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Taipei si proche, si loin

Perché sur pupitre du bureau lambrissé chez moi est mon premier
appareil photographique de reflex, un Olympus du modèle classique
OM1, acheté d’un magasin à Victoria, Canada, en janvier 1978, donc
il y à exactement trois décennies. Je m’affale dans ma chaise pour
relâcher et contempler meilleur de ce qu’il me signifie, spécifiquement
son apport des images nettement captées. Autant de temps s’est
écoulé et pourtant il, une pièce digne d’un étalage au musée et
valorisée hautement en conséquence, demeure cher à mon coeur à
cause de la kyrielle de mémoires ce bidule m’évoque. Je me souviens
qu’il était une fois tel tendrement manié et astiqué afin que rendre
son cadre au chrome de boîtier luisant à une riche patine et laisser
sa peau émettre un reflet noir mat à la feutrine. Mais les années ont
causé l’article sans ravaudage à moisir et se ternir, sa technologie
n’ayant qu’été dépassée, son style fait désuet, son usage de pellicule
totalement vétuste et sa surface ébréchée, écaillée, grattée, voire
burinée, son sangle fichue, ainsi lui fournit une véritable personalité.
Est-il (photo 1) aussi une métaphore pour le corps auquel et le déclin
survient, cependant autant soin que l’on lui donne ? Est-il comme le
cas d’un maître qui aime sans équivoque son clébard lorsqu’il,
l’animal, devienne ridé, galeux, décrépit? Rien parmi ma collection de
gadgets retenus cependant ne peut le remplir dans mon affection car
il était mon partenariat et témoins à mes périples proches et loin
quand j’étais jeune, aventureux, têtu, quelqu’un qui folâtrait en
pleine folie. Qu’est-ce le terme littéral pour décrire quelqu’un qui se
brouille à l’objet inerte avec un être vrai ? Je me tape les méninges
pour en draguer ce mot, voilà, l’anthropomorphisme.
Ce qu’avait transpir é dans le printemps séminal de 1978 était un
voyage en Californie durant une période quand ma seule boussole
constituait le soleil, le soleil qui baignait l’Etat d’or, l’envie de liberté
et l’effort effréné d’approfondir ou simplement d’acquérir un sens du
monde dehors des expériences indirectes glanées de ma lecture et des
films hollywoodiens. Dans la phase d’un vagabond rebelle, je bafouait
les risques et bravait, non, accueillait ce qui la vie s’était conjecturé.
La route vers l’éclaircissement était de vaguer et croiser le paysage
étrange qui partout semblait rutilant et captivant si seulement pour
sa nouveauté. Cela, en mars et avril, formait ma belle époque
d’apprentissage, mon baptême routier. Rien de ceci cliché ne
surprenait personne car j’appartenais à la génération née (de « baby
boomers ») en affluence relative qui adorait encore des routards
romantiques inspirés aux livres de nomade écrit par le béat Jack
Kerouac et des motets composés par le troubadour Woody Guthrie.
Avant ceci, j’avais bossé et épargné assez juste pour ce but. Les
viatiques ainsi récoltés se montaient d’être la plus large bourse que
j’avais eue et j’étais prêt de verser chaque sou sans hésiter dans mon
escapade au coût indéterminé mais coté à presque huit cents de
dollars. Les fonds m’aient enfin permis à embarquer sur un hommage
de rêves en voiture. Mon carrosse du jour était une berline de
Pontiac, une «Laurentienne », à la taille d’un yacht. Ma possession
maigre ne constituait qu’un havresac et un balluchon qui contenait
un denim rugueux avec accrocs, des chemises, un seul blouson
capuchonné. Je n’avais qu’une route devant mes yeux qui
m’emmenait à l’horizon plein de promesse de joie et je ressentais une
excitation palpable et une ardeur tangible en mégotant, vivotant et
allant quelque part, n’importe où et quand, tout étant basique, frugal
et innocent. Une liasse de cheques de voyage s’était encaissée dans le

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bissac et la poche de ceinture mais des billets en échange américain
s’étaient mis sous la semelle de ma seule paire de savate. Mon
itinéraire ciblait San Francisco, une place sur une carte, un milieu
exubérant déviant cool électrique psychédélique convivial déchaîné
surchargé, affolant. L’achèver avec panache impliquait qu’on y aille
via la route côtière, Highway I, en cabotant à la longueur sauf pour
un détour en Californie septentrionale afin que côtoyer la base de
Mont Shasta enneigé du sommet au niveau midi, un stratovolcan
éteint ou dormant, âgé de 4.5 millions ans et à la hauteur de 4 322
mètres, supérieur à cela à Mont Fuji.
Tintant dans ma tête était une rengaine enregistrée en 1966,
« California dreaming » (la songerie de Californie), dont ritournelle
morne (all the leaves are brown and the sky is grey/toutes des
feuilles sont fanes et le ciel est gris) capturait exactement le
sentiment de convoitise et d’espérance. Mais ma quête californienne
n’était aucune découverte de la nature sauvage, plutôt des
faubourgs, taudis, bidonvilles, cloaques, quartiers miteux, « ghettos »
dans l’argot noir et « barrios » dans celui des hispaniques. Les bauges
et gargotes de Watt (dévasté par les émeutes raciales et incendies de
1965) et d’Oakland sur la rive orientale de la Baie m’avivaient,
m’attisaient, m’attiraient naguère dans la même façon que le luxe de
venté Pacific Height qui surplombe San Francisco, et les frimes de
Beverley Hills qui veille le smog brun de Los Angeles m’aliénaient.
C’était étonnant comment facilement on s’affranchissait des fardeaux
matérialistes qui grevaient ceux de la classe riche. Être pauvre
volontaire en jeunesse est d’éprouver une enivrante sorte de bohême
en vagabondage. Les moines depuis Siddhârta (Bouddha)
vadrouillèrent le monde en chiffons, espadrilles, avec balluchons,
cannes, sébiles et foi dans la bonté d’autrui. Le milieu libertin de
douceur, soit faux, soit vrai, me séduisait, moi lassé et blasé des
conduites raides et de l’ambiance atone répandue au Canada.
Pourquoi l’on réfléchit encore de la Californie à la veille de la virée
durant de quatre journées au Taiwan en 2008, je me demande? C’est
une bizarrerie de la cervelle à voir le mirage d’une flaque surréelle
rutilante dans un désert et c’est également donc à voir le présent
mais aussi le passé, les deux en s’imbriquant et rendus flous.
La capitale de Taiwan est familière étrangement à quelqu’un qui
fréquente ses erres et est doté d’un atout dans ses affaires à cause
des liens familiaux. Je sais assez aussi de laisser mon Olympus
moderne numérique chez moi puisqu’il y aucun site qui me
contraindra à crépiter un appareil photographique de qualité. Dans le
tiroir de mon bureau, où ce fatras de souvenirs et pacotilles
s’amoncelle, je pourrais farfouiller et peut-être trouver des talons de
billets usés d’avion et vétilles ramassées en route durant moments
distraits et d’ennui. Taipei m’est spéciale pour une myriade de
raisons, y compris cela des prémices de conscience politique lorsque
mon grand-père m’eut greffée ses idées et idéals vis-à-vis à la
salvation de sa patrie, la Chine, à laquelle il se fut inféodé quand la
république fut jeune comme fut-il, mais pas moi. (Mon père méprisa
son papa en l’appelant « un cancre et dupe » pour bailler sa monnaie
au mouvement politique plutôt qu’à la famille, chanter des hosannas
du leader et rameuter ensemble avec ses affidés l’ouaille d’adeptes au
hall de parti de Chinatown où l’il tint une chaire dominicale et
briguer des dons censément à soutenir la cause patriotique qui se fut
avérée une cause perdue et corrompue. Ce verdict fut sévère, or
juste, car il est toujours la voie d’un état fasciste, comme cela
courant à Washington, à destituer les gens et enrichir les affidés de la
clique en pouvoir. Je ne concorde guère aux opinions de mon père,
Ford, mais il fut amer, un enfant né au tourbillon de la Grand

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Dépression, 1930, qui eut vu son héritage happé de ses pattes par
ces avides charlatans avec leurs ruses et triches. Pésé sous cette
méfiance et ce ressentiment, il fut l’anti-dote à son père naïf dans sa
ferveur, son patriotisme.) Quant à Taipei, j’y allais souvent sans
visiter car je suis arrivé chaque occasion en transit via l’aéroport,
maintenant adoubé Taoyuan (le verger de pêche) et avant
Généralissime Tchang Kai-shek (tyran et scélérat comme son rival
Mao Zedong), vers les Etats Unis pour profiter des vols à la première
classe en bon marché chez China Airlines et de la grâce, la joliesse, la
joie, la bonté jamais factice de ses hôtesses, sûrement les plus belles
dans le ciel aux passagers lambdas.

Alors que des bars et restaurants pratiquement vides de


l’aéroport me suggérassent des tables gigognes, le club de luxe
dedans pour les voyageurs de business est agréable, en misant sur la
valeur de son service à l’amorce des clients réguliers et bien lotis. Là
toujours la place est commode avec un buffet approvisionné et une
buvette achalandée à rassasier les plus demandant gloutons et
buveurs en besoin de rafraîchir avant les vols trans-pacifiques
épuisants. Etant repu, reposé et douillet était comme ayant le vent à
la poupe ou le gazole à l’engin. Dans la cabine d’avion, on s’acquittait
aussi meilleur après un verre de chardonnay et un quelconque film
dans le giron de luxe, un toast ceci alors au voyage d’aise. En 2001
seul j’avais embarqué sur deux passages via Taipei, le premier pris à
San Francisco et l’autre à Honolulu, le dernier pour rechercher sur
un livre et raviver la nostalgie engendrée de mon inaugural périple en
1964 auquel je ne cessais pas de composer une sorte d’épopée en
prose et en une guise ou l’autre. Autant pourrait être vu de Taipei
cependant aviné, moi, d’un hublot au second niveau du luisant
Boeing 747 sans l’obstruction de la surface alaire. La ville se
constituait d’une serie de patés residentiels épandus dans la marge
de la métropole et des édifices au centre urbain plutôt modiques et
moins modernes que les spires au commerce florissant à Hongkong
et Tokyo perpétuellement éblouissantes de néon en excès,
étincelantes comme strass et paillette. L’aire éployée de Taipei
semblait impressionnante de l’air, masquant bien là laideur d’un
endroit encore provincial et manquant aucune marque de distinction.
La superficie de Taipei couvrait un réseau étendu des banlieues-
dortoirs et faubourgs industriels (ou plutôt ce qui restaient des
usines depuis vidées, le noyau de son ouvrage exporté au continent
chinois pour gagner d’une source de labeur inépuisable et
complaisant), quartiers residentiels pas cossus et une base militaire
dont casernes avaient une façade indiscrète. J’en écris dans le temps
passé car sûrement le Taiwan aurait ralenti. Le reste de l’Asie autant
changé à toute allure grâce à une énergie crue. La croissance en
Chine est inconcevable en Europe occidental dont le pas en
développement est languide, sinon indolent, ayant déjà eu sa hausse
économique et bâtiment ensuite dans les années effusives 1950 et
1960. Dans un sens le Taiwan est entré la phase semblable à celle en
vieille Europe en ayant eu ses mieux jours en le rétroviseur. Ce qui
me pique est d’abord l’histoire de l’île d’exil pour les refugiés et
vaincus de la guerre civile qui ravagea la Chine de 1945 a 1946
(quoique des érudits ont raison a revendiquer qu’elle dura du milieu
du 19ième à celui du 20ième siècle avec un bilan de trentaine de
millions de victimes). Le conte est complexe, compliqués par les
Etats-Unis qui s’immiscent dans ses affaires avec leur support
militaire et leurs biffetons, et il est aussi profondément personnel
duquel je vais expliquer. Suffit à dire que je tressaille encore comme
témoin d’une nation (la République de Taiwan ?) en train d’éclore ou

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d’un empire (les Etats-Unis auxquels elle colle en symbiose) en train
de s’effondrer. Ces affres de naissance ou de mort sont les mêmes
selon le mythe hindou tel élégant narré de création en tribut à la
déité sire Shiva, sans doute un dieu le plus intriquant et foudroyant
depuis Zéus.

L’essence au mariage endurant est à se taire dans la face de


provocation afin d’éviter moult des arguties qui surgissent souvent
entre deux personnes clairement lasses de l’autre. Il m’incombe à
l’expliquer et l’analyse car personne ne nie comment un mariage
d’une longue durée devient invariablement un guignol dans lequel les
protagonistes se chamaillent comiquement si seulement de se
soulager à l’ennui. Bien éduquée dans un milieu conservateur où les
conduites ne pas seulement plus étriquées mais aussi étouffantes,
Esther n’est pas du type à grogner ni grailler, une mégère dans un
mot cru, et elle ne manque aucune raison à s’aigrir, ayant eu la vie
en rose sauf pour la mort prématurée de son père lorsqu’elle avait
toute 13 ans. Gentillette, timorée à sa surface, préférant la dérobade
publique plutôt qu’affronter chaque question gênante, ce calme de
manière extérieure cache une obstinée furie, un tempérament
volcanique. J’avais su en train de la courtiser qu’il faillait
accommoder et lénifier quelqu’une, facilement encensée mais
refoulée, inclinée d’être éperdue et éplorée – et bien sûr les larmes et
le reproche sont puissantes formes de chantage. En se butant, elle ne
bouge jamais, ne se compromet pas, n’entend aucune parole ni
plaidoyer qui est très dépitant à ceux, celles, capables de transiger.
On ne doit pas crosser contre un mur, meilleur de se plier que
rechigner aux demandes de ceux et celles qui aiment ressasser ad
nauseum les mêmes refrains. J’ai lu comment les bourreaux de la
palanque au Guantanamo assomment leurs captifs avec bruits de
musique et psalmodies. Esther a une trouille débile des germes, une
frousse approfondie au point de psychose et est aggravée de sa
lecture des articles médiatiques alarmistes. Cette paranoïa s’est
tournée à une excentricité qui se manifeste ces jours en nous pas
seulement réservant l’hôtel plus cher mais aussi apportant nos
serviettes, toilerie et voire taies pour lui assurer le moindre contact
entre sa peau nue et les lignes publiques. Fourrer ses bagages au
surcroît est son rituel pour assagir ses nerfs dont effet sur moi est
l’inverse et cet emballage à l’outrance ressemble à la manie des
refugies en fuite d’un sinistre imminent. Alors que froissé, moi, le
baudet à la merci de ses lubies, ce m’apparaissait acceptable mais
d’entre dents grinçantes dans le passé quand le fardeau était partagé.
Puis l’été dernier, son genou gauche s’est enflammé qui m’impose
seul le devoir. Ces jours pauvre dame titube et s’essouffle après peu
de foulées sans chance de retenir mon guilleret et implacable pas,
moi qui me darde partout. Elle gronde a sa hausse de poids et,
mentant, son époux, moi, la loue pour devenir plus pulpeuse et
câline. Je ne m’aide que réfléchis souvent la franchise de la pénurie
en vadrouillant avec la légèreté d’une brise, en me badinant aux
motels avec juste un sac de couchage, un rasoir, un sourire et une
poignée de billets, en étant content et béat. Cette innocence jadis
m’échappe maintenant dont retour je convoite pour elle était partie
intégrale et inoubliable à ma jeunesse perdue.
Caché dans un quartier plus serein limitrophe au centre-ville et
encore proche au métro en imitation à celui à Hongkong, l’hôtel qui
nous loge à Taipei s’appelle Sherwood. Cette appellation m’a trompé
d’y penser comme le Sheraton mais encore cet abri est luxe, quoique
moins reconnu. Cet endroit était auparavant un de la chaîne mais est
depuis acheté et aménagé par de société locale plus férue de l’adapter

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aux gouts d’une génération plus accoutumée des hôtels de boutique.
Le changement de style ou d’approche en hospitalité s’averre une
réussite car de plus en plus voyageurs ne souhaitent pas souscrire
au service de standard au McDonald’s ou Starbucks. Vivant à
Hongkong, on est bombardé de rumeurs, sinon calomnies, sur
Taiwan grâce aux médias qui aiment bafouer et narguer un rival
« parvenu » et « bourru ». On entend rapporter dans la presse
comment Taiwan demeure un fief mafieux, comment les pontes de
commerce sont en ligue avec les caïds de ceci ou cela gang, comment
le régime magouille encore avec des sbires arrière de la façade
démocratique et légitime pour rudoyer et exploiter les gens. Fut
General Tchang un client et pourtant commandant des truands qui
l’eurent aide supprimer les syndicats de Shanghai, trucider des
communistes, effarer les intellectuels et cogner en soumission tout
du reste? Eut son héritier Chin Kuo embauché des assassins du
« Chu Lien Pang » triade (le gang de bambous unis) à flinguer Henry
Liu, un journaliste dissident en cavale californienne pour un délit ne
pas plus grave que des avanies, libelles et délations au pouvoir,
qu’acte de lèse majesté avec son stylo aigu? Qui furent les muscles
employés, les voyous, et sous dont commande ils truquèrent les voix
et consolèrent les rues de Taiwan quand il devint la dernière retraite
du parti nationaliste, le Kouo-Min-Tang? On ne voit sur télévision
que des politiciens en rixes dans la législature (Yuan) même si
chaque brouille constituait un baroud d’honneur. Pas une journée
qui passe sans métrage d’une grève, jeune de protestation ou
manifestation. Nous serons arrivés intempestivement au malstrom
des élections dont résultats seront scrutés pour fraude et examines
afin que deviner le concours présidentiel en mars avec implications
régionales et globales. La notion proposée était qu’au Taiwan
quiconque soit soudoyé et la seule question fut la valeur du
bakchich. La supposition était qu’il existait un troc entre la dictature
efficace et la démocratie chaotique. Ces images croisent mon cerveau
mais jamais celui de mon épouse certaine dans son indifférence vers
la marée d’histoire, s’étant inquiétée à la propreté des draps, la
condition de la suite et la proximité de la gare. Ma conjointe n’est pas
niasse et or elle opte de borner son monde à l’immédiat et pratique,
pensant qu’il soit folie à se détourner des soucis quotidiens et
rêvasser des grands thèmes qui se déroulent sans soin aux petits
gens. Je me préoccupe de ces pensées en vol et réfléchis sur une
jeune jolie Taiwanaise, nièce d’une amie en Californie, dont le nom
m’élude, pourtant dont la frimousse m’hante, elle, diplômée d’une
université en Allemagne, qui m’est flatte avec son béguin pour moi.
En parvenant à l’hôtel après 17.30 jeudi, on prend le trajet en
autobus de l’aéroport toujours dans le chaos, destination : la marge
du centre-ville. Le voyage de rouage dure presque celui du vol lui
même, une heure et 20 minutes, dans le bouchon et des arrêts. En
route, nous regardons le coucher du soleil sous un vague ciel et
observons le paysage. Les banlieues se décochent devant nos yeux et
aussi les faubourgs. Nous sommes silencieux, différentes pensées
croisant nos cerveaux. Je brise l’air coi typique du vieil couple en lui
remarquant combien l’architecture à Taipei ressemble à celle-là de
Tokyo et Osaka dont bâtisses sont grises, moches, délabrées, chaque
étage compressé avec bas plafond et petites fenêtres, sinon fentes et
lucarnes pour accueillir des rayons de lumière. Certes on ne doit
jauger aucune qualité de vie à la vue de l’extérieur d’un logement
mais sûrement on aurait droit à s’attendre au quartier plus raffiné et
certainement plus esthétique d’une ville qui s’est éprouvée un miracle
économique des années 1970 et 1990 quand elle s’enorgueillissait le
coeur de la révolution technologique pour l’accouchement de

