Лакан - Имена отца

Jacques LacanJacques Lacan
DES-NOMS-DU-PÈRE
Éditions du Seuil
Paris 2005
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Notice. 2
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Le symbolique, l'imaginaire et le réelè. 3
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Introduction aux Noms-du-Père. 36
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Indications bio-bibliographiques. 60
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Notice 7
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Le symbolique, l'imaginaire et le réel 9
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Introduction aux Noms-du-Père 51
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Indications bio-bibliographiques 81
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Notice
Ce volume réunit, non sans raison, deux interven�tions de Lacan
éloignées de dix
ans, 8 juillet 1953-20 novembre 1963, et qui portent sur des sujets apparem�ment
hétérogènes. "Le symbolique, l'imaginaire et le réel"
précède immédiatement la
rédaction, au cours de l'été, du rapport de Rome sur Fonction et
champ de la
parole et du langage en psychanalyse, qui marquait le début public de
"l'enseignement de Lacan", comme on devait dire plus tard. La conférence
constitue la toute première présentation thématique de la fameuse
triade qui
soutiendra de bout en bout l'élaboration de Lacan au cours des trois
décennies
suivantes, jusqu'à en devenir l'objet essentiel, non seulement conceptuel,
mais
mathématique et matériel, sous la forme du nœud borroméen et de
ses dérivés.
On trouve à la suite la première et la seule leçon du Séminaire
des
Noms-du-Père. Interrompu dans des cir�constances dramatiques - sa
déchéance du
rang de "di-dacticien" (à l'époque, psychanalyste habilité à
former des
psychanalystes) -, le Séminaire devait prendre un nouveau départ en
janvier 1964
rue d'Ulm, dans les lo�caux de l'Ecole normale supérieure, et sous le titre
des
Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse.
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Notice
8
Lacan se refusa toujours à reprendre le thème du Sé�minaire
brisé net, et même à
voir publier de son vivant le texte de l'unique leçon prononcée. Ayant
conclu de
ses déboires que l'agrément du "discours psychanalyti�que" ne lui avait
pas été
donné pour soulever, comme il en avait l'intention, le voile dont Freud avait
recouvert le ressort véritable de la psychanalyse, et qu'il avait
été frappé
pour s'être montré sacrilège, il signifia à bon entendeur
salut, notamment par
le titre ironique qu'il donna à un Séminaire ultérieur, Les non-
dupes errent,
qu'il garderait désormais une main jalouse refermée sur des
vérités par trop
intempestives.
Plus discrète, la mise en question des limites du com�plexe œdipien et du
mythe
paternel n'en continua pas moins de courir à travers séminaires et
écrits,
jusqu'au ravalement du Nom-du-Père au rang de symptôme et d'ustensile
(cf. le
Séminaire Le Sinthome, à paraître en 2005).
Le couplage de ces deux textes se justifierait certai�nement dans une
perspective historique (voir en fin de volume les indications
biobibliographiques). Mais la vraie raison qui m'a décidé à les
rapprocher est
ailleurs : c'est de donner du poids à l'indication de Lacan dans son dernier
enseignement, mi-boutade, mi-sentence, bien dans sa manière de mi-dire, selon
laquelle le symboli�que, l'imaginaire et le réel, voilà les vrais Noms-
du-Père.
Jacques-Alain Miller
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Le symbolique, l'imaginaire et le réelè
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[11]
Mes bons amis, vous pouvez voir que pour cette première communication dite
scientifique de notre nouvelle Socié�té j'ai pris un titre qui ne manque
pas
d'ambition.
Aussi bien commencerai-je d'abord par m'en excuser, vous priant de considérer
cette communication à la fois comme un résumé de points de vue que
ceux qui sont
ici mes élèves connaissent bien, avec lesquels ils sont
fami�liarisés depuis
déjà deux ans par mon enseignement, et aussi comme une sorte de
préface ou
d'introduction à une certaine orientation d'étude de la psychanalyse.
En effet, je crois que le retour aux textes freudiens qui ont fait l'objet de
mon enseignement depuis deux ans, m'a, ou plutôt nous a, à nous tous qui
avons
tra�vaillé ensemble, donné l'idée toujours plus certaine qu'il n'y a
pas de
prise plus totale de la réalité humaine que celle qui est faite par
l'expérience
freudienne, et que l'on ne peut pas s'empêcher de retourner aux sources et
d'ap�préhender ces textes en tous les sens du mot.
