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Alain Robbe-Grillet

(1922-2008)
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Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Courte biographie
Alain Robbe-Grillet est né à Brest le 18 août 1922 dans ce qu’il est
convenu d’appeler une famille modeste (parents trop marqués par l’esprit de
clan, libres-penseurs, insoumis, anarcho-monarchistes).
- études classiques des humanités gréco-latines;
des spécialisations dans les mathématiques et la biologie, pour entrer à l’Institut
national agronomique : diplômé en 1945.
Pendant sept ans - diverses fonctions au sein d’organismes officiels de recherche
(prévision statistique et de la pathologie végétale).
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Refus de ce premier roman (Un régicide) par plusieurs éditeurs parisiens,


il abandonne bientôt tout à fait la voie confortable d’une carrière pour se
consacrer à la lente écriture de livres qui, assure Gaston Gallimard, ne
correspondent à aucune espèce de public.
Son second roman paraît cependant aux éditions de Minuit, maison
clandestine fondée sous l’Occupation, dont Jérôme Lindon entend
maintenir l’idéal de résistance aux idées reçues.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

La Jalousie (1957) - remarquable échec commercial, qui


n’empêchera d’ailleurs pas ce livre d’être bientôt traduit en une 30aine
de langues.
Célèbre dans le monde entier, mais, en fait, très peu connue, l’œuvre va
donner lieu dès lors à un discours critique considérable, soit vivement
hostile, soit enthousiaste, soit sereinement universitaire, qui la couvrira
d’interprétations variées et antinomiques.
Datent en particulier de cette époque un certain nombre de contresens
tenaces, parmi lesquels il faut citer le mythe de l’objectivité (alors que
Robbe-Grillet revendique depuis le début une subjectivité totale) et la
primauté absolue du regard (alors que la vue est sans cesse chez lui mise
en question par l’oreille).
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Du milieu des années ‘60 à la fin des années ‘70 (depuis La Maison de rendez-vous de 1965
jusqu’aux Souvenirs du Triangle d’Or de 1978), ce monde instable va exploser en des
configurations mobiles encore plus déroutantes, aggravées d’une provocation sexuelle fort
peu nobélisable. Mais l’énergie du texte, sa force poétique, son humour, y seront beaucoup
mieux perçus et un véritable public se constituera peu à peu. La petite dizaine de films que
Robbe-Grillet a réalisés durant cette période y ont sans doute aussi contribué.
Il travaille également pour le cinéma, notamment sur le scénario de L’Année dernière à
Marienbad, réalisé par Alain Resnais en 1961. Les films qu’il a réalisés oscillent alors entre
érotisme et sado-masochisme. Il était connu pour être un adepte du sado-masochisme,
comme sa femme Catherine Robbe-Grillet.
Peu à peu, ses romans se sont tournés vers l’érotisme, et vers l’« autobiographie
fantasmatique », romans qui ont parfois été plus appréciés à l’étranger (notamment aux
États-Unis) qu’en France, au moins du point de vue des universitaires.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Les années ‘80 voient ce public encore accru par des expériences nouvelles,
avec Djinn (1981) et les Romanesques, où l’auteur mêle son univers de
fantasmes à transformations, de labyrinthes sans issue, à des éléments
ouvertement donnés comme autobiographiques.
Les dernières vingt années, préférant développer son activité théorique par
la voie plus souple du discours oral et du dialogue, Robbe-Grillet a donné
d’une façon régulière à des étudiants avancés de plusieurs universités
américaines (principalement New York University à New York et Washington
University à Saint Louis, Missouri) des cours sur le Nouveau Romana et ses
antécédents littéraires. En mars 2004, Alain Robbe-Grillet est élu à l’Académie
française, au fauteuil de Maurice Rheims. Il meurt en février 2008.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Constantes de l’univers romanesque

Théoricien du Nouveau Roman (1956, Une voie pour le roman futur),


Alain Robbe-Grillet l’expérimente dans son œuvre romanesque. Mais, à
partir de 1961, il découvre les possibilités du cinéma.
L’expérimentation littéraire, de portée limitée, touche à son terme. De sa
fonction d’ingénieur agronome, il garde des habitudes de géomètre et
d’arpenteur : dans ses romans, il décrit, il situe, il mesure. Ses
personnages sont dépourvus de texture psychologique.
Il leur préfère la description des objets et des lieux.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