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l’ordinateur personnel. Mais comme au Japon et en Corée du sud,
l’essor financier et foncier ne traduisait pas à l’accommodation
moyenne au Taiwan dont la foison jadis était moins profonde que
crue et avertie. Les raisons sont politiques et sociales avec
gouvernements vénaux et moins que compétents et un peuple
manquant la confiance dans son statut et dans l’avenir pour investir
dans son immeuble dont la valeur reste volatile. Quant au cas
taiwanais, les autorités avaient négligé le développement de la
capitale dont métro n’était pas complet dans sa présente forme
jusque 2000, exactement 14 ans après l’approbation du projet
prétendument le plus cher par kilomètre de rail dans le monde, avec
plus pistes étant planifiées. D’entre 1996, quand la première section
(ligne de Muzha) liante le lycée de Zhongshan (proche de l’hôtel
Sherwood) au zoo, et 1999, quand l’autre route (ligne de Banqiao-
Nangang) était construit, le système s’enlisait dans une bourbe de
controverses qui rangeait des charges de officielle corruption,
bourdes en gestion, miteux plans aux menaces de la faille sismique
et du déluge de trombes et d’ouragans estivaux – comme ceux qui
avaient interrompu le service en 2001. Coté à d’autours 32 billions de
dollars américains, le Taipei Métro de 75.6 kilomètres est sûrement
un réseau d’or qui, pour trois ans consécutifs, est prise comme le
plus fiable quelque part, plus voire que son modèle à Hongkong, une
accolade nous sommes à tester.
La clique venue de la Chine occupa la cour impériale d’où régna
Tchang père et fils. Cette cabale médit ses rivaux au pouvoir, musela
les intellectuels dissidents, étrangla chaque chance à la démocratie,
empêcha l’émergence d’une opposition viable jusqu’à la fin de son
ère, saisit toute de l’influence et employa les techniques biaisées et
brutales ne pas seulement pocher l’argent mais aussi promouvoir
leurs proches, copains, séides et flagorneurs, le népotisme dans un
mot. Ces crapules et escrocs déployèrent tous des trucs dans le
manuel de ruse (le grimoire de politique) en masquant la réalité de
leur meneurs, pratiquant alors la méthode au Village Ptomkin dans
lequel les mandarins créèrent une façade de prospérité pour cacher
la misère subie des paysans pour décevoir l’empresse Catherine en
Russe. On ne s’arrete pas de ricaner aux déclarations en rhétoriques
gonflées et laïus pompeux du vertueux généralissime lui même. Le
leader glorieux fusa une colère incandescente (« décapitez-vous
l’inepte » fut sa commande commune à ses acolytes durant la guerre
patriotique de 1936-1945). Il aima déclarer comment sa Chine aurait
été fondée sur principes chrétiens, une religion adoptée à
l’expédience pour berner ses naïfs bienfaiteurs étasuniens. Personne
n’en Chine propre ni Taiwan n’osa le froisser ou lui dire la vérité.
Autant de ses outrages furent révélés dans un livre épinglant, « La
Foudre de la Chine », par le journaliste américain, Théodore White,
qui le rejoignit à Chongqoing, la capitale provisoire quand d’ailleurs
prévalurent les forces japonaises. Mais puis l’hypocrisie est
intrinsèque à la politique, soit religieuse, soit laïque; et ce semble être
la nature mesquine de ceux ambitieux qui ne se hissent de leurs
intérêts égoïstes et qui n’aboutissent jamais à la moindre de
l’honneur requis de leur foi, proclamée en parole et trahie en
pratique. Prudence est obligatoire dans la face des béats qui arbore
leurs convictions sur leurs manches, prônent et professent à
respecter les préceptes de leur foi ainsi ternie qui censément
interdissent aux adeptes les péchés de l’avidité et la cruauté. Quand
les Japonais régentèrent cette Isle de Taiwan (1895-1945), ils eurent
maintenu l’ordre. Mais sous la gouvernance ensuite, la province se
détériora à la chienlit qui fut l’état de la Chine entière. En balayant
des colporteurs et baratineurs du centre de Taipei, le siège choisi du

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régime nationaliste en exil, en rasant des taudis ou résidèrent les
natifs et en triquant ceux qui leur reprochèrent, les forces vaincus et
bannis du continent se recoururent aux voies sanglantes qui les
acculèrent au débâcle en Chine. (Plus sur cet épisode après.) Un
large partage du budget, y comprise une largesse des américains qui
leur confièrent la défense contre le front communiste, fut siphonné
pour enrichir la classe de pouvoir. Le pillage, le viol de la nation
d’être plus précis, s’avéra le modus operandi du jour. Nombreux
furent les voleurs, n’exclut pas la flamboyante madame Tchang (née
Soong Mei-ling et formée aux Etats Unis), qui retinrent leurs
cagnottes outre-mer. La dynastie Tchang est encore dite d’être la
propietaire au top a Manhattan, y compris des sites plus prisés, avec
une fortune value à dizaine de billions de dollars. Ce qui vraiment
émoussa et bloqua l’avance rouge en Chine ne fut que deux facteurs.
Le premier fut la Septième flotte de la marine américaine qui
patrouilla le détroit de Formosa. Le second fut le drastique
changement de visée de l’armée communiste qui en 1950 s’occupa du
conflit sur la péninsule coréenne divisée dont la guerre civile sévit et
menaça la frontière chinoise en Manchourie.
S’il y eut un événement séminal qui cicatrisa le Taiwan et
accoucha l’identité de ses gens, ceux à l’origine de l’île, il sûrement
fut le carnage durant trois semaines et s’éclatant le 28 février 1947,
juste un an et demi après la restauration de la gouvernance chinoise
et l’éviction des japonais dont l’intendance dura une moitie d’un
siècle. Ce mantra reste constant dans les rhétoriques du parti au
pouvoir, une fois l’opposition persécutée, des la Démocratique
Progressives. Jusqu’au moment les Taiwanais, dont descendants la
plupart d’eux des migrants de la Chine et parleurs de Minnan, un
dialecte du langage fujianais, ratèrent une aspiration nationale,
beaucoup dans son élite se pensèrent comme citoyens japonais à
dont universités ils eurent diplômés. La resistance au règne
nationaliste n’entama qu’avec des mineurs protestations contre des
décrets draconiens édictés par le gouverneur Chen Xi visant
intervenir dans le commerce local. Lorsque les grèves et
manifestations s’intensifièrent et s’épandirent du cœur à Taipei, le dit
dirigeant, en peur égale de la rage meurtrière de Tchang dont les
bidasses démoralisés furent en train d’être débandés et boutés du
continent et de la vague d’agitations, fit requête pour l’armée de
l’autre cote du detroit. Les troufions, quoique sans espoir en face des
communistes, se prouvèrent brutalement effectifs en massacre des
civils. Tchang, puis déjà resigné à la perte du pays, ne risqua pas
l’effondrement de son asile éventuel au Taiwan et voulut livrer une
estocade aux aspirations de la population locale et arracher chaque
racine à une future insurrection. Les historiens se disputent encore
au bilan de victimes pendant les trois semaines de terreur avec
certaines estimations qui frôlèrent à 30000 tués. Ce qui n’est pas
disputée fut l’échelle des souffrances. La suppression persista pour
quatre décades, envenima la relation entre la communauté issue de
Taiwan et celle des nationalistes chinois et leurs descendants et
demeure le point de rallye pour ceux qui, comme le président actuel
Chen Shui-bien, exigent au compte du passé et à l’indépendance.
Cette connaissance pique ma conscience sachant les spectres
d’antan hantent et ont besoin d’être adressés. Cela, et ne pas
revanche puisque les bourreaux sont morts ou trop âgés, est la dette
morale de laquelle les cadres actuels du Kouo-Min-Tang sont obérés
puisqu’ils profitent encore des legs dans les formes des atouts saisis
par le régime défunt et déchu auquel l’exaction est une fonction de
l’état. Les sages constatèrent qu’un gouvernement qui ne fut juste,
compétent et intégé risqua de perdre le « mandat des cieux » – et ainsi

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la confiance de la populace qui y soumettra. Ceci fut le sort du parti
nationaliste. Suis-je trop âpre, moi, le petit fils de quelqu’un, Lloyd,
triché en soutien à ceux dont actions dans nos noms nous
honnirent? Jamais sont les enfants coupables pour les péchés de
leurs parents mais encore ils ont un devoir sacré à explorer l’histoire,
déplorer l’excès et, pas repentir, reconnaître et étudier les erreurs
écoulées afin que nous améliorer, approfondir notre compréhension
et attendrir la tendance à l’agression.

Nous entamons notre vadrouille de Taipei dans les parages de


l’hôtel en flânerie juste avant le dîner avec l’amie et voisine jadis de
ma femme (et on doit lui attribuer la vertu de décence, de fidélité vers
ses pairs, cependant éloignés ils habitent.) Cette madame de Taipei
nous a convié pour papoter et éveiller la nostalgie, conversation d’être
lubrifiée des apéritifs comme « la Fronde de Singapour » et « le
Tournevis ». Qui est cette dame ? Grace Liu, née Chan, est
Hongkongaise à l’origine qui s’était mariée à un Taiwanais, un
camarade de classe rencontre à l’Université de Californie à Los
Angeles dans la fac de science. Le leur est un conte commun à une
légion augmentant de Chinois qui cherchent une éducation étrangère
pour polir leurs références professionnelles et sociales dans un milieu
domestique, soit au Taiwan, sur continent, à Hongkong, à Singapour,
en Malaisie et partout dans la diaspora. J’aime toujours fouiller et
être surpris en découverte de l’insolite. Dans une venelle, juste
plusieurs pas du boulevard sur lequel surplombe un tréteau de la
première piste du métro, à la gare du lycée de Zhongshan, on est
attiré au graillon émanant d’un rang de gargotes. L’Asie est partout et
toujours un délice aux sens olfactifs, des gigots rôtis dans un souk
au Kuweit aux seiches sèches dans un foiral à Shanghai, oui une
ripaille à la narine. Esther adore cette aventure malgré son genou
gonflé et douloureux qui la fait boiter (et elle est trop fierté de
marcher à la béquille). Je ne peux pas remarquer la joliesse des
gonzesses alors que j’apprenne ne pas de lorgner, juste guigner,
évidence de comment le Généralissime eut pillé plus que 600 000
objets d’art et d’héritage de la Chine mais ses butins eussent dû
inclues des belles alléchantes et aguichantes, en effet étriquant ce
que furent certaines parmi les mieux dans le pays. Ceux qui
n’hésitent pas de voler et resquiller sont sensibles à la valeur de
choses et d’êtres. Esther ne faillit pas notifier ma visée, son époux et
mireur incorrigible qui toise la femme dans la façon de François
Pinault admirant les ouvrages étalés dans le Palazzo Grassi.
L’appréciation de beaute n’est pas lascive ni salace plutôt esthétique
car elle est vraiment une salutation aux formes magnifiques ciselée
du procès d’évolution. Comment morne serait le monde sans ceci fête
pour les yeux qui poussent le coeur à battre la chamade et le sang à
courir. Esther achète et déguste un beignet fourre de cive (les
Français l’appellent la ciboulette). Je me réjouis en écoutant la douce
mélodie de mandarin des lèvres féminines qui rendent à chaque
syllabe le son du diapason. Esther pause pour causer avec une
tenancière, son accent trahissant son origine hongkongaise, et moi, je
marmonne qui ne déguise pas ma nationalité canadienne, souvent se
trompe à celle de yankee – et ici les américains fourmillent comme
hommes d’affaires, étudiants d’échange et enseignants d’anglais,
chacun lui un témoin aux liens forts être le Taiwan et les Etats-Unis,
son patron, partenariat de commerce et protecteur.
Esther me gronde à cause de l’allure de mes foulées et geint à la
surface du trottoir craqué et de guingois qui taxe son genou pour
lequel son frère orthopédiste soigne mais sans trop d’effet. Ces jours
ma femme se monte à la rogne très facilement à cause de sa douleur

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constante. Elle subit exactement de quoi, une esquille délogée, une
foulure sévère, et sûrement, âgée de 50 ans, trop jeune d’être déjà
bancale. Je refuse de vieillir et ralentir et redoute à contempler notre
avenir comme un couple, elle, dodue, lente, titubante, voire
grabataire, moi, encore costaud, preste et aventureux. Cette vue
d’elle provoque un mélange de pitié et exaspération mais j’essaie de
bannir des négatives pensées pour ne pas gâcher l’humeur de la
virée. Ces rues sont plutôt miteuses et la vue d’elle boitant me peine
mentalement et elle physiquement. J’aime poursuivre des sports
dangereux, comme la varappe et le vol à voile, et clairement sans elle
à mon côté. On blâmerait cette condition de pavé à la spoliation
moins aux piétons qui s’y traînent mais au vol de la trésorerie
publique des dirigeants, soit du Kouo-Min-Tang, soit du Parti
démocratique progressif en pouvoir depuis 2000, un vol dont coût est
le manque de l’infrastructure digne d’une société censément avancée.
On discerne comment les dirigeants et leurs acolytes ne cessant pas
d’appauvrir les gens en utilisant des appâts, guises et prétextes
comme la cause de nation, de religion, de race. Cette disette dans la
face d’affluence supposée démentit aux gens qui se vantent avoir un
niveau de haute éducation sans rival partout en comptant le nombre
des diplômés élevés. On peut prou et peu attester à ce phénomène en
voyant l’ubiquité des universitaires, librairies et centres de tutelle,
certainement un véritable paradis aux bouquineurs et professeurs.
Pourtant cette population urbaine de réputation sophistiquée et
éclairée était telle transie et tétanisée aux abus habituels que nul des
partis qui professait à défendre son intérêt et éventer ses doléances
n’avait pas exigé avec force de conviction ou fureur une enquête à la
construction défective en causant les morts de 2300 et les blessures
de presque 9000 après les séismes de 1999 ni celle du vol de fret
réserve l’an après par le président sortant Lee Tang-hui rapporté
d’avoir contenu le pactole d’or en lingots, douilles de billets de
monnaie et actions cotées à plus que quarantaine millions de dollars
américains et sa femme dont la valeur totale n’était pas déterminée.
Si les pertes de vies et le pillage des biens publics faillaient attiser les
gens, puis quelle autre crise les provoquerait à agir? Comment
concilier ceci, l’insouciance apparente, à cela, l’outrage de masse qui
menait a plusieurs mois de grèves, protestations et émeutes en 2000
et 2004 aux scrutins truqués et voix faussement dépouillées pour
aider le président futé actuel Chen Shui-bien (aussi épelé « Bian ») et
encore contre cette crapule et sa famille pour leurs arnaques, surtout
les carambouilles de son épouse et la fraude boursière haussière de
son gendre, quand le butin n’était qu’une fraction de ce qui la
dynastie Tchang et Lee auraient égrené quand ils étaient au
gouvernail de gouvernement. La dégringolade de la popularité de
« Bien » avait abouti aux manifestations qui duraient plusieurs mois
et clivaient voire le parti auquel ce président appartient encore. Le
recul de confiance et l’accroissement de vexation ne sont liés pas
juste au leader fautif mais à la classe entière de politique qui capote
le meilleur jugement de certains gens. On doit sûrement trouver
schizophréniques ces gens au Taiwan qui cependant s’amusent,
s’attristent et s’énervent en mesures égales. Je m’avoue ne pas
m’embringuer dans les affaires de l’autrui afin que m’acquitter
comme l’observateur neutre plutôt que comme partisan avec un
agenda et pourtant ces rôles s’imbriquent vis-à-vis au Taiwan à
cause des liens historiques et familiaux. Fut-il, mon grand-père,
adepte des nationalistes qui le trahirent, Lloyd dont l’image je me
mire, le marmiton, âgé de 12 ans en 1912, du paquebot voguant de
Seattle à Juneau, guipon et balai dans ses petites mains, rêvant
d’une Chine forte et juste pour lui bailler une raison d’être fier dans

