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УЧРЕЖДЕНИЕ ОБРАЗОВАНИЯ
Д. С. Вадюшина, И. Д. Матько
Гродно 2003
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УДК 804.0-024
ББК 81.471.1
B12
Рецензенты:
ISBN 985-417-
УДК 804.0-024
ББК 81.471.1
SIGNES CONVENTIONNELS
< – derivé de : mère < matre, c’est-à- dire le français mère dérive du latin matre(m)
> – donne, aboutit à : matre > mère, c’est-à-dire le latin marte(m) aboutit au fran-
çais mère
* – l’astérisque indique une forme hypothétique : * werra
] – syllabe fermée
[ – syllabe ouverte
- – au-dessus de la voyelle indique la longueur [ a ]
(
˘ – au-dessus de la voyelle indique une voyelle brève [ a ]
· – au-dessous de la voyelle indique une voyelle fermée [ẹ]
¸ – au-dessous de la voyelle indique une voyelle ouverte [ę]
~ – la tilde au dessus de la voyelle marque la nasalité [ a~ ]
' – l’apostrophe après consonne indique la mouillure [l’]
ABRÉVIATIONS
INTRODUCTION
I . PRÉHISTOIRE
1. Quelques grandes dates de l’histoire et de la civilisation françaises:
env. 20 000 ans av. J.-C.: Arrivée des Celtes (les Gaulois).
env. 600 ans av. J.-C.: Les Grecs fondent Marseille.
120 av. J.-C.: Les Romains en Provence.
De 58 à 50 av. J.-C.: Conquête de la Gaule par César.
Du I er au V e siècle de notre ère: La Gaule Romaine.
Vers 350: Premières migrations germaniques.
496: Clovis, roi des Francs, baptisé à Reims.
800: Charlemagne, empereur d’Occident.
843: Traité de Verdun.
987: Hugues Capet fonde la dynastie Capétienne.
1096 – 1099: Première Croisade
XI e – XII e ss.: Grandes abbayes romanes: Caen, Saint-Savin, Périgueux, Vézelay, Au-
tin, Poitiers, etc.
XII e – XIII e ss.: Grandes cathédrales gothiques: Notre-Dame de Paris, Chartres,
Reims, Amiens, Bourges, Strasbourg.
1337 – 1453: La guerre de Cent Ans.
1429: Jeanne d’Arc délivre Orléans.
1515 – 1547: François I er roi de France.
1643 – 1715: Louis XIV roi de France.
1789: Début de la Révolution.
1804 – 1815: Napoléon I er empereur.
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2. Romanisation et germanisation de la Gaule (la France actuelle).
Les premiers habitants de la France étaient des Celtes appelés par les Romains Gaulois
qui parlaient une langue celtique qui est en usage aujourd’hui en Grande-Bretagne (Ecosse et
Irlande) et en France (Bretagne). Les Gaulois s’occupaient de l’agriculture et de l’élevage.
La présence effective de l’homme en Gaule est attestée vers le milieu du premier millé-
naire avant J-C. Nous connaissons bien les noms de certains habitants qui peuplaient la Gaule
avant l’arrivée des Gaulois: Aquitains, Ibères, Ligures, mais leurs langues restent pratiquement
inconnues. Tout de même on atteste certains mots français aux langues préceltiques.
Le mot baraque, qui a été introduit en français par l’intermédiaire de l’espagnol, pourrait
se rattacher à une racine ibère à l’origine, bar «boue», la baraque étant d’abord une maison en
torchis.
Quant au ligure, il semble avoir laissé à la langue française avalanche, marron «châtai-
gne» et tomme (qui désigne fromage en savoyard).
Les linguistes s’accordent que les noms de la Loire, de la Sarthe, du Rhône, de la Gironde
et même de la Garonne sont préceltiques (mais le suffixe -onne dans Garonne est une forme cel-
tique désignant une étendue d’eau). Ils affirment en revanche que les noms du Rhin, de la Marne,
de l’Orne, de la Mayenne, du Doubs sont celtiques.
Au moment de la conquête romaine le niveau culturel des peuples celtiques était très dif-
férent: les uns conservaient l’organisation sociale primitive, tandis que les autres constituaient
déjà des états solides. La lutte qui se poursuivait entre tous ces peuples pour acquérir une posi-
tion dominante les empêchait de former un état uni. C’est une des raisons pour lesquelles la
Gaule fut rapidement conquise par les Romains.
En 52 av. J.-C., les Celtes s’unirent sous la direction d’un jeune chef celtique, Vercingé-
torix, dans la lutte acharnée contre les Romains, mais cette glorieuse insurrection fut étoufée, et
en 51 av. J.-C. la Gaule entière fut définitivement soumise par les Romains.
La romanisation commence par la conquête du Sud-Est (125 av. J.-C.) devenue par la
suite «Provincia Romana» (d’où le nom actuel de Provence).
Au Sud la romanisation se répandit beaucoup plus vite qu’au centre et au Nord de la
Gaule. Cela s’explique par le fait qu’une grande quantité des Romains avait émigré au Sud de la
Gaule où ils reçurent de vastes territoires; et ces territoires devinrent des foyers de romanisation.
Dans le Nord de la Gaule la langue celtique ne fut pas évincé totalement par le latin – ces
contrées ayant été colonisées les dernières et les Romains n’y ayant pas séjourné longtemps. Il
s’ensuit que la romanisation du Nord et du Sud de la Gaule a passé par deux voies différentes et
ce fait va occasionner les divergences dans le développement de l’idiome parlé en Gaule. Son
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évolution ultérieure donnera naissance à deux parlers différents – langue d’oïl au Nord (fu-
ture langue française) et langue d’oc (future langue provençale) au Sud.
En conquérant la Gaule (les Gaulois subirent la domination de l’Empire romain du I er
siècle av. J.-C. jusqu’au IV e s. de notre ère.) les Romains y introduisent le latin. Il s’est créé une
atmosphère du bilinguisme, le latin s’implantant d’abord dans les hautes classes et dans les vil-
les et supplantant peu après le celtique du pays.
La romanisation gagna plus rapidement les villes que la campagnes. Mais peu à peu la
langue latine parlée fut assimilée non seulement par le peuple urbain, mais pénétra aussi dans la
population villageoise: d’immenses territoires appartenaient aux grands propriétaires romains et
gaulois; la terre était cultivée par des esclaves et des colons dont la plupart furent amenés de dif-
férentes provinces romaines. Pour se comprendre et pour comprendre la langue de leur maître, il
leur fallait assimiler la langue officielle de l’Etat romain. Ce latin des villageois, des colons, des
commerçants et des soldats romains n’avait jamais subi l’influence normative de la langue écrite,
dut avoir des traits différents et particiliers. Malheureusement, il ne reste pas de documents écrits
qui puissent nous renseigner sur ses traits.
Le latin était la langue de l’administration. Les écoles jouèrent un grand rôle dans la ro-
manisation surtout en Gaule, parce que dans aucune province romaine il n’y eut autant d’écoles
qu’en Gaule. Plusieurs villes devinrent de grands centres de la culture romaine (Lyon, Arles,
Toulouse, Bordeaux, etc.), le latin étant devenue la langue de la culture. La Gaule fut l’une des
provinces romaines où la romanisation a été totale. Dans le cas de la Gaule les barbares ont
assimilé la culture des Gallo-Romains et leur langue appelé le gallo-roman.
L’assimilation de la langue latine parlée ne signifie pas que le peule indigène ait oublié sa
langue maternelle tout d’un coup. Plusieurs documents historiques indiquent que la langue celti-
que s’est maintenue comme langue vivante jusqu’au VI e siècle de notre ère.
A partir du III e s. de notre ère l’Empire Romain subit des infiltrations barbares de plus
en plus intenses et vit une crise profonde qui amena vers le V e s. la ruine complète de
l’Empire de l’Occident.
Impuissant, l’Empire ne résiste plus aux invasions barbares, et en 476 de notre ère
Odoacre, chef des tribus germaniques, renversa le pouvoir du dernier empereur romain. Cette
date est considérée comme celle de la chute de l’Empire Romain d’Occident.
Les barbares qui ont fait échoué l’Empire Romain sur le territoire de la Gaule étaient en
majorité des Goths qui parlaient différents idiomes germaniques. La tribu la plus puissante qui a
conquis le Nord et le Nord-Est de la Gaule était celle des Francs. La langue qu’ils parlaient était
le francique, un idiome germanique.
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Les premiers rois des Francs appartenaient à la dynastie des Mérovingiens (du nom
de leur ancêtre, Mérovée). Le plus illustre représentant de cette dynastie fut Clovis dont le rei-
gne dura de 481 à 511. A la mort de Clovis (511) bien des traits manifestèrent le déclin de l’Etat
qu’il avait créé. Du fait que le royaume est considéré comme un bien de famille, les enfants se le
partagent et parfois se le disputent. A l’intérieur du pays naquirent deux royaumes: l’Austrasie
(pays de l’est) et la Neustrie (pays de l’ouest) qui se faisaient des guerres continues. Les derniers
Mérovingiens laissèrent le pouvoir aux mains des «maires du palais», fonctionnaires du roi. L’un
d’eux, Pépin d’Héristal battit les Neustriens et leurs alliés Alamans. Reprenant le rôle de défen-
seur du pays, son fils Charles, surnommé Martel, battit, à son tour, les Arabes dans la fameuse
bataille de Poitiers (732), il sauva son pays et la civilisation chrétienne.
A sa mort, son fils Pépin, dit le Bref, se faisant consacrer roi (751) donna naissance à une
nouvelle dynastie, celle des Carolingiens. Grâce à l’Eglise, les rois Carolingiens seront des rois
sacrés comme ceux de la Bible, et quand, la nuit de Noël de l’an 800, le pape Léon couronnera
Charlemagne «Empereur d’Occident» il semble que la paix et l’ordre disparus pourront renaître
grâce à l’appui du christianisme.
Les victoires et la sagesse de Charlemagne avaient fait de lui l’homme le lus admiré de
son temps. Dés qu’il fut le seul maître, en 771, Charlemagne se mit à l’oeuvre. Son but: conti-
nuer Rome, refaire l’Empire. En Italie il battit le roi de Lombards et lui prit la couronne de fer. Il
passa à l’Espagne: ce fut son seul échec. Mais le désastre de Roncevaux, le cor de Roland, servi-
rent sa gloire et sa légende: son épopée devint nationale. Surtout, sa grande idée fut d’en finir
avec la Germanie, de dominer et de civiliser ces barbares, de leur imposer la paix romaine. Sur
les cinquante-trois campagnes de son reigne, dix-huit eurent pour objet de soumettre les Saxons.
Charlemagne alla plus loin que les légions, les consuls et les légions de Rome n’étaient jamais
allés. Il atteignit jusqu’à l’Elbe. «Nous avons, disait-il fièrement, réduit le pays en province selon
l’antique coutume romaine». Il fut ainsi pour l’Allemagne ce que César avait été pour la Gaule.
