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Editorial
La Documentation
Publier aujourd' hui une histoire de l'islam, c'est répondre à
photographique une demande forte en matière de connais sance du religieux,
La Documentation photographique et l'Institut européen en
Rédaction sciences des religions (IESR) ont choisi de mener ensemble
Nathalie Petitjea n ce travail , qui répond à leurs missions respectives_ La Do-
Rédactrice en chef
Rédaction. iconographie
cumentation photographique a pour ambition de lancer des
Françoise Gélibert
passerelles entre recherche historique, géographique, et en-
Maqueltiste-infographisle seignement secondaire, LIESR diffuse, à trave rs la formation
Paule Oury initiale et continue des enseignants, la connaissance des faits
Secrétaire religieux_ Nous avons donc constitué un Comité scientifique,
Conseil éditorial dont les experts ont suivi toutes les étapes du projet élaboré
Laurent Carroué par l'auteur, Pascal Buresi, et la rédaction de La Documenta-
Françoise Dieterich tion photographique.
Bernard Phan
Yves Poncelet Ce numéro se situe résolument dans une perspective d'histoi-
Dominique Varinois re critique. Depuis fort longtemps, l'histoire du ch ristianisme,
telle qu'elle est enseignée dans les classes, analyse plus le
Première de couverture processus de formation et d'évolution du fait religieux que les
Musulman devant la mosquée débats doctrinaux ou théologiques. La démarche doit être
Cheikh Abdu l Kadher, Bagdad,
novembre 1990 identique pour l'islam . ~appro c h e , répéton s-le, est ici histo-
C Laurent Van Der Stockt f rique, toujours soucieuse des co ntextes: contrairement à ce
Gamma f Eyedea
qu'affirment les fondamentalismes, l'islam d'aujourd 'hu i n'est
Maquette : F. GélibertfDF pas celui des origines. Cette approche souligne également
la pluralité de l'islam dans l'espace; en témoigne la diversité
Averti.sement des sociétés musulmanes dans le monde contemporain.
Les opinions exprimées S'il existe une approche spécifique de la dimension religieuse
dans les textes orig inaux ou cités
n'engagent que leurs auteurs. de l'histoire, il n'y a pas d'histoire autonome de la pensée
L:autorisation de reproduire textes,
graphiques et images sous Cl DF ou de la religion, indépendante des sociétés dans lesquelles
doit ê1re demandée il elles se manifestent. Le religieux a joué un rôle important
la documentation Française.
Dans les autres cas. la demande dans l'histoire des sociétés musulmanes, il n'est certainement
doit être adressée dire<:temem
aux sou rces indiquées page 64 . pas le seul facteur de leurs évolutions. Autrement dit, dans un
Il est rappelé que l'usage abusif et collectif domaine où se bousculent les affirmations aussi tranchantes
de la photocopie met en danger
l'équilibre konomique des circuits du livre. que simplistes, cet ouvrage pourrait démontrer que l'histoire
de l'islam est complexe.
Dominique BornelNathalie Petitjean
CI La documentation Française
Comité scientifique animé par Dominique Borne, président de l'IESR : Mohammad Ati
Amir-Moezzi (directeur d'études, Ëcole pratique des hautes études), Yasmina Dahim
(Institut d'études de l'Islam el des sociétés du monde musulman·EHESS), Philippe
Gaudin (IESR), Bruno Levallois (tGEN, arabe), Pierre Lary (directeur d'études, EPHE),
Anne Aebeyrol (professeur), Véronique AieNel (InstiM des cultures musulmanes), Nicolle
Samadi (professeur).
Histoire de l'islam
Pascal Buresi, chargé de recherches au CNRS
L' historien des rciigions esi confro nté à un dou- universelle de l' hu manité, a été re pris dans une
ble problème : r :lbscncc de sources ex térÎeures tout autre pel1ipecti ve de puis le XIX' siècle par
sur les orig ines du mo uvement ct la profusion des chercheurs ct savants occidentaux. Face à
de sources c ng:lgécs ct partisanes. produites ce qui est une gageure, les historiens do ivent
génémle mem bien apres les événements. v isant considére r les sources tcx t uel le.~ comme miroirs
il construi re une histoire sainte des orig i nc.~. de l'univers lIlental et des représe ntlltions des so,
Ce tte profu sion est ju stifiée par les texles cux- ciétés dans lesq uelles elles ont été produites. bien
mêmes qui considèrent celle période comme un après la période originelle, plutôt (lue COlll lllC de.~
moment privilég ié où l'éternité de Dicu s'est récits factuels de la naissancc de l'islam.
tllilniFcstéc. par le Verbe el la Révélation. dans E n ou tre . l'import a nce de s évol uti o ns
le temps des hommes. Aussi Je tr.l'I:1i l historique. historiques da ns les domai nes du dog me. de
qui s' appu ie généralement sur le c roisement la pratique rel igieuse. de la pensée et des sys·
et la confrontatio n de sources co ntempo raines tèmes politiques ct la di versité des contex tes.
opposées, doi l-il pl utôt fa ire appel aux "scien- des sociétés. des législat ions nationales et des
ces a uxili ai res de J' histo ire" (archéo lo gie . structu res sociales et famil iales inte rdi sent tout
anth ropologie. ethnologie, linguistiq ue) e t à la discours érigeant certai ns tra its rel igieux en
tr:U1sdisciplinarité IXlur tenter de démêler ce qui caractères essent iel s. valables en so i. en tout
relève de l'histo ire ct ce qu i est reconstructio n lieu et cn toute époque.
postérie ure. Cela étant. l'is lam possède certaines Cl.'
D:ms le cas de la religio n musul mane. le ractéristiques q ui. ré unies. lu i con fè rent une
tr.lvail, commencé dès la mort du prophète Mu- identi té part ic ul iè re: rapporu im médiats à
h:um nad par les musul mans eux-mê mes, da ns Dieu. tra nscenda nce de la Loi et prétentio n il
l'objectif d'intégrer l'islam au sei n de l' histoire l' universalité.
La lame de 'Muhammad' a èlè préférée é celle de ' Mahomet'. d"onglne IaIIl'l6 al médiévale. dans la meSUle ou il n"ya
plU 116u. BU COOlfSlfe m6m6. de dlSl"'f}lJ8r la prénom le plus ,epandV Uv mon<Ja fflIJsvman, en IOUle epoqve et en lour
lIeU. dB ce/vl dv ptOphèla de ris/am
Le sysleme de If8nSCllploon des noms d 'ong,no a,aOO. petsano ou IV'Que. eSI un sysleme phonéllQue s,mpMIé. sauf pour
/es noms de personnes el les noms de beux connus, pout lasQools 18 g,ap/lle C()'7)'I"lUn6 a élé adopl8e
ft OP 805Il HISTOIRE Of: L1SlAM
arabe par le term e AlIàh, L'intcrprélatio n pos- vingt'Line d ' années plus tard. comme origine
térieure dira que ce message .. été délivré par du nou veau calendrier musulman. Commence
Jibrîl. J'archange Gabriel . On pourrait .~ ·arrêlcr alors :'! Yathrib, q ui prit plus I:Ird le nom de
Iii: être musul man, c'est essentiellement croire Médi ne ("Vi lle du prophète", M (/(1Îl/a/ al-l/abÎ) ,
il la vérité de cette déc l:lration. Après ce premier une période au cours de 1:Lque lle Muhammad
message . Muhammad reçoit ré2ulièrcmcm la dut non seulement gérer les relations entre d es
parole de Dieu qui "descend" .~ ur lui pendant tribus arabes rivales mais rJ.lliées :'! son message,
une douzaine d ' années. Le Coran est ccnséêlrc entre des tribus polythéi stes ou j ui ves, entre
la consig nation par écrit de l'intégralité des émigrés (1I1111uÎjirlÎlI ) de La Mecque ct panisans
messages transmi s par Dieu au Prophète. Ç ' CSI- (am âr) médinois, mais aussi entre Médine et
à-dire. dans son essence, te Verbe di vin. La Mecque . Alors chef politique et relig ieux ,
il parvie nt, à l'issue de plusieurs bmai lles, à
La révélation muhammadienne renverser les Qurayshites de La Mecque : dan s
le sanctuaire de cette ville. il impose le culle du
La Tradit ion musulmane a arrêté les grandes Dieu unique, re nversant les idoles qui fai saie nt
é lapes d e la vie du Prophète. Muhammad auparavant l'objet d ' un pèlerinage annuel et
prêche une dou zaine d 'années (610-622) à conservant la Ka'ba, dont l'origine abrahami-
La Mecque auprès de .~ e s proches - en pani- que était déj:'! revendiquée p:Lr cenains Arabes
culier sa pre mière fe mme Khadîja, une riche avant la préd ication muhammadienne. Pe u de
veuve, commerça nte, de quinze ans son aînée, temps après. en 632. Muhammad meun et le
ct son cousin , 'Ali, qui allait devenir son gendre cycle de la prophétie s' éteint avee lui.
e n épousant salille F~tima. En butte à l' oppo-
s ition croi ssante de l' aristocrm ie qur:L)'shite Les textes fondateurs
po lythéiste de La Mecque. ct :Llors qu 'en 619
me urent son épo use el son onc le Abû Tâlib, Après une première période de transmission
chef du clan des Banû Hâshim. qui lui assurait orale du texte de la Révélation et la dispari tion
une prot ection re lati ve. Muhammad déc ide (naturelle ou lors de combats) des témoins de la
d'é migrer. En 622, :LVee ses pre miers rldèles, mi ssion prophétique de Muh:unmad, décision
il quitte La Mecque pour l'o:Lsis voisine de est prise de fix er par écrit la révélati on mu-
Yathrib, à deux ceni S ki lomètres au nord: c'est hammadie nne, peut-être aussi pour lui donner
l'Hégire (hijm ), d ont la date fut choisie, une le sta tut des livres sacrés juifs et chrétiens. Il
est possible quecenains fra gmems en aient é té
inscrits sur des omopl ates de chameaux , des
papyri, ou des tablettes du vivant du Prophè te ,
••••••••••••••••••••• mais c'est au cours du premier siècle de l'islam
"Muhammad inspiré par l'archange (VII" s iècle al'. J .-c.) que le texte coranique est
Gabriel", m,niarure rurque,
compi lé de manière de plus en plus précise .au
XV," siécle. M usée d'arr turque
el islamique. ISlanbul fur et à mesure que s' élabore la langue arabe:
d'abord la structure consonantique, pu is les
signes permett:mt de di stinguer les difl'érenles
consonnes (po ints au-dessus ou au -desso us
du sig ne consonantique), enfin la vocalisati o n
(placemcnt des voyelles). Ce processus, q ui
contribue à la lixmion et à la formal isation d e
la lang ue arabe, s'achève au X<siècle al', l -C.
ct explique l'existence, jusqu ' à cette date, de
différentes versio ns conc urre ntes du Coran,
appuyant les revendications de groupes opposés
aux pouvoirs e n place.
Pa rallèlement. on assiste à un processus
d'acc umulation de témoignages (le pl us sou-
vent o raux) sur J' époque, les fa its et les dits du
prophète (ha dith ). Ces témoig nages parfois
contradictoires devinrent si nombreux que d es
savants se spécialisèrent doms leur recension. En
outre, face à l'apparition de citatio ns inventées,
ces spécialistes mi re nt ;LU point une technique
visant à assurer ]' aut hemicité de ccs "traditions"
par une crit ique, externe, de la chaîne de trans-
,. Of' 8058 HISTOIRE DE L1Sl.AM
Les lie ns e ntre islam et arabité sont .mciens la fédémtion des diverses tribus et des diflcrents
et complexes . LI nature d ivi ne d u message peuples de la Péninsule. En cc scns. on peut af-
con 1ère il la langue arabe. qui le véhicu le. et au firm er que l'islam a contribué il créer la I:ll1gue
peup le, qui ra reçu . un caractère excepti onnel. et le peuple arabes. autant qu'il en est le produit.
Au début d u VI1<siècle, le sent iment d·app:lrte- Si l'o n peut considérer la religion musulmane.
nance il un même groupe culturel. linguistique au VII' siècle, comme une religion arabe dans
et ethnique. n'est pas encore bi en affirmé sur la mesure où les musulmans 110n arabes sont
l'ensemble de la pén insule Arabique. À la mort encore une infime minorité, très rapidement .
du Prophète. ses habit:lnts se réclament d·une en que lques décennies. cette identilicationn'est
même ethnie ct utilisent la même !:ll1gue en plus valide en rai son de l'intégration ou de la
cours d· unification. Beaucoup sont musulmans conversion il l'islam de populations non arabes
et lïdcntilication à l:t nou velle religion achève très importantes.
• OI'!I058 HISTOIRE DE L'ISLAM
h:méfilc). Qu\!l ~ sont les rites princ ipaux de pureté par le sommeil , les relat ions sex uelles,
l'islam'! La Tr:.ldition mu ~ u111l a ne a fixé à cinq les besoins nature ls, le contact avec des i!tres
les obligat ions individue lles pour le musulman. impurs, On retro uve sa pureté par des :Iblulions
Celles·çi sont :tppelécs " piliers de la foi", ou, s' il n'y a pas d'cau, ~Ir l' utilismion de sable
da.ns le désert. Les :lbllllion ~ mineures !>e ront
au bassin d'ablution (visage, bouche, narines,
Les "piliers" de l'islam
ore illes, mains/avant-bras, pieds), cependant
Le prem ier pil ier est la pro fession de foi (slla· que cenaines situations requièrent des ablutions
fUÎt/a): 'Tallcstc qu'il n'y a d'autre dieu que majeures: l'état d 'impureté , engendré par les
Dieu et j" attcstc que Muhammad est l'e nvoyé relati ons sexuelles ou, pour une femme, p:lr les
de Dieu". Prononcée à haute voix CI cn toute menstruations ou l'accouchement, exige que
sincérité. devant deux musulmans adultes agis- lout le corps soit l:lvé au l/{/mmtÎm , Une foi s
sant comme témo ins. ellc fonde officiellement purifié, le fidèle peut prier.
une conversio n à lïslam. ElIc est rappelée Une prière a un stmut spéôal : la prière du
intégmlcmcnt c inq foi s par jour au musulman vendredi midi, qui doit être accomplie collec-
dans l'appe l à la prière. Elle doi t aussi être tivement da ns la Gr:lIlde mosquée (jtÎlII;'). Elle
prononcée. avant de mourir. par le musulman eSI obligatoi re pour tous les musulmans de sexe
qui tend son doigt en !>igne de reco nnaissance masculin (Comn, LX II , 9). Celle prière spéciale
de ["unicité divine. est présidée par l' ;miim. un musulman de bonne
Le deuxiè me pilier est 1;1prière (salii l), mai!> rép utatio n, qui se place devant les fidèle s, en
il inclut le prem ier puisque la ,f//(/hâda est pro- f:lce du mihrâb , la niche qu i indique la qiblll,
noncée dUr'J nl la prière , Le terme ,m liil, d 'ori - c'est-ll-di re la di rection de La Mecque, Les fi-
gi ne arJmécnne ("pros tem:u ion", "salul"), est dèles sont e n mng derrière lui. ils font les gestes
passé en arabe pour désigner 1:1 prière ritucl le : ri tue ls après lui et répètent ses paroles, L' imtÎm
il est mentio nné plu!>icurs dizainesde foi s dans n'est pas un prêtre: son nom re nvoie à sa place.
le Coran , Cette prière est le signe le pl us évident devant «(llI/iim). par Tappon aux autres fidèles.
de l'adhé!>iun à l'i slam, Le nombre de prières Il est ce lui qui guide. Le second personnage d é
quotidiennes obligatoire!> (ônq) n'est pas men- de la prière du vendrcdi. parfois d ifférenl de
tionné dans le Coran qui n'en c ite explicitement lïmiill/, e!>t le klwlÎb qui. du haut de la chaire
que troi!>, En fai t, le chiffre cinq provient de la à prêcher (le millbar). prononce la kllllllm, un
Tradition (luulÎrh) , Avant d 'cffectue r la prière, sermo n dont la pre mière panie possède une
le fidèle doit se trouve r en état de pureté léga- dimension politique ou sociale et la seconde
le afin que la prière soit efficace, On perd sa une dime nsioo religie use - le plus souvent un
commentaire d'une sourate du Coran.
Le troisième pilier est l'aumône légale
(:.akû/). Celle aumône est fondée sur l'idée
••••••••••••••••••••• (commune aux musulmans et aux juifs) que les
Musulman en prlére dans le déS8f/.
Mah. j8IlVlef 2007 biens de ce monde sont impurs. Il est cependant
penni s de les acquérir et d'en jo uir à condit ion
de les puri lier - le mOi de :.akâl. d 'origine ara-
méenne, signifie purificmion - en les restituant
partiellement à Allâh. Historique ment, la zaMI
est le pre mier impôt payé par les musu lmans.
Elle est recommandée dans le Cor.m. même si
elle n'cst pas déclarée fonnel lement obligatoi re
(Coran, III. 92). Ainsi les pauvres ne SOnt pas
tenus de payer la l.aUu. Aucune autorité légale
ou :ldministrative n'est là pour contrô ler le
do n de la :.atii/: on s'en remet à l' honnêteté
de chacun. Le prophète Muhammad l'appl iqua
comme un impôt de solidarité, aussi les re venus
de cet " impôt" sont-ils destinés aux pauvres et
aux nécessiteux. à l'enlretien des institut ions
pieuses ou aux voyageurs.
Le quatrième pilier est le jeûne du ramadan
(nmllltlûlI). Cest, pour les musulmans, une des
plus grandes rnanifcsll1t ions collecti ves de leur
appanenance à l"islam. La pratique du jeûne
est rég lementée par le Coran ( Il , 184- 187),
P . OP 8058 HISTOIRE De L'ISLIW
ils disposaient: versions parfois un peu di ffé- qui son culte des sai nts, qui son rigorisme. qui
rentes de la révélation mu hammadienne. droit sa force militaire, qui ses traditions admi nis-
coutum ier (·llr/). usages locaux ((Îdât). droit tratives, littéraires ou poétiques. Persans. Turcs.
romai n autour de la Méditerranée. trad itions Berbères. Mongols. Noirs africains ou Indiens
sassanides en Perse. et souvenirs des mesures ont contribué à fa<;onner les diverses facene s de
pri ses par les premiers successeurs du Prophète. l'i slam. tout en étant marqués par lui. Rendre à
Les savants musulmans ont déve loppé leur cor- chacun ce qui lui est dû serait trop long. Nous
pus juridique en tentant. (1 posteriori. de faire nous contenterons d'un e:œmple.
coïncider la pratique cmpiriq ue des premiers Lorsq ue les croisés interviennent en P:t-
souverains avec ceux des actes du Prophète lest ine et s'emparent de Jérmalem en 1099, le
qui permettaient de légiti mer leurs décisions. Proche-Orient est domi né par des dynasties tur-
et cn écartant ceux qui ne leur conve naient ques sunnites. les Seldjou kides, qui gouvernent
pas. Cod ificat ion ct pratiques allèrent de pai r. de petites principautés rivales. sous ]":lutorité
s' influen<;ant Ill utuel leillent. cc qui expl ique les théorique du cal ife abbasside de Bagdad. cepen-
d iversités rég ionales du droit musulman dépen- dant que l'Égypte et Le Caire sont dirigés par
dant cn part ie des traditio ns juridiq ues locales. des imrÎm-s chiites ismaé lien;; (ou septim,lins),
La conquête musul mane n·impliq ue donc les Fütimides (969- 117 1). Contre l'influence du
pas lïmposi ti on dans un vaste terri toire de chiisme. puis contre les croisés, une institut ion.
normes préexistantcs: au contrai re. ce sont promise il un bel avenir. al1:tit !?Ire promue par
les régions et leurs tradi tions juridiques qui les é lites turques: la madmSl/. Militaires et
perm irent l· é laborat ion. dans sa diversi té. du cavaliers. non arabes et récemment convenis,
droit musu lman. Au terme de ce processus (vers les dirigeants turcs étaient en manque de légi -
le lX<-X' siècle). les règles de fonctiDnncment timité pour d iriger la s<x·iété. Ils compensèrent
du droit musul man étaient établies. sans que cene s ituation en fina n<;ant la fo ndation de
ce la ait débouché sur une application uniforme nombreuses m(/({m.l"(/-s. édifices dest inés à un
des mêmes déc isions partout ct de tout tcmps. maître. salarié, ct une vingtaine d'élèves, logés
En effet. le d ro it musulman sc caracté ri se et nourris. L'enseignement prodigué tournait
par une grande souplesse: il laisse une place autour des sciences religieuses et. dans un pre-
conséquente à lïnterprétation personnelle et mier temps. d'une des quatre écoles reconnues
au jugemcnt de profess ionnels (1IIIIfti.fllqaluη, de droit musul man, le hané li sme. Celte forme
qâdî) chargés de défendre la supériorité sym- d·évergétisme eut un ra pide et éclatant succès
bol ique de lïslam bien plus que d"appl iquer ct se répandit dans tou t le monde musulman:
strictement la Loi ou d·assurer la direction de la physionomie des villes en fut bouleversée
la société. puisqu'il n'était pas rare de trouver plusieurs
centaines de IIIlldra.m-s dans les grandes cités.