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la face de ses humiliations et discriminations raciales quotidiennes,
une cause à laquelle il consacra autant de ressources et de passion
pour le reste de sa vie ? Marrant que dans ma ballade de ces rues de
Taipei à la veille des élections législatives une fonctionnaire du Parti
Kouo-Min-Tang (nationaliste) veut me recruter à voter jusqu’au point
lorsque je lui explique en mandarin à l’accent cocasse canadien
comment, désolé, « je ne suis pas Taïwanais, plutôt juste un visiteur
passant et observateur casuel.»
Chaque évocation, cependant vague ou tenue, des politiques
chinoises douteuses et maléfiques ne m’apporte que l’ambivalence.
Dans ma jeunesse, je me trouvais divisé entre deux vues sur ce sujet
d’un pays entièrement étrange, loin et pourtant pertinent à ma vie et
jamais de choix. Mon père, oui, parâtre quand il était présent chez
nous, n’hésitait pas me talocher et m’épouser son misogyne cynisme
et dédain vers chacun sens de nation. Mon grand-père, oui, d’une
disposition gentille si distante, tentait de m’instruire aux devoirs
filiaux et patriotiques, sachant avec tristesse et résignation que moi,
par droit de primogéniture, était son seul espoir à maintenir la
tradition dans ma génération puis déjà irrévocablement attirée à
l’occident, imbue avec tout cela qui passait pour la culture populaire.
Ma mère, subissant de la colère furibonde de son mari, essayait me
convaincre comment chaque calotte aux mains de mon papa était
une expression de soin. Ma grand-mère, piégée entre l’amour pour
son fils et le respect pour son conjoint, m’assurait de son soutien
moral mais avec l’avis que la finale source de sagesse aurait été que
de Lloyd. Mais bien la civilisation chinoise est ancienne et la nation
chinoise est relativement récente, la première datant à 5000 ans et
l’autre à la chute de la dynastie impériale en 1911. Jusqu’à la
seconde moitie du 19ième siècle mes ancêtres dans les Amériques,
du nord et du sud, ne s’identifient comme Chinois, un mot inventé
par les Français, plutôt comme ethniques fidèles à leurs villages et
préfectures ou comme « Tong yen » (dans le dialecte de Toisan et
Yienpin), qui réfère aux gens de l’époque de Tang au zénith de
l’empire (618-907) atteint avec force militaire, compétente gestion,
reformes agraires, ses arts, musique, littérature et science quand
l’Europe restera dans le nadir féodal. Ce fut cette juste fierté qui
fournit à mes aïeuls la notion de cohérence, d’une ambiguë idée
d’unité malgré les divisions de langage, coutumes et costumes.
L’équivalent occidental médiéval eut été l’allégeance à l’église romaine
et l’acceptation de latin comme lingua franca d’intendance aux
dépens de leurs sabirs. On avait au centre de chinatown un ensemble
de crèches et écoles pour induire des jeunes dans leur culture natale.
Mais ce domaine ethnique au temps, alors que peuplés des gens aux
mêmes racines, n’était pas monochrome non plus après les années
1960 avec l’afflux (affolant pour les Toisanais et leur type) d’autres
branches de la famille chinoise, surtout les Cantonais de Hongkong.
Nous étions tous adoubés les Chinois mais pourtant il n’y avait
aucune floraison d’une identité partagée ni solidarité dans notre
bastion érigé seulement comme havre de la discrimination endémique
dans les 19ième et 20ième siècles.
Ses cheveux coupés courts au style démodé et se vêtant des
atours conservateurs, Esther apparaît avoir vieillie plus évidemment
depuis le printemps dernier lorsqu’elle avait atteint son 50ième
anniversaire. Ma femme, grise de tresse mais encore assez jeune de
mine, est devenue lambine de pas mais demeure cependant limpide
de vision et claire de pensée. C’est sort qu’elle s’effrite physiquement
plus rapidement que moi. N’est-ce pas qu’être éclopé est purement
un état physique voire si beaucoup de gens s’embrouillent de cette
réalité. Les yeux glaireux parfois dans le matin qui s’avèrent tels

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aigus à repérer des soldes à la braderie et le cerveau tel adapté à
chiner et chicaner sont également doués en discernant les détails
dans une ville si comblée de paradoxes. Parfois la perte ou
l’étiolement d’une capacité serait pallie avec l’amélioration de l’autre,
bien à moins cela est l’espoir. Marrant qu’elle, quelqu’une ne s’épuise
jamais à acquérir ces babioles, m’accuse parfois d’avoir prodigué mon
argent sur gadgets, bolides et tels superflus seulement en me faisant
rétorquer comment c’est la somme des dépenses ludiques pour
satisfaire les lubies qui conduit l’économie actuelle. Mais ce refrain
de plainte ne pare vraiment l’accusation de comment on vivoterait
sans compromettre la qualité de vie et comment l’être moderne et
bien muni est grevé d’un fardeau entièrement sans mérite. Boitée,
ses pas ralentis, mais toujours astucieuse, Esther observe et notifie
plus qui est quoi un voyage s’agit. Elle souligne comment les
Taiwanais ne semblent pas aimer démanteler leurs structures,
cependant décrépites, en contraste à leurs homologues à Hongkong
trop férus à raser tout, y compris des bâtiments de héritage, et
construire ces tours modernes pourtant vides de caractère. Les
piétons d’ici sont civils sans bousculades de cohue qui sont typiques
en Chine. Ma femme sage remarque aussi comment les citadins
admirent les Japonais au point qu’ils emploient les mêmes scripts
arrondis comme ceux ornant chaque panneau et enseigne de Tokyo à
Sapporo. Taiwan se met d’être une sorte de butoir, d’intermédiaire,
entre le milieu japonais et celui qui est chinois. Boutés du continent,
acculés aux bras militaires américains, astreints à réfléchir sur les
causes de leur déroute, les nationalistes sous le généralisme optèrent
d’apprendre de leurs antagonistes du passe pour leur modernisation
et survie. Le modèle japonais cependant saugrenu dans ce contexte
fit le sens car la nation du soleil montant réussit en accroissant son
pouvoir avec l’industrialisation rapide, avivant l’administration et
achevant une vie tranquille malgré des changements radicaux sans
amenuiser sa cohésion sociale et sans aveulir sa culture.

Grace est comme son nom lui suggère, gracieuse et gracile avec
un air d’allégresse qui masquerait peut-être une tristesse. De ce type,
on écrit souvent avec une apostille : « Elle semble si contente mais
est-elle vraiment ? Gueule-t-elle dans la nuit pour cacher sa douleur
psychique ? Soupire-t-elle de temps en temps mais de l’habitude ou
d’un malheur déguisé et elle, si propre dans la pleine lumière du
jour, elle s’écrie en désespoir quand il n’y aucune personne dans son
boudoir ? » Nous elle rencontrons au restaurant récemment aménagé
au décor authentique de Taiwan qui est chic maintenant, un
ensemble de tabourets traditionnels au comptoir, la plupart d’une
cuisine simple et élégante, sans apprêts, la parure sombre qui est à
dire dépourvu des festons brodés et l’excès de chintz. C’est coutume
que les gens de cette île ne festoient à l’étendue de ceux à Hongkong
dont un type, comme mon beau-frère, aime hâbler. (L’amour de faste,
pompe et agape est un trait hongkongais plutôt gênant et, en
contraste, les citadins de Taipei, eux, optent avoir des raouts moins
élaborés et crâneurs car, ici, il n’existe jamais un milieu factice de
luxe, de frimes, dont seul but est d’ébahir et accabler avec la
vulgarité.) L’avenante madame, qui était voisine d’Esther, commande
au serveur des plats traditionnels, les mieux desquels sont les
dorades jaunes grillées et servies sur une fronde de plantain et les
haricots et porc mince sauté. Cette cinquantaine, dont fiston et fille
sont étudiants en Californie a laquelle les Taiwanais ont forgés tels
forts liens, me raconte comment elle s’était tamponnée son mari dans
le même Etat où lui, David, était docte et aussi diacre de l’église
méthodiste, s’ayant écarté de l’ordre catholique et achoppé sur une

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secte moins dogmatique. Leur foi partagée les accolait plus voire que
leur études de science et, après les noces, le couple avait décidé à
revenir chez lui, vraiment chez ses parents puisqu’il était la
convention du premier né héritier (primogéniture) à habiter et soigner
son père et sa mère en obéissance à la tradition confucéenne de piété
filiale. Je ne suis jamais sur qu’une bru moderne veuille vivre au
ménage patrimonial sauf le cas quand elle n’a pas de choix que pâtir
en silence stoïque. Son mari n’éloignait pas de ses devoirs
paroissiaux à Taipei qui s’était transformé en havre pour les ouailles
chrétiennes en fuite des athées communistes qui se furent emparés
le trophée de Shanghai, le centre pour les églises jusqu’à la
révolution. Plus typiquement cependant c’est la femme, ne pas
l’homme, qui se recase pour plaire à son conjoint. Esther aurait eu à
tergiverser en mariage s’elle était tenue à résider sous le même toit
chez mes parents. Elle atermoie voire maintenant en leur accordant
une visite à notre belvédère. Cette aversion est la conséquence de son
dégoût avec mes proches, spécifiquement vers sa belle-mère, une
rossinante dans ses yeux. Le pire est que notre maison là jouxte les
siens Fong. C’est aussi un article de foi que, parmi les Chinoises, une
telle relation reste épineuse entre belle-mère et bru car la première
serait inclinée à traiter l’autre comme une servante et la seconde pas
moutonnière à tendance d’en résister. Dans la prise d’une telle
situation tendue et délicate, la bru a raison à ressentir dévoyée,
piégée et, dans le cas de ma conjointe, dépaysée. Rien ou peu de vrai
sentiment négatif ne l’exprime bien sûr dans un milieu réprimé et
dans une culture qui met la prime sur une retenue discrète. Pourtant
ironiquement c’était moi, le gendre, qui était obligé à joindre les Lam
au foyer, une sorte de purgatoire, avant en établissant notre niche, et
qui avais frondé cet arrangement totalement contraire à l’idéal
contemporain d’une famille nucléaire. Juxtaposée à cette réalité
d’une vie conjugale pourtant communale, la promesse de l’amour qui
accole un couple n’apparaît que creuse. Dans une telle situation
tendue et délicate, on flaire l’hypocrisie du faux sourire et or ne
chuchote, ne respire, pas d’un mot. Je comprends et compatis avec
l’angoisse de Grace en endurant encore le manque d’une espace
personnelle chez elle et en souffrant la tyrannie constamment. Vivre
ainsi avec les proches après les noces définit le mot « cauchemar ».
Fières et plus indépendantes que leurs prédécesseurs, les femmes
contemporaines et éduquées ne veulent pas s’asservir à la dictature
de leurs beaux parents. Le même pourrait être vu sur une plus
grande envergure reflété d’une population qui refuse à soumettre aux
fouets, matraques et bottes des oppresseurs et donc révolte afin de
s’emparer leur dignité et secouer le contrôle imposée avec violence,
vraie ou menacée.
Nous optons à discuter un peu des politiques au Taiwan car
nous sommes presque à la veille des scrutins et un peu aussi de
l’économie qui était forte, sinon fulgurante, quand elle y avait
emménagé dans les années 1980. Certaines des questions
personnelles sont mieux éludées. Mais bien sûr les écheveaux de
politiques et économiques sont parfois noués aux fils d’une vie
personnelle au Taiwan, à Hongkong et en Chine populaire à cause
d’une histoire compliquée et nuancée de laquelle les gens y résident
ne peuvent totalement pas esquiver. On, voire un visiteur, n’échoue
qu’à notifier l’ambiance calme qui démentit les rapports que l’on voie
sur télévision à Hongkong dont presse aime dépeindre les Taiwanais
et leur ardeur partisane, leur fanatisme, en caricatures. Esther
constate comment peu gendarmes effrayants patrouillent les rues et
ceux repérés ne s’harnachent de gilets pare-balles ni treillis de
commandos et portent des mitraillettes; il n’y aucun blindé ni signe

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des voisinages quadrillés. Ce qui abonde est la flopée des oriflammes
et pancartes à promouvoir des candidats qui s’échelonnent du centre
de la ville en traçant les routes du métro et les boulevards. On ne
trouve pas les racailles menées par des fauteurs, agents
provocateurs, qui étaient communs dans le passé selon les médias
hongkongais sensationnalistes qui donnent ces procèdes électoraux
un regard acéré et sceptique. Ceci est preuve que la presse
hongkongaise est biaisée ou que la démocratie taiwanaise inchoative
ne croupit pas dans deux décades d’évolution. Tout ceci est advenu
d’un état policier rigide et brutal sous la commande centrale du clan
Tchang et soutient l’espoir au même occurrence dans le reste de la
Chine dont les portes au monde dehors sont enfin entrebâillées grâce
à l’Internet, au commerce et aux formes diverses d’échange global. Ce
qu’était sédition est ces jours acceptable au Taiwan quoique ces
barrières dressées et protégées à changer les voies de convention ne
tombent pas sans la volonté à marcher en avance des gens éclairés et
encouragés et la foi à assainir les discours publics. J’avoue, un peu
gêné, comment en regardant une chapelet de drapeaux nationalistes
flottant dans la brise que je me ressente l’impulsion lui saluer en
reflex à cause des temps quand mon pépé m’eut astreint avant celui
qui pavoisa l’embrasure du hall de Kouo-Min-Tang dans le cœur de
chinatown. Voire maintenant, en dette à la mémoire de lui, Lloyd, je
subis d’une ambivalence vers ceci et autres symboles d’un régime qui
servit et trahit la cause, la salvation de la Chine, de laquelle il épousa
avec une sincérité absolue. Grace, qui m’adresse en anglais et
mandarin, pupilles dilatées et se ragaillardie, glousse à mon mélange
d’émotions et confesse, cette fois en cantonais, comment nous
sommes affligés également, quoique ma femme, créature endoctrinée
à l’anglaise coloniale, d’une ambivalence vers la Chine. Je la régale
avec un conte de moi même qui me fus confondu à la figure
majestueuse de Dr. Sun, le pionnier de la Révolution en 1911, avec
celle d’un ancêtre, car son portrait orna le mur beige tapissé de notre
vivoir et juxtaposa ceux de mes proches.
On ne se récuse pas à lamenter d’un pass é moins vécu
qu’hérité. Avec minauderies et soupirs, Grace s’entonne comment,
chez sa belle-famille réfugiée du continent, les enfants étaient chatiés
quand ils ne montaient pas assez d’intérêt dans la quête des
nationalistes à recapter le pays des « bandits rouges », ressaisir la
gloire et rétablir l’autorité légale. En s’enfuyant des hordes
communistes, une génération amure ne se réconcilie pas encore au
débâcle, à la perte ne pas juste d’une contrée mais de leur sens
d’orgueil. Le point est que l’on ne largue pas le souhait pour
retourner à la patrie et ne déchoie jamais en identifiant avec ce coin
d’un empire qui ne cesse pas de leur seriner d’une humiliation
écrasante, d’une poisse, d’une trahison. On rencontre encore les
derniers des briscards de la guerre civile, jeunes durant la longue
retraite de la Chine et maintenant barbons dont idées et manières
semblent vieillottes à leurs descendants. Un birbe aussi, Lloyd fut
comme ça en calquant dans ses mémoires des raisons pour le recul
d’une terre sacrée un jour d’être épurée et regagnée encore mais à la
compétence et rectitude. « On doit se targuer dans un héritage de
5000 ans, » eut-il prononcé mais, en voyant peu de grandeur chinoise
dans le ghetto de chinatown, je ne fus pas épaté, voulant seulement
de rétrécir les heures gaspillées à apprendre l’écriture d’un langage si
taxant qu’elle apparut être un supplice d’enfer. Je ne suis pas d’un
type qui s’agenouille sans question aux commandes et je regrette
d’avoir déçu l’homme digne de mon admiration et piété filiale. C’est
grâce à son souhait de me reléguer un ancien héritage et son amour
que je lis maintenant les scripts classiques qui m’hèlent ici dans une

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Chine nationaliste rétrécie mais jamais démunie ni diminuée de la
puissance magnétique qui y attire ceux, comme moi, fidèles aux
mémoires de quelqu’un, quelque chose tranchante et atavique. On ne
devient pas convaincu d’un legs jusqu’aux longs laps, à la maturité.
Ceci quelqu’un ne l’appela Dr Sun mais Lloyd Fong. Sa cause ne
s’agit pas à l’abstraction. Ceci vraie. Je fus, étais, suis lié au lignage
en travers d’une éducation en chinois. Cette connaissance demeure
un cadeau de lui, un don qui manifesta le soin intemporel d’un seul
homme pour son petit fils. Dans moi, Lloyd eut investi son espoir.
Ses aspirations pour un avenir furent inaccessibles dans sa vie et
donc il fallut avoir ses descendants de persister et d’en poursuivre
jusqu’à la fruition. Le passé ne me ligote pas mais pourrait je suis
obligé. Sa semence de la sagesse demeurait dormante et ou elle
germerait et culminerait à la soudaine floraison quand la condition
est opportune, non? A lui, mon grand-père et parangon, je suis navré
et gêné de l’avoir ulcéré avec mon insouciance initiale à bonne voie,
d’avoir été brouillon et calleux dans ces études mais maintenant je
l’apprécie et ses souhaits. On ne soumet pas aux propagandes
patriotiques faux et pires aux laïus s’écoulent des lèvres de menteurs
dans la guise de meneurs mais on doit reconnaître néanmoins de la
valeur phare en apprentissage d’une culture riche et d’une
civilisation tourmentée. J’aurais bousillé des leçons sur les langages
et histoire de ma patrie pas de naissance mais de patrimoine sinon
pour l’empreinte et insistance de Lloyd qui fut direct, taciturne,
franc, si sardonique, en sa conviction de la valeur de cette
connaissance, cependant piètre et superficielle. Il, issu d’une société
féodale et l’une de laquelle il fut forcé d’abandonner, n’embellit rien
du pays adopté, le Canada, où demeura son corps et pourtant il fut si
romantique de celui où se fleurirent ses rêves et rêveries, la Chine. Je
n’oublie pas comment je lui avais bayé aux corneilles et vu le regard
de révérence un jour, le dixième octobre, quand ses copains l’eurent
rejoints pour commémorer l’éclosion de la nation chinoise en 1911.
La réminiscence de lui, de cela, est indélébile comme une fresque,
toujours gravée dans ma conscience; et c’était ce qui m’astreignais à
compléter mes études en chinois et m’aiguise encore d’apprendre
plus. C’aurait été le proverbe du philosophe Lao T’ze qui remarqua
qu’un périple de dix milles d’aunes commence avec un seul pas. Ceci,
l’épreuve en apprentissage d’une écriture si difficile, demande aux
élèves d’une volonté de braver le défi et d’appliquer la pleine
discipline. Ceci aussi applique à la vie.