Une des grandes préoccupations de Charlemagne fut de répandre l’instruction. Il attira et
réunit auprès de lui les hommes les plus instruits de son temps; on parle du réveil carolingien –
la renaissance de la culture antique. Dans son palais et dans ses villas, il créa des écoles pour les
enfants destinés à devenir prêtres ou administrateurs. C’est pourquoi Charlemagne est le patron
des écoliers. Le 28 janvier, jour de la Sainte-Charlemagne, on célèbre dans les lycées et les éco-
les de France une fête en l’honneur des meilleurs élèves.
A la mort de Charlemagne l’Empire est partagé, selon la coutume franque, entre les fils
de Louis (le seul survivant des fils de Charlemagne).
Le pays se fractionne en seigneuries donnant origine aux grandes maisons féodales, et
chaque seigneur cherche à vivre dans l’indépendance. L’insécurité favorise cet émiettement; les
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incursions des Sarrasins et les invasions des Normands obligent à chercher d’immédiates
précautions; la France se hérisse de châteaux, et les châteaux se font la guerre.
La chute de l’Empire Romain créa des conditions nouvelles pour le développement ulté-
rieur de la langue latine.
Les contacts entre les anciennes provinces de Rome étaient rompus; la culture romaine se
dégradait; les traditions de la langue latine littéraire s’oubliaient et la langue parlée ne se prêtait
plus à l’influence normative du latin classique. Les divergences ont eu libre cours à se dévelop-
per et s’accentuaient au sein même de la langue latine parlée dans les régions romaines éloignées
l’une de l’autre à des milliers de kilomètres.
L’infiltration des barbares au III e siècle suivie des invasions germaniques aux IV e – V e
ss. a apporté en Gaule romanisée la langue germanique que les vainqueurs conservent assez
longtemps, pendant que les vaincus parlent le gallo-roman. Cette période de bilinguisme dure au
moins quatre siècles (du IV e – V e ss. au VIII e s.) et s’achève, comme la première, par
l’élaboration d’un parler commun. Mais cette fois, ce fut le gallo-roman, le langage de la popu-
lation asservie, pénétrée dans sa partie lexicale par de nombreux éléments franciques, qui servit
de base à la nouvelle langue.
Ainsi durant dix siècles la formation de la langue française a passé par des périodes du bi-
linguisme celto-latin et franco-roman, pour s’achever la première fois, par la domination de la
langue des vainqueurs, et la seconde fois, par celle des vaincus.
Les différents aboutissements de ces deux périodes du bilinguisme peuvent être expliqués
par les faits suivants:
1) Parenté des langues. Le gaulois (langue celtique) et le latin (langue italique) entraient
dans le même groupe de langues indo-européennes. Ce fait facilitait l’assimilation du latin par
les Gaulois. Il est à noter que le latin apporté en Gaule fut adopté par la population celtique (gau-
loise) dans sa forme orale, cela veut dire que la langue française prend ses sources non pas au
latin classique, mais remonte au latin populaire.
2) Contact de deux langues qui s’exprime dans un contact humain de vainqueur à
vaincu. Après la résistance des Gaulois, la romanisation de la Gaule prend un caractère paisible,
en apportant en Gaule, grâce aux colons et commerçants romains, la civilisation latine; la créa-
tion de routes et la fondation d’écoles contribuaient à l’essor économique et culturel du pays et,
de ce fait, à l’assimilation du latin par la population. La période du bilinguisme celto-latin
s’achève par l’oubli complet de la langue maternelle. La population bilingue devient unilingue
en se servant du latin transformé.
3) Nombre d'intrus et d'indigènes. Les Francs comptaient à peu près 12 000 d’hommes sur 6
millions de Gallo-Romains. Les Francs se dissurent dans la population gallo-romaine.
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4) Formation sociale et économique des peuples en contact, institutions politi-
ques. La supériorite politique, économique et culturelle des Latins par rapport aux Gaulois et
celle des Gallo-Romains par rapport aux Francs est incontestable. C’est ce qui a aussi contribué
à la victoire du latin sur le celtique et à la défaite du francique face au gallo-roman.
4. Le latin en Gaule.
La langue latine comme toute autre langue avait deux formes: écrite, littéraire qui portait
le nom du latin classique (LCl) et parlée, orale ou le latin populaire (LP).
Le LCl a atteint sa plus grande expressivité avec une syntaxe recherchée dans la prose
(les oeuvres de Cicéron (106 - 43 ans av. J.-C.), de César (100 ans av. J.-C. - 44 de notre ère) et
dans la poésie de Vergile, Horace et Ovide, c’est-à-dire, dans les années 70 av. J.-C. – les pre-
mières decennies de notre ère.
Les I er - II e ss. de notre ère marquent le commencement de la ruine des traditions du
LCl: la syntaxe devient plus libre; le choix du vocabulaire est moins soigné – on emploie des
mots du LP. Cette période est appelée le latin postclassique.
L’idiome que l’on parlait aux III e – VI e ss. porte le nom du latin tardif. A cette époque
sont enregistrées des formes morphologiques et syntaxiques qui ont servi de base à la formation
des langues romanes. Cette période est la dernière étape de l’évolution du latin vivant.
Mais le latin ne disparut pas de l’usage, seulement les domaines de son emploi changè-
rent: il devint langue écrite par excellence.
Sous la dénomination du latin médieval il exista en tant que langue officielle de l’Etat
français jusqu’à l’an 1539 où François I er signa l’ordonnance de Villers-Cotterets qui prescrivit
l’emploi exclusif du français dans toutes les pièces judiciaires du royaume.
Or, la préhistoire du français se présente ainsi:
1) 51-53 an av. J.-C. le celtique
2) I s. av. J.-C. - IV s. de notre ère le celtique + le latin populaire
(bilinguisme)
⇓
le roman commun = le gallo-roman
3) IV e -V e - VIII e ss. le roman commun+le francique
(bilinguisme)
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4) IX e s., 842 an l’ancien français
a. Accentuation
En parlant de l’accent il faut tenir compte du c a r a c t è r e et de la p l a c e de l’accent.
1. Le changement du caractère d’accent. En LCl l’accent était déterminé par la hauteur du
ton. Il était mélodique, musical: chaque mot contenait une syllabe accentuée qui se prononçait
grâce au haussement ou à l’abaissement du ton. Toutes les syllabes se prononçaient distincte-
ment, c’est-à-dire sans réduction: ar-bo-rem. Il est encore à noter qu’en LCl chaque mot portait
son accent indépendant. L’accent musical du LCl est basé sur l’opposition «voyelle accentuée –
longue» ↔ «voyelle non-accentuée – brève».
Les particularités articulatoires des Gaulois changent l’accent mélodique (musical) du
LCl en accent tonique (accent de force, accent d'intensité). Cette transformation s’est achevée
vers le III e s. de notre ère. L’accent tonique met en valeur la syllabe accentuée au détriment des
autres syllabes ce qui provoque la réduction des voyelles et des consonnes dans les positions fai-
bles (inaccentuées).
Ce changement du type d’accent a influencé la structure phonétique du mot:
– les syllabes non accentuées s’affaiblissent (réduction partielle) et peuvent, plus tard,
s’effacer complètement (réduction complète). Ainsi le volume du mot du LP diminue par rapport
à celui du LCl – le mot devient plus court: as i num (latin classique, 3 syllabes) > âsne (ancien
français, 2 syllabes) > âne (français moderne, 1 syllabe);
S’il s’agit de la chute d’une voyelle ou même d’une syllabe à la fin du mot ce phénimène
porte le nom de l’ancope. Elle est propre surtout au langage parlé et concerne avant tout les
mots-outils: quomodo > comme .
– l’accent tonique a ébranlé la netteté des terminaisons ce qui a contribué à l’effacement
des distinctions flexionnelles entre les formes casuelles du mot latin.
2. Le changement de la place de l’accent. Dans la plupart des mots la place de l’accent
n’a pas changé, excepté quelques cas particuliers, par ex.:
càthedra > catèdra (chaire) càdere > cadère
fil i ′ olum > filiólu (filleul) sàpere > savère
par i ′ etem > pariète (paroi)
Il est à noter le déplacement de la place de l’accent dans les formes verbales de la 1ère et
de la 2 ème personne du pluriel:
(
pèrd i mus > perdèmos (par analogie avec laudàmos)
(
pèrd i tis > perdètes (par analogie avec laudàtes)
Ce changement de la place de l’accent aura comme conséquence l’existence d’un très
grand nombre de verbes à alternance en ancien français, qui, malgré les efforts des grammai-
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riens, ne se sont pas nivélés et constituent en français moderne le groupe de verbes à conju-
guaison «irrégulière» (les verbes du III ème groupe).
Notes préliminaires
1. Avant de procéder à l’étude des changements vocaliques et consonantiques du LP en
Gaule il faut tenir compte de la nature de ces changements.
On distingue aussi des changements d’ordre q u a l i t a t i f et des changements d’ordre q
u a n t i t a t i f.
Changements d’ordre qualitatif.
A) En LCl les voyelles étaient longues ou brèves. C’est la différenciation quantitative.
( ( ( ( (
LCl: a a ee ii oo uu ae oe au
Mais déjà en LCl (dans les premiers siècles de notre ère) les voyelles longues étaient pro-
noncées d’une façon plus fermée que les voyelles brèves dont la prononciation était plus ouverte.
Peu à peu la différence quantitative des voyelles de LCl s’éfface, d’abord dans les syllabes ato-
nes puis dans les syllabes accentuées. Toutes les voyelles reçoivent à peu près la même durée.
Ainsi en LP (les III e – IV e ss. de notre ère), dans le système vocalique l’opposition quantitative
«voyelle longue – voyelle courte» est remplacée par l’opposition qualitative «voyelle fermée –
(
voyelle ouverte»: p e dem > pęde: fl o rem > flọre, etc.
(
Les voyelles a , a ne se distinguaient plus quant à leur qualité, c’est pourquoi ces deux
voyelles se sont transformées en une seule voyelle a.
( (
Vers le III e s. i se confondait régulièrement avec ẹ, u – avec ọ.
La diphtongue ae est devenue une voyelle simple ę, la diphtongue oe s’est transformée en
ẹ: terrae > terrę, memoriae > memorię; caelum > cęlu; poene > pẹna.
Ainsi l’evolution des voyelles du LCl peut être présentée par le schéma suivant:
( ( ( ( (
LCl: a a e e i i o o u u ae oe au
\/ | \/ | | \/ | | | |
LP: a ę ẹ i o¸ ọ u ę ẹ au
Les dix voyelles du LCl sont réduites à sept en LP.
B) Le déplacement de l’articulation en avant.
En LP cette transformation a touché deux voyelles – u et a.
Tonique ou atone, libre ou entravé, u passe en y: n u du > nu, j u rare > jurer.
