent le passage (du pneuma), elles causent les
«ténèbres vibrantes» (σκοτόδινος), que Galien appelle, dit Stephanos,
«vibrations ténébreuses» (δινόσκοτος), car c'est la vibration qui se
manifeste la première et ensuite les ténèbres.
Le Galien du commentaire à Y Aphorisme III 20 (17) qui a employé le
mot σκοτόδινος serait-il différent du Galien du commentaire à
YAphorisme IV 17 qui emploie le terme de δινόσκοτος ?
En tous cas, le Galien dont nous lisons le commentaire dit, dans les
deux cas, σκοτόδινος — «ténèbres vibrantes». En effet, dans l'un

60. Gal. In Hipp. Aph. III 17 : K. 172, p. 61 12'6.


61. Aph. IV 17 : W. II, p. 25619"29.
UN «PSEUDO-GALIEN» 23

comme l'autre cas, il s'agit d'un vertige. Galien explique62 que le


σκοτόδινος se produit, lorsque, à la fois, les objets qu'on voit (τα
βλεπόμενα)
s' éclipsant (fj semblent
τε δια της
se mettre
δψεως à α'ισθησις
vibrer et εξαίφνης
que, la sensation
άπολεϊται),
visuelle
les
ténèbres se répandent tout autour. Pour Galien, comme pour Stephanos,
ce sont les mauvais chymes, la bile principalement, qui sont responsables
de ce phénomène.
Stephanos, on l'a vu, préfère le mot δινόσκοτος retenu dans le comm
entaire à Y Aphorisme IV 17 qui n'est pas celui du Galien auteur du
commentaire, qui emploie avec constance le terme de σκοτόδινος. Il
existe donc deux Galien, dont un Pseudo-Galien qui hante les pages du
commentaire de Stephanos.
La référence, dans le commentaire à Γ Aphorisme III 20 (17), à Galien
— authentique — est embarrassante, car, dans notre hypothèse,
Stephanos ne recourt pas directement à l'original de Galien. Mais peut-
être a-t-il déjà trouvé cette référence dans le texte de son Pseudo-
Galien ? Peut-être Γ a-t-il connue par l'intermédiaire d'une autre source ?
Par ouï-dire ? Difficulté qui reste pour l'instant (et pour toujours ?) sans
réponse.
Stephanos ajoute63 que les anciens n'employaient pas le terme
δινόσκοτος, parce que le mot sonne mal (δια το κακόφωνον), lui pré
férant celui de σκοτόδινος. Et puisque Galien, dans son commentaire,
dans les deux cas examinés ici, dit σκοτόδινος, il faut supposer que,
cette fois encore, Stephanos se réfère à un autre (un Pseudo-) Galien qui
se serait opposé à l'interprétation des anciens. Entre la cacophonie et la
justesse de l'expression, il aurait choisi cette dernière, du moins dans le
cas de Γ Aphorisme IV 17.
S'opposer aux anciens, c'est là, comme on l'a vu64, la manière de faire
du Nouvel Exégète (ό Νεώτερος), entre autres s'opposer aussi, si l'oc
casion s'y prête, au Galien authentique. Remarquons, à ce propos, que le
mot δινόσκοτος ne figure pas dans les dictionnaires courants. Ce serait
donc l'innovation d'un Galien ? D'un Nouveau Galien65 ?
Quant à Théophile66, dont le texte se retrouve en grande partie dans le
commentaire de Stephanos, il n'aborde même pas le problème du sens à
donner à ces deux mots : σκοτόδινος — δινόσκοτος.

62. Gal. In Hipp. Aph. IV 17 : Κ. 172, p. 6774"6.


63. Aph. IV 17 : W. II, p. 25629"32.
64. Voir plus haut, p. 7-8, avec les notes correspondantes.
65. Stephanos ou, plutôt, le Pseudo-Galien (? le Nouvel Exégète) est mauvais philo
logue. Comme me l'a fait remarquer Denise Papachryssanthou, dans la composition des
mots de la langue grecque, ancienne ou moderne, c'est le deuxième mot (ici Ôivoç) qui,
en règle générale, porte le sens principal, le premier étant une sorte de complément ci
rconstanciel ; ici, c'est ôivoç le mot clé, parce que c'est le vertige qui apporte les ténèbres,
et non pas les ténèbres qui apportent le vertige.
66. Aph. IV 17 : D. II, p. 3958"22. Voir aussi Aph. III 17 : D. II, p. 36619"28 ; la citation
littérale (lignes 28-33) de Galien n'est, à mon avis, qu'une addition ultérieure (Gal. In
Hipp. Aph. III 17 : K. 172, p. 61 112"15).
24 WANDA WOLSKA-CONUS

Ara. Ill 21 (18)

Dans le commentaire à Γ Aphorisme III 21 (18) examiné dans l'article


déjà mentionné et consacré à Asclèpios et aux exégètes67, nous avons
relevé le glissement de sens qui s'est produit dans l'expression άκρου
του θέρεος, désignant pour le Galien cité par Stephanos «fin du pri
ntemps» (πέρας του έαρος), et «début de l'été» (αρχή του θέρεος) pour
le Galien auteur du commentaire.

Αρη. Ill 24 (21)


Aphorisme III 24 (21) : «En été régnent quelques-unes des maladies
précédentes, et de plus des fièvres continues (ξυνεχέες), des causus
(καύσοι), beaucoup de fièvres tierces, des vomissements...»
Stephanos commence68 par distinguer entre les maladies qui présen
tent et celles qui ne présentent pas de parenté avec l'été (νοσήματα
συγγενή et ετερογενή). Il donne ensuite quelques indications sur la
manière de les soigner (il s'agit surtout de toutes sortes d'écoulement du
sang : ή του αίματος ρύσις), par la phlébotomie ou par les bains (avec
une référence aux ΕίσαγωγαΡ9), selon qu'elles sont dues à la pléthore
de sang (maladies non-apparentées : phlébotomie) ou à la bile (maladies
apparentées : bains) et qu'elles se manifestent au début (phlébotomie) ou
en plein été (bains).
Reprenant le lemme, Stephanos continue70 : «"και πυρετοί συνεχείς" :
arrivé à ce passage, Galien explique que les συνεχείς πυρετοί signifient
καύσοι ; Hippocrate a mis συνεχείς πυρετοί à la place de καύσοι
πυρετοί, puisque ces derniers possèdent des affinités avec l'été, cette
matière — j'entends la bile — faisant son apparition en été71 .»
Si l'on se reporte au commentaire de Galien, on n'y découvre rien sur
la substitution, opérée par Hippocrate, des termes συνεχείς πυρετοί à
καύσοι πυρετοί. Galien n'écrit que ceci72 : «Certaines maladies de

67. REB 54, 1996, p. 16-19.


68. Aph. III 24 (21) : W. II, p. 140n-1424.
69. Ad Glauconem I 15 : K. 11, p. 5218-533 ; cf. D. I, 32515"20.
70. Aph. III 24 (21) (W. II, p. 1425"8) ; 'Ενταύθα γενάμενος ό Γαληνός συνεχείς
πυρετούς τους καύσους έζηγήσατο, οτι τους συνεχείς πυρετούς άντι των καύσων
πυρετών τέθεικεν ό 'Ιπποκράτης, ο'ι/πνες συγγενείς εισιν τώ θέρει, επειδή ή
τοιαύτη ύ'λη έν τφ θέρει γεννάται, λέγω δη ή χολή.
71. Ici, Stephanos intercale un développement qu'il attribue aux exégètes dits έτεροι
{ibidem, p. 1428'13) : "Ετεροι δε αλλην λέγουσιν έξήγησιν, οτι τα νυν λεγόμενα ύπό
του 'Ιπποκράτους <...> ο'ι'τινες ετερογενείς εΐσιν, οί γαρ σύνοχοι επί πληθώρα
αιματική γίνονται. Πας γαρ σύνοχος πάντως και συνεχής, ού πας δε συνεχής
πάντως και σύνοχος" άλλα συνεχής έστιν και ό τριταίος και ό τεταρταίος και ό
άμφημερινος ό μη εις ήμιπυρεξίαν λήγων και διάλειμμα, άλλ'άεί παροξύνων ούτοι
λέγονται συνεχείς πυρετοί. Ajoutons que ces exégètes qui chicanent sur les termes
σύνοχοι et συνεχείς n'interviennent ni dans le commentaire de Galien, ni dans celui de
Théophile.
72. Gal. In Hipp. Aph. III 21 : K. 172, p. 619512.
UN «PSEUDO-GALIEN» 25

celles (qui arrivent) pendant le printemps surviennent aussi pendant l'été,


notamment à ses débuts ; ceux-ci, puisqu'ils touchent à la fin du prin
temps, lui ressemblent par leur tempérament (κρασις) aussi bien que par
les maladies qu'ils font apparaître. Mais, ajoute Galien, il en survient
d'autres aussi, propres (Ί'δια) à l'été, les fièvres continues (πυρετούς
συνεχείς), les causus, les fièvres tierces, bref les maladies qu'il arrive au
corps de subir en raison de la bile jaune...»
Le Galien du commentaire, qui ne dit rien sur la substitution de
συνεχείς πυρετοί à καύσοι πυρετοί, n'est donc pas le Galien cité par
Stephanos ?
Quant à Théophile, son texte, du moins dans ses débuts, est assez
proche de celui de Stephanos : «Ici (ενταύθα), écrit Théophile73, Hippo-
crate énumère les maladies apparentées et étrangères (συγγενή και τά
αλλότρια) qui arrivent pendant l'été, comme cela se passe aussi pendant
le printemps ; en premier lieu donc, il commence par les maladies qui
n'ont pas d'affinité (avec l'été : ετερογενών), disant : "En été quelques-
unes des maladies précédentes", autrement dit : quelques-unes des malad
iesqui arrivent au printemps, arrivent aussi pendant l'été, plus exacte
mentà ses débuts, les écoulements du sang et les fièvres continues
(συνεχείς), en raison de la surabondance du sang (δια το πλεονάζειν
άκμήν το αίμα), mais aussi les causus, et ainsi de suite, maladies qui
sont propres (Υδια) à l'été, parce que c'est le chyme de la bile jaune qui
abonde.»
Ainsi Théophile attribue les fièvres continues (συνεχείς) qui, selon
lui, n'ont pas d'affinité avec l'été, à la surabondance du sang, ce qui est
contesté par le Galien cité par Stephanos, qui propose d'entendre par
πυρετοί συνεχείς les καύσοι (fièvres ardentes) apparentés en été, pro
voqués qu'ils sont par la bile jaune, chyme caractéristique de l'été.
S'agit-il là, encore, de l'opposition entre Asclèpios (Théophile) et le
(Pseudo-) Galien ?

Αρη. Ill 30 (27)


L'Aphorisme III 30 (27) : «À un âge encore plus avancé et à l'a
pproche de la puberté, beaucoup de maladies précédentes, de plus des
fièvres longues et des épistaxis.»
Stephanos écrit74 : «Ils souffrent de "fièvres qui traînent" (γίνονται
αύτοϊς και πυρετοί χρόνιοι), parce que la matière qui est à la base est
épaisse (επειδή υλη υπόκειται παχεΐα). Réfléchissons : ils souffrent
des mêmes fièvres (que les enfants plus jeunes), mais ces fièvres devien
nent longues, parce que la matière qui est à la base est épaisse.»
C'est là l'explication courante: ce sont les matières épaisses et
gluantes qui amènent des fièvres de longue durée. Alors intervient l'in-

73. Aph. III 21 : D. II, p. 37012"20. La suite du texte (1. 21-30) se présente comme une
transcription littérale du commentaire de Galien (K. 172, p. 6199"14 ; p. 6202"4, 15-6213).
74. Aph. III 30 (27) : W. II, p. 1801214.
26 WANDA WOLSKA-CONUS

terprétation du cas particulier des fièvres qui frappent les enfants appro
chant de la puberté. «Cependant, écrit Séphanos75, les facultés
(δυνάμεις) se renforcent elles aussi avec la puberté (έτη αυτών). En
effet, Galien met en parallèle la durée et la violence des maladies avec la
faculté (de résistance des malades) (το μακροχρόνιον και οξύ των
νοσημάτων τη δυνάμει παραμετρεΐ). Les fièvres deviennent donc
longues chez les adolescents — ce qui est naturel — , parce que leurs
facultés, qui doivent s'adapter à la maladie et s'étendre sur la même
durée qu'elle, se renforcent elles aussi. En effet, si la faculté est faible,
même dans le cas où la matière est épaisse, la maladie devient aiguë ; la
mort arrive la première ; la maladie n'est plus longue mais aiguë.»
Voici d'autre part l'explication qu'on lit dans le commentaire de
Galien76 : «Ces enfants (παίδες) souffrent de plusieurs maladies de
celles qui frappent les enfants dont on vient de parler (dans l'aphorisme
précédent), parce qu'ils sont de tempérament semblable (τη της
κράσεως όμοιότητι). Cependant, leurs fièvres sont plus longues que
celles des enfants ci-dessus mentionnés. Certes, Hippocrate n'a rien dit
au sujet des fièvres qui prédominent à cet âge-là, mais ses déclarations
présentes indiquent avec évidence que ces fièvres deviennent aiguës. En
effet, les états de santé (διαθέσεις) des enfants évoluent très rapidement
en raison de l'humidité de leur corps et de la faiblesse de leur faculté
naturelle (δια την ύγρότητα του σώματος και την της φυσικής
δυνάμεως άρρωστίαν).»
On le voit : alors que, selon le Galien cité par Stephanos, c'est le ren
forcement des facultés qui explique la longue durée des fièvres chez les
adolescents, le Galien auteur du commentaire invoque au contraire leur
faiblesse, qui fait que les fièvres deviennent rapidement aiguës. Il avoue
en même temps ignorer le genre des fièvres entendues ici par
Hippocrate ; le Galien cité par Stephanos (le Pseudo-Galien) déclare
pour sa part avec assurance : une fièvre déclenchée par des matières
gluantes et épaisses.
Théophile, quant à lui, sans passer par l'intermédiaire de Galien, rap
porte l'opinion identique à celle de Stephanos. Rappelant que plusieurs
maladies propres aux tout jeunes enfants frappent aussi leurs aînés,
Théophile précise77 : «(cela arrive), parce que chez eux également on
trouve à la base la même matière, à cette différence près qu'elle est plus
épaisse et que les fièvres sont de longue durée, parce qu'à la base il y a
une matière épaisse et parce que les facultés sont solides (αί δυνάμεις
έρρωμέναι), ces facultés qui doivent s'adapter à la longue durée de la
maladie (αί όφείλουσαι συμπαραμαρτησαι τω μήκει του
νοσήματος).»
Théophile et Stephanos s'accordent cette fois, à ce qu'il semble, avec
le Pseudo-Galien. Car, si les idées de Théophile, porte-parole

75. Ibidem, p. 18014"20.


76. Gal. In Hipp. Aph. III, 27 : Κ. 172, p. 63714-6388.
77. Aph. III 27 : D. II, p. 37810"14.
UN «PSEUDO-GALIEN» 27

d'Asclèpios, diffèrent souvent de celles du Galien cité par Stephanos, il


peut arriver aussi que les deux commentateurs tombent d'accord sur tel
ou tel sujet.

Αρη. IV 21
Commentant Y Aphorisme IV 21 — «Des selles noires comme du sang
qui viennent spontanément... sont très fâcheuses... , avec un purgatif,
cela est meilleur» — , Stephanos précise78 qu'il s'agit ici de l'évacuation
spontanée (αυτόματος, par opposition à l'évacuation artificielle,
τεχνική, dont il a été question jusque-là79). Cette évacuation spontanée
est double ; elle se fait soit selon les lois de la nature (νόμω φυσικω),
soit par la violence du symptôme (βία συμπτώματος). C'est cette der
nière, selon Stephanos, qui fait l'objet de l'aphorisme qu'il est en train
de commenter.
Stephanos commence par un long exposé sur les selles noires, en trois
points80 (τρία τινά δει ημάς ζητησαι : modes d'évacuation, orgines,
différences), suivi81 d'une reprise du lemme et d'une paraphrase explicat
ive (έννοια του αφορισμού).
Après ceci, Stephanos écrit82 : «Et voilà ce qu'en dit Hippocrate.
Quant à Galien, arrivé à ce passage, il dit, dans son commentaire, qu'une
définition complémentaire est nécessaire (δτι προσδιορισμού χρεία) ;
certes, il est vrai que l'évacuation des selles noires après l'administration
d'un purgatif est une bonne chose. En effet, de quoi s'agit-il? — du fait
que les mauvais chymes ont été évacués — ; si, cependant, les selles
noires s'évacuent spontanément, sans prise d'un médicament, cela ne
signifie pas nécessairement quelque chose de funeste.»
Suit une longue explication83 : «Nous avons appris84 en effet que
l'évacuation spontanée est double ; l'une se fait d'une manière naturelle,
l'autre par la violence du symptôme.» La première, loin d'être danger
euse, est même bénéfique, lorsqu'elle se produit au moment critique de
la maladie (εν τΐ) άκμη), au moment où apparaissent les signes d'une
digestion bien faite ; la deuxième, faite par la violence du symptôme,
avant que n'apparaissent les signes d'une digestion accomplie, est
funeste.
Ainsi, pour Galien, il s'agit de l'évacuation faite selon la loi de la
nature qui est bénéfique, si elle se fait à un moment propice. Et c'est ce
que devrait faire connaître le prosdiorismos souhaité par Galien.

78. Aph. IV 21 : W. II, p. 2621"7.


79. Tous les aphorismes qui précèdent traitent des purges par le haut et par le bas, à
l'aide des médicaments, de l'ellébore principalement.
80. Aph. IV 21 : W. II, p. 2627-26613.
SI. Ibidem, p. 26614-2684.
82. Ibidem, p. 2685"11.
83. Ibidem, p. 26811"18.
84. Aph. I 3 (2) : W. I, p. 5433-564.
28 WANDA WOLSKA-CONUS

Stephanos continue85 : «Et voici ce qu'en dit Galien. Cependant il y a


des gens qui objectent (τινές δε λέγουσιν) : Galien a bien raison ; tout
ce qu'il dit est vrai, sauf qu'on peut démontrer qu'Hippocrate n'ignorait
pas cette définition complémentaire, mais qu'en raison de sa
brachylogie, il n'en a pas fait mention ; cependant, on peut montrer
d'après le texte même qu'il connaît cette définition complémentaire...,
puisqu'il dit "les selles noires comme du sang qui viennent spontané
ment" (άττο ταύτομάτου ιόντα) ; par le fait d'avoir dit "qui viennent",
Hippocrate a montré qu'il traite non pas de l'évacuation des selles noires
selon la loi de la nature, mais bien de l'évacuation qui se fait par la vio
lence du symptôme. Si, en effet, cette évacuation se faisait conformé
ment à la loi de la nature, elle se ferait peut-être d'un seul coup, à deux
ou trois reprises, et après cela, (les mauvaises humeurs) une fois chas
sées, le bien-être succéderait (έπι τούτω άπαλλάττονται ευφορίας
διαδεχόμενης86). Au contraire, l'évacuation des selles noires qui se pro
duit par la violence du symptôme est persistante ; en effet, les mots "qui
viennent" indiquent la persistance de l'évacuation des selles noires (την
έπιμονήν ενδείκνυται).»
Ainsi, pour le Galien cité par Stephanos, il s'agit, dans Y Aphorisme
IV 21, de l'évacuation spontanée νόμω φύσεως, alors que, pour les
τινές qui rectifient l'opinion de Galien (cité par Stephanos), il s'agit
d'une évacuation spontanée βία συμπτώματος.
Cependant, dans les deux cas, il semble bien que les points de départ
des développements du Pseudo-Galien aussi bien que de ceux des tines se
trouvent dans le commentaire de Galien. On y lit87, d'une part, que les
selles noires qui viennent au début de la maladie ne présagent rien de bon ;
par contre, venues au moment critique de la maladie, elles indiquent que la
physis a éliminé les résidus nuisibles. Hippocrate, il est vrai, ne le dit pas
clairement, mais il en donne l'exemple dans Y Aphorisme qui suit (IV 22).
D'autre part, Galien explique88 que les mots «qui viennent» indiquent la

85. Aph. IV 21 : W. II, p. 26819-32.


86. L. G. Westerink (ibidem, p. 269) traduit : «... after which (the patients) have got rid
of (the matter), and a state of euphoria follows.» Notre traduction se réfère au texte de
Stephanos (ibidem, p. 2682"4) : Έαν γαρ ό εΐς χυμός κενούμενος αγαθόν έστιν,
επειδή άπήλλακται της ένοχλούσης κακοχυμίας, πολλω μάλλον επί τΐ) κενώσει των
διαφόρων χυμών άπαλλάττεται το σώμα τών διαφόρων κακοχυμιών, και αγαθόν
έστιν.
87. Gal. In Hipp. Aph. IV 21 (Κ. 172, p. 6831(W4s·) : Διό και κατ'άρχας μεν ουδέποτε
έπ'άγαθώ φαίνεται τοιαύτα, μεγάλην κάκωσιν ένδεικνύμενα του σπλάγχνου, ταϊς
δ'άκμαΐς έπεται πολλάκις έκκαθαιρούσης τα περιττά της φύσεως, ού μην
προσέθηκέ γε αυτό κατά τον άφορισμόν ό 'Ιπποκράτης, καίτοι γε άλλοθι μεν
ειπών καθόλου τα κρίσιμα μη αύτίκα έπιφαίνεσθαι...
88. Ibidem, p. 6841"85- : Μη τι τοίνυν εδοξεν αύτάρκως δεδηλωκέναι την έαυτοϋ
γνώμην "ιόντα" φάμενος. 'Ενδείκνυται γαρ τοΰτο τουνομα χρόνου μήκος, ώς ήτοι
δι'ολου του νοσήματος ή κατά πολύν χρόνον αύτου, ιόντων τοιούτων
ύποχωρημάτων. Ει γαρ ενα τινά καιρόν έβούλετο δηλώσαι, πάντως άν ή
έπιφανέντα ή έλθόντα εΐπεν, ούκ "άπό ταύτομάτου ιόντα"· τουτι γαρ το "ιόντα"
τώ ερχόμενα ταύτόν, ού τω έλθόντα δηλοϊ.
UN «PSEUDO-GALIEN» 29

durée, à savoir que les selles de ce genre viennent soit tout au long de la
maladie, soit pendant sa plus grande partie. Si Hippocrate voulait indiquer
un temps quelconque, il aurait dit qui sont apparues brusquement ou sur
venues et non pas «qui viennent spontanément». En effet, «qui viennent»
veut dire qui surviennent et non pas qui sont survenues.
Ainsi, il semble que le Pseudo-Galien aussi bien que les tines n'inter
prètent plus Hippocrate, mais Galien, en en extrayant, le premier comme
les deuxièmes, ce qui leur convient.
Serait-on donc, ici encore, en présence de la controverse entre le
Pseudo-Galien et les tines, les porte-parole d'Asclèpios ? Cette hypo
thèse est confirmée, à notre avis, par ce qu'on lit dans le commentaire de
Théophile, celui-là même qui nous transmet, répétons-le, l'œuvre de
l'Exégète Asclèpios : après avoir rappelé, comme Stephanos, qu'il existe
deux genres d'évacuation spontanée, Théophile écrit89 : «Ici Hippocrate
discourt au sujet de l'évacuation qui s'accomplit par la violence du
symptôme...» Dans un bref développement, où l'on reconnaît quelques
éléments qui apparaissent aussi dans le commentaire de Stephanos,
Théophile explique le phénomène des selles noires, pour conclure finale
ment90 : «... (l'évacuation) qui se fait avec l'aide du médicament est plu
tôt bonne, celle qui se fait spontanément est plutôt mauvaise, étant donné
que les selles s'éliminent en tant que symptôme (λόγω
συμπτώματος)...» Et Théophile de régler péremptoirement la contro
verseentre le Pseudo-Galien et les tines (Asclèpios). «Et si quelqu'un
demandait, écrit-il91, d'où l'on sait qu'Hippocrate parle ici d'une évacuat
ion spontanée faite par la violence du symptôme, nous disons : du fait
d'avoir dit "qui viennent". Ce terme (όνομα) indique en effet la durée du
temps (μήκος χρόνου) ; l'évacuation qui se fait par la loi de la nature
chasse les chymes en peu de temps (εν όλίγω χρόνω την άπάλλαξιν
των χυμών ποιείται).»

Αρη. IV 30
L'Aphorisme IV 30 — «Dans les maladies à paroxysme, si le
paroxysme, ayant cessé à une certaine heure, reprend le lendemain à la
même heure, la solution est difficile» — est sémiotique, selon
Stephanos ; plein d' obscurité, il est rejeté par plusieurs exégètes. Aussi
Galien, nous dit Stephanos, propose d'ajouter un complément
(προσθήκην) — à savoir le mot ου ζητώ — , une proposition qui ne se
retrouve cependant pas dans le commentaire de Galien.
Théophile, quant à lui, sans la moindre allusion à un Galien quel
conque, reprend l'opinion du Galien du commentaire, et non pas celle du
Galien cité par Stephanos92.