Mon humeur s’alourdit ce matin, vendredi, quand je survole des


journaux taiwanais durant le petit déjeuner très assouvissant au
restaurant de l’hôtel Sherwood. Je préfère certainement les scripts
classiques et peaufinés dans ces journaux à ceux simplifiés et crus
courants en Chine continental qui, ma femme ricane, est nécessaire
pour éduquer les bouseux, goujats et rustres. Je me réjouis en les
feuilletant et broyant les grognons d’une baguette dont miettes créent
un pattern artistique sur ces pages dans la même façon bizarre que
j’aime écouter le rythme de la pluie tapant sur tôle, voilà la
musicalité. Le truc de panures est un de ceux-ci qui baissent la
pression comme le mâchement de chewing-gum. Parfois la liesse n’en
vient des grandes choses mais des gestes et actions mineures. Mes
tics énervent ma mère et également Esther et au moins elles ont une
mesure d’affinité. Ces quotidiens se sont obnubilés des élections dont
minutes détaillées m’ennuient aux larmes sauf pour des rumeurs et
racontars d’obligatoire. Je suis également las des scandales, ragots et
canards parmi les vedettes à Hongkong qui cependant titillent ma
conjointe, une fouineuse, plus captivée des complots tramés aux

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studios de télévision qu’en vie ou politique. Nous ne fouillons autant
d’intérêt chez ces gazettes pour nous aider en parcours en travers de
Taipei et décidons à faire exploration via le métro. Notre plan est à
naviguer d’un bout de la ville à l’autre sans soin à la destination.
Comme marmotte, je darde d’ici à l’ailleurs et fourgonne les scènes
insolites, tout à la chance. Il n’y aucune règle qu’aller contre le flux
de trafic, ramer contre la marée, qui veut que quand les gens sont en
train de parvenir au centre-ville nous y sortons. Ceci voila est
l’apanage de vadrouille sans l’encombrement d’un groupe comme l’un
qui nous contenait aux Balkans en juillet dernier. Se dépêtrer des
guides est une méthode pour s’affranchir et se dépêtrer des routines
dictées au tourisme de la bourgeoisie. D’une disposition paresseuse,
Esther geint à s’aventurer, préférant l’aise d’un autocar et guide avec
chaque chose planifiée. Pas moi qui aime la liberté et fouille
heureuse. Cette voie alors le pan de Taipei se révèle sans plan fixé et
on ne gronde pas aux faux pas et bévues puisque l’on prenne la
pleine responsabilité. J’accepte et je compte d’être paumé de temps
en temps pour me fournir des excuses en abordant ces citadins et
leur apprenant ce que seraient omis des brochures et livrets de
tourisme qui sont les bibles de l’industrie.
Le système de transit public, malgré ses bavures et raccourcis
pour enrichir les compères du Kuou-Min-Tang, est une émerveille de
l’ingénierie. Les Taiwanais s’enorgueillissent pour leur technologie à
laquelle le métro prisé peut attester alors que certaines lois étaient
infléchies et fonds siphonnés, selon rumeurs, aux poches d’une filière
criminelle et politique (une tautologie, non?) sous la surveillance du
gouvernement de Tchang Chin-kuo, le grassouillet et défile fils du
généralisme, et celui de Lee Teng-hui, son successeur et premier
président élu et natif de l’isle. Le patronage du régime avait gonflé les
coûts, alourdi le projet et provoqué un tas de boutades au et dehors
Taiwan mais le service est bon marché aujourd’hui à cause d’une
largesse qui crève le budget général. (Pour un moment, on pourrait
même pardonner la vénalité des caïds et pontes de politiques dans
leurs péchés presque globaux – les mots clefs sont bien sûr
« moment » et « presque ».) Ce recours fiscal reste nécessaire si
seulement pour justifier les investissements qui drainaient les trésors
et la bourse. Mon père opiniâtre et parfois fautif a raison en son
cynisme. Il croit comment un pouvoir assis trop long muera
inévitablement au nid de vipères. Lors de tout est dit, ce réseau se
présente comme digne des atouts et des passifs. Cette mode de
transport est un composant critique à chaque ville. Le délai dans sa
construction venait aux dépens du développement urbain et
l’encombrait vis-à-vis à la compétition d’entre ces villes asiatiques
auxquelles la poussée moderne constitue une religion. Mais encore
nous somme contents d’avoir le métro qui nous aider en orientant et
naviguant Taipei. Le président actuel ah Bian, une teigne d’un
homme mais énergétique comme Nicolas Sarkozy, n’a rien de cette
échelle, soit de projet, soit de corruption, pour s’enrichir et ajouter à
son nom et sa notoriété.
Esther traite son voyage comme une bamboche de repas et
shopping. Je le regarde comme une exploration de vues, sons et
senteurs, oui, senteurs puisque chaque lieu émane un arôme distinct
issu de sa cuisine, ses plantes et son climat. Quant à moi, j’ai
tendance à renifler dans une façon d’un bien St Bernard qui dérive
une telle joie en flairant ses environs. Taipei ne se présente pas
autant d’occasions pour folâtres, étant plus stérile et propre, plus
dans le gabarit de Séoul que Hongkong ou Tokyo. Bien sûr des
Taiwanais ergoteraient que leur capitale ait plus qu’une patine de
sophistication mais on ne doit pas brouiller la technologie avec un

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certain panache. Ce qui attire tout le monde est le seul gratte-ciel
(photo 2), certes le plus haut building du type, appelé la Tour 101
pour son nombre d’étages et couronné avec un clocher dont le but est
le même comme les cheveux épais et bouffés de Sarko – pour
exagérer sa taille. L’édifice ressemble un peu à une ruche grâce à sa
surface aveolée de fenêtres et aussi à une pagode qui en fait était la
visée de son exaltée équipe d’architectes, C. Y. Lee et partenaires.
Cette prouesse d’ingénierie à 508 mètres, inaugurée en 2004, sera
éclipsée parfois durant l’année courante par un édifice à Dubaï. Cet
effort herculéen, ou folie de grandeur fausse, d’achever à l’escalade
de vitre, d’acier, d’ego juvénile est gênant mais révélateur au
complexe de parvenu. Quoi vraiment sidère les visiteurs n’est pas
d’un design fracassant plutôt de la solitude du building car il n’y
aucun monument d’envergure pareille qui le jouxte ou le rivalise
dans le voisinage (photo 3) en rude contraste à la congrégation de
tours à Manhattan, à New York, et à Victoria et Kowloon, partout,
Hongkong. Les autorités municipales de Taipei sont déterminées à
réclamer un droit à hâbler et une telle bravade est de rigueur au
nouveau riche. Donc motivées, se soucient-ils le moindre aux
gloussements et ridicules d’autrui. Le crépuscule de l’ère de Tchang
père et fils s’était fini il y à 20 ans, avec la morte de Chin-kuo de
laquelle l’anniversaire coïncidera avec les élections actuelles, ne
menait pas à l’aube de l’autre époque. La dynastie Tchang aima se
pavaner et cela ne change pas car c’est le tic de ceux heurtés
d’incertitude à démentir et masquer creux de confiance avec un tel
air fanfaron. Le clan qui n’exprima pas de honte en empoignant ces
atouts étatiques, la kleptocrate, fut parfaitement content
d’impressionne les sujets avec ses butins – une petite portion sera
étalée au plaisir de nos yeux. Je veux me restreindre de la tendance à
dénigrer le hôte puisque ma présence de visiteur me requière de
gratitude. Les gens sont ce qu’ils sont à cause des raisons souvent
dehors de leur contrôle conscient et il ne servit guère chacun bon but
en les bafouant. C’est vrai qu’une neuve génération née au Taiwan
sans mémoire directe du continent s’est déjà saisie la rêne mais elle
n’attendrit, n’amoindrit, certaines conduites de ses parents, soit en
gouvernance, soit en affaires, soit en organisation d’une capitale,
provinciale au noyau mais globale dans ambition. C’est vrai que ces
jeunes semblent généralement plus modestes vis-à-vis à ceux à
Hongkong et en Chine propre, surtout, je répète, dans la matière de
restaurants et de boutiques.

La vilenie et la gloire de la Chine doivent être sa diversité et sa


taille. Le pays, qui inclut le Taiwan, à une pléthore de langues,
coutumes, ethnies et bien sûr cuisines dont la rangée de délices est
sûrement la plus vaste et délectable. Cette richesse embrouille encore
le gouvernement dont l’houlette manque encore la légitimaté y
conférée par force plus que par persuasion. D’ici à Taipei l’on fouille
le paradis des gourmets et gourmands. L’art d’alimentation se déferle
d’une rue à l’autre qui servit bien les flâneurs qui veulent s’assouvir,
non, se bâfrer, mais aux prix bas. Esther ne veut pas quitter
bredouille un magasin et, moi, je ne souhaite pas partir d’un quartier
sans déguster un ou deux de ses plats spéciaux. Dans les parages de
l’hôtel, dans l’ombre de la gare de métro, surgit une ruelle qui arbore
une chaîne d’enseignes et panneaux aux entrées des restaurants
modiques et exigus, gargotes en fait, chacun se vantant des assiettes
et bols de bouffes, parfois pimentées, rances, voire aigres ou amères
et pourtant délectables après le dégoût initial. Cette aventure
culinaire ne sied pas aux mièvres visiteurs dont l’idée de
l’alimentation exotique est mexicaine comme tamale et chili con

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carne. L’un qui picote mon palais et aussi mon olfaction est l’infâme,
l’affreux pourtant délectable « tofu puant de Shanghai », une
substance fermentée à cuve et grillée, dont flagrance (relent)
ressemble à celle de brie mais plus intense, plus dégueulasse. On
peut le manger sans condiment ou l’enduit, cela est, l’adoucit avec
un peu de sauce très visqueuse et piquante. Sans doute ce plat
repousse et agace. Je me suis aussi rebiffe à l’offre mais, après deux
petites morsures, j’y ai rabiboché, quoique sous la sauce poisseuse et
légèrement pimentée. Dans l’age de « junk food », bien incarne de
Mcdonald’s et Kentucky Fried Chicken, qui déspolie la nourriture et
qui s’avère addictif, il faut préserver et propager l’authentique. Certes
ce délice n’est pas indigène au Taiwan mais fut un de ces curiosités
qui se furent entrées l’île dans le sillage de la retraite de l’armée
nationaliste de sa déroute en Chine. Durant le recul qui culmina
dans l’installation du régime Tchang à Taipei les copains de la
dynastie eurent apporté cagnottes de butin et cageots d’échantillons
des objets plus prisés de chaque coin du pays ils eurent déjà pillés.
Les rapports du temps décrivent des piles, caissons, cartons et boites
qui s’amoncelèrent aux estacades à Taipei d’où une flotte de péniches
conduira une navette désespérée sous la protection marine
américaine voire quand les derniers divisions militaires se furent
saignées sur l’autre berge du détroit pour sécuriser la finale sortie.
Mais cette saisie des trésors fut nécessaire afin de sauver l’héritage
chinois des sabotages et vandalisme déclenchés par les racailles et
zélotes de Mao Zedong. En savourant ces morceaux de tofu évocateur
de l’histoire épique, je contemple la diaspora depuis 1949, l’an quand
mon père eut acheté son épouse, ma mère, pour lui livrer une vie
épargnée des tragédies en Chine et bénie de la cocagne canadienne,
une union rendue possible, moi. Suis-je donc un témoin indirect aux
luttes en Chine? Aux siens Fong, ma grand-mère fut le chef et
gardienne de cuisine traditionnelle de notre préfecture ancestrale de
Yenping. Bouffer ce qu’est natif nous aide affirmer notre identité et
tirer proche toujours à notre patrimoine.
On ne voit pas de borne architecturale à Taipei sauf l’édifice de
101 qui reste un testament disert d’une cité dépourvue des collines
sauf une crête dans la distance. Esther et moi, nous orientons notre
promenade à la tour qui indique notre position comme un cadran
solaire et à laquelle nous visons lorsque nous nous trouvons paumés
car elle se situe au coeur urbain. Quelle différence à Victoria,
Hongkong, et Manhattan, New York, qui hérissent de symboles de
lucre, d’avidité acharnée convenable aux citadins chevronnés, nous ?
L’air ambiant est riparien et les résidents sont riverains. La croûte
terrestre n’est pas stable ici sur une faille de pacifique et ceci est
aggravée par un sol alluvial trop sensible aux ébranles et saccades.
L’estuaire avec ses mangliers qui endiguent les berges verdoyantes
contre l’affouillement s’abreuve bien, étant en aval des montagnes à
l’intérieur et exposé aux moussons, et est très fertile, alors que
l’embouchure du fleuve demeure d’autours 30 de kilomètres au nord
et ait besoin d’être draguée pour appuyer le trafic de bateaux et
barges. La géographie de la ville est au détriment de ceux qui rêvent
d’un paysage comblé de grattes ciels. Le building totémique de 101
est donc plus qu’un monument à grandeur mais une prouesse de
construction viabilisée grâce à la technologie moderne et à la volonté
des architectes et ingénieurs capables de conquérir la boue, les
orages et le séisme avec des piliers pilonnés et ensevelis à une
profondeur incroyable. Je dois me corriger de mon sarcasme, ma
litanie de plaints, en avance pour je lui as besoin de donner plus en
définition à Taipei. Dans le passé, selon aux anciens visiteurs, la ville
était sale, une véritable bauge et vase durant ces trombes estivales et

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à l’étiage, avec déchets jonchés d’ici à là-bas et c’est au crédit civique
engendré par le maire, et candidat présidentiel en mars, Ma Ying-
k’eou, et son équipe d’échevins et bien sûr les gens leurs mêmes pour
nettoyer et bonifier la capitale. En dépêchant des escouades
broyeuses et lançant une campagne de publicité, la municipalité a
réussi et prouvé qu’une société chinoise puise maintenir un haut
standard de propreté, soit ici, à Hongkong, à Singapour. On ne peut
pas assez souligner l’importance d’hygiène dans la zone tropicale qui,
telle spoliée, ne deviendra, ne dégradera qu’un cloaque de brassage
toxique comme attesté par les plus affreux fléaux de cholera et
thyroïde dans le récent passé. Ces jours on flâne parmi des parcs et
ceintures verte de palmiers et banians en splendeur et apprécie les
efforts investis d’enjoliver un lieu plutôt atone à cause du manque la
beauté naturelle de Hongkong, San Francisco, Vancouver et du Cap
dans leurs berces de collines, montagnes et mers.

Taipei se vante d’être au coeur du tirage chinois. C’est souvent dit


qu’il y ait une librairie à chaque coin, une exagération mais ne pas
trop. Cependant obscur un titre, soit broché ou cartonné, il sera sur
une étagère quelque part dans une ville vibrante de bouquinerie où
les livres et les écrivains sont célébrés, leurs créations et pensées
prises au sérieux. Quelqu’un qui désespère et s’écœure aux
manifestations béotiennes et crasses des sociétés chinoises, aux
poursuites effrénées de richesse, aux cultures populaires et vulgaires
trouverait l’antidote à Taipei. Un bibliophile serait ingrat de
ronchonner quand le prix moyen assortit la sélection en qualité. C’est
fait que chaque lieu se cantonne sur lignes de classe avec ceux
habitants dans les quartiers cossus plus biaisés aux raffinements et
ceux des arrondissements modiques plus inclinés aux goûts
plébéiens. Mais l’ubiquité des librairies atteste fièrement au respect
universel pour le savoir sans nier de l’écart social, économique et
éducatif. Ce qu’existe des divisions bâilleuses est la conviction
commune que le pouvoir dérive de la connaissance, la connaissance
universellement accessible. Voir cette foison de bouquins est un
antidote aux rumeurs et stéréotypes que ceux de Hongkong aiment
employer pour débiner le Taiwan. Savoir qu’un marché fleurit où
voire les talents littéraires obscurs, foutraques, provocateurs peuvent
éclore est un encouragement pour moi d’une disposition cynique. Le
centre phare pour les érudits laïques, polards universitaires ou
simple bibliophiles est sans doute l’Eslite, une chaîne fondée en
1989, dont le plus récent débouché se situe sur rue de Dunhua sud,
qui occupe six étages et d’autour 8000 mètres carrés. On y fouille le
plus large apport de livres traduits à chinois et des tomes
méticuleusement reliés pour les plus fastidieux collecteurs. Mais ces
volumes ne sont qu’une facette de la librairie car il y a des boutiques
de technologie et vêtements au top et au rez-de-chaussée, cafés et un
souterrain comblé de restaurants. On pourrait ainsi manger de
nouilles ou brouet de riz et, repu dans une façon, consulter des
maîtres en prose, repu dans pourtant l’autre, vraiment une ripaille
mobile. L’Eslite lui expose donc l’autre aspect de la vie quotidienne.
On peut s’absorber dans ces contes affabulés des auteurs mondiaux
à son loisir sans obligation à acheter et guigner les jolies midinettes.
L’idée des livres seulement comme objets de commence est feutrée,
amortie, afin de créer une ambiance plus semblable à celle d’une
bibliothèque pour contemplation. La foison de titres dans un salon
bien illuminé à dont centre sont fauteuils encourage les clients à
feuilleter ces volumes et essuie l’air guindé, étouffant et terne qui
prévaut ailleurs aux caves littéraire. Le credo confucéen prône la

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déférence aux, et révérence des, hommes lettres et d’ici cette estime
règne suprême.
Durant cette soirée nous explorons en goguette le marché plutôt
insalubre en plein air de nuit. On sait qu’à Taipei, comme ailleurs en
Asie, l’endroit préféré pour bâfrer et acheter serait à la coulisse,
typiquement plusieurs rues et venelles ou se rassemblent des
piétons, véritables engoulevents, pour potiner, manger, acheter,
écouler, lésiner, boire, se mélanger et passer leurs heures. Quoique
chaque ville ait un quartier plutôt minable, pourtant charmant, de ce
type – l’équivalent de la plazza en Italie – chacun est unique en
reflétant les traits nationaux et régionaux. L’histoire des marchands
de Taipei, surtout ceux qui trafiquèrent à la sauvette, est sombre et
sanglante comme mentionnée en avance mais est digne une
répétition. Cet épisode en violence fut précipité avec un décret du
régime en 1947 restreignant le commerce de ces colporteurs et levant
d’impôt au mandat d’un gouverneur jamais élu et un état en faillite
financière et morale. La défaillance aux préceptes confucéens fut plus
sévère car l’ancien sage louangea la justesse, la magnanimité et
l’empathie du pouvoir vers ceux pauvres et veules. La loi et
l’opposition qui s’y fut déroulé eurent éclaté en conflit avec la
resistance répandue des gens et la suppression brutale de l’armée qui
se prouva incapable à vaincre les rouges mais plus qu’effective en
écrasant une racaille sans armes. Ces frondeurs bravant les fusils
des bidasses du continent dépêchés à l’ordre du généralisme en
panique. Beaucoup des victimes furent inhumées sitôt et
clandestinement et ainsi le bilan du carnage reste imprécis. Cet un
événement devint le creuser pour l’identité taiwanaise forgée en
douleur et grief. Les rafles, la déclaration de la loi martiale, les
massacres – « une vague de la terreur blanche » – aux mains du
gouvernement imposé et étayé par les Américains sont pièces d’une
mémoire amère et collective qui enveniment encore la rapport entre
les descendants des victimes et ceux issus des immigres de la Chine,
une haine d’une intensité sectaire. J’ai beaucoup d’admiration et je
sens une solidarité à ceux qui survivent à leur débrouillardise et à la
marge de « respectabilité » à la petite bourgeoisie, sentiments mirant
exactement mon mépris et reproche des dirigeants et fonctionnaires
vénaux qui sont les sangsues d’une communauté. Jusqu’aux années
1980, on trouverait les vendeurs à la criée et gueux presque partout
de Séoul à Singapour. Mais ces jours, en testament à la prospérité
généralisée, ils sont concentrés à ces marchés et dotés de permis.
Pas l’autre lieu se fait une planque supérieure à celle du
marché de nuit où l’on puise musarder, déambuler et fondre dans la
cohue avec la visée de trouvaille en mégarde. Ce quartier Si-lin sis
dehors la gare de métro était une fois et encore serait miteux, a
l’instar de plusieurs d’ailleurs, où demeurent les maquereaux, catins,
voyous et receleurs. Mais les autorités en combat contre les filières
criminelles dénient à l’allégation et revendiquent que les réseaux de
la pègre sont longtemps rompus grâce à leur diligence, leur cercle de
mouchards, et donc le stéréotype est caduc. Mais alors des caïds
commandaient jadis de respect parmi les gens de la rue puisque, ces
gangsters étaient les sources d’autorité et arbitrage dans ce domaine
quand le gouvernement était corrupteur et incompétent. C’est le
gourance du pouvoir qui engendre presque toujours l’ascendance des
seigneurs des fiefs bien écartelés parmi des « familles ». La situation
fut d’antan plus compliquée à Taipei à cause du partenariat qui
fleurit entre le Kouo-Min-Tang et les sociétés secrètes longtemps
avant le recul du clan Tchang à l’île à laquelle les caïds de Shanghai
se furent enfuit. Alors loin de juguler le monde louche, le régime du
passé eut des enjeux en le succès des gangs comme ses outils. Cette