L'influence des nouveaux peu~ Ces éco les . q ui forma ient les futures é li tes
pies: l'exemple de la madrasa sunnites du régime et contrebalançaient l"in-
flucnce des prédicateurs ch iites. cont ribuèrent
Chaque peuple. chaque territoire de r Empire a au ··réarme ment moral et re l igieu~ ·· du Proche-
apporté sa pierre il l"édi fiee de la religion mu- Orient et au développement de 1· idée de jiluÎd
sulmane.qui ses institutions. qui son ésotérisme. face au.>; croisés.
a~sass inés, diverses solUlions sont envisagées chargé de montrer la Voie aux pieux musulmans.
po ur la désignat ion du chef de la communauté Le chii sme a de nombreuses ramifications :
(1IIIII/W) - conseil électif. désignation Clllte Zayd ites. Ismaéliens (ou Septirnains), Duodé-
mOrlem, testilment. La gestion empirique des cimains (ou Imâmites). Nusayris (ou Alaouites)
problèmes qui se posent va contribuer il la syriens, Alevis ct Bektashis turcs. etc.
formali sat ion postérieure des structures et ins- De manière géném1c. lechiisrne. fortement
titut ions politiques, religieuses et dogmatiques marq ué par I"assassinat de 'A lî (661 ) et par [e
de l'islam : gestion de l' héritage prophétique, martyre de son fil s cadet. al-Hus:Lyn. à Kerbala
révoltes des tribus arabes, première expansion (681 ), s'appuie sur un l'on sentiment de dépos-
militaire hors de la péninsule Arabique, admi- session ct d'inj ustice . sur la vénér.u ion portée
nistrat io n de l'Empire naissant. aux descendants du Prophète, sur une grande
À panir de 66 1, c'est le système dynastique sensibilité à la sainteté. sur des tendances mys-
qui s 'im pose pour la direction de la communau- tiques ct sur la possibilité toujours ouverte de
té dans le cadre du cal ifat umayyade de Damas [' ij/ilujli. l' établi ssement de nonnes juridiques
(66 1-750). Des contre- modèles se constituent nouvel[es à part ird 'un Corpus Officiel Clos de
simu ltanément, en opposition il cette dynastie textes fondateurs.
et il la suivante, celle des Abbassides de Bag-
dad (750- [258). Ces oppositions ne sont pas Les fondements politico-
seu lement polit iques: e lles recoupent aussi des religieux des Empires et
o rientations et des approches différentes de la des royaumes de l'islam
nouvelle religion, com me celle des kharijites,
d'anciens pani san s de 'A li (le cousi n ct gendre La tension permanente entre le légitime de la
de Muhammad). qui se séparent de lui en 657, .l"lwrî'a (Loi divine) et le nécessaire «(IMûm)
ct affirment que le chef de la communauté ou e ntre le respect de la Tradition, incarnée
doi t être le meilleur des musul mans, "fût-il un dans la SIIIIIIlI du Prophète. et les contraintes
esclave noir"·. de l' histoire, <1 profondément marqué tous les
La victoire des Umayyades et. il travers systèmes politiques et soc iaux du monde mu-
elle, celle des Qurayshites qui affi rment que sulman. Celle tension a permi s ['adaptation el
l'appartenance il la seule trib u du Prophète est la recomposi tion penn:mente de la Tradition ,
nécessaire. e t suffisante, don nent naissance dans le cadre de réformes . qui. dan .~ leurs
progressivement :lU su nnisme, dont la dénomi- d ifférences, revendiquaient IOUles la fidélité
nation <lpparaîl au X<siècle (en référence il la au modèle muham rnadien. Après une période
tradit ion. S I/IIIU/), cependant que les partisans où il n' y eut qu'un seu l "successeur'" (calife) il
de 'Ali ct de ses descendants, qui contestent leur la tête de la "commu nauté" de l'islam - califat
éviction du pouvoir, fo ndcntla Shi'a ("parti'" ou umayyade de Damas (66 1-750) el abbasside
" faction" [de 'Ali !) , le chii slTle, ct entre nt. pour Je Bagdad (750-1258) -, et malgré quelques
plusieurs siècles, dans l'opposition. politique :LUtonomies précoces au sein de cet empire
et religieuse. :LU nouveau pouvoir califal. Les immense. de nouveaux prétendants, représen-
chiites. '"légitimistes de l'islam" (H. Laoust), tant des courant s politico-relig ieux o pposés
estiment que la di recti on de la COlTlmunauté aux dynasties régnantes. réussirent à fédérer,
doit revenir il un membredc la fa mille étroite du ct il rendre indépendants, de vastes territoires:
Prophète, le plus souvent un de ses descendants imâmat mtimide (chi ite septirnainlismaélien) de
par 'Alî et F:Îtima. La théorie de l'i mâmat. qui Kai ro uan (909-969). puis du Caire (969-11 7 [),
sc constru it face il celle du califat sunnite, n'est cal ifat umayy:lde de Cordoue (929- [03 1), ca-
pas seulement une conception de l'autorité poli- [ifat almohade de Marrakech el Séville ( 11 30-
tique et rel igieuse - app:Lnenance de l' imâm il la 1269). ca lifat hafs ide de Tun is ( [ 228-1574).
descendance biologique du Prophète -, elle fait sult anat mamelouk du CoLire ( 1250-1517),
partie de lil théologie chi ite el comporte des im- Empires olloman de la Médi terranée oricntale
plicatio ns ésotériques. La théologie chiite mar- (15 16-1 924). safavide de Perse ( 1502- [732) et
que ai nsi sa différence avec [a théologie su nnite moghol d' Inde ( 1526-1857). Tous ces pouvoirs.
par [' importance qu 'elle accorde ;1la structure dans leur diversité extrême, soit procédaient
duelle des choses. dans le texte cOr<lnique par d'une réforme religieuse ou d'une révolte visant
exemple: la Lettre. le sens apparent (z.hâhir), il la restaumlion des nornles islamiques, censées
recèlerait . pour ceux qui savent le déchiffrer, un avoir été bafouées par leurs prédécesseurs, soit
sens caché (bâ tin). latent. Celui-ci permettrait légitimèrent (/ po.\·teriori leur pouvoir par leur
d'accéder il l"/mtÎm divin , manifestati on de respect ct leur défense de la religion et par
l'essence di vine. inaccessible il l'entende ment. l'i mitation du modè le muhammadien.
et représentant la partie cilchée du gu ide de Même si les règles de gouverne ment des
la cOlllmunauté musulmane. l'imtÎm terrestre. hommes ne différaient g uère de celles qui
" OP sosa HISTOIRE DE L'ISLAM
prévalaient dans d'autres contrées non musul- - créé par les membres d ' une confrérie soulie
manes, en Islam, elles étaient intégrées dans un d'Azerbaïdjan q ui imposent progressivement
cildre de pensée et un référentiel "islamiques", en Iran un Chii sme modéré comme religion
par une réélaboration constante du corpus des d'État -, action de grands souverains réforma-
all('roriw/e~' et surtout par une herméneutique teurs moghol s comme Akbar (règne de 1556 à
dynamique: relectures des textes fondilteurs et 1605) ou Aurangzeb (règne de 1658 à 1707),
réinterprétations doctrinales ne se sont jamais profondément marqués par l'hindouisme, le
interrompues dans le monde musulman, le sa- soufisme et la littérature mystique persane, ct
voir el la rénexion prenant en compte la masse développement, dans l' Empire ottoman, du
croissante d'événements considérés comme qlll1lÎII ou "règle ment administratif', une sorte
relevant du religieux, parce qu ' ils s'étaient de droit profane d' origine sultanienne préc isant
produits dans la vaste aire de domination rele- l'application de la Loi et prenant en compte
vant de souverai ns musulmans, qui eux-mêmes la II/as/a/Ill (l'i ntérêt de la communauté). Au
lég itimaient toutes leurs décisions en invoquant XIX" siècle, pour répondre aux différents défis
une Tnldition ''i slamiq ue'' que, cc fai~'m l. il s que leurs sociétés doi ven t atrronter, qu e l que~
contribuaielll à enriChir. souverains éclairés. s' inspi rant de ce qui se pas-
sait dans les États- nations émergeant en Europe
Les Empires de l'époque occidentale, accélèrent les réformes pour répon-
moderne dre aux ex igences de la modernité: adoption de
codes civils et de codes du commerce, réforme
La période de la grande expan~ i on occidentale de l'état civi l ct du droit de la famille.
(découverte et coloni sation des Amériques, Lo rsqu' en 1857 disparaît l'Empire des
conquête des océans, etc,) correspond, dans Gmnds Moghols d' Inde, seul ri val du califat
l'histoire de l'i slam, à celle de trois grands ottoman, l'I nde, le Tu rkestan. le khUnat de Ka-
empires: olloman (sunnite), safavide (Chiite zan ct la Malaisie acceptent la kllll/ba ottomane.
duodécimain) et moghol. Ces trois empires, c'est-à-dire de pro noncer le nom du cali fe dans
dont l' un est à Cheval sur l'Europe et l'Asie, le sermon du vendredi, cc qui équivaut il une
mettent e n place, dans le cadre de la Loi de reconnaissance. Cette situation dure jusq u'au
l'i slam, un appareil d'État é laboré avec des début du XX <siècle. Le l « décembre 1922,la
structures adm ini stratives bureaucratiques et Grande assemblée nationule de Turquie enlève
des circonscript ions territoriales emboîtées au sultan-calife tout po uvoir temporel ct. le
et hiérarChi sées, Le droit musulman y subit 3 mars 1924, elle abolit l'institution du califat.
de nombreuses réformes: apparition d'une qui sous des formes variées, existait depuis la
institu tion clérical e dans l' e mpire safavid e mort de Muhammad (632),
L'expansion des pouvo irs musul mans, au décolonisation du XX" siècle, disparition de
Moyen Âge et il l'époque moderne, n'a cntmÎné l'URSS ct indépcndance dcs républiques d' Asie
presque nulle part de conversions massives for- centrale), soit quc les nou veau x souverains
cées, Pourtant. l'aire de civil isation musulmane "étrangers" et leur cour aient fini par se convertir
correspond pratiq ue ment aujourd'hui aux limi- (Turcs, Mongols), La seule excep1Îon est la
tes atteintes par ces pouvoirs. La souverai neté création, dans un contexte historique tout à fait
des princes "musulmans" eut du mal il dépasser particulier. d' un État juif en Palestine e n 1948.
les limites approximati ves du territoire dessi né Le Liban constitue une demi-exception d:ms la
par les pre mières conquêtes, il r exception des mesure où il s'agit d'un État mu lticonfessionnel
extensions négro-africaines et indonésiennes: il où la suprémat ie politique des chrétiens, fondée
l' inverse, les di\'crses tentatives d'i mplantation initiale ment sur un avantage numérique, est
d'un pouvoirélranger, spéc ifiquement non mu- d'ores et déjà profondément contestée par la
sulman , sur ce territoire, ont été presque toutes remise en cause des équil ibres démographiques
vouées à l'échec, soit que des musulmans aient sur lesquels s'llppuyait la prem ière "constitu-
réussi à reprendre le pou voir (disparition des tion" du pays, établie en 1943 .
États latins croi sés aux XJJ<·X IW siècles, ou
et DP805II HISTOIRE DE L1SlAM
par l'éducation du peuple. Prônant un antico- Les e;L~ de révoltes ouvertes contre [es pui s-
loniali sme virulent et. en même temps, une sances colonialcs au nom du ji11lÎ11 sont assez
opposition résolue au nationalisme au nom du fréquents, mais il cst difficilc de mesurer l<l part
panislamisme. I·organ isat ion. très anticom- de l'islam dans ces mouvcments. La résistance sc
muniste, fut souvent instrument:llisée p:lr les présente en elTet sous la fonne d'unecombinaison
régimes arabes. Après l'assassi nat de H:lssan complexe de courants religieux ct ethniques, mê-
<ll-Bannâ en 1949. on assiste il une radicalisa- lés àdes facteurs socio-économiques et politiques.
tion des Frères musulmans sous rinfluence de Au Maghreb, les grandes confrérics ont joué un
MawdûdÎ - un théologien fondamentali ste pa- rôle important dans la résistance il l' envahis-
kistanai s (1903-1979) - et de Sayyid Qutb - un seur, comllle en témoigncnt. dès 1830. l'action
penseur égy pti en . chef du mouvement des d ' Abdelkader ('Abd al,Qâdir) en Algérie ou. au
Frères musulmans en 1954, condamné ü mort XX, siècle, cellc dc la SWIIÎ.\·iyra en Tripolitaine
pour son opposition à Nasser et exécuté en 1963. face ;IUX Italicns. Jusqu'à la fin du XX' siècle,
Tous les mouvements, qui sonl par ailleurs on a pu assistcr il ces guerres d"indépendance
<lnticoloniali stes . développent l"idée que le menées au nom dc la rel igion musulmane dans
despotisme est en p;lnie responsable du retard les ditl"érents empires coloni<lux. Le combat des
des sociétés musulmanes. Cen;lins ont trè .~ lIIujâhidil/ afghans contre les Soviétiques, il partir
violemment contesté les cadres traditionnel s de 1979, sc rattache il cettc dynamique.
des sociétés musulmanes, comme l'obéissance
au père, et de nombreux marxistes ilrabes de De l'exil intérieur
l'époque ont sou vent été des fil s d'oulémas. à la participation
Pour répondre :lU défi colonial. l' islam n' otTrait
Résistances
pas quc le concept du ':;ihâd défensif'. JI permet
Bien souvent, l"expansion occidentale, depuis une altcmiltive, l'exil (hijra ), sur le modèle de
[es Grandes Découvertes JUSqU';lUX colonisa- l'hégire muhammadien, soit physique. dans les
tions des XIX" et XX" siècles, a suscité l"émer- montagnes pour reconstituer les forces dujih/ill.
gence de mouvements de résisliUlce religieuse. soit intéricur, c'cst-il-dirc la dissimulation ( Ia -
Dans l'ouest de l'Afrique noire. c'est ilU moment q(IJo). Cest cette dernière allitude qui prévaut
où l' influence européenne se fait selllir à Ir:lvers en f;tit dans l' ensemole du monde colonisé. avec
la traite des esclaves que la religion mu sulmane des phases de rébellion ouverte. Il se traduit par
sort du cercl e restreint des cadres dirigeants J'essor des confrérics soufics. après les répres-
pour se diffuser dans les milieux popu laires. sions antimusulmanes il l' époque de la Première
L'islam fournit à tous les mécontent s et aux Guerre mondialc. Les m arabouL~ se tournent vers
victimes de la traite, les v:lleurs. les concepts le prosélytisme paciliquc : la con frérie devient
et les références idéologiques de la première une fonnc de contre-pou voir. le sllllykh agisSililt
"révo lte maraboutique··. qui commence dès 1:1 comme un écran protecteur pour les fidèles et
fin du XV IIe siècle. Les Berbères de Mauritanie comme un interlocuteur valable pour le colo-
sont à l'origine de cette révolte qui défend un nis<ttcur. L'admini strat ion fmnçaisc donna ainsi
islam puritain et rigide. Le marabout. pieux et aux chefs des principilllx ordres s<mfis Clij/illi.rm.
instruit. qui dirige [e mouvement proclame le Mllrîdiyy(l et Q/idir(lya ) de largcs concessions
jihâd, "gucrrc légale" défensive, contre la tyran- foncière s et financières. L'ut ilisation par les
nie dcs gouvernants, au nom de préoccupat ions colonisateurs des musulmans alphabétisés pour
soci<llcs et pol itiques. l"administration localc il contribué ù la consoli-
Cette pre mière révolte a échoué, pourtant dation et il la diffusion dc l"islam.
clic inspire, au cours des siècles sui v:mts, de Ainsi. la religion musulmane ne fut pas seu-
nombreux mouve ments qui consacrent progres- lement un facteu r de résistance face aux coloni-
sivement la victoire des musulmans. En somme, sations e uropéennes. Souvent. au contraire, les
l'islam devient l'expression de '·1' intelligentsia chefs religieux (émirs. marabouts ou maîtres de
d' opposition". capable d' entraîner derrière elle. confrérie) o nt const itué un outi l efficace de pé-
quand le contexte s'y prête. les m:lsses. populai - nétration du nouveau pouvoir colon ial. Celte al -
res. Cellc tradition "révolutionn:lire" recouvre liance entre les .fI/{/ykhs Ct les nouveaux maîtres
en Afrique le mouvement du mahd is me : un c011lribuil en retour il dénaturer Ic pouvoir des
chef (~ hari s matiqu c, répondant à l'appel des chefs musulmans. La chefferie devint un rouage
masses. prcnd la tête d'une lutte sociale déses- adminislr.ltif. une courroie de tr.lllsmission entre
pérée. cherchant à déboucher sur l'avènement r admini strateur et 1"1Idministré indigène, au bas
d ' un temps nouveau où l' égalité de tous les de l'échelle sociale. Ce rôlc jou é p<lr des chefs
Illusulmans serait assurée et où l'aristocratie locaux et des marabouts perdure aujourd'hui
établie serait renversée par la violence. dans les États moderncs africains.
ft! OP 8058 HISTOIRE DE L1SlAM
Oi slam aujourd'hui
Dans le cadre bipolaire de la guerre froide, les soc ialistes étaient écrasées dans tous les pays
États musulmans (quant à la populi/ti on) se ar<lbes et mus ulmans. avec la bénédiction des
sont rangés derrière rune ou l'autre des deux Ét<lts-U ni s.
superpu issances, ou sont entrés dans le mou- LI. révolution islamique iranienne de l' ;lIIlÎlII
ve ment des non-alig nés. Quant aux groupes Kho meinyen 1979 contre le rég ime du shâh.
d'opposition politiques. ils ont sou vent adopté al lié des t:tats-U nis. bouleverse profondément
les outil s théoriques du social isme révoluti on- la silU<ltion. Propul sé. pilr la révolution qu'i l
naire dans leur combat contre l'autoritarisme avai t préparée. ;, la tête d' un État pétrolier re-
de s no uveau x régi mes post-co lon iau x. Ce lati vement puissant. Khomeiny a été perçu (et il
fai sant. ils s' in sc rivaie nt d;m s des cadres r a probablement été). comme une menace pour
d' analyse conçus dans les anciennes pui ssances la dircction spirituelle que les Saoudiens préten-
coloniales. où les é lites avaient été form ées. De daient exerce r sur l'islam mondial. au titre de
leur côté. les États-U ni s soutenaie nt tous les leur statut de ""Gardiens des deux sanctuaires""
régimes et to us les groupes de combattants qui (La Mecque e t Médine). COlllmencc alors entre
acceptaient de s' engager contre le communisme ces deux ÉtalS une concurrence. dont la / mlf(l
et le socialisme: par exemple. d,ms le cas du il r encontre de l' écri vai n britannique Saiman
mo nde mu sulman, l' Arabie saoudite ou les Rushdie n'est qu'u n épisode. Chacun prétend
IIIlIj âhù/i" afghans. promouvoir la conception qu ' il ade l' islam : un
islam puritain. rigori ste. lilléral et conservateur.