C’est par Les Gommes (1953) que Robbe-Grillet se fait brillamment


connaître. Dans cette parodie du roman policier, l’enquêteur tue un
homme dont il est probablement le fils. Mais l’approche des faits est si
complexe que le lecteur s’y perd.
Les éléments caractéristiques de l’oeuvre de Robbe-Grillet sont exposés :
description maniaque des lieux, importance primordiale donnée aux
objets, annulation de la perspective temporelle. Passe, présent, futur se
confondent.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Ces éléments sont à nouveau réunis dans Le Voyeur (1955), La Jalousie


(1957) se déroulant de part et d’autre des lames d’une « jalousie », un
marie voyeur épie sa femme qu’il soupçonne, d’où l’ambiguïté du titre.
Mais l’espion devient peu à peu l’espionné. Voir et être vu, c’est dans
l’échange des regards que réside l’intérêt. Jour et contre-jour, champ et
contre-champ, ces techniques sont celles du cinéma.
Robbe-Grillet reprend ces thèmes de l’espace clos (un palace baroque, un
parc géométrique), de l’intemporel (époques confondues, réel et
imaginaires indivisibles), du doute (un homme affirme avoir rencontré
une femme l’année dernière).
Dans Djin (1981) il raconte les aventures de Simon Lecœur, un jeune
homme nouvellement recruté par une organisation clandestine qui
combat l’emprise de la machine sur le monde, se développe en quatre
épisodes ou en quatre séquences narratives de longueur décroissante qui
reprennent, à leur manière, les mêmes événements.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

Le roman - écrit pour une université américaine sous le titre Le rendez-


vous (le futur Djin), qui avait demandé à l’auteur de composer un roman
qui servirait de support pédagogique pour initier les étudiants aux
problèmes que pose la langue française, chaque chapitre du roman
aborde un problème particulier de la langue dont le degré de difficulté
progresse avec l’évolution du récit.
Alain Robbe-Grillet (1922-2008)

La Reprise (2001) se déroule en 1949, dans les ruines d’un Berlin qui fut jadis
l’une des plus grandes villes intellectuelles d’Europe. H.R., alias Asher, agent
subalterne des services de renseignements français, est envoyé à Berlin pour
une mission de routine, croise son double à plusieurs reprises avant de
succomber aux charmes conjugués de la belle Jo Kast et de la jeune Gigi non
sans être accusé d’avoir commis quelques meurtres. C’est un roman dans
lequel Alain Robbe-Grillet reprend les thèmes de la tragédie antique tels que
l’inceste, la gémellité, l’aveuglement.

Etabli sur une perspective double, le schéma de Dans le labyrinthe est


explicite : un narrateur anonyme décrit sa chambre et, surtout, un certain
tableau qui est pend au mur ; mais, en même temps, s’inspirant de ce
tableau il invente l’histoire d’un soldat perdu dans une ville enneigée. Les
deux perspectives s’emboîtent : celle du narrateur qui commande tout le
roman puisqu’il est en train de l’écrire, mais qui dévoile directement surtout
la chambre et le tableau ; et celle du soldat qui commande et dévoile tout ce
qui lui arrive à lui : ses pérégrinations, ses rencontres, bref la ville qu’il
découvre en étranger comme Revel Bleston, Lassale la région d’Imlil etc.
Alain Robbe-Grillet

Une œuvre originale : La Jalousie

La Jalousie est le quatrième roman d’Alain Robbe-Grillet, publié en 1957 aux


Editions de Minuit. Il bénéficia d’emblée d’un accueil favorable,
contrairement à ses œuvres précédentes, qui appartenaient toutes aussi au
mouvement du Nouveau roman.
Le schéma du livre pourrait être celui, classique, du triangle amoureux : une
femme, A..., un homme, Franck, qui pourrait être son amant, et un narrateur
au point de vue insaisissable, apparemment objectif et comme dépourvu
d’affects, dont l’absence est perpétuellement présente dans toutes les scènes
du livre. Ce narrateur qu’on peut, au vu du titre, imaginer être le mari,
détaille de façon scrupuleuse et obsessionnelle, en empruntant à la langue
de la géométrie et de la physique, les gestes et échanges des deux
personnages ainsi que leur environnement, une maison coloniale sur une
plantation de bananiers.
Le récit, divisé en neuf sections non numérotées, n’est pas chronologique
mais fonctionne sur le mode de la reprise
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