89. Aph. IV 21 : D. II, p. 3971315s.


90. Ibidem, p. 398,911.
91. Ibidem, p. 3981419.
92. Cet aphorisme a été longuement discuté dans la REB 54, 1996, p. 62.
30 WANDA WOLSKA-CONUS

Αρη. IV 34 (36)
Dans le commentaire à l'Aphorisme IV 34 (36)93 qui traite des sueurs
dans les fièvres — pour être bénéfiques, elles doivent se produire cer
tains jours, le troisième, le cinquième, le neuvième etc. — une aporie
surgit94 : «Pourquoi Hippocrate, ayant mentionné le troisième, le ci
nquième et d'autres jours qui viennent après, a-t-il omis le quatrième jour,
bien qu'il soit, lui aussi, critique ?»
Stephanos propose alors deux solutions ; la première se réclame de
l'autorité de Galien ; la deuxième, qualifiée de «autre raison» (έτέραν
αίτίαν), est opposée explicitement à celle de Galien. Toutes les deux se
retrouvent cependant dans le commentaire de Galien.
1) Stephanos écrit95 : «Galien, arrivé à ce passage, propose dans son
commentaire une explication toute faite (πρόχειρον) ; autrement dit, il
en donne la raison que voici : je crois, dit-il, qu'une erreur de transcrip
tion s'est produite (εγώ οίμαι καλλιγραφικόν γέγονεν σφάλμα) ; il est
en effet possible, comme cela arrive souvent, que celui qui a transcrit le
premier le présent ouvrage, ayant trouvé plusieurs jours impairs, le tro
isième, le septième et le neuvième, et un seul jour pair, le quatrième,
intercalé au milieu, a eu le soupçon que ce quatrième jour n'était pas à sa
place, et c'est pour cela qu'il l'a écarté, ce quatrième jour.»
Regardons maintenant le commentaire de Galien96. Après un rappel
des nombreux travaux qu'il a consacrés au sujet des jours critiques,
Galien s'arrête au problème du «quatrième jour»97 : «... La chose se pré
sente ainsi dans presque toutes les copies (άντιγράφοι,ς) ; on n'inscrit
plus le quatrième jour dans cet aphorisme, bien qu'il soit, à ce qu'il
semble, le premier jour critique. Cependant, s'agissant de notre apho
risme (νυν), soit Hippocrate lui-même, soit le premier copiste, l'ont
passé sous silence... »
2) Revenons à Stephanos, qui continue98 : «Voilà ce qu'en dit Galien ;
mais on peut aussi en donner une autre raison ; la voici : Hippocrate a
mis beaucoup d'empressement et de souci à combattre des maladies
aiguës, parce que c'est un défi qu'elles lancent à l'art (médical) (ως
κατεπείγοντα την τέχνην). Et puisque les maladies aiguës se déclen
chent d'ordinaire à partir d'une matière chaude, les paroxysmes, de
l'avis communément admis (ομολογουμένως), arrivent tous les deux
jours. D'autre part, puisqu'aux mêmes jours où arrivent les paroxysmes,
arrivent aussi les crises, Hippocrate a mentionné pour cette raison le tro
isième, le cinquième (et d'autres jours à la suite), en tant que jours
impairs ; il n'a pas mentionné le quatrième jour en tant que jour pair.»

93. Aph. IV 34 (36) : W. II, p. 29815-30433.


94. Ibidem, p. 30220"23.
95. Ibidem, p. 30223"29.
96. Gal. In Hipp. Aph. IV 36 Κ. 172, p. 71 16-7157.
97. Ibidem, p. 71312"16.
:

98. Aph. IV 34 (36) : W. II, p. 3022936.


UN «PSEUDO-GALIEN» 31

Galien écrit pour sa part ce qui suit" : «Si, cependant, c'est


Hippocrate qui l'a omis, il l'a fait, me semble-t-il, pour la raison
suivante : la plupart des maladies aiguës, qui sont jugées par les sueurs
(δσα συν Εδρώτι κρίνεται), le sont le troisième et le cinquième jour plu
tôt que le quatrième. En effet, bien rares sont les maladies jugées le qua
trième jour, et cela je l'ai découvert moi-même très exactement par expé
rience, lorsque j'ai examiné ce problème (και μοι τούτο έξεύρηται
πάνυ σφόδρα δια πείρας αυτό τοΰτο ζητήσαντι) ; c'est la raison pour
quoi Hippocrate a omis le quatrième jour dans cet aphorisme. Il semble
que cela arrive ainsi, parce que, pour les maladies aiguës, le premier
paroxysme, le plus violent, se produit aussitôt, et un (autre) pareil, le
troisième jour. Nous avons appris que c'est pendant les paroxysmes les
plus violents qu'arrivent les crises et que, précisément, les maladies qui
atteignent au paroxysme les jours impairs sont jugées plus rapidement,
tandis que celles qui arrivent au paroxysme les jours pairs traînent en
longueur...»
Quelle conclusion peut-on tirer de la juxtaposition de ces deux exé
gèses ?
Que, selon le schéma de notre hypothèse, la première revient au
Pseudo-Galien et la deuxième (έτερα) à Asclèpios, toutes les deux
remontant, en dernière analyse, au Galien qu'on lit dans l'édition de
Kühn?
Qu'en composant sa praxis, Stephanos a toujours sous les yeux les
textes du Pseudo-Galien et d'Asclèpios qui tantôt se complètent, tantôt
se contredisent ?
Que Théophile, le porte-parole d'Asclèpios, confirme en quelque sorte
cette conclusion, en passant sous silence la première exégèse (l'omission
du copiste signalée par le Pseudo-Galien), en intégrant dans son com
mentaire la deuxième, sous une forme, il est vrai, très réduite. Il écrit100 :
«Que le discours (λόγος) d' Hippocrate traite des maladies aiguës, cela
est clair du fait qu'il a dit que les sueurs font du bien, lorsqu'elles appa
raissent le troisième et le cinquième jour. En effet, les maladies aiguës
jugées par les sueurs arrivent à la crise plutôt aux jours impairs...»

Aph. IV 35 (37)
Prenons l'exemple de Γ Aphorisme IV 35 (37) : «Les sueurs froides se
déclarant dans une fièvre aiguë indiquent la mort ; dans une fièvre modér
ée,la longueur de la maladie». Après un bref résumé de ses conclusions
antérieures et une démonstration (ύπόθεσις) illustrant les propos
d'Hippocrate101, Stephanos écrit102 : «Tel est le sens de l'aphorisme.
Quant à Galien, arrivé à ce passage, il formule dans son commentaire

99. Gal. In Hipp. Aph. IV 36 : K. 172, p. 71316-71410.


100. Aph. IV 36 : D. II, p. 407812.
101. Aph. IV 35 (37) : W. II, p. 3061"27.
102. Ibidem, p. 30628"40.
32 WANDA WOLSKA-CONUS

Yaporie concernant ce qu'Hippocrate est en train d'affirmer; la voici:


comment est-il possible que les deux choses (τα αμφότερα), j'entends la
fièvre aiguë et la sueur froide, subsistent (ύποστηναι) dans un même
corps et en même temps? (S'il en était ainsi), en effet, l'une emporterait
sur l'autre, et l'autre ne subsisterait pas (μη ύποστηναι), <ou bien c'est
la fièvre qui l'emporterait et la sueur froide ne subsisterait pas>, ou bien
c'est la sueur froide qui l'emporterait et la fièvre ne subsisterait pas.
Comment donc est-il possible que les deux subsistent en même temps?
Aussitôt après, Galien prend la défense d'Hippocrate et dit : II n'y a rien
d'invraisemblable à ce que les deux, la fièvre aiguë et la sueur froide,
subsistent en même temps (? έν αύτω, ou : dans un même corps ?), la
fièvre aiguë se nichant (είναι) dans la profondeur du corps et dans les
vaisseaux, la sueur se logeant (είναι) par contre dans une de ses parties ;
se répandant (au dehors) sous l'action de la fièvre, elle devient froide103.
Il est donc posssible que les deux subsistent dans un même corps et en
même temps.»
Cette aporie, on la retrouve dans le commentaire de Galien sous une
forme plus élaborée, mais qui inspire manifestement les considérations
de Stephanos. Galien écrit104: «Que cela arrive souvent, l'expérience
l'enseigne. Il convient cependant d'en examiner la cause. Il semble en
effet absurde au plus haut degré qu'une sueur froide se produise, alors
que l'homme se trouve sous l'emprise d'une très forte chaleur fiévreuse.
Qu'il faut donc que la chaleur violente se loge dans d'autres parties du
corps et que les sueurs froides s'évacuent par d'autres parties, cela est
évident. Si, en effet, les sueurs remontaient à l'extérieur en partant des
parties chaudes à l'extrême, elles seraient chaudes, mais elles s'éliminent
à travers la peau même, qui peut être froide, alors que les parties en des
sous restent brûlantes (κενοϋνται δε έκ του αύτου δέρματος οι
ιδρώτες, δπερ έγχωρεί ψυχρον είναι, διακαιομένων των
ύπ'αύτό)... »
On le voit: le discours de Stephanos n'est qu'une transposition sco
laire du texte de Galien.
Quant à Théophile105, sans relever la contradiction de l'aphorisme
commenté, il propose, sous une forme cependant assez différente, l'ex
plication qui synthétise les textes de Stephanos et de Galien.

Αρη. IV 44 (47)
Une autre proposition de Galien de compléter le texte d'Hippocrate
apparaît à propos de Y Aphorisme IV 44 (47) traitant des évacuations
pendant les fièvres non-intermittentes (expectorations noirâtres, sangui-

103. La fin de la phrase n'est pas très claire {ibidem, p. 30636"39) : και το μεν οξέως
πυρέσσειν έν τω βάθει του σώματος και έν τοΐς άγγείοις εΤναι, τον δε ίδρωτα εν
τινι μορίω είναι και έκχυθηναι ύπο του πυρετού και ποιησαι ψυχρον ίδρωτα.
104. Gal. In Hipp. Aph. IV 37 : Κ. 172, p. 715n-7165s·.
105. Aph. IV 37 : D. II, p. 40810-30.
UN «PSEUDO-GALIEN» 33

nolentes, fétides etc., selles et urines), toujours mauvaises si elles ne sont


pas évacuées par les voies qu'il convient106. Stephanos écrit107 : «... ou
bien on peut ajouter cette précision complémentaire (η εστίν
προσυπακοΰσαι και τον προσδιορισμόν) formulée par Galien dans
son commentaire, pour qu'on ait ceci "et du régime" ; il dit, en effet,
qu'il faut sous-entendre "et du régime". Ne voyons-nous pas souvent de
nombreuses personnes évacuer des selles huileuses en raison des al
iments gras pris auparavant, peu de temps avant de tomber malades, et
évacuer, pendant la maladie, des excréments huileux et gras qui ne sont
ni dangereux ni mortels, éliminés qu'ils sont non pas en raison du dépé
rissement du corps (ούδε δια σύντηξιν του σώματος), mais en raison
des aliments pris auparavant. Il arrive aussi qu'avec les excréments soit
éliminée la bile noire (accumulée) à cause des aliments consommés
auparavant. En effet, il y a des gens qui mangent le noir des seiches,
après l'avoir assaisonné (το της σηπίας μέλαν άρτύσαντές τίνες
έσθίουσιν), et qui rejettent (pour cela) des selles noires ; aussi y en a-t-il
qui pensent qu'il s'agit là de la bile noire. D'autres, par contre, déposent
et évacuent des selles teintes de sang ; elles ne sont pas dangereuses
(χαλεπά) ; c'est parce que ces gens ont mangé auparavant... (άπδ
ζυγού +) ou de l'oursin qu'ils évacuent et déposent du sang. Il faut donc
prendre en considération la précision complémentaire de Galien (προσ-
υπακούειν και τον προσδιορισμόν τον Γαλήνειον) et interroger le
malade sur son régime, pour les raisons qu'on vient d'évoquer. Et voici
ce que contient l'aphorisme.»
Le prodiorismos en question ne figure pas dans le commentaire de
Galien108, assez différent d'ailleurs de celui de Stephanos.
Il ne figure pas non plus dans le commentaire de Théophile109, très
condensé, qui se retrouve cependant presque intégralement, dispersé,
dans le texte de Stephanos.

Αρη. IV 50 (53)
Dans le commentaire à Y Aphorisme IV 50 (53)110 — «Lorsque, dans
les fièvres, il se forme des viscosités sur les dents, les fièvres deviennent
plus fortes111» — , Stephanos explique que les dents deviennent vi
squeuses en raison des chymes froides et gluantes qui remontent du ventre

106. Voir la note de Littrc sur les interprétations possibles de la fin de cet aphorisme.
107. Aph. IV 44 (47) : W. II, p. 3289"23.
1O8.Gal. In Hipp. Aph. IV 47 : Κ. 172, p. 725n-72710.
109. Aph. IV 47 : D. II, 41312-4144.
1 10. Aph. IV 50 (53) : W. II p. 33630-33815.
111. 'Ισχυρότεροι dans les lemmes de Littré et de Théophile (Asclèpios), ισχυροί
dans le lemme de Galien, ισχυροί dans le lemme de Stephanos et ισχυρώς dans le texte,
avec le commentaire suivant (W. II, p. 33814"15) : Το δε "ισχυρώς" μη νόησης κατά το
σφοδρόν, άλλα κατά το μήκος τοΰ χρόνου, δτι εις μήκος χρόνου έκταΟήσεται το
νόσημα.
34 WANDA WOLSKA-CONUS

et de l'estomac vers les gencives, un signe qui annonce que la maladie


sera longue.
Et Stephanos d'ajouter112 : «II convient aussi de nous souvenir de la
définition complémentaire de Galien (δει δε και τω Γαληνέ ιω
προσδιορισμό μεμνησθαι) : il faut prendre en considération également
le régime du malade (προσέχειν και την δίαιταν). Il faut en effet réflé
chir et interroger car il est possible que les dents soient devenues vi
squeuses en raison du régime précédant (la maladie) (άπο προσεχούς
διαίτης) et qu'elles restent ainsi pendant deux ou trois jours, si toutefois
le malade a usé juste avant (προσεχώς) d'une nourriture grasse. La
nourriture grasse rend toujours les dents visqueuses ; pour cette raison,
cela n'est pas mauvais et ne signifie pas que la maladie va traîner en lon
gueur, étant donné que c'est à cause de la nourriture prise juste avant (la
maladie) que les dents sont devenues visqueuses.»
Ce prosdiorismos est absent du commentaire de Galien, très bref, qui
n'a que ceci113 : «Cette viscosité ne peut se produire sans une très grande
chaleur desséchant l'humidité glaireuse.»
Ce prosdorismios est également absent du commentaire de
Théophile114, dont le texte se retrouve presque intégralement dans la
première partie du développement de Stephanos.

Αρη. IV 58-59 (612"1)


Nous avons longuement examiné les Aphorismes IV 58-59 (612"1)
dans notre précédent article115, en soulignant les divergences d'interpré
tationentre le Galien du commentaire, le Galien cité par Stephanos et les
«exégètes» suivis, à ce qu'il semble, par Stephanos et par Théophile
(Asclèpios).

Αρη. IV 63 (65)
Après une brève paraphrase explicative de Y Aphorisme IV 63 (65)116
— «Dans les fièvres, une forte chaleur au ventre et la cardialgie sont
fâcheuses» — , Stephanos conclut117 : «Et voici ce que dit Hippocrate.
Arrivé à ce passage, Galien livre au public l'opinion secrète
d'Hippocrate et le sens (de l'aphorisme) (κεκρυμμένην γνώμην και
εννοιαν δημοσιεύει του Ιπποκράτους). Il dit, en effet, qu'il est clair,
à en juger d'après les affections, plus exactement d'après les symptômes
dont il a fait mention, qu'Hippocrate parle de l'érysipèle, autrement dit
qu'il suppose l'existence d'une tumeur érysipélateuse dans la région du

112. Aph. IV 50 (53) : W. II, p. 33815"22.


1 13. Gal. In Hipp. Aph. IV 53 : K. 172, p. 73211"13.
114. Aph. IV 53 : D. II, p. 41718'25.
U5.REB5A, 1996, p. 62-65.
1 16. Aph. IV 63 (65) : W. II, p. 3727"14.
m.Ibidem,p.31215-26.
UN «PSEUDO-GALIEN» 35

ventre. Nous savons en effet que l'érysipèle se forme à partir d'une


matière acre et bilieuse et qu'ici nous avons justement affaire à une
matière bilieuse et acre. Il est clair, d'après ces choses là (εκ τούτων),
qu'Hippocrate parle de la tumeur erysipelateuse située dans la région du
ventre. Si donc, dans le cas de la fièvre (πυρετού υποκειμένου), il y a
de la chaleur intense autour de la cavité abdominale (περί την κοιλίαν)
due au bouillonnement (δια το ζέον) de la matière et qu'en raison de sa
mordacité l'estomac fait mal (καρδιωγμός)118, il y a aussi une tumeur
erysipelateuse dans la partie maîtresse (εν κυρίω μορίω), j'entends dans
la région du ventre ; quant à toi, ajoute ce qu'on a dit plus haut119 just
ement (au sujet de ce qui arrive) à cause du refroidissement des extrémités
(τυχόν και δια την περίψυξιν των ακρών) ; elle est mauvaise, une
chose de ce genre.»
Ce développement, qui se présente en fait sous la forme d'un diagnost
ic, ne figure pas dans le commentaire de Galien, préoccupé plutôt par
les problèmes de vocabulaire suscités par cet aphorisme120. D'autre part,
il ne semble pas connaître le diagnostic que lui attribue Stephanos
(κεκρυμμένην γνώμην).
Ce développement est également inconnu de Théophile, dont le texte
se retrouve cependant intégralement, avec des différences minimes, dans
la première partie de la paraphrase de Stephanos121.

Αρη. IV 66 (68)
U Aphorisme IV 66 (68) — «Dans les fièvres, la respiration entrecou
pée est fâcheuse, car elle annonce le spasme» — donne à Stephanos l'oc
casion de revenir brièvement sur le phénomène, souvent évoqué, de la
respiration122 et de compléter son exposé par une remarque de Galien :
«Quant à Galien, écrit-il123 , arrivé à ce passage, il en donne une merv
eilleuse explication, lorsqu'il dit (θαυμασίως έπέστησεν λέγων) que
l'expression "annonce le spasme" doit être rapportée aussi bien au
spasme qui est déjà là (έπι του δντος) qu'à celui à venir (έπι
προσδοκώμενου). En effet, (cette expression) signale ou bien un spasme
déjà présent (νυν) dans les muscles intercostaux, ou bien elle annonce un
spasme à venir, devant affecter le corps tout entier ; autrement dit, les

118. Ibidem, p. 3728"11 : ... κοιλίαν δέ άκουστέον νυν την σιτοδόχον, ως δηλοϊ το
έπαγαγείν αύτον καρδιωγμόν Ί'σμεν γάρ, τι έστιν καρδιωγμός, δτι Οηξις του
στομάχου της γαστρός... Voir aussi Galien (In Hipp. Aph. IV 65 : Κ. 172, p. 745 16-
7463), qui explique que le mot kardiôgmos signifie «cardialgie», selon les uns, «palpita
tiondu cœur», selon les autres.
119. Aph. IV 45 : W. II, p. 32835-3301.
120. Gal. In Hipp. Aph. IV 65 (Κ. 172, p. 745n-7463s) : κοιλία, καρδία, στόμα της
γαστρός, καρδι.αλγία, καρδιώσσειν, καρδιαλγεΐν, καρδιωγμός.
121. Aph. IV 65 : D. Π, p. 42511"19.
122. Aph. IV 66 (68) : W. Π, ρ. 37617-3788.
123. Ibidem, p. 3789"14.
36 WANDA WOLSKA-CONUS

choses étant ce qu'elles sont (τούτων ύπόντων), d'autres parties seront


elles aussi touchées de convulsions.»
Ce développement ne figure pas, sous cette forme, dans le comment
aire de Galien124, mais c'est manifestement Galien qui inspire la
réflexion attribuée par Stephanos à un Galien qui, dans notre hypothèse,
n'est qu'un Pseudo-Galien ; le Galien authentique, lui, écrit ce qui
suit125 : «... (le spasme) arrive, lorsque les muscles et les nerfs mettant en
mouvement le thorax sont déjà prédisposés à des convulsions (ηδη
σπασμωδώς διακειμένων). Cette disposition allant croissant et affec
tant (έπιλαβούσης) plusieurs parties (du corps), un spasme véritable
s'empare de l'homme.»
Théophile ne connaît pas cette explication «merveilleuse» de Galien
rapportée par Stephanos. Son texte126, cependant, à quelques détails près
(par exemple, la précision qu'il s'agit ici d'un spasme dû à la sécheresse
du corps tout entier), se retrouve dans le commentaire de Stephanos.

Αρη. IV 67 (69)
Dans un long commentaire à Y Aphorisme IV 67 (69) — «Quand on
rend des urines épaisses, grumeuses, peu abondantes, et cela sans fièvre,
une grande quantité d'urine ténue, qui succède, soulage : cela se manif
este surtout chez ceux dont les urines déposent dès le commencement
ou peu après» — , conçu dans le cadre d'une théôria 127, suivie d'une
lexis 128, Stephanos se réfère à trois reprises à Galien. «Elle est admir
able, écrit-il129, la sentence (λόγος) que nous transmet maintenant
Hippocrate ; elle est de celles qui s'appliquent à chaque circonstance et à
tout temps, dans la réalité des choses aussi bien que dans les œuvres de
l'art. Arrivé à ce passage, Galien, expliquant le présent aphorisme, dit
dans son commentaire : ce qu'Hippocrate relate ici appartient de nos
jours aux choses courantes (των ως έπι παν και άει γινομένων εστίν),
mais aux hommes de l'époque d'Hippocrate, cela arrivait rarement (των
σπανίως ^σαν). Nous en apprendrons la raison avec la progression de
notre discours. On peut cependant admirer le génie (την μεγαλόνοιαν )

124. Gal. In Hipp. Aph. IV 68 : Κ. 172, p. 749u-75014.


125. Ibidem, p. 74916-7503.
126. Aph. IV 68 : D. II, p. 42625-4279.
127. Aph. IV 67 (69) (W. II, p. 37828 - 38036) : cette théôria (cf. p. 38235 : ως εν τη
θεωρία ελέχθη) est conçue elle-même sous forme d'un exemple (υποτίθεται) de
confrontation entre un χορός τών άγελαίων ιατρών et un ιατρός επιστήμων και
τεχνίτης qui se retrouvent au chevet d'un malade et qui interprètent chacun à sa manière
le phénomène décrit par Hippocrate.
128. Ibidem, p. 38212-38436 : cette lexis commence avec la reprise du lemme ; on y
trouve aussi quelques idées qui viennent du commentaire de Galien {In Hipp. Aph. IV 69 :
K. 172, p. 7513-7538), ainsi que des remarques sur deux lectures possibles : θρομβώδεα et
βορβορώδεα.
129. Aph. IV 67 (69) (W. II, p. 3781927) : θαυμαστός έστιν ό νυν ύφ" Ιπποκράτους
παραδιδόμενος ήμΐν λόγος και τών ώς έπι πάν καΐ άει εν τοις πράγμασιν καΐ τοις
εργοις της τέχνης συμβαινόντων εστίν. Ένταΰθα γενάμενος ό Γαληνός έν τω
ύπομνήματι...
UN «PSEUDO-GALIEN» 37

d'Hippocrate, étant donné qu'il a décrit pour nous l'état de choses (την
κατάστασιν) qu'il a vu rarement.»
Stephanos, comme il l'a promis, revient un peu plus loin sur la cause
du phénomène relevé par Galien. Il écrit130 : «Et voilà les choses
qu'Hippocrate nous transmet à travers les remarques que nous venons de
faire (δια τούτων). Il nous faut donc examiner maintenant la cause que
nous avons suggérée plus haut. Eh bien, la raison de la différence (entre
les deux époques) est, selon Galien, la suivante : les affections de ce
genre (ταΰτα) arrivent de nos temps de manière générale et tous les
jours (ώς επί παν και άει), parce que les hommes mènent actuellement
une vie efféminée, au milieu des fêtes, des beuveries et dans l'oisiveté ;
aussi les chymes épais et crus qui s'accumulent à la suite de continuelles
indigestions font qu'à notre époque ces affections sont communes. À
l'époque d'Hippocrate, au contraire, elles arrivaient rarement, parce que
les hommes étaient occupés à travailler et à cultiver la terre (τη
γεωπονία και γεωργία έσχόλαζον) ; ils ne savaient pas s'adonner à la
vie molle et voluptueuse ; ils usaient d'une nourriture simple et ne ces
saient pas de faire des exercices ; alors (το τηνικαΰτα), ils n'accumul
aient pas de résidus superflus et n'amassaient pas de chymes crus ; aussi
tombaient-ils rarement malades, victimes de cette affection. Voilà ce
qu'on peut dire en guise d'introduction au discours (hippocratique)
(ταΰτα ως εν προθεωρία ειρήσθω του λόγου).»
Stephanos reprend alors quelques phrases du lemme (? lexis), et c'est
à propos de l'expression «(urine) tenue qui succède, soulage» qu'il cite,
une fois de plus, Galien. «Ici, Galien, écrit-il131, fait la remarque suivante
(έπεσημήνατο) dans son commentaire : voilà, ici encore Hippocrate a
substitué la cause efficiente au signe (άντι του δηλωτικοί) το ποιητικον
τέθεικεν), comme si c'était l'urine tenue qui soulagerait; ce n'est pas
l'urine qui soulage, mais bien la faculté (δύναμις) qui digère (l'urine)
épaisse et grumeuse et la rend ténue ; c'est elle la cause efficiente du
soulagement, j'entends la faculté et non pas l'urine. Par contre, c'est
l'urine qui indique et en quelque sorte signale que la matière a été digé
rée; elle n'est pas la cause efficiente. Il est arrivé à Hippocrate de comm
ettre cette erreur (τοΰτο δέ πέπονθεν), parce que, comme nous
l'avons dit à plusieurs reprises, pressé par les choses (έπειγόμενος περί
τα πράγματα), il néglige l'élégance du style (καταφρονεί το
καλλώπισμα της φράσεως).»
Aucune de ces trois interventions de Galien citées par Stephanos ne
figure dans le commentaire de Galien132; ni non plus, d'ailleurs, dans
celui de Théophile, dont le texte, du moins sa première partie, conçue
sous la forme d'une confrontation entre les médecins133, se retrouve dans
la théôria de Stephanos.