Les puissances pétrolières et ce que les politologues o nt appelé un ""islam
l'islam: entre conservatisme de droite", pour l' Arabie saoudite. face à un
et révolution islam conlestatai re et révolutionnaire. visant à
la pri se du pouvoi r d' État par la mobil isation
Pourvus de moyens financiers exceptionnels. populaire et l'actio n mili tante. pour l' Ira n.
les autorités de l'Arabi e sao udite se sont lan- Que ls que soient les moyens utilisés - création
cées dans un vaste programme éducatif. en de partis politiques. de lieux d ·e n ~eigne me nl.
diffusant leur version. littérale et rigoriste. de financcment de groupes armés. pressions di plo-
l' is lam. Cc soutien est passé pilr la construction mmiques. etc. - . celle concurre nce a favori sé
de mosquées. de l/uulm.Wl -s ou d'un iversités l'islamisalion de mouvements le plu s sou vent
islamiques, Dans les pays mu sulmans ayant natio nali stes (Afg hanislan. Liban. Palesline).
fa it le c hoix du sociali sme et d'u ne fo rme mais parfois aussi de mo uvemenls d' opposition
••••••••••••••••••••• de laïcité (Syrie. Iraq). l'oppos ition la plus filvorables à Llne démocratisatio n des régimes
Des musulmans prient dans violente provint des milieu x re ligieux - c ' est autoritaires en place (Frères musulmans. part is
le sam d'expositl(J(] du sitft pétro- le cas des Frères musulmans. en Syrie. entre islami stes turcs. algériens. etc.). La révolution
ch,mlque de Yanbu.
Arable saovdlle. 2003 1979 et 1982 - . cependant que les oppositions islamique iranie nne et les prat iques saoudien-
nes de ré fo rmes des mœu rs (envoi dïllllÎlII-S
dans les mosquées du monde entier. cré.,tion
d'un ivers ités islamiques et de maisons d'édi-
tion ) sc sont inn uencées réciproqueme nt et
onl abouti à l'apparition d'un discours, d'une
terminologie et d'idéologies ""i slamistes"". aux
objectifs et aux moyens d'aClion parfois très
diffé rents: conquête du pouvoir par les é lee-
lions. révo ltes armées. ré formes de la société
par le bas. etc.
saoudite ou le Paki stan se sont trouvés en porte- populations mu sulmanes dans des rég io ns
à-faux par rapport à une iS1:Ullité revendiquée. nou ve lles, par t'ouve rture aux techn iques de
Leur al liance avec les États-Uni s les décrédibi- co mmunication modernes ct aux modes de
li se après que ceux-ci. dès 1990. ont :lbandonné consommation de masse, et par t' essor d'un
leur souti en tlnancier, militai re et tcchniquc ··islam de marché" : cela a des conséquences
aux j ihfldisles :lfghans. 11 leur est diflic ile de sur le plan religieux, Le cadre juridique tradi-
justifier la présence de militaires américains sur tionnel d'appréhension des territoires, comme
Ic sol sacré dc 1:1 prophétie muh.ullmadienne, ··domaine de l'islam" e t ··domaine de la guerre,
ainsi que dans de nombreux pays musulmans de la trêve ou du pacte", a totalement éclaté et
(Somalie, Iraq, Turquic, Paki st:ln), alors qu' ils a été entièrement repensé: doré navant. c 'est
financent presque tous les partis islam istes du au sci n de chaque société, de chaque région
mondc, dc l'[ndonésie à I"Al gérie, pour la pro- que celte disti nction est faite. Lil réaction des
mot ion de ['islam comme mode d'organi sation sociétés non musulmanes face à l'apparition de
de la société face il ];1 "dépravation des mœurS lieux de culte il. leurs yeux inhabituels, comme
occidentales", En fin, la dernière "gucrre du les mosquées, la confrontation avec des prati-
Golfc" il paradoxalcment co nduit. d:ms le cadre ques différentes, la situation sociale et politique
d' une c atastrophe humanitaire et d'une guerrc des minori tés musulmanes di sposant d'une
civile très meurtrière, au renforcement politique information immédiate sur tout cc q ui se passe
de l'i slam chiite, dont le princip:ll représentant dans le monde - ce qui permet des processus
étatique est l' Iran, aux dépens du sunnisme que d·ide ntification nelteme nt plus diversifiés que
prétend diriger l'Arabie saoudite, c' est-ii-di re par le passé -, la mise il disposition de chacun
qu' elle :1 fa vori sé n slam révolutionnaire aux d'outils d'information d'une qualité vari:lble
dépens de "n slam de droite", mais d'un accès infiniment facilité, sont autant
Le discrédit jeté pendant des décenn ies de d' é lé ment s qui perme tte nt de comprendre
guerre froide sur tou s les mouvements d·op- r évolution historique du fait religi eux musul-
position sociali sants ct l:lïcisants. la répression, man au début du XX I<siècle, dans le cildre
p:lrfo is féroce, de ces mou veme nts, do nt les d'une individuation des pratiques, des identités
cadres o nt été enfermés, exi l é,~ ou cxéc utés, la ct des croyances reli gieuses,
multiplication des institutions de prédication et
d' enseig nement islamiques. la détérioration de Les conséquences, dans le domaine des scien-
la situat io n au Proche-Orient. l' amenui sement ces humaines, de l'e ffondrement du bloc sovié-
prévu des ressources énergétiques pétrolières tique se font encore sentir, Le discrédit jeté sur
dont une grande partie se trouve dans des p'lyS l'hi stoire sociale et sur t'analyse des rapports
musulll1:1ns et donc la compétition croissante sociaux, la valorisation de l'histoire des idées et
pour le contrôle de ces régions par les grandes des représentations et le retour en force de l'his-
puissances, conduiront vraise mblableme nt à toire pol itique Ct événementielle, ont conduit
une vitillité accrue de l'i slam politique dans ce rtains hi storiens li. survalo rise r les fait s
les proc haines années , Ce serait une erreur culturels et le fait re ligieux dans l' expliciltion
d'imputer celle évolution à un obscuranti sme des événe ments. Par la brèche ainsi ouvene se
particu lier de la reli gion musulmane, ou il une sont cngouffrés, il la suite de Samuel Hunting-
essence militariste de cellc-c i, Le conflit e n ton, les théoriciens du "choc des c ivilisatio ns",
Ulster entre c:ltholiques et protestants irlandais, De nombreux aute urs expliquent la situatio n
les actions politiques, mili taires ou terro ristes, économique et sociale, les cri ses politiques ou
qui partout dans le monde se pare nt de ju sti- les relations extérieures des sociétés et des États
fi cations religieuses (qu'e llcs relèvent de la du monde, en parti culier musul mans, par la
rel igion sikh, de l'hindoui sme, du judaïsme ou culture et la rel igion, Celle approche entraine un
du chri stiani sme) prouvent assez que l'islam appalJvri ,~scm c nt important de la pensée et de
n'a pas de spécificité en ce domaine. I·histoi re du rait religie ux, considéré :lvant tout
comme une causalité, e n général la seule : un
L'islam dans la mondialisation appauvrisse ment do nt l'islam, peut-ètre un peu
plus que les autres religio ns, pâtit aujourd'hui,
La mo ndiali sat ion actuelle se traduit. en ce
q ui concerne l'i slam, par la di spersi on de
PI . DP8056 HISTOIRf DE L1SI.AM
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r La péninsule ArabKjue à l'aube de l'Islam
La pénln. ul . Arablqu. au VU' .l' cl. Icart. )
Muhammad
Fondements et ~ DI ",ou", du p ' l. rlna g . d. l'Adleu".t biographie byzantine
débats Schismes
Un . . . . 1 de s ynth'' ' ' YII'·XIII' ."cl.l.ché ma)
La canonisatiOn du Coran
Double p age d'un Cora n du XII ' , "ci. (photographi.)
Islam et conquêtes
L' •• pan.lon del'I.lam de 634.730 (cart. '
Islamisation et arabisation
Groupe. lingul. tique •• t alphabet. In"uencé. par l'at'abe (carte '
des pratiques ,
1 SouflS et saints de l'Islam
-rran •• lora du moulad de Ta n U, Égypt., 2002 (photographi.)
L Islam et politique
Dol contrat d ' Imimat • la ~ .ouv.raineté divine d é mocratique"
La question de l'Image
Muhammad reconnu par le main. Bahira, XIV" a. Imin lature)
Islams d·Europe
~ du vendredi. la "ma"","" da Montreuil, 2002 (pbolognophOel
L A péninsu le Arabi -
que est un carrefour. La
contrô le du commerce sud-arabique
passe alors aux main s des tri bus
Projetable en transparent
• Persépolis
~"'"
œ __
~ .- -........
des N_tMnI
---
Peuple.
_ _ dM fIyunIinI
""""'"
.. _ d M Sau.anic\e$
,,-
---....
TelTltoirn
""'"'
""""
AIIYS8NE
(Je] crois qu 'il est nécessaire de dire quelques mots sur l'orig ine de cet
homme. Il était sorti d'u ne très noble tribu d'Ismaël, fils d'Abraham. On dit en
effet que c'est Nizar, descendant d'Ismaël, qui est le père de tout ce peuple ; il
avaÎt engendré deux fils, Moundaros' et Arabias 2 • Moundaros engendra Koura-
SOS3, Isos4, Themimès 5 et Asados 6, ainsi que d'autres dont le nom reste inconnu.
Ils habitaient tous le désert madianite1 où ils allaient paissant en vivant sous la
Une biographie
tente ... Or ce Mouamèd s déjà mentionné, qui était sans ressources et orphe-
byzantine de
lin , s'avisa de se rendre auprès d'une femme riche, qui était sa parente, et se
Muhammad, IXo siècle nommait Chadiga9 , en qualité de salarié chargé de conduire les chameaux et
de trafiquer en Égypte et en Palestine. Peu de temps après , il s'insinua sans
plus de façons dans les bonnes grâces de cette femme qui était veuve, et il
Thoopha ne de Nicée, dans Migne, Patro-
logie latine, tome 108 , colon nes 684 -685
la prit pour épouse. Ainsi entra-t-il en possession de ses chameaux et de sa
fortune. Au cours d'un voyage en Palestine, il entra en contact avec des juifs et
, Muda r
des chrétiens: il glana auprès d'eux quelques bribes de l'Écriture puis fut saisi
, 'Arab du mal épileptique. Quand sa femme l'apprit, elle regretta vivement, elle qui
• Quraysh était noble, de s'être unie à cet homme qui était non seulement pauvre, mais
• 'As (1)
" TamÎm
en outre épileptique. Alors lui s'efforce de la calmer en lui disant: ~Je reçois la
• ,w"
vision d'un ange appelé Gabriel et, comme je ne puis soutenir sa vue, je m'af-
' Désigner l'Arabie comme -déserl ma- faiblis et je tombe". Et comme il y avait près d'elle un certain moine qui avait été
dianile- permel d'ident!;er les Arabes aux
Madianites, ennemis du peuple d'Israêl
exilé pour hérésie et habitait là, elle lui rapporta tout cela et lu i nomma l'ange. Et
va incus par Gédéon (Isaïe, XI, 3), Ainsi, lui , voulant la convaincre, lui dit: "II dit la vérité ; en effet c'est cet ange-là qui est
d 'em~ . 1&s Arabes sonl rejetés dans envoyé auprès de tous les prophètes". Alors, elle qui avait entendu la première
Je camp des ennemis du monolheisme
mosaique dont Je christianisme est issu .
les paroles de ce faux abbé, elle le crut et elle proclama auprès de toutes les
• Muhammad femmes de sa tribu que cet homme était un prophète, de sorte que la nouvelle
• Khadija passa des femmes aux hommes et en premier lieu à Aboubachar' o, qu'il laissa
" Ab(; Bakr (632-634)
" Yalhrib
pour son successeur. Afors son hérésie submergea la région d'Aithribos l1 , en
dernier recours par le moyen des armes. Il y présida d'abord en restant caché
pendant dix ans, puis également pendant dix ans de guerre, enfin ouvertement
pendant neuf ans.
hismes
Un essai de synthèse,
VU- ·XIIIOsiècle
,
A l' origine de tous
les schismes, se tro uve
eut un grand succès parmi les tribus
berbères d' Afrique du Nord aux VIII<·
ProJetable en tranaparent
Ja: 'S . ou
ri h• • 1
1
1
1
1
---
1
1
0_
A ~Co/IO
L ,
: ... -.
1
T
A
~
•
1
D
•
tm
canonisation du Coran
Double page d'un Coran du
Xllo s. : signes diacritiques,
vocalisations, découpage
L A premi è re trans-
mi ss io n du me ssa ge
Ainsi. au bout des troi s siècles qu'a
duré le processus de canon isation,
Bust (Afghanistan), 11 11-1 112
Papier. 125 t.. 20,2 cm x 1S,l cm
BNF, Manuscrils orienlaux, Arabe 6041 , 1. 26 "'·27
corani que fu i orale. même s' il est for me et structure du Coran sont Prolelabte en transparent
possible que certains vc~ct s aient été définitivement établies, Dorénavant
conservés sur les supports existant ne varient plus que les types d' encres
à l'époque. comme le papyrus. Les utili sés, les indi cations margi nales,
feuill ets manuscrits présentés en bas les en lumi nures décorali ves, la taille
de ta page ci-contre sont parmi les du papier. la qualité du support (pa- jour), ou en hizb (l /6Ü": pour une
plus anciens fragment s coraniques pier, parchemin ou vélin)etla reliu re lecture intégrale sur r année, à raison
conservés. provenant en réal ité de co- (cuir, boi s, métal. dorures, or, pierres d'un "d) tous les vendredi s). Tous
rans di lTércllls. Ils sont représentatifs précieuses), L'introduction du papier ces découpages :juz·, hizb, sourmes
des premières phases de Imllsrni ssioll dans le monde musulman, vers le mi- (114), versets (6 236 pour 1:1 vulgale)
manu sc rite . Les signes se rvant à lieu du VII!< .~iècle apparemment. au ct bien d 'autres ont permi s l'essor
différencier les Icltrcs sont rares ct contact avec le monde chinois. lors d · une véritable interprétation numé-
l'orthographe n'est pas encore bien de la victoire musulmane de Talas ro logique du Coran .
établie : notamme nt o n ne trouve (751), a ]>crm is. à part ir du X" siècle. Jusqu ·au développement de l"im-
pas de différence entre le passé qcÎ{a un saut qu.ltltit.uif dans la ditl'usion et prime rie, le mét ier de copiste-call i-
C il a dit") c t l'impératif quI (" dis"). la reproduction du Coran. Le COlU et graphe fut particulièrement valorisé
En re vanche. les lins de versets sont le tem ps de fabrication du papier. très dans le monde musulman, comme il
scrupuleusement indiquées. mais ces faible par r:lppon il ceux du parche- l'a été da ns les sCl'iplol';a mon:lsti-
di visions ne correspondem à aucun min, ct la facilité de récri ture sur ce ques de l'Europe chrét ienne médié-
des systèmes connus. Le manuscrit. support, donna au monde musulman. vale, ct continue de l' être aujourd' hu i.
inséré dans un volume d 'assez gr.lIlde quatre siècles avant [" Occident lati n. Les sourates tirées du lexte comnique
taille (in qua rio), sc caractérise par un o util except ionnel de d ilTusion sont ut ilisées comme motifs dan s
l'absence de décor. Lc textc est copié du savoir, et en particu lier du texte to us les arl s d its "i slam ique s" :
e n reprenant le principe de la saiplio coranique. peinture. sculpture. arch itecture, t<l-
cO/llinua de l'A ntiquité , adapté à Une fois é laboré, le modè le de pisserie. poésie, etc . Sur celle stèle
l' écritu re arabe: il n' y a pas d ' e spa ~ reproduction du Coran n'" pas été fun éraire est reproduite la soumte
cement entre les mots ct les coupures profo ndémcnt modifié pendant près dite de la Lumière, selon laque lle :
de mots en fin de lignes so nt rré- de mille ans. L'exemplaire présenté "Dieu est la lumière des cieux et de
quentes, alors qu' clics sont devenues en haut de la page ci-contre, réali sé la terre:'
impossibles une rois les normes de au début du XII' siècle e n Afghani s-
l'écriture arabe bicn établies. tan , n'est pas foncièrement différe nt
Soùrale de la Lumière (Coran, XXIV. 35) sur
La di sparition des té mo ins de de n"imporfe que l au tre réil lisé en I - -= une stèle lunéraire, Kashan, Iran, Xllle·XIV" s.
la mission prophéti que muham ma- Arabie. au Maghreh ou en Indoné-
dienne, le besoin de fixer le texte sie au XV1 II <siècle. par exempl e .
coran ique e n un corpus de référence, Il comporte les sig nes diacriti<lues
de préc iser les règ les de récitatio n consonantiques (poim simple, double
el de réduire au maximum les diffé- ou triple), servant à différencier les
rentes interprétat ions possibles, ainsi consonnes de même signe -.,. 00.'.