L’origine et la chronologie de cette altération sont très discutées, sans aboutir à une solu-
tion unique. A. Dauzat et M.Cohen l’attribuent à l’influence germanique, d’autres linguistes y
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trouvent les effets de l’influence celtique. Les structuralistes (H. Lübke, A. G. Haudricourt,
A. G. Juillard) supposent que le passage de u > y est un fait interne régi par les lois propres à la
langue française (développement spontanné).
Dans la syllabe ouverte a tonique (accentuée) passe à e, c’est-à-dire, son articulation se
déplace en avant de la cavité buccale: màre > mer, fràtre > frère, pàtre > père, nàsu > nez, par-
làre > parler, parlàtis > parlez, parlàtu > parlé, parlàrunt > parlèrent etc.
Mais le développement de la voyelle a est plus compliqué parce qu’il est conditionné
par le caractère de la syllabe: a entravé reste sans changements arbore > arbre. Il faut aussi tenir
compte de l’entourage consonantique: devant une nasale a > ai: manu > main; après une pala-
tale a > ie: caput > chief (an. fr.) > chef (fr. mod.).
L’évolution de à[ > e est un des principaux critères pour différencier le français du pro-
vençal où a subsiste sans changement: chanter, porter (français) ↔ kanta, portar (provençal).
C) Nasalisation.
C’est surtout en ancien françias que les voyelles commencent à se nasaliser devant n et m.
Mais les débuts de ce phénomène remontent au VIII e s., où les voyelles a et e commencent à se
prononcer avec une légère nuance nasale : tantu > t a~ nt, plena > pl e~ in.
Changements d’ordre quantitatif.
Il s’agit de l’apparition (disparition) des sons accessoires (prothétiques et épenthétiques)
que l’étymon ne possède pas (c’est-à-dire des sons non-étymologiques).
Prothèse est une antéposition au mot des sons accessoires (non-étymologiques), épenthèse
est un procédé inverse qui consiste à intercaler des sons accessoires dans un groupe vocalique ou
consonantique.
1) Voyelles accessoires. Le plus souvent elles sont prothétiques.
La voyelle prothétique e se développe devant un groupe initial latin e+consonne (p, t, k):
sponsa > esponse ( > épouse), spiritum > espiritum ( > esprit), scribere > escrire ( > écrire),
sternutare > esternuer ( > éternuer).
L’apparition de cette voyelle dite d’appui est expliquée par la difficulté de prononcer les
groupes sp, st, sk. La voyelle prothétique apparaît dans les inscriptions latines à partir du II s. de
notre ère.
Dans les mots d’emprunt les groupes sc, sp, st restent sans changement: scarlatine,
spasme, ainsi que dans les doublets étymologiques: strict et étroit.
Parfois on observe le phénomène inverse à la prothèse et propre surtout au langage parlé
– la chute des voyelles i et e à l'initial du mot: aestimare > stimare, illac > là, illu (illa, illi,
illos) > lo (la, li, les). Il s’agit de l’aphérèse. Avec la disparition de cette voyelle le mot perd sa
syllabe initiale et devient plus court.
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2) Consonnes accessoires. Le plus souvent elles sont épenthétiques (dites transitoi-
res) et apparaissent dans les groupes consonantiques secondaires (ceux qui se sont formés à la
suite des réductions vocaliques) pour faciliter la prononciation:
t transitoire: sr > str : cognos(ce)re > cognoistre ( > connaître), pares(ce)re > pareis-
tre ( > paraître), *ess(e)re > estre (> être) ;
b transitoire: ml > mbl, mr > mbr : insim(u)l > ensemble, cam(e)ra > chambre ;
d transitoire: lr > ldr, nr >ndr, sr > sdr : *vol(e)raio > voldrai ( > voudrai), ingen(e)rare
> engendrer, cinere > cendre.
2. La position du phonème dans le mot joue aussi un grand rôle dans l’évolution des sons.
Voyelles
Positions fortes Positions faibles
a. syllabes accentuées a. syllabes non accentuées
b. syllabes initiales b. syllabes finales
c. pénultièmes (posttoniques)
Consonnes
Positions fortes Positions faibles
a. au début de la syllabe accentuée a. dans les positions finales
b.dans les positions intervocaliques
b. au début de la syllabe initiale c. dans le groupe de consonnes
Dans les positions faibles les voyelles et les consonnes subissent une réduction. Elle
peut être partielle (transformation d’une voyelle ou d’une consonne à une autre: terra > terre,
cantat > cantet ) et complète (disparition, chute d’une voyelle ou d’une consonne: muru >
mur ). La réduction complète – la syncope – raccourcit le mot latin.
Les voyelles posttoniques et finales dans les proparoxytons et des voyelles protoniques
(qui précèdent la syllabe accentuée) non initiale disparaissent: : calida > calda, dorm(i)tórium.
Les voyelles identiques en hiatus diparaissent: suum > sum, cohortem > coorte(m) >
corte, prehendere > prendere.
Quand elles ne sont pas identiques, la première voyelle passe en une sonnante constric-
tive, dite semi-voyelle («yod»):
i > j : carea > caria>carje;
u > w ( > v): racua > raqua, januarius > janvier.
Il est à noter que la réduction des voyelles non accentuées est plus intense dans la langue
d’oïl que dans la langue d’oc:
làcrima > lar me (fr. mod.)
làcrima >làgrema >lagrèmo (provençal)
En position forte les consonnes subsistent.
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Ceci est valable à quelques exceptions près. Ainsi k et g subissent des changements
considérables même dans les deux positions fortes: camera > chambre, manica > manche;
gamba > jambe, argentu > argent. Cette transformation porte le nom de palatalisation.
Vocalisme.
Le développement des voyelles dépend de leur a c c e n t u a t i o n et du t y p e d e s y
l l a b e dans laquelle elles se trouvent.
Les voyelles toniques (accentuées) subsistent toujours ou se modifient. Les voyelles ato-
nes (non accentuées) ont la tendance à s’affaiblir et à disparaître dans certaines positions.
Quant au caractère de syllabes on en distingue deux: syllabe ouverte dont la voyelle est
libre, et syllabe fermée dont la voyelle est entravée: sep-tem, per-d(e)re, mas-cu-lu, dic-tum,
ar-bo-rem.
La voyelle est libre quand elle se trouve:
– à la finale: ma-re, na-su;
– en hiatus (devant une autre voyelle): tu-us, de-us;
– suivie d'une consonne simple: ma-re, na-su;
– suivie d'un groupe de consonnes: ca-pra.
Les changements les plus actifs se sont produits dans le LP avant la germanisation. Dans
le système des voyelles il s’agit de l’apparition d’un grand nombre de diphtongues. Ce phéno-
mène est appelé la diphtongaison.
La transformation dite résulte de l’affaiblissement de la tension musculaire qui allonge les
voyelles. L’allongement des voyelles est suivi d’un dédoublement, puis d’une dissimilation, par
(
ex.: e > ę ę > ẹ ę > ie.
Les causes de la diphtongaison restent inconnues. Il existe plusieurs théories à ce sujet.
Ainsi, G. Ascoli l’attribue à l’influence du substrat celtique. W. von Wartburg, H. Brinkmann,
Th. Frigs, A. Dauzat expliquent la diphtongaison française par l’influence immédiate des parlers
germaniques (surtout francs). Selon eux c’est le très fort accent tonique des parlers francs qui
aurait provoqué l’allongement et puis la diphtogaison des voyelles.
Pourtant, on ne saurait nier que les premiers exemples de la diphtongaison datent de bien
avant l’invasion franque, comme le démontre, par exemple, G. Straka.
Les structuralistes A. G. Haudricourt et A. G. Juilland recherchent les causes de la diph-
tongaison dans les facteurs internes du développement du phonétisme français. Selon ces auteurs
dans les deux nouvelles séries des voyelles gallo-romanes ę ẹ et o¸ ọ les voyelles auraient été très
peu différenciées et la langue aurait réagi par une diphtongaison pour éviter la confusion possi-
ble des phonèmes.
27
Il est peut-être possible de faire remonter la diphtongaison aux faits de l’accentuation
latine (И. М. Тронский, P. Verrier).
On distingue 2 types de diphtongues: les diphtongues conditionnées ou dépendantes,
et les diphtongues spontanées ou indépendantes.
L’apparition des premières (conditionnées ou dépendantes) est due à l’entourage des pho-
nèmes voisins.
Les dernières (spontanées ou indépendantes) proviennent des mutations, des modifica-
tions brusques d’ordre physiologique ou même anatomique survenant dans les organes phona-
teurs. La diphtongaison spontanée n’a transformé que les voyelles accentuées libres.
La diphtongaison conditionnée s’est produite sous l’influence des sons voisins. Les
voyelles les plus fermées ī et u ne sont pas atteintes par la diphtongaison: lībra > livre, m u rum
> mur.
L’accentuation de la diphtongue peut être différente. Si le premier élément est frappé par
l’accent, il s’agit de la diphtongue descendante: éi - péire > poire. La diphtongue est ascendante,
si son dernier élément est accentué: ié - piét > pied.
La diphtongaison spontanée a passé par deux étapes:
1. III e – IV e ss. Elle a transformé les voyelles ę et o¸ libres accentuées, qui ont passé
respectivement aux diphtongues ascendantes dont le deuxième élément porte l’accent ié et uó ( >
ué):
ę [ > ęę > ẹę > ié : pédem > piét > pied, cathédra > chaière
o¸[ > o¸ o¸> ọ o¸ > uó > ué : nóve > nuóf > neuf
2. VI e – VIII e ss. La deuxième diphtongaison a touché les mêmes voyelles fermées qui
ont passé respectivement aux diphtongues descendantes dont le premier élément est porteur
d’accent éi( >oi ) et óu ( > eu):
ẹ [ > ẹ ẹ > ẹ i > éi : mé > méi > moi, habére > aveir > avoir
ọ [ > ọ ọ > ọu > óu: (h)óra > óure > heure, flóres > flóurs > fleur
Selon l’opinion de certains linguistes, le passage de a libre accentuée à e semble
s’effectuer par l’intermédiaire d’une forme dédoublée ou diphtonguée de a > ae :
á [ > ae : mare > maer > mer
Au VII e s. apparaissent les diphtongues dites conditionnées ou combinatoires.
Il y a deux sources qui ont fourni au français les diphtongues conditionnées:
1) la palatalisation des k et g en position intervocalique devant a, et aussi en position de-
vant une autre consonne: plaga > plaje > plaie, lactu > lait;
2) la palatalisation des k et g devenues affriquées à la suite de laquelle se dégage un j de-
vant e issu de a accentué libre: cáru > chiér, manducáre > manugare > mandgiér;
28
3) les consonnes nasales n et m transforment les voyelles qui les précèdent en diph-
tongues: a~ ~
e
~ ~ ~
a + n, m > a~ n, a~ m : manum > m a~ i n; pane > p a~ i n, fame > f a~ i m, amare
~
> a~ i mer;
e + n, m > i e~ n, i ~
e m : venit > vi e~ nt.