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fusion, sinon confusion, du gouvernement et des truands dans son
service s’accrut en Chine propre durant la guerre patriotique quand
ces hommes de l’ombre se firent espions d’arrière de la ligne militaire,
soit contre les forces Japonais, soit contre les communistes à qui les
nationalistes furent allies nominaux de 1936 a 1945. Le généralisme
eut fameusement remarqué à ses conseils que le problème japonais
fut égal à la grippe, nuisible mais pas fatale, qui eut du laisser aux
Américains, et que celui qui fut communiste aurait été radicalement
adressé pour ce fut une forme de cancer incurable sans une
opération d’extirpation directe et sans merci. C’était seulement après
la mort des Tchang, père et fils, et acceptant l’écueil d’une telle
néfaste interdépendance que les autorités légales essaient d’attraper
son contrôle des rues et arracher l’influence enchâsse des gangs.
C’est tentant et naïf à croire et à se leurrer que le milieu de la pègre
et celui des autorités sont distincts, que ce ne se soient pas
entrecroisés quand en réalité l’un et l’autre s’estompent et
s’emboîtent pour aboutir à la symbiose d’expédience mutuelle.
Quand il n’y aucune échelle avec laquelle un peuple piétiné et bafoué
grimperait des profondeurs de pénurie et délits, la fraternité de
crimes est une voie d’échapper le ghetto du désespoir, déboires et
indignité. Jamais n’est le monde se scinde proprement entre ce qu’est
correct et ce qu’est base. La dichotomie inexacte des pouvoirs et
l’embrouillage des moeurs contribuent à l’ambivalence et le cynisme
dans une société. C’était vrai à Taipei comme c’est encore vrai à Sao
Paulo, Marseille, Naples, Los Angeles, partout.
Des rues, voiries et venelles mornes et ténébreuses sinon pour
les lueurs diffusées des lampes et réverbères, les gangs racolent et
recruter leurs « nouveau sang » et régentent souvent avec plus de
compétence que la police. C’est connu qu’ou le pouvoir officiel
esquinte ou bousille sa mission censée à défendre les droits civils ou
régler des disputes les gangs entreraient et rempliraient le vacuum à
l’osmose. C’est savoir que les filières tiennent des promesses de
richesse et respectabilité pas accessibles à ceux de la classe
dépourvue. C’est admettre aussi que la vie à l’orée fournit à ceux
démunis d’une possibilité à l’excitation, hardiesse et statut. Chez ce
quartier, la porte cochère s’ouvrit à ceux exclus des salons de chance
et privilège. Tout cela s’écoule d’ici aux voies cahoteuses (une plainte
constante d’Esther), jonchées d’ordures au moment et sûrement
boueuses durant la saison plieuse, les espoirs et les rêves. La vue
actuelle des balcons chez bâtiments qui surplombent l’aire serait cela
d’une mer de jaune olivâtre en houles chatoyantes pour la nuit
entière. Comment grouille ce district borde des monuments à la
confluence des routes de métro et d’autobus et comment bruitent ces
cris des visiteurs dans un dédale d’allées étroites dans une ville
généralement d’un pattern à l’échiquier. Des mêmes aussi, on
déguste les vraies flaveurs de la ville et graille en train des morceaux
insolites au palais occidental. Nous nous élançons en fouille de la
cuisine taiwanaise authentique mais ce que sont servis ne varient
autant des bouffes à Hongkong ou Séoul exceptant une telle
délicatesse de rouge grenat qui nous trouvons d’être aspic (sang
congelé) de porc et une autre également exotique, soupe au serpent.
Mais la dernière n’est pas exclusivement orientale car j’avais mangé
une « sole » de crotale assaisonné d’agrume grillé au barbecue en
Californie du sud aux Barrios à l’est de Los Angeles. Quant au goût
de crotale, il serait meilleur décrit d’être un mélange d’espadon et
grenouille qui est à dire assez délicieux. Attirés au fumet émanant
d’un restaurant, nous nous attablons à la coulisse et scannons le
menu, les deux de nous déterminés avoir un dîner sans filets de
serpents, qui sont dans les cages à l’étal, plutôt le plus banal gigot

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rôti dans le style mongolien avec l’essentiel riz et une sauce
légèrement pimentée. Les cacahuètes fumées (« arachides » en
québécois) servie avec le cours aiguisent la flaveur, magnifique.

Taipei est une ville riveraine, ne pas d’un mais deux fleuves, le
Keelung au nord et le Tanshui à l’est, qui versent dans le détroit de
Formosa. Samedi matin, le jour des scrutins, nous optons d’aller via
métro et autobus à l’estuaire du second qui signifie littéralement
« l’eau douce ». Mais plus qu’étant juste l’embouchure, cette aire
vieillotte est aussi renommée pour ses sources thermales, donc une
station balnéaire s’y développa dans le 20ième siècle et un district de
pêcherie et péchés, surtout de bordels et tripots, dont commerce fut
contrôlé par des gangs rivaux. C’est dit que l’industrie de vice se
pérenniser parce que de la marée de pognon et est donc immunisée
d’une récession. Durant l’époque du clan Tchang qui régna avec une
poigne de fer et qui prôna des vertus confucéennes, cette zone exista
en contradiction aux guises officielles hypocrites de rectitude et
sagesse salvatrice. (Les Tchang fils et père, loin des modèles de
probité, n’eurent pas de brevet sur moralité digne du Sage et eurent
entretenues concubines.) Il n’y aucun démenti de la popularité u
commerce car cette bourgade est un aimant au type refoulé de la
ville, les poivrots, parieurs et chasseurs de l’heur interdit, beaucoup
d’eux matelots, débardeurs, cadres et dirigeants, la classe n’importe
pas. La manne du ciel enrichit bien sûr les coffres politiques. Une fois
il y eut une profusion des enseignes et panneaux colores d’une teinte
jaune lubrique pour avertir ces services de sexe et de gageure mais
ces jours, après l’autre croisade morale vaine de les expurger, ces
avanies visuelles à la modestie féminine et la bienséance en général
sont bannies ou faites plus discrètes. (Ce qui constitue une activité
grivoise d’entre deux adultes est strictement une question de goût et
ainsi l’on ne veut passer aucun jugement.) Mais le trafic de chance et
de chair persiste encore malgré ces campagnes puritaines
périodiques grâce aux meneurs religieux (les curetons) et groupes de
honteux de l’éradiquer et malgré certains leaders censément éclairés
dans le nom de moralité publique qui glapissent à ces influences.
Mais l’essaie de nettoyer et démêler les poursuites de « joie », soit aux
mains de croyants, soit à celles de la laicité, est destinée à l’échec, la
nature humaine étant faillible. C’est agréable en sachant ces efforts
sont éconduits et cela un lieu peut retenir sa tenue afin que le
changement soit indigène et en réaction à la condition locale plutôt
qu’au gré des autorités et des intrus. Je n’y viens d’en éprouver car
mon intérêt dans ces phénomènes est toujours sociologique. La rade
de Tanshui (photo 4) apparaît sous un ciel gris et se situe au-delà
d’un marais de manglier qui agit d’une éponge en absorbant
l’inondation quand le fléau déborde durant la saison de trombes et
tempêtes. Nous arrivons à la dernière gare du métro à cette place
limitrophe de Taipei et dégringolons au palier pour voir meilleur le
paysage. Une meute de clébards galeux semble avoir la même idée. Il
y a une piste goudronnée de vélo mais il n’y aucune bicyclette en vue.
Le paysage morne nous saluant n’épate personne. Nous ne
lambinons pas parce qu’Esther boite encore de la promenade au
marché de l’hier soir. Le minable endroit est une déconvenue aux
amateurs de photo car on ne décèle pas de charme dans un pâté de
bâtiments dont structure plus voyante tient un restaurant de
Mcdonald’s de trois étages, quelle horreur, pire qu’une maison de
vergogne. La ruée de motos et scooters sillonnant les rues pose une
constante menace aggravée par le vacarme qu’elle engendre. C’est
amusant qu’avant un tel site, un Mcdonald’s, attirait ma gosse qui
clamait y visiter pour gravir et gambader au préau. Je n’oublie pas

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comment elle s’acharnait d’arrêter à chaque Mcdonald’s de la
Californie à la Colombie Britannique en 1997 pour s’accrocher aux
appareils comme un singe, quand âgée de quatre ans et demi, avec la
même dévotion qu’un musulman dévot aurait pour la Mecque. Ces
places de « junk food » sont pour moi restaurants à aller seulement
dans le cas échéant. Les frites qu’elle aimait jadis bâfrer nuisent à la
ligne des filles déjà avec tendance de grossir. Nous sommes ici
maintenant en janvier longtemps avant les foules urbaines
envahissent la côte afin d’échapper la cohue de leur ville et donc
nous y trouvons une certaine langueur lénifiante.
Presque toutes des bourgades portuaires sont bastions des
esprits libres, frondeurs, libertins, novateurs et aventuriers si
seulement parce que leurs habitants sont exposés aux vents en
poupe et ceux de changement. Un terrain fécond et accueillant aux
idées neuves et audacieuses attire et attise les dissidents et
anticonformistes qui y parviennent pour l’abri et la compagnie. Cela
la révolution américaine entama à Boston lorsqu’une bande de
rebelles risquant la trahison contre la couronne et donc la potence
rafla un navire britannique et se délesta de la cargaison du thé en
protestant l’injuste levée de taxe. Cela les Beatles ébranlèrent le
monde de leur berceau de Liverpool. Cela New York fut, était et est
l’incubateur de plus manies et tendances qu’ailleurs. Cela Shanghai,
Hongkong, Singapore et Yokohama sont les conduits des influences
occidentales en Asie. En somme ces villes sont communautés
éventées voire quand leurs arrière-pays sont alourdis et assourdis de
traditions plus rigides et ces lieux attirent les types rétifs et
aventureux naturels avec rêves et espérances à se frayer à une façon
rude et insolite. Chacun de ces exemples sidérés atteste à l’impact, la
défiance et le catalyseur d’une place bénéficiaire du trafic de denrées,
gens et idées qui lubrifie le commerce, la science, la culture, le
cerveau. Taipei, grâce à Tanshui (aussi nomme Huwei), est facilement
le moulin de mode au Taiwan. On voit l’origine des voies cosmopolites
lorsqu’on aille à l’orée de Tanshui. On y accède en autobus dont
l’arrêt est au palier des escalades à la dernière gare du métro. Le car
traverse la bourgade et longue la berge tranquille ce samedi. On
débarque proche d’une mole qu’apparaît désuète d’où les caravelles
portugaises eurent amarrées et dont marines eurent étés les uns qui
adoubèrent la place sylvestre « la Iiha Formosa » (la jolie île) quand la
flotte ibérienne domina les vagues, explora partout et atterrit aux
sites stratégiques pour sécuriser ses routes de commerce entre son
port à Macao et ceux au Japon. On arrive au coin qui débute une
venelle et repère une palanque au fortin une fois arbitrant une
colonie hollandaise après l’armada d’orange eut vaincue sa rivale
lusophone et, d’ici, une calanque, vogua sans défi au Japon et à
l’archipel d’épices des Indes jusqu’à l’ascension des Britanniques
friandes du thé et de la soie en Chine dans le 18ième siècle. Les
paysans chinois dont les aïeuls émigrèrent de la souche fujianaise
appelèrent ces étrangers « les barbes rouges », un terme plus digne
que celui des Cantonais qui est « kwailo » (les diables) ou celui des
Toisanais « lofan » (vieux barbares) en pleine xénophobie. On risque
d’y manquer sinon pour un jalon cloué auquel est une plaque de bois
inséré de cuivre pailleux et qui sert comme une borne. L’aire est plus
humide qu’ailleurs dans ces parages car ici l’on se trouve coincé
entre les houles de la mer, des ravins qui attrapent la moiteur et les
collines de versants verdoyants dont sentes se tournent aux
ruisseaux de boue durant la saison mouillée. L’étendue de la
précipitation est illuminée par la végétation de jungle – les grimpants,
surtout les lianes, les mousses et les tamariniers dont branches
semblent détrempées perpétuellement. Voire en hiver à l’étiage, la

22
nappe captive touche presque la surface qui émet la sensation
amortie d’un bourbier et retient des flaques après une giboulée d’hier
matin. On peut imaginer avec horreur d’y être piégé durant un
cyclone qui frappe souvent le Taiwan lorsqu’on doive cacher de la
furie, patauger dans le torrent et s’agripper à un poteau ou tronc
pour éviter l’essuyage et le ressac du déluge. Je pause au seuil de la
rampe qui mène au quartier en briques des « barbes rouges »,
maintenant préservé comme musée, et vire au détour sur une pente
raide, sûrement se rendue aux cataractes sous la trombe, à dont la
crête surplombe une flèche à la chapelle. Cette erre s’avère
fructueuse à la trouvaille car j’arrive au campus de l’université
Aletheia (photo 5), avec certains pans drapés de lierres et leurs
fêlures récemment colmatées et un beffroi dont cloche ne retentit
plus, ceci une filiale de l’église presbytérienne et la plus ancienne
académie de la haute éducation au Taiwan, une province qui
s’évertue à pallier son manque d’une culture élevée en mettant une
emphase sur les diplômes. Je m’achemine vers l’endroit à une allure
qui laisse Esther loin et dois ralentir afin qu’elle me surprenne, elle
qui ne sait ni ressentir ni contempler le passage de temps et ses
implications modernes. Voyant et apitoyant comment elle s’essouffle,
je lui retourne pour l’emmener au parvis très calme, un bouclier
d’arbres assourdissant les bruits. Les bâtiments d’y sont un mélange
de styles architecturaux, certains au moellon et d’autres en béton,
indicateur des ères qui s’imbriquèrent dans la construction du
campus. On repère des jeunes au regard sincère plutôt que farfelu.
Les commentaires ne se lassent pas à dire comment les Taiwanais
aiment imiter leurs contemporains farceurs au Japon; pourtant ces
ados ici n’affublent pas, ni ne percent pas leur peau, ni teignent leur
chevelure en persiflage de la convention, ni arborent d’Ipod en
pendentif. L’histoire de l’université qui mime celle au Canada mérite
un détour.

Parlant d’un esprit rétif, peu furent plus que George Leslie
Mackay, ne en 1844 dans le comte d’Oxford du Canada occidental
(maintenant la province d’Ontario), qui depuis enfance d’une piété
précoce convoita une chance à vivre au comble (ou folie) de sa foi
chrétienne et à épancher et épandre les mots sacrés. Un diplôme de
théologie au Knox Collège à Toronto et au séminaire de Princeton en
New Jersey avec la finale formation au New Collège d’Edimbourg en
Ecosse, il eut rencontré le missionnaire anglais James Laidlaw
Maxwell puis dans son année sabbatique, le fondateur d’une enclave
chrétienne dans le sud de Formosa. Voulant atteler son sort en
service divin, Mackay arriva pratiquement bredouille sauf pour un
modeste don de l’église à la vire des montagnes. D’une tenue
farouche, un tempérament fougueux, il fut appelé par les paroissiens
« la barbe noire » qui serina la peur de Dieu dans les têtes, sinon les
âmes, des convertis dont icônes païennes il n’hésita pas à confisquer
et brûler. Un bravache de nécessité, Mackay refusa d’affadir ou plier
les règles strictes, explicites ou tacites, de sa religion, sachant et
s’apeurant qu’être relâché dans la pratique des préceptes, cependant
périmés ou rigides, risquerait le dérapage, voire l’effondrement d’un
domaine, en enclos étrange, toujours sous le siège majoritaire.
Insistant de discipline, il raffola aussi de la culture locale et maîtrisa
le dialecte de minan avec lequel il enseigna les gens et courtisa sa
future native épouse. Ce qui suscita un vrai tollé dans cette société
patriarcale cependant ne fut que son installation d’une école pour les
filles, une institution de subversion puisque l’apanage d’éducation fut
réservé aux garçons et nié à l’autre genre contraint à apprendre ces
devoirs domestiques: nettoyer, cuisiner, coudre, dresser des