que la volonté de dé marcation par .:. thà ', ~ tâ' . ..r sin, ";' shîn,
rapport aux livres saints des chrétiens pilr exemple - , vocaliques (a. u, i)
et des ju ifs, ont condu it à une préc i- et orthoépiques (redoublement de la
sion croissante dcs graphèmes et de consonne, par exemple). Les étoiles
l'écriture , En o utre, les différentes jaunes et bleues marquent la fin des
version s qui coexistaient , dont l'une, versets. Dans 1<1 l1l:lrgc peuvent aussi
favora ble il 'A li, circulait à Damas apparaître des didascalies (proster-
au X" siècle, furent progrcssivement n<ltion ou inclin:lison du buste). ou
é liminées au profi t de la vulgate, bicn le découpage du Cor.1Il en j u;; '
'IIIribuée il 'Ulhrnân (Iroi sièmc suc- (1130<: permettant b lect ure intégrale
cesseu r "bien guidé", de 644 à 656), en un Illoi s ;1 rai son d'u n juz· p:lr
__
P. rr~j tes plus anc'e
;;, . voca~satjons el orthographe
"rques'
fm du VU- SièC,lens feuillels cora
~~____
'" ... ·
ne sonl pa s eococe établies,
po urrail prcs- épiphanique humaine. Ai nsi le mysti- d'histoire de la pensée islamique, ces
que d ire qu' il y a autant que explique non seulement les règles derniers rompent avec une traditio n
dïnlcrpréulIions du texte coranique orthographiques en les rapportant au séculaire d'analyse et d'exégèse e n
que de leclcurs: les tentat ives ré- sens, et aux dits du Prophète, mais isolant et valorisant certains versels
pétées au cours de l'hislaire pour aussi les règ les de g raphie du tex te aux dépen s des a utres, trahissan t
réduire le sens du lex.le coran ique (la coranique, La se nsibili té aux nom- ainsi le sens même de la Révélation,
fe rmeture des portes de /ïj/ihlid. de bres, li l' ordre des lettres. li la forme telle que celle-ci a é té interprétée
l'interprétat ion. aux X<·XI< siècles de récriture, o nt donné lieu. parmi pendant des siècles,
par exemple) n'onl jamais e mpêché les exégètes. li d' infi nies variations Quant li Nasr Hamid Abû Zayd,
les esprits libres de travailler. d'ana- numérologiques. symboliques, mys- professeur de théologie musulmane
lyser el de me ttre en re lation les tiques ou ésotériques dont ce passage li l' Un iversi té du Caire. il dénonce
différents passages de " la parole de ne donne qu ' une image parcellaire. notamme nt da ns ses liv res une
Dieu", d 'cn ou vrir le sens. Les deux tex tes s uiva nt s dé- lecture du Coran qui réduit le texte
Le premier ex trait présenté est noncen!. chac un li sa mani ère, les li une série d'i nterdits ou de pres-
dû à un mysti que du X IV" siècle, tentatives de ferme tu re du sens d u criptions. Jugé comme "apostai" par
AI-Qâshânî. qui. dans son ouvrage texte coranique et l'appauvrissement des tribunaux égyptiens li la fin des
Commellfaires ésoté riques du Co- de la tradition hennéneutique dans années 1990, il a été contraint de
rllII (Ttl 'lI'ifûr al-QII 'n;n). s' :lHache le monde musulman. Le manuscrit divoreer (ne pouvant plus être marié
à mettre en év idence. sourate après ci -dessous atteste visue llement le à une musulmane), a été déchu de
sourate. la dimension métaphysique tr:lVai l de commentaire, puis de com- S:l citoye nneté égyptienne et a dû
du texte de la Révélation. Comme mentaire du commentaire, pro pre s'ex iler aux P:lys- Bas où il enseigne
le rappe lle Pierre Lary. le Coran , li J'hennéneulique islamique. Celte actue ll ement. Ses ouvrages n'en
comme parole même de Dieu, mode lradit ion. bien ancrée dans les mi- continuelll pas moins d'avoir une
de présence par excellence du divin lieux savants traditionnels. subit les large diffusion dans les pays arabes,
dan s ce mo nde, e st la ré fé rence assauts des partisans d'une lecture où les moti fs de sa condamnation fonl
premiè re e t <lbso lue de l' univers littérale du Cor.m. Comme le mon- toujours débat.
per.~o n ne l de chaq ue croy:ml. Le tre Mohammed Arkoun, professeur
commentaire prése nté porte sur les
premiers mots de la première sourate
Exégèse du Coran à la fin du XV- siècle
du Coran, et même plus particulière-
ment sur les de ux pre mières [etlres
de l'invocation initiale de tOUies [es
sourates. Le prem ier mot du Coran,
bi-sm ("Au nOIll") s'écrit B-S-M en
arabe (les voye lles étant notées par
des indications sur ces trois signes
consonantiques), cc qui correspond
li l'agglutination de la particule bi-
("'au", deuxième lettre de I"alphabet
<lf<lbe) avec iSI/1 ("'nom" ), représenté
p<lr les trois lettres lIlif-S- M. Or cette
agglutination provoque l'élision de la
lettre (liif. première lettre de J'alpha-
bet, représentée e n arabe par un trait
droit vertical. De manière assez évi-
dente, le alif. doigt tendu du croy<lnt
:IU seuil de la mort, symbolise J'Un,
Dieu. Selon AI-Qâshâni, l'élision du
(llif dans la sourate de l'ouverture
pourrai t donc signifier l' occultation
du mo nde divin au profit de la fomlc Aj·BaydAwi (Chôrb, mort WlI"$ 1286), Anwlr al-!anzi/(Les Lum/f)res de la R.wé/ationj , 2" volume [corrwnen·
taire du CooInl. Asie centrale. 1497-1498 (1)
Papier. 273 ... 26 x 18 cm. BNF. Manuscrits orientaux. Arabe 6403. " 144v"'145
Ce verset contient dix"huitleHres prononcées et dix-neuf écrites. Si les mots
sont isolés, les lettres considérées séparément sont au nombre de vingt-deux [ ... J,
Les trois a/if occultés, dont l'adjonction aux autres lettres lors du fractionne-
ment complet, donne la somme de vingt-deux lettres, renvoient au monde divin
de la Réalité selon les trois niveaux de l'Essence, des Attributs et des Actes. En
effet, ceux-ci sont trois mondes considérés analytiquement, mais un seul pour
la compréhension métaphysique. Les trois lettres écrites désignent la manifes-
tation de ces trois mondes dans la forme épiphanique suprême humaine, et
l'occultation du monde divin. Le Prophète à qui l'on demandait où étail passé
Métaphysique le a/if suivant le bâ' de la basma/a, répondit : "Satan l'a dérobé", el ordonna de
de la sourate de prolonger (graphiquement) le bâ ', pour compenser la disparition du aHf '. 11indi-
l'ouverture, XIV" siècle quait symboliquement par là que l'Ipséité divine était occultée dans la forme de
la miséricorde créatrice et se manifestait dans la forme humaine de telle façon
'Abd al· RauAQ al-Qâshàni (mort que seuls les hommes de Dieu en aient conscience. Voilà pourquoi le a/if est
en 1329). Commen raires ésotériques dl! omis dans la graphie.
Comn (Ta 'wil'r al.()u'ran)
634 li 730. En Asie. cl les couvrent le qui , dans un co ntexte d' équ ili bre
même Csp<lce que les conquêtes per- précaire des ressources par rap po rt à
ses aché rnén idcs ct ccllcs d'Alexan- la po pu lation, fourni ssent de manière mais /l'y restent pas, Les nouveaux
dre. Ililli s s' y ajoutent ]'Afrique réc urrent e un cxcédc nt dé mog T<l - pouvoirs s'installent dans des cam -
du Nord e t la pé ni llSul e Ibé rique. phiquc , Les tribus arabes qui, bien pements militaires qui se tran sfo r-
réce mment rmta c h ée~ li rEmpire avant l'islam, avaient co mmencé à ment peu li peu en villes. les alllsâr
rom:lin d ' Orient pilT les conquê tes s'établir le long de.. grandes rou tes ou villes-camps, Chaquc province
de Justinien (VI<siècle). La princi- commerc iales, trouve nt donc une conquise e n a au mo ins une: en Iraq.
pale conséquence de cette conquête justification re li gieuse il la souve - KGfa et Basra (Bassorll), en Syrie,
réside dans 1:. lr.m ~ fu nll ati\J1I ,ruile m illt::lé politique qu'dles prélende llt Jâ biya, cn Égypte. Fuslfil (Le Caire).
zone frontière - l'Arménie. 1:1JaZÎra. dorénavant exercer. Ëvitant les reliers en Ifriqi ya, Kairouan,
la va llée de l'Euphrate. la ste ppe et les obstacles naturels. e lles suivent Les causes et les conséquences
entre rl raq ct la Syrie. ainsi que la les rou tes côt ières ct tes plaines pour de l'arrêt de cette première expan-
péninsule Arabique - , en centre d' un s'emparer des territoires immédiate- sion .IU milieu du VIII" siècle sont
vaste Empire. men! utiles, aussi importantes que celles de ses
Celle expansion ne débUlc pas du Face il cette wrt ie du désert , les débuts, Les causes sont de diverse
vivant de Muhammad. ni même lors gmnds empires. byzantin et sassanide. natu re : climatiques. écologiques et
du règne de son premier successeur. qui n'ont rien vu venir, sont li bout de anthropolog iqucs - sortie des zones
Abû Bakr (632-634). Elle ne semble force après dcs décennies de guerre, du nomadi sme tribal endogame et
avoir été ni programmée ni mê me En outre. les minorités religie uses entrée dans des systèmes différents - ,
prévue. Comparé aux puissances by- (chrétiens monophysi1es de Syrie ct soc iales aussi avec la résistance de
zant ine ct sassanide. le peuple arabc d'Égypte. juifs de ['Empire romllin, nations plus homogènes comme les
n ' avait pas une gr.mde réputation chrétiens nestoriens). soumi s aux Fr.mes, les Byzantins. les Tures elles
militaire. Par ai lleurs. si les é pi sodes persécutions religieuses de Byzance, Nubiens. voire sédentarisation des
mil itaires ne sont pas inexistant s accue ill ent parfois r:l\'o rab le ment conquérants amœs, Celte pause dans
dans la vie de Muhammad, il s sont les conquérants. comme le rapporte les conquêtcs a pour conséquence
fin alement assez mineurs. al-BalâdhurÎ, dans son fli,f loire de.\' la d ispari tion des revenus du butin,
Comment donc ex pl iquer et com- cOI/qI/êtes II/1I.w lll/lUle,f (IX' sièc le) à Désormai s l' Empire doit trou ve r
pre ndre celte conquête, dont il faut propos de Hims(Homs. Syrie), En ef- ailleurs les revenus qui lui sont né-
e ncore rappeler qu 'elle n'implique fet. le pou voir musulman n'intervient cessaires : cela contribue grandement
ni arabisation ni islamisatio n systé- pas da ns les conlroverses re ligieuses .IU développement de l' ag riculture,
matiques des popu lalLons locales? et aecorde Je même statut à to us les du comme rce. de l' artisanat et il
Une des explicatio ns rréquemment non-musulmans, quelles que soien! l'urban isation.
avancées, probable ment pas la pl us leurs croyances. Le phénomène le plus élOnnant
imporl:IIlIC, rés ide dans l'e nth o u- Pourtant. il y eut aussi des résis- rut la marque durable imposée par
siasme des néophytes, D' un poi nt tances ct des combats 'Ichamés. Quel- celle conquête. non quant à un État
de vue religie ux, la ju stificatio n ques grandes victoires jalonnent la un iqu e mu s ul man qui dura peu.
des conquêtes se trouve dans le s progrcss i o ndes ann~s musulmanes: s i jamais il exi sta. mai s quant à
sourates qui reco mmand e nt aux Yarmouk en 636. où les musulmans l'islami sation d~ ces régions qu i, à
musulmans d 'crrectuer le jihâd, la anéantissent l' armée de l' empereur part la péni nsule Ibérique, sont IOU-
"guerre légale", Cc j ihfM est pour la byzantin Héracli us. al-Qiklisiyya qui jours majoritairement musulmanes
commu nau té mu sulmane (11I11I11a) ou vre aux musulmans les portes de aujourd ·hui. et qu'lllt à la diffusion
un acte obligatoire. mai s c'est une la capitale sassanide, Ctésiphon . ou de la langue "rabc sur lOut l'ancien
obligat ion collective (jard klfâya ), Il bie n encore Talas. aux fromi ères de d oma in e c hamito-sémitique, de
sunit donc qu'une arnlée re présen- laChine, Les musulm.msconqu ièrent l'Ir:lq :1U Maghreb.
tan t 1'//111111(1 elYectuc cc devoi r pour les capitales des gmndes provinces.
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(7 12)
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Ollybul
(711 )
• Territoire originel de l'Islam
Expansio n de l 'empire mu su l ma n
sous le califat de 'Umar (634-544)
Ams.1r ou villes-camps
.""'"
fondées pendanl la conquête
Empire romain d'Orient (empi re byzantin)
Villes fondées dans la
Royaume wisigoth de Todm ir • seconde moIUê du VI II" siècle
Royaume des l ombards • Villes conqu ises (date de leur conquête)
I-...;u
~n, ..récit de la fin du IX· siècle: plutôt les musulmans que les Grecs ou._. plutôt les Grecs que les musulmans
Quand Héraclius ' massa ses troupes contre les musulmans et autrement, nous garderons notre situation présente aussi
que les musulmans apprirent qu 'el/es avançaient pour le ren · longtemps que domineront les musulmans ". Quand avec l'aide
contrer au Yarmouk, les musulmans reversèrent aux habitants d'Allâh, les infidèles furent défaits et les musulmans victorieux.
de Hims2 le kharâj3 qu'ifs avaient reçu d'eux, en disant : "Nous ils ouvrirent les portes de leurs villes. sortirent avec les chan-
sommes Irop occupés pour vous secourir et vous protéger : teurs et les musiciens qui commencèrent à jouer et payèrent
a
Veillez votre propre securité w• Mais la population de Hims le kharâj . {. ..}
répliqua." M Nous préférons de beaucoup votre domination et Le fait est que lorsqu'on prit possession de Damas, un grand
votre justice à rétat d'oppression et de tyrannie dans lequel nombre de ses habitants, dans leur fuite vers Héraclius qui se
nous vivions. Certes rarmée d'Héraclius, avec l'aide de voire trouvait alors à Antioche, laissèrent derrière eux un nombre im·
'Ami/"'. nous la repousserons de la ville". Les juifs se levèrent portant de maisons vides qui furent plus tard occupées par les
et dirent: "Nous jurons sur la Torah qu'aucun gouverneur musulmans. Quand ils virent que le siège était mené rudement
d'Héraclius n'entrera dans la ville de Hims a moins que nous contre eux, les habitants de Tripoli se réunirent dans l'une des
ne soyons d'abord vaincus et épuisés r , Sur ces mots. ils trois forteresses et écrivirent au roi des Grecs en lui demandant
fermèrent les portes de la ville et y montèrent la garde. Les soit le secours des renforts, soit des navires sur lesquels ils
habitants des autres villes, chrétiens et juifs, qui avaient capitulé pussent s'échapper et s'enfuir vers lui. En conséquence, le roi
entre les mains des musulmans, agirent de la même manière, leur envoya de nombreux bateaux sur lesquels ils montèrent
disant ." MSi Héraclius et ses secta/eurs l'emportaient sur les durant la nuit et prirent la fuite.
musulmans, nous retournerions à notre ancienne condition ..
AJ-Balàdhuri. Ki/Ab futûh a l-buk:l.in r Hisloite des conqOOles musulmanes"). traduclion de I"arabe P.K. Hi«i et F. Murgotten. sous kllltre The origins ofthfllslamic
Slale, rééd. Beyrouth , 1963, 1f3duc1ion de ranglllis : Thierry Bianqllis.
L ES processus dïs-
lamisati on CI d ' arabi·
et accompagne l'ouverture du littoral
afri cain au commerce do miné par
Projelable en tran spa rent
- 'I
"""_n Dœan
AI/antique Indien
Alphabets
Cham~o-sêmitiques
= Aire du swahili.
emprunt du vocabulaire
11 11 11 1 Alphabet arabe jusqu'aux années 192Q
Ibn Ballûla. '"les iles Maldives' . Voyageurs arabes. traduction Paule Crnllles-Oomlnlql,lEl, Pari. Gallimard, Pléiade , 1995.
L A prière. deuxième
"pilier" de l"islam. doit
peut être traversé p:lr une personne
impure (c 'est-à-dire une personne
Des pèterins prient su r le Monl Hira,
près de La Mecque, pendant le Hbjj.
Jabat al,Nur, Hijâz.
être :lccomplic c inq foi s par jour. qui a perdu sa pureté par le somme il. Projelilbte en transpa rent
Cert:lines priè res peuvent être re- les rel:ltions sexuell es, les besoins
groupées. cc qui permet d'accomplir naturels par exemple), Tous les mou-
ce rile en lrois foi s. Après les rites de ve ments sont minutieusement rég lés,
purificat ion. réalisés avec l' ca u du La prière compre nd une déclaration
bassin J'ablution pour les ablutions d'i ntention, sui vie par une séquence qu'il a été reconstruit par les sources
mineures. avec le sable da ns le désert. (répétée deux à q uatre foi s suiva nt postérieures: une maison couverte
en cas de voyage - c 'cslla lustration 1<1 prière), comportant la réc itation de branches de palmier reposant sur
pu lvé ra lc ( t(/ )'Olllllllllll ) prévue p3T de for mul es e t cie ge~ l es rituel.~ dcs troncs ct dotée d'une cour, Les
le droit mu sulman - . le fidèl e doit - <lgenouillc ment, déplacement des types -'indo-persan" et "turc'- diffè-
s'orienter vers la qiMa. la direction mains à hauteur des épaules, incl ina- rent du précédent, de même que les
de La Mecque. el se placer dans un tio n du buste, comme on le voit ici, mosq uées pagodes d'A sie du Sud-
espace sacré marquant une séparation Tou s les mu sulm:l ns ne font Est. lcs mosquées en terre d 'A frique
avec le monde: cel espace peUl certes pas les mêmes gestes : les ch iites subsaharienne ou les édifices -'com-
être celui de la mosquée. mais aussi aj outent quelques éléments à l'appel muns" d'E urope occident:rle (caves,
celui du lapis de prière (.mjjâda) ou. du muezzin et quelques gestes à la hang:rrs, etc,),
plus .~ i rnp1cm en l. une ligne tracée sur priè re, de même q ue les sunnites La présence de mi n:rret s, qui
le sol. On constate ici que. malgré la relevant de J'école j uridique mâlékite, semble aujourd'hui :rller de soi. fit
sacralité du Monl H im - c'est 1:'1 que dom inante au Maghreb ct enAfrique l'objet de controverses, Les chiites
Muh,tmrmtd est censé avoir reçu le subsa harie n ne, Ces di verge nces septimain s/ismaélien s du califat m-
message de Dieu pour la première rendent compte de l'historic ité des timide (909-1 17 1), contre l:l pratique
fois - , les fidèle s ut ili sent un tapis rites religieu x, On a l'éq ui valent des Umayy:rdes de Syrie (66 1-750).
de prière, qui se carauérise par dans la reli g ion chrétie nne avec refusère nt ainsi, dans un premier
" l'orientation" de son dessin: dans l'imposition du rite romain, lors de temps. son uS:lge au Maghreb sous
le cas présent , c'est la mosquée de la réforme dite "grégorienne" aux pré texte qu'à l'époque du Prop hète
La Mecque qui est représentée , X Ic_X Ill" siècles, aux dépens des rites rappel était lancé d u toit d'une
Le rôle attribué au tapis dans la antérieurs régionaux, comme le rite mai son vo is in e , À l'inverse , les
délimi tation de l'espace sacré de la w is igoth ique. conse rvé pourtant à Umayyades de Cordo ue (929-1031),
prière n'est pas anodi n, Le tapis fait travers les siècles par les chrétiens s'i nscrivant dans 1:1 contin uité des
part ie intég ra nte des civi lis:ltions arabisés d'al-Andalus, Umayyades de Syrie ct s 'opposant
pastorales: en soi e o u en laine, Une foi s par se mai ne, 1:1 prière aux fatimides c hiites de Kairouan,
fac ilement tran sportabl e, c 'est un doit avoir lieu da ns une Grande v:rlorisèrent les minarets, réutilisant
élément esse ntiel de la tente des mosquée (jâmi'), c'est-à-d ire une d-ail leurs les c lochers des ég lises
nom:ldes, Par les échanges dont il mosquée pourvue d' un mil1/)ar (la pé nin s u la ire s o u s ' en in sp irant.
fait l'objet, par l'attention qui lui est c haire à prêche r ), La fo rme des Modè le, c0l1lre -modè le ou dé ter-
portée, p:lr les spéc iali sations régio- mosquées actuelles est aussi l'abou- minati o n réc iproque renvo ient au
nales de sa production artisanale, le ti sse mc nt d'un long processus de caractère idéolog ique de l'architec,
tapis participe à l'économie pastorale définition des normes architecturales, tu rc, La diffusion aujourd'hui dans
et, finalement, trou ve sa place dans Il existe quelques grands types de le monde d'un type partic ulier de
les pratiques rit uelles, Ind ividuel. il mosq uées, parmi lesquels le type mosquée en marbre àqumre minarets
suffit à la prière loin des mosquées et "arabe", pourvu d 'une grande cour d'angle refl ète le pouvoir fi nancier dc
permet d'efTectuer cet acte pratique- fermée ento urée d'une colonnade, et l'Arabie silOudite qui subventionne
ment n'i rn porteoù : espace ouvert ou d' une salle de prière hypostyle (sur ce type architectural aux dépens des
fermé, publi c ou privé, sur le lieu de colon nades) do nt un des grands côtés types locaux,
Irav<li!. en ville ou en pleine nature, abrite le mihrâb, niche creusée dans
De grand format, il recouvre le sol de le mur indiq uant la qihla, la direction
IOUles les mosquées du monde , de La Mecque, Ce modèle est censé
À :mcun moment. sous peine de êt re fidè le au plan de la maison du
null ité de 1<1 prière, l'espace sacré ne prophète de l'i s la m à Médine tel
Une · reconstitution~ de la maison du prophète, gravure d'après PIah schématique d'une mosquée de type arabe
1-"';;;" Leacroft , The Buildings of Early Islam, XIX' s.