N. B. Les diphtongues ne se forment pas dans la syllabe fermée: dente > d ~
e nt, lentu >
l~
e nt.
4) la vocalisation de l en u devant une consonne, suivie de la fusion de u avec la voyelle
précédente:
l + consonne > u + consonne : alba > aube, calidu > chaud.
Consonantisme.
Quant aux consonnes, leur développement dépend avant tout de leur position dans le mot.
Le voisinage des consonnes et des voyelles est aussi important.
Parmi les changements d’ordre q u a l i t a t i f les plus importants sont la palatalisation
et la sonorisation / assourdissement des consonnes.
Parmi les changements d’ordre q u a n t i t a t i f les plus importants sont la réduction
des consonnes et la chute des consonnes finales.
I. Les changements d’ordre qualitatif.
1. La palatalisation est la modification principale de l’évolution des consonnes parce
qu’elle a abouti à la formation de nouveaux phonèmes appellés affriquées.
Les affriquées sont des consonnes complexes dont le premier élément est une occlusive et le
deuxième une constrictive.
Des quatre affriquées deux sont sonores [dz, dg] et deux sont sourdes [ts, tƒ].
Il est à noter que la palatalisation proprement dite de k, g s’effectue dans le latin parlé et
dans le gallo-roman (II e – VIII e ss.) tandis que les deux autres processus – l’affrication et la
spirantisation complète (la perte du premier élément occlusif par la consonne affriquée) – pré-
sentent le développement ultérieur de la consonne palatalisée et se rapportent à la période de
l’ancien français.
Notons que l’orthographe n’a pas toujours suivi le changement de la prononciation: les
lettres latines g et c qui en latin classique marquent respectivement les sons [g] et [k], en latin
populaire servent à marquer les sons affriqués [dj] et [ts].
Les causes de la palatalisation restent discutables. Certains savants cherchent à expliquer
la palatalisation par l’influence celtique (Ph. A. Becker), d’autres, par l’influence germanique (F.
Diez, A. Dauzat). Les recherches faites par K. Ringenson lui ont permis de venir à la conclusion
que la palatalisation serait propre à la langue française de toutes les époques et indépendante du
substrat germanique. A. G. Haudricourt et A. G. Juilland donnent une explication structurale de
la palatalisation, en se basant uniquement sur des faits internes du développement linguistique.
2. Sonorisation / assourdissement des consonnes.
S o n o r i s a t i o n.
Du point de vue de la vibration des cordes vocales, la sonorisation peut être envisagée
comme une assimilation partielle des consonnes aux voyelles – une vocalisation. Elle se produit
dans les positions faibles: intervocaliques, devant une autre consonne, à la fin du mot.
a) Vocalisation partielle:
p>b ripa > riba, duplum > double
t>d vita > vida
k>g pacare > pagare, *eclesia >église
30
s>z rosa > rose
b>v (h)abere > aveir
Cette dernière mutation b > v est connue dès le II e s. (le bétatisme): debere > devoir, ca-
ballum > cheval.
Il faut noter aussi que la vocalisation n’est qu’une étape dans l’évolution des sons. Pre-
nons l’exemple des consonnes t et d intervocaliques. Leur évolution passe par plusieus étapes:
– la consonne sourde passe à la consonne sonore (au IV e s.) : t > d;
– la consonne sonore, d primitif ou secondaire, passe à la consonne constrictive interden-
tale (au VIII e s.) : d > đ ;
– l’interdentale đ disparaît à la fin du XI e s.: vita > vida > viđa > via.
b) Le processus de sonorisation peut se poursuivre et les consonnes sonorisées se résolvent en
voyelles – la vocalisation partielle devient complète: plaga > plaja > plaie.
L’aboutissement de la consonne sonorisée en j (yod) est appelé la yotisation: fructu >
fruit, nigru > neir, voce > voix, nocte > nuit, facere > faire.
A s s o u r d i s s e m e n t.
Les consonnes sonores à la fin des mots deviennent sourdes: quod >quot, largu >larc,
grande > grant; et même clave > clef > clé (assourdissement > disparition de la consonne fi-
nale assourdie).
L’assourdissement d’une consonne peut se produire sous l’influence des sons voisins:
plebs non pleps (assimilation).
II. Les changements d’ordre quantitatif.
1. La réduction se produit à l’intérieur des mots et concerne les groupes consonantiques
et les consonnes doubles identiques (géminées): mensa >me sa, insula > i sla, sextus > ses-
tus, vellit >ve lit. Dans le groupe de trois consonnes la réduction se fait au détriment de la
consonne médiane: comp(u)tare > com ter, dormitorium >*dorm’torui >dor toir.
Cette simplification des groupes consonantiques représente la tendance essentielle de
l’époque: septem > se te > se t ( > sept reconstitué plus tard par les grammairiens).
Dans la position intervocalique les consonnes sont aussi sujets à la réduction complète:
focum >fuo u > feu, magistrum > *ma istru > maître, vita > vide > viđe > vi e, habeo
>*ai o >ai, pluvia > plu ie.
A la fin de mots les consonnes disparaissent: septem > septe (la syncope).
La réduction des groupes consonantiques représente une des tendances phonétiques les
plus stables dans l’histoire du français et joue un rôle considérable dans la constitution de la syl-
labe type du français, la syllabe ouverte. La tendance à la syllabe ouverte se manifeste donc de-
31
puis le LP et atteint son comble vers l’époque de la stabilisation du français en tant que lan-
gue nationale.
Notons encore quelques transformations consonantiques à l’intérieur du mot.
1. La dissimilation (processus qui de deux phonèmes identiques, se trouvant à distance
fait deux sons différents): flagellum non fragellum, terebra non telebra, cultellum non cuntellum.
L’assimilation: dorsum > *dossu > dos, cognosco > *connosco > conosco ( > connaître), femi-
na > *femne > femme, hominem > homne > homme. Une fausse dissimilation : Marseille <
Massilia.
2. La métathèse, le déplacement des sons ou même des syllabes: scintilla> stincilla>
étincelle, formaticu > fromage, basiare > baiser, cupreum > cuivre.
Le système phonologique du LP s’est enrichi à l’époque de deux consonnes d’origine
germanique : h et w.
Le h latin avait disparu depuis le II e s. av. J.-C.: on prononce prendo au lieu de prahen-
do, nil non nihil, omo non homo.
Un autre h, du superstrat germanique, a été adopté dans la prononciation des Gallo-
Romains vers le V e s.: hanka > hanche.
W germanique ne se rencontre qu’en position forte à l’initiale du mot: *werre > guerre,
Wilihelm > Guillelme > Guillaume, *want > gant.
L’evolution des consonnes latines depuis le LCl.
LCl: p t k b d g f s l r m n h
| /\ / |\ | / |\ /\ | /\ /\ | | /\ |
LP: p t θ k tƒ ts b d dz đ g dj f s z l l’ r m n n’ w
7. Evolution du système grammatical du latin populaire en Gaule.
La tendance essentielle de l’évolution du système grammatical du LP était le passage de
la structure synthétique du LCl à la structure analytique.
La flexion disparaît graduellement et les relations syntaxiques entre les mots dans la
phrase s’expriment à l'aide des outils plus souvent qu’en latin classique.
NOM
Le substantif en LP possédait les même catégories grammaticales qu’en LCl: les catégo-
ries d u g e n r e, d u n o m b r e et d u c a s. Mais le système grammatical du nom a subi
d’importantes modifications qui suivent la tendance principale de l’évolution du français: la
transformation du synthétisme latin en analytisme français.
1. Mutations dans la catégorie du genre.
Le LCl possédait trois genres: le masculin, le féminin et le neutre. Mais les terminaisons
du nom en LCl ne correspondaient pas forcément à un genre précis:
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Masculin Féminin Neutre
lupus fraxinus
canis apis
frater mater
athleta tabula labra (pl.)
1) Le langage parlé tend à doter chaque valeur grammaticale d’une forme précise. Ainsi,
la flexion -us qui désigne le plus souvent le masculin, revêt en LP la valeur du masculin, tandis
que la terminaison -a devient la marque du féminin.
Il reste néanmoins une grande quantité de substantifs dont les terminaisons restent indif-
férentes au genre et qui font partie du 3 e type de déclinaison: mater, pater, soror, etc.
2) Déjà en LCl la catégorie du neutre devient imprécise et illogique (en LCl les trois gen-
res exprimaient l’opposition de l’inanimé – l’animé: le neutre ↔ le masculin / le féminin). Le
LP confond les formes du neutre et les formes du masculin: caseum / caseus, dorsum / dorsus,
nasum / nasus, ferum / ferus.
Le pluriel du neutre ayant la désinence -a, celle-ci se confond avec la forme du féminin
singulier: folia (pl. de folium) > feuille (fém.), arma (pl. de armum) > arme (fém.) , labra (pl. de
labrum) > levre (fém.).
3) L’évolution phonétique du LP a beaucoup contribué elle aussi à la ruine du neutre, et
notamment, l’amuïssement de -s et de -m à la fin des mots facilitait la confusion des masculins et
des neutres: collum > colu et hortus > hortu.
Ainsi, en LP le genre neutre a disparu, les substantifs anciennement neutres s’étant repar-
tis entre les substanfifs masculins et féminins.
2. Dégradation du système casuelle latine.
A) Réduction des types de déclinaisons.
Les cinq déclinaisons du nom en LCl sont reduites à trois en LP avec la perte de la IV dé-
clinaison des neutres et de la cinquième qui a passé à la première.
B) Réduction du nombre de cas.
Les causes de la réduction du nombre des cas.
– les formes de certains cas du latin classique coïncident, par ex., tous les datifs et les
ablatifs pluriels, le nominatif neutre et l’accusatif dans les deux nombres;
– les prépositions (par. ex., ad et de) servent à préciser les rapports casuels: au lieu de dire
domus patris on préférait domus de patre(m) (Acc.); Dico patri (Dat.) - dico ad patre(m) (Acc).
Le génitif commence à disparaître dès le I er s. de notre ère, concurrencé par les constructions
avec de et ex;
– les modifications phonétiques, et notamment, la chute des consonnes et des voyelles fi-
nales, y contribuent largement: terra(m) (Acc.) = terra (Abl.). Ainsi, plusieurs formes casuelles
33
sont devenues homonymiques. Pourtant, le rôle des modifications phonétiques n’est pas
déterminant mais secondaire.
Ainsi le nombre de cas du latin populaire s’est réduit à deux (à la différence du LCl qui
en possédait six).
I er type: les féminins en -a.
Singulier Pluriel
Cas Latin clas- Latin Cas Latin clas- Latin po-
sique populaire sique pulaire
(
Nom., stell a stella Nom. stellae stellae
Voc. Voc.
v
Gen. stellae Gen. stell a rum
Dat. stellae Dat. stell i s
v
Acc. stellam stella(m) Acc. stell a s stellas
v
Abl. stell a Abl. stell i s
Pluriel
Cas Latin classi- Latin popu-
que laire
Nom., lup i lupi
Voc.