On ne peut pas s'empêcher de penser que la théorie de la psychanalyse, et
en
même temps sa technique, qui ne forment qu'une seule et même chose, ont
subi une
sorte de rétrécissement, et, à vrai dire, de dégradation. C'est
qu'en effet, il
n'est pas facile de se maintenir au niveau d'une telle plénitude.
Par exemple, un texte comme celui de L'Homme-aux-loups, je pensais le prendre ce
soir pour base et pour exem-
11
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[12]
Jacques Lacan. Le symbolique...
pie de ce que j'ai à vous exposer. Mais alors que j'avais fait là-dessus
un
séminaire l'année dernière, j'en ai fait toute la journée
d'hier une relecture
complète, et j'ai eu tout simplement le sentiment qu'il était tout à
fait
impos�sible ici que je vous en donne une idée, même approxima�tive, et
que mon
séminaire de l'année dernière, je n'avais qu'une chose à faire
- le refaire
l'année prochaine.
Ce qui m'est apparu en effet dans ce texte formida�ble, après le travail et le
progrès que nous avons faits cette année autour du texte de L'Homme-aux-
raîs, me
laisse à penser que ce que j'avais sorti l'année dernière comme
principe, comme
exemple, comme type de pen�sée caractéristique fourni par ce texte
extraordinaire, n'était qu'une simple approche, comme on dit en langa�ge
anglo-saxon, autrement dit un balbutiement. De sorte que j'essaierai ce soir,
tout simplement, de dire quelques mots sur ce que veut dire la confrontation de
ces trois registres très distincts qui sont bien les registres essen�tiels de
la
réalité humaine, et qui s'appellent le symboli�que, l'imaginaire et le
réel.
1.
Une chose d'abord ne saurait nous échapper, à savoir qu'il y a dans
l'analyse
toute une part de réel chez nos sujets qui nous échappe. Elle
n'échappait pas
pour autant à Freud quand il avait à faire à chacun de ses patients,
mais, bien
entendu, c'était tout aussi hors de sa prise et de sa portée.
On ne saurait être trop frappé de la façon dont il parle de son
homme aux rats,
distinguant entre ses personnali�tés. C'est là-dessus qu'il conclut, il
reconnaît chez lui la
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12
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[13]
personnalité d'un homme fin, intelligent et cultivé, et il la met en
contraste
avec les autres personnalités aux�quelles il a eu à faire. Si cela est
atténué
quand il parle de son homme aux loups, il en parle aussi. Mais nous ne sommes
pas forcés à vrai dire de contresigner toutes ses appréciations. Il
ne semble
pas qu'il s'agisse dans l'hom�me aux loups de quelqu'un d'aussi grande classe.
Mais il est frappant qu'il l'ait mis à part comme un point par�ticulier. Quant
à
sa Dora, n'en parlons pas, tout juste si l'on ne peut pas dire qu'il l'a
aimée.
Cet élément direct, cet élément de pesée,
d'appréciation de la personnalité, ne
manque pas de nous frapper. C'est quelque chose à quoi nous avons tout le
temps
à faire sur le registre morbide, d'une part, et même sur le registre de
l'expérience analytique, avec des sujets qui ne tombent pas absolument sous le
registre morbide. C'est un élément qu'il nous faut toujours

réserver, et qui est
particulièrement présent à notre expérience à nous autres
qui sommes chargés de
ce lourd fardeau de faire le choix de ceux qui se soumettent à l'analyse dans
un
but didactique.
Que dirons-nous au bout du compte, au terme de no�tre sélection? Tous les
critères qu'on invoque - faut-il de la névrose pour faire un bon
analyste? un
petit peu? beaucoup? sûrement pas, mais pas du tout? - en fin de compte, est-
ce
bien cela qui nous guide dans un jugement qu'aucun texte ne peut définir, et
qui
nous fait apprécier les qualités personnelles? à savoir, cette
réalité qui
s'exprime en ceci, qu'un sujet a de l'étoffé ou n'en a pas, qu'il est,
comme
disent les Chinois, She-un-ta, un homme de grand format, ou Sha-ho-yen, un homme
de petit format. C'est bien là quelque chose qui
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[ 14 ]
constitue les limites de notre expérience.
Qu'est-ce qui est mis enjeu dans l'analyse? Est-ce ce rapport réel au sujet,
à
savoir, de reconnaître sa réalité, selon une certaine façon et
selon nos
mesures? Est-ce cela à quoi nous avons à faire dans l'analyse?