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animaux, accoucher et soigner les enfants et servir leurs maris. Je
me trouve maintenant dans le centre de ses achèvements plus
remarquables dans une époque encore féodale: la première école pour
les filles de la préfecture, une culmination de la pugnacité et zèle
d’un homme sous dont extérieur dur battit un coeur d’or. Ses efforts
et parfois cajolerie de briguer des fonds de ses confrères au Canada,
en Ecosse et aux Etats Unis aboutirent a une fondation de l’égalité en
éducation qui demeure son tribut beaucoup plus que des statues et
plaques (photo 6) dédiées à la mémoire d’un « parâtre » s’enseveli
dans la cause de sa mission. Il eut avancé avec sa volonté et ruse les
frontières de savoir et justice dans la face aux maints griefs et
grognes des chefs locaux car il crut et il agit sur sa conviction. Le
seigneur demeura, travailla et fut mort en 1901 dans l’hôpital il eut
envisagé qui est jouxté au campus, sa dépouille mortelle inhumée
sous la terre pas natale mais lui sacrée toute la même. C’est facile en
rétrospection à blâmer, voire le déplorer, de son arrogance à vouloir
imposer sa religion sur contrée adoptée, une attitude coloniale et
maintenant saugrenue, mais il fut autant une créature de son ère
pour laquelle l’on ne peut pas lui reprocher et doit en fait le
remercier. Dans cette aire, on voit encore aperçus du passé pastoral
qui Mackay aurait reconnu : des lopins intercalaires entre maisons,
pâturages, potagers et vergers d’où dont fruits sont prisés partout
dans l’Extrême Orient.
Après le tour du campus, nous reprenons l’autobus pour nous
acheminer au but du littoral, une fois un village en déchéance de
pêche dans une baie venteuse d’où le fleuve se vide dans la mer. Ces
jours cependant les flottes halieutiques de chalutiers voguent
beaucoup moins qu’avant à cause de la diminution de pêche côtière
et la montée des viviers qui ravitaillent plus des restaurants et foyers.
Ce midi, en y arrivant maintenant durant l’approche d’un orage
hivernal, nous repérons ces bateaux amarrés aux quais. Ceux qui
osent à braver les rafles et houles sont les vaisseaux de croisière se
dirigent en amont à la ville abritée de Taipei plutôt qu’en aval avec
ses ressacs qui auraient naufrages des navires surtout dans les
siècles écoulés quand le détroit fut une route marine importante et
contestée. Encore beaucoup de frets sont batelés dans ces eaux. On
n’est jamais las de lire des contes sur les épaves trouvées et
renflouées pour leurs fortunes manquées. Je les vois, ces chalutiers
regrésés et gréés de transporter des touristes, tanguer dans le noroît
déboulant du contenant et me secoue d’imaginer comment les
passagers doivent sentir d’y le vertige et la sensation de vomir. (On
gouaille à dire aux clients que le voyage soit agréable, agréable cela
est aux gains des compagnies de tour. Après l’expérience d’accoster
un cachalot à la rade de Tofino en 2005, je ne souhaiterais pas
prendre l’autre aventure de mer saccadée voire si j’y ai resquillé. La
photographie qui en recueillit n’aboutit jamais à la haute qualité.)
Voire de l’esplanade on peut goûter le sal dans les embruns et doit
tourner les joues des vagues et vents car les gifles de l’air se balafrent
le visage et serrent les poumons. Maintenant la source de revenue
plus fiable ne vient de l’eau, plutôt la terre, car le hameau de Tenshui
est devenu de plus en plus chic. La première preuve de laquelle est
une arcade (photo 7) occupée des étals de brimborions et d’une
poissonnerie, une « minque » comme appelée en Wallonie, mais avec
peu des frais fruits de mer car la prise du jour n’y atteint jusqu’à
tantôt. Je veux vaguer sans trop de poids sur mon dos déjà grevé
d’un havresac. Mais Esther s’attire aux enseignes et lésine avec les
vendeuses pour acheter deux kilos d’une confection dans la forme de
quatre brigues de cassonade. « Voici est un mélange de sucre cru et
gingembre d’être ajoute au thé pour tonifier le corps, » chuchote-t-

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elle, « et c’est bon marche, prix réduit, par le biais de chicanerie. »
Quant à moi, je suis le baudet d’halage. Les gens ici, comme
beaucoup d’autres dans l’Extrême Orient, souscrivent à la géomancie
qui est la croyance dans l’influence sur chance, sur destin, des
positions de meubles et immeubles. Un optimiste moule le design
d’un endroit et conduit des rites de lustration pour accentuer sa
veine. Un pessimiste en y rend les mêmes pour escamoter. Le souhait
d’un filon d’or qui serait trop d’une espérance. Il serait assez
vraiment d’apprivoiser l’esprit mal plutôt que prier à la chance quand
la poisse abonde. Je suis d’une sorte content de l’avoir retenu aux
abois. Tenshui est béni de l’aubaine comme reflète dans son
apparence de prospérité avérée dans ce bâtiment de chalandise mais
également dans la façade de la mairie (photo 8).
Il y a, là, un pont cantilever neuf blanc (photo 9) qui enjambe
l’anse où les bateaux sont amarrés ou ancrés et les entrepôts sont
situés. Nous gravissons à l’arche d’où le paysage est étendu (photo
10) mais assombri à cause de la grisaille qui estompe toutes des
images captées. Je souhaite larguer les deux kilos de mêlasses
emballées en cellophane récemment achetés mais encore je ne peux
que ralentir pour patienter Esther qui flâne, boitille, chaque étape
étant une épreuve. Ne nous réjouissons plus chaque voyage, chaque
balade en synchronie et est cette rupture de rythme le sort inévitable
d’un mariage? La promenade flanquée des banquettes bien poncées
sur l’allée côtière endiguant la berge de l’affouillement est voire plus
venteuse. A son palier est une gamme de restaurants dont enseignes
dépeignent les poissons, crevettes, huîtres et d’autres mollusques qui
allèchent le palais déjà aiguisé de l’exercice. Rien ne peut surpasser
un bon repas quand on fleure la mer qui évoque d’autant plus les
flaveurs sauvages. Pas de drapeau nationaliste flotte du mat de
chaque place pour peur d’attiser des sécessionnistes dans l’industrie
marine. Pas de mouettes en voltige aussi à cause de la rafale. C’est
facile d’y envisager comment vibrante est le quai de soir lorsque les
gens de Taipei affluent et grouillent, épuisant de l’animation nocturne
côtière un sens du passé quand la mer se fera le seul accès au reste
du monde. D’ici la société de Taiwan poignit, étant l’entrée aux
matelots portugais, hollandais et japonais et, en avance d’eux, aux
colonialistes de la province chinoise de Fujian. Ce mélange et ses
vestiges d’une origine diverse se permettent aux citoyens la capacité à
profiter de la profusion des modes et idées étrangères. Cela ce bout
septentrional de l’île demeure le centre d’industrie, technologie,
culture et finance ne pourrait jamais avoir du advenir sinon pour son
exposition et accolade aux influences externes. Je regarde l’horizon
distant dans la façon du tyran Tchang qui eut commandé la
construction d’une plate-forme en saillie dans le détroit afin qu’il voie
la patrie perdue et contemple ce qui sûrement aurait été. La pensée
de lui réduite aux regrets et reproches rongeants son âme m’induit à
la pitié mais seulement brièvement, à l’éclat pour quelqu’un de son
statut doit être responsable aux erreurs. Quoi fatuité, orgueil,
arrogance de lui à croire qu’il fut la trahison ou méchanceté d’autres
qui l’eut acculé de l’empire duquel il fut « mandaté » à régenter. Un
homme incapable de voir ses défauts qui fusa en rage incandescente,
qui cingla, menaça et tua ses subordonnes et qui rebuta la raison,
lui, fut un désastre pour son pays. Je tourne mon dos physiquement
sur Tanshui et cela figurativement sur le généralisme fâché et cruel
en traversant le pont, destination: la ville de Taipei.

La prochaine cible du voyage est le musée national où la


dynastie Tchang recèle sa cagnotte de butins arrachés de la Chine
continentale, une campagne d’une telle ampleur, sophistication et

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précision au niveau que son armée n’employa guère dans la défense
de la patrie, soit contre les forces japonaises, soit celles chez
communistes. L’esbroufe demeure un étalage de puissance en
grandeur. Les historiens n’arrivent pas de consensus sur quoi
exactement eut esquissé le plan à rabioter ces trésors de la
civilisation. Le gouvernement sous le généralisme fut d’aller à tâtons,
ad hoc, au mieux de temps et ses forces n’atteignirent que bâcler leur
rôle, piller et s’engorger. Cette opération ardue de s’échiner en
identifiant, emballant, guettant, gardant, traquant et transportant
sans anicroche d’autours 6OO OOO de trophées (certains d’eux très
anciens et fragiles retenus dans cageots étanches) des voûtes et halls
d’exposition au Taiwan lorsque partout la guerre civile sévit fut une
prouesse incroyable, surtout en juxtaposition à l’incurie et l’ineptie
en gouvernance et en conflit militaire desquelles le régime fut
proprement fameux. Le soin des objets précieux fut visé prouver
l’emprise du Kuo-Min-Tong sur l’héritage chinois, sceller sa légitimité
professée et polir le blason du leader en guise de la défenseur des
traditions nobles dans la face des usurpateurs rouges, des
« bandits », eux trop ignorants, trop revêches, trop rustres à vouloir
enjoliver et enrichir la vie moyenne. Ce saisi entendit accaparer le
pactole eut néanmoins abouti à sa protection des hordes déchaînées
et maoïstes durant la Révolution culturelle lorsque le pays s’était
délité, une racaille qui dans leur furie eut endommagé, spolié et
parfois voire détruit des artefacts centraux au sens d’être chinois. Ce
programme de conservation qui sert aujourd’hui d’exonérer l’acte de
pillage dans les mains du timonier Tchang et ternit l’image du
pourvoir rival fixé à Pékin une fois insouciant aux reliques et à
l’histoire dans son zeste de reforme. On ne peut qu’assouplir le
verdict sur le legs du despote lui même qui s’enorgueillit comme un
guerrier-erudit dans la matrice d’Alexandre dont gloire enclencha ce
défi des mégalomanes avec un côté censément sublime, sensible et
poétique. L’idée illusoire de l’entière entreprise qui motive certains
vieux du mouvement nationaliste est à retourner, ensemble avec les
dépouilles des Tchang et aussi les meneurs du Kuo-Min-tong, à leur
bercail en Chine continentale. Cependant improbable et fantaisiste ce
scénario semble actuellement, il ne manque de romance. Cela le rêve
du retour en triomphe apparaît destiné à flancher est preuve aussi
qu’un empire perdu ne puise pas regagner et que le temps ne cesse
pas de marcher.
S’adossant contre les collines qui forment un giron naturel, avec
un arc classique à marquer l’entrée à une avenue plantée de sapines
menant au perron de granite est le Musée du palais national qui
s’estompe parfois avec le Musée de Taiwan national, le second étant
mineur et chargeant juste une prestation nominale. Le second
initialement sans l’adjectif « national » à sa rubrique jusque le
nouveau gouvernement sécessionniste l’en a ajouté est modique et
était construit en 1908 durant l’occupation japonaise. Le premier
baptisé le fleuron de l’architecture impériale auquel nous prenons
l’hommage fut une création fondée sur la vision grandiose de Tchang
qui fut lui même l’empereur de facto. Du palier au sommet, où
surplombent ne pas un mais deux édifices (photos 11 et 12) dans le
style magnifique digne de Versailles et de la Cité impériale à Pékin,
on se fonde, de pas à pas pesant, vers la terrasse pour un panorama
avec une certaine solennité, une certaine gravite, la tête courbée et la
casquette ôtée, comme à l’approche des tombeaux royaux. La
ressemblance au sarcophage donc projeté n’y est arrivée pas
accidentellement. La visée fut, était et est d’épater, sinon accabler,
l’ouaille qui est faite d’apprécier qu’ici bat le cœur du royaume
célestiel avec un mandat retenu pour le contrôle de la Chine. Cette

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évocation de la grandeur y rendue de la somme des artefacts datant à
l’origine de la civilisation est puissante, particulièrement à ceux
éduqués et endoctrinés à croire dans la sainteté et supériorité
supposée chinoise, une conviction, peut-être un leurre, enracinée
dans l’identité ethnique en travers le monde. Je suis issu de la
diaspora chinoise et j’entends le même refrain, la même accolade à la
gloire qui ne s’atténue, ne s’avilit, ne s’affaisse pas d’une civilisation
éternelle soit je suis à Singapour, Bangkok, Kuching, San Francisco,
Hongkong, Honolulu, soit à Paris, Londres, Johannesburg, Montréal,
partout. La fierté touche fortement ces gens de la couche chinoise
voire parmi ceux qui, plusieurs générations écartées de l’empire,
branchés et assimilés dans les cultures dominantes, ne parlent
aucune de ses 200 langues et dialectes. Cette ardeur, cette fidélité à
la notion d’une force unissant, est certes atavique mais elle s’avère
aussi utile en galvanisant une source de soutien partout, une avenue
de fonds et de solidarité bien exploitée par les nationalistes et
communistes dans leur lutte. La tragédie n’est pas seulement d’une
grande échelle, plutôt la rivalité politique eut écartelée des clans,
rapports rompus pour raisons de vision et d’espoir en conflit, chaque
côté trop têtu, partisan, âpres, fâché, en grief pour injustices
infligées, requiem pour camarades perdus, de faire compromettre,
malgré sang partagé et mémoires qui les accolent.
Esther, elle, sourde aux questions de culture et politique, n’a
qu’une crainte qui est à pâtir la douleur en grimpant l’escalier et
donc opte d’aller à l’ascenseur. Ma conjointe m’accuse de cruauté en
dardant partout et voulant durcir la vie avec le choix d’une route plus
longue et ardue qui l’éreinte et lui cause de renâcler et suer « comme
une truie ». Mais alors je suis toujours la personne qui ne peut pas
ralentir, qui doit me diriger vers un lieu à pleine vitesse, un véritable
guépard. Elle aurait raison néanmoins d’en penser comme ça car je
voudrais la tonifier, quoique le stress crispe maintenant ses muscles
qui, sinon étendus et exercés, s’étioleraient surtout à la veille de sa
ménopause. Le couloir énorme qui nous accueillit est moderne et
démentit son extérieur d’une façade vieillotte. Le hall agit comme une
chambre d’écho et nous induit de se taire plutôt que créer un boucan
d’inadvertance. Les gens n’y affluent pas et plutôt débordent le
magasin mitoyen pour faire emplettes des babioles et souvenirs dont
thème de l’antiquité ne pique pas d’intérêt de ma femme. On entend
souvent le japonais et coréen. Ce musée les attire avec sa collection
des artefacts centraux à leurs coutumes et héritages. L’attrait d’ici à
ces visiteurs est équivalent à l’appel des ruines à Rome pour les
Anglais, Français et Ibériens qui en tracent la genèse de leurs
civilisations. Nous déboursons peu sous pour une paire de billets qui
est une aubaine car nous sommes habitués à l’arnaque en Suisse.
Les autorités au Taiwan qui se targuent de sa bonne gestion du
patrimoine ont établi des octrois pour l’étude du mandarin et de la
sinologie afin de vanter comment leur île est la phare académique
dans ce domaine et de mitiger la doléance de son éclipse depuis
l’émergence de la Chine continentale comme un majeur pouvoir.
Donc délogées du panthéon depuis l’ONU les avait évincé du rôle en
représentant l’entièreté de la Chine, elles se ressentent voire plus
astreintes à rétorquer aux doutes de leur place dans le monde et
déclarer avec plus force, plus stridence, à leur pertinence. Ainsi un
prestataire pourrait taper des institutions taiwanaises pour une
bourse qui couvre les coûts du hébergement et des frais de scolarité
ostensiblement d’étudier la civilisation chinoise, voila, un séjour
pratiquement subventionne et moins qu’onéreux. Cet apprentissage
sied à ceux comme ma gamine qui ne raffole d’aucun cours chinois et
doit être motivée. (Quant à moi, le seul remède était pour mon grand-

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père à m’écrouer comme forçat afin de retenir mon attention distraite
aux livres en chinois et rivetée aux jeux de mes contemporains
canadiens.) J’ai faim et soif mais ne pas de la sorte intellectuelle,
juste physique, et mes yeux scandent tous azimut pour un réfectoire
comme celui dans le creux du Musée de l’histoire naturelle a New
York. C’est certain que je doive étancher ces besoins corporaux pour
me recharger à tacler les défis cérébraux. L’histoire de la Chine se fait
un grand tableau, une énorme épopée, qui va se déferler avant mes
yeux en objets extraits en travers des siècles. Pas de réfectoire, plutôt
au top du musée un restaurant caverneux orné dans le ton sombre
grâce au lambris d’acajou mais un peu allége par ces vastes vitres
qui s’exposent au soleil – hormis le ciel gris et la menace de pluie. La
classe de l’endroit est soulignée par une jolie soliste diaphane dans
sa pâleur à la harpe chinoise de laquelle tinte une mélodie
mélancolique. Le menu cependant est plus branché en nous offrant
ces « dimsum » (morceaux cantonais équivalents aux tapas). Pourquoi
la cuisine cantonaise et ne pas celle native au Taiwan ou au Fujian
voisin? Je ne souhaite pas narguer la qualité de l’alimentation dans
cette région mais sûrement la carogne dans le delta pittoresque de la
Perle où tout foisonne à la combinaison de climat, de fertilité alluviale
et de créativité des chefs y fournit un banquet de goûts.
On raffole toujours des friandises de sa jeunesse. La
réminiscence écopée du tas de recollections a tendance d’édulcorer
ces victuailles servies, surtout celles-la provenues des mains tendres
d’une proche. Oui, oui, on ne faille pas noter comment chiant il est
de prôner le passé et bafouer le présent car la nostalgie requiert tout
qui s’est écoulé semble supérieur et tout en existence est blêmi en
contraste. S’embourber dans les recollections est facile et couard car
ceci ne se demande pas d’effort intellectuel. Mais laissez-nous
ruminer, flairer à nouveau les senteurs et déguster des bribes
intégrales à notre jeunesse. Encore quant à moi, je n’oublie jamais le
mélange des arômes riches et tentantes de l’échalote, le persil et la
cive légèrement assaisonnée de l’huile de sésame qui émanait de la
cuisine chez nous, le foyer Fong, grâce à la matinée de préparations
par mon grand-mère; ni l’impulsion à en goinfrer, ni le regard
également de mon frère cadet, Charles, ni le savoir qu’il soit gouaille
et ingrat à ne pas apprécier ce geste de l’amour avec lequel elle les
avait mitonné. Rien depuis ne supplante la joie ni jouissance d’une
ripaille ainsi rendue à notre table familiale et comment les siens
étaient contents dans une voie insécable encore. Je me souviens
comment nous, Charles et moi, cessions à jouer ou musarder dehors
sur notre pelouse ou dans le préau de notre école directement devant
notre maison et accourions pour nous attabler et attendre avec délice
afin de manger chacune des boulettes et brioches avec grignes
bourrées de poulet et légumes. Les mieux de cette portée de
friandises sont des raviolis avec une farce de crevettes, porc et
pépites de bambou qui j’adore. C’est la façon de l’alimentation
d’antan qui est enfouie dans ma conscience et qui est cependant
juste sous la surface, facilement déterrée avec une senteur. Tout de
ceci resurgit mais touche par l’air onirique. Ces jours je prends
presque chaque repas dehors et cela n’est-ce pas une preuve du deuil
pour elle, du requiem au bonheur jadis? Étais-je conscient que cette
félicite était fugace et que ma « guenne » qui m’avait dorloté était au
crépuscule de sa vie? Jamais. On veut toujours faire accroire
l’éternité de ce qu’est douce et la réalisation écrasante qu’il est tout
trop bref brise le cœur, bannit le leurre, approfondir le désespoir et
aboutit au leurre qui est l’état de l’adulte. Ces pensées toujours
douces d’elle s’écoulent, oui, de ceci pas d’excuse. Je dois d’ici
désemparer cette impulsion à divaguer à la tangence, ou ne pas. Ce