130. Ibidem, p. 38037-382".


131. Ibidem, p. 38419"26.
132. Gal. In Hipp. Aph. IV 69 ; Κ. 172, p. 75015-7538.
133. Aph. IV 69 : D. II, p. 42716-4286 ; voir ci-dessus note 127.
38 WANDA WOLSKA-CONUS

Αρη. IV 77 (79)
Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner Y Aphorisme IV 77 (79) —
«Chez les gens qui ont dans l'urine les dépôts de grains de sable, la ves
sie ou le rein souffrent de lithiase» — , à propos des expressions telles
que τινές, έτεροι, άλλοι, άλλη έξήγησις, qui, dans certains cas, ren
voient au texte de Théophile, autrement dit, dans notre hypothèse, à
Asclèpios, l'Exégète du présent ouvrage134.
Nous n'aurons plus à y revenir, sauf pour évoquer deux variantes des
manuscrits signalés par Stephanos : certains d'entre eux (τινά των
αντιγράφων), dit-il, donnent «la vessie ou le rein» — c'est la variante
qu'il choisit — ; d'autres, ajoute-t-il, n'ont que la «vessie»; c'est la
leçon, — mais il ne le dit pas — , qu'on trouve dans le commentaire de
Galien. En effet, tout en gardant cette leçon tronquée par rapport à celle
retenue par Stephanos, sans la moindre allusion aux variantes qu'on
découvre dans les manuscrits, Galien135 envisage l'omission possible des
mots «ou le rein» par Hippocrate lui-même ou par l'un des premiers
copistes. De cette constatation, il ne tire cependant pas de conséquence,
puisqu'il garde la leçon traditionnelle «la vessie». Ce sont les exégètes
des générations suivantes (οι νεώτεροι) qui s'en sont chargés136 et parmi
eux la source de Stephanos, ό Νεώτερος 'Εξηγητής, dans notre hypot
hèse, un Pseudo-Galien.
Comme aussi, d'ailleurs, l'Exégète Asclèpios, à en croire Théophile,
son porte-parole, qui, sans faire allusion aux variantes des manuscrits ou
à un Galien quelconque, adopte la leçon η κύστις... η νεφρός137.

Αρη. IV 80 (82)
Venons-en à Y Aphorisme 80 (82) : «Chez ceux à qui il vient des tuber
cules138 dans l'urètre, ces tubercules suppurant et s'ouvrant, il y a solu
tion.» Stephanos écrit139 : «Cet aphorisme est clair et son sens est évi
dent. Il dit en effet : "si les tubercules (φύματα) se forment" ; nous
savons ce qu'est le "tubercule". Eh bien, ici (νυν) par urètre, Hippocrate
entend le col de la vessie. Puisqu'il est donc dit : si les tubercules se fo
rment dans l'urètre et si, une fois arrivés à suppuration — plus précisé
ment à la formation de pus — , ils crèvent (έκραγέντα), une résorption
(λύσις) de la tumeur (του δγκου) s'ensuit. Ceux qui l'ont expliqué

134. Aph. IV 77 (79) : W. II, p. 42030-42212s ; cf. REB 54, 1996, p. 36-37.
135. Gal. In Hipp. Aph. IV 79 : Κ. 172, p. 775"-7762.
136. Voir Littré, IV, p. 531, ad locum, qui pense que les manuscrits «qui portent ή
κύστις η νεφρός avaient été corrigés d'après le commentaire de Galien.»
137. Aph. IV, 79 : D. II, p. 43513"21.
138. Φύματα, dans le texte, que nous traduisons, en nous écartant de la traduction de
Littré («tumeurs») et en nous inspirant de celle de Kühn, par «tubercule» (petite tumeur
ou excroissance!), opposé, par la suite, dans le commentaire de Stephanos, à ογκος-
«tumeur».
139. Aph. IV 80 (82) : W. II, p. 42623-4282.
UN «PSEUDO-GALIEN» 39

(ainsi) ont tort (κακώς έξηγησαντο). Aussi, arrivé à ce passage, Galien


déclare dans son commentaire : cette explication n'a rien qui soit digne
de la pensée d'Hippocrate, car c'est une chose connue de tous
(πουβλικδν γάρ έστιν τοΰτο). Qui ne sait pas que, le tubercule une fois
crevé, la tumeur (όγκος) diminue et disparaît (αφαιρείται και
παύεται) ? Ces gens-là ont donc donné une mauvaise interprétation ;
c'est pour cela que Galien en propose une que voici : dans le cas d'un
tubercule, il y a nécessairement de la douleur dans l'urètre, mais aussi
une obstruction s'ensuit en raison de la tuméfaction du tubercule (δια
τον δγκον του φύματος), et là-dessus survient la strangurie. Si donc,
arrivé à suppuration, le tubercule crève, il y a résorption non pas de la
tumeur — qui ne le sait pas ? — ; c'est la douleur et la strangurie qui
cessent.»
Reportons-nous maintenant à Galien140 : «En raison de sa concision,
cet aphorisme, dit-il, n'a rien qui vaille une réflexion. En effet, il est
facile à n'importe qui de comprendre que les tubercules qui s'étaient for
més dans le canal urétral qui longe le pénis — c'est cela qu'on appelle
urètre — une fois crevés, la résorption s'ensuit. Cependant, ajoute t-il, si
l'on y prête plus d'attention, (on y découvre) l'indication (ενδειξίς έστι)
d'une réalité plus importante (τινός μείζονος πράγματος). Il est pos
sible, en effet, qu'une rétention d'urine se produise (ίσχουρίαν τινά) à
la suite d'un tel tubercule et que, justement, ce tubercule une fois crevé,
la rétention d'urine — c'est clair — disparaisse (ίάσεται).»
Ainsi, le Galien cité par Stephanos et le Galien dont nous lisons le
commentaire tombent d'accord sur le sens de l'aphorisme : λύσις
signale la disparition de la douleur et de la strangurie, et non pas la
résorption de la tumeur. Si l'on comprend mal cet aphorisme, la faute en
revient aux exégètes, selon le Galien cité par Stephanos, alors que
Galien, lui, s'en prend à Hippocrate lui-même, à sa brachylogie excess
ive.
Théophile ignore Galien, faux ou authentique. Son texte, bref et clair,
se retrouve intégralement dans le commentaire de Stephanos. Il écrit141 :
«Par urètre, (Hippocrate) entend ici le col de la vessie. Si, dit-il, dans
l'urètre, plus exactement dans le col de la vessie, les tubercules arrivés à
suppuration — autrement dit à la formation du pus — crèvent, la solution
(λύσις) s'ensuit. La solution de quoi? Eh bien la solution de la douleur
et de la strangurie. En effet, c'est à cause des tubercules qu'est venue la
douleur et qu'une obstruction s'en est suivie, et, de là, la strangurie.»

Aph. IV 81 (83)
Le commentaire à Γ Aphorisme IV 81 (83) — «Uriner beaucoup pen
dant la nuit annonce des évacuations alvines peu abondantes» — débute
par un long exposé qualifié de προθεωρία. Il se développe en trois par-

140. Gal. In Hipp. Aph. IV 82 : K. 172, p. 778613.


141. Aph. IV 82 : D. II, p. 43631-4374.
40 WANDA WOLSKA-CONUS

ties : 1) la φυσική θεωρία traite du processus de la «triple


digestion»142 ; 2) la διάγνωσις se présente sous la forme d'un entretien
avec un malade143 ; 3) la θεραπεία livre les réflexions du médecin sur
les mesures à prendre (θεωροΰντός μου δτι πολλά ήνέχθησαν ούρα,
εννοώ...)144.
Cette προθεωρία est suivie d'une reprise du lemme, qui marque le
début de ce qu'on pourrait appeler σαφήνεια της λέζεως. Stephanos y
insiste en effet sur l'importance du terme εκ νύκτωρ, étant donné que
c'est pendant le sommeil que les facultés physiques accomplissent géné
ralement (έπι πάν) leurs activités (έν τω υπνω πάσαι αί φυσικά!
ένεργοΰσιν δυνάμεις)145.
Ces préalables une fois déterminés, Stephanos, s' adressant à ses
élèves, cite Galien146 : «D'autre part, sache ceci également (πάλιν εσο
και τούτο γινώσκων δτι...) : bien qu'Hippocrate n'ait mentionné que la
moitié (de la règle) (του ενός έμνημόνευσεν), à savoir "uriner beau
coup pendant la nuit147 annonce l'évacuation alvine peu abondante", tu
dois, toi, énoncer l'autre motié (de la règle) également (συ δε είπε και
το άλλο) : si l'évacuation alvine est abondante, on urine peu. Quant à
Galien148, arrivé à ce passage, il déclare qu'il manque à l'aphorisme
l'autre moitié (de la règle) et que c'est toi qui dois suppléer ce qui est
sous-entendu (προσυπακουσαι προσόν) et ajouter: si l'évacuation
alvine est abondante, on urine peu. Sauf, précise Stephanos149, que
Galien affirme : moi, j'ai trouvé dans certaines anciennes copies les deux
leçons écrites l'une comme l'autre (τα αμφότερα γεγραμμένα), mais
pas n'importe comment, mais de la façon que voici : uriner beaucoup
pendant la nuit annonce l'évacuation alvine peu abondante et vice- versa
(ωσαύτως δε και το εναντίον), c'est-à-dire, si l'évacuation alvine
devient abondante, cela annonce l'évacuation urinaire insignifiante. Eh
bien, si l'aphorisme se présente ainsi, il est correct (και ει μεν έχει
ούτως, ιδού και καλώς), puisque tu sous-entends l'autre moitié (έπεί
τοί γε προσυπάκουσον και το αλλο).»

142. Aph. IV 81 (83) : W. Π, ρ. 42825-43019.


143. Ibidem, ρ. 43019"27 ; cf. le commentaire de Théophile (Aph. IV 83 D. II, p. 43710"
18), qui inspire la transposition de Stephanos.
:

144. Aph. IV 81 (83) : W. II, p. 43028-4328. Il est intéressant de comparer les indica
tionspratiques et directes de Stephanos avec l'énoncé du principe thérapeutique seul de
Galien (In Hipp. Aph. IV 83 : Κ. 172, p. 77912-7803).
145. Aph. IV 81 (83) (W. II, p. 4321316, et Stephanos d'ajouter: ούχ οτι και έν τη
ήμερα ου γίνονται ταύτα, ού τοϋτό μου λέγοντος1 ενδέχεται γαρ μετά την τροφήν
ύπνώσαι και γενέσθαι ταΰτα' άλλα μετά αληθείας ού τοσαΰτα ύπνοΰμεν έν τη
ημέρα οσα έν τη νυκτί, καΐ δια τούτο έκ του ώς έπί παν έποιήσατο τον λόγον.
146. Ibidem, p. 43217"20.
147. Ibidem, p. 43218 : έν νυκτί, alors que dans le lemme on lit έκ νύκτωρ. Cette
divergence entre la citation d'Hippocrate dans le texte et le lemme n'est pas rare dans le
commentaire de Stephanos.
148. Ibidem, p. 43220"22 : les paroles attribuées ici à Galien ne sont qu'une répétition de
ce qui précède, ou bien, phutôt, une maladresse de Stephanos.
149. Ibidem, p. 4322227.
UN «PSEUDO-G ALIEN» 41

Se rapporte-t-on au texte de Galien150, on n'y trouve rien sur la défec


tuosité de l'aphorisme ni sur la présence dans certains manuscrits
anciens de «l'autre moitié» de la règle omise par Hippocrate.
Quant à Théophile151, si l'on découvre sa brève paraphrase intégrée
dans la théôria de Stephanos152, le nom de Galien n'y est même pas
mentionné.

Aph. V 5
À propos de Y Aphorisme V 5 — «Si un homme ivre perd subitement
la voix, il meurt saisi de spasmes, à moins que la fièvre ne survienne ou
que, atteignant l'heure où l'ivresse se dissipe, il ne recouvre la
parole» — , Stephanos écrit ce qui suit153 : «Arrivé à ce passage, Galien
dit qu'il ne faut pas lire l'aphorisme en question de la façon que voici :
"Si un homme perd subitement la voix — virgule— pris de spasmes il
meurt" il ne faut pas le lire ainsi ; au contraire, il faut continuer (la
;
phrase) jusqu'aux mots "à moins que la fièvre ne survienne", et ainsi de
suite. En effet, pourquoi meurt-on ? Pas à cause du spasme, mais à cause
de l'aphonie, autrement dit de l'apoplexie. En effet, si nous lisons
(l'aphorisme) de cette façon, les paroles d'Hippocrate prennent une tour
nure correcte et deviennent faciles à suivre. Et voici l'explication admir
able qu'en a fait Galien.»
Remarquons cependant que cette proposition de changer la ponctuat
ion ne se lit pas dans le commentaire de Galien.
Quant à Théophile, il ignore cette «explication admirable» attribuée
par Stephanos à Galien ; en tout cas, il n'y fait pas la moindre allusion.

Αρη. V 7
Le commentaire de Stephanos à Y Aphorisme V 7 — «L'épilepsie qui
survient avant la puberté est susceptible de guérison ; mais celle qui sur
vient à vingt-cinq ans ne finit ordinairement qu'avec la vie» — partage
certes plusieurs idées avec le commentaire de Galien154. Cependant, c'est
à propos de la définition de l'âge de la puberté que Stephanos cite
Hippocrate et Galien : «Hippocrate, écrit-il155, dit que la puberté va de
quatorze à vingt-cinq ans ; Galien dit la même chose dans son commenta
ire», ce qui est, pour une fois, parfaitement exact156.

150. Gal. In Hipp. Aph. IV 83 : Κ. 172, p. 7797-7803.


151. Aph. IV 83 : D. II, p. 4377"18.
152. Aph. IV 81 (83) : W. II, p. 43021"26.
153. Aph. V 5 : W. III, p. 281219 ; cf. REB 54, 1996, p. 19-22, avec les notes correspond
antes.
154. Leur manière de les exposer et de les enchaîner est cependant très différente :
Stephanos, Aph. 7 (W. Ill, p. 3011"27), Gal. In Hipp. Aph. V 7 (Κ. 172, p. 79012-79216).
155. Aph. V 7 : W. III, p. 302527.
156. Gal. In Hipp. Aph. V 7 (K 172, p. 791 15~17) : ... τον της ήβης χρόνον εως των
πέντε και ει'κοσιν ετών έκτετάσθαι νομίζει, την αρχήν λαμβάνοντα μετά την
δευτέραν εβδομάδα. Cf. aussi ibidem, p. 7921213.
42 WANDA WOLSKA-CONUS

Théophile, dont le commmentaire diffère assez, sinon pour le contenu,


du moins pour la forme, de celui de Stephanos, retient la même défini
tionde l'âge de l'adolescence : quatorze — vingt-cinq ans157.

Aph. V 8
Venons-en à Y Aphorisme V 8 : «Si un homme est pris par un spasme
ou un tétanos, la fièvre aiguë survenant fait cesser la maladie.»
Stephanos écrit158 : «Certains (tines) affirment que cet aphorisme est une
interpolation. En effet, il n'apporte rien de neuf par rapport à
Y Aphorisme qui dit... (II 26). D'autres (hétéroi), cependant, soutiennent
que (les deux aphorismes) diffèrent (l'un de l'autre) pour autant que le
premier traite du spasme seul, alors que celui-ci (parle) du tétanos égale
ment. Ou encore on peut avancer que le tétanos lui aussi est une espèce
de spasme, si l'on ose dire, comme le fait Galien qui dit que, dans le cas
du tétanos, les parties (du corps) affectées par le spasme ne se laissent
pas voir, et l'on n'a pas l'impression de voir le tétanos, car la forme de la
colonne vertébrale reste droite dans le cas du tétanos...»
Ainsi l'attribution de cette réflexion à Galien est claire ; cependant, ni
Galien, dont nous lisons le commentaire, ni Théophile (Asclèpios) ne
semblent connaître l'existence de cet aphorisme. Une fois de plus, nous
rencontrons ce Galien mystérieux, amplement utilisé par Stephanos,
resté inconnu de Théophile.

Αρη. Vil (10)


Commentant Y Aphorisme Vil (10)159 — «Ceux qui échappent à l'an
gine, (le mal) se porte chez eux sur le poumon et160 ils meurent en sept
jours ; s'ils passent ces sept jours, ils sont pris de suppuration» — ,
Stephanos se réfère à Galien à deux reprises.
Une première fois, lorsqu'en répondant à une aporie concernant le
«septième jour», Stephanos écrit161 : «Après cela, ils demandent : com-

157. Aph. V 7 : D. II, p. 44318"30, particulièrement 1. 28-30.


158. Aph. V 8 : W. III, p. 3219 ; voir REB 54, 1996, p. 35-36, avec les notes correspond
antes.
159. Aph. V II (10) : W. III, p. 401-444.
160. Notre traduction diverge de celle de Littré pour autant que celui-ci adopte une
leçon différente de celles de Stephanos et de Théophile : voir la note de Littré, ad locum,
ainsi que, plus loin, notre développement, p. 43-44.
161. Aph. V 11 (10) (W. III, p. 4036-429) : Είτα ζητοϋσιν οτι την έβδόμην ήμέραν
δρα πώς εχομεν άριθμησαι; Άφ'οδ ηρξατο ή κυνάγχη η άφ'οδ μετεδόθη ή υλη εις
τον πνεύμονα; ΚαΙ λέγει αυτός ό 'Ιπποκράτης και ό Γαληνός οτι δεί την έβδόμην
άριθμησαι άφ'οδ ηρζατο ή κυνάγχη. 'Εάν γαρ δσον έφ'έαυτη ή κυνάγχη εντός των
τεσσάρων ημερών επιφέρει τον θάνατον, πόσω μάλλον έπι κυριωτέρω μορίω
μετενεχθείσης της ΰλης, τουτέστιν επί τον πνεύμονα, τάχιστα ό κίνδυνος και ό
θάνατος συμβήσεται. Άλλα δει άφ'?)ς ηρξατο ημέρας ή κυνάγχη άριθμησαι την
έβδόμην ήμέραν, τεσσάρας της κυνάγχης καΐ δύο η τρεις ημέρας άφ'οδ ήλθεν ή υ
λη καΐ μετεδόθη επί τον πνεύμονα, και οϋτως γίνεσθαι την έβδόμην ήμέραν.
UN «PSEUDO-GALIEN» 43

ment devons-nous calculer le septième jour? Est-ce à partir du moment


où l'angine a commencé, ou bien à partir du moment où la matière s'est
déplacée vers le poumon? Eh bien, Hippocrate aussi bien que Galien
disent qu'il faut compter le septième jour depuis que l'angine a com
mencé. Si, en effet, l'angine, quant à elle, provoque la mort dans les
quatre jours, combien plus rapidement le danger de la mort se présen-
tera-t-il la matière une fois déplacée vers une partie plus importante, à
savoir vers le poumon? Il faut certes compter le septième jour à partir de
celui où l'angine a commencé : quatre jours de l'angine, deux ou trois
jours depuis que la matière a afflué et s'est transmise au poumon, et
voilà qu'on arrive à sept jours...162»
Remarquons dès maintenant que ni Hippocrate ni Galien163 ne se
livrent aux calculs qu'on leur attribue164.
Une deuxième fois Stephanos cite Galien à propos du texte même des
Aphorismes : «Arrivé à ce passage, poursuit-il165, Galien s'est expliqué

162. Stephanos complète son exposé en se référant aux Maladies des femmes I 35 (L. 8,
p. 821318). Il écrit (Aph. V 1 1 (10) (W. III, p. 42917) : Οΰτως γαρ και έν τοϊς Γυναικείοις ο
'Ιπποκράτης άπεφήνατο λέγων οτι "γυνή εάν μετά το τεκείν αυτήν μη καθαρθη την
λοχικήν κάθαρσιν, άλλ'έμμένη, τοΰτο έμμένον σήπεται και σηπόμενον άνάπτει
πυρετόν"· καΐ επειδή είώθασιν οί τοιούτοι πυρετοί έν τΐ) τεσσαρεσκαιδεκάτη
κρίνεσθαι, πόθεν δει άριθμησαι τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην ήμέραν; ' Αρα άφ'οδ ετεκεν
ή γυνή και έπεσχέθη ή λοχική κάθαρσις ή άφ'οδ ό πυρετός άνήφθη; Και λέγει ό
'Ιπποκράτης έκεϊσε οτι άφ'οδ ετεκεν ή γυνή και έπεσχέθη ή λοχική κάθαρσις δεϊ
άριθμησαι τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην ήμέραν, επειδή άπό τότε ένεφώλευεν ή
νοσοποώς αιτία και άπό τότε έμελετατο το νόσημα. L'opinion attribuée ici à
Hippocrate ne figure pas dans le traité Sur les maladies des femmes.
163. Gal. In Hipp. Aph. V 10 (K. 172, p. 7956"15), où l'on retrouve quand même
quelques idées exposées par Stephanos (dans le cadre d'une rencontre de deux médecins
au chevet d'un malade), par exemple le diagnostic de la maladie d'après le pouls (Aph. V
ευφορία·
11 (10) (W.και III, επιβάλλει
p. 4017"29) : τους
ου γαρδακτύλους
αρκείται (όαύτοΰ
επιστήμων
τώ καρπω
ιατρός)του
επί κάμνοντος
τη πεπλασμένη
και
σφυγμολογεϊ αυτόν. Και έάν εΰρη τους σφυγμούς σκληρούς και άνωμαλίαν τινά
καΙ άταξίαν έχοντας, επιμένει λυπούμενος... ει δέ γε εΰρη τον σφυγμόν μαλακόν
καΐ όμαλόν και τεταγμένον, εΰρη δέ καΙ ευπνουν τον οίνθρωπον και τήν δύναμιν
άνανεύουσαν, ευφραίνεται και άγάλλεται ό επιστήμων ιατρός....
164. Théophile, dont le texte se retrouve partiellement dans le commentaire de
Stephanos, n'a que ceci (Aph. V 10: D. II, p. 44613"15) : Έβδόμην δέ ήμέραν
άκουστέον, ουκ άφ'οδ ή μετάστασις γέγονεν, άλλ'έξ αρχής του νοσήματος. Aucune
allusion à Galien.
165. Aph. V 11 (10) (W. III, p. 421831) : Ένταΰθα δέ γενόμενος ό Γαληνός καλώς
πάνυ καΙ θαυμασίως επεσημήνατο λέγων οτι ου δει άποφαντικώς άναγνώναι τον
παρόντα άφορισμόν, άλλ'ύποθετικώς. Ό γαρ 'Ιπποκράτης άποφαντικόν έποιήσατο
τον λόγον, ου δει δέ οΰτως άναγνώναι, άλλα δει τον "και" σύνδεσμον ανωτέρω
λεχθήναι. Οΰτως γαρ εφη- "όκόσοι κυνάγχην διαφύγωσιν, εις τόν πνεύμονα αύτοϊς
τρέπεται". Ού δει οΰτως άναγνώναι άποφαντικώς, άλλ'ύποθετικώς τοϋ "καΙ
συνδέσμου ανω προστιθεμένου, Ίνα εσηται οΰτως ό λόγος· "όκόσοι κυνάγχην
διαφεύγουσιν καικαΙειςτα τόν
άποθνήσκουσιν" λοιπά.πνεύμονα
Έάν γαραύτοΐςοΰτως τρέπεται,
άναγνώμενέν μετάεπτάτοϋήμέραις
"και"
συνδέσμου, υποθετικός ευρίσκεται ό λόγος και εύοδοΰνται ήμΐν τα νυν
ύφ"
Ιπποκράτους λεγόμενα. Ουδέ γαρ πάντως εις τόν πνεύμονα μεταδίδοται ή ΰ-
λη, άλλ'εΐς τα κενά του θώρακος καΙ κοίλα, και το τηνικαΰτα ανάγεται εκείνη ή ΰ-
λη καΙ ούκ εσται απειλή θανάτου.
44 WANDA WOLSKA-CONUS

d'une manière admirablement juste, lorsqu'il dit qu'il ne faut pas voir
dans l'aphorisme en question une affirmation, mais bien une hypothèse.
Hippocrate, il est vrai, a composé un aphorisme affirmatif ; cependant, il
ne faut pas le prendre pour tel, mais il faut placer un peu plus haut la
conjonction et ; Hippocrate s'exprime en effet de la manière que voici :
"Ceux qui échappent à l'angine, le mal se porte chez eux sur le pou
mon". Il ne faut pas lire cet aphorisme ainsi, comme une affirmation ; il
faut le lire comme une hypothèse, après avoir ajouté, en la remontant, la
conjonction et, pour que l'aphorisme se présente comme suit : "Ceux qui
échappent à l'angine et (le mal) se porte chez eux sur le poumon, ils
meurent en sept jours", et ainsi de suite. Si nous lisons cet aphorisme
ainsi, avec la conjoncton et, il se trouvera être hypothétique et les paroles
d'Hippocrate prennent une tournure correcte. En effet, ce n'est pas tou
jours que la matière se porte sur le poumon, mais sur les creux et les
cavités du thorax ; alors la maladie remonte vers le haut, et il n'y a plus
menace de mort.»
Eh bien, en dépit des allégations de Stephanos, rien de tel ne se lit
dans le commentaire de Galien.
Il est cependant intéressant de constater que Stephanos aussi bien que
Théophile166 adoptent dans le lemme la leçon qu'ils contestent, ou du
moins qu'ils jugent peu satisfaisante, alors que, dans le corps de leur
commentaire, ils en proposent une autre, meilleure à leur avis, une leçon
que Stephanos attribue à Galien (Pseudo-Galien) et que Théophile intro
duit avec les mots : "Ινα σαφής γένηται ό αφορισμός, ύπερβιβαζέσθω
ό και σύνδεσμος και άναγινωσκέθω οΰτως... Une contradiction qu'il
est préférable, dans l'état actuel de nos analyses, de constater que d'en
chercher l'explication.