Certaine�ment
pas, c'est incontestablement autre chose. Et c'est bien là la question que
nous
nous posons sans cesse, et que se posent tous ceux qui essaient de donner une
théo�rie de l'expérience analytique. Qu'est-ce que cette expé�rience
singulière
entre toutes, qui va apporter chez ces sujets des transformations si profondes?
Que sont-elles? Quel en est le ressort?
Depuis des années, l'élaboration de la doctrine ana�lytique est faite
pour
repondre à cette question. L'hom�me du commun, l'homme public, ne semble pas
s'éton�ner autrement de l'efficacité de cette expérience qui se
passe tout
entière en paroles, et, dans le fond, il a bien raison, puisqu'en effet, elle
marche, et que, pour l'expli�quer, il semblerait que nous n'ayons d'abord qu'à
dé�montrer le mouvement en marchant. Parler, c'est déjà s'introduire

dans le
sujet de l'expérience analytique. C'est bien là, en effet, qu'il convient
de
poser d'abord la ques�tion - qu'est-ce que la parole, c'est-à-dire le symbole?
A
la vérité, nous assistons plutôt à un évitement de cette
question. Et nous
constatons qu'à rétrécir cette ques�tion, à ne voir dans les
éléments et les
ressorts propre�ment techniques de l'analyse que des instruments desti�nés
à
modifier, par une série d'approches, les conduites et les coutumes du sujet,
nous aboutissons très vite à un certain nombre de difficultés et
d'impasses. À
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14
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[15]
ce sens, nous n'allons certes pas jusqu'au point de leur trouver une place dans
l'ensemble d'une considération totale de l'expérience analytique, mais
nous
allons tou�jours plus vers un certain nombre d'opacités qui s'oppo�sent à
nous,
et qui tendent à transformer dès lors l'analy�se en une expérience
qui
apparaîtra comme beaucoup plus irrationnelle que cela n'est réellement.
Il est frappant de voir combien de sujets récemment venus à
l'expérience
analytique se sont produits, dans leur première façon de s'exprimer sur
leur
expérience, en posant la question de son caractère irrationnel, alors
qu'il
semble au contraire qu'il n'y a peut-être pas de tech�nique qui soit plus
transparente.
Bien sûr, dans une analyse tout va dans ce sens, nous abondons dans un certain
nombre de vues psychologi�ques plus ou moins partielles du sujet patient, nous

par�lons de sa pensée magique, nous parlons de toutes sortes de registres qui
ont incontestablement leur valeur et sont rencontrés de façon très
vive par
l'expérience analyti�que. De là à penser que l'analyse elle-
même joue dans le
registre de la pensée magique, il n'y a qu'un pas, vite franchi quand on ne
décide pas de poser tout d'abord la question primordiale - qu'est-ce que
l'expérience de la parole? l'essence et l'échange de la parole? - et de
poser en
même temps la question de l'expérience analytique.
Partons de l'expérience, telle qu'elle nous est d'abord présentée
dans les
premières théories de l'analyse. Qu'est-ce que ce névrosé
à qui nous avons à
faire dans l'expérience analytique? Qu'est-ce qui va se passer dans cette
expérience? Qu'en est-il du passage du conscient à l'inconscient? Quelles
sont
les forces qui donnent à
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15
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[ 16 ]
l'équilibre une certaine existence, et que nous appelons le principe du
plaisir?
Pour aller vite, nous dirons avec M. Raymond de Saus�sure que le sujet
halluciné
son monde. Les satisfactions illusoires du sujet sont évidemment d'un autre
ordre que ses satisfactions qui trouvent leur objet dans le réel pur et
simple.
Jamais un symptôme n'a apaisé la faim ou la soif d'une façon
durable, hors de
l'absorption d'aliments qui les satisfont. Sans doute une baisse générale
du
ni�veau de la vitalité peut-elle répondre dans les cas limi�tes, comme
nous le
voyons par exemple dans l'hiberna-ge naturel ou artificiel, mais cela n'est
concevable que comme une phase qui ne saurait durer, sauf à entraîner des
dommages irréversibles. La réversibilité même des troubles

névrotiques implique
que l'économie des satis�factions qui y étaient impliquées
était d'un autre
ordre, et infiniment moins liée à des rythmes organiques fixes, quoique
commandant une partie d'entre eux. Cela défi�nit la catégorie
conceptuelle où
s'inscrit cette sorte d'ob�jets, et que je suis en train de qualifier comme
l'imagi�naire, si l'on veut bien reconnaître à ce terme toutes les
implications
qui lui conviennent.