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restaurant sombre au décor illumine le paradoxe implicite au Taiwan
de l’élite, féru à préserver l’héritage chinois et sans honte en se
vautrant aux occidentaux, surtout Américains, dont marché et
protection il cherche. Est le comble de 40 siècles de civilisation
chinoise réduit à la servitude aux stratégies géopolitiques forgées à
Washington? Sont ces gens issus d’un ancien patrimoine devenus les
laquais, les vassaux d’une nation parvenue, l’une parfois bilieuse,
souvent capricieuse, toujours hargneux? Le menu est imprimé en
chinois classique et anglais. L’ambiance est de l’est. L’appel est à
l’ouest. Glissant proche de nous, bruissant en français, est un couple
exsudant l’air désinvolte, le jeune homme, basané, maigrelet,
cheveux rasés et bouclés, la jeune femme d’une carrure épaisse et
tresse blondasse, atypique de la sorte svelte qui éblouit le monde
dans les figures de Marion Cotillard et Audrey Tautou. Les deux sont
perplexes à la carte car le texte en anglais n’explique guère la tenue.
Je les salue, papote et leur recommande certains plats plus agréables
au palais français, au moins à mon estimation, moi qui déteste tous
des fromages.
A quelle ville américaine jumelée est Taipei? Les habitants de
l’Extrême Orient, la Corée de nord excepte dans son isolation moins
que splendide, se flattent de lier à ceux quelque part aux Etats Unis
afin de se parer d’une patine censément absente ou tachée chez eux.
L’obsession d’être prise au sérieux frôle le ridicule, le pathétique. Ceci
sûrement se manifeste à la complexe d’infériorité et renfonce la
réalité qu’un quasi pays comme Taiwan qui ne peut pas exister sauf
en s’emboîtant au côté américain. Cela aussi une région asiatique si
développée ne cesse pas de jucher sur une couche de tisons ou
tessons pour impressionner d’autres révèle cette facette de vergogne
serinée dans la psyché orientale. Travestir une culture pour égayer
ceux dont les amitiés pourraient être traduites aux profits est le truc
honteux qu’on voie dans quelconque chinatown. Ceci est un des
traits tristes ne pas juste d’une nation fantoche mais, pire, d’un
peuple en besoin de soutien et de patronage occidental à la boutisse.
L’amusement avec la chinoiserie, qui est la somme des antiquailles et
bagatelles bradées sur présentoirs, pour taper ouverte la bourse
(l’escarcelle ces jours) des touristes me gêne et renfonce la caricature
de la race jaune contre laquelle mon grand-père et ses confrères
eurent maugrés et bridés avec furie silencieuse. Ce qui me frappe à
ma face dans la nef du musée est la même dégradation qui se
confond avec la simplification pour apaiser ces benêts qui défilent ici
et ceux, barbés, qui arpentent en attente de leurs proches.
L’expérience d’y fouiller faute fortifier l’orgueil et offrir la sensation
d’une trouvaille plutôt que briguer l’approbation des visiteurs
étrangers qui se butent à voir leurs stéréotypes de l’Orient abject
s’agenouiller. Je cogite la farce implicite et je ne peux peu rester à lui
rechigner, indigner aussi, moi fidèle aux voeux et recollections de
mes ancêtres et leurs souffrances sous la discrimination raciale,
raciste. On ne voit qu’un fouillis absolument incohérent avec les
artefacts étalés en azimut. Je me souviens en contraste de la dignité
et l’organisation des objets montés dans le musée à Melbourne en
mars 2007 ou le thème était des grandes murailles en Chine. Le
conte ainsi narré était familier et pourtant ces conservateurs
australiens ne m’avaient pas agacé ni pas ennuyé pour ils ne visaient
pas de sidérer, juste d’évoquer et émouvoir avec le flux d’une histoire
épique sans requérir aucun embellissement. L’ironie suprême est cela
les Australiens n’ont qu’une croûte de patrimoine juxtaposée à la
profondeur de civilisation en Chine mais pourtant il est les premiers
qui choient autant plus leurs peu biens que les Chinois peut-être
gâtés par leur abondance et butés par leur incapacité de gérer la

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richesse donc relègue. Pire est que la photographie est interdite pour
peur de l’endommagement infligé aux éclairs. Dans ce vaste musée et
son annexe de quatre étages chacun, dizaines de milles des objets
sont présentés dedans vitrines. Mais ce qui est en exposition ne se
monte qu’une portion des butins arrimés. J’y quitte avec un sens de
soulagement et je ne convoite qu’une tasse de thé au café quelque
part mais ici.

En route du musée à l’hôtel, je vois une mer de panneaux,


oriflammes et affiches des candidats aux scrutins déjà engagés,
certaines d’elles, les femmes sont belles, certains d’eux, les hommes
sont roquets. Autant du jour électoral s’est écoulé lorsque nous
étions pris de la virée. Je ne me plonge plus en politiques et pourtant
j’affirme en penser sans pause. C’est apparent que parfois l’appel
d’un politicien serait son apparence. Ceci, cependant banale, affecte
le jugement plus qu’un calcul fondé sur pure et propre logique. En
général ceux du parti en pouvoir, les Démocrates progressifs dont
ancêtres furent à l’origine fujianaise sont plus moricauds et donc
moins attirants aux yeux d’un peuple qui chérit un teint pale qui est
plus commun parmi ceux au parage septentrional, qui est à dire les
partisans du Kouo-Min-Tang. Les politiciennes ont plus d’un
avantage que les politiciens à cause de leur capacité et propension à
s’épancher, étaler l’empathie et effectuer une connexion viscérale aux
votants, surtout votantes. Ce qui constitue la base de politique que la
puissance de communiquer, manipuler, mener, mentir ?
Généralement moins férues à la confrontation que le genre opposé et
enrobées d’une compassion intuitive, les femmes s’en dotent du bon
sens à réconcilier les différends, s’évertuer à unifier plutôt que
diviser, lénifier ceux d’un camp rival et parer plutôt que réagir aux
avanies. Quant à l’idéologie ou l’intelligence des gens sur la liste, il
n’importe pas dans l’ère charitablement atténuante du cancre George
W. Bush. Pas de surprise qu’une société patriarcale voudrait entraver
ou décourager les femmes d’une montée au sommet politique auquel
elles peuvent braver ou contrer les hommes qui habituellement
accaparent le discours public. Dans le domaine des politiques
domestiques, mon épouse est beaucoup plus astucieuse que moi,
étant plus sensible aux sentiments d’autrui et prudente avec ses
décisions. Certes il y à un complot pratiquement universel
d’empêcher les femmes de l’accès au pouvoir suprême et de préserver
la primauté masculine. C’est aussi futile pour moi à nier que je les
exalte, les dames, parce que je les adore, leurs senteurs, leurs lignes,
leurs voix, leurs appels romantiques. Mais plus puisque j’en mire la
promesse de remédie aux faillites morales et bourdes actuelles qui
ensembles aboutissent au débâcle global. Nous, Esther et moi,
sortons de la gare et marchons vers un restaurant proche de la gare,
le noroît à déjà changé à l’aquilon, signalant l’approche des frimas du
continent, et la température s’est abaissée de quatre degrés jusqu’à
18 centigrade, transissant mon épouse frileuse. Je m’y ruerais sinon
pour la lenteur d’Esther et ces distractions qui briguent le soutien de
l’électorat et taquinent mes yeux au même temps. Après le dîner des
nouilles et boeuf, nous nous acheminons à l’hôtel pour regarder les
nouvelles dans une nuit quand les voix sont tabulées d’un endroit ou
la tricherie est légende. (Ce fut Josef Staline qui remarqua comment
ce que compte n’est pas qui vote mais qui les dépouille.) Les élections
au Yuan (assemblée législative) n’absolvent pas les majeurs questions
de l’état mais elles adressent la matière de la popularité du
gouvernement actuel sous ah Bien et signalent au résultat possible
de la contestation présidentielle en mars à la fin de son mandat
marqué d’ébullition, espoir et maintenant tourbillon, déboires et

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allégations de corruption qui impliquent sa famille, son parti une fois
en opposition et l’entière classe politique.
De la campagne électorale à l’intendance administrative se fait
une guerre de l’usure qui risque d’épuiser et déchanter une
communauté. Ceci est plus vrai maintenant que jadis car la patience
s’écourter de plus en plus dans l’époque de gratification instante
grâce à la technologie. Dans une jeune, évoluant et volatile
démocratie, les instituions légales et sociales restent trop veules et
vulnérables aux tentacules des nababs d’industrie et autorités
(magnats, hauts fonctionnaires, syndicalistes et généraux) et nabots
d’intellect (agents d’influence) qui méprisent et subvertissent la
démocratie. On ne faille jamais trouver au coeur de pouvoir le trafic
de ceux qui soudoient ou veulent être soudoyés. Dans ce climat
pourri et étendu de vénalité qui existe au Taiwan soit au soin du
Kouo-Min-Tang, soit celui des Progressifs, il ne faut choquer
personne à la corruption de la première famille – surtout la fille et le
gendre du président et aussi sa femme éclopée à cause d’une attaque
aux mains des voyous embauches par l’ancien régime – et ses alliés.
Ce qui était surprenant aurait eu d’être le mouvement de protestation
sérielle à déposer ah Bien en 2006 pour un crime de fonds longtemps
intégrés à la politique taiwanaise, une crise qui attisait et attirait de
dizaines de milles aux rues, un défi au gouvernement qui s’était
modèle à celui en 2004 sur charges de fraude électorale. Mais ces
efforts de l’humilier, le honnir, l’acharner à quitter le palais
présidentiel et y évincer même ses confrères n’avaient rien achevés
pour quelqu’un tel épris du pouvoir raté la conscience d’avouer a ses
péchés et se renonce au contrôle. Comment naïfs et effrontés sont les
démonstrateurs lorsque la politique au Taiwan était toujours tachée,
tarifiée, troquée comme marchandise dans un souk? Bien avait
incroyablement refuté ces charges et puis leur avait confessé mais
avec l’explication qu’il avait eu à cacher le butin pour promouvoir les
intérêts « nationaux » en secret desquels il ne pourrait pas divulguer.
Quoi blague. En bafouant et narguant ses critiques, il esquive encore
la responsabilité et l’inculpation à la perte de peu qui reste de la
dignité. (Gênants comme ces larcins étaient, ce ne sont pas
éloignements égaux à ceux du clan Tchang qui extrayait les dîmes de
beaucoup de transactions et négoces au Taiwan. C’est hypocrite à
condamner le président actuel sans citer ses prédécesseurs qui se
foutaient aussi une métastase au « pays » ils avouèrent à servir.)
Cette sorte des abus politiques est endémique aussi en Corée et au
Japon, certainement ici et dans les alentours. Le phénomène
n’épargne pas aux Etats Unis qui prônent la démocratie et qui
s’offrent comme l’exemplaire sans fourbir ni reformer leur système,
l’un permettant à l’équipe de Bush fils de voler la présidence en 2000
et 2004, de piller la trésorerie et enrichir ses copains de business.
C’est sur que le chemin vers la démocratie de vigueur est sinueux,
long et cahotant. Esther ne veut pas regarder l’émission dans laquelle
crépitent les psalmodies d’un défilé de commentaires aboient leurs
interprétations sans pourtant obtenir aucun compte des scrutins
dans une place ou le sondage de sortie aux isoloirs. Ce sont les
experts, experts de l’amusement. Ma femme me dit qu’une élection de
cette nature ressemble plus à la tombola et à une contestation de
popularité comme celle chez « American Idol ». Marquant à nous est
l’air capiteux à ces élections qui s’aggrave lorsqu’on lasse des
commentateurs en pinaillant des détails arcanes. Cet ergotage est
certain de remplir ces heures de télévision quand les contestations à
l’investiture des candidats pour les deux partis aux Etats Unis en
2008. Réfléchir est l’ouvrage d’un historien. Jacasser est celui d’un
journaliste. Je ne m’étais pas adonné à la politique canadienne

31
malgré m’étant son citoyen car la carence de drame et, pire, de
magouilles dans un pays ennuyant puisque mon attention était
toujours rivetée au sud de la bordure, à l’empire américain dont les
folies étaient et sont grecques tragiques – un conte de moralité en
train à déferler. Le Taiwan est intriguant, on souligne, seulement à
cause de son impact sur le développement de l’empire oriental qui est
la Chine. Quant à Bien et ses comparses, ils ne sont qu’une troupe
de cabotins juxtaposée à l’histoire épique, réduits, eux, aux invectives
contre la Chine, farces politiques, fâcheuses postures et calomnies
personnelles, « tous sons et furies qui ne signifient rien », à
paraphraser William Shakespeare.
Je me suis réveillé au matin dominical neuf et à l’autre époque
politique aussi neuve, au moins d’après ces journaux en chinois et
un en anglais desquels je feuillette actuellement dans le grand
restaurant d’hôtel ou depuis longtemps une queue de dîneurs se
forme au bahut de buffet. Tout le monde dévale en avance avec la
visée d’éviter les foules – et échouant. La presse partisane m’affirme
que le vieux parti de pouvoir, le Kouo-Min-Tang, s’est ressuscité
comme le miracle pascal et s’est emparé presque deux de chaque
trois postes contestées et la vaste majorité des suffrages, une déroute
à l’éboulement, un débâcle total pour leurs rivaux amers, les
Progressifs. Le consensus des opinions publiées est que les lames
d’antipathie vers le président Chen pour sa corruption, son incurie
sinon gourance, ses gaffes, ses bévues et ses provocations contre la
Chine et aussi les Etats Unis durant ces huit ans sinistres et
insensés aboutissaient à une marée qui a essuyé ses confrères du
Yuan. Ce pitre nain bouille voire plus que le vaurien et histrion
George W. Bush et il rate aussi le charme fripon de l’Américain
comme sa popularité n’arrête pas de choir. Bon débarrasse car il n’y
aucune disgrâce plus damnant que l’hypocrisie. Bon débarras au
reportage saturé, acharné et fatigant. Bon débarras aussi aux
spectacles et logorrhées des campagnes qu’est sûrement le jugement
des sages gens. Combien des postures et avanies à l’intelligence
native de ceux longtemps las aux cabotins et bouffons. Je ne
souhaite pas m’emmerder avec les ordures de ce cloaque de
politiques, pas de lire plus des brûlots et opinions ad nauseum et
donc je pousse ces publications de tirage en masse à l’autre bord de
la table pour manger une petite tarte de flan et une tartine de
confiture à framboise afin d’adoucir mon goût et améliorer mon
humeur avant l’erre aux monuments. Mais alors je serai aux Etats
Unis durant l’été et donc m’exposerai à la frénésie de leurs
campagnes. La froideur arrive à la vitesse et aussi la pluie qui nous
bassine. Pas de gambade non plus lorsqu’on puise roder sans visée ni
hâte en exploration dans la chaleur relative. À Taipei une visite au
théâtre, à la bibliothèque, au hall, au mausolée et au parvis – chacun
affiché à la rubrique « national » – est obligatoire. Les autorités avec
prétentions impériales, des Russes aux Américains, des Français aux
Chinois, aiment trop ces édifices de grandeur qui sont trop
ostentatoires pour cette génération. Mais Esther m’harcèle et elle
serait juste de ressentir que son époux les a rabroué sans hommage
à ces totems de folie. On convient d’un besoin de paix et de
compromis pour préserver la civilité maritale. Nous sommes
maintenant bien orientés des rues dans ce voisinage en allant vers la
gare et, avec raccroc et la couverture des auvents et avant-toits, y
accédons raisonnablement secs.
Voilà l’on parvient facilement au coeur symbolique de l’empire
céleste ou ce que reste de lui pour le Kouo-Min-Tang déposé et
expulsé du continent. Plaçant là est la somme des stèles intégrales à
la mythologie et à l’ambition du clan Tchang. J’y avoue que je redoute

32
ces grandes places publiques dont la voirie et lampadaires sont
pavoisés de fanions faisant appel au patriotisme. Il y un mot à décrire
mon type: agoraphobe. Mais cette manie à ses racines en raison.
Depuis l’antiquité le parvis est où le despote convoque les racailles
pour les rallier et leur demande le voeu de l’allégeance duquel le but
est souvent néfaste. Le généralisme chérit ses fastes ici, sur ce
terrain (photo 13) sous l’arche marbrée, d’où il eut inspecté et salué
ses troupes dans l’espoir vide qu’ils et les Américains lui restaurent
sine die la nation dérobée. Tchang fut cette triste, stoïque figure au
top des gradins, sur les rostres, sans exception à l’anniversaire de la
République le double dix, le 10 octobre, jusqu’à la maladie et sa
sénilité avilirent son corps, son esprit, en le confinant au grabat à
rêver de son royaume. Pire pourtant, cet endroit une fois consacré à
son nom et son finale ambition a subi l’humiliation du « sacripant »,
Chen, qui l’a renommé le Parvis à la liberté en tribut aux victimes de
l’oppression nationaliste. Quoique l’on souhaite s’y éloigner, il faut le
traverser pour atteindre les autres monuments. Je vois en face de
moi sur un côté, la bibliothèque (photo 14), et l’autre, le théâtre
(photo 15), les deux tributs à l’héritage chinois et censément viviers
de talents et d’érudition. Pas doute de reconnaître la valeur que ces
édifices auraient eu sur les vieux avec leurs mémoires du monde déjà
éteint, d’une Chine bien muée. J’ai vu métrage télévisé des briscards
qui se sont affalés, se sont agenouillés devant l’autel et la statue de
Tchang et ont commencé de pleurnicher, chacun d’entre eux
s’écœurant aux regrets et douleurs de son pays, sa jeunesse et ses
confrères perdus dans la lutte épique qui moula et encore cicatrisait
de ce que reste de sa vie. Il n’y aucun démenti que ceci fut l’exact
sentiment de mon grand-père qui, quoique trahi et amèrement déçu,
se buta dans la conviction que son parti en exil put franchir le détroit
et retourner en victoire et venger l’humiliation. Lloyd n’eut pas la
chance de voir ce coin préservé de l’illusion d’une Chine sous le
drapeau du soleil blanc sur ciel d’azur au-dessus un champ
cramoisi. Non, pas vraiment, il peut le voir clairement avec les jeux
de son descendant, moi. Lloyd, en provenance de la préfecture de
Yenping, l’ancêtre de Yo-yo, ces bâtiments de grandeur en tribut à tes
idéales et tes rêves d’une Chine unie et en gloire épanouie, ce sont
quoi a toi? Es-tu épaté, ébahi, convaincu que les coûts en sang et
trésor sont dignes de ta patrie tu eut quitté pas de ta volonté et tu ne
cessa pas d’aimer, d’aimer autant à la fin? N’est-ce pas la voix de toi
que j’ai juste entendu dans les bruissements du vent essuyant en
travers ce lieu hanté? Si? La terre que tu prises demeure là cause
sacrée.
Le vaste parvis des carrés glissants sous la giboulée est
pratiquement vide des visiteurs. Ceux qui radinent en bravant la
météo inclémente sont la plupart ressortissants philippins, les
ouvriers étrangers sans le moindre d’intérêt dans l’histoire du site
prégnant de signification. On croise aussi quelques touristes
américains. Encore pas de Taiwanais. Les anciens adeptes de Tchang
auraient raison d’être encensés à voir comment leurs descendants,
les jeunes du Taiwan, ont tournés leurs dos, sapé leur foi et renoncés
à l’héritage ancestral dans la poursuite de réussite en carrière et
commence, cependant abaissé par le gouvernement actuel. S’adonner
aux contes compliqués du siècle écoulé requiert trop de patience et
dévotion qui sont antithèse au monde moderne qui marche à la
pleine allure avec peu de réflexions. On raille et lamente mais à quel
but? Je grimpe et Esther gravit le perron qui mène au hall (photo 16)
d’où règne la statue géant mordoré et assis du généralisme souriant
au regard avunculaire (photo 17). Ayant été acculé à l’exil amer, ce
tyran d’une trempe terrible rêva seulement du retour et ceci fut ce