Αρη. V 14 (13)
U Aphorisme V 14 (13) — «Chez ceux qui crachent (άναπτύουσι) du
sang écumeux, ce sang vient du poumon» — donne à Stephanos l'occa
sionde s'arrêter, avec une référence à Galien, sur les différentes leçons
des manuscrits : «Arrivé à ce passage, écrit-il167, Galien a signalé que
certains manuscrits donnent "vomissent", d'autres "expectorent en tous
sant", d'autres encore "crachent". Ceux qui ont "vomissent" ont une
mauvaise leçon. En effet, on ne dit pas "vomir" pour les matières qui
remontent (τα αναγόμενα) de la poitrine ou des organes respiratoires,

166. Aph. V 10 (D. II, p. 4-11) : "Ινα σαφής γένηται ό αφορισμός, ύπερβιβαζέσθω
ό "καΐ" σύνδεσμος και άναγινωσκέσθω ούτως- "όκόσοι κυνάγχην διαφεύγουσι καΐ
εις τον πνεύμονα γίνεται ή μετάστασις, οδτοι έν επτά ήμέραις άποσθνήσκουσιν".
η""Εάν γαρ έν άκυροτέρω μορίω ούσης της ϋλης, τουτέστιν έν φάρυγγι, θανάσιμον
ν, πολλφ μάλλον έπι κυρίω μορίφ, τουτέστιν έν πνευμόνι μετενεχθείσης της ϋλης,
ό θάνατος επακολουθήσει, πνιγμοΰ γεγονότος... À comparer avec les textes de
Stephanos transcrits ci-dessus dans les notes 161 et 165.
167. Aph. V 14 (13) : W. III, p. 5014"27.
UN «PSEUDO-GALIEN» 45

mais bien pour celles qui viennent des parties concernant la nourriture,
j'entends l'estomac et le ventre, et d'autres organes de ce genre. On ne
dit pas "vomir", comme on l'a déjà fait remarquer, pour les matières
remontant des parties respiratoires. À moins qu'on soutienne
qu'Hippocrate a dit "vomissent" en prenant en considération l'abon
dance et la quantité de sang qui s'écoule, puisque "vomir" (fait penser) à
des flots compacts qui se répandent. Cependant, que le sang rejeté soit
abondant ou de petite quantité, on peut affirmer que, de toutes façons, les
gens meurent des suites d'un tel mal168 ; mais ce n'est pas sur quelque
chose de ce genre qu'Hippocrate tient son discours. Et si les manuscrits
donnent "expectorent en toussant" ou "crachent", ils donnent une bonne
leçon, puisque nous avons l'habitude de dire "expectorent en toussant"
ou "crachent" en parlant des matières qui remontent des organes respira
toireset de la poitrine169.»
Les remarques de Stephanos, on les retrouve dans le commentaire de
Galien170. Les trois mots (έμέουσι, άναβήττουσιν, άναπτύουσιν) y
sont mis en relation, comme chez Stephanos, avec la notion de la quant
itéde sang rejeté et avec les parties du corps lésées.
Théophile171, dans son commentaire, très bref, plus proche de celui de
Stephanos que de celui de Galien, ne dit pas autre chose.

168. Cette conclusion de Stephanos est à rapprocher de l'opinion de Galien : voir ci-
dessous, la note 170.
169. Stephanos explique longuement pourquoi le «sang écumeux» indique qu'il vient de
poumon (Aph. V 14 (13) (W. III, p. 4820'37) ; ΕΊ'ρηται οτι ό πνεύμων ÔLa την καρδίαν
έγένετο· αυτί) γαρ υπουργεί ôtà το ριπίζειν και ανεγείρει το εμφυτον θερμόν και
είσάγειν καθαρόν αέρα, έξάγειν δε τα λιγνυώδη περιττώματα. Διό δια τοΰτο γέγονεν
αυτός ό πνεύμων λεπτός τΐ) ουσία και κουφός καΐ μανός καΐ σομφώδης και τα
τοιαύτα, δια την καρδίαν. "Οθεν καΐ άπό λεπτομερούς και κούφου αίματος
τρέφεται... και κατά άλλον τρόπον ούκ ήδύνατο άπό παχύτερου α'ι'ματος τρέφεσθαι,
δια τό άεικίνητον άει γαρ κινείται· άει δε αυτοί) κινουμένου ούκ εφθαζεν πέψαι καΐ
άλλοιώσαι τό παχύτερον αίμα... 'Εάν οδν αφρώδες αίμα άναπτύεται υπό τίνος, εσο
γινώσκων οτι έζ αύτης της ουσίας του πνεύμονός έστιν τό άναγόμενον...
170. Gal. In Hipp. Aph. V 13 (Κ. 172, p. 79710-7985) : Και τών αντιγράφων τα
πολλά και τών έζηγησαμένων τό βιβλίον ούκ ολίγοι ϊσασι κατά τήνδε την λέξιν τόν
άφορισμόν γεγγραμένον, "όκόσοι αφρώδες αίμα έμέουσι". Καί τινές γε την
έξήγησιν αύτου ποιούμενοι πλήθος ένδείκνυσθαί φασι τουνομα καί δια τοΰτο άπό
του κυρίου μετενηνέχθαι. Προδήλως δ'οδτοι καταψεύδονται τοΰ φαινομένου.
Πολλάκις γαρ ώπται πτύσις αίματος αφρώδους άνευ πλήθους γεγενημένη. Εί μεν
οδν όντως ύφ" Ιπποκράτους οί5τως έγράφη, κατακεχρησθαι τη προσηγορία
φήσομεν αυτόν. Ού γαρ δη τό μεν πολύ την έκ πνεύμονος άναγωγην δηλοϊ, τό
δ'όλίγον έξ αλλού τινός.
171. Aph. V 13 : D. Π, ρ. 44729-4485.
46 WANDA WOLSKA-CONUS

Αρη. V 23 (22)
Dans un très long commentaire172 au très long Aphorisme V 23 (22)
sur les bienfaits de la chaleur suppurative pour différentes affections173,
Stephanos cite Galien à deux reprises.
Une première fois à propos de l'expression μέγιστον δε σημείον ές
άσφαλείην («signe très important pour assurance»)174 : «Galien dit que
cette phrase a été interpolée. Et il (? Hippocrate) énumère d'autres mala
dies et y associe la plaie175. En effet, que dit-il? "La chaleur est suppurat
ive dans les plaies" et il ajoute en disant : "signe très important" — Quel
signe? Eh bien, le pus — "pour assurance", et il (qui? Hippocrate ou,
plutôt le Pseudo-Galien cité par Stephanos qui croit que la phrase est
interpolée?) veut qu'on ajoute de la guérison, de sorte justement qu'(on
obtienne ceci) : le pus, s' agissant des plaies, est le signe le plus sûr et le
plus important de retour prochain à la santé. C'est ainsi que dans le Περί
τροφής116 il dit aussi : "le pus, aliment des plaies".»
Tout ce développement est très maladroit. Il s'agit sans doute des notes
prises à la hâte par un auditeur ou par Stephanos lui-même parcourant rap
idement, avant son cours, le commentaire de Galien (du Pseudo-Galien).
Ou peut-être, plus simplement, le texte est-il lacunaire ou corrompu.
Si, dans le commentaire de Galien, par ailleurs très proche de celui de
Stephanos, on ne trouve rien sur les interpolations et les compléments à
apporter au texte d'Hippocrate, il semble bien d'autre part que ce soit lui
qui a inspiré les remarques du Pseudo-Galien cité par Stephanos. Galien
écrit177: «Le signe important d'assurance, s'agissant des plaies, est

172. Aph. V 23 (22) : W. III, p. 7422-8417.


173. Et voici le début de cet aphorisme, avec sa traduction par Littré : Το θερμον
έκπυητικόν ουκ επί παντί έλκει, μέγιστον σημείον ές άσφαλείην... «La chaleur est
suppurative dans les plaies, mais non dans toutes, et fournit, quand elle l'est, un signe très
important de salut... »
174. Aph. V 23 (22) (W. III, p. 7623"30) : "Μέγιστον δε σημείον ές άσφαλείην".
Λέγει ό Γαληνός οτι παρεντέθειται το ρησείδιον τοΰτο. Και αλλά πάθη καταλέγει
και έλκος αρμόζει. Τί γάρ φησιν; "Οτι "το θερμον έκπυητικόν έστιν ελκεσιν". Και
επιφέρει λοιπόν και λέγει "μέγιστον δε σημείον" - το τί; το πύον - "ές άσφαλείην",
θέλει δε προστεθηναι ύγιεινήν; οτι τυχόν άσφαλέστατον και μέγιστον σημείον έστι
το πύον τοις ελκεσι του εις ύγείαν μέλλειν τρέπεσθαι. Οΰτω γαρ και έν τω Περί
τροφής αυτός λέγει οτι "ελκεσι το πύον τροφή"...
175. Ibidem, p. 76Μ1 : και έλκος αρμόζει. On doit, à ce qu'il semble, rapporter ces
mots à ούκ επί παντί έλκει (voir ci-dessus, la n. 173) : la chaleur n'est pas suppurative
pour toutes les plaies ; elle l'est pour les plaies simples (έπι τών απλώς ελκών όντων), et
non pas pour les plaies dites complexes (ού μην έπι τών συνθέτων), autrement dit les
plaies purulentes, soumises à l'afflux de la matière (μετά φλεγμονής και ΰλης
έπιρρύτου ελκών..., επειδή σύνθετα οντά εχουσι και σηπεδόνα, το δε θερμον ού
μόνον θερμον έστιν άλλα και ύγρόν... και ετι επιτείνει την σηπεδόνα το θερμον), et,
selon le mot de Galien (In Hipp. Aph. V 22 : K. 172, p. 8097"8), «... (les plaies) auxquelles
la chaleur ne convient pas, qui restent sans subir l'action suppurative de la chaleur» (έφ'
ών γαρ ούχ άρμόττει, θεάση ταϋτ'άνεκπύητα μένοντα προς του θερμού).
176. Hipp. Nutr. 52 : L. 9, ρ. 1 1813.
177. Gal. In Hipp. Aph. V 22 : Κ. 172, p. 8081316.
UN «PSEUDO-GALIEN» 47

fourni par le pus et par son efficacité médicamenteuse. Rien de mauvais


ne peut arriver à une plaie produisant du pus..ï»
Théophile178, quant à lui, reproduit un texte identique à celui qu'on lit
dans le commentaire de Stephanos. Il ne fait cependant aucune allusion à
un Galien quelconque.
C'est à propos des mots εδρη, αίδοίω, κύστει, ύστερη que Stephanos
se réfère, pour une deuxième fois, à l'autorité de Galien1'9 : «...Si le froid
est en effet hostile aux nerfs, le chaud leur est utile, autrement dit le
chaud est utile, comme cela semble à Galien, aux parties nerveuses, de la
manière que voici ; il dit en effet dans son commentaire que ce sont là les
parties nerveuses et qu'elles servent d'une sorte de portes et de portails
pour les parties maîtresses. Si le froid passe en effet à travers le siège, il
frappe les intestins, puis le ventre et l'estomac — et, voilà, la digestion
se détraque ; s'il traverse les parties génitales, il frappe l'uretère, la vess
ie, les reins et le foie, et ceux-ci se gonflent d'air ; s'il traverse le col de
la matrice, il frappe la matrice elle-même, — le résultat, c'est la stérilité.
C'est donc parce que le froid est l'ennemi assassin pour les parties qu'on
vient de nommer qu'il y a des portes et une sorte de portail devant les
parties maîtresses, comme cela semble à Galien ; la chaleur est donc utile
à ces parties-là ; c'est elle qui décide de la crise.»
En relisant le commentaire de Galien180, on constate que pour lui aussi
le chaud est l'ami qui décide de la crise (φίλον και κρίνον), tandis que
le froid apparaît comme un ennemi qui tue (ττολέμιον και κτεΐνον).
Cependant, l'image du portail, qui défend l'accès aux«parties maî
tresses» du corps, n'y figure pas. Revient-elle à Stephanos? Ou bien plu
tôt à cet énigmatique (Pseudo- ?) Galien — la référence réitérée à son
commentaire est explicite — qui, une fois encore, intervient dans le
commentaire authentique que nous connaissons?
Pas de traces de ces raisonnements attribués à Galien chez Théophile.

Aph. V 27 (25)
Venons-en à V Aphorisme V 27 (25), déjà examiné à propos des rap
ports qui s'établissent, à notre avis, d'une part entre le Galien cité par

178 Aph. V 22 (D. II, p. 45414"18) : Λοιπόν έπι των απλών ελκών έκπυητικδν το
θερμδν και μέγιστον σημεϊον "ές άσφαλείην", τουτέστι μέγιστον καΐ άσφαλέστατόν
έστι σημεϊον το πύον τοϊς ελκεσι του εις ύγείαν μέλλειν τρέπεσθαι, cf. n. 174.
179 Aph. V 23 (22) (W. Ill, p. 846"17) : Ει γαρ το ψυχρόν πολέμων έστι νεύροις, το
θερμόν ώφέλιμον αύτοϊς έστιν. Ή ώφέλιμόν έστι το θερμόν, ώς δοκεϊ τώ Γαληνώ,
τοις νευρώδεσι μορίοις τον τρόπον τούτον φησιν γαρ εν τώ ύπομνήματι οτι ταΰτα
τα μόρια νευρώδη είσιν καΐ οίον θύραι και πύλαι κυρίων μορίων είσίν. Ει μέν γαρ
δι'εδρας διήκει και διέλθη ή ψΰξις, πλήττονται έντερα, είτα γαστήρ και στόμαχος,
και βλάπτονται αί πέψεις· ει δέ δι'αίδοίων διέλθη, πλήττονται ουρητήρες, κύστις,
νεφροί, ί)παρ, και έμπνευματοϋνται· ει δέ δια του τραχήλου της μήτρας διέλθη,
πλήττεται αύτη ή μήτρα καΐ γίνεται άγονία. Του οδν ψυχροΰ πολεμίου οντος και
κτείνοντος εν τούτοις τοις μορίοις δια το είναι θύρας καΙ οίον πύλας κυρίων μορίων,
καθώς τω Γαληνώ δοκεϊ, ούκουν τδ θερμόν ώφέλιμον αύτοΐς έστι και κρίνον.
180. Gal. In Hipp. Aph. V 22 : Κ. 172, p. 81016-8119.
48 WANDA WOLSKA-CONUS

Stephanos et Asclèpios181, et d'autre part entre le même Galien et le


Nouvel Exégète182 : «Les gonflement et les douleurs sans plaies, dans les
articulations, la goutte, les ruptures (musculaires) sont généralement sou
lagés par d'abondantes affusions d'eau froide qui diminuent la tuméfact
ion et amortissent la douleur ; un engourdissement modéré a la propriété
de dissiper la douleur.»
Stephanos écrit183 : «Arrivé à cet aphorisme (ενταύθα), Galien sou
tient dans son commentaire que le passage en question est étranger à la
pensée d'Hippocrate et en quelque sorte intercalé au milieu (du texte). Et
même si ce passage revient à Hippocrate, il n'a pas de sens, à ce qu'il
semble. En effet, si le spasme se présente comme une solution de la sub
stance fibreuse, autrement dit de la substance nerveuse, comment
Hippocrate peut-il soutenir ici que le froid soulage et fait du bien aux
nerfs, alors que plus haut (Aph. V 19 (18)), il a affirmé que le froid est
l'ennemi des nerfs? Aussi Galien et plusieurs autres exégètes η 'ont-ils
pas cru juste de commenter cet aphorisme ; au contraire, ils l'ont com
plètement écarté en tant qu'étranger à la pensée d'Hippocrate et, en
quelque sorte, intercalé au milieu (d'autres aphorismes).»
Eh bien, en dépit de cette affirmation de Stephanos, claire et nette, on
ne voit pas Galien critiquer ou rejeter dans son commentaire l'aphorisme
en question ; il n'y aborde pas non plus le traitement des spasmes par
Γ affusion d'eau froide.
Quant à Théophile184, il ne fait aucune allusion à un Galien quel qu'il
soit.

Aph. V 34 (33)
Passons à Γ Aphorisme V 34 (33) : «Chez une femme dont les règles
manquent, il est bon que du sang s'écoule par les narines.» Stephanos
écrit185 : «Arrivé à ce passage, Galien dit que le texte de cet aphorisme a
servi à Hippocrate d'exemple, puisque, lorsque les règles s'arrêtent chez
la femme et que le sang s'écoule par n'importe quel conduit, c'est cette
matière (qui a été retenue) qui s'élimine, et cela ne peut pas nuire ; au
contraire, cela est bon, non seulement si, pour s'évacuer, la matière
s'écoule par les narines, mais aussi par le siège, sous forme d'hémorr
oïdes,ou par d'autres voies de ce genre ; cela est bon, puisque, comme

1SI.REB54, 1996, p. 12-14.


182. Voir plus haut p. 10-11.
183. Aph. V 27 (25) : W. III, p. 9232-943.
184. Aph. V 25 : D. II, p. 458-459.
185. Aph. V 34 (33) (W. III, p. 11025"31) : Ένταΰθα δε γενόμενος ό Γαληνός φησιν
οτι παραδείγματι έχρήσατο το νυν ύπ'αύτοΰ ρηθέν του λόγου, έπεί τοί γε, έαν
έπισχεθώσιν τα καταμήνια γυναικί, κενωθη δε δια οιουδήποτε υπονόμου αΓμα,
εκκρίνεται εκείνη ή ΰλη και ού δύναται βλάψαι, άλλα τουναντίον και αγαθόν έστιν,
ού μόνον έάν ένεχθη δια ρινών και κενωθη, άλλα και δι'εδρας και δι'αίμορροίδος
και των τοιούτων αγαθόν έστιν, επειδή, ως ε'ιρηται, κενοΰται εκείνη ή υλη και
εκκρίνεται, και έπι τούτω ού δύναται βλάψαι· πώς γάρ;
UN «PSEUDO-GALIEN» 49

on l'a dit, la matière en question s'élimine et s'évacue ; ceci étant, cela


ne peut pas nuire ; en effet, comment cela serait-il possible ?»
Quant à Galien186 , bien qu'il décrive un contexte quelque peu diffé
rent, il voit lui aussi dans Y Aphorisme V 33 un exemple qu'il convient
de compléter par d'autres moyens possibles d'évacuation du sang, peut-
être plus douloureux, mais aussi efficaces.
Pour Théophile187, dont le texte, très bref, s'intègre entièrement dans
le commentaire de Stephanos, les Aphorismes V 32 et 33 ne font qu'un
seul. Il ignore Galien.

Αρη. V 41 (40 ; 39 pour Théophile)


Nous avons déjà eu l'occasion188 de nous arrêter à Y Aphorisme V 41
(40 ; 39 pour Théophile) : «Chez les femmes, une congestion de sang
dans les mamelles annonce la folie» ; aussi nous bornerons-nous à rappel
er que l'allégation explicite de Stephanos189 que cet aphorisme a été
rejeté par Galien — «Arrivé à ce passage, Galien soutient que l'apho
risme en question est mensonger et doit être complètement écarté de la
pensée d'Hippocrate» — ne figure pas dans le commentaire de Galien.
Celui-ci, au contraire, bien qu'il exprime des réserves lui aussi sur la
véracité de cet aphorisme190, cherche à expliquer et à justifier la position
d'Hippocrate191 : la nature des mamelles, éminemment glanduleuse et
privée de sang (αναιμος), donc froide par définition, rend le sang froid
lui-aussi. Mais, lorsque celui-ci, abondant et effervescent (πολύ τε αμα
και ζέον), se porte sur la tête, il provoque la folie ; s'il se dirige vers les
mamelles, il ne peut pas se transformer en lait, pour les mêmes raisons
(διά τε την ζέσιν και το πλήθος).
Stephanos, pour sa part, comme le Galien authentique, cherche à att
énuer les critiques, qu'il juge excessives, du Galien qu'il cite192, pour
rejoindre l'opinion du Galien (authentique) que nous venons de
rapporter : ce sont les vapeurs nocives, dit-il, provoquées par la congest
ion du sang dans les mamelles, qui montent vers la tête et déclenchent la
folie.

186. Gal. In Hipp. Aph. V 33 (Κ. 172, p. 8227-8235, spécialement p. 8234"5) : ...
φαίνεται γαρ ενίοτε δι'ένός ώς παραδείγματος ό 'Ιπποκράτης αποφαινόμενος
υπέρ τών ομοίων απάντων.
187. Aph. V 31-32 ( = 32-33) : D. Π, p. 4621322.
188. REB 52, 1994, ρ. 49.
189. Aph. V 41 (40) (W. Ill, p. 12420s) : texte cité dans YzREB, art. cit., n. 158.
190. Gal. In Hipp. Aph. V 40 (K. 172, p. 83210'14) : 'Εγώ μεν οδν οϋπω τούτο
γενόμενον έθεασάμην, ώστε ει καΐ γίνεται ποτέ μέν τών σπανίων εστίν. Ό
'Ιπποκράτης δ'ώς έωρακώς αύτο γράφει· και ε'ι'περ γε αληθές έστι, τοιάνδε τινά
χρή νομίζειν αύτης την αίτίαν ύπάρχειν...
191. Ibidem, ρ. 83214-83310.
192. Aph. IV 41 (40) : W. Ill, p. 12421"23 : 'Αλλ' επειδή ΐσμεν μηδέποτε ψευσάμενον
τον Ίπποκράτην, παραμυθίας ένεκεν τοϋ λόγου έξηγησώμεθα αυτόν τον τρόπον
τοϋτον... Cf. REB 52, 1994, p. 49, n. 160.
50 WANDA WOLSKA-CONUS

Le Galien cité par Stephanos serait-il donc plus critique à l'égard


d'Hippocrate que le Galien dont nous lisons le commentaire?
Quant à Théophile193, qui ignore Galien, il occupe en quelque sorte
une position médiane entre Stephanos et Galien.