~""
fô\ FOlllaÎne
\;;;1 au • • bh'lIom
,,""
,
'vre et travailler à l'heure de l'islam
Scène de rue dominée par la
figure du muezzin, vers 1570
.............:__..-. B'
1 ai-saghlr, "'Petite Rts', qui cI6t le ramadan.
U NE des étymolo-
gies du terme soufi sme
du chiisme, des fête s en l'honneur de
la nai ssance du prop hète. Ces fêtes
Pro}eta ble en transparent
Roiml, Oiwân-e Shams-e Tabrizi ("Les travau,.. de Shams-e Tab~i-). XII /' siècle.
, Ce mystique soun originaire de Tabril a initié RoimÎ qui lui rend hommage ici.
ciences religieuses,
sciences rofanes
Le monde vu par al. ldrisi,
géographe musulman,
XII- siècle
continuité géogmphiquc ct c ulturel le des périphéries. séparée des zones BodleillJ'\ library. Oxford. Grande'B retagne
des mondes persan ct byzantin. e l il habitées par une montagne infran- Projeteble en tran sparent
travers eux: des mondes romain et hel- ch issable - peUl-être l'Him .. laya - ,
lénistique. Il est un des chaînons qui qui au mit été élevée p.. r Alexand re
a permis. du Moyen Âge il nos jours. le Gra nd (Dltli l-qrmw)"lI. "Cel ui aux
la conservation CI l'approfondi sse- deux cornes"), est représentée la terre d 'al- Idrisi au d0 1ll.. ine géographique,
ment des savoirs ant iq ues comme biblique de Gog ct Môlgog, dont les c'est oublier que 1:. géographie de cet
l 'astronomie. la géographie. la mé- démons doive nt se répandre sur la .. uteur est profondé ment islamique.
dec ine. la phil osophie . Cependant. terre le jo ur du Jugcment dern ier. La Le philosophe Alain de Li bera note
le développement de ces sciences est " mer environnante", 1.. bien nommée, que cet oubli pan icipe d ' une occul-
réélaboré la 1:1 lumière CI au profit de enferme l'ensemble da ns la fin itude tation des sources musulmanes de la
la nou ve lle religion. dcs conn.. iss.. nces géographiques de pensée occide ntale, voire d'un rej et
AI- ldrÎsi CSI un géographe mu- ["époque. dé libéré, p.. r la pensée occidentale,
sulman. né en Andal us vers 1100 Cette re présentation .. rt ic ul e de ses sources musul manes.
et entré au service du roi normand ainsi les données géographiques (on Ainsi, bo n no mbre de prog rès
Roger Il dcSicile. après de nombre ux reconnaît, e ntrc autres, la péninsule scientifiques furent réal isés à dès fin s
voyages au Maghr\!b et cn Andlil us. Ibérique. la France , les ilt::s ù,.il<ltl- religieuses. Cc q uadr;ult d 'astrolabe
Il réalisa pour cc souverain un pla - niques, l'Inde, le Maghreb, le Nil), :tppanenait à Muhammad ibn Ahmad
nisphère e n arge nt rcprésent:ll1t la ["h istoire de l'expansion de l'Islam. al-Mizzi ( 129 1- 1349), "re.'iponsable
totalité du monde connu à l'époque. 1:1 mythologie (muraille d 'A lexand re) du te mps" (1III1l1'llqqil ) de ta Grande
y compris les terres non musulmanes, c t une d imen sio n esc hato logi que mosquée de Damas . chargé dc dé-
ct un ouvrage de commentaire, LI! (dé mons de l'Apocalypse, Jugement terminer quo tidi e nnement l'heure
liI' re de Roger (al-Kirâb al-rujfifÏ), dernier). Réalisée par un musulman de la prière. Ce q uadr:tnt. adapté il
comprenant de no mbreuses cartes. pour un maitre chrét ien. cette mappe- la latitude de Damas, contient des
La mappemonde réalisée p .. r al - mo nde constitue une re présentation. infomlatÎons combinant trigonomé-
IdrÎsÎ pour le roi Roger Il de Sicile musulmane. de l'unité dc sens fo r- trie et géométrie pour résoudre des
est un témoignage imprcssionnant mée par J'Islam, problèmes astronomiques: un fil était
de la géographie "m usulm:mc" du La di stinc ti on entre science s thé ~ ~on centre avec, à l'extrémité.
XII" siè<:Ie. $urcettecan c s' aniculem profanes c t sciences religi e uses une bille qu 'on fai sait glisser dans la
l'histo irc ct III géographie de l'islanll est rare ment cI .. ire .. u Moyen Âge direction des astres ou du soleil pour
Islam tel quc pouv:litles percevoir un e n IsI.. m. Ai ns i. limiter l' appo rt détermi ner l' heure exacte.
s:lvant musulman du Moyen Âge. Le
cent re du pl:misphère, occupé par L,I l:occullation de la pensée musulmane en Europe
~;,;.j
Mccque ct le Hij âz, représente sym- L'occultation des éléments araOO-musulmans de la culture européenne a préparé
boliq uemcnt l'origi ne géogmphique 1492, et elle lui a survécu. En fait, I"occullalion proprement dite esl un phenomene très
et chronologi<llIe du mo nde tcrrestre. contemporain, et ce qui I"a précédée historiquement n'est pas un oubli, mais un rejet
En effe t. celle représe nwti on est conscient et décidé. f. .. } 11 faut bien distinguer, d'une part, ce que l'Occident chrétien a
confonne à la Tmdition Illusulm:me, connu et rejeté méthodiquement et, d'aulre part, ce qu'if n'a pas (ou peu) connu et n'est
selon laquelle La Mecque serait le toujours pas prêt à découvrir. Ce qui n'estjamais entré dans la culture occidentale latine
nombril du monde. territoire co n~a ou chrétienne et qui reste scolairement et socialement occulté, c'est, par exemple, la
cré par Dieu avant l'édific.. tion de 1.. philosophie politique, le laïcisme, le rationalisme réformateur de l'islam et de la pensée
ville, 1.. K.. 'ba ayant été érigée p:lr araOO-musulmane, dont les ancetres sont, pourtant, des penseurs de l'Andalousie mé-
diévale, comme Ibn Bâjja (Avempace), Ibn Tufayl (AOOubacer) ou Ibn Rushd (Averroès).
Abraham. Cc poin! organi se concen-
Ce qui a été explicitement rejeté, et qui reste oublié, c'est, par exemple, /"exaltation du
triquement l' esp:lce, le temps e t
mode de vie philosophique, la définition d'un type d'existence fait de travail et de ré-
l' im..gin .. ire islallliquesde l'époque. flexion, que /'on dirait à bon droit intellectuel, si, d'agitations médiatiques en médl'ations
Les territoires de l' islam forment agitées, le terme n'avait fini par perdre l'essentiel de sa signification.
Alain de LiberlI. ' Fractures en Méditerranée". Maniere de loO'r. n" 54. le Monde diplomatique. julllet,aoiIt
2002.
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::::;
uadrant d'astrolabe, Syrie, 1333-1334
1
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Ir y,
shamAff Nord
nothéismes autour de la
Méditerranée au XIIe siècle
Monnaie almoravide (1097)
et monnaie frappée par
Alphonse VUI de Castille 111841
LE monde musulman
a connu une évol ut ion
(1I//Ilk). al -Mâwardi affirmc que la
nécessité de la fonctio n d 'imâm/ca-
Dans l' cxtrait présenté, tiré de son
Trailé de politiqlle juridique IWllr hl
pol itique importante du Moyen Âge life est fondée non e n raison, mais réforme (III berger et tle 5011 frol/pea/l
à nos jo urs: à l' unité origi nelle. my- e n révélat ion, citatio n coranique il ( 1314), Ibn Taimi yya insiste sur les
thifiée. de " empi re califal succède la l' .. ppui . Comme le mppelle Bertrand devoirs du fidèle à l'égard du pouvoir
multipl icité des pouvoirs régioll:lux. Badie il propos de lapcnsée pol itique e t sur la préémi nence d u spirituel
des principautés concurrentes. Les en islam, la ""raison n'accède il aucun sur le tempore l. Au fidèle. qui n' est
co nllits internes sont c]Llal ifiés de statut 3utono me ct ne peut être te nue, ni di ri ge:mt ni miliwire, revic nt lc
ji/l1l1 (di vision. guerre civile) - le plus comme chez saint Thon13s, pour un devoir de consei l (mlsiha ) - tâche
grand malheur qui puisse affecter les instru ment perl11ellant il l'homme dont l'auteur s' 3cquille lu i-même
mus ulman s -. les califes n ' appar- d'3ccéder au juste directement, S3ns par son ouvrage - , de prière et de
tiennent plus à la tribu de Qumysh. conll3Ître la Loi de Dieu"". respect du précepte coranique : faire
le princ ipe dyna.~ t iquc sc substit ue à L'o u vrage d' ul· M âwa rdî es t le bic n et interdire le mal. Le propos
['élection par les notables. une police to ut ent ie r cons ac ré à ré so udre est assis sur une gradation de c it3-
civile dépendante d u souverain re m- l'inév it able te ns io n o ppOS:lnt Ic tions liées entre el lcs, é manant d'u n
place la police politico-rc ligicuse des pouvoi r-puissa nce d e l' holllme e t Compagnon (Mu',îdh b. Djabal ), du
mœurs. la hiérarchisation des tribu - lc pouvoir-autorité de Die u, 13 né- Prophète (hadilh ). ct finalem ent de
naux provoq ue la sécularisatio n pro- cessi té du prem ie r ct la lég itimité Dieu (Coran).
gressive du pou voir. des impôts no n du second . Cela contribue à do nner L'auteurdu troi .~ i è me texte est un
coran iques sont introd uits cn sus de à 13 construction du poli tique une réformateur chii tc ira nien. Mohscn
" l' aumône légale" (wkû/). Le nombre signific3tion d'acte de foi . Pourtant Kadi var. Cel ui-ci conduit sa crit ique
dc rouagcs. de fonc tions dc l'État Les sr(l/I11.{ gO/II·ememellfm l.l': sont dc la \'ela.\"lIt-e faqih. le "gouver-
c t de mesures d étermi nés par les loin d' être une application rigoureuse ne ment du clerc", dont le dogme a
conti ngcnces historiqucs. ainsi que de principes qui scrnient tous issus été mis cn place après la ré vol ution
la hiérarchi sat io n dc la société. vont du Coran . L'auteur fait appel non ist3nlÎque de 1979. il l'intérieur du
croissants. Or la religio n fondée par seulement aux normes dég3gées par champ religieux. Ce dog me réserve
Muhamlllad cst fonci èrcment égali- l'herméneutillue sun nite trad ition - à un indi vidu ou à un groupe d'jnd i·
tariste. Comment donc j ustifier tous nt~ lI c. mais aussi aux fait s historiques. vidus le contrôle de la lég itimi té. L3
ces écarts e ntre. d'une part . la norme To utes les décisions du pouvoir q ui critique pro no ncée est le fait d'un
prophétiq ue de référence. fondatrice dévient p3r rapport il la vision nor- clerc "".. utorisé", issu des institutions
de la théorie politique ""orthodox.c"". mative trad itionnelle sont réintégrées re ligieuses officielles, Poun .. nl. le
ct. d'autre part. la pr:ltique d u pouvoir par al-Mâward î pour qu i le calife fo nction ne ment et la logique mêmcs
ct les réal ités sociales? régularise la sit u3tio n aux yeux de de la construc tiOn politique et insti-
Né il Basra (Bassora) ct Illort il la norme religieuse, en fonct ion de tu tion ne lle héritée de la révolution
Bngdnd. al-MfLwardî (974- 1058). j u- l' arg ument de nécc§sité. is1:Jmiq ue sont ici qu e.~ t i o nn écs.
riste proche des calife.~ abbassides. est Ibn Taimiyya. j uriste hanb31ite, M . Kadi var in sis te sur l'irré-
célèbre pour son o uvrage intitu lé Le.f né en 1263 à H:lrriin (Turquie actue l- duc tible contrad icti o n du systè me
.\' /(111/1 .\' gOlll"em l'lIIelllwu:. Dans ce li- le), a enseigné li D:\m3s. Considéré poli tique iranien, pris e ntre 1'3ffir·
vre. il tente de réaffinner l' autorité du comme un penseur indépendant. il fut rnation de son car:Lctère républ icai n
souverai n. e n rédigeant un état précis e mpriso nné à di verses reprises pour ct dé mocratiquc - ce qu i impl ique
des pré rogatives califales. sanction- son opposition aux autres écoles ju- une certaine forme de contrôle po-
nées par la loi religieuse. Le passage ridiques sunnites. Il meurt d'ai lleurs pulai re -ct la prétention des d ercs à
proposé correspond au premier cha- e n prison. en 1328, après avoir été se faire les instruments d'u ne '·sou\'e-
pitre de r OUVr.lge. Fon logiquement. privé de papier, de plumes et de livres. r:lineté divine immédiate"", prétention
al· Mâwardi s ' y intéresse il la pre · Toute son œ uvre vise à Illontrerque le qui leur confè re le statut de ··califes
mière et pri ncipale charge de l' État. la devoir du prince, du savant, voire de de Dicu sur terre, de vice-régents du
di rection des CroylUltS. Face à ridée tout fidè le. est de convert ir l' autorité Prophète ou de l' Imam et de gardiens
que le califat prophétique :. pris fi n. de fait que chac un détie nt il un titre des rnusulm3ns"". À celle conception.
dès r établissement des Umayyades ou un autre en autorité légit ime, par M, Kadi varopposc la notion dc ··sou·
à Dam:ls (661 ), au profit d ' une fi - un effon personncl dc rest3ur.ltion de veraincté di vine démocratique"".
gure purement temporelle de royauté ];1 Loi d ivine.
~institution de l'imâmal a pour raison d'ëtre qu'il supplée le prophétisme
[dont le Prophète a été le dernier représentant] pour la sauvegarde de la
religion et l'administration des intérëts terrestres. Il y a unanimité à reconnaître
que celui de la nation qui en exerce les fonctions doit nécessairement en ëtre
investi [ ... ]. Mais il y a divergence sur la question de savoir si ce caractère de
nécessité est rationnel ou canonique: les uns invoquent l'urgence de nécessité
AI·MâwardÎ : reconnue par les gens raisonnables de confier à un chef le soin d'empëcher les
du contrat d'imâmat, injustices des uns à l'égard des autres et de trancher les contestations et les
XIOsiècle procès, car sans chef on vivrait dans l'anarchie et l'abandon, à la manière des
sauvages livrés à eux·mêmes. [...]
AI· Mâwardi, Les statuts gouvernefrtfJn'
D'autres y voient une nécessité canonique, et non rationnelle, car, disent·
taux, lraduction Ë. Fagnan. ils, l'imâm accomplit des faits d'ordre canonique dont il lui est, rationnellement ,
Paris: Le Sycorrore. 1982. permis de ne pas rechercher la charge à titre d'acte de piété, de sorte que la
raison ne lui en fait point un devoir.
À raisonner, en effet, l'homme intelligent a uniquement à s'abstenir de faire
du tort à son prochain et de vivre en mésintelligence avec lui , à pratiquer loyale·
ment et amicalement l'équité vis-à·vis de lui , et ces procédés lui sont comman·
dés par sa propre raison et non par celle d'autrui. Mais c'est la Loi qui intervient
pour confier le soin des choses (humaines] à celui qui le représente. Allah s'est
exprimé ainsi: "Ô vous qui croyez, obéissez à Allah, obéissez à l'Apôtre et
à ceux d'entre vous qui commandent" (Coran, IV, 62). Il nous a donc imposé
catégoriquement d'obéir à ceux d'entre nous qui commandent, c'est·à·dire aux
imâms chargés de ce soin .
Le fidèle qui ne peut faire triompher la religion par l'exercice du pouvoir ou
par la guerre, mais qui s'efforce d'y travailler en prodiguant les bons conseils
(nasiha) que Dieu lui inspire, qui adresse ses prières à Dieu pour le salut de la
Ibn Taimivya : le communauté, qui aime son prochain et fait tout le bien à sa portée, n'est pas
temporel au service tenu de s'acquitter de devoirs qui lui sont impossibles. Les fondements de la
du spirituel, XI~ siècle religion, comme Dieu l'a dit, sont le Livre qui guide et la Tradition qui aide. Cha·
cun doit donc travailler de son mieux pour préparer le triomphe du Livre et de la
Tradition, pour Dieu et avec l'aide de Dieu.
Ibn Taymiyya. Traité de politique juri·
dique pour la réforme du berger el de
Le temporel, enfin, est au service du spirituet , ainsi que Mu'âdh b. Djabal
son troupeau (1314). traduction Henri l'a dit: "Ô fils d'Adam, tu as besoin de ta part de ce monde, mais tu as encore
Laoust. Alger. 1990. plus besoin de ta part de ,'autre monde. Si tu commences par ta part de l'autre
monde, elle t'apportera ta part de ce monde. Si tu commences par ta part de ce
monde, elle te fera perdre celle de l'autre monde, car ce monde est pour toi un
danger".
La preuve de cette prescription est donnée par le hadith que rapporte
Tirmidhî : "À celui qui , au réveil . se préoccupe de l'autre monde, Dieu inspirera
une conduite droite; il mettra la richesse dans son cœur, et ce bas monde
viendra se mettre à ses pieds. Celui qui, le matin , songe à ce monde, verra ses
biens dispersés par Dieu, il aura, sous les yeux, le spectre de la pauvreté, et il
ne pourra retirer de ce monde plus que la part que Dieu lui assigne".
La raison de ces prescriptions tient dans cette parole de Dieu: "Je n'ai créé
les génies et les hommes que pour qu'ils me servent; je ne leur demande pas
qu 'ils me nourrissent; Dieu seul est le dispensateur de toute substance ; il
détient une force invisible" (Coran, Ll, 56·57) .
a délégué la direction politique de la communauté musulmane à ses
membres eux·mêmes, de telle sorte qu'ils puissent exercer leur souveraineté
dans le cadre des lois islamiques. Cette souveraineté sur eux-mêmes leur a
été déléguée par Dieu et personne n'a le droit de leur contester ce "droit divin".