L’intrigue et le choix narratif

Dans La Jalousie, Robbe-Grillet revisite le topos du triangle amoureux. A la


lecture du titre, le lecteur, rompu à la lecture de romans traditionnels,
s’attend à être plongé dans une intrigue passionnelle pleine d’effusions et de
grands sentiments. Le titre justifie une attente qui va être déçue. En effet,
Robbe-Grillet s’attaque dans La Jalousie comme dans ses romans précédents
à l’analyse psychologique qui fonde le roman traditionnel et la littérature
bourgeoise. Nous n’aurons pas ici d’explications sur les motifs, les intentions,
les sentiments, le ressenti des personnages. Mais ce qui fait la nouveauté de
La Jalousie, ce qui en fait un roman littérairement révolutionnaire, c’est le
choix narratif. Contrairement à ses romans antérieurs, dans lesquels
subsistait un univers objectif, Robbe-Grillet fait le choix dans La Jalousie du
point de vue interne. Tout ici est raconté du point de vue d’un narrateur
jaloux qui épie sa femme A... qu’il soupçonne de vouloir le quitter pour
Franck, l’autre personnage masculin du roman. Mais le narrateur bien qu’il
soit apparemment absent, bien qu’il ne se nomme jamais dans le texte est en
fait hyper présent.
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

Le roman est la transcription de sa conscience. Nous sommes donc


prisonniers d’une vision partiale et partielle de la réalité. Partielle parce
que nous ne pouvons nous fonder que sur le point de vue du narrateur.
Partiale parce que celui-ci est prisonnier d’une jalousie pathologique qui
modifie son regard sur les objets et les êtres qui l’entourent. Il serait donc
vain de dégager du roman une chronologie linéaire tant nous sommes
empêtrés dans la conscience et dans le temps intérieurement vécu du
narrateur. Néanmoins, il est possible de dégager une structure ternaire
qui correspond au déroulement des évènements. L’intrigue se divise alors
en trois temps: le temps qui précède le voyage en ville de Franck et de A.
Le temps qui correspond au voyage lui même et le temps qui s’écoule du
retour de A à la clôture du roman .
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

Personnages:
Le narrateur: Il n’est jamais mentionné dans le texte et il ne se nomme
jamais. Pourtant, nous savons dès les premières pages du roman que ce que
nous lisons, que les évènements ici racontés le sont à travers le point de vue
d’un narrateur jaloux qui épie sa femme A...Mais ce regard est un regard
malade qui porte sur les choses et les êtres qui l’entourent une attention
obsessionnelle signe d’une pathologie.
Pourtant, jamais le narrateur ne s’interroge sur lui-même (ce qui est un signe
du caractère maladif de la jalousie qui l’affecte, puisque n’étant pas conscient
de sa jalousie, il ne s’analyse pas. Sa jalousie ne s’exprime pas intérieurement
mais extérieurement, dans le regard qu’il porte sur les choses). Jamais non
plus l’auteur n’intervient pour nous donner des explications, pour esquisser
une analyse. Tout ce que nous pouvons dire du narrateur et de sa
psychologie, nous le déduisons de ses faits et gestes relativement limités et
surtout de ses regards. S’il renonce à l’analyse psychologique, Robbe-Grillet
ne renonce donc pas à la psychologie.
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

La Jalousie = roman hyper-psychologique et hyper-humain.