Gen. lup o rum
Dat. lup i s
Acc. lup o s lupos
Abl. lup i s
Pluriel
Cas Latin classique Latin populaire
Nom., Voc. nav e s neves
Gen. navium
Dat. ( (
nav i b u s
Acc. nav e s neves
Abl. ( (
nav i b u s
Imparisyllabiques
Singulier
Cas Latin classique Latin populaire
Nom., Voc. homo omo
Gen. hominis
Dat. homini
Acc. hominem omne
Abl. homine
Pluriel
Cas Latin classique Latin populaire
Nom., Voc. homines omni
Gen. hominum
Dat. hominis
Acc. homines omnes
Abl. hominis
Des six formes casuelles flectives (Nom., Gen., Dat., Acc., Abl., Voc.) on n’emploie en
LP que deux: la forme du Nominatif qui exprime le sens propre au Nominatif et au Vocatif, et la
forme de l’Accusatif, qui accumule la valeur de tous les cas obliques.
Une forte tendance à l’analogie reconstruit le système casuel et le rend plus homo-
gène.
A) I er type (les féminins en –a).
Sing. Plur.
Nom. stella - stella stellae > stellas
35
Acc. stella(m) > stella stellas∨ - stellas
Grâce à l’unification des flexions au pluriel les noms féminins en LP ont perdu la catégo-
rie du cas depuis très tôt.
B) III ème type, imparisyllabiques. Ces noms avaient deux types de radicaux qui
s’opposaient – le radical du Nom. Sing. et ceux de tous les autres cas. La force d’analogie régu-
larise en premier lieu les féminins imparisyllabiques. Ainsi :
Sing. Plur.
Nom. flos > flore(s) flores – flores
Acc. flore(m) ∨ > flore flores – flores
Grâce à l’unification des radicaux les féminins du III type ne se déclinent plus dès le LP.
Ainsi, vers les VII e – VIII e ss. le système casuel comprenait trois types de déclinaison :
I ère déclinaison: les noms féminins en -a ( en voie de disparition).
Sing. Plur.
Nom. rose roses
Acc. rose roses
ADJECTIF
Les adjectifs ont subi les mêmes changements que les noms: perte des neutres et des for-
mes casuelles.
Dans la langue parlée il ne reste que 2 groupes d’adjectifs: les premiers expriment la ca-
tégorie du genre par les flexions -us (m) et -a (f). Les seconds n’avaient pas de différence de
genre:
1. Bonus (m) – bona (f); clarus (m) – clara (f); carus (m) – cara (f).
2. Fortis (m) – fortis (f); grandis (m) – grandis (f); felix (m) – felix (f).
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Les adjectifs masculins se déclinaient comme les noms masculins du type de décli-
naison correspondant.
Masculins
Sing. Plur. Sing. Plur
Nom. bonus boni fortis forti
Acc. bonu(m) bonos forte(m) fortes
Féminins
Sing. Plur. Sing. Plur
Nom. bona bonas fort(is) fortes
Acc. bona(m) bonas forte(m) fortes
Degrés de comparaisons.
Les degrés de comparaison se forment en LP à l’aide des adverbes, c’est-à-dire, par la
voie analytique, à la différence du LCl, où les degrés de comparaison de l’adjectif présentent des
formes à flexion: le comparatif en -ior, le superlatif en -issimus.
Ainsi, les formes du LCl fortis – fortior – fortissimus ont été supplantées par les formes
fortis – plus (magis) fortis – valde (maxime) fortis.
Quelques adjectifs ont gardé les formes synthétiques: bonus – melior – potimus; parvus –
minor – miniurs.
PRONOM
En LCl le système des pronoms déterminant le nom est très riche. Ils se déclinaient, pos-
sédaient les catégories du genre et du nombre .
Le langage parlé – tel est le latin vulgaire – tend à réduire les formes casuelles en élimi-
nant certains cas et en recourant aux prépositons. Ayant réduit les formes casuelles, les pronoms
en ont gardé trois – à la différence des noms et des adjectifs ils ont conservé le Datif.
Pronoms personnels.
En LP ils gardent trois cas: le Nominativus, l’Accusativus et le Dativus:
Nom. ego > eo > eo > io > ie, je tu
Dat. mihi > mi tibi > ti
Acc. me > me te > te
En LCl il n’y avait pas de pronom pour désigner la 3 ème personne. Dès le LP les pro-
noms démonstratifs ille, illa marquent la 3 ème personne.
Notons par ailleurs que ces mêmes pronoms démonstratifs commencent à accompagner le
nom de plus en plus régulièrement en perdant peu à peu leur valeur démonstrative et en acquié-
rant celle de l’article défini.
37
Les savants enregistrent l’emploi plus fréquent des pronoms personnels accompa-
gnant les formes verbales.
Pronoms possessifs.
Ce groupe de pronoms a subi les mêmes changements que les adjectifs – la disparition du
genre neutre et la réduction des formes casuelles. Les transformations d’ordre morphologique
s’accompagnaient de celles d’ordre phonétique.
Pronoms démonstratifs.
En LCl il y avait 5 pronoms démonstratifs: ille, iste, ipse, is, hic qui étaient variables en
genre et en nomre et se déclinaient.
LP perd des séries des démonstratifs dont il n’en reste que trois: ille, iste, hoc. En plus,
le langage parlé tend toujours à rendre le discours plus expressif. Voilà pourquoi les pronoms
démonstratifs se voient renforcés dans leur fonction pronominale par la particule ecce:
ecce + ille > ecceli > celui, celle, ceux, celles;
ecce + iste > ecceist > ce, cet, cette, ces;
ecce + hoc > ecceoc > ce.
VERBE
Le système verbal du LP a connu beaucoup de pertes, surtout du côté des formes synthé-
tiques, mais aussi quelques acquisitions très importantes conformes à l’analytisme naissant.
P e r t e s.
1. Dans le système du verbe on observe la réduction des formes temporelles: des 10 for-
mes il n’en reste que cinq aujourd’hui qui sont considérées comme synthétiques = étymologi-
ques: le Présent, l’Imparfait et le Parfait (Passé Simple) de l’Indicatif et le Présent et l’Imparfait
du Subjonctif.
La disparition de formes verbales est due à la coïncidence de ces formes phonétiques.
Donc, les changements d’ordre phonétique (l’usure phonétique) entraînent des modifications
d’ordre morphologique:
Formes verbales Latin classique Latin populaire
Plusquamperfectum ind. Act. cantaveram > cantare
Futurum II ind. Act. cantavero > cantare
Imperfectum conj. Act. cantarem > cantare
Perfectum conj. Act. cantaverim > cantare
Toutes les autres formes temporelles verbales sont d’origine romane, formées par la voie
analytique.
2. En LCl la catégorie de la voix passive pouvait être exprimée par deux types de formes
– synthétiques et analytiques. Le LP tend à refaire ce système et le rendre plus simple, homo-
gène, unifié. Il prend comme modèle le type analytique de formation de la voix passive:
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Temps Latin classique Latin populaire
3 pers. sing. 3 pers. sing.
Present ornatur > ornatus est
Imperf. ornabatur > ornatus erat
Fut. ornabitur > ornatus erit
Perf. ornatus est > ornatus fuit
Plusquam. ornatus erat > ornatus fuerat
Fut. II ornatus erit > ornatus fuerit
3. Plusieurs formes verbales non personnelles du LCl ne sont plus employées en LP.
Formes non
person-nelles Latin classique Latin populaire Latin populaire
du verbe exemples
Infinitivus Infinitivus praesentis act. Infinitif présent Laudàre, delère,
Inf. praesentis passivi lègere, audire
Inf. perfecti passivi
Inf. futuri activi
Inf. futuri passivi
Participium Participium praesentis act. Participe présent Làudans, dèlens,
Participium praesentis pas lègens, àudiens
Participium futuri activi Participe passé Laudàtus, delè-
Participium perfecti pas. tus, lèctus, auditus
Gerundium Gerundium Gérondif, Abl. Laudàndo, delèndo,
legèndo, audièndo
Supinum Supinum I, II – –
A c q u i s i t i o n s.
Conformément à la tendance analytique du système, la valeur des formes disparues est
traduite par le moyen des formes nouvelles analytiques:
1. Pour exprimer la valeur du futur le LP recourt aux constructions périphrastiques à la
base des verbes habere, debere ou velle (vouloir) et l’infinitif du verbe lexical: dicere aveo, di-
cere deveo, dicere voleo. Peu à peu le verbe aveo a pris le dessus: scribere aio, cantare aio.
Par analogie avec le Futur le Conditionnel Présent se forme vers le VIII e s. : je parlereie
(< parler (av)eie).
2. L’action passée s’exprime par la construction du verbe habere et du participe passé; en
roman commun habeo epistolam scriptam d’une construction syntaxique deviendra forme ver-
bale: j’ai une lettre écrite (valeur aspectuelle) (= le resultat de l’action) ⇒ j’ai écrit une lettre.
Nous retrouvons les vestiges des anciens liens syntaxiques au sein du groupe de complé-
ment d’objet direct dans l’accord du participe passé avec le COD en français moderne: habeo
epistolam scriptam : la lettre que j’ai écrite.
Restructuration du système verbal.
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1. La plupart des verbes de la 4 ième conjugaison latine en -ire se mettent à se
conjuguer à l’Indicatif Présent avec le suffixe -sc- par analogie avec les verbes incohatifs de
cette même conjugaison: finio ⇒ finisco, ayant perdu la valeur incohative.
2. En LP les verbes changent souvent de conjugaison par analogie des formes. Seuls les
infinitifs en -are et -ire sont plus ou moins stables. Ainsi :
2 conj. ⇒ 3 ième conj. : ardère ⇒ àrdere, mordère ⇒ mòrdere
3 conj. ⇒ 2 ième conj. : sàpere ⇒ sapère, càdere ⇒ cadère
3 conj. ⇒ 4 ième conj. : fùgere ⇒ fugire
2 conj. ⇒ 4 ième conj. : florère ⇒ florire
3. Les formes les plus répandues et les plus régulières étant celles de la 1ière conjugaison,
les nouveaux verbes se forment sur le modèle de celle-ci : mandicare, carricare. Même plus, les
verbes existant dans la langue se reconstruisent sur ce modèle régulier : cantare < canere, salire
< saltare, audere < ausare. Les verbes esse, velle, posse reçoivent aussi la flexion -re : èssere,
volère, potère ( ayant pris le radical vol et pot par analogie avec les formes de parfait volui, po-
tui).
4. La diphtongaison des voyelles accentuées libres a eu comme conséquence l’alternance
(vocalique et consonantique) des radicaux verbaux à l’Indicatif et au Subjonctif :
làvo > lèf lavàmes > lavòns
làvas > lèves lavàtes > lavèz
làvat > lèvet làvant > lèvent
ADVERBE
La plupart des adverbes remontent aux mots latins de la même classe. Les uns ont changé
très peu leur aspect phonétique (bien < bene, mal < male, y < ibi), d’autres ont subi des trans-
formations phonétiques plus importantes, telle la fusion complète de deux adverbes latins: aussi
< aliud sic, assez < ad satis, derrière < de retro, ici < ecce hic.