Aph. V 65-67 (621"2-63)


Les Aphorismes V 65-67 (621"2-63) présentent un ensemble dont
l'ordre et le contenu sont contestés par Galien avec une véhémence parti
culière, ce qui, à son tour, pousse le Galien cité par Stephanos à rediscut
er les opinions de son grand prédécesseur et à prendre en quelque sorte
la défense d'Hippocrate.
Nous mettons donc en parallèle les deux textes pour donner plus de
relief aux différences d'interprétation de nos deux auteurs et pour mont
rer en même temps l'emprise exercée par Galien sur ce Pseudo-Galien
tardif du 6e siècle.
Quant à Stephanos, qui ne fait, dans notre hypothèse, que rapporter
tant bien que mal les explications de ce Galien dont nous ne connaissons
toujours pas l'identité, il se contente d'insérer dans son commentaire des
prosdiorismoi et des kanones dont il aime à émailler ses textes.

Aph. V (65) (62) = 62 (1)


U Aphorisme V 65 représente, dans le commentaire de Stephanos, la
première partie de Y Aphorisme V 62 : «Les femmes qui ont la matrice
froide et dense ne conçoivent pas et ainsi de suite...»
Le Galien cité par Stephanos et le Galien de l'édition Kühn nous
livrent leurs réflexions concernant le rapport à établir, plus correct à leur
avis, entre V Aphorisme en question et Y Aphorisme V 62 (59).

193. Aph. V 39 : D. II, p. 46515"21 ; cf. REB, art. cit.


UN «PSEUDO-GALIENx 51

Stephanos, Aph. V 65 (62) Galien, Aph. V 62 (K. Il2,


(W. Ill, p. 16629"34): p. 8613"16) :
«Galien dit194: S'il était pos «S'il m'était possible de mettre
sible d'innover et d'ouvrir une de l'ordre dans l'ensemble des
nouvelle voie (dans l'interpréta Aphorismes, je n'hésiterais pas à
tion) du texte des Aphorismes, transférer l'aphorisme énoncé un
j'aurais relié le présent aphorisme peu plus haut (Aph. V 59) à cet
à celui (Aph. V 62 (59)) qui dit : endroit-ci, de manière à ce que le
développement sur la purge des
matrices une fois accomplie, le
présent aphorisme en prenne la
suite, en nous apprenant de comb
ien de manières les femmes
deviennent stériles.
Le premier, donc, parmi ces
aphorismes est celui qui dit :
"Si une femme ne conçoit pas et "Si une femme ne conçoit pas,
si tu veux savoir si elle va concev et si tu veux savoir si elle va
oir", applique la chaleur d'étuve ; concevoir, l'ayant enveloppée de
si le parfum parvient à travers les parfums..."
couvertures, brûle sous elle des
profondeurs du corps jusqu'à la
bouche et les narines, cela signifie (cf. ibidem, p. 86714-86818).
que la matrice est libre de toute
affection d'organe, et pas seule
ment cela, elle est libre de toute
dyscrasie.» Le deuxième est celui qui nous
est présentement proposé et dont
l'essentiel est: Les matrices bien
équilibrées (εύκρατους) sont
aptes à concevoir ; celles qui sont
mal équilibrées (δυσκράτους), si
elles souffrent d'une dyscrasie
modérée, conçoivent difficil
ement ; si la dyscrasie est au
contraire immodérée, elle rend les
femmes stériles...»

194. Aph. V 65 (621) (W. III, p. 16629"34) : Φησϊν ό Γαληνός δτν Ει ηλ> δυνατόν
καινοτομησαι την λέξιν των αφορισμών και νεωτεροποιησαι, τον παρόντα
άφορισμον συντάζαι εΐχον έκείνω τω λέγοντι "έαν γυνή μή λαμβάνη έν γαστρί,
βούλει δε είδέναι ει λήψεται", χρησαι τη πυρία· και ει μεν δια βάθους τοΰ σώματος
ελθη ή όσμη περί το στόμα καΐ τους μυκτηρας, σημαίνει το άπηλλάχθαι την μήτραν
παντός οργανικού πάθους, ου μην άλλα και πάσης δυσκρασίας.
52 WANDA WOLSKA-CONUS

Les deux commentateurs passent alors en revue d'autres raisons pos


sibles de la stérilité féminine (matrices humides, sèches ou froides à l'ex
cès) ; ils le font chacun à sa manière, Stephanos brièvement195, Galien
avec une prolixité agaçante196.
Les discours sur les dyscrasies une fois terminés, Stephanos donne
quelques explications sur les mots άμαυρουται (au lieu de
άποσβέννυται qui figure dans Littré, Kühn et Dietz) et yovos197, tandis
que Galien s'attarde à exprimer ses doutes sur l'authenticité de
Y Aphorisme qui vient à la suite (V 63)198 : ... (Hippocrate a bien consacré
les deux aphorismes aux problèmes des femmes, alors qu'il n'a rien dit
au sujet des hommes) «ou bien, parce qu'il nous était facile, pensait-il,
de transférer ce qui a été dit sur les dyscrasies des femmes sur celles des
hommes, ou bien parce qu'ayant remis ce sujet à plus tard il a oublié de
le faire. Aussi certains (exégètes) ont-ils ajouté à la suite un autre apho
risme sur les mâles et dont le commencement est "II en va de même des
mâles" (Aph. V 63) ; cependant, les meilleurs parmi les exégètes des
Aphorismes soutiennent que cet aphorisme reste manifestement bien au-

195. Ibidem, p. 16634-1687 : Ταύτα νϋν παραδίδωσιν ήμΐν φησιν γαρ "όκόσαι
πυκνάς και ψύχρας τας μήτρας εχουσιν ού κυΐσκουσιν", επειδή ή ψυξις ούχ έλκει
το σπέρμα, αλλά καΐ πυκνοί τήν μήτραν "όκόσαι ύγράς τάς μήτρας εχουσιν, ουδέ
αδται κυΐσκουσιν", επειδή ή ύγρότης κατακλύζει το σπέρμα- "όκόσαι δε ξηράς"
εχουσιν, ετι μάλλον αγονοί εΐσιν, επειδή ή ξηρότης πυκνοί τήν μήτραν ομοίως καΐ
αί θερμήν εχουσαι ού κυΐσκουσιν, επειδή ή θερμότης διαχεΐ καΐ διαφορεΐ το
σπέρμα, ή οτι έξικμάζεται αυτή ή ίκμάς τοϋ σπέρματος ύπο της θερμότητος. Δια
γαρ του ειπείν αυτόν "διακαείς" τήν θερμήν δυσκρασίαν έδήλωσεν, δαπανά γαρ
καΐ έξαναλίσκει τήν ίκμάδα του σπέρματος, και ανικμον μένον αγονον ευρίσκεται.
(«Voici ce qu' (Hippocrate) est en train de nous transmettre ; il dit, en effet : "Celles qui
ont des matrices denses et froides ne conçoivent pas", puisque le froid n'attire pas la
semence et, de plus, rend la matrice dense ; "celles qui ont la matrice humide, celles-là
non plus ne conçoivent pas", puisque l'humide submerge la semence ; celles, au contraire,
qui "l'ont sèche" sont stériles à plus forte raison, puisque le sec rend la matrice dense ; il
en va de même de celles qui ont la matrice chaude ; elles ne conçoivent pas, elles non
plus, puisque la chaleur dissout et évacue la semence ; ou bien parce que l'humidité s'éva
pore elle-même sous l'action de la chaleur. En effet, par le fait d'avoir dit "ardentes"
Hippocrate a désigné la dyscrasie chaude, car elle consume et détruit l'humidité de la
semence ; privée d'humide, celle-ci se retrouve inféconde.»)
196. Gal. In Hipp. Aph. V 62 : Κ. 172, p. 86116-86413.
197. Aph. 65 (62) (W. III, p. 1688"13) : Καλώς δε πάνυ το "άμαυρουται"· δια γαρ
τούτου έδήλωσεν το οίον κατακλύζεσθαι το σπέρμα ή το οίον έκλύεσθαι αυτό.
(«C'est une belle expression "s'émousse" ; Hippocrate a fait comprendre par là que la
semence se remplit d'eau et en quelque sorte se dissout») — Καλώς δε και το "ό γόνος"
ε'ιρηται· γόνιμα γαρ λέγονται πάντα τα σπέρματα, είτε έν τη γη καταβληθώσιν ε'ιτε
έν xf) μήτρα (cf. Gal. In Hipp. Aph. V 62 : Κ. 172, p. 8645"10), και γόνιμα είσιν τα
κρατούμενα και όμοια ποιουντα. Δια γοϋν του ειπείν αυτόν "ό γόνος" έσήμανεν
μετά το ήδη κρατηθήναι το σπέρμα, τότε έκκριθήναι. («Et voilà une belle expression,
elle aussi, "féconde". On appelle en effet fécondes toutes les semences, qu'on les jette
dans la terre ou dans la matrice ; sont (donc) fécondes les semences qui, une fois retenues
(dans la matrice), produisent des êtres qui leur ressemblent. Aussi par le fait d'avoir dit
"féconde", Hippocrate a fait comprendre que c'est déjà après avoir été retenue (dans la
matrice) que la semence s'en trouve éliminée.»)
198. Gal. In Hipp. Aph. V 62 : Κ. 172, p. 8658-8663.
UN «PSEUDO-GALIEN» 53

dessous de la pensée et de la manière de s'exprimer d'Hippocrate. Eh


bien, par analogie, il nous est possible, en passant aux hommes...», de
transférer sur les semences les dyscrasies observées pour les matrices199.
Théophile200 ignore les innovations attribuées par Stephanos à Galien,
bien que son texte soit dans l'ensemble assez proche de celui de
Stephanos.

Αρη. V 66 (62) = 622


U 'Aphorisme V 66, très bref, recouvre, dans le commentaire de
Stephanos, la dernière partie de Y Aphorisme V 62 : «... mais celles qui
ont le tempérament bien proportionné (fait) des unes et des autres (...
όκόσαι δε εζ αμφοτέρων (? dyscrasies, antithèses ou qualités ?), την
κρασιν εχουσι ξύμμετρον), celles-là sont fécondes.» Cet aphorisme,
nous l'avons analysé en relation avec les positions prises par YExégète
du présent ouvrage (Asclèpios-Théophile), et nous avons noté le gliss
ement de sens qui s'est produit du commentaire de Galien qu'on lit dans
l'édition de Kühn aux propos tenus par le Galien cité par Stephanos201.

Αρη. V67(63)
Les deux commentateurs continuent leur discours contestant l'authent
icité de Γ Aphorisme V 67 (63) — «II en est de même des mâles ; ou
bien, le corps étant lâche, le pneuma se dissipe au dehors...» — ,
Stephanos, avec une référence à Galien, Galien à ce qu'il a déjà déve
loppé à propos de Y Aphorisme V 66 (62) :

Stephanos, Aph. V 67 (63) Galien, Aph. V 63 (K. 172,


(W. Ill, p. 16831"33)202 : p. 8698-87214) :
«Étant donné qu'il existe aussi
des mâles (άρρεν γένος) qui sont
stériles, Hippocrate suppose qu'il
en va de même pour eux (que pour
les femmes).
Cependant Galien affirme que «Celui qui a ajouté cet apho-
cet aphorisme est faux ; qu'il n'est risme ne comprend pas ses propres
qu'une interpolation (νόθος... και paroles (ουδέ των ίδιων ακούει
υποβολιμαίος : remarquons que φωνών),
ces expressions ne figurent pas
dans le commentaire de Galien).

199. Ibidem, p. 8664-86714.


200. Aph. V 62 : D. II, p. 47821-47912.
201. REB 54, 1996, p. 22-24.
202. Aph. V 67 (63) (W. III, p. 1683133) : 'Επειδή καΐ το άρρεν γένος αγονόν έστιν,
νΰν ταΰτα υποτίθεται ό 'Ιπποκράτης. Ό δε Γαληνός φησιν οτι νόθος εστίν ό
παρών αφορισμός καΐ υποβολιμαίος.
54 WANDA WOLSKA-CONUS

En effet, s'il était d'Hippocrate, Ayant annoncé en effet qu'il


on devrait admettre que le mâle est abordait, au sujet des mâles, à peu
stérile pour les mêmes raisons près les mêmes thèmes
(que les femmes) et dire203 qu'Hippocrate a développés au
sujet des femmes (παραττλήσιον
ποιήσασ$αι τον λόγον), il ne l'a
pas fait. Et, puisqu'Hippocrate a
mentionné quatre dyscrasies, il
aurait fallu qu'il parle lui aussi des
quatre dyscrasies à propos des
mâles, comme nous l'avons fait
nous-mêmes204 .»
que si c'est en raison du froid que
les hommes sont stériles, c'est que
le froid engourdit en quelque sorte
la semence et, en énucléant, la
rend par là même inapte à engend
rer,puisqu'elle s'avère stérile. Si,
en effet, en raison de la dyscrasie
froide de la matrice, la semence
est stérile, elle le sera d'autant
plus, lorsqu'elle est froide elle-
même.
En effet205, la dyscrasie humide
rend la semence fragile, impuis
sante et inefficace, car elle se
trouve submergée par l'humide, et,
pour cela, elle devient stérile...
Quant à la dyscrasie sèche, elle
fait que l'humide s'évapore de la

203. C'est ce que Stephanos s'apprête à faire à la place d'Hippocrate, en passant en


revue les quatre dyscrasies responsables de l'infécondité des hommes (ibidem, p. 16833-
17015) : Ει γαρ η\> του 'Ιπποκράτους, έδει δια τας <αύτάς> αιτίας ύποθέσθαι
αγονον είναι το άρρεν και ειπείν οτι ει μεν δια την ψϋξιν αγονοί εΐσιν, ή ψϋξις οΓον
ναρκοι το σπέρμα και έκπυρηνίζει αυτό, και εντεύθεν άνεπιτηδείως έχει προς
σύλληψιν, επειδή αγονον ευρίσκεται" έαν γαρ δια την ψυχραν δυσκρασίαν της
μήτρας αγονον η"ν το σπέρμα, πολλω μάλλον αύτο ον ψυχρόν το σπέρμα
εύρεθήσεται αγονον. - Ή γαρ υγρά δυσκρασία αδρανές και άνίσχυρον ποιεί το
σπέρμα και έξίτηλον, κατακλύζεται γαρ ύπό της ύγρότητος και έντεϋθεν αγονον
ευρίσκεται... - Ή δε ξηρά δυσκρασία έξικμάζει αυτήν τήν ίκμάδα τοΰ σπέρματος,
και το τηνικαΰτα οίνικμον ον το σπέρμα αγονον ευρίσκεται. - Ή δε θερμή
δυσκρασία περιφρύσσει και έξαναλίσκει αύτο το σπέρμα σχεδόν τοΰτο δε
ελάχιστον ον πώς έχει έξαρκέσαι εις τοσαΰτα μόρια καταμερισθήναι ώστε
γενέσθαι και άποτελεσθηναι το εμβρυον; Ce texte est à juxtaposer à celui du comment
aire à VAph. V 65 (621) : voir plus haut, p. 52, n. 195.
204. Gal. In Hipp. Aph. V 62 : K. 172, p. 866316.
205. Γαρ. dans le texte ; peut-être faut-il mettre δέ à la place (? par contre) ?
UN «PSEUDO-GALIEN» 55

semence, et alors la semence, pri


vée d'humide, se retrouve stérile.
Pour ce qui est de la dyscrasie
chaude, elle grille et consume
presque entièrement la semence
même. Celle-ci devenue toute
petite, comment, divisée qu'elle
est en un nombre de parties aussi
important, peut-elle être assez
forte pour amener l'embryon à
l'existence et à l'accomplisse
ment.»
Et Stephanos de conclure, comme il aime à le faire, en rappelant un
principe d'ordre général206.
«C'est pour ces raisons qu'il y a
également des hommes qui sont
stériles. Quant aux règles, elles
sont universelles et concernent (les
deux) genres ; aussi conviennent-
elles aux unes et aux autres :
femmes ou hommes, les causes
sont les mêmes.»
Et c'est ici seulement que Stephanos relève, avec quelque indulgence,
semble-t-il, l'incohérence de l'aphorisme qu'il est en train de
commenter207 :
«Sauf, qu'il (qui ? Hippocrate,
ou l'interpolateur ?) n'a mentionné
que quelques-unes d'entre ces
causes ; il n'a mentionné en effet
que le froid et le chaud ; de sur
croît, il s'est servi de je ne sais
quels termes insolites208.»
Après ceci, comme s'il cherchait à corriger les incohérences de l'apho
rismeen lui faisant dire les choses qu'il ne dit pas, Stephanos ajoute un de
ces prosdiorismoi - définitions complémentaires, indispensables, à son
avis, pour interpréter correctement la pensée d'Hippocrate209 :

206. Aph. V 67 (W. III, p. 17015"17) : Δια ταύτας ού"ν τας αιτίας και οι ανδρες
αγονοί εΐσιν. Καθολικοί δέ είσιν οι κανόνες και γενικοί, έφ' ων έπι αμφοτέρων
άρμόζουσι, καΐ έπι των γυναικών και έπι των ανδρών, αϊ αύται αΐτίαι.
207. Ibidem : Πλην έμνημόνευσε τινών έξ αυτών, έμνήσθη γαρ ψυχρότητος και
θερμότητος, αλλά ξένοις τισίν όνόμασιν έχρήσατο.
208. En effet, au lieu de continuer avec le sec et l'humide, l'auteur de l'aphorisme
(interpolé ?) introduit la porosité (lâcheté) et la densité (du corps).
209. Aph. V 67 (63) (W. III, p. 17020"24) : Ειρήσθω δέ και ό προσδιορισμός öv καί
ανωτέρω εΐρήκαμεν, οτι εάν δια ψυχρότητα το σπέρμα του ανδρός αγονόν έστιν, ή
δέ γυνή θερμή ευρέθη, εκ τών δύο δυσκρασιών μίζις τις γίνεται καί κρασις, έφ' f)
56 WANDA WOLSKA-CONUS

«Ajoutons aussi la définition


complémentaire que nous avons
formulée plus haut également210, à
savoir : si, en raison du froid, la
semence de l'homme est stérile,
alors que la femme est chaude, les
deux dyscrasies finissent par
constituer un mélange et une cra-
sis, grâce à laquelle la semence
devient féconde. Et ce que nous
avons dit au sujet d'un seul cas,
toi, reporte-le sur d'autres dyscras
ies aussi, mettant en parallèle les
choses comparables».
Enfin, après tous ces détours, Stephanos aborde la lexis. Il rejoint ainsi
Galien, tout en proposant une interprétation entièrement différente.

Stephanos, Aph. V 67 (63) Galien, Aph. V 63


(W. III, ρ 17025"29)211 : (Κ. 172, p. 86914-8703s.) :
«Ou bien, "le corps étant lâche, «Au lieu de cela, aussitôt il met
le pneuma se dissipe au dehors", en cause la lâcheté (la porosité ?)
Voici le sens de ce qui est dit : du corps (την αραιότητα εύΦέως
lorsqu'un homme a un corps του σώματος μέμφεται) au sujet
poreux (lâche) qui de laquelle rien n'a été dit,
qu'on parlait des femmes ; ensuite,
même ce discours-là (λόγος), exa
miné en lui-même, ne s'avère pas
véridique, car on voit pas mal
d'hommes qui ont un corps lâche
et dont la semence est pourtant
très féconde...»
transpire abondamment, le pneuma «La semence212 est éjectée par
contenu dans la semence se dis- la tension des vaisseaux séminaux
perse ; celle-ci n'est ni éjectée ni (τη συντονία τών σπερματικών
envoyée dans la cavité de la αγγείων έκθλιβόμενον) ; elle
matrice ; n'y étant pas envoyée, elle n'est pas poussée par le
ne reçoit pas la vie ; elle se trouve pneuma...»
être stérile de toute évidence.

κράσει γόνιμον ευρίσκεται το σπέρμα. Και όπερ έπι του ενός ήμεΐς είρήκαμεν, συ
είπε καΐ έπι τών άλλων δυσκρασιών τα αυτά άντιπαραβάλλων.
210. Aph. V 66 (622) : W. Ill, p. 16816"25 ; cf. REB 54, 1996, ρ. 22-23.
211. Aph. V 67 (63) (W. Ill, p. 17025"29) : '"Ή δια την αραιότητα τοο σώματος το
πνεΰμα εξω φέρεται". Το λεγόμενον τοιούτον έστιν, οτι έαν άραιόπορον έχει το
σώμα ό άνήρ καΐ εύδιαφόρητον, διαφορεϊται το πνεύμα το έν τω σπέρματι και ουκ
ακοντίζεται ουδέ παραπέμπεται έν τώ κόλπω της μήτρας' τούτο δε μη
παραπεμπόμενον ού ζωογονείται, άλλ' αγονον ευρίσκεται προδήλως.
212. Gal. In Hipp. Aph. V 63 : Κ. 172, p. 8707"9 s.
UN «PSEUDO-GALIEN» 57

"Ou bien213, le corps étant «... L'homme215, qui a fraudu


dense, l'humide se répand214 au leusement ajouté (παραγράψας)
dehors". Par "densité", il faut cet aphorisme, ignorait ces choses-
entendre ici (νυν) la sécheresse ; là, lorsque, par surcroît, il dit que
la sécheresse provoque en effet la c'est à cause de la densité que
densité, et c'est en raison de la l'humide ne se répand pas au
sécheresse et de la densité que dehors. Si "l'humide" signifie en
l'humide, plus précisément la effet autre chose que "semence",
semence, se porte au dehors. l'aphorisme est absurde. Si
d'autre part la semence, comme il
le prétend, ne se porte pas au
dehors, en raison de la densité du
corps tout entier, il avoue son
ignorance totale de la structure des
organes séminaux ; en effet, il vau
drait mieux en rendre responsable
l'étroitesse de ces derniers
(αγνοεί την των σπερματικών
οργάνων κατασκευήν αμεινον
γαρ ?)v αίτιάσΦαι την εκείνων
στενότητα).
Quant à l'expression216 "se
porte au dehors", ne crois pas que
la semence (tombe) sur le sol ; non
justement, elle se porte au dehors
de la matrice ; je précise : dans le
vagin ; la semence donc qui se
porte au dehors de la cavité de la
matrice est évidemment stérile.

213. Aph. V 67 (63) (W. Ill, ρ. 17030"32) : '"Ή δια την πυκνότητα το ύγρον διαχωρεέι
εξω". "Πυκνότητα" την ξηρότητα νυν άκουστέον ή γαρ ξηρότης πύκνωσιν ποιεί' τη
γαρ ξηρότητι και πυκνότητι το ύγρον εξω φέρεται, τυχόν το σπέρμα.
214. Διαχωρέει : ού διαχωρέει Littré, Kühn et Dietz. Stephanos est le seul, à ce qu'il
semble, à proposer cette leçon qui ne figure même pas dans l'apparat critique de Littré.
215. Gal. In Hipp. Aph V 63 : Κ. 172, p. 87073-8713.
216. Aph. V, 67 (63) (W. Ill, p. 17032"35) : Το δε "εξω φέρεται" μη νομίσης έπί του
εδάφους, άλλα τυχόν έξωθεν της μήτρας, λέγω δη εις το λαγαρόν εντερον, τό οδν
σπέρμα έξωθεν του κόλπου της μήτρας φερόμενον άγονον προδήλως εστίν.
58 WANDA WOLSKA-CONUS

"Ou bien217, le corps étant froid, Ce qui est dit à la suite219, vrai
la semence ne s'échauffe pas assez jusqu'à un certain point, devient
pour se réunir dans le218 lieu" ; en absurde en raison de ce qui suit.
effet, la semence froide est morte ; Le fait qu'à cause du froid de la
privée de chaleur, elle ne crasis la semence ne s'échauffe
s'échauffe pas ; elle ne s'éveille pas et reste par conséquent stérile,
pas à la vie ; elle n'est pas ce qui est vrai ; par contre, les mots "ne
doit façonner (la vie). C'est bien pas pouvoir se réunir dans ce lieu"
cela que veut dire "pour se réunir s'y trouvent ajoutés inutilement ;
dans ce lieu", plus exactement : il d'autre part, alors que rien n'a été
n'existe pas de chaleur pour faire dit auparavant au sujet de ce lieu,
vivre la semence. on nous laisse nous en faire l'idée
nous-mêmes. Pourtant, le mot
"ce"220 renvoie à ce qui précède.
Mais ce sont là des gaffes
mineures (ταϋτα μεν σμικρά) ;
par contre, ce qu'on trouve à la fin
(de l'aphorisme) est une grave
erreur ; là où (l'auteur)

217. Ibidem, p. 1703640 : '"Ή δια την ψχρότητα ούκ έκπυρουται ώστε αθροίζεσθαι
προς τον τόπον." Το γαρ ψυχρόν σπέρμα νεκρόν έστιν τούτο οδν μη έχον
θερμότητα ούκ έκπυρουται ουδέ ζωογονείται ουδέ εστίν το όφεϊλον αυτό
διαπλάσαι. Τοΰτο γάρ φησιν οτι "ώστε αθροίζεσθαι προς τον τόπον τούτον", τυχόν
δτι ούκ εστίν θερμότης ή όφείλουσα αύτο ζωογονησαι.
218. Προς τον τόπον : il faut sans doute ajouter τοΰτον, qui figure dans le lemme et
qui réapparaît quelques lignes plus bas.
219. Gal. In Hipp. Aph. V 63 : Κ. 172, p. 8173-8723.
220. Ibidem, p. 87110 : τούτων dans le texte, qu'il convient de corriger en τούτον (sci
licet: προς τον τόπον τούτον).
UN «PSEUDO-GALIEN» 59

"Ou bien221, c'est à cause de la affirme que "la même chose


chauleur que cela arrive". C'est en arrive à cause de la chaleur", car,
raison de cette sentence qu'il de toute évidence, ce discours ren-
convient d'éliminer complètement voie à ce qui a été dit précédem-
le présent aphorisme. Que veut ment ; eh bien, on a dit qu'à cause
dire cela en effet : "cela arrive" ? du froid la semence ne s'échauffe
Qu'est-ce qui arrive ? Ce qui pas pour "se réunir dans ce lieu" ;
arrive à cause de la lâcheté? À par conséquent, il faut penser qu'à
cause de la densité, à cause du cause de la chaleur aussi la
froid? Mais non, à cause de la cha- semence ne s'échauffe, ni ne se
leur ! Une absurdité.» réunit dans les organes séminaux.
Absurdité évidente ! Il serait de
bon sens en effet de dire que la
semence se consume, ou qu'elle se
dessèche, ou enfin qu'elle subit
quelque chose de ce genre à cause
de la chaleur ; par contre, affirmer
qu'elle ne s'échauffe pas est d'une
absurdité parfaite.»