A partir de là, il est facile de voir que cet ordre de satisfaction imaginaire
ne peut se trouver que dans les registres sexuels.

Tout cela est donné à partir de cette sorte de condi�tion préalable
de
l'expérience analytique. Et il n'est pas
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16
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[ 17 ]
étonnant, encore que des choses aient dû être confirmées,
contrôlées,
inaugurées, dirais-je, par l'expérience elle-même. Une fois
l'expérience faite,
les choses paraissent d'une parfaite rigueur. Le terme de "libido" ne fait en
effet qu'exprimer la notion de réversibilité qui implique celle
d'équivalence,
d'un certain métabolisme des ima�ges. Pour pouvoir penser cette
transformation,
il faut un terme énergétique. C'est à quoi a servi le mot de
"libi�do". Ce dont
il s'agit est, bien entendu, quelque chose de complexe.
La satisfaction imaginaire, ce n'est évidemment pas le simple fait que
Demetrios
ait été satisfait du fait d'avoir rêvé qu'il possédait la
prêtresse courtisane,
encore que ce cas ne soit qu'un cas particulier dans l'ensemble. Il s'agit d'un
élément qui va beaucoup plus loin, et qui est actuellement recoupé
par toute
l'expérience que les bio�logistes évoquent concernant les cycles
instinctuels,
très spécialement dans le registre de la sexualité et de la
re�production. Mis à
part les études encore incertaines et improbables concernant les relais
neurologiques dans les cycles sexuels qui ne sont pas ce qu'il y a de plus
solide dans leurs études, il est démontré que ces cycles chez les
animaux
eux-mêmes sont sous la dépendance d'un cer�tain nombre de
déclencheurs, de
mécanismes de déclen�chement, qui sont essentiellement d'ordre
imaginaire. Ce
qu'il y a de plus intéressant dans les études sur les cycles
instinctuels, leurs
limites et leur définition, c'est qu'en mettant à l'épreuve, pour
les préciser,
un certain nombre
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17
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[ 18 ]
des releasers jusqu'à une certaine limite d'effacement, on a pu
artificiellement
provoquer chez l'animal une mise en érection de la partie du cycle du
comportement sexuel dont il s'agit.
Le fait est qu'à l'intérieur d'un cycle de comportement
déterminé, un certain
nombre de déplacements sont tou�jours susceptibles de survenir dans certaines
conditions. Les biologistes n'ont pas trouvé en effet d'autre terme que le mot
même qui sert à désigner les troubles et les ressorts primaires
sexuels des
symptômes chez nos sujets, à savoir le déplacement. Par exemple, au
milieu d'un
cycle de com�bat, on observera la brusque survenue d'un segment du comportement
de parade. Chez les oiseaux, l'un des com�battants se met soudain à se lisser
les plumes.
Mille autres exemples peuvent en être donnés. Je ne suis pas là pour
les
énumérer. Cela est simplement pour vous donner l'idée que cet
élément de
déplacement est un ressort essentiel de l'ordre des comportements liés
à la
sexualité. Sans doute, ces phénomènes ne sont pas élec�tifs
chez les animaux.
Mais les études de Lorenz sur les fonctions de l'image dans le cycle du
nourrissage mon�trent que l'imaginaire y joue un rôle tout aussi éminent
que
dans l'ordre des comportements sexuels. Chez l'hom�me, c'est principalement sur
ce plan que nous nous trou�vons devant ce phénomène.
Ponctuons cet exposé en disant que les éléments de comportement
instinctuel
déplacé chez l'animal sont sus�ceptibles de nous donner l'ébauche
d'un
comportement symbolique. Ce que l'on appelle chez l'animal un com�portement
symbolique, c'est le fait qu'un segment dépla-
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18
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[ 19 ]
cé prend une valeur socialisée, et sert au groupe animal de repérage
pour un
certain comportement collectif.
Ainsi, nous posons qu'un comportement peut deve�nir imaginaire quand son
aiguillage sur des images, et sa propre valeur d'image pour un autre sujet, le
rendent susceptible de déplacement hors du cycle qui assure la satisfaction
d'un
besoin naturel. A partir de là, le com�portement névrotique peut
être dit
élucidé sur le plan de l'économie instinctive.