Ce constat balaye d’emblée toute analyse qui verrait dans la Jalousie un
roman objectal ou qui ferait du regard du narrateur un regard objectif
alors que ce regard est complètement distordu par la jalousie qui
l’affecte.
D’autre part, le narrateur n’agit pas. Ses seuls gestes se limitent à se
déplacer dans la maison, à changer de pièces et à observer sa femme,
observation qui s’effectue souvent à travers les jalousies des fenêtres. Il
ne parle presque pas. Il assiste impuissant à ce qu’il croit être le début
d’une relation adultère. Cela a amené certains critiques à voir dans ce
narrateur une sorte de monstre muet.
Alain Robbe-Grillet La Jalousie
Loin d’être un monstre, loin d’être une sorte de cas purement littéraire qui ne
serait pas concevable dans la réalité, ce narrateur est réel et sa psychologie
obéit à un mécanisme pathologique. Le narrateur est un malade. Il souffre
probablement d’une névrose obsessionnelle et est certainement atteint
d’une timidité extrême d’ou son impuissance psychologique. Il est possible
aussi qu’il soit atteint d’impuissance sexuelle. Tout au long du roman il
cherche à distinguer dans les moindres paroles, dans les moindres détails des
signes qui viendraient étayer ses soupçons.
La jalousie dont il souffre ne correspond pas à une réalité objective mais à
une construction mentale subjective. Dans tout le roman il va chercher à
objectiver sa vision jalouse des évènements. C’est ainsi que la lettre que A...
écrit, les propos assurés de Franck, ou les alliances similaires que portent A et
Franck passeront à ses yeux pour des signes de connivence entre les deux et
justifieront sa jalousie. C’est ainsi que la vision obsessionnelle qu’a le
narrateur de l’écrasement du mille-pattes sera l’objectivation de sa jalousie et
la symbolisation du coït adultérin. La violence du narrateur ne pouvant pas
s’exprimer verbalement est complètement refoulée et c’est ce refoulement
qui entraîne une distorsion du regard. Ce roman est donc l’histoire d’une
conscience pathologique et distordu.
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

Franck: Il est impossible de fournir une analyse véridique de la


psychologie des autres personnages du récit puisqu’ils sont vus à travers
le regard d’un malade. Ce qui importe est justement la vision que le
narrateur se fait des autres personnages et de Franck en particulier. Ce
personnage dans la vision qu’en a le narrateur est une sorte de double
inversé. Franck est une sorte d’anti-narrateur. Bien entendu, cette
dichotomie est renforcée par la jalousie qu’éprouve le narrateur à son
égard. On sent tout de suite l’inimitié qu’éprouve le narrateur à son
égard. Mais cette inimitié reste purement intérieure. Elle n’est jamais
exprimée si ce n’est à travers des visions comme c’est le cas lorsque le
narrateur imagine la voiture de Franck dévoré par des flammes. Si le
narrateur n’agit pas et ne cherche pas à s’opposer à Franck c’est parce
qu’il a peur en agissant de précipiter le départ de sa femme. D’autre part,
il apparaît que Franck a le dessus.
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

Contrairement au narrateur, Franck parle beaucoup dans le roman et


cherche à s’attirer les faveurs de A... Les rares descriptions physiques que
fait le narrateur nous le montre comme quelqu’un de robuste, de fort. Il
est entreprenant. Il a confiance en lui. C’est lui qui écrase le mille-pattes.
Franck est tout ce que le narrateur n’est pas. Il symbolise la puissance, la
force, la séduction. Néanmoins, cette image sera écornée à la fin à la
satisfaction du narrateur, lorsque A... dira à propos de Franck et suite au
voyage en ville qu’ils ont effectué ensemble: "Dommage que vous soyez
un si mauvais mécanicien" allusion assez clair à une relation adultère
entre les deux qui aurait déçue A... à cause de l’impuissance sexuelle de
Franck. Franck est donc l’objet de la jalousie du narrateur. Mais il est aussi
le double inversé de celui-ci.
Alain Robbe-Grillet La Jalousie

A...: Une lettre. Pas de prénom. Pas de nom. Pas d’âge. Nous savons peu de chose
d’A...Elle parle peu lors des repas. Nous la voyons s’habiller, nous la voyons écrire à son
bureau, nous la voyons à la vitre de la voiture de Franck. Le désir qu’éprouve le mari-
narrateur pour sa femme A... est manifeste. Il se cristallise particulièrement sur une
partie du corps de A...: sa chevelure noire décrite avec une très grande minutie. Le
narrateur cherche dans les gestes de A... la preuve de ce qu’il soupçonne. Il craint par
dessus tout que A... le quitte. Cette crainte parait en partie fondée si l’on observe
certains gestes de A... qui témoignent d’un certain bovarysme et d’un certain ennui
quand elle se retrouve seule avec le narrateur en l’absence de Franck. Il est aussi
évident que le narrateur ne veut pas être surpris par A lorsqu’il la regarde. C’est pour
cela que lorsque celle-ci tourne la tête vers lui il s’empresse de changer la direction de
son regard pour le fixer sur un élément matériel comme un pilier de la maison ou la
bananeraie qui entoure la maison. A... pourtant est loin d’être timide ou renfermée
puisqu’elle participe aux conversations avec Franck et puisqu’elle affiche sa liberté
notamment quand elle affirme à Franck que cela ne la choque pas qu’une femme
couche avec des nègres. A... est donc objet de désir pour le narrateur, désir qui
s’exprime à travers le voyeurisme de celui-ci mais aussi objet de soupçons puisque le
narrateur la soupçonne de céder à la séduction de Franck et même peut être de
chercher à séduire celui-ci.
Alain Robbe-Grillet – Le Voyeur