Ce dernier paragraphe, influencé de toute évidence par les critiques de


Galien, va à rencontre de l'interprétation positive pour sa plus grande
partie de l'ensemble de l'aphorisme ; en réalité, la phrase «ou bien c'est
à cause de la chaleur que cela arrive» ne se rapporte pas au fait que la
semence ne s'échauffe pas à cause de la chaleur, comme le suggère
Galien, mais bien au fait qu'elle ne se réunit pas «dans ce lieu», c'est-à-
dire dans le lieu prévu (la matrice ou les organes séminaux) ; en effet,
grillée par la chaleur excessive, la semence222 n'arrive pas à atteindre
son objectif : «se réunir dans ce lieu» ; de même que le froid223, en empêc
hant la semence de s'échauffer, lui interdit de «se réunir dans ce
lieu.»224
Ainsi, Stephanos, tout en se référant à Galien — et ceci dès la pre
mière phrase — , propose une exégèse complètement différente de cet
aphorisme : il faut soit l'éliminer, soit justifier sa présence dans l'e
nsemble de l'ouvrage. Il oscille entre les critiques de Galien qu'il ne peut
pas passer sous silence et la conviction qu'il est possible de défendre
l'authenticité de cet aphorisme, en dépit de ses incohérences et ses bizar-

221. Aph.. V 67 (63) (W. III, p. 1721"4) : '"Ή δια την θερμασίην τούτο γίνεται". Έκ
τούτου του ρησειδίου πάντη έστιν έκβαλείν τον παρόντα άφορισμόν Τί γάρ έστιν
"τούτο γίνεται"; Τί γίνεται; Το διά την αραιότητα, το δια την πυκνότητα, το δια
την ψυχρότητα; Άλλα δια την θερμότητα. Άδιανόητον γάρ έστιν.
222. Voir plus haut, p. 55 au sujet de la dyscrasie chaude qui incommode les hommes.
223. Ibidem, p. 54.
224. Cette interprétation confirme l'hypothèse de Littré qui conteste la position de
Galien et qui écrit : «"produit le même effet" se réfère non à ce que la semence ne
s'échauffe pas, mais à ce qu'elle ne se rassemble pas dans les réservoirs.»
60 WANDA WOLSKA-CONUS

reries. Il serait sans doute risqué de vouloir distinguer dans cet amalgame
de textes d'origines diverses ce qui revient au Galien authentique, au
Pseudo-Galien, à Stephanos personnellement, ou encore à Asclèpios. Le
cas est cependant intéressant pour autant qu'il illustre les efforts et les
artifices des exégètes qui s'évertuent à surmonter les difficultés du texte
hippocratique.
L'histoire compliquée de cet aphorisme (bâtard ou non) s'éclaircit
peut-être quelque peu à la lecture du commentaire de Théophile qui,
dans notre hypothèse, répétons-le, rapporte, du moins partiellement et
plus ou moins correctement, les opinions d'Asclèpios : «Ici, Galien
affirme, écrit Théophile225, que cet aphorisme est faux ; en effet, s'il était
d'Hippocrate, il aurait fallu admettre que le mâle est infécond pour les
mêmes raisons que le sont les femmes, puisqu'Hippocrate a dit : "II en
est de même des hommes". À cette réserve près que, si cet aphorisme
fait partie, à ce qu'il semble, de ceux qui sont d'Hippocrate, il convient
de l'expliquer comme suit (πλην ει δοκεΐ εκ των 'Ιπποκράτους είναι,
έξηγητέον αύτον ούτως)226 : Si par hasard l'homme a le corps poreux
(καν εύδιαφόρητος ε'ιη) et qu'il est sans force (εξασθενεί), il ne peut
pas éjecter la semence dans les cavités de la matrice ; pour cette raison, il
est inapte à engendrer. Si par hasard il est sec (καν ξηρός ?)), il souffre
de la densité (πύκνωσιν πάσχει) ; en raison de cette densité et de la
sécheresse, l'éjection de la semence ne se fait pas227, et, pour cela,
l'homme est infécond ; si par hasard l'homme est froid, la semence est
morte ; elle ne s'échauffe pas pour "se réunir dans ce lieu" et recevoir la
vie (ζωογονεϊσθαι) ; en effet, elle se réunit bien dans la matrice, mais
elle n'y reçoit pas la vie, parce qu'elle est froide ; et lorsque par hasard la
semence est trop chaude, "il se produit la même chose", autrement dit,
puisqu'elle est trop chaude, la semence ne peut pas se réunir et recevoir
la vie. Par conséquent, sont aptes à engendrer ceux qui ont le tempéra
ment, comme il a été dit, fait des deux antithèses (οι έξ αμφοτέρων των
αντιθέσεων... την κρασιν έχοντες)228.»
La référence à Galien, dans ce commentaire de Théophile, est d'autant
plus surprenante que son explication des mots «se réunir dans ce lieu»
est celle de Stephanos, ce qui revient à dire celle d'Asclèpios, et non pas
celle qu'on lit dans le commentaire de Galien. Asclèpios exprimerait-il
pour une fois les mêmes opinions que Galien, plus exactement le
(Pseudo-) Galien cité par Stephanos ?

225. Aph. V 63 : D. II, p. 47924-48012.


226. Phrase qui rappelle le principe attribué par Stephanos à Asclèpios : έκ των
'Ιπποκράτους τα 'Ιπποκράτους έξηγεΐσθαι ; cf. REB 54, 1996, ρ. 38 s.
227. Voir la différence surprenante entre l'explication de Stephanos et celle de
Théophile qui porte sur les mots διαχωρέει pour Stephanos et ού διαχωρέει. pour
Théophile (voir ci-dessus, la n. 214) : alors que c'est la conjonction de la sécheresse et de
la densité qui est la cause de l'éjection de la semence pour Stephanos, elle l'est de la non-
éjection pour Théophile.
228. Voir REB 54, 1996, p. 22-23.
UN «PSEUDO-GALIEN» 61

Αρη. V 68 (64)
Dans le commentaire à Y Aphorisme V 68 (64) traitant des méfaits et
des bienfaits du lait selon les maladies qu'on a à soigner, Stephanos cite
Galien à propos de l'expression : «il (scilicet : le lait) convient à des phti
siques». Le lait, en effet, est bon pour les phtisiques souffrant d'une ulcé
ration du poumon229 ; pas n'importe quel lait, mais le petit lait (ôpoç -
serum) qui, grâce à sa faculté de désinfecter et de se redistribuer dans le
corps, fortifie et nourrit le poumon230.
«Quant à Galien, écrit Stephanos231, il apprête le lait pour ainsi dire et
l'assaisonne, et il l'administre de la manière que voici : il le mélange en
de proportions adéquates avec du miel et du sel, et c'est ainsi qu'il le
donne aux phtisiques souffrant d'ulcération. Aussi recommande-t-il de
leur donner du lait d'ânesse, puisqu'il est léger, facile à s'intégrer, à s'as
similer et à digérer.»
Galien recommande232 en effet le petit lait aux malades, sans res
treindre cependant son usage aux phtisiques seuls et sans préciser qu'il
s'agit du lait d'ânesse. Aussi, plutôt qu'au commentaire aux Aphorismes,
Stephanos pense ici, semble-t-il, aux recettes qu'on lit dans la Mégalè
Thérapeutikè233, qu'il cite expressément un peu plus haut234 à propos
d'une aporie concernant la dyscrasie sèche de l'estomac.
Reportons-nous maintenant à Théophile235. Son commentaire se
retrouve partiellement dans le commentaire de Stephanos, mais il

229. Aph. V 68 (64) (W. III, p. 17832"35) : '"Αρμόζει δε φθινώδεσιν". "Φθινώδεις"


δέ ουχί τους δια έκτικόν πυρετόν φθινουντας και εκτηξιν του σώματος· ... άλλ'
εκείνους λέγει νυν φθισικούς, οΤς συμβάλλεται το γάλα, τοις έπι έλκώσει τοΰ
πνεύμονος ίσχαινομένοις. Cf. REB 52, 1994, ρ. 18-20, avec les notes correspondantes.
230. Ibidem, p. 17835-1804 : Πλην ού το τυχόν γάλα άρμόδιον αύτοΐς έστιν, άλλ' ό
όρος τοΰ γάλακτος, επειδή είρήκαμεν ρυπτικόν εΤναι τον όρόν... τους ΐχώρας τοΰ
έλκους ρύπτει και άποκαθαίρει... το δέ γάλα ως ύγρον υπάρχον έτοιμοανάδοτόν
έστι και έτοίμως άναδιδόμενον μεταλαμβάνει τροφής το σώμα, λοιπόν δέ και ό
πνεύμων...
231. Ibidem, p. 1808'12 : Ό δέ Γαληνός καΐ εύθύνει και άρτύει, ώς εστίν ειπείν, το
γάλα, και ούτως δίδωσιν μιγνύει γάρ αυτό μέλιτι συμμέτρω και άλσί, και ούτως
δίδωσιν το γάλα τοις έπι έλκώσει φθίνουσιν. "Οθεν παρακελεύεται αυτός ό
Γαληνός τό ονειον γάλα διδόναι τούτοις ώς λεπτόν, ώς εύανάδοτον, ώς
εύαλλοίωτον, ώς ευπεπτον.
232. Gal. In Hipp. Aph. V 64 (Κ. 172, p. 87415"17) : Όρρόν (sic) μέντοι γάλακτος
ήδύνοντες άλσί καΐ μέλιτι πολλοίς των τοιούτων έδώκαμεν όνίνανται γάρ
ύπιούσης αύτοίς της γαστρός.
233. Gal. Meth. Med. X 11 (Κ. 10, ρ. 72614-7273).
234. Aph. V 68 (64) (W. Ill, p. 17626"36) : "Οθεν ό Γαληνός τά μεγάλα εύδοκίμησεν
έν τη Μεγάλη Θεραπευτικί) επί δυσκρασία ξηρότητος της γαστρός και χολής
παραρρεούσης δια την ξηρότητα τώ γάλακτι χρησάμενος· όθεν παρακελεύεται και
θερμαίνειν τό γάλα και ούτως διδόναι δια τό έν τη έψήσει έκδαπανδσθαι τό
ελαιώδες και λιπαρόν και μέρος τι τοΰ όρου τοΰ γάλακτος και ούτως διδόναι.
"Οθεν τινές κόχλακας θαλαττίους έμβάλλουσιν έν τω γάλακτι καΐ ούτως
θερμαίνουσιν τό γάλα ώστε έκδαπανασθαι τό ελαιώδες τοΰ γάλακτος" καΐ οΰτως
διδόασιν τό ψυχρόν καΐ ύγρόν, ώστε την ξηρότητα και την παραρρέουσαν χολήν
καταπραϋναι και παρηγορησαι. Cf. Gal. Meth. Med. VII 6 : Κ. 10, p. 47457s·.
235. Aph. V, 64 : D. II, p. 48023-48127.
62 WANDA WOLSKA-CONUS

contient en même temps quelques éléments que Stephanos attribue aux


έτεροι236. Ces hétéroi représentent-t-ils ici également une version du
texte d'Asclèpios, comme dans quelques autres cas que nous avons exa
minés dans notre article précédent237? En tout cas, Théophile ne fait
aucune allusion à Galien.

Aph. VI 18
Commentant Y Aphorisme VI 18 — «Les coupures de la vessie, ou de
l'encéphale, ou du cœur, ou du diaphragme, ou d'une partie de l'intestin
grêle, ou du ventre, ou du foie, sont funestes (θανατώδες)» — ,
Stephanos cite Galien, qui, dit-il, affirme que le mot Φανατώδες n'est
pas à prendre dans le sens de «mortel», mais dans celui de «dangereux»
(κινδυνώδες). Cependant, si Galien affirme que le mot Φανατώδες
n'implique pas nécessairement l'idée de mort — souvent il signifie
«pour la plupart» (ώς έπι το πολύ) — , le terme κινδυνώδες ne figure
pas dans son commentaire238.
Théophile, quant à lui, ne fait aucune allusion à Galien239.

Αρη. VI 31
Dans son commentaire à Y Aphorisme VI 31 — «Les maux des yeux
se guérissent par le vin pur, ou le bain, ou les compresses chaudes240, ou
la saignée, ou la purgation241» — qui se développe en cinq points (δει
ημάς πέντε τινά προλαβεϊν)242, Stephanos relève d'une part les choses
qui, dans cet aphorisme, sont bizarres, insolites et rares (παράδοξα,
ξένα, σπάνια) et d'autre part les choses qui sont de pratique courante
(ώς έπι παν και συνήθη γινόμενα).
En premier lieu, il est bizarre d'affirmer que le vin, le bain, les comp
resses d'eau chaude243 — toutes thérapies qui, faisant fondre la
matière, provoquent les maux de tête, les ruptures de vaisseaux et les

236. Cf. REB 52, 1994, p. 20, n. 61.


237. Cf. REB 54, 1996, p. 34-35
238. Aph. VI 18 : W. III, p. 21826"27 : l'aphorisme déjà examiné dans la REB 54, 1996,
p. 28-29, avec les notes correspondantes.
239. Aph. VI 18 : D. II, p. 49431-495n.
240. Πυρίη-fumigations : Littré, voir plus loin n. 243.
241. Φαρμακείη : Stephanos, Galien (Kühn) ; φαρμακοττοσίη : Théophile, Hippocrate
(Littré)
242. Aph. VI 31 (W. III, p. 23422-24038) : l'ensemble du commentaire est brieèvement
résumé par Dietz, II, p. 501, en note.
243. Aph. VI 31 (W. III, p. 2361"11): Πυρίαν γαρ ένταΰθα άκουστέον ύττο του
'Ιπποκράτους ουχί τοϋ χιλιαροϋ την άποσπόγγισιν f) χρώνται οι θεραπευταί,
πρώτον γαρ άποσπογγίζουσιν, είτα έγχυματίζουσιν και πάλιν άποσπογγίζουσιν,
καΐ ούτως περιχρίουσιν κολλουρίοις τισίν άλλα πυρίαν άκουστέον την δια του
θερμοΰ ύδατος επιμόνως πυρίασιν. Τί γάρ; "Οτι κέχρηται καν δεκαπέντε βολαϊς τη
πυρία τη άπο του θερμοϋ, είτα μετά μίαν ωραν πάλιν κέχρηται ωσαύτως. Και αυτή
δε ή πυρία χύσιν ποιείται και απερ εΐρήκαμεν, και παράδοξόν έστι πώς παύει
όδύνας οφθαλμών.
UN «PSEUDO-GALIEN» 63

ophtalmies — guérissent les maladies d'yeux. Par conséquent, il est nor


mal de recommander la phlébotomie et la purge (φαρμακείη ήτοι
κάθαρσις) pratiquées couramment par les médecins (τούτοις γαρ ως
έπι παν κεχρήμεΦα και συνήΦη ήμϊν είσιν).
En deuxième lieu244, il faut savoir qu'Hippocrate ne soigne pas la doul
eur, mais la cause efficiente de la douleur (ποιητικόν αίτιον) ; en effet,
il ne se sert pas de remèdes qui engourdissent, mais de remèdes qui
réchauffent (ούδε γαρ κέχρηται τοις ναρκοΰσιν, άλλα τοις
θάλπουσιν).
En troisième lieu245, il faut chercher à comprendre pourquoi
Hippocrate, ayant fait mention de différentes thérapies, n'a pas dit qu'il
existe aussi des ophtalmies de genres différents ; pourquoi n'a-t-il pas
précisé qu'à une telle ophtalmie correspond une telle thérapie, vin pur,
bain ou compresse chaude ?
En quatrième lieu246, il convient de se demander chaque fois s'il s'agit
d'une ophtalmie simple ayant sa cause dans les yeux mêmes (άπλη...
και καΦ'αύτήν και κατά πρωτοπάΦειαν των όφ-9-αλμών), ou bien
d'une ophtalmie complexe qui se produit à la suite de la surabondance
des humeurs dans le corps tout entier (σύνθετος... και κατά
συμπάθ-ειαν του παντός σώματος πληθωρικού δντος).
C'est à propos de ces deux genres d'ophtalmies que Stephanos cite
Galien247, qui, dit-il, «en a fait une admirable démonstration dans son
commentaire, en racontant l'histoire que voici : il y avait à Rome un très
bon et admirable périodeute ophtalmologiste qui était incapable de soi
gner les gens malades d'yeux. Alors, comment est-il possible que le
même soit très bon thérapeute et qu'il soit incapable de soigner les oph
talmies ? Et Galien d'expliquer que lorsqu'il s'agissait d'une ophtalmie
simple, kata prôtopatheian, il soignait admirablement bien les ophtal
miesde ce genre, j'entends les ophtalmies simples; mais dès qu'il
s'agissait d'une ophtalmie complexe, kata sympatheian, le corps tout
entier souffrant de pléthore, il ne savait pas soigner une telle ophtalmie,

244. Ibidem, p. 23612"15.


245. Ibidem, p. 23616"19.
246. Ibidem, p. 23620"22.
247. Ibidem, p. 2362240 : Και cm εστίν άπλη όφθαλμία και σύνθετος, ό Γαληνός
τούτο θαυμασίως άποδείκνυσιν έν τω ύπομνήματι διά τίνος ιστορίας λέγων cm η"ν
έν 'Ρώμη άριστος και θαυμαστός περιοδευτής οφθαλμικός, όστις ουδέποτε
ήδυνήθη θεραπευσαι οφθαλμικούς. Και πώς ενδέχεται τόν αυτόν είναι καΐ
κάλλιστον θεραπευτήν και μη θεραπεύειν όφθαλμίας; Kai λέγει αυτός δτι ει μεν
άπλη ηλ> όφθαλμία και κατά πρωτοπάθειαν, θαυμασίως έθεράπευεν τάς τοιαύτας
όφθαλμίας, λέγω δη τάς άπλας· ει μέντοι σύνθετος η\> ή όφθαλμία καΐ κατά
συμπάθειαν τοΰ παντός σώματος πληθωρικού υπάρχοντος, ήγνόει θεραπευσαι την
τοιαύτην όφθαλμίαν, λέγω δη την σύνθετον... Τούτο δε επασχεν cm άπό
παρατηρήσεως εμπειρικής έθεράπευεν ουδέ γάρ έγίνωσκεν καθολικούς κανόνας,
τυχόν τα σύστοιχα άπό ώρας και χώρας και των λοιπών, ώστε διαγνώναι τάς
συνθέτους όφθαλμίας οτι πληθωρικόν υπάρχει το σώμα και έκ τών είρημένων τόν
πλεονάζοντα χυμόν καΐ οΰτως ένστηναι. Ταΰτα οδν άγνοών άπετύγχανεν επί τάς
γινομένας κατά συμπάθειαν όφθαλμίας.
64 WANDA WOLSKA-CONUS

j'entends une ophtalmie complexe. Les ophtalmies complexes donc, kata


sympatheian, le corps entier souffrant de pléthore, il les ignorait et il était
incapable de les soigner, alors que les ophtalmies simples, kata prôtopa-
theian, dont la cause se situe dans les yeux mêmes, il les soignait admi
rablement bien. Ceci lui est arrivé, parce qu'il soignait (les malades) en
partant de l'observation et de l'expérience ; il ne connaissait pas en effet
les règles générales, plus exactement les éléments qui vont avec et qu'on
déduit des saisons, des pays et d'autres choses du même genre, de
manière à diagnostiquer les ophtalmies complexes — à savoir que le
corps souffre de pléthore et (à identifier) d'après les critères ci-dessus
mentionnés le chyme surabondant, pour le combattre. C'est parce qu'il
ignorait ces choses-là qu'il a échoué, s' agissant des ophtalmies surve
nues kata sympatheian. »
Relisons le commentaire de Galien pour nous faire dès maintenant une
idée des transpositions de Stephanos, ou plus exactement de celles du
Galien qu'il cite — en effet, les mots και λέγει αυτός (voir la note 247)
doivent normalement désigner Galien nommé quelques lignes plus
haut — , de sa manière de théoriser les remarques faites un peu au hasard
que nous lisons dans Yhypomnèma authentique de Galien. La lecture
simultanée des deux textes ne manque pas d'intérêt. Galien écrit248 :
«C'est plus de l'expérience, me semble-t-il, que d'un savoir rationnel
qu'Hippocrate a tiré la connaissance de ce qu'il vient de dire (έκ πείρας
μοι δοκεϊ μάλλον ούκ έκ λόγου τίνος έγνωκεναι των ειρημένων
εκαστον ό Ιπποκράτης). Il n'y a rien d'étonnant en effet à ce qu'un
homme souffrant, qui s'était précipité dans un bain, soit libéré de la dou
leur ; ou bien qu'empêché de boire du vin et n'en ayant ressenti aucun
soulagement, il se remette à boire avec empressement ; et s'il est par
ailleurs porté sur la boisson, qu'il en éprouve ensuite quelque apaise
ment. De même donc que beaucoup d'autres choses ainsi observées ont
été écrites par des médecins d'une manière vague (άδιορίστως), de
même ici, me semble-t-il, Hippocrate également a noté (ses observat
ions),sans décrire de manière rationnelle les affections ni de manière
expérimentale les syndromes (μήτε λογικώς είπόντος αύτου τας
διαθέσεις μήτ'έμπειρικώς τας συνδρομάς)...»
Galien se met alors à décrire deux expériences qui lui ont permis de
vérifier le bien-fondé des remarques d'Hippocrate. La première249 se
déroule au chevet d'un jeune homme souffrant d'une inflammation
d'yeux (φλεγμονής μόνης ούσης κατά τους οφθαλμούς), en compétit
ion, pour ainsi dire, avec un ophtalmologiste célèbre séjournant à Rome.
Celui-ci a cru bon d'user d'un collyre servant à la fois d'onguent et de
calmant, composé qu'il était de blanc de céruse purifié, d'amidon et de

248. Gal. In Hipp. Aph. VI 31 : K. 18\ p. 451"16.


249. Ibidem, p. 4610-497 : nous résumons brièvement le long récit de Galien.
UN «PSEUDO-GALIEN» 65

pavot250. Une thérapie inefficace, car l'onguent, au lieu d'arrêter l'afflux


d'humeurs dans les yeux, en a empêché l'évacuation, alors que l'action
du narcotique a fini par abîmer la faculté visuelle (την όπτικήν
δύναμιν). C'est alors qu'intervient Galien, qui prescrit d'abord une
compresse chaude, tout en ordonnant au jeune homme de s'éponger avec
de l'eau chaude, de prendre un bain et une nuit de bon sommeil. Cette
thérapie s'étant avérée bienfaisante, Galien en déduit que la maladie ne
vient pas de la pléthore du corps et que, par conséquent, on peut la guérir
en recourant au bain seul (βαλανείου χρήσει την όδύνην αυτών — sci
licet οφθαλμών — ίασάμην).
Un autre cas251 est celui d'un jeune homme habitant dans une cam
pagne assez éloignée de la ville. Ses yeux sont secs et gonflés, les veines
pleines de sang. Galien lui ordonne de prendre un bain, de boire du vin
pur et de s'accorder une nuit de sommeil. Le jeune homme s'étant levé
guéri le lendemain, Galien croit pouvoir diagnostiquer une forte tension
sanguine dans les yeux, sans que l'ensemble du corps soit pléthorique.
Parmi les moyens qui combattent la douleur des yeux252, le plus sûr est
celui de la compresse chaude (άσφαλέστατον δ 'ή πυρία), et ceci en tant
que signe permettant d'établir le diagnostic (ώς σημεΐον εις διάγνωσιν) et
en tant que cause du retour à la santé (ώς αίτιον ύγιείας τοις
όφθ-αλμοίς) ; elle nous permet de reconnaître la maladie et en même temps
de décider quelle sorte d'évacuation convient à quelle maladie : la phléboto-
mie, si le corps est pléthorique, la purge, s'il s'agit de mauvais chymes.
Ainsi, pour combler les lacunes de l'aphorisme, Galien met à profit sa
propre expérience et son savoir rationnel, en faisant correspondre,
λογικώς et έμπειρικώς, les maladies, les syndromes et les thérapies, ce
que n'a pas su faire l'ophtalmologiste de Rome 253.
Mais revenons à Stephanos pour constater que, tout en prenant Galien
pour son point de départ, il transforme la description clinique en un dis
cours théorique, pour établir le principe qui revient souvent dans son comm
entaire et selon lequel on répartit les maladies, sinon toutes, du moins un
grand nombre parmi elles, entre celles qui se produisent kata prôtopa-
theian (ou idiopatheian) et celles qui sont provoquées kata sympatheian.
Reprenant au cinquième point le préambule254, il pousse encore
davantage ses divisions ou classifications, en procédant εκ διαιρέσεως.