Les gens élisent leurs dirigeants parmi des candidats qualifiés, de sorte que,
Mohsen Kadivar cité dans Alain Rous·
dans le cadre d'une constitution compatible avec la religion, ils servent le public
sillon. La pensee islamique conlempo- sur la base d'un contrat ou d'une représentation (vekalaO . Puisque, dans ce
raine. Acteurs et enjeux. système, le fondement ultime de la légitimité est Dieu , et puisque la commu-
Paris: Téraèdre. ~004 .
nauté exerce un droit conféré par Dieu et n'exerce sa souveraineté que dans
les limites imparties par la religion , il s'agit bien de souveraineté divine. Mais,
puisque ses membres sont en position d'exercer une médiation entre Dieu et
le gouvernement, ce qui engage un élément démocratique, il s'agit là d' une
~souveraineté divine démocratique".
statut de la femme en isla
Salon de coiffure à Kaboul,
Afghanistan, 2002
L E statul de la fem-
me e n i51:1111 est très
des soc iétés musu lmanes. ce statut
de la femme semble être un trait de
Projetable en transparent
variable selon les pays el lcs périodes. civilisation durable. un trait distinctif
Dans les sociétés traditionnelles com- par rapport aux aUlres civili sations.
me l' est la société afg hane. la femme sans que cela e mpêche les évolutions.
sort int égral ement couverte par le porteuses de crises et de réactions
voile local. la IJllrk{/, qui dissimu le le plu s o u moins brutales.
visage e t le corps aux regards ex té- Le message de Muhammad. tel les femmes accèdent à des postes de
rieurs. L'usage du voile ne consti tue que le conservent les sources musul- responsabilité. e lles votent et ont vu
pas dans le monde musul man un déni manes. te ndait à amé liorer le SOft de proclamer l'égali té de le urs droits
d'existence. un dénigrement ou un ses contemporaines. en leur assurant. avec ceux des hommes. L'insta ura-
refus du corps fémini n. comme le ré- par exemple. une part d ' héritage éga- tion du port obli gatoire du tchador
vèle les photographies exposées dans Ie à hl moitié de celle d'un homme. ou du foulard "islamique" y a donné
cc salon de coiffure: som le voile. la Rappelons qu' en France. et plus gé- une impulsion à l'é mam.: ipat ion de
femme peUl être maquillée. parfumée. néralement dans l'Occident chrétien. la femme: le voile a en effet permis
sensuelle. voire érotique. Le voile ré- jusqu'à la Révolution fran çaise. les l' e ntrée en masse da ns les éco les
serve ce l aspect de la fe mme au seul femmes. ainsi que les cadets. étaient et les univers ités de filles que de
"ayant droit" légiti me: l"époux. total e ment exc lus de I·h é ri ta ge . nombreuses fa milles trad itionnelles
Le droit musulman. représentatif. Paradoxalement. aujourd·hui . dans refusaient de scolariser il r époque de
en grande partic. de la réal ité anthro- certai nes sociétés musul manes. les la monarchie. qua nd le pon du voile
pologique CI sociale qui a prévalu à fe mmes se voient privées de droits était interdit. Les étudiantes co nsti ·
sa mise en place. a entériné l'orga- (trava iller. conduire de s voit ures. tuent aujourd ' hui plus de 50 % des
nisation des sociétés traditionnelles apparaître non voilées. part iciper à effectifs uni versitaires contre 25 %
proche-orientales et méditerranéen- la vie politique . Cl C .) sous des mo- il l'époq ue du sh5h.
nes. ALI sein des espaces de grand tifs religieux. Au sei n des sociétés En revanche. dans les pays laïcs.
nomadi sme. la fem me est détentrice musulmanes. s 'opposent ainsi . d'un co mm e la Turqui e o u la Fra nce.
de l'honneur du groupe . triba l ou point de vue religie ux et soc ial. les l' interdiction du voi le suscite parfois
familial: elle est un trésor il protéger. tenants d'une application linérale des les réacti ons indignées de certains
Le corollaire de cen e valorisation prescri ptions muhammadien nes. ct mu sulmans pour lesquel s il s' agi t
de la fe mme est son exclusion de les tenants de l' amél ioration du statut 1:'1 d'une atteinte :) leur liberté reli -
l'espace public et des acti vités mas- de la felTlme au nom de la fidélité au g ieuse .
c ulines. Aux femmes sont réservés modèle "progressiste" des décisions '"La pre mière et dernière conver-
l'inté rie ur de la maison. les act ivités du Prophète. sation entre l'assassin ct la vict ime"
domesti ques et la gestion des biens. Gl obalement. le statut de la fe m- dans le rom:m Nâge du prix Nobel
Dans les campements et sous la teme. me en islam s'est considérablement de lillérature Orhan Pamuk met aux
e lles son! tenues é loignées du regard amé lioré ces de rni è res décenn ies. prises le directeur. musulman. d'une
des autres hommes par une cloison. Depui s une quinza ine d·années. le École normale qui interdit l' ent rée
L'esp:lce des fe mmes et celui des taux d 'ac tivité féminine augmente de son écol e aux jeunes fe mmes
hommes ne se recoupent qu'au se in dans une grande partie des rég ions voilées. au nom de la lo i de l'État
de 1:1 fam ille proche. tous ceux avec musul manes 11 partir de situations de turc. et un militant islll1l1iste envoyé
qui le mariage est impossible: les départ très diffé rentes les unes des par une organisat ion clandestine
aUlres femmes . le père. les frères autres (Asie du Sud et du Sud-Est. po ur l'assassi ner. Cet extrait oppose.
et les o ncles. L'espace publ ic et les Maghreb. Moyen-Orient). Dans ces dans un pays musulman et laïque . la
relat ions avec les autres tribus sont pays. le port du voile semble être le rhétorique réduct rice et l"i nterp ré-
réservés au x ho mmes. Quand les coro llaire de celte irrupt ion des fe m- tation simpli ste et liuérale du te xte
fem mes ilpparaissent en public. c'est mes dans le monde d es hommes. Le coranique des islamistes :IU X not ions
donc cachées au regard des hommes succès des idées islamistes dans les de service de I·État. de laïcité ct de
par un voile qui projene il l'extérieur sociétés musulmanes a permis par- liberté indi viduel le.
le clo isonnement do mestique. Mal- fo is. paradoxalement. une ascension
gré toutes les vicissitudes historiques. sociale des femmes da ns la société :
mal gré la modern isati o n actuelle "r ascensio n par le voi le" . En Iran .
Quel sort réserver aux jeunes filles voilêes dans la Turquie laïque?
.....
~
Si vous craignez Dieu, cher professeur Nuri Yilmaz, et si vous croyez que le Saint Coran est la parole de Dieu,
cher maitre, alors dites-moi donc ce que vous pensez de ce trente-deuxieme saint verset de la sourate la lu-
mière ,; Dans ce verset, effectivement, il est recommandé d'une façon très claire que les femmes couvrent leur
tete et même qu'elles cachent leur visage. ; Bravo, maître, lU as répondu avec une belle honnêteté. Dans ce cas,
je peux encore poser une question? Comment fais-tu pour ne pas trouver contradictoire cet ordre de Dieu et le
fait de ne pas accepter les filles voilées à l'école? ; C'est un ordre de notre État laïc de ne pas admettre dans
les cours privés comme 8' l'êcole les filles voilées. ; Maître, pardonnez-moi, puis-je poser une question? L'ordre
de l'État est-il plus grand que l'ordre de Dieu. maÎtre? / C'es t une bonne question. Mais dans un État/aïc ces
choses sont différentes. / Tres juste, maître, je voudrais baiser votre main'. N 'ayez pas peur, maître. allez, allez,
a
que je baise satiété votre main. Oh, que Dieu nous bénisse. Vous avez compris tout le respect que j'ai pour
vous. Maintenant, maître, puis-je, s'il vous plaît, poser une autre question? ; Allez-y, je vous en prie. ; Maître,
être !aic c'est bien etre sans religion? ; Non, ; Dans ce cas, pourquoi n'acceptez-vous pas en cours nos fil/es
croyantes qui mettent vraiment en application leur religion? ; Ciel, mon fils. cela ne seri a rien de discuter de
ces sujets. Toute la journée, sur les chaînes de télévision d'Istanbul on parle de ces sujets; et quoi bon ? Ni a
les filles ne se dévoilent ni l'État ne les admet dans cette tenue en cours. / Bien, maître, puis-je vous poser une
question? Pardonnez-moi mais priver de leurs droits 8' l'éducation les filles qui se voilent, nos filles élevées à
grand peine, ces filles travailleuses, polies, obéissantes, est-ce que c'est en accord d'une quelconque manière
avec notre Constitution et avec la liberté d'éducation el de religion? Est-ce que votre conscience n'est pas
heurtée, dites, je vous en prie, maître? / Ces filles, si elles étaient si obéissantes, eh bien elles se dévoileraient.
{. . .} / Ma itre, pardonnez-moi, alors même que c 'est stipulé d'une manière claire dans les soura/es Ahzap2 et la
l umière du Saint Coran, veroe de Dieu, le désarroi de ces filles que vous opprimez aux portes des universités
ne s'insinue pas dans votre conscience? / Mon fils, le Saint Coran dit aussi qu'il faut couper la main du voleur,
pourtant notre État ne la coupe pas. Pourquoi ne te dresses-tu pas contre ça? / Très bonne question, maître, Je
veux baiser votre main. Mais est-ce que l'honneur de nos femmes c'est la même chose que /e bras du voleur?
{. . .} Maitre, s'il vous plait, puis-je poser une question? A abandonner sans éducation ces femmes qui se voilent
vous les mettez au ban de la société, est-ce que nous voulons vendre pour deux sous l'honneur de nos femmes,
comme dans l'Europe de la révolution sexuelle [H') ?
oman Pamuk, Neige, lladl.l'l du IUle pal Jean·François Pérou$ll, Paris Gallimard, 2005.
'Expression encore couranle da ,espac1 ilIl'adressu da pe~nes ilgêas BI da personnes considéréeS COITI!'I'Ie vénérables.
, Sourale 331.6S coaNslis'
question de l'image
Le jeune Muhammad reconnu
par le moine chrétien BahÎra ,
XIV" siècle
L A re ligion m us ul-
mane cst-ellc aussi ré-
usage privé et profane. à la différence
du <:hristianis me où l'image, parfoi s
Miniature iranienne illustrant le JAmi' s !·TawârÎ/(h
("La Somme des Chroniquas'). histoire univor.>elle
é<:rite en 1302 par Rashîd ad·Din Faz·luH.éh
ti ve il l'i mage qu'on le dil souvent. l'icône. fai t l' o bjet d'une vénératio n, rabrb. a!1ribuéo au Mailro dOl> iCénol> do ''''''';\1 du
cn invoquant r an des :lrabcsqucs. lcs centrale dans la dévotion. non sans prophèle. parchemin. Taoriz , ~ers 1307
Université d'Édimbourg, Arabie Ms Or 20 1.43 v"
motifs géométriques et la call igra- avoir s usc ité de débats, par exemple
ProJetabte en transparent
phie qui ornent les stucs, les boiseries. lo rs de la c rise iconoclaste qui affecta
les métaux ouvragés ct. de man ière l'Empire byzant in au IX<siècle,
générale. tout [' "rti sanm dan s l'aire Un tou rnant important se produit
de c ivil isation musulmane? A-t-elle au X IV' siècle dans le domaine de im mortalisés par la scul pture et les
une spécifi té parrappon au judaïsme la m in iature, avec l' appa rition de e ffi gies de souverains sc multiplient
Cl <lU c hristiani sme? re prése nt a tions d u Prophète. Ce pour débo ucher parfois s ur un vé ri-
Il n' y a pas. dan s le Coran, de manuscrit iranien est l'un des plus wble c ulte de la personnalité. Même
théorie de l'image. En revanche. la anc iens témoig nages de celle mu - dan s un pays wlIhhfibite (S lli van t
Tradition. sunnite et e ncore plus chi ite. tatio n : il représen te Muhammad, à une interprétation liltérale du Coran)
li formellement déconseillé [a repré- l'fige de douze ;ms, re ncontra nt le comme le Qatar, le symbole national
sentation d'êtres possédant un souffle mo ine Bahira qui lui an no nce sa est un ê tre an imé, une gazelle.
vital. h urnain.~ ct a nimaux. C'est donc destinée. Lil scène mélange des sty- Depuis le XIX<siècle. Illllrqué par
moi ns L ut figurJ.tif en tant que tel que les d ivers. c hinoi s pour les lraits des l'essor des images, celte évolll!ion ne
la représentation d'ani mau x o u de per- visages. byzanti n pour la rép<lrtition suscite que peu de débats. La litho-
sonnes qui est condamnée par les ju- des personnages, irani e n pour les ca- gmphie fa vorise le développement
ristes musulmans. Aussi les mosaïques racté rist iq ues ves timel1laires et pour et la diffus ion de l'image populaire,
de la façade de Iii Gr.mde mosquée des les barbes. ct arabe pour le cadre ca- Saladin étant un des personnages les
Umayyades de Damas, construite il la ra vanie r de la re ncontre. La mission plu s re présent és , par exe mple s ur
fin du VII' siècle. o u celles du Dô me prophétiq ue de Muhammad. dont la les peintures sous o u sur verre de
du Rocher il Jérusalem, il la mê me jcunesscest symbolisée par l'absence Tuni sie o u de Turquie. Pourtant. c' est
date . peuve nl-elles offrir au regard de barbe, est annoncée par le person- la photog rap hie q ui va populariser
des paysages, nota mme nt urbains. e t nage androg yne (vraisemblablement le portrait. mê me dans les milieux
des motifs fl orau x tout en respec tant l'archange Gabrie l) (lUi. du ciel. par- traditionnels, com me le révèle ces
cct interd it c anoniq ue. fume la tête de Muhammad. femme s voilées se prenant en photo-
L'i dée q ui prév:lut. dans la Tr:ldi - Cette inno va tion est liée il ]';lP- grap hie dans un contexte "reli gie ux".
tion, est que les images SO IU impures parilio n, dans le monde iranien. de pui squ'il s' a g it d'un pè lerina ge à
et donc im::ornpat iblcs :wec l' exercice cours pri nc ières se livrant:lu mécéna t. Kerba la. Alors que les textes n'ont
de la prière. L'interdic tion légale est à l'influence de la peinture d'Extrê- pas c h:mgé, les prises de pos ition
ai ns i liée d'une part à l'oppos ition me-Orient c t à la d ifru s ion du papier: des docteurs de la Loi ont évolué. Ce
orig ine lle de la nouvelle religio n au certainement pas . e n revanche. à une n' est donc pas l'opinio n des o ulémas
c ulte des ido les préi slamiques - la altitude doctrinale plus favorabl e du qui façonne la société, comme on le
s tat ua ire a donc touj o urs é té mal chi is me au développement de l'image. prétend so uve nt. c'est r évolutio n de
vue da ns les milieu x religieux mu- lei. la mi niature ill us tre d'ailleu rs la socié té qui contraint ceux-i,:Î à re-
s ul mans - , d ' autre part il la cra inte un texte commandé par le s ult an formuler le droit a fin de lég itime r au
de voir le peintre concurrencer l'acte Ghazfin Khfi n, installé il Tabri z, en moins partielleme nt cc qu i est déjà en-
c réateur de Dieu, dans la droite lig ne Iran, pre mier sultan mongol il opter tré dans les mœu rs. Ains i les oulé mas
du troi s iè me c omm ande men t de pour l' isla m, ct plus précisément pour s<loudiens, impuissants à interdire la
Moïse: ''Tu ne te feras poilU d'image le su nni sme. L'appari tion de repré- télévision, affinnent que l' inte rd iction
taillée, ni de représentation quelcon- senta tions du Prophète re fl è te do nc dépend du ty pe d 'émission regardée.
que des e hoses qui sont e n haut dans plutôt l'autonomi sat ion progres.~ i\'e Et l'attitude rigoriste de certains wah-
les c ie ux, qui sont en bas sur la terre, du domaine pol itique par rapport aux hilbites refusant toute sorte d 'Image,
et qu i sont dans les eau.'" plus bas que interdits relig ieux. ilulOnomi satio n mê me photograph iq ue. a un impact
la terre". En is lam, l'exclus ion d u qui débouc he finalement. après la minime sur la soc iété.
fi gu ratif de l' espace sacré en partic u- Pre mière Guerre mo ndiale, s ur le Leseul espace qui reste aujourd'hui
lie r. et de l'espace public en général. développement ril pide de l'art de la préservé de cette prolifération oontem-
a cond ui t à réserver [':lrt fi g ur:ltifà un statuaire . Les hé ros de la nation SO I1l poraine de l'image est la mosquée.
Une représentation de Damas? Mosaïque de la Grande $ciuvenir photographique à l'occasion d'un pèlerinage à Kerbala,
1-_;.;.0 mosquée des Umayyades, Damas, Ville siècle ~-.;; Iraq, février 2004
lam et économie de marché
"L'islam de marché" enseigné
aux enfants en Indonésie, 2002
o E M ax Weber à
Maxi me Rodinson. de
À l'échelle du monde, cene nou-
velle islamité se défin it en panie en
Rana R.Natawigena (dessins). Ariyanti Pratiwi
(leXIes). Saudagar KsciI('1Jn pelit marchand").
Bandung : MO media. juin 2002.
nombreux auteurs onl posé la ques- o pposition au libérali sme occiden- Traduction de l'indonésien : Gwenaêl NjoIo-
tion de l'adéquation de la relig io n tal. dont elle a néanmoi ns récupéré Feillard
ProJetable en Iransparenl
musulmane aux contraintes du capi- certaines des valeurs et des techni-
t:l lislllc. Ce débat a traversé l'islam ques . Elle cherche à promouvoir une
lui-même. Si le prophète Muhammad fomle "d'économie islamique". entre m:lr.:hé : voilà bien des siècles que
était un commerçant, cc qui s uffit à capitalisme ct soci:tlisme: du capita- les docteurs de la Loi utilisent la
fa ire du commerce un domaine vaIn-. lisme elle retienttOUles les technique... te.:hnique de la hNa ( l' astuce ou
Tisé pour les mus ulmans, le Comn et concrètes. du social isme la redistri - ruse juridique) pour légiti mer la
laTmdition musulmane interdisent le bution d'une p.."lTI des bénéfices à des lettre de change hier. les prêts à in-
ribll, notion dont l' interpréta tion ne œuvres sociales ou à des causes. Cest térêt aujourd· hui . La mondialisatio n
rait pas l'unanimité parmi les oulé- leca~ de Me<.'Ca-Cola. boisson gazeuse contemporaine des économies, les
mas: s' agit-i l de toul type d'j ntérêt ayant fait l'objet d'un vaste marketin!l. dis ponibilités financière s de certains
ou seulement de [' us ure? dont 20 % des bénéfices sont distri- États mus ulmans, l'essor de classes
Cette bande dessinée indonésien- bués à des œuvres. la moitié de ces moye nnes sol va bles ct l' existence de
ne. écrite à l' ini tiat ive d 'Abd ullah 20% devant revenir aux enrants de nouveaux moyens decommu nication
Gymnastiar qui. comme beaucoup Palesti ne. De mc!me. dans les gmndes propul sent s ur III scène médiatique
d'autres. a fa it forlune grâce à ses banques "islamiques". un consei l de des déba ts qu i ex istent depui s des
activités de téléprédicatcur. oppose surveillance vei lle au car.lctère légal siècles dans le mo nde musulman ct
deux types dïslam à travers l'exem- (du point de vue du droit religieux) de.~ débouchent sur une "marchandisation
pic de jeunes Indonésiens souhaitant techniq ues finan cières utilisées: en du reli!lieux". quel les 'lu 'en soient les
se faire un peu d'argent de poche en fai t. ce conseil est chargé de dél ivrer un moti vations. Ainsi. les produits lU/Mf
ve ndant des petils pains. Dans la pre- label "islamique". Comme on le voit (" lici tes") sont destinés à concur-
mière pl:mche, l'I/s/(Ît/II ( pro fesseur, dans l'article d·e!· \lhftlll. il s' agit le rencer des produits équivalents non
savalll en religion) auquel ils s' adres- pl us souvent de donner un nom issu de musulmans. Tels sont les paradoxes
sent défen d un islam ··extralllondain". la tradition commerciale ctlinan.:ière de cct "i.~ 1:U1l de m:lrché". contraint
vis.mt au salut dans l'au -del à par 1:1 du monde mus ulman (murâ/)aha par à ];1 re ntabilité et à la soumi ssion aux
prière o u l' ascèse. hors du monde exemple) li un dispositir bancaire ou règles d'un marc hé mondial domi né
d 'id-bas : dans la deuxiè me plan- financi er existant pour "l·islamiser'·. par les économies occidentales. et ti-
che. au commire, un aUlre re ligieux Mal gré les appare nces. il n'y mm profit des exi!lences momIes des
les encoumge à pratiquer un islam a rien de nouvea u dans l'islam de classes moye nnes musulmanes.