Quant à savoir pourquoi il s'agit toujours de compor�tement sexuel, je n'ai
pas
besoin d'y revenir, si ce n'est pour de brèves indications. Qu'un homme puisse
éjacu-ler à la vue d'une pantoufle ne nous surprend pas, ni non plus
qu'il s'en
serve pour ramener le conjoint à de meilleurs sentiments, mais personne
assurément ne peut songer qu'une pantoufle puisse servir à apaiser la
frin�gale,
même extrême, d'un individu. De même, ce à quoi nous avons
à faire constamment,
c'est à des fantasmes. Dans l'ordre du traitement, il n'est pas rare que le
pa�tient, le sujet, fasse intervenir au cours de l'analyse un fantasme tel que
celui de la fellation du partenaire ana�lyste. Est-ce là un élément
que nous
ferons rentrer dans un cycle archaïque de sa biographie? dans une
antérieu�re
sous-alimentation? Il est bien évident que nous n'y songerons jamais, quel que
soit le caractère incorporatif que nous donnions à ces fantasmes.

Qu'est-ce à dire? Cela peut dire beaucoup de choses. En fait, il faut bien
voir
que l'imaginaire est loin de se confondre avec le domaine de l'analysable. Il
peut y avoir une autre fonction que l'imaginaire. Ce n'est pas parce
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[20]
que l'analysable rencontre l'imaginaire que l'imaginai�re se confond avec
l'analysable, qu'il est tout entier l'ana�lysable ou l'analysé.
Reprenons l'exemple de notre fétichiste, bien que ce soit rare. Si nous
admettons qu'il s'agit là d'une sorte de perversion primitive, il n'est pas
impossible d'envisager des cas semblables. Supposons qu'il s'agis�se de l'un de
ces déplacements imaginaires tels que ceux que nous trouvons
réalisés chez
l'animal. Supposons en d'autres termes que la pantoufle soit strictement ici le
déplacement de l'organe féminin, puisque c'est beaucoup plus souvent chez
le
mâle que le fétichisme existe. S'il n'y avait rien qui puisse
représenter une
élaboration par rapport à cette donnée primitive, ce serait aussi
inanalysable
qu'est inanalysable telle fixation perverse.
Inversement, reprenons le cas de notre patient ou su�jet en proie à un
fantasme
de fellation. Là, c'est autre chose, qui a un tout autre sens. Sans doute
peut-on con�sidérer que ce fantasme représente l'imaginaire, certai�ne
fixation
à un stade primitif oral de la sexualité, mais nous ne dirons pas que ce
fellateur est un fellateur cons�titutionnel. J'entends par là que le fantasme
dont il s'agit, l'élément imaginaire, n'a strictement qu'une valeur
sym�bolique
que nous n'avons à apprécier qu'en fonction du moment de l'analyse
où il
s'insère. En effet, même si le sujet en retient l'aveu, ce fantasme
surgit, et
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[21
21
ce montre assez qu'il surgit à un moment du dialogue analytique. Il est fait
pour s'exprimer, pour être dit, pour symboliser quelque chose, et quelque
chose
qui a un sens tout différent selon le moment du dialogue.
Donc, qu'est-ce à dire? D'une part, qu'il ne suffit pas qu'un
phénomène
représente un déplacement, autrement dit s'inscrive dans les
phénomènes
imaginaires, pour être un phénomène analysable. D'autre part, qu'un
phéno�mène
n'est analysable que s'il représente autre chose que lui-même.
2.
Pour aborder le sujet dont je parle, à savoir le symbo�lisme, je dirai que
toute
une part des fonctions imaginai�res dans l'analyse n'ont pas d'autre relation
avec la réa�lité fantasmatique qu'elles manifestent que la syllabe "po"
n'en a
avec le vase aux formes de préférence sim�ples, qu'elle désigne.
Dans "police"
ou "poltron", la syl�labe "po" a évidemment une tout autre valeur. On pourra
se
servir du pot pour symboliser la syllabe "po", inver�sement dans le terme
"police" ou "poltron", mais il con�viendra alors d'y ajouter en même temps
d'autres ter�mes également imaginaires qui ne seront pas pris là pour
autre
chose que comme des syllabes destinées à complé�ter le mot.
C'est bien ainsi qu'il faut entendre le symbolique dont il s'agit dans
l'échange
analytique. Qu'il s'agisse de
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�� , � ��
�� .
[22]
symptômes réels, actes manques, et quoi que ce soit qui s'inscrive dans
ce que
nous y trouvons et retrou�vons sans cesse, et que Freud a manifesté comme
étant
sa réalité essentielle, il s'agit encore et toujours de symboles, et de
symboles
organisés dans le langage, donc fonctionnant à partir de l'articulation
du
signi�fiant et du signifié, qui est l'équivalent de la structure
même du
langage.