250. Ibidem, p. 474"7 : Έκείνω μεν οδν έδόκει τότε χρησθαί τινι κολλυρίω τών
έμπλαστικών τε αμα και ανώδυνων, οία τά τε δια ψιμυθίου πεπλυμμένου καΐ
αμύλου και μήκωνος συντιθέμενα.
251. Ibidem, ν.Α9Ί-5&.
252. Ibidem, p. 501"12.
253. Ibidem, p. 4510"12 ; voir plus haut p. 63-64.
254. Aph. VI 31 (W. III, p. 23641-238n) : Πέμπτον εστί τών ζητουμένων επειδή
άπλης καΐ συνθέτου όφθαλμίας έμνημονεύσαμεν, δει ήμας έκ διαιρέσεως
προελθείν περί τών παθών ών μέμνηται ενταύθα ό 'Ιπποκράτης. Ή δε διαίρεσις
έχει ούτως... Il est à remarquer que Stephanos attribue abusivement à Hippocrate une
diairesis qu'il emprunte peut-être à un traité d'ophtalmologie (? connu également de
Théophile-Asclèpios, voir plus loin, p. 67-68).
66 WANDA WOLSKA-CONUS

II distingue, parmi les ophtalmies complexes, kata sympatheian, dues


aux chymes qui corrompent le corps tout entier, celles qui le sont soit
selon la quantité, soit selon la qualité, soit encore selon l'une et l'autre à
la fois. S 'agissant des ophtalmies simples, kata prôtopatheian, il attribue
les unes aux chymes gluants et épais, d'autres aux chymes fins et mor
dants qui se logent tous dans les yeux eux-mêmes.
Une fois la théôria (πέντε τινά) terminée, Stephanos aborde la théra
pie255 : «Après ce préambule, écrit-il, il nous faut adapter chaque mode
thérapeutique à chaque genre d'ophtalmie proclamé par Hippocrate dans
sa diairesis 256.» C'est ainsi que les affections kata idiopatheian, dues à
la matière épaisse, froide et gluante, logée dans les yeux, se soignent à
l'aide des moyens qui réchauffent, font fondre et éliminent la matière, le
vin principalement recommandé justement par Hippocrate.
Suit un petit développement emprunté à Philagrios257 qui décrit les qual
ités du vin propre à guérir les ophtalmies, sa couleur, son goût, son âge.
Vient ensuite un prosdiorismos recommandant de tenir compte de la
structure de la tête (κατασκευήν) : il ne faut pas donner du vin pur aux
gens qui ont la tête fragile (ευπαθής)258 .
Les ophtalmies dues à la dyscrasie du corps entier se soignent à l'aide
des bains qui ramènent les corps à Yeucrasie 259.

255. Ibidem, p. 23812'27 : Τούτων ούτω προληφθέντων, έφΌΓς δέον ημάς άρμόσαι
ε'καστον τρόπον θεραπείας έκάστω εϊδει όφθαλμίας των έν τη διαιρέσει άναφανέντων
ύπό τοΰ 'Ιπποκράτους... Il est à remarquer qu'une fois les prolegomena terminés,
Stephanos s'exprime au pluriel : nous, en parlant en son propre nom, en tant que médecin, et
non plus en tant qu'exégète d' Hippocrate : κεχρήμεθα (voir notes 259, 260, 261).
256. Ainsi Stephanos (ou sa source) comble la lacune d'Hippocrate : celui-ci, en effet,
a bien proposé des thérapies, tout en omettant de préciser les genres d'ophtalmies que ces
thérapies doivent soulager. Voir plus haut, p. 63.
257. Aph. VI 31 (W. III, p. 23828-2402) : Ενταύθα δε γενόμενος ό Φιλάγριος
θαυμασίως έπέστησεν και λέγει και τήν δοκιμασίαν του οίνου, ποίον δει είναι τον
οΐνον τον έπι ταϊς όφθαλμίαις παραλαμβανόμενον κατά τε χροιάν καΐ γεΰσιν καΐ
ήλικίαν. Δει γάρ, φησίν, λευκότατον είναι τον οΤνον οί γάρ λευκοί οίνοι
εύανάδοτοί είσιν ώς λεπτομερείς υπάρχοντες. Οί δε παχεϊς καΐ μέλανες έν τη
γαστρι έγχρονίζουσιν και δύνανται και βλάψαι τουναντίον ατμούς γάρ τινας
αναπεμπουσιν έπι τήν κεφαλήν και πληροΰσιν αυτήν και πολλά κακά δύνανται
ποιησαι· τί γάρ; "Οτι και έπιτείνουσιν τάς όφθαλμίας καΐ καρηβαρίας έμποιοΰσιν
και τά τοιαύτα. Δει οδν λευκόν είναι τον οΤνον δει αυτόν καΐ γλυκύν είναι. Οί γάρ
γλυκείς οίνοι εύπεπτοι και πέψιν παρέχουσιν άλλ' οδν όμως κακά τίνα
απεργάζονται. Οδτοι δε οι γλυκείς οίνοι πέττουσι κατά λόγον, αλλά καΐ πέττονται·
όθεν και τη φύσει διά τούτο τά γλυκέα φίλια είσιν μάλιστα διά το σύμμετρον. Δει
οδν, ώς ε'ι'ρηται, λευκόν εΐναι τόν οΐνον και γλυκύν δει αυτόν μήτε παλαιόν είναι,
επειδή πάλιν ό τοιούτος βλαπτικός έστιν, μήτε μήν νέον και μοΰστον, επειδή ό
τοιούτος υδαρής ών και ύδατώδης διουρείται ευχερώς καΐ ούκ άναδίδοται, αλλά
δει μέσως πως αυτόν είναι και κατά τήν ήλικίαν μήτε παλαιόν μηδέ νέον.
258. Ibidem, p. 2403'11 : Πλην και προσδιορισμόν τίθησιν τοιούτον οτι... (qui ?
Philagrios ?). - Suit (p. 24012"16) une petite remarque sur les choses qui peuvent faire du
bien ou nuire, selon qu'on les utilise dans des circonstances favorables ou défavorables.
259. Ibidem, p. 24017'21 : Και ταΰτα μεν περί τούτου. Ει δε γε διά δυσκρασιαν του
παντός σώματος γένηται όφθαλμία, τότε λουτροϊς κεχρήμεθα· τό γάρ λουτρόν έπικιρνα
τήν δυσκρασιαν και μεταβάλλει και άλλοιοί καΐ εις εύκρασίαν μετάγει, και διά τοΰτο
έπι τοϊς όφθαλμιώσιν διά δυσκρασιαν του παντός σώματος λουτροϊς κεχρήμεθα..
UN «PSEUDO-GALIEN» 67

Quant aux ophtalmies kata idiopatheian causées par la matière fine et


mordante, on se sert de compresses chaudes qui réduisent la mordacité
de la matière, l'évacuent et rendent moins denses les enveloppes cornées
des yeux260 .
Pour les ophtalmies causées par la pléthore affectant la totalité du
corps, autrement dit les ophtalmies kata sympatheian 261, on pratique la
phlébotomie, s'il s'agit d'une ophtalmie selon la quantité; quant aux
ophtalmies selon la qualité, on recourt à la purge, après avoir reconnu le
chyme surabondant qu'il convient d'évacuer ; pour les ophtalmies dues à
la fois à la quantité et à la qualité, on pratique la phlébotomie et la purge.
Enfin, après toutes ces tentatives de sauver l'aphorisme contesté, d'ex
pliquer ses bizarreries et ses contradictions, de combler ses omissions, de
raccorder la théorie à la pratique, la démarche rationnelle à l'observation,
Stephanos donne son absolution à Hippocrate. «Contemple, écrit-il 262,
l'art d'Hippocrate. Il a placé les choses bizarres, insolites et rares avant
celles dont on a l'habitude. Si, en effet, il les avait rangées en dernier
lieu, ces choses inconnues du commun des hommes, on les aurait tenues
pour des mensonges. C'est donc pour cette raison qu'il leur a accordé la
première place, en rendant en quelque sorte son discours plus propre à
susciter des débats, étant donné que, même si ces choses restent incon
nuesdu commun des hommes, elles s'avèrent néanmoins vraies.»
Il est intéressant de terminer cette longue analyse du texte de
Stephanos par nous reporter au commentaire de Théophile : toute l'ambi
guïtéet les doutes, les hésitations et les justifications, la démonstration,
les références au raisonnement et à l'observation, y disparaissent. Seule
la conclusion finale y trouve place, un schéma parfait d'une mise en
parallèle : maladie - thérapie ; une correspondance, si difficilement éla
borée par Stephanos, s'y impose magistralement.
kat' Voici
idiopatheian
le commentaire
soit katade sympatheian.
Théophile263 : L'ophtalmie
«L'ophtalmiekat'
se idiopatheian
produit soit

260. Ibidem, p. 24022 ~27 : Eî δε γε κατά ίδιοπάθειαν πάλιν αυτών τών οφθαλμών
έστιν ή οδύνη, εν αύτοϊς περιγραφόμενης της ύλης και γινομένης της οδύνης ύπο
λεπτής και δριμείας και δακνώδους ύλης, τότε πυρία κεχρήμεθα. Ή γαρ πυρία ή
δια του θερμού ύδατος τέως το δηκτικον της ύλης αμα τη προσβολή αμβλύνει·
λοιπόν δέ και δτι άραιοϊ τους χιτώνας τών οφθαλμών και ούτως διαφορεϊ την
τοιαύτην ΰλην.
261 Ibidem, p. 24028 " 33 : Ει δέ γε δια πληθώραν του παντός σώματος και κατά
συμπάθειαν γίνεται ή όφθαλμία, δει σε έπισκέψαι. Και ει μέν κατά ποσότητα
γένηται ή όφθαλμία, τότε φλεβοτομία κεχρήμεθα· ει δέ κατά ποιότητα, τότε δει σε
θεωρησαι και διαγνώναι τον πλεονάζοντα χυμον καΐ κενοΰν αυτόν ει δέ τα
αμφότερα λιμαίνουσιν το σώμα, τότε τοις άμφοτέροις κεχρήμεθα, καΐ φλεβοτομία
και καθάρσει.
262. Ibidem, p. 24034"38 : Σκόπει δέ την τέχνην 'Ιπποκράτους, οτι προέταξεν τα
παράδοξα και ξένα καΐ σπάνια τών συνήθων. Ει γαρ τελευταίον αυτά εταξεν
αγνώριστα οντά τώ παντι άνθρώπω, ψευδή ένομίζοντο εΤναι· δια τούτο οδν
προέταξεν αυτά και άγωνιστικώτερόν πως εΐργάσατο τον λόγον, οτι, ει και μη
εγνωσμένα είσιν παντι άνθρώπω, άλλ'οδν όμως άληθη εΐσιν.
263. Aph. VI 31 : D. Π, ρ. 5019-50212.
68 WANDA WOLSKA-CONUS

(se déclenche), lorsque la matière logée dans l'œil l'incommode, soit


parce qu'elle est épaisse et difficile à déplacer (δυσεκμόχλευτος), soit
parce qu'elle est fine et mordante, ou bien lorsqu'une simple dyscrasie
s'installe dans l'œil, avec très peu de matière. L'ophtalmie kata sympa-
theian, au contraire, (se produit), lorsque l'œil souffre en raison de la
surabondance de la matière, soit que celle-ci se concentre dans une part
ie, à savoir dans le cerveau, ou dans une autre du même genre, soit
qu'elle (se répande) dans le corps tout entier, l'incommodant par la qual
ité ou par la quantité du chyme (ποιότητι η ποσότητι χυμοί)
ένοχλουμένω), ou par la dyscrasie. Donc, puisqu'il existe des causes
diverses d'ophtalmie, les thérapies sont elles aussi diverses : une ophtal
mieincommodant (l'œil) kata sympatheian, en raison de la quantité,
c'est la phlébotomie entraînant l'évacuation qui la guérit, alors que
l'ophtalmie (gênant l'œil) en raison de la qualité, c'est la purge (qui
l'éloigné). En effet, la cause de la douleur une fois supprimée, la douleur
cesse elle aussi. Quant à l'ophtalmie kat'idiopatheian due à l'épaisseur
de la matière, c'est le vin pur qui la guérit, parce qu'il réduit, réchauffe et
élimine la matière ; Γ ophtalmie causée par le mordant de la matière et
par la dyscrasie, c'est la compresse chaude (qui la soulage), soit parce
qu'elle évacue la matière, soit parce qu'elle humecte (l'œil) et le ramène
à Yeucrasie ; la dyscrasie du corps tout entier, c'est le bain (qui la fait
disparaître), pour la même raison.»
Il est impossible, dans l'état actuel de nos connaissances, de saisir les
étapes différentes du texte de nos deux commentaires, d'évaluer d'évent
uelsapports de Galien, de Philagrios, du Pseudo-Galien, de Stephanos
lui-même, de Théophile et de leurs copistes. La différence d'approche,
sinon du contenu, entre le discours de Stephanos et celui de Théophile
s'explique-t-elle par le fait que, dans notre hypothèse, ce dernier dispose
du seul texte d'Asclèpios (enrichi probablement par ses additions per
sonnelles), alors que Stephanos compile et juxtapose tout ce qu'il trouve
sous la main ? À l'heure actuelle, nous ne pouvons que poser le pro
blème.

Αρη. VI 44
Enfin, venons-en à Y Aphorisme VI 44 : «Les malades qui, à la suite
d'une strangurie, sont atteints d'iléus, périssent en sept jours, à moins
que, la fièvre étant survenue, l'urine ne coule en abondance.»
Galien rejette cet aphorisme, nous dit Stephanos264, «parce qu'il pro
clame les choses contraires à l'évidence».
Et réellement, le Galien cité par Stephanos et le Galien, dont nous
lisons le commentaire, tombent d'accord pour contester l'authenticité de
cet aphorisme. Galien écrit 265 : «II vaut mieux avouer que nous ignorons

264. Aph. VI 44 (W. III, p. 2567"8) : Τον παρόντα άφορισμδν έκβάλλει ό Γαληνός
ώς παρά τα ενεργή φθεγγόμενον καΐ μη εΐναί φησιν 'Ιπποκράτους.
265. Gal. In Hipp. Aph. VI 44 : Κ. 18\ p. 7013-712.
UN «PSEUDO-GALIEN» 69

ce qu'Hippocrate veut dire dans cet aphorisme. En effet, ni le raisonne


ment ne démontre sa véracité, ni l'expérience ne l'enseigne ; en tro
isième lieu, nous n'avons rien d'autre qui nous ferait croire qu'un tel
malade ait jamais été vu par Hippocrate ou par quelqu'un d'autre ; je ne
peux même pas dire si cet aphorisme est authentique.»
Quant à Stephanos lui-même, il cherche, en suivant l'opinion de
l'Exégète du présent ouvrage, à expliquer et à justifier la position
d'Hippocrate : ce n'est pas la strangurie qui provoque l'iléus ; au
contraire, c'est l'iléus qui est à l'origine de la strangurie ; le malentendu
vient du fait que la strangurie se manifeste tout d'abord, avant l'iléus,
bien que ce soit ce dernier la cause de la strangurie266 .
Théophile, qui ignore Galien, ne dit pas autre chose267 .

Il va de soi que ces quarante-trois textes ne représentent pas la totalité


des emprunts faits par Stephanos à ce Galien qu'il cite et commente. Une
analyse minutieuse des commentaires de Stephanos et de Galien (authen
tique)permettrait de définir avec plus de précision les relations qui s'éta
blissent entre ces deux commentaires, si proches et, en même temps, si
différents. Une telle étude dépasse les intentions du présent article, mais
déjà, à notre première analyse du commentaire de Stephanos, la présence
d'une source intermédiaire s'imposait avec force, sans que, dès ce
moment-là, nous ayons eu la possibilité d'en apprécier la portée268.

Conclusion
Ό Νεώτερος 'Εξηγητής :
Philagrios, Gésios, Palladios, Jean d'Alexandrie ?

Les textes analysés ci-dessus - ceci concerne aussi bien les développe
ments mis sous le nom de Galien et pourtant absents de son commentaire
que les glissements de sens et les divergences d'interprétation - laissent
peu de doute, me semble-t-il, sur leur fausse attribution à Galien dont on
lit le commentaire. Reviennent-ils, comme nous l'avons suggéré au
début de notre article, à ce Nouvel Exégète que Stephanos, selon ses

266. Cf. REB 54, 1996, p. 24-28, avec les notes correspondantes.
267. Aph. VI 44 : D. II, p. 50913-5105.
268. Cf. REB 50, 1992, p. 59-77. En parlant (p. 59) du commentaire aux Aphorismes,
j'ai dit (simple inadvertance) νέος εξηγητής au lieu de dire νεώτερος εξηγητής, et j'ai
suggéré qu'il s'agissait peut-être d'Asclèpios, une erreur qui représente une des étapes de
mon enquête. Le νέος εξηγητής n'apparaît que dans le commentaire au Prognostikon
(Progn. I 48 et III 6 : p. 126116 et p. 25632-2583 ; cf. ibidem, p. 13), à propos du problème
du «siège» du principe dirigeant de l'âme (το ήγεμονικόν) ; est-ce le cerveau ou le
cœur ? Ce néos exègètès est-il identique au néôtèros exègètès ? Dans son commentaire aux
Aphorismes II 1 (W. I, p. 13829"30), Stephanos attribue, sans autre précision, le rang du
«siège du principe dirigeant de l'âme» au cerveau. Est-il identique à Asclèpios, comme le
suggère Dietz (II, p. ix-x) ? Dans ce cas, il n'est pas identique au Néôtèros Exègètès, notre
Pseudo-Galien.
70 WANDA WOLSKA-CONUS

dires, est «en train d'expliquer» ? Un «faux Galien» dont le commentaire


semble se substituer à l'authentique hypomnèma de Galien de la manière
si parfaite qu'il fait disparaître chez l'auteur (et à plus forte raison chez
le lecteur) jusqu'à la conscience qu'on est en train de se référer à un
faux.
Moins volumineux que l'énorme élaboration de Galien, il est plus
facile à consulter ; mis sous le nom de Galien — subrepticement, à vrai
dire, mais les deux commentaires sont si proches l'un de l'autre ! — , il
confère plus d'autorité aux «leçons» de Stephanos que ne le ferait le
commentaire d'un néos ou d'un néôtéros, par définition moins presti
gieux qu'un palaios.
Stephanos, croyons-nous, connaît, directement ou indirectement, cet
exégète dont il escamote — intentionnellement ou non — le nom et qu'il
faut chercher parmi ses contemporains ou ses prédécesseurs plus ou
moins immédiats. Il en nomme trois : Asclèpios, Philagrios, Gésios.
Nous nous sommes longtemps arrêtés à la paraphrase d' Asclèpios, cet
exégète «expliquant Hippocrate d'après Hippocrate»269. Nous n'avons
plus à y revenir. En tous cas, il n'est pas le Nouvel Exégète.
Quant à Philagrios, qui a vécu entre Galien qu'il cite et Oribase qui
utilise ses œuvres, Stephanos le qualifie de périodeutès (Aph. V 26 (24))
et l'introduit (Aph. VI 31) à l'aide de la formule: Ένταΰ#α δε
γενόμενος ό Φιλάγριος Φαυμασίως έπέστησεν270. Auteur de nom
breux livres de médecine, monographies et manuels, il a aussi composé
des commentaires à Hippocrate (ύπομνηματικά εις Ίπποκράτην). Il
n'est connu aujourd'hui que par les fragments ou citations qu'on récu
père à travers les œuvres d' Oribase, d'Alexandre de Tralles, d'Aëtios
d'Amida, de Paul d'Égine, de Rhazès ou d'Avicenne. Son commentaire
aux Aphorismes (si toutefois il s'agit du commentaire aux
Aphorisme s211), Stephanos est le seul, autant que je sache, à le mentionn
er. En a-t-il eu une connaissance directe ou par l'intermédiaire d'une
troisième source, seule l'édition critique de ses fragments peut nous don
ner la réponse272. Il est peu probable que ce soit lui le Nouvel Exégète.
Gésios est cité une seule fois à propos de Y Aphorisme II 53 (54). Il est
permis de supposer que Stephanos, trop jeune pour l'avoir rencontré per-

269. Tout l'article de la REB 54, 1996, p. 5-66, lui a été consacré.
270. Aph. V 26 (24) : W. III, p. 901419, et Aph. VI 31 : W. III p. 23828-2402 (texte cité
plus haut n. 257). Cf. REB 52, 1992, p. 25-26, et note 79 avec la bibliographie, à laquelle
il convient d'ajouter F. Kudlien, KIP IV, 1979, col. 734, s. v. Philagrios, ainsi que M.
Ullmann, Die Medizin im Islam (Handbuch der Orientalistik I Abteilung.
Ergänzungsband VI, I Absch.), Leiden-Köln, 1970, p. 79-81.
271. Peut-être peut-on rapprocher le développement sur les qualités curatives du vin,
attribué par Stephanos à Philagrios (Aph. VI 31) de son Περί ηδέων πωμάτων cité par
Oribase (Coll. med. V 17 et 19 s.) : cf. E. Bernert, PW XIX 2, 1938, col. 2104, s. v.
Philagrios.
272. Cf. Rita Masullo, Prolegomena all'edizione critica di Filagrio, Storia e ecdotica
dei testi medici greci. Atti del II Convegno Internazionale, Parigi 24-26 maggio 1994, a
cura di Antonio Garzya e Jacques Jouanna, Napoli, 1996, p. 319-333.
UN «PSEUDO-GALIEN» 71

sonnellement, a lu et utilisé ses œuvres273. Nous ne possédons cependant


aucune donnée objective pour l'identifier avec le Nouvel Exégète.
Nous connaissons deux autres médecins-sophistes, commentateurs
d'Hippocrate, ayant vécu à la même époque (6e - début du 7e siècle),
Palladios et Jean d'Alexandrie. Bien qu'ils ne soient pas nommés par
Stephanos, ils peuvent, l'un ou l'autre, avoir inspiré le commentaire de
Stephanos et prétendre au titre du Nouvel Exégète. C'est à ces deux per
sonnages que nous consacrerons notre prochain article.

IV. Appendice.
Textes témoins : suite.

Nous reléguons dans l'appendice les commentaires aux Aphorismes I


5 (3) et IV 73 (75):
Le premier, parce que, lorsqu'il traite, à propos des facultés physiques
et psychiques, du problème de l'alternance de l'acte et du repos (plus
exactement du problème du sommeil), il implique, à notre avis, le com
mentaire au Prognostique plutôt que celui aux Aphorismes.
Le deuxième, parce que ses répétitions, ses contradictions et incohé
rences — résultat, sans doute, des contaminations successives — rendent
toute conclusion aléatoire.