Le Voyeur se compose de trois parties. Dans la première, Mathias, un


voyageur de commerce, arrive un mardi matin dans une petite île, celle
de son enfance, détermine à y effectuer des ventes de montres. Pour y
arriver, il loue une bicyclette au propriétaire du café-tabac. C’est au
hasard d’une visite qu’il apprend qu’une gamine de treize ans, Jacqueline
Leduc, est en train de garder seule, des moutons sur la falaise.
Après une tentative de vente qui se solde par un échec, Mathias se
retrouve au tournant de la borne des trois kilomètres. On peut supposer
qu’au lieu de poursuivre sa tournée de prospection comme prévu,
Mathias se serait plutôt rendu sur la falaise pour y rencontrer la jeune
fille, la violenter, l’assassiner et débarrasser d’elle en la jetant à la mer,
après quoi il aurait repris sa tournée avec la même assurance qu’au
départ, comme étranger au crime qu’il venait de commettre.
Alain Robbe-Grillet – Le Voyeur

La deuxième partie du roman débute au moment où Mathias arrive au


hameau des Roches Noires après avoir vraisemblablement commis son
crime une heure auparavant. Au café-épicerie où il boit un absinthe,
Mathias s’efforce de saisir quelques bribes de la conversation de deux
ouvriers attablés dans un coin : il croit comprendre qu’une des sœurs de
la victime, Maria, recherche la jeune bergère qu’il vient de tuer. Le mardi
après-midi, Mathias déjeune en compagnie du pêcheur, un ancien
camarade, et une jeune fille qui semble vivre avec celui-ci. Seul un
problème de dérailleur, au dernier moment, lui fera manquer de peu son
bateau. C’est ainsi que Mathias devra rester sur l’île jusqu’au vendredi.
Alain Robbe-Grillet – Le Voyeur

La troisième partie débute le mercredi matin lorsque Mathias, au café A


l’Espérance, apprend la découverte du corps de la jeune Jacqueline par
trois pêcheurs de crabes. C’est à ce moment qu’il tente de retrouver les
trois mégots de cigarettes qui lui ont servi à martyriser sa jeune victime.
Au cours de sa recherche, il rencontre la jeune femme dont il a fait la
connaissance la veille, à l’occasion du déjeuner chez le pêcheur. Le
mercredi après-midi, Mathias sera surpris par Julien sur les lieux du crime
au moment même où il découvre le paletot de laine de Jacqueline.
L’attitude de Julien ne permet plus à Mathias de douter que celui-ci a été
le témoin muet du meurtre de la jeune bergère. Au cours de la matinée
du jeudi, le voyageur détruit trois indices compromettants qu’il a
ramassés sur les lieux du crime : une coupure de journal, les trois mégots
de cigarettes et le sachet de bonbons. C’est le vendredi, à seize heures
quinze, que Mathias, impuni, quitte l’île avec sérénité d’âme que celle qui
le caractérisait lors de son arrivée, trois jours auparavant.
Alain Robbe-Grillet

Les Gommes, roman policier ou conte métaphysique, comme aime à s’y


interroger Bernard Dort dans la revue Les Temps Modernes en 1953 ? Il
est incontestable que l’univers ici décrit n’est plus celui d’un
Chateaubriand ou d’un Lamartine. On entre dans une autre dimension :
les personnages sont entourés d’un halo flottant, leur existence semble
aberrante, leur raison d’être à un temps et espace donnés semble
obstinément injustifiable.
C’est bien là que l’on trouve la touche artistique bien spécifique à Robbe-
Grillet : il fait exploser la lisibilité du monde selon un axe linéaire ; la
cohérence devient une circulaire. On en sort avec une impression de
vertige, de tourbillon. Virtuosité verbale, habileté et maîtrise de
l’intrigue, angoisse et froideur de l’atmosphère, volontaires glissements
narratifs, font de la plume de cet écrivain un art expérimental.

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