" intramondain", mêlant spiritu:ll ité
imime et enrichissement ve rtueux.
Le d iscours de légitimation de la
/-_u
~ ne étiquette de Mecca·Cola , boisson lancée en France en nov. 2002
ric hesse individuelle par un travail
vert ueux. s' il n'est pas nouve.lU . dis-
pose aujourd ' hui de moye ns de com-
munication de masse. I)our certains
prédicateurs, le nouveau jiluid Il 'est
plus le martyre ou la révolution. mai s
le s:llut par les œuvres. Ils justifient
ainsi leur propre richesse et celle de
leur public. constitué e n partie de
classes moyennes pieuses. Le Corom
stigmati se l'impiété h:lbituelle des
riches: c'est donc une richesse pic,
signe de 1:1 gr.ke divine, une piété
dans l'opulence que prétende nt pro-
mouvoir ces "stars islamiques" du
pet it écran.
~~2J~
. ,~.::œ~~~~::~~~~~
:~~~~~::M~s............... ; ~ esl vra_
de conala!&r que noire pays esl encore
Oésler'IGanl de I ·~ ra nge r . _
lrisl.
Irès porteur qui place El Baraka dans une position de monopole. "Contracter un crédit. c'est bien. mais avoir la "baraka" , de
r..
Dieu. c'est mieux 1". Cette formule f résume parlaitement l'état d'esprit de ces milliers d'Algériens qui ont choisi le financement
a
islamique de leur voiture via El Baraka. Et la formule semble marcher merveille pour cette institution présente depuis une
dizaine d 'années en Algérie. Lancé en 2003, ce crédit version -halâl" a atteint, le mois dernier, seize milliards de dinars, soit
160 milliards de cenlimes. Karim Saïd, le responsable marketing s'enorgueillit de ce que El Baraka Bank soit leader ~dans le
financement automobile" avec pas moins de 32 000 véhicules financés. (.,.)
"Le marché de l'auto va encore exploser, on doit se préparer pour intéresser un maximum de dients", précise Karim Saïd.
Intéresser d'accord, mais pas par , .. "intérêt". Ce mot fâche beaucoup les responsables de cette banque, c 'est pourquoi il est
soigneusement enserré entre guillemets. Pour El Baraka, la notion d'intérêt est la ligne de démarcation avec les autres banques.
"Nous ne prélevons pas d'intérêt, mais juste une marge bénéficiaire qui est calculée sur la valeur du bien, parce que, pour nous,
l'intérét est péché (haramr,
Pour El Baraka , les choses sont claires : ~Le banking islamique suppose que la monnaie ne peut pas être elle-même créatrice de
surplus ". En termes simples, il est interdit de prêter de l'argent moyennant un remboursement plus conséquent. L'argument étant
que la monnaie possède une valeur d'échange et que, à ce titre, elle doit élre au préalable transformée en un bien réel ou un
service pour justifier la marge bénéficiaire, appelée la murâbaha. Et cette marge ne se justifie que s'il y a une opération d'achat
a
ou de vente du bien ou du service, Pour schématiser. le crédit auto El Baraka est une opération qUI consiste pour cette banque
à acheter une voiture au choix du client, qu'elle lui revend â un prix supérieur (la marge) suivant un échéancier préétabli. (.,.)
Chez El Baraka, le banking islamique n 'est pas un vain mot. Tous les chiffres et tous les dinars amassés grace aux différentes
opérations bancaires sont passées au crible. 1/ faut contr61er la conformité des bénéfices aux normes édictees par la charia. C'est
ainsi qu'à chaque fin d'exercice, trois auditeurs de charia [envoyês par la maison mère) et spécialisés dans le fiqh 2 vérifient les
comptes de El Baraka. Et si, par hasard, un dinar supplémentaire est détecté, il sera directement versé sur un compte spécial
a
qui sert financer les actions caritatives de la banque.
Hassan Moali. ' Le crédil vers.ion halAf . EJ,Willan. 26 mars 2006.
, Bénédiction
• Dfoil musulman
lam radical
ilL ' I SL AM ISME", veut accéder au pouvoir par l'éduca- ré primé les partis réformat eurs mu-
ou "islam radie .. !"", cst tion du jX!uple (art ,2), L'organisation, sulmans, surtout après la Révolution
conçu par les spécialistes de la ques- uès anticommuniste, prône un anti - islamique dïmn. en 1979.
tion co mme une idéologie. un projet co lon iali sme virulent (art.5) et. en En 1996. Oussama Be n Laden
de société. mêlant inlirnclllcn! Ics d i- même temps, une OPl>osition résolue lance une déclarat ion de guerre aux
mensions religieuse. sociale ct politi- au n:lt io na lisme au nom d u pan - Étals-U nis qu'i l accuse de profaner
que. Deux gmndes interprétat ions de isl:lmisme, Après l' assassin:lt de son la terre sacrée de La Mecque ct de
''l'islamisme'' se sonl mises cn place fondateur en 1949, le mou\'ement des Méd ine, les deux "sanctuaires", mais
depu is les années 1980: la première Frères musulmans se TlIdicalise sous aussi d 'agresser les musulmans par-
n' cn connaît. pour construire ]' expli- l'influence de Mawdûdî ( 1903- 1979), tout dans le monde. Occultant toul
cutio n de la totalité du phénomène un théologie n réform:tteur fondamen- aut re cons idérati o n (écono mique,
de "l'islamisme", que l' expression tali ste pakist:tnais. et de Sayyid Qutb, stratégique, etc,), ce texte, de manière
la plus radicale: assassi nat , e n 198 1, jX!nseur égyptien qui dev ient un des caricaturale et manichéenne, réduit
du prés ident égyptie n Anou:lr al - chefs de l'organ isation, e n 1954. les mot ivations de to us les conn its
SlIdatc. cn raison de la sign:lture du Arrêté, Sayyid Qutb est condamné:1 à des questions religieuses. Il mêle
traité de paix avec Israël deux ans mort et exécuté en 1963. théorie paranoïaque du complot CI
plus tô t à Camp David, révolution Le mouvement des Frères mu - références historiques contradictoi-
is lamique d'Iran cn 1979 ... pro- sulmans constitue le prototype des res aux CroiS:ldcs, Il fei nt d'ignore r
longés récemme nt par les allentats futurs pan is "islamistes", désireux l'e xiste nce d'une forte minorité
de Bali . de Khanoum. de Knrachi. de réi sl:lmiser l:t société par le bas. chrétie nne arabe p:l lestin ie nne. Il
du I l septembre 200 1, elc. L' autre en vue de l' avène ment d'un État rédu it les lie ns hi storiq ues ent re
interprétat ion, défendue notamme nt islamique et de la restaur:ttion du les États- Uni s et l'Arabie saoudite.
par Françoi s Burgat. conteste la califat origine l. mythifié, Tous ces le Pakistan. la Turquie (les " valets"
précédente: e lle met l'accent sur mouvements, qui sont par ailleu rs évoqués dans le texte) à un simple
la dimension cu lturelle , identiwi rc anticolonialistes, développent l' idée rapport de vassal ité ... et surtout .
et nation:l li ste du phénomène, en que le despotism e est e n partie au nom de l' unité rêvée de tous les
:lIIé nuant et en contexlU:lli sant sa responsllble du retard des soc iétés musul mans, il passe sous silence III
dime ns io n strictement re lig ieuse, musulm:tnes, Ils s' inscrivent d:tns la rivalité millé naire entre chiites et
en considérant comme relat ivement tradition de contestation du pou voir sunnites ct la di versité de l'islam,
margi nale sa composante ex trémiste politique par les ho mmes de religion L'islam radiclli trou\'edesadeptes
et en déno nçant par-dessus tout son et manifeste ni la pé rennité, d:tns en pan iculicrau scin du wahhâbisme.
antinomie supposée :I Vec les dynam i- le monde musulman, du lien cOIre une réforme du h:tnbalisme (une des
ques de modernisation sociale et de l'islam et la cité, et 1:\ cap:tcité des quatre écoles j uridiques sunnite s,
libéralisation politique, ou lémas à lég itimer ou discréditer éga lemen t cou r:lllt théologique).
Le deuxième texte est extrait de les pouvoirs en place, qui prône l'application rigori ste Ct
la profession de foi de l' organismion Dan s la sec onde moi t ié du littérale des préceptes coraniques,
d es Frères musulmans, fondée en XX' siècle, le mouvement de réfo rme Les wahhâbites se disent sala/isles,
1928 par Hassan al-Bannâ, dans la mu sulma n, dont les Frères musul- c'est-à-dire "respectueux des pieu.x
continuité d'un v:lste mouvement de m:ms ne sont qu' un :tspect. héritier ancêtres", Cerl:ti ns, des intégristes
réfonne lancé à hl fin du XIX' siècle d'une longue tradi tion de contesta- qu' on pourrait qualifier de " puritai ns
par des in te llectue ls mus ulm ans tion.:t combattu les régimes en pl:tce de l' islam", prônent une ré forme
e t con nu sou s le nom de Nllluill aux côtés des partis d'opposÎtÎon , p:tc ifique des mœurs: d'autres. e.x·
(<<éve il "). Né e n Égypte e n 1906, laïques. soci:tlistes ou communisles, trê mement minoritaires, se to ur-
Hassan al-Bannâ re<,"Oit une éducmion libéraux et démocrates. Pendant la nent vers le néo fondamental is me
rel igieuse traditionnelle, entre dans guerre froide, cc COUr.UII de contes- et J':lction :trmée contre l' Occident.
un ordre soufi et devient instituteur t:llion a été re lati vement é p:l rgné considéré d:ms son ensemble comme
e n 1927. Après avoir comme ncé par p:lr des pouvoirs souvent alliés aux l'ennemi de l'islam ,
prêcher dans les cafés, il décide de États-Unis, alors que tOUles les autres
form er une confrérie à but moral et oppositions ont été comb:tttues très
éducatif. qui a un gr.lIld succès en fe rmement. Seuls les régimes laïcs
Égypte et e n Syrie, Le mou veme nt socialisllnls de Syrie et d' Iraq ont
r
Ions redire ici que la matrice de l'islamisme n'est aulre que la reformulalion ,
avec un lexique plus endogène, de la vieille dynamique nationaliste ou anli-im-
périaliste arabe. t..:apport du passage au langage Ureligieux a bien sûr été de
R
faciliter la condamnation éthique d'un Occident perçu bien moins comme chré-
tien que comme ... déchristian isé el matérialiste. Ressenti comme endogène,
François Burgat : ce tangage a de su rcroît el surtout répondu au besoin des anciens colonisés
qu'est-ce que de se (re)différencier de l'Occident - moins d'ailleurs que de le renier - et de lui
l' islamisme? redonner, en s'écartant de lui , tous les attributs de l'altérité. [Les] raisons que
donnent bon nombre de leaders ~ nassériens" ou ~ baassistes" de leur ~recon
François 9o,gal. L'islamisme en lace. version" à l'univers de la pensée religieuse illustrent bien cette continuité : peu
Paris : La OécouverlelPoche. 2' édition.
2002. à peu , le lexique endogène de la culture musulmane héritée leur est apparu
plus apte que les concepts importés du marxisme (qui inspiraient auparavant la
gauche arabe) â exprimer leur ferveur nationaliste.
Cette ~généal ogie" de l'islamisme permet de mieux comprendre pourquoi la
résurgence des catégories de la culture islamique n'a pas nourri une mais une
infinie variété de projets politiques. [ ... ] Dans la sphère des relations entre le
Nord "judéo-ch rétien" et le Sud "musulman", les messages des groupes qui ont
adopté "l'action d irecte" depuis le milieu des années 1990 confirment la centra-
lité de l'hypothèse ~a nt Hmpérialiste" - mais, pour ne pas prendre le risque d'en
"faire le jeu", ou peut-être aussi parce qu'ils ne sont pas toujours agréables à
entendre, on a souvent omis d'en rendre publique la teneur.
1. Je crois que tout est sous l'ordre de Dieu ; que Muhammad est le sceau
de toute la prophétie adressée â tous les hommes, que la Rétribution [éter-
Le credo des Frères nelle] est une réalité , que le Coran est le Livre de Dieu , que l'islam est une Loi
musulmans, 1935 complète pour diriger cette vie et l'autre. Et je promets de réciter [chaque jour]
pour moi-même une section du Coran , de m'en tenir à la Tradition authentique,
d'étudier la vie du Prophète et l'histoire des compagnons. [... ]
2. Je crois que l'action droite, la vertu et la connaissance sont parmi les
C~é clans OIMe' Carré el Michel Seurat. piliers de l'islam. (... ]
Les Freres musulmans (1928-1982).
Paris : L.:Harmaltan, 2001. 4 . Je crois que le musulman est responsable de sa famille, qu'il a le devoir
de la conserver en bonne santé, dans la foi , dans les bonnes mœurs. Et je
promets de faire mon possible en ce sens et d'insuffler les enseignements de
l'islam aux membres de ma famille. Je ne ferai pas entrer mes fils dans une
école qui ne préserve rait pas leurs croyances, leurs bonne mœurs. Je leur sup-
primerai tous les journaux, livres, publications qui nient les enseigneme nts de
l'islam, et pareillement les organ isations, les groupes, les clubs de cette sorte.
5. Je crois que le musulman a le devoir de faire revivre l'islam par la renais-
sance de ses différents peuples, par le retour de sa législation propre , et que
la bannière de l'islam doit couvrir le genre humain et que chaque musulman a
pour mission d'éduquer le monde selon les principes de l'islam. Et je promets
de combattre pour accomplir cette mission tant que je vivrai et de sacrifier pou r
cela tout ce que je possède.
Chacun d'entre vous sait quelle injustice, quelle oppression, quelle agres-
sion subissent les musulmans de la part de l'alliance judéo-croisée et de ses
Ben Laden : déclara- valets! À tel po int que le sang des musulmans n'a plus aucun prix, que leurs
tion de jihâd contre biens et leur argent sont offerts en pillage à leurs ennemis. [ ... ] Et tout cela au
les Américains, 1996 vu et au su du monde entier, pour ne pas dire en raison du complot des Amé-
ricains et de leurs alliés, derrière l'écran de fumée des Nations Injustes Unies.
Oussama Ben Ladon. -Déclaration de Mais les musulmans se sont rendus compte qu'ils étaient la cible principale de
jihAd contre lM Américains qui occup&nt la coalition judéo"croisée, et toute cette propagande mensongère sur les droits
le pays cI8s deux ~eux saints".
de l'Homme a laissé la place aux coups portés et aux massacres perpétrés
23 ao(ll 1996
Cité dans Gilles KepeI (di •.). AI·Qaidll contre les musu lmans sur toute la surface de la terre.
dans 16 lexIe. Pa ris : PUF. 2005. La dernière calamité à s'être abattue sur les musulmans, c'est l'occupation
du pays des deux sanctuaires, le foyer de la maison de l'islam et le berceau de
la prophétie, depuis le décès du Prophète et la source du message divin , où se
trouve la sainte Ka'ba vers laquelle prient l'ensemble des musulmans, et cela
par les armées des ch rétiens américains et leurs all iés! Il n'y a de force et de
puissance qu'en Dieu!
islam et la France au Maghre
- L ES relations de la
France ct du Maghreb
sont com plexe s. De la mort de
Louis IX. futur Saint Louis, devant
Tunis e n 1280. à la renconlre de
au cours des siècles et actual isée en droit musulman, négativement. une
fonction du contexte. Les devoirs instrumentalisation de la relig ion pm
évoqués sont ceux, traditionnels, du
calife: guerre défensive (jiIIlÎd) pour
un homme politique.
L'atti tude de la France à l' égard
protéger le dtir a/-i.rllÎm ("territoire de l'i slam alla de la répression , avec
footba ll France-Algérie au Stade de de l'i slam"), justice , paix sociale, le gouverneur général Bugeaud en
France en 2003, e lles sont passées par respeci des principcs de la Lo i d ivine Algérie, au respect ct à 1":Idmiratio n,
toute la gamme de la fascination à la el de l' exemple muhammadien. avec le m:lréch:ll Lyautey au Maroc.
haine, des échanges pacifiques et de Tels sont les cadres de la pensée Ce dern ier avait l'intuition que les
la m ixité des unions à la plus grande politique dans la presque totalité du Européens en terre d'I slam étaient
violence. Cela ne relève pasdu conflit monde musul man et te ls sont les ré- '"de tro p", qu'ils s'étaie nt imposés,
de c ivilisations mai s d'une hi slOi re férents obligés de toute réforme, de sans y avoir été invi tés. Celil faisait
où l'i slam a pu servir de référent tout discours politique, Même Habib d' eux des profanateurs, Pour atténuer
idéologique ou idcnti tairc. Bourguiba. le premier président de les sources de ressentiment possible,
La conquête de [' Algérie par la la Tuni sie, héros de l'indépendance pour amortir le choc de l'irruption
France. à part ir de 1830, a été extrê- du pilys (1956), ratt:lche son combilt des Françai s, Lyautey préconise de
mement violente. Abde lkadcr ('Abd contre la pu issance coloniale fran - préserver l'intimité du culte et l' in-
al-Qâdi r). né en 1808 il l'ouest de çaise aujilJ{jd, à la lutte pour la libé- tégrité des musulmans, Il prend ai nsi
Mascara (ou Mouaskar. Algérie), est rat ion des terres musulmanes et à la plu sieurs mesures parmi lesq uelles
un théologien mystique issu J"une "sauvegarde des valeurs de l'islam" . l' interdiction d'accès aux Européens
f:tlni lle chérifi enne - c' cst-i't-dirc cen- ll utili se même cet argument dans Li n dans les sanctuaires mu sul man s:
sée re monter au Prophète par 'A li et discours incit:Ult ses concitoyens il ne mosq uées, zliwiy a- s, cimetières,
Fâti ma -qui dirigeait une ZlÎll'iya (er- pas respecter le jeûne du ramadan, madra.w-s. Apparemment, ces me-
mitage) rallachée à la confrérie soufie pourtant un des cinq "piliers de l'is- sures pri ses par arrêtés municipaux
Qlidiriyya. La conquête française le lam", pour ne pas nuire il l'économie ne furent pas relayées par le sultan
<:onduisit à rés iste r par les armes. du pays, Pour al ler contre l' avis des et ne semblent pas avoir répondu à
Favorisé par son savoir, son charisme ou lémas consultés . qu i ont refusé une demande des Marocains, C'est
et sa réputation, Abde lkader prit la di- d'interdire le jeûne, Bourguiba fa it aujourd'hui une originalité du Ma-
rection du mou veme nt qu i visait tout :Ippel à un l1tulÎlh sur la récompense ghreb par rapport au reste du monde
à la fois à réformer les mœurs politi- divine qui :m end to ute personne musulman que l'entrée des mosquées
ques de la société algérienne, à rendre pratiquant l'ij liluÎl/ (e ffort d'inte r- soit toujours interdite aux non-musul -
l'Algérie indépendante de la tutelle prétm ion de la Loi) : récompense mans.. . il la suite d'une décision de la
ollomane ct à résister il l'invas ion simple en cas d'erreur, récompense pui ssance coloniale,
françai se. Les référents po litiques double en CotS de bonne décision. Les
d'Abde lkader sont tous issus de la ou lém:ls consultés par Bourguiba se-
plus pure tradition arabo-musulmane, raient, selon lui, rétifs il l' inte ll igence
comme en témo igne l'allégeance que et se contenteraient de répéter sans
lui prête un groupe de tribus en 1832. réfl ex ion ce qu' ils ont appris, c' est-à-
Dans sa forme même (style, structure dire de pratiquer le /aq/ùi ("imi tation
et vocabulaire), cet acte d'allégeance servile"), contre l'exemple mêmede
s' inscrit dans une tradition remontant Muhammad, l'I nnovateur par excel-
aux origi nes de l'islam, En outre, les lence. Ces références au Coran et à la
référenœs au désintéressement , il la Tradition (SIIIIIW) assoient les propos
luite <:ontre l'ennemi (fr:mçais), à de Bourguiba sur les fondeme nts
l' unificat ion des tribus par la réforme traditionne ls d u droit musulman
des mœurs, à l'i mpémtif de justice, au (jiqh ) et lui permettent de présenter
titre <:al ifal de "prince des croyants" sa d éc ision comme une [a/wu ou
et à la c rainte du chât iment divin consultation juridique, el lu i-même
s'intègrent toutes dans le cadre d' une co mme un II/Iifli pratiquant lïjlihâd.