Αρη. Ι 5 (3)
L' Aphorisme 13 — «Chez les athlètes, les bons états des corps274 por
tés à la dernière limite sont dangereux...» — se trouve décomposé, dans
le commentaire de Stephanos, en plusieurs unités (Aph. I 4-8).
C'est à propos de la phrase «ne peuvent275 ni rester au même point, ni
demeurer immobiles» que Stephanos rapporte l'embarras des exégètes et
Yaporie suscitée par cet aphorisme. «Cet aphorisme paraît obscur, écrit-

273. Sophronios le Sophiste, auteur du recueil des miracles des saints Cyr et Jean, qui
a suivi avec son ami Jean Moschos les praxeis de Stephanos le sophiste, en fournit peut-
être la preuve, si toutefois on admet notre hypothèse selon laquelle Stephanos le Sophiste,
mentionnée dans le Pré Spirituel de Jean Moschos, et notre Stephanos, sophiste et médec
in,sont identiques. Voir REB 47, 1989, p. 47-59, surtout p. 51-54, avec les notes corres
pondantes, et aussi REB 54, 1996, p. 47-48 et note 146.
274. Έν τοισι γυμναστικοϊσιν αϊ έπ'ακρον εύεξίαι σφαλεραί, traduit par Littré :
«Chez les athlètes, un état de santé porté à la dernière limite est dangereux». Selon
Stephanos (Aph. I 5 (3) : W. I, p. 6231-647), le mot ευεξία désigne deux choses, soit un
état d'excellence (το κάλλιστον) , soit un terme au-delà duquel il n'y a plus rien (οδ τι
ουκ εστίν έπέκεινα). Théophile (Aph. I 3 : D. II, p. 25813'14), quant à lui, explique :
... εύεξίαν... (καλεί)... τήν πολυσαρκίαν, άκρον δε το εσχατον.
275. Ού γαρ δύνανται μένειν έν τω αύτέω (scilicet : αϊ εύεξίαι) ουδέ άτρεμέειν,
traduit par Littré : «demeurer stationnaires au même point est impossible.» Nous ne gar
dons pas cette forme impersonnelle de la traduction qui ne désigne pas clairement le
sujet : «états de santé ?». «athlètes ?» La forme έν τοϊσι γυμναστικοϊσι.ν ne permet pas
d'y voir le sujet. C'est donc, comme le propose Stephanos, εύεξίαι = δυνάμεις.
72 WANDA WOLSKA-CONUS

il276 ; aussi les exégètes plus anciens (παλαιότεροι) en ont-ils donné des
explications différentes. Certains ont dit que les mots "les bons états des
corps portés à la dernière limite sont dangereux" pour les athlètes, parce
que les facultés (δυνάμεις), alourdies par la masse du sang, sont obli
gées de rester au repos (ήρεμεΐν), ce qui est absurde. Car, voici, l'aporie
qu'on formulera à rencontre de cette opinion : Pour quelle raison
Hippocrate met-il en cause le repos des facultés277 ? Nous voyons bien
que les facultés restées au repos pendant quelque temps s'en trouvent
fortifiées pour les activités à venir (προς τας έφεξης ενεργείας). À
ceci, il convient de répondre que les facultés n'existent que pour agir
(δια την ένέργειαν γεγόνασι) et que c'est à travers le mouvement et
l'action que se manifeste leur vertu (έν τω κινεϊσθαι και ένεργεϊν ή
αρετή αυτών διαδείκνυται). Leur repos et l'inactivité ne sont pas autre
chose qu'image de la mort. C'est ainsi qu'Hippocrate dit bien dans un
autre écrit278 : "Tout mouvement279 fortifie, l'oisiveté ramollit". Et jus
qu'à quel point le repos leur est nuisible, Hippocrate le fait savoir, lors
qu'il ajoute : puisqu'elles "ne demeurent pas immobiles". Ne pense pas
que "ne demeurent pas immobiles" signifie : ne restent pas au repos ; au
contraire, cela veut dire qu'alors qu'il n'est pas de leur nature de rester
en repos (ήρεμεΐν μεν ου πεφύκασιν), les facultés sont en train de
prendre du repos (νυν δε ήρεμουσι) et s'accordent une sorte de répit,
qui est différent de l'arrêt (και έτερον τρόπον ησυχίας παρά την
άνάπαυσιν ήσυχάζουσιν). En effet, lorsque le sang abonde, les facultés
peinent (κάμνουσι), alourdies et engourdies qu'elles sont ; mais cela
n'est pas une relâche ; c'est un mouvement indolent (όπερ ουκ εστίν
ανεσις, άλλα παθητική κίνησις). "Comme elles ne peuvent plus pro
gresser vers le mieux", il ne leur reste qu'à basculer dans le pire
(λείπεται ούν έπι το χείρον μεταπίπτειν αύτάς).»
«Galien, cependant, explique autrement ce passage, continue
Stephanos280, et son discours est plutôt plus près de la vérité. Il affirme
qu'Hippocrate entend ici nos facultés, surtout nos facultés physiques, car
nos facultés psychiques se mettent quelquefois au repos, par exemple
pendant le sommeil ; et ceci est conforme à la nature (κατά φύσιν) :
alourdies par la repletion, elles restent inertes tout en demeurant en état
d'éveil (εν τη πληρώσει βαρυνόμεναι άνενέργητοι καν τω
έγρηγορέναι μένουσι). Il faut donc, comme on l'a dit, prendre les mots
en question (το λεγόμενον) pour les facultés physiques, car elles agis-

276. Aph. I 5 (3) ; W. I, p. 641026.


277. Ibidem, p. 6413"14 : 'Απορήσει δε τις προς την τοιαύτην εννοιαν <οτι Τίνος>
ένεκεν την ήσυχίαν των δυνάμεων διαβάλλει ό Ιπποκράτης;
278. Ibidem, ρ. 6419 : έν άλλοις, cf. Hipp. Off. med. 20 (L. 3, p. 32413) : "Οτι χρήσις
κρατύνει, άργίη δε τήκει, traduit par Littré :«I1 faut savoir que l'exercice fortifie et que
l'oisiveté énerve». Voir la note de Littré ad locum.
279. Aph. I 5 (3) (W. I, p. 6419) : Κίνησις μετεξετέρη, traduit par Westerink : «a cer
tain amount of motion» et, aussi, même chose dans Liddell-Scott. Κίνησις : al. manu,
note Littré ; μετεξετέρη ne figure pas dans Yapp. crit. de Littré.
280. Aph. I 5 (3) : W. I, p. 6426-6610.
UN «PSEUDO-GALIEN» 73

sent sans répit, en se relayant les unes les autres (άεννάως έκ διαδοχής
ένεργοΰσιν). Leur œuvre (έργον) consiste à digérer les aliments, à
fabriquer des chymes, à apporter la nourriture et à l'assimiler, à entrete
nir (le corps). Ces activités s'effectuant sans relâche et avec plutôt plus
d'intensité qu'auparavant, en raison de la pléthore de sang, le corps par
venant à l'extrême limite de repletion et de bon état (του δε σώματος έν
άκρα πληρώσει και εσχάτη ευεξία υπάρχοντος), réfléchis à ce qui en
résulte. C'est clair : ne pouvant plus progresser vers le mieux, il régresse
vers le pire, comme cela arrive aussi pour l'échelle, dans les choses de la
vie (ώς κάπι των έξωθεν έχει κλιμάκων) : un homme parvenu jusqu'à
la dernière marche, même s'il brûle de désir de grimper plus haut
(πρόσω σπεύδων άνελΦεΐν), puisqu'il n'y a plus d'autre marche, est
obligé de reculer (χωρεϊν).»
«En effet, s'il y a repletion des vaisseaux, dans le cas de l'obstruction
des nerfs, ce sont des spasmes, des epilepsies, des apoplexies qui s'en
suivent; au contraire, dans le cas de l'obstruction des veines et des
artères, ce sont des suffocations, des ruptures, des afflux excessifs de
sang, toutes choses qui mènent à une mort subite».
Tournons-nous maintenant vers Galien qui commente justement la
phrase «ne peuvent ni rester au même point ni demeurer immobiles». Il
écrit281 : «En effet, la physis s'activant sans répit (άει... εργαζομένης) à
la digestion, à la distribution, à la production de sang, à l'apport, à l'ag
glutination et à l'assimilation, lorsqu'il n'est plus possible d'ajouter quoi
que ce soit aux parties solides du corps, lorsque les veines n'arrivent plus
à contenir la nourriture fournie (par la physis) (μήθ'αί φλέβες ετι
χώραν εχωσιν ύποδέχεσΦαι την άναδιδομένην τροφήν), le danger
d'une mort subite survient nécessairement, à la suite de la rupture d'un
des vaisseaux.»
On le voit: si Galien et Stephanos s'accordent pour dire que l'inces
santeactivité de la physis (pour Galien), des facultés physiques (pour
Stephanos et le Galien qu'il cite) consiste à assurer la survie du corps, les
analogies s'arrêtent là. En effet, il n'y a rien dans le commentaire de
Galien282 sur l'alternance activité-repos dans les fonctions échues aux
facultés, qui préoccupe Stephanos et les exégètes anciens (et
modernes ?).
Aussi, revenant au Galien cité par Stephanos, est-on quelque peu sur
pris de tomber sur une allusion aux facultés psychiques «qui se mettent
quelquefois au repos, par exemple pendant le sommeil». Jusque là, rien
n'a été dit au sujet des facultés psychiques. On se pose alors la question :
cette remarque, Stephanos l'a-t-il trouvée déjà dans le texte de Galien
qu'il semble avoir sous les yeux ? Ou bien n'est-ce qu'une remarque per-

281. Gal. In Hipp. Aph. I 3 : Κ. 172, p. 36429.


282. En effet, Galien concentre son attention sur le problème de repletion - évacuation
- récupération qui doivent toutes s'accomplir progressivement et avec modération.
74 WANDA WOLSKA-CONUS

sonnelle qu'il insère dans un texte qu'il interprète à sa convenance ? Une


remarque qui est la reminiscence d'un différend qui opposa les médecins
aux philosophes et qu'il signale dans son commentaire au Prognostikon,
en exposant sa théorie sur la cause efficiente du sommeil ?
Les médecins, écrit-il283, soutiennent que l'acte aussi bien que le repos
sont l'œuvre de la physis en tant que cause première (kata proton logon).
Ils le démontrent de la façon suivante : la nature, disent-ils, témoigne
d'une grande prévoyance et d'une grande sollicitude à l'égard de ses
créations ; ayant produit l'acte, elle a pris soin du repos également, afin
qu'en raison d'un mouvement et d'une activité qui ne s'arrêtent jamais,
les parties (du corps) ne subissent pas d'altération ni leurs facultés de
destruction. C'est pourquoi, comme on l'a dit, la nature toute sage a pro
duit comme cause première aussi bien l'acte que le repos ; pour que les
parties (du corps), prenant du repos après l'acte, marquent une pause et
restent immobiles284, et qu'ainsi leurs facultés s'élancent à nouveau vers
l'acte sans effort. Ne voyons-nous pas les bienfaits qu'apporte le somm
eil, les différentes (étapes de) la digestion, la discrimination des
chymes et autres choses du même genre ? C'est pour cette raison que
certains n'ont pas voulu qualifier le sommeil de repos, mais bien de pro
longation de l'action motrice des facultés physiques. Ainsi arguent les
médecins. Les philosophes au contraire, continue l'auteur, soutiennent
que la nature produit en tant que cause première l'acte seul, le repos
n'étant qu'un phénomène secondaire.
Sans doute est-il intéressant de se plonger dans cet enchevêtrement de
textes d'origines diverses qui illustrent la richesse de la documentation
de l'époque en même temps que les méthodes de travail des hommes qui
l'utilisent. Reconnaître avec quelque précision ces hommes et ces docu
ments n'est pas, semble-t-il, possible. Tout au plus peut-on supposer que
parmi ces philosophes et médecins se trouvait aussi le Galien (le Pseudo-)
cité par Stephanos.
Quant à Théophile285, si sa brève paraphrase se retrouve partiellement
dans le commentaire de Stephanos, il ne fait pas la moindre allusion à
Galien ou au problème de l'alternance acte-repos dans l'œuvre accomp
lie par les facultés physiques pour la bonne condition et la santé de
notre corps.

283. Progn. II 11 (10): p. 16032-16213. Cf. REB 47, 1989, p. 33-47, l'exposé de
Stephanos sur le sommeil, et particulièrement, p. 36-38.
284. Cf. Progn. II 11, p. 1621929, où les différentes facultés (dynameis) se trouvent
attribuées à l'âme sensitive (alogos), entre autres la faculté vitale (dynamis zôtikè) qui
assure la pulsation et la respiration selon l'alternance systole - diastole et, dans l'inter
valle, le repos (hèrémia) pour la pulsation ; eispnoè - ekpnoè et, dans l'intervalle, le repos,
pour la respiration.
285. Aph. I 3 : D. II, p. 25810"23. Il semble bien qu'il faille lire à la ligne 19 : που δε
<ούκ> έχει γενέσθαι (scilicet : ή πέψις των σιτίων, ή κατεργασία των χυμών etc.),
πρόθεσις ουκ εστί...
UN «PSEUDO-GALIEN» 75

Αρη. IV 73 (75)
Stephanos commence son commentaire à Γ Aphorisme IV 73 (75) —
«Si l'on urine286 du sang et 287 du pus, cela indique l'ulcération des reins
ou de la vessie» — par rappeler brièvement à ses élèves ce qu'ils ont
déjà appris et ce qu'ils vont apprendre (τα εν διαφόροις είρημένα, ώς
μεμαΦήκαμεν και μαΦησόμεΦα) au sujet des organes urinaires288.
Ensuite, après une rapide paraphrase expliquant les circonstances, les
modes de la formation et de l'évacuation du pus mêlé de sang289 (Και
ταΰτα μεν τα του Ιπποκράτους), il s'arrête à Yaporie que voici290:
«Pourquoi Hippocrate, alors qu'il existe différents organes urinaires,
mentionne seuls ces deux-là (les reins et la vessie) et passe sous silence
les voies urinaires... ou le col de la vessie291.»
Stephanos en propose plusieurs solutions292, dont la dernière nous
intéresse particulièrement. «À la fois probable et vraie», selon
Stephanos293, elle se déduit de la manière même de s'exprimer
d'Hippocrate. Prévoyant en effet la difficulté qu'on allait soulever, il a
dit «si l'on urine» (ούρέει) ; le mot «on urine» indique bien que le pus et
le sang viennent des «parties supérieures» (υπερκειμένων μορίων). «Et
quelles sont ces parties situées au-dessus du col de la vessie?, demande
Stephanos. Les reins et la vessie, évidemment. Si c'est donc de ces par
ties ci-dessus mentionnées que se fait l'évacuation, c'est bien l'urine qui
s'évacue en même temps, avec le pus et le sang. Et c'est de cela que
parle Hippocrate. "On urine" signifie en effet qu'avec le sang et le pus
s'élimine aussi le résidu du liquide séreux (ορώδους ύγροϋ
περίττωμα). Si c'est cependant le col de la vessie qui est ulcéré, il n'y a
pas d'urine dans le pus et le sang ; le pus s'élimine pur et exempt en
quelque sorte de tout mélange (ακραιφνές και καΦαρδν το πΰον
εκκρίνεται και αμιγές τρόπον τινά), à moins qu'avec le temps l'urine
ne s'accumule dans la vessie et qu'elle s'élimine avec le pus et le sang ;
mais cela n'arrive pas toujours ; il se peut aussi que le pus et le sang

286. 'Ή... ούρέη... «Uriner (habituellement)»... : Littré, voir sa note ad locum.


287. Καί : Stephanos ; η: Littré, Kühn, Dietz.
288. Aph. IV 73 (75) (W. II, p. 40611'16) : ...των ουρητικών οργάνων τα μέν
διακριτικά είσιν του ούρου... (νεφροί), τα δε παροδευτικά... (ουρητικά αγγεία), τα
δε ύποδεκτικά... (ούρηδόχος κύστις), τά δε άποκριτικά... (τράχηλος της κύστεως).
289. Ibidem, p. 40617"23 : Le pus sécrété par un ulcère des reins ou de la vessie pro
voque, pendant son parcours et par sa virulence, des lésions dans les voies urinaires et, par
conséquent, des écoulements de sang avec les urines.
290. Ibidem, p. 40624"28 .
291. Ibidem, p. 40822"27.
292. Ibidem, p. 40629-40819 : ) 1)... οτι μνησθεις των ακρών συμπεριέλαβεν καί τα
μέσα... 2) οτι έν τοις ούρητικοϊς άγγείοις των σπανίως έστιν ελκωσιν ... έν δε τοις
νεφροϊς και έν τΐ) ούρηδόχω κύστει τών ώς επί παν γινομένων... 3) είπε δε και
τρίτην άπολογίαν, ήτις και το ίκανον καί το αληθές έχει... νεφρών και κύστεως
μνήμην έποιήσατο δια την ένέργειαν... τών δε ουρητικών αγγείων ούκ
έμνημόνευσεν, επειδή μόνην χρείαν ποιούνται... το παροδεύειν το οδρον σωλήνων
δίκην...
293. Ibidem, p. 40828-4101.
76 WANDA WOLSKA-CONUS

s'évacuent spontanément (άπροαιρέτως) ; parce qu'il a dit "on urine",


Hippocrate a fait savoir qu'ils s'évacuent avec le liquide séreux, et c'est
ce qu'il entend en disant : "indique l'ulcération des reins ou de la ves
sie".»
Dans la Diagnostique 294 aussi, dit Stephanos295, menant une enquête
sur les selles, Galien explique que, mêlées au sang, elles signalent l'ulcé
ration «des parties supérieures», c'est-à-dire de l'intestin grêle296. Si par
contre le sang et les selles s'évacuent, sans se mélanger, on peut en
déduire que l'ulcération se situe dans le gros intestin. «Dans notre cas
pareillement, conclut Stephanos, si le pus et le sang s'évacuent mélangés
à l'urine, cela indique l'ulcération des parties supérieures. Et quelles sont
les parties supérieures par rapport au col (de la vessie), sinon les reins et
la vessie ?»
Alors Stephanos propose une autre explication297 : «Galien affirme à
différentes occasions (έν διαφόροις), dit-il, qu'il peut parfois arriver
qu'il y ait un abcès dans les organes respiratoires ou nutritifs, et qu'une
fois cet abcès crevé, le pus véhiculé par les urines s'élimine par le col de
la vessie...»
Dans ce nouveau contexte galénique, pourrait-on dire, réapparaît,
assez mal à propos298, l'aporie qu'on avait déjà rencontrée : «Pourquoi
Hippocrate mentionne-t-il, les reins et la vessie, à l'exclusion
(άποκληρωτικώς) d'autres organes?» À la même aporie, à quelques
nuances près, répondent les mêmes solutions299, dont nous ne retenons
que la dernière, déjà évoquée elle aussi300 : «Ou encore tu peux dire,
poursuit Stephanos, qu'il est clair, à en juger d'après sa manière particu
lière de s'exprimer, qu'Hippocrate est en train de parler des reins et de la
vessie seuls (εκ της ποιότητος καΐ ιδιοτροπίας της λέζεως δηλός
έστιν περί των νεφρών και της κύστεως νυν αύτω και μόνων ό
λόγος). Lorsqu'il dit, en effet, "si l'on urine du sang et du pus", il veut
signaler la persistance des urines mêlées de sang et de pus ; en effet,
qu'il y ait un abcès dans les organes respiratoires ou nutritifs, que cet
abcès crève et que le pus et le sang soient parfois transportés par les
urines, ils le sont jusqu'à ce que l'abcès soit vidé de son contenu. Aussi
peut-on affirmer que, si Hippocrate avait dit "on a uriné du pus pendant
quelque temps", l'aphorisme pourrait présenter la difficulté (είχεν αν
άπορίαν ό λόγος), mais il a dit "on urine". Il a signalé par là-même la

294. Gal. De locis affectis VI 2 : K. 8, p. 3828"15.


295. Aph. IV 73 (75) : W. II, p. 410213.
296. En effet, en raison de la longue distance à traverser, les selles et le sang s'entre
mêlent. Si l'ulcère se situe au contraire dans le gros intestin, le sang et les selles s'éva
cuent sans se mélanger, le sang s'éliminant tout d'abord et ensuite les selles.
297. Aph. IV 73 (75) : W. II, p. 41014-18.
298. Ibidem, p. 4101825.
299. Voir ci-dessus, note 292.
300. Aph. IV 73 (75) : W. II, p. 4102534.
UN «PSEUDO-GALIEN» 77

persistance des urines chargées de pus et de sang, ce qui "implique une


ulcération ou des reins ou de la vessie".»
Reportons-nous maintenant au commentaire de Galien. Une constata
tion s'impose du premier coup d'œil : Stephanos et Galien ne disposent
pas du même texte des Aphorismes. Alors que le lemme de Stephanos
donne «uriner du sang et du pus», le lemme de Galien propose «uriner
du sang ou du pus».
Galien examine301 donc les lésions des organes urinaires accompag
nées, ou non, de rupture d'un vaisseau, qui provoquent les écoulements,
avec les urines, soit de pus, soit de sang, soit des deux à la fois.
Il finit par s'arrêter au problème de la formation d'un abcès dans des
«parties supérieures». Il écrit 302 : «Parfois, le pus s'écoule avec les
urines à la rupture d'un abcès dans une des parties supérieures. Aussi,
certains exégètes, et même la plupart d'entre eux, ont-ils choisi une autre
leçon, à savoir celle (qui propose) la conjonction et (εΙ/\.οντο την έτέραν
γραφήν, την δια του και συνδέσμου) ; voici ce qu'elle donne : "Si l'on
urine du sang et du pus, cela indique l'ulcération des reins ou de la ves
sie" ; étant donné que, si c'est le pus seul qui s'évacue avec l'urine, cela
signale une ulcération possible non seulement des reins ou de la vessie,
mais aussi l'ulcération d'une des parties supérieures. Peut-être disent-ils
quelque chose (de valable) eux aussi ; peut-être le verbe "urine" signifie-
t-il autre chose que "a uriné" ; qu'il comporte une distinction, car ce
n'est pas la même chose que de dire "urine du sang et du pus" et de dire
"a uriné du sang et du pus". Il est certes possible qu'on ait uriné du pus
durant un, deux ou trois jours, un abcès ayant crevé dans des organes uri
naires. Mais, lorsque cela dure pendant plusieurs jours, voire pendant des
mois, cela indique l'ulcération des reins ou de la vessie...» (mais s'agit-il
des reins ou de la vessie, c'est la localisation de la douleur et la matière
évacuée avec les urines qui permettent de le reconnaître).
Passons maintenant au texte de Théophile : d'abord le lemme qui est
celui de Galien et non pas celui de Stephanos — «Si l'on urine du sang
ou du pus, cela indique l'ulcération des reins ou de la vessie», et le com
mentaire ensuite303 : «Ayant dit "on urine", Hippocrate a rejeté l'opinion
de ceux qui soutiennent qu'à la rupture d'un abcès dans le foie ou dans
une autre partie l'urine coule <avec le pus>304. En effet, s'agissant de ces
parties-là, (l'urine) se purifie au premier, au deuxième ou au troisième
jour ; cela ne va pas au-delà ; par contre, la purification dans les reins ou
dans la vessie s'accomplit dans un long délai de temps (το δε έν
παρατάσει χρόνου κα$·αίρεσ$αι έν νεφρω η έν κύστει γίνεται), ce
qu'Hippocrate a fait savoir (en disant) : "on urine". Si donc on urine du
sang et du pus, cela indique l'ulcération des reins ou de la vessie. En

301. Gal. In Hipp. Aph. IV 75 : K. 172, p. 766112.


302. Ibidem, p. 76612-76712.
303. Aph. IV 75 : D. II, p. 43228-4337.
304. Ibidem, p. 43229-433' ; ... φέρεσθαι το οδρον : Sic ! Il faut sans doute ajouter :
μετά του πύου.
78 WANDA WOLSKA-CONUS

effet, l'ulcère, se dévorant lui-même, dévore en même temps quelques


vaisseaux (τοο γάρ έλκους διαβιβρωσκομένου συναναβιβρώσκονταί
τίνα αγγεία), et (alors) avec le pus s'évacue aussi le sang, comme cela
arrive également aux gens souffrant de dysenterie305...»
Remarquons qu'il y a beaucoup de répétitions et d'incohérences dans
les commentaires à cet aphorisme : Théophile met η dans le lemme et
explique le texte en fonction de και 306. Stephanos commente à deux
reprises les formes ούρέη et ούρηση pour affirmer, à Γ encontre du
Galien qu'il cite, qu'Hippocrate entend l'ulcération «soit des reins soit
de la vessie seuls». Ni l'un ni l'autre ne semble s'apercevoir que la
controverse remonte à la remarque de Galien sur la divergence des
leçons des manuscrits. Ceci étant, on doit sans doute conclure à une jux
taposition un peu fortuite des sources d'origines différentes.

Wanda Wolska-Conus
Centre de recherche d'Histoire
et Civilisation de Byzance
Collège de France

305. Pour finir, Théophile soulève Vaporie (déjà discutée aussi bien par Galien que par
Stephanos) : ibidem, p. 433810 : Δια τί δε των ουρητήρων ούκ έμνήσθη; Γίνεται γαρ
κάκεϊσε τοΰτο. Διότι μνησθεις των ακρών συμπεριέλαβε και τα μέσα.
306. À moins qu'il ne s'agisse que d'une transmission manuscrite défectueuse.

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