En LP la classe des adverbes s’est enrichie de dérivés en -ment. On trouve les origines de
ce suffixe dans l’ablatif du substantif latin mens, -tis, mente qui désignait esprit, puis manière
d’être: bonnemente < bona mente – dans un bon esprit, d’une bonne manière.
SYNTAXE
La syntaxe du LP a subi des changements considérables. La phrase à coordination
s’emploie de préférence au détriment de la phrase à subordination. Le nombre de conjonctions
devient plus réstreint: par ex., la conjonction de coordination aut (ou) a évincé (вытеснил) trois
40
conjonctions synonymiques vel, sive, seu. En LP les conjonctions et et que sont les plus ré-
pandues.
Les constructions infinitives latines telles que accusativus cum infinitivo sont rempla-
cées en LP par les subordonnées: credo terra(m) esse rotunda(m) ⇒ credo, que terra est rotun-
da.
Dans les propositions négatives seule la particule non s’emploie. Très souvent elle est
renforcée par les mots tels que mica, passus et punctu(m) qui perdent peu à peu leur sens lexical
et passent dans la classe des particules.
La fonction du mot étant suffisamment marquée par sa forme (soit flexionnelle, soit pré-
positionnelle), l’ordre des mots reste celui du LCl, c’est-à-dire libre, avec le prédicat qui se place
à la fin de la proposition.
L’emploi des compléments prépositionnels au détriment des cas s’accentue en LP: dico
patri ⇒ dico ad patre, fortior leone ⇒ plus fortis de leone.
En LCl dans le groupe de mots le déterminant est placé devant le déterminé; en LP la
tendance à l’ordre inverse se manifeste: le déterminé précède le déterminant: fratris liber ⇒
liber fratris ( ⇒ liber de fratre). Un tel ordre dans le groupe de mots est propre à toutes les lan-
gues romanes étant analytiques par excellence.
Pour ce qui est de la grammaire, on note dans les dialectes du Nord-Est une seule forme
de l’article défini pour le masculin et le féminin: li om – li vie. En wallon l’imparfait de
l’indicatif se terminait en -eve, et en champenois en bourguignon en -iens: repeteve; cuidiens.
Dans les dialectes de l’est F. Brunot signale les constructions comme l’homme-ci (cet homme-
ci), un oreiller pour moi dormir, un saucisson pour moi manger qui se conservent dans des par-
lers jusqu’à nos jours.
Les dialectes étaient vivants – ils évoluaient et plusieurs d’entre eux possédaient leur
forme écrite qui s’appelle scipta (du latin scriptum - écrit). La notion de scripta comprend les
particularités de la tradition écrite régionale à la base de quelques dialectes et reflète un certain
conservatisme.
A l’époque de l’ancien français les scripta les plus connues sont les suivantes: scripta de
l’est, scriptae de l’ouest, scripta centrale, scriptae picarde et champenoise.
Par exemple, la chanson de Roland représente la scripta anglo-normande, la Séquence de
Saint-Eulalie – la scripta picardo-wallonaise.
Les linguistes ont créé une science linguistique, la dialectologie historique dont
l’objectif est de trouver les réponses aux questions: Quels dialectes, sur quels territoires, quelles
sont leurs caractéristiques principales?
En admettant que les manuscrits reflètent plus ou moins fidèlement le français parlé de
l’époque le savant français G. Fallot (1839) était le premier qui avait étudié trois dialectes de
l’ancien français: le picard, le normand et le bourguignon. Dès ce moment-là commencent à
paraître des travaux sur la dialectologie.
Malgré le grand nombre de recherches sur les dialectes le problème de leur classification:
nombre de dialectes, zones de leur extension, leurs caractéristiques; localisation: région de for-
mation de dialecte ou de sa base, des oeuvres de la période de l’ancien français; formation de la
langue française littéraire provoquent de nombreuses discussions même aujourd’hui. Les
groupes de dialectes sont différents chez des savants: chez G. Paris on en trouve 5, chez F. Bru-
not – 9, chez P. Bec – 12.
2. Spirantisation.
La spirantisation, de même que la sonorisation peut être envisagée comme l’assimilation
partielle des consonnes aux voyelles ( = vocalisation).
57
La spirantisation a formé les sons interdentales dh [đ], th [ θ ], qui étaient des varian-
tes combinatoires de d, t. Elles sont marquées dans le dialecte anglo-normand par d, dh, th:
ajudha, cadhuna, fradre, espathe.
A la fin du XI e s. les consonnes interdentales tendent à disparaître dans la position inter-
vocalique et à la fin du mot : gaudia > joi e, *appodiare > apoi er ( > appuyer), viđa > vi e,
amat [ama θ ] > ame .
Les derniers à se réduire sont les groupes dont le premier élément est un s (le processus
commence au XI e s. et s’achève au XIV e s.e): isle >î le, teste > tê te.
N o t e s.
A) Il est intéressant de savoir comment les linguistes établissent des époques où s’effectue
tel ou tel changement.
L’une des méthodes qui aide à reconstituer les voies de l’évolution phonétique consiste à
étudier l’aspect phonétique des mots français empruntés par des langues étrangères, l’anglais en
particulier. Prenons l’exemple de l’amuïssement de s devant les consonnes.
Devant b, d, g, f, v, m, n, r, l, l’effacement de s a probablement eu lieu au milieu du XI e
s., c’est-à-dire, avant la conquête de l’Angleterre, comme le prouve nombre d’emprunts faits au
français par l’anglais à cette époque: efforce < a. fr. esforcier, hideous < a. fr. hisdos, defeat < a.
fr. desfait.
Devant t, p, k, l’amuïssement a été postérieur à la conquête de l’Angleterre, comme en
témoignent également certains mots anglais : beast < a. fr. beste, feast < a. fr. feste.
58
B) La réduction de s ne s’est pas produite d’un seul coup, comme d’ailleurs de toutes
les autres consonnes. Elle a passé par plusieurs étapes, ce que reflète l’orthographe de l’époque:
par. ex., l’amuïssement de s est noté par un h pour marquer le relâchement des mouvements arti-
culatoires et rendre un «souffle» qui se faisait entendre: foreht = forest, blahmer = blasmer. On
relève de telles graphies surtout dans les textes anglo-normands.
C) Quoique l’amuïssemnt de s se soit produit devant toutes les consonnes, à l’intérieur du
mot comme à l’initiale, la langue moderne possède beaucoup de mots avec le groupe s +
consonne. Dans ce cas il s’agit des mots savants: astronomie, bastion, ou des mots avec les suf-
fixes savants -iste, -isme: artiste, globaliste.
D) La chute de s a entraîné l’allongement de la voyelle précedente accentuée que
l’écriture moderne marque au moyen de l’accent circonflexe : bestia > bête, costa > côte. Dans
les cas suivants: testimoniu > témoin, respondere > répondre où l’amuïssement de s s’est pro-
duit en syllabe non-accentuée, l’allongement n’a pas eu lieu. On y observe la fermeture de la
voyelle.
3. Les affriquées étant des sons complexes, peuvent être elles aussi considérées comme
des groupes consonantiques: ts, dz, etc. Donc, elles sont sujets à la même tendance – la réduction
des groupes consonantiques:
[tƒ] > [ƒ]: vacca > vache [vatƒe] > vache [vaƒ]
[dj] > [j] : gamba > jamba [djamba] > jambe [jambe]
[ts] > [s] : caelu > ciel [tsiel] > ciel [siel]
[dz] > [z] : dans les noms de nombre:
undecim > onze quatuordecim > quatorze
duodecim > douze quindecim > quinze
tredicim> treize sedecim > seize.
Dans ces mots decim > -d’tse > -dze > -ze.
La simplification ( = réduction) des affriquées s’accentue surtout à la fin du XIII e s.
4. La chute des consonnes finales -s et -t et ses conséquences morphologiques.
59
En graphie s se conserve jusqu’à nos jours, tandis que dans la prononciation il com-
mence à disparaître dès le XIII e s. Cet effacement de -s est un phénomène gros de conséquences
parce que :
– il a contribué à l’écroulement de l’ancienne déclinaison: C. S. murs = C. R. mur ;
– il a amené l’effacement du pluriel des noms: Sing. garçon = Plur. garçons ;
– il a favorisé l’unification du présent au singulier: (tu) chantes = (il) chante.
La finale -t ne se prononce plus à partir du XII e s.: (il) chante(t).
5. Les consonnes labialisées [kw], [gw] perdent leur articulation labiale et passent à [k] et
[g] depuis la fin du XIII e s.: quant [qwant] > quant [kant], gwere [gwere] >guere [gere].
La consonne gu se rencontre seulement dans les mots germaniques: guarder, regarder,
guaret, guant, guerre.
La consonne qu est d’origine latine et ne se rencontre que devant a: quarel, quant etc.
Dans d’autres cas qu > k encore en latin populaire ce qui est dû à la palatalisation: quin-
que>cinq.
Changements conditionnés (cas particuliers).
Assimilation : cerchier > chercher, *persica >pess(i)che > pesche > pêche.
Dissimilation: huller > hurler, rossignol < lossignol ( <*lusciniolu).
Métathèse: beuvrage > breuvage, por >pro.
L’AF possède une expirée d’origine germanique [h]: helm, hache. Elle est même intro-
duite dans quelques mots d’origine latine: altu > alt > haut (une soi-disant fausse étymologie).
Les tendances essentielles de l’évolution des consonnes sont les suivantes:
– la simplification des groupes de consonnes et des affriquées;
– l’évolution des consonnes intervocaliques;
– l’évolution des consonnes finales.
Dans la forme chiens la désinence -s peut marque le singulier aussi bien que le pluriel.
Cas.
Les variations du nom en nombre et en cas constituent la déclinaison du nom.
Il y avait deux formes casuelles: la forme du nominatif et celle du cas oblique. Les for-
mes du nominatif servaient à exprimer le sujet, l’attribut et les mots mis en apostrophe. Les for-
mes du cas oblique – pour exprimer complément d’objet direct (sans prépositions), compléments
d’objet indirect et compléments circonstantiels (avec les prépositions).
62
La flexion -s est chargée de deux fonctions: celle de marquer le cas et celle de mar-
quer le nombre. L’absence de -s peut indiquer le cas sujet pluriel ou le cas régime singulier. La
présence de -s peut indiquer le cas sujet singulier ou le cas régime pluriel.
Le paradigme de la déclinaison des noms en ancien français se réduit à trois types étymo-
logiques.
N o m s m a s c u l i n s.
1. Le type murs regroupe les noms correspondant à des noms latins en -s, (-us, -is, -x),
par ex.: murus > murs, caballus > cheval, canis > chien, rex > reis.