pensée politi<:o-religieuse, é laborée Lu positivement. cc discours est une
par les grands penseurs musul mans tentative élaborée de ré forme du
vous shuyûkh et oulêmas, à vous gens des tribus, et en particulier à vous
nobles d'épée, notables et marchands, savants, à vous tous, sal ut! [ ...j Les
habitants des régions de Mascara , [ ... jleurs voisins et alliés ' [... 1 et d'autres
encore non dénommés, sont unanimement convenus de me confier l'autorité
su prême de notre pays [ ... j. En conséquence, et bien que je m'en sois énergi-
quement défendu , j'ai accepté d'assumer cette lourde tâche. dans l'espoir de
pouvoir être le moyen d'unir la communauté des musulmans, d'éteindre leurs
querelles intestines et d'apporter une sécurité générale à tous les habitants de
ce pays, de mettre fin à tous les actes illégaux perpétrés par les fauteurs de
désordre contre les honnêtes gens, de refouler et de battre ,'ennemi qui envahit
Cité dans BnH1(l Étienne, AbOOlkad6r. IsrhfTlfl notre territoire dans le dessein de nous imposer son joug. Comme condition à
des/srhmes. Paris : Hachette. 1994. mon acceptation, j'ai imposé à ceux qui m'ont délégué le pouvoir suprême, le
devoir de toujours se conformer dans toutes leurs actions, aux saints préceptes
, Sui! une lisle de tribus
• C·est·A·dire AbdeIkader, !orme irancisée du et à l'enseignement du Livre de Dieu et de rendre la justice, dans leur ressort
nom arabe respectif, suivant la loi du Prophète, loyalement et impartialement, au fort et au
faible, au noble et au vertueux. Ils ont souscrit à cette condition. Je vous invite
donc à confirmer celle promesse et le contrat passé entre nous. En conséquen-
ce, hâtez-vous de manifester votre allégeance et votre obéissance. Puisse Dieu
vous apporter la prospérité en ce monde et dans l'autre. [... ] Par ordre du défen-
seur de la foi, notre souverain, le seigneur prince des fidèles, 'Abd al-Qâdi r!l ibn
Muhiy al-Din - Que Dieu lui donne la victoire. AmÎn .
Le Résident général rappelle que l'entrée des madrasa-s est en principe in-
terdite aux Européens. Ces établissements de caractère religieux sont réservés
Lyautey: les Euro- à l'étude et à la prière, ne peuvent être considérés comme des lieux de visite
péens inte rdits touristique et ne doivent en aucun cas être ouverts à des caravanes de voya-
de madrasa-s, 1921 geurs ni à des collectivités. Des abus se sont introduits depuis quelque temps à
cet égard. De nombreux manques de tenue, de correction et de discrétion ont
été signalés. Des dames y ont pénétré contrairement aux règles les plus strictes
NOie de service du maréch.a l Lyautey ' au sujet
des madrasa-s (Universilé,)". 18 mai 1921 . de ces établissements religieux. Des réclamations légitimes se sont produites
çitée dans Lraurer l'A/ricain. éd. P. Lyauley. 1. 4 . de la part des fidèles.
Paris : Plon. 1956. D'accord avec S.M. le sultan, le vizir des habüs et le pacha de Fès, ne
peuvent y entrer à titre exceptionnel et individuel, dans l'intérêt de l'Art et des
recherches historiques ou pour des motifs de haute convenance politique, que
les individualités nominativement désignées par les autorités [ ... j et accompa-
gnées d'un de leurs agents.
En tant que chef d'État musulman , je peux moi aussi parler au nom de la
religion. Tout le monde sait ce que j'ai fait pour l'islam à un moment où les profes-
seurs!, qui s'en tiennent aujourd'hui à une prudente réselVe, ne manquaient pas
Bourguiba:
de complaisance à l'égard du régime colonial [ ... j. Pendant ce temps nous étions
la "réforme
en train de lutter pour la sauvegarde des valeurs de l'islam. C'est un fait qu'elles
du jeûne", 1960
dominent, aujourd'hui, la vie de ce pays.
Si j'ai sollicité l'avis de ces professeurs, c'est pour que notre action se recom·
Habib Bourguiba. "la rérorme du jeûne- (dis· mande de l'adhésion unanime. [... J Il est inconcevable que nous puissions consen-
çours de Tunis, 18 lévrier 1960).
tir à dilapider tout un mois de travail alors que la religion elle-même prévoit des
cilé dans Jean Rous. Habib Bourguiba.
ROmOrllOtin : Editions Mar tinsart 1984. tolérances, aussi bien dans le Coran que dans la tradition du Prophète. Chaque
lois que les exigences du temporel se sont révélées difficiles à concilier avec
l'obligation du jeûne, notre Pmphète a fait prévaloir la logique et la raison d'Êta!.
' Les ()Ulémas. enseignant le droit lit la théolo· Malheureusement, nos pmfesseurs appartiennent à une catégorie d'esprits
gie musulmans
qui se refusent à raisonner et à se faire un jugement propre à la lumière des en-
seignements du Coran et de la Tradition . Ils n'en ont pas l'habitude. C'est inhérent
à leur formation. {... J
Il faut donc commencer par le commencement, compter sur l'intelligence et,
pour cela, la libérer de tous les complexes. D'ailleurs, l'islam est la seule religion
à avoir encouragé l'esprit d'initiative. t..:homme qui cherche, mais se trompe, a
son mérite. Celui qui cherche et aboutit à des conclusions saines est doublement
méritant. Ce noble enseignement devra toujours nous guider. [... j
Dans la mesure où le jeûne se révélera incompatible avec l'effort, il ne faut
pas se priver du bénéfice des tolérances. On pourra alors rompre le jeûne, la
conscience tranquille. C'est ma tatwa [... J
lams d'Europe
Prière du vendredi à la
"mosquée" de Montreuil,
15 janvier 20D2
,...........
Musulmans dans les Balkans, 2006
Mosquée Tombul bâtie en 1744, Schumen, Bulgarie
R. TCH(QUE .
SLOVAQUIE
"VTRlCHE • UKRAINE
•
• HONGRIE
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MOUlAVI[
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p~NIE
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-_._.
qu'un tronc de baobab et plein comme le djoliba au
fort de l'hivernage. La musique, la danse, la sagesse,
~.
1 w.u~ IT~ N I E la longévité sont comme la divination des dons, des vo-
!
~ =- '-
- '-- cations, des graces. Le ch6mage conduit actuellement
ï l1W~ -=-.. __
1. menteurs aux langues mielleuses à exercer la divination
sans en avoir le don. La rapidité de la langue est une
.J....:J ;:::::::... demi-faveur d'Allâh ; elle n'est pas la divination. Le don
1
! ·•
.- réserve cl quelques élus. Bokano Yacouba était de
ceux-là Allâh l'avait gratifié, comblé des grandes et des
pleines générosités que lui seul possède. [. .. f
1 ·•
>
.- g ""
C'est raide et à la lueur des flambeaux que Nadjouma'
arriva sur une CÎviére dans le campement du guérisseur
des possédés, des fous .. . des incurables. Le guérisseur
j .
, .
des possédés, le réalisateur des choses impossibles
j
"•
...--
..-. ..... _-
~-
_ I~t:
étaient quelques-uns des innombrables surnoms de
Bokano. Dans toutes les montagnes et 'res loin dans les
plaines. on célébrait son érudition dans le maraboutage,
.-...... .-
. ~-
1 ----
-...-..-:
le Coran et les arts divinatoires. Il manipulait avec bon-
heur et réussite les prophéties de Muhammad qu'il tirait
l --"".",,--
~ du Coran. Les djinns et les ames des ancêtres ne lui
taisaient aucun de leurs secrets quand ses doigts les
Carto tirée de AI/as de fis/am dons le monde. Anne-Laure Dupont. Guillaume interrogeaient par le sable de la géomancie.
Balavoine. Atlas/Monde C Éditions Autrement. 2005. Ahmadou Kourouma . En IItrondant le 1'0111 des beles sauvages.
Paris : Éditions du Seuil. 1998.
' la mère du héros. considérée comme possédée.
ndonésie, premier pays
musulman du monde
La diffusion de l'islam
en Malaisie et en Indonésie
•
OCÉAN INDIEN
Roulell commen:ialea
" ••• Tuban Ti mor
··: __. _DeraJata
• P"'$fJflCe musulmane aux XII,.·XI'I" siècles
o """'~"
:'Cirebon .... KUdus G'reSik
Jakarta K I ~te n
+ Tombeaux des neutsainll de Java
D'après Allas de rislam dans le monde, Anne·Laure Dupont, GlIillaume Bala...olne, AtlaslMonde, ÉdilXlns Aulremel'll, 2005.
,""_500
;;;; karno : l'islam par la représenlalion, 1945 Extrait du préambule de la Constitution
Nous tous, moi aussi, sommes musulmans. Dieu me pardonne. mon
f-- - de la République d'Indooésie, 18 août 1945
islam est loin d 'il/re parfait, mes amis, si vous voulez voir en moi, si vous (".] Par la grace de Dieu tout Puissant et animé par le
voulez lire dans mon cœur, vous ne trouverez rien d'autre qu'un cœur désir d'avoir une vie nationale libre, le peuple indonésien
de musulman, Et de toute son Ame de musulman, Bung Kama' aspire proclame son indépendance,
à défendre l'islam, dans le consensus, dans la concerta/ion. Car c'est D'autre pari, afin de former un gouvernement de l'Êtal
par le consensus que nous pouvons améliorer toute chose et assurer indonésien protecteur de la nation et de la patrie. pour
le salut de la religion. je veux dire la discussion et la concertation au que progresse le bien-être, pour que se développe la vie
sein d'un Parlement, intellectuelle de la nation et pour contribuer à l'établisse·
Ce dont nous ne sommes pas satisfaits, discutons-en au cours de ment d'un ordre mondial basé sur /'indépendance, la paix
délibérations, Le Parlement est le lieu pour exprimer nos exigences éternelle et la justice sociale, les structures de /'Indonésie
de musulmans. C'est là que nous demanderons aux dirigeants du indépendante sont décrites dans une Constitution de
peuple tout ce que nous estimerons nécessaire au mieux-étre. Si nous l'Êtat indonésien ayant la forme d'une République fondée
sommes vraiment un peuple musulman, faisons de notre mieux pour sur la souveraineté populaire el basée sur .- la croyance
que la majorité des sièges du Parlement que nous allons créer soient en un Dieu unique, l'Humanité juste et civilisée, l'Unité
occupés par des représentants de l'Islam. Si vraimenlle peuple indo- indonésienne, la Démocratie conduite avec sagesse dans
nésien est, dans sa majorité, musulman, si l'islam est, chez nous, une la concertation et la représentation et la Justice sociale
religion bien vivante dans le peuple, nous, les dirigeants, mobilisons pour tout le peuple indonésien.
l'ensemble de la population pour qu 'elle délegue le plus grand nombre
possible de représentants musulmans 8U Parlement. Supposons qu'il
y ait dans ce Parlement 100 sieges, eh bien, efforçons·nous d'obtenir
qu'il y en ait 60, 70, 80. 90 qui soient occupés par des personnalités
musulmanes, Il ira de soi que les lois qui sortiront de cette assemblée
seront des lois musulmanes. Et j'irai méme plus loin: si une telle
évidence devait s'imposer. on pourrait dire alors que /'islam est bien
vivant dans l'âme du peuple, puisque 60, 70, 80, 90 pour cent de ses
représentants seront des musulmans, des personnalités musulmanes,
des oulémas. S'il en est bien ainsi, je dirai : Vive l'islam indonésien, et
non l'islam prononcé du bout des levres.
Discours de Soekarno proooncé le 1" juitll945 devant les membres de la commission
d'étude pour la préparation de rindépeodance ilôoOllésioone réunie pour sa première
' Soekarno
siam dans le monde
Une géographie
de la diversité musulmane
LE croissant qui. de
la côte occide ntale de
juridiques sunnites sont très diffé-
re ntes les unes des autres ct n'ont
. f'o9uIation musulmane par pays en miHions
et poun::enl.ilges
, Conlessions et écoles juridiqUM musulmanes
l' Afriq ue j usqu' à I"A sic du Sud- rien à voir avec les cour.mts chiites, dans le monde
Est passe par les Asics Mineure ct très dissemblables e ntre eux: peu de Calles tirées de Arias de l'islam dans le monde,
Anne· Laure Duponl, Guillaume BataYOine, Alias!
centrale. correspond au "domaine points communs entre les Alaouites Monde CI Editions Autremenl, 2005.
de l'Islam", Il comprend: la zone de Syrie, p:lr exemple, et les Z:.ydites Proletable en transparent
ce nt ra le de ta première ex pansion du Yémen,
( YII<. V III" siède) du Maroc il J' Inde. Les logiques territoriales d'i m-
la zone sahé lie nne dont l'islamisa- plantation des grands courants mu- pouvoir d es Mamelouks qu i, à cause
tion. comme ncée vers le XW s iècle. sulrn:ms apparaisscm c lairement. de leurs origi nes turques, imposent le
s'cst faite surtout il partir des XIV L'école mâlékite valorise struc- hanafisme, il est déjà bien implanté
e t X \1< s iècles e n sc prolo ngea nt IUrellement l'u sage loca l pour in- dans les ports de l'océan Ind ien ct de
au cours des siècles sui vants. les terpréter la Loi divine, Les régions la mer de Chine, Dans les tribu nau x
littoraux ct archi pel s de l' o céa n maghrébines, à dominante berbère, indonésiens des XV'-XV III<siècles,
Indi e n. ou ve rt s ;1 lï sl:un dès les furen t séd ui tes par cette école qui les juges musulmans rende nt ainsi
X·· X' <sièc les . mai s mass ive ment leur permettait d' intégrer au droit leur déci sion en langue arabe ct selon
islamisés il. partir du XV siècl e. En musulman leurs propres coutumes, le droit c hafiite.
outrc. le poids démographique du Jusqu 'à nos jours, le m:1léki sme e.~t Quant au rite han:lfite, app:.ru en
subcontincnt indicn (pakistan . Inde. ['école juridique sunnite domi n:mt :1U Iraq dès le milieu du VIII< siècle, à
Bangladesh) cl de rlndonésic :Jppa- Maghreb et e n Afrique noire. une époq ue où la Tmdition du Pro-
raÎt claire lllent. Le hanbalisme, quant il lui. après phète (s uI/lia) faisait encore l'objet
Dans le détailjXlunant. la propor- avoi r joué, :IU Moyen Âge, un rôlc d'i ncess:lntes polémiques. ce sont le
tion de musulmans par Étal rend peu important à Bagd:.d . s'est enmciné, poids dé mographique ct l'influence
compte des répartitions régionales. sous sa forme wahhi1bite. d ans la des peuples turcs qu i e n expliq uent
Ai nsi, sur le milliard et demi J ' habi- péninsule Arabique, e t dé fend une la diffusion ct le succès durable dans
tants que compte la Chine, le f:liblc leclUre littér:.le du Cor:tn ct de la Tra- loute l'Eurasie centmle, Ce rite laisse
nombre relatif de musulmans (entre dition. Presque naturellement domine une relative autonomie aux oulémas
20 et 120 millions tout de mê me) au cœur de l'islam ambc une lecture dans la solution des problèmes théo-
dissimule l' existence de deux types de stricte du Coran, alors que dans la logiques ct jurid iques non traités
musulmans et leur inégale ré p:u1it io n périphérie occidentale s'esl imposée par les textes sacrés, en ménageant
sur le territoire: la grande majorité, une doctrine fais:mt une large part une gr:Ulde place :IU raisonnemcnt
turcopho ne, est concentrée da ns le aux traditions locules. par ana logie. qui donne au juriste
Turkestan Oriental ou Xi njia ng et La prédominan ce d e r éco le une cer1:.ine marge de liberté pour
subit la répression du régime de Pékin juridique chafjite dans les territoires prononcer un j ugement. Pour celle
qui colo nise le territoire en installant maritimes et insulaires de t'océan raison. l'école h:mafite susci te depuis
des non-musulm:lI1s sinophones : il Indi en ct du golfe Pe rsique a des lOujours l'hostilité des :lUtres écoles
ex iste aussi des musulrmms sinopho- raisons hi storiques, Les premiers juridiques, en particulier de r école
nes, les Hui, dispersés dans le pays, compto irs mu sulmans, ct les plu s hanbal ite, Fe rme ment in stall ée à
De mê mc, en Afrique, le Nigeria est importants. ainsi que les pre mières Boukhara ct Samarkand, c lic s'est
coupé en deux, Au nord, 1:. majorité communautés de marchands ambes. ensuite propagée dans le sous-conti-
de la population est musulmane: au persans ou indiens app:lr..issent sur nent ind ien ct duns l'empire Olloman,
sud, clic est chrétienne, En Russie, il les lilloraux de t' océan Indien au deux régions qui furent longtemps
faudra it souligner l:l concc nlrntion moment même oltl 'écolcdejurispru- liées à l'Eurasie centrale par de
des musulman s dans l'agg loméra- dence chaflite prédomine en Égypte, fécond s échanges commerciaux et
tion moscovite. Quant à l'Europe de en Iran ct en Iraq. au XI<siècle. Les inte llectuels.
l'Ouest, aux États- Unis, au Cn nada et marchands, les rnarin .~ ct les juges
à l' Austmlie, les zones de l'one densité chatï ites export en t avec e ux leur
correspomlent en généml aux grandes doctrine juridiquc. LorS(IUC le cha-
villes et régions industrielles, tiisme perd sa prépondérance dans
La seconde cane met e n valeur les terres du Proche ct du Moyen-
1:. di versité de l'islam , Les écoles Orient, en part iculier à l'arrivée au
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