33
que les dissidents eurent aussi voulu pour lui, bon débarras. Mais
alors il flancha dans son troisième déménagement, le premier étant le
recul de l’armée impériale japonaise et le second étant la fuite des
rouges. J’avoue de tressaillir devant chaque tel monument trempé
dans une gloire fictive, une sensation qui m’avait frappé lorsque
j’étais parvenu à l’Arc de triomphe érigé par les Français à la
commande de Napoléon Bonaparte pour commémorer les héros des
campagnes sanglantes. Ce qui m’émeuvent sont les sites sacrés
propres et pures dans leur symbolisme dévêtu de grandeur fausse et
pathos, un exemple duquel est le terrain « 0 » à Hiroshima où reste
un dôme, la moitie duquel reste intacte et l’autre réduite aux déblais
de béton et ferraille de l’impacte de la bombe atomique. (Etait la
motte de Nagasaki qui j’avais tenu dans ma main en 1964 encore
radioactive presque deux décades après le massacre ?) Rien,
absolument rien, ne masque jamais les horreurs de violence et l’ego
de quelqu’un qui ne s’en repentit pas, lui, Tchang. Ce qui sidère est
comment l’intendance de Chen n’ose pas démanteler l’autel au
despote coupable pour le carnage, persécution et suppression de
ceux-ci au Taiwan qui résistèrent à son règne. Cette peur trahit
l’impuissance des Progressifs qui se bouffent et dont bluff de
sécession dans la face du Kouo-Min-Tang plus discipliné et en
maîtrise du militaire. En revanche pour le manque de courage à
mouvoir ce tribut posthume au leader, le gouvernement du jour à
construit dedans le hall, à la plinthe de la statue, une sorte de
mémorial (photos 18 et 19) aux victimes tuées or purgées, de
panneau en photo saluant la lutte contre la dictature dont la visée
est moins d’éduquer les visiteurs et plus de répudier et persifler ceux-
ci qui révèrent encore Tchang et nient l’allégeance au Taiwan. A ce
que but pratique en brandillant ces toiles rouges de provocation et
avanie? Catharsis, pique, dédain.
Mitoyen est le musée en honneur du généralisme, un hall
caverneux cependant épargné des insultes caustiques d’un meneur,
Chen, qui aime rabrouer ses devanciers sauf son mentor, Lee Tang-
hui. Le dernier, un adjoint malin au président Tchang Chin-kuo,
camouflait son vrai plan à « Taiwaniser » la société et serinait l’idée
dans le parti en pouvoir que le futur de la république doive être mis
dans les mains de ceux nés et élevés sur l’île qui étaient déjà la
majorité. En se trônant en 1986, éclairant ses visées d’y essuyer les
politiques importées de la Chine et écrasant l’élite du continent, Lee
allait ôter sa prétention de fidélité au clan Tchang, dévêtir, couche
après couche, le legs du régime écroulé il avait toujours détesté et
remanier ou limoger quiconque ratant d’obéissance à ce qu’il
envisageait pour son « pays » indépendant. Il était sangsue et traître à
ses détracteurs et il était aussi héros et Moise à ses partisans; ce
qu’est globalement reconnu cependant était sa prouesse aux
magouilles et manoeuvres dignes de Cardinal de Richelieu. Evident
partout est que l’empreinte de la dynastie Tchang est éclipsée ou
périclitée. Or cet endroit, avec ses vitrines et étalages préservant les
denrées de l’ère écoulée, ourdit de retenir l’illusion que le despote, sa
femme influente Mei-ling (morte a New York en 2003, une centenaire
et de six ans de plus), et leurs acolytes furent les saveurs maudits de
la Chine. Le conte narré sur les exploits de Tchang fausse l’histoire
en glosant les aspects positifs et masquant ceux qui furent négatifs.
Affabuler des bobards pour la fin de propagande est un art universel.
J’avais vu ces images du journal « Life » et métrages du Pathé en
portraiture de Tchang au Caire, lui, avec Mei-ling comme interprète,
côtoyant de Winston Churchill et Franklin Roosevelt, de lui encore
capté en sépia épaule à épaule au général américain Claire Chenault
et sa maintenant veuve chinoise Mary. Ces clichés sont gravés dans

34
ma conscience et ces événements, quoique jamais vécus, sont
éprouvés comme ces films qui sont cousus, accrochés à la mémoire.
On ne blâme pas le Kouo-Min-Tang en élevant ce reliquaire car il a
besoin d’une mythologie pour faire rallier ses adeptes après leur
vaisseau de l’état, après l’échec d’accoster le quai en Chine
continentale, est encore perdu de gouvernail et puis sabordé au récif
de Taiwan. Rien de tout de ceci ne signifie autant à la génération
éclose après 1986 alors qu’elle aussi est requise à se jurer de fidélité
aux grands projets, schèmes et rêves de ses parents. Alors ces voues
des jeunes pour plaire aux oreilles de leurs proches ne sont que des
lèvres et pas des cœurs. Ceci l’orgueil en vain, la vanité banale, de
ceux si se leurrent que leurs luttes et quêtes doivent avoir pouvoir de
se perpétuer après ils sont partis. Je sors de ce sanctuaire avec un
sens de soulagement et prie que Lloyd comprenne de son siège au
paradis de combien le monde est changé. Mais dans une voie Tchang
et ses forces défaites en guerre sont enfin victorieuses en paix. La
Chine moderne a largué le communisme sauf en nom et s’est affichée
à une forme de capitalisme plutôt rapace que Tchang aurait reconnu,
proné et exercé.
Quel soulagement c’est de quitter le hall macabre et échapper des
mânes qui hantèrent mon grand-père, quelqu’un ordinairement sage
mais fut aveugle et sourd aux fautes et folies d’un parti éhonté. Il fut
dans une grande compagnie des gens perdus de jugement, de
jugeote, dans leur appui pour une cause qu’une fois noble – la
salvation de leur patrie – mais puis corrompue. La filière établie
outre-mer interdit aux expatries de se recueillir des nouvelles sur le
Kouo-Min-Tang avec l’aide de ces gouvernements étrangers alliés aux
Etats Unis dont la politique du temps fut biaisée contre les
communistes de quelconque place et paranoïde. Ces agents
réussirent d’appâter leurs cibles avec l’appel au patriotisme d’un
peuple aliéné du pays adopté qui voulut s’identifier à une entité ou
un mouvement plus grand que la vie quotidienne permette à lui, un
peuple qui se remuèrent afin d’être utile dans un milieu sans aucun
besoin de lui que son labeur et sa soumission. Cela la guerre de
propagande toucha le Canada n’étonna personne parce que de la
croisade idéologique globale qui s’agit le triomphe d’un système
contre l’autre à laquelle la vérité fut faite victime. (On ne peut pas
gueuler ni dénigrer l’honneur que Lloyd se fut réjoui en étant adoubé
par le consulat représentant le gouvernement chinois nationaliste en
exil au Taiwan pour ses contributions comme collecteur chevronné
de fonds au Canada.) En réflexion bien sûr on discerne et rigole à la
naïveté, la niaiserie, la foutaise d’une ère écoulée mais c’est
également vrai que des gens contemporains manquent la
compréhension et sont encore vulnérables à la panoplie de trucs
déployés pour duper les masses moyennes. Rien ne change. Certains
d’entre nous sommes plus cyniques à la nature dont le scepticisme
s’accroît inexorablement à cause de notre accès à l’Internet et aux
faits typiquement déguisés mais cet outil, l’informatique, est une
invention trop récente. Je me résiste à la tentation de me ruer sur un
verdict de Lloyd et ses confrères férus, non, désespérés de se faire
accroire aux contes du ravaudage, sinon sauvetage, de la Chine,
comme eux, humiliée et du rôle chacun en jouerait, cependant
mineur. La pensée de tout cela coulant dans ma tête m’éreinte. Je
vais dehors à la bruine tournante à la pluie sans parapluie mais
coiffé d’une casquette et je souligne à ma femme comment je ressens
soulagé d’y partir et comment nous devons regagner l’équilibre et
rattraper l’esprit zen calmant au parc (photo 20) fourni d’un étang,
vivier de carpes, enjambé par un pont d’albâtre et abritant de saules
pleureurs. Sillonnant l’eau ridée du vent sont des malards en paires,

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insouciants aux tumultes qui marquent le passage des hommes sur
la surface de temps.
Une fois il y avait une filière de crime qui liait Taipei à
Hongkong. Le trafic de truands était tel que leurs forces policières
dépistaient leurs cibles comme partenaires frères et parfois les flics
corrompus s’enfuis au domaine de l’autre, protégés dans le giron de
leurs affiliés. Ces filatures glauques, magouilles et contes
pittoresques devenaient un pactole de l’autre sorte, oui, cela des films
d’action, la plupart d’eux étaient véritables navets mais encore le
manque de qualité n’empêchait son appel aux spectateurs. Cela
certains des bougres dans l’industrie notoire de cinéma avaient
éprouvés le temps en taule et, selon rumeurs, auraient eus le soutien
financier des caïds ajoutaient à l’authenticité à leurs oeuvres. Cette
fertilisation d’entre le monde de cinéma et celui de crime, véridique
ou attigée, s’averre intrigantes, oui le glamour et le danger se
mélangent. De tout de ceci une sorte de culture souterraine
s’épanouit avec ses fringues, codes et comportements. Plusieurs des
scénaristes frisaient l’exactitude afin de transiger la vérité, cependant
mouche ou brutale, dans leurs représentations des hommes et
femmes de la pègre et les verlans donc employés sont depuis faits les
paroles communes. Nul doute que quiconque artiste puise trouver et
recueillir la substance avec laquelle à nourrir son imagination,
cependant lubrique. La toile donc tissée s’est effilochée lorsque la
Chine continentale était permise à s’épanouir et à donner plus
d’occasions aux criminels à Hongkong, ceux-là toujours alertes aux
promisses d’un nouveau et plus grand marché. Cette série de films
noirs traverse les bordures de culture à l’étendue qu’elle influe les
auteurs à Hollywood. L’Académie a décerné un Oscar pour le mieux
film le maestro de ciné Martin Scorcèse, son premier dans une
carrière qui dure déjà quatre décennies, pour « les Infiltrés », qui était
une adaptation des « Internal Affairs » dont les talents provenus de
Hongkong et Taipei. La raison pourquoi je suis discursif sur ce sujet
est que je suis arrivé à la coulisse d’un district, Ximending de
Wanhua, auquel les foules affluentes maintenant la pluie a pausée
sous une chape persistante de nuées. Voici est un quartier de ruelles
et échoppes qui ressemble à Osaka et qui était la zone avant
mafieuse des triades (gangs qui au Japon s’appellent le Yakusa).
Mais ces tiroirs circa 2008 ont perdus leur lustre noir mat. La version
moderne est propre, plus mondaine et parfaitement sauve à
déambuler; les bordels, tripots, troquets et tanières iniques rasées,
laissant une chalandise comblée de boutiques avec ces devantures et
enseignes (photo 21) bariolées et criardes, indistinctes de celles-là au
Japon urbain. Voici bien sûr on peut arpenter aussi le labyrinthe
d’entrepôts et solderies vendant des frusques qui arborent les griffes
mais sont pourtant miteusement taillées, certaines d’elles tarées,
sûrement rejets et surplus des grossistes. Tout de ceci intéresse ma
femme qui s’accroche contentement aux objets choyables dans son
existence, l’une occupée des vétilles plutôt que les qualitiés
abstraites. Assez simplement tout semble feutré et apprivoisée – la
« gentrifiation » – depuis les autorités post-Tchang avaient crasé le
réseau et arrêté, parfois assassiné en rafles, les seigneurs de crimes.
Ces jours on n’hésite pas y emmener une rosière, une pitoune, dans
les ténèbres même dans le reste de la ville. Le sardonique dit que
l’estocade livrée aux gangs constituait le coup du plus puissant
triade, le gouvernement, contre ses rivaux. Voici alors est un milieu
nettoyé et neutre comme à Hongkong, une ville tournée à la
bourgeoisie, aux fureteurs, voyeurs et hypocrites qui cherchent leurs
vices à Macao, Bangkok, Manille et Shenzhen. Cette évolution dans
une façon a amoindri, diminue le lustre gredin de Taipei, désespéré

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pour la respectabilité. Mais encore aucune estocade ne se met aux
raisons qui engendrent à la déviation des normes strictes sociales,
morales et économiques.

On décèle une ambiance provinciale à Taipei en contraste à celle


qui est telle dynamique à Hongkong, l’analogie étant que le premier
court comme un bourrin et le second un étalon. On pourrait peut-
être tracer la divergence de ces cités à leur approche différente vers le
rapport à la Chine continentale, Taipei n’ose pas embrasser le
marché sur l’autre berge du détroit à cause de la politique et de
l’histoire d’âpreté et Hongkong opte sans aucun complexe d’y profiter.
Tailler un plan économique pour du but politique semble être une
folie. La défaillance budgétaire durant une période de croissance
étourdissante en Chine damne l’île à la marge de l’économie globale.
Le Taiwan s’achoppe encore sur une politique de l’isolation historique
vis-à-vis à la Chine continentale qui donc l’empêche de s’emparer un
partage des mannes d’un pays ancestral dans lequel il aurait eut
plus des avantages sociaux, culturelles et linguistiques. Le réticence
de Taiwan dans cet égard s’averre d’être une aubaine à Hongkong qui
servit comme le portail au marché le plus dynamique dans ce siècle.
Pas seulement Hongkong, maintes pays et régions à l’orée de l’empire
jaune, sinon doré, à l’instar Singapour, Macao, le Vietnam, la Corée
du sud et le Japon. C’est éffronté du régime courant sous Chen à
donner peu de solutions et plus de l’emphase et la sinophobie, la
peur des allochtones, lorsque la société s’enlise dans la boue de
stagnation. Le plus assiégé, le moins populaire, le gouvernement
devient, le plus qu’il s’obstine et durcit sa position, un retranchement
d’attitude comme ce qui transpire ces jours au Zimbabwe. Dans ce
sens le Taiwan est comme Cuba sauf que l’embargo étant imposé est
provenu d’une île contre son voisin plutôt que vice-versa. Les Etats
Unis, une fois le garant implicite ne pas juste de la défense mais
aussi de l’économie taiwanaise, ratent maintenant la volonté et la
capacité de maintenir le statut quo, une réalité qui affole et étouffe
ceux les réalistes en cherche d’une conciliation au pouvoir voisin en
plein essor. Cette politique persiste d’effaroucher les investisseurs,
soit étranges, soit domestiques, et de froisser la sensibilité des
pragmatistes. Encore c’est un testament de la persistance des
tacherons taiwanais qui bravent le courroux du gouvernement et
s’éreintent, s’évertuent pour entrer et entreprendre les entreprises en
Chine rouge car la couleur de matière est celle-la d’or. (Est-il vrai
puis le succès de Hongkong continue à faire verdir d’envie tels rivaux
comme Singapour et Taipei?) Cette ville ne me ravigote, plutôt elle me
berce, malgré la gaieté et le branle-bas dans un quartier commercial.
Voire ma femme pense les magasins ici sont cahin-caha. Mais encore
le voyage est fait au moment propice à cause des scrutins qui
esquivent l’autre facette d’une société. Il n’importe qui sont les
polissons et hypocrites élus ni comment pivote la girouette politique
ni les méthodes à vanner les candidats, chacun cependant médiocre
de soi arborant ses affiliations avec telle fierté. Ce qui plait à mes
oreilles est comment personne n’entend les rhétoriques trop gonflées
et les politiciens rugir comme bêtes blessées. L’ère de l’excès électoral
est heureusement passée. La démocratie semble avoir mûrie et
habilitée cette communauté alors qu’il y ait de risque de cynisme
emblématique de ceux dans l’ouest trop blasés à participer aux
scrutins. (Je ne souhaite pas être rabat-joie mais aimerais constater
qu’il existe une classe d’intellectuels qui s’épanche si profusément
sur matières politiques via l’Internet qu’elle finisse en boycottant des
élections et grondant aigrement au système de gérance elle ne daigne
pas influer. Une telle brèche, sinon écart, entre la partie de la

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citoyenneté insouciante et l’autre qui retient la foi creuse la crédibilité
et la légitimité d’une démocratie. L’élection présidentielle américaine,
par exemple, ne touche guère le seuil de 50% de l’électorat malgré le
reportage au point de saturation, un chiffre plutôt refroidi.) Sans
gloser trop, ce qui j’aime du procès est bien le procès en magnifiant à
l’instar d’une loupe au caractère des gens. On en apprend qu’en
général le Taiwan est une communauté bavarde, voire rouspéteuse,
dans ses discours publics mais encore ces débats cependant
bruyants, partisans et passionnés sont mitigés par un sens de civilité
moins évident typiquement en Chine continentale. Je suis
personnellement mu par la courtoisie des habitants, y compris
l’homme barbu gris qui, s’ébrouant d’attraper une haleine, m’a
accompagné à l’arrêt d’autobus pour le trajet à l’aéroport et une
éboueuse qui, mettrant le balai dans la brouette, pour obtenir
l’information je lui avais demandé et était gênée par son ignorance.
Voici sont les mémoires qui demeurent vives longtemps après
d’autres détails ont fanés. Etancher la faim, nous mangeons des riz
et ragoûts au restaurant plus renommé de marquer la fin d’un long
week-end à Taipei. Plusieurs heures avant notre départ, humectant
mon gosier asséché avec le thé local globalement prisé et cultivé dans
les collines, parmi le mieux, j’entame déjà de planifier mon prochain
itinéraire, un retour à l’île, oui, un parcours de longueur de la
cordillère en train

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