Sing. Plur.
C. S. (Nominatif) murs mur
C. R. (Oblique) mur murs
2. Le type pere est formé des noms qui proviennent de la deuxième déclinaison latine en -
er, par ex.: gener > gendre, liber > livre, magister > maistre ou de la troisième déclinaison, par.
ex. : arbor > arbre, frater > frere, etc.
Sing. Plur.
C. S. (Nominatif) arbre arbre
C. R. (Oblique) arbre arbres
On peut voir qu’au niveau du paradigme c’est seulement le premier type qui possède des
oppositions régulières du cas sujet et du cas régime. Tous les autres types présentent des para-
digmes variatives et leur déclinaison est formelle.
N o m s f é m i n i n s.
1. Le type rose regroupe les noms correspondant à des noms latins en -a, par ex.: rosa >
rose, arma > arme, etc.
Sing. Plur.
C. S. (Nominatif) rose roses
C. R. (Oblique) rose roses
2. Le type flour(s):
Sing. Plur.
C. S. (Nominatif) flour flours
C. R. (Oblique) flour flours
Les deux premiers types de déclinaison des féminins montrent que l’opposition entre le C.
S. rose, flour et le C. R. rose, flour n’existe plus. Or, si les formes ne s’opposent pas, les cas ne
63
s’opposent non plus. Donc, la déclinaison – au singulier aussi bien qu’au pluriel – cesse
d’exister pour les noms féminins en ancien français.
3. Le type suer:
Sing. Plur.
C. S. (Nominatif) suer serour
C. R. (Oblique) serour serours
A côté des noms masculins et féminins déclinables, il existait encore un petit groupe de
noms i n d é c l i n a b l e s. C’étaient les noms dont le thème se terminait par -s ou une palatale
en latin: nes < nas-um, vis < vis-um, voiz < voc-em; ou les noms neutres en latin devenus mas-
culins en français: cors < corpus, piz < pectum, tens < tempus. La consonne -s dans ces mots
fait partie du radical. De même chez les noms féminins: croiz < crux, voiz < vox, noiz < nux.
Par la force de l’analogie les indéclinables se sont aussi réglés sur le type murs (le -s du
thème est pris pour le -s de la flexion). On trouve ainsi ver, refu, abi pour vers (< versum), refus
(< refuser), abis (< abyssum). Et au contraire, on renconte les mots étymologiquement déclina-
bles pour les indéclinables: fils/z, danz, braz, dux.
N o t e s.
Les formes casuelles de l’ancien nom peuvent avoir des aspects phonétiques souvent particu-
liers dus aux phénomènes phonétiques résultant de l’évolution des groupes consonantiques. Ces
phénomènes donnent quelques variantes des radicaux des noms en ancien français.
A) La vocalisation de l devant la consonne flexionnelle -s change l’aspect phonétique des
formes casuelles:
Sing. Plur.
C. S. (Nominatif) genols ⇒ genous genol
C. R. (Oblique) genol genols ⇒ genous
Suivant la loi du moindre effort la langue tend à se débarrasser des formes excessives, à
diminuer leur nombre: de deux formes genol / genous la langue ne garde qu’une seule. Ainsi,
l’ancien français tend à régulariser les formes casuelles et plus tard – à les générasiser d’après
une forme.
Généralisation du s i n g u l i e r.
Ancien Sing. conseil seuil bal
Français Plur. conseus seus baus
Français Sing. conseil seuil bal
Moderne Plur. conseils seuils bals
Généralisation du p l u r i e l.
Ancien Sing. chevel drapel sol
Français Plur. cheveus drapeaus sous
Français Sing. cheveu drapeau sou
64
Moderne Plur. cheveux drapeaux sous
La loi d’analogie unifie dès le XII e s. tout le système de la déclinaison des masculins en
ancien français d’après le type murs: «Tout se passe donc comme si la langue travaillait obscu-
rément à créer un type unique de déclinaison où une -s ajoutée à la forme commune indiquerait
au singulier un sujet, au pluriel un complément avec cette seule exception que les mots fémi-
nins n’auraient souvent au singulier, toujours au pluriel, qu’une forme, celle du cas régime».
(Foulet, P. 7. L. Foulet. Petite syntaxe de l’ancien français. P., Champion, 1923. – 304p.)
Il y a deux points de vue sur l’évolution du système de déclinaison en ancien français.
La plupart des auteurs trouvent que c’est à la fin du XII e s. et au commencement du XIII
e s. que la déclinaison française montre la plus grande stabilité, et que le premier type murs, en
développant l’analogie, atteint son apogée. A partir de cette époque ce système commence à dis-
paraître – processus qui dure jusqu’à la fin du XIV e s.
Il y a aussi des linguistes qui estiment que la déclinaison de l’ancien français ne présente
que les débris du système casuel du latin et nullement de l’ancien français. « La déclinaison à
deux cas paraît correspondre à un usage encore vivant au début du XI e siècle, mais maintenue
artificiellement dans l’écriture pendant trois siècles par la tradition de la chancellerie capétienne,
65
des trouvères et des clercs; la belle régularité de la déclinaison au XIII e s. n’est qu’un
trompe-oeil» (Dauzat A. Tableau de la langue française. Origine, évolution, structure actuelle.
P., Payot, 1939. – P. 163).
C’est dans l’anglo-normand que la déclinaison disparaît d’abord.
A la fin du XI e s. et au début du XII e s. -s s’affaiblissait devant un mot commençant par
une consonne. Ce phénomène phonétique contribuera beaucoup à la ruine complète du système
casuel de l’ancien français, parce que, faute de marque casuel, la langue est forcée de recourir à
d’autres moyens linguistiques pour exprimer les raports syntaxiques désignés avant par la
flexion -s.
Causes de la dégradation du système casuel de l’ancien français.
1) Le nombre minimal de moyens flexionnels: en ancien français il n’y avait qu’une seule
opposition casuelle: flexion -s / flexion zéro.
2) L’imperfection du système casuel: il n’embrassait pas tous les noms; il était fort boî-
teux. Pendant un certain temps cette imperfection était équilibrée par la déclinaison des articles,
ainsi les noms masculins se déclinaient «de deux côtés»: mutation flexionnelle du nom et muta-
tion flexionnelle de l’article masculin.
Par exemple, la seule forme murs sert à exprimer deux séries de valeurs: 1. C. S. singulier
et 2. C. R. pluriel. Pour distinguer ces deux formes et ces deux séries de valeurs la langue recourt
aux formes casuelles de l’article:
Singulier Pluriel
C.S. li murs
C.R. les murs
Les formes contractées avec en disparaissent de la langue courante aux XV e – XVI e ss.
On en trouve les restes dans le type ès-lettres, ès-sciences.
L’article partitif en ancien français n’est pas encore en usage. Ses formes du, de la, des
seront employées à partir du XIII e s., mais avant la valeur de la partitivité est exprimée à l’aide
de la préposition de (mangier de pain) ou bien de de et le (mangier del pain), ou bien par
l’article zéro (mangier pain).
Fonctions de l’article.
L’article défini garde longtemps sa valeur primitive de d é m o n s t r a t i f, la valeur a
n a p h o r i q u e, la valeur p o s s e s s i v e, la valeur d é t e r m i n a t i v e.
L’article ne s’employait pas devant les noms abstraits, les noms propres de personnes, les
noms d’objets uniques, les noms d’un usage fréquent (les noms d’objets familiers) comme mai-
son, cour, messe.
L’article indéfini n’était pas fréquent en ancien français. Les linguistes ont enregistré les
cas de son emploi suivants: l’emploi n u m é r i q u e, l’emploi i n d i v i d u a l i s a n t,
l’emploi d é t e r m i n a t i f.
La flexion et l’article constituent, en ancien français, la double détermination du nom.
L’article occupe une place particulière en tant que déterminatif du nom. C’est à partir du XIII e
s. au plus tard qu’on peut parler de la morphologisation de l’article. Et ce n’est qu’à partir de ce
temps-là que la nouvelle catégorie grammaticale du nom, celle de la détermination / indétermina-
tion s’est formée.
68
ADJECTIF
La forme de l’adjectif exprime les catégories grammaticales du genre, du nombre, du cas
et des degrés de comparaison.
La catégorie du genre permet de répartir tous les adjectifs en deux grands groupes sui-
vant la formation du féminin:
1. Les adjectifs qui ont deux genres: bon / bone, cler / clere, etc.
Masculin Féminin
Sing. Plur. Sing. Plur.
C.S. bons bon bone bones
C.R. bon bons bone bones
2. Les adjectifs qui n’ont qu’une forme pour les deux genres: grant, tendre, etc.
Masculin Féminin
Sing. Plur. Sing. Plur.
C.S granz* grant grant granz
C.R. grant granz grant granz
*z=t+s
L’ancienne forme non analogique du féminin – grant, fort, subsiste dans quelques com-
posés et noms propres formés en AF: grand-route, grand-mère, Rochefort. Les survivances de
l’ancienne formation des adverbes à partir des adjectifs verbaux – constamment, prudemment.
Les adjectifs en ancien farnçais possèdent les formes du genre neutre qui ne s’emploient
qu’en fonction d’attribut.
Les radicaux de certains adjectifs subissent des alternances dues aux changements pho-
nétiques:
– à la réduction des groupes consonantiques:
Sing. Plur. Sing. Plur.
C.S. sec vif
se(c ↓ )s= ses vi(f ↓ )s= vis
C.R. sec vif
se(c↓)s = ses vi(f ↓ )s= vis
Les pronoms personnels proclitiques sont sujets à la soudure avec les pronoms toniques,
les conjonctions, la particule négative: jel < jo le, sel < si, se le, nel < ne le, etc.
Pronoms possessifs.
Masculin
Ton. At. Ton. At. Ton. At.
Sing. Nom. miens mes tuens¹ tes suens ses
Obl. mien mon tuen ton suen son
Plur. Nom. mien mi tuen ti suen si
Obl. miens mes tuens tes suens ses
Féminin
Ton. At. Ton. At. Ton. At.
Sing. Nom. meie ² ma toue ta soue sa
Obl. -″- -″- -″- -″- -″- -″-
Plur. Nom. meies mes toues tes soues ses
Obl. -″- -″- -″- -″- -″- -″-
70
¹ A la fin du XII e s. les formes tuen(s) et suen(s) sont refaites par analogie avec
mien(s): tuen(s) > tien(s), suen(s) > sien(s).
² A la fin du XIII s. la forme du féminin meie se conforme au même modèle: meie >
mien(s).
Masculin Féminin
Ton. At. Ton. At. Ton. At. Ton. At.
Sing Nom. nostre --- vostre --- nostre --- vostre ---
Obl. nostre --- vostre --- -″- --- -″- ---
Plur Nom nostre --- vostre --- nostres noz vostres voz
Obl. nostres noz vostres voz -″- -″- -″- -″-
En tant que forme verbale, il se construit avec le verbe estre et traduit la duréé: cette pé-
riphrase marque une action simultanée à une autre et qui dure (cf. en anglais Continuous).
Participe passé
En ancien français les participes passés se déclinent comme les adjectifs du premier type
(à deux genres):
Ame (Participe passé)
Masculin
Sing. Plur.
C.S. amez ame
C.R ame amez
Se combinant avec le verbe estre, il fait partie des formes analytiques de la voix passive,
et avec les verbes aveir et estre il forme les temps composés.
Gérondif
73
A la différence du participe passé qui possède la même désinence, le gérondif est une
forme verbale invariable.
Il se combine avec le verbe aler, et la construction ainsi faite traduit la durée et la pro-
gression de l’action.
Formes personnelles du verbe.
Le verbe possède, en ancien français, les formes s i m p l e s (synthétiques) étymologi-
ques et les formes c o m p o s é e s (analytiques) romanes qui expriment les catégories gramma-
ticales de la personne, du nombre, du temps, de la voix, du mode et de l’aspect.
Les catégories du nombre et de la personne sont exprimées par le système de flexions et
en partie par les pronoms sujets.
Le verbe connaît quatre modes dont chacun comporte plusieurs formes temporelles, ex-
cepté l’impératif: indicatif, subjonctif, impératif et conditionnel; il est à noter que le dernier
est un apport roman.
L’Indicatif possède huit temps dont quatre sont des formes simples (présent, imparfait,
passé simple, futur simple) et les autres – des formes composées (passé composé, plus-que-
parfait, passé antérieur, futur antérieur). Le Subjonctif a deux formes simples (présent, impar-
fait) et deux fromes composées (passé, plus-que-parfait). Le Conditionnel n’a que deux formes:
présent et passé dont le deuxième présente une forme analytique.
La voix comporte quatre séries: l’actif, le passif, le réfléchi et le factitif.
La catégorie de l’aspect ne présente pas d’oppositions nettes en ancien français. La plu-
part des savants estiment que cette catégorie est exprimée par des formes temporelles composées
et des tours périphrastiques.
Alternance des radicaux.
Le système verbal de l’ancien français est riche en formes alternées.
Les formes verbales simples de l’ancien français remontant directement à celles de la lan-
gue latine ont subi d’importants changements phonétiques. Cette évolution phonétique est à
l’origine d’une grande multiplicité de radicaux dans les verbes dont le radical forme une syllabe
ouverte comportant les voyelles a, o, e. Si l’accent frappe cette voyelle, elle se diphtongue, si
l’accent tombe sur la flexion, la voyelle du radical ne change pas.
Présent de l’Indicatif
Amer Tenir Deveir
aim tièn dèi
àim – es tièn - s dèi(v) - s
àim - e(t) tièn - t dèi(v) - t
am – òns ten - òns dev - òns
am – èz ten - èz dev - èz
74
àim – ent tièn - ent dèiv - ent
¹ Les verbes du 1 er groupe dont le radical se termine par un groupe consonantique ont la
flexion -e appelé -e d’appui à la 1ière personne du singulier: entre, tremble, etc.
² La flexion -iez de la 2 ième personne du pluriel mangiez, lassiez est due aux modifica-
tions phonétiques: laxatis > lassiez.
I m p a r f a i t d e l’I n d i c a t i f
Amer Finir Deveir
am - o(u)e finiss – eie dev – eie
am - o(u)es finiss - eies dev - eies
am - o(u)t finiss - eit dev - eit
am – ions finiss - ions dev - ions
am – iez finiss - iez dev - iez
am - o(u)ent finiss - eient dev - eient
Depuis le XII e s. les verbes du 1 er groupe reçoivent les désinences en -eie par analogie
avec les verbes du 2 ème et du 3 ème groupes.
Passé simple
Ce temps en ancien français constitue un système de formes très complexe qui toutefois
peuvent être réparties en deux groupes: le premier groupe est constitué de verbes dont la flexion
est toujours accentuée (les parfaits faibles en latin); le deuxième groupe est constitué de verbes
accentués tantôt sur la flexion, tantôt sur le radical (les parfaits forts en latin).
Les verbes au radical faible n’ont pas connu d’alternance.
75
Chanter Dormir Valeir
chant - ài dorm – ì val - ùi
chant – às dorm – ìs val - ùs
chant - à(t) dorm - ì(t) val - ù(t)
chant - àmes dorm – ìmes val - ùmes
chant - àstes dorm – ìstes val - ùstes
chant - èrent dorm – ìrent val - ùrent
A la différence des parfaits faibles les radicaux des parfaits forts ont subi les modifica-
tions phonétiques qui ont causé l’alternance des thèmes.
Veeir Venir Metre
vì vìn mìs
ve - ìs ven – ìs mes - ìs
vì - t vìn – t mìs - t
ve - ìmes ven – ìmes mes - ìmes
ve - ìstes ven – ìstes mes - ìstes
vì - rent vìn - (d)rent mìs - (t)rent
Les radicaux de verbes au présent du subjonctif sont sujets à l’alternance. Ce n’est pas le
cas de l’imparfait du subjonctif, vu que toutes ses formes portent l’accent sur la flexion.
Formes analytiques du verbe.
La forme analytique du verbe en AF est composée de la forme non-personnelle du verbe
qui exprime l’action et des formes personnelles du verbe auxiliaire qui caractérisent grammatica-
lement l’action. A l’aide des auxiliaires aveir et estre sont formés le Passé Composé, le Passé
76
Antérieur, le Plus-que-Parfait, le Futur Antérieur de l’Indicatif, le Passé et le Plus-que-
parfait du Subjonctif et le Passé Conditionnel.
Les formes composées ont remplacé en ancien français la série du perfectum remontant
aux périphrases latines habeo epistolam scriptam (j’ai une lettre qui a été écrite). En AF ces for-
mes sont en voie de grammaticalisation, les éléments de ces formes se déplacent librement dans
la phrase. En plus, l’ancien français connaît maints flottements dans le choix des verbes auxiliai-
res: très souvent estre est employé au lieu de aveir.
L’AF connaît plusieurs constructions analytiques qui peuvent être divisées en quatre
groupes d’après le second terme de la construction.
1. Auxiliaire+Participe Passé: aveir ou estre + P. P.
Les verbes auxiliaires traduisent l’idée de l’état et non de l’action. Le Participe Passé ex-
prime l’achèvement de l’action.
2. Auxiliaire + Participe Présent.
Le verbe auxiliaire estre et le participe présent traduisent l’idée de l’état. La construc-
tion marque l’action qui est en train de s’accomplir.
3. Auxiliaire + Infinitif.
Avec l’infinitif s’emploient:
a) les verbes aveir et estre; la construction traduit l’idée de l’obligation ou du futur;
b) les verbes modaux deveir, pooir, voleir; la construction traduit l’idée de l’obligation;
c) les verbes factitifs faire, laisser; la signification essentielle de cette construction est
d’exprimer la valeur de la voix factitive.
4. Auxiliaire + Gérondif.
Dans cette construction est employé le verbe aler comme auxiliare; la valeur essentielle
de cette périphrase est d’exprimer l’action avec une certaine intensité. Cette tournure est très
fréquente en ancien français.
En AF et en MF les périphrases verbales sont nombreuses et servent à traduirent diverses
nuances aspectuelles. En moyen français leur emploi devient moins fréquent en comparaison
avec les époques précédentes.
Phrase.
La phrase ou la proposition complexe s’oppose à la proposition indépendante par un cer-
tain nombre de caractéristiques. Ces caractéristiques sont établies, pour l’ancien français, par N.
M. Vassiliéva qui constate l’existence de deux unités syntaxiques à l’époque étudiée: de la pro-
position simple indépendante et de la proposition complexe ou phrase de subordination.
Les propositions ou phrases se rapportent au niveau supérieur de la langue. Deux unités
de ce niveau, proposition simple et proposition complexe, se trouvent en rapports hiérarchiques.
La phrase se forme à la base de propositions simples qui subissent des transformations structura-
les, lorsqu’elles deviennent principales ou subordonnées. En tant qu’unité syntaxique supérieure,
la phrase de subordination est bipartite, elle possède deux centres prédicatifs. En tant qu’unité
syntaxique inférieure, par rapport à la phrase, la proposition simple n’a qu’un centre prédicatif.
Les relations entre les propositions composant une phrase de subordination s’expriment
en ancien français à l’aide des conjonctions de subordination qui traduisent les valeurs de lieu,
de cause, de temps, etc. (subordonnées circonstancielles) et à l’aide de pronoms relatifs (subor-
données relatives ou interrogatives) ou de conjonctions (subordonnées complétives).
79
Les conjonctions de subordination sont, en ancien français: quant (quand), come
(comme), que, si et les composées avec que ou come: por que, por ce que, tant que, si que, puis
que, jusque, ainz que, com que, etc. Le premier élément de la conjonction composée est une
préposition ou un adverbe; la préposition se joint ordinairement à l’aide du démonstratif ce (por
ce que, etc.), l’adverbe se joint directement (ainz que). Les relatifs employés en ancien français
comme copulatifs des subordonnées sont: qui, quel, li quel, etc. En moyen français de nouvelles
formations apparaissent: afin que, alors que, attendu que, avec ce que, comment que, excepté
que, incontinent que, surtout que, vu ce que et autres, à partir de que; lequel, laquelle, à partir
de quel, et autres.
TERMINOLOGIE
I. Introduction
1. Objet et tâches de l’histoire de la langue française …………………………..
2. Langue comme fait social. Langue et parole. Langue comme système. …….
3. Histoire interne et ses parties. Sciences linguistiques historiques. …………..
4. Méthodes d’étudier l’histoire du français ……………………………………
5. Chronologie de l’histoire de la langue française …………………………….
II. Préhistoire
1. Quelques grandes dates de l’histoire et de la civilisation françaises ………..
2. Romanisation et germanisation de la Gaule (la France actuelle) ………
3. Eléments substrat et superstrat dans la langue française ……………….
4. Le latin en Gaule ……………………………………………………………
5. Sources des connaissances sur le latin populaire ……………………………
6. Evolution du système phonétique du latin populaire en Gaule ……………..
7. Evolution du système grammatical du latin populaire en Gaule ……………
8. Vocabulaire du latin populaire en Gaule……………. ……………..………..
III. Ancien français (IX e – XIII e ss.)
1. Aperçu historique …………………………………………………………..
2. Premiers monuments de l’ancien français. Genres de la littéraure médiévale .
3.Dialectes de l’ancien français ………………………………………………..
4. Problème de la formation du français littéraire …………………………
5. Evolution du système phonétique de l’ancien français …………………
6. Graphies de l’ancien français ……………………………………………..
7. Evolution du système grammatical de l’ancien français …………………..
8. Vocabulaire de l’ancien français…………….……………………….
Terminologie …………………………………………………………………
Travaux d’ensemble cités …………………………………………………….
Cartes …………………………………………………………………………
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Учебное издание
Учебное пособие.
На французском языке.