Il n'est pas de moi, ce terme que le rêve est un rébus, c'est de Freud.
Quant au
symptôme, qu'il exprime lui aussi quelque chose de structuré et
d'organisé comme
un langage est suffisamment manifesté par le fait, pour partir du plus simple
d'entre eux, du symptôme hystéri�que qui donne toujours quelque chose
d'équivalent à une activité sexuelle, mais jamais un équivalent
univoque. Au
contraire, il est toujours plurivoque, superposé, sur�déterminé, et,
pour tout
dire, très exactement construit à la façon dont les images sont
construites dans
les rêves. Il y a là une concurrence, une superposition de symbo�les,
aussi
complexe que l'est une phrase poétique qui vaut à la fois par son ton, sa
structure, ses calembours, ses rythmes, sa sonorité. Tout se passe sur

plusieurs
plans, et c'est de l'ordre et du registre du langage.
Cela ne nous apparaîtra peut-être pas suffisamment dans son relief, si
nous
n'essayons pas de voir ce qu'est, originairement, le langage.
Bien entendu, la question de l'origine du langage est un des sujets qui peuvent
le mieux prêter à des délires organisés, collectifs ou
individuels. Ce n'est pas
ce que
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��, ��, ��. �� , ��
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��, �� , ��
�� , ��
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[23]
nous avons à faire. Le langage est là. C'est un émergent. Maintenant
qu'il a
émergé, nous ne saurons plus jamais quand ni comment il a commencé,
ni comment
c'était avant qu'il soit.
Mais tout de même, comment exprimer ce qui s'est peut-être
présenté comme une
des formes les plus primitives du langage? Pensez au mot de passe. Je choisis
exprès cet exemple parce que le mirage, quand on parle du langage, est
toujours
de croire que sa signification est ce qu'il désigne. Mais non, mais non. Bien
sûr qu'il désigne quelque chose, qu'il remplit une certaine fonction sur
ce
plan. Mais le mot de passe a cette propriété d'être choisi justement
d'une façon
tout à fait indépendante de sa signification.
Et si celle-ci est idiote? L'Ecole répond - sans doute faut-il ne jamais
répondre - que la signification d'un tel mot est de désigner celui qui le
prononce comme ayant telle ou telle propriété répondant à la

question qui fait
donner le mot. D'autres diraient que l'exemple est mal choisi parce qu'il est
pris à l'intérieur d'une convention. Cela vaut mieux encore. D'un autre
côté, on
ne peut nier que le mot de passe ait les vertus les plus précieuses, puisqu'il
sert tout simplement à vous éviter d'être tué.

C'est bien ainsi que nous pouvons considérer le lan�gage comme ayant une
fonction. Né entre ces animaux féroces qu'ont dû être les
hommes primitifs - à
en juger d'après les hommes modernes, ce n'est pas invraisem�blable�, le mot
de
passe est ce grâce à quoi, non pas se reconnaissent les hommes du groupe,
mais
se constitue le groupe.
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��, �� , �� , �� , ��
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[24]
Il y a un autre registre où l'on peut méditer sur la fonction du langage,
c'est
celui du langage stupide de l'amour, qui consiste, au dernier degré du spasme
de
l'ex�tase, ou au contraire de la routine, selon les individus, à subitement
qualifier son partenaire sexuel du nom d'un légume des plus vulgaires ou d'un
animal des plus répu�gnants. Cela n'est certainement pas loin de toucher
à la
question de l'horreur de l'anonymat. Ce n'est pas pour rien que telles de ces
appellations animales ou supports plus ou moins totémiques se retrouvent dans
la
phobie. C'est qu'il y a entre les deux quelque point commun. Le sujet humain est
spécialement exposé, nous le verrons tout à l'heure, au surgissement
d'un
vertige, et, pour l'éloigner, il éprouve le besoin de faire quelque chose
de
transcendant. Ce n'est pas pour rien dans l'origine de la phobie.
Dans ces deux exemples, le langage est particulière�ment dépourvu de
signification.Vous voyez là le mieux ce qui distingue le symbole du signe,
à
savoir la fonction interhumaine du symbole. C'est là quelque chose qui
naît avec
le langage, et qui fait qu'après que le mot a été vraiment parole
prononcée, les
deux partenaires sont autres qu'avant. C'est à quoi sert le mot, je vous l'ai
montré sur les exemples les plus simples.
Vous auriez d'ailleurs tort de croire que ce ne sont pas des exemples
particulièrement pleins. Soit dans le mot de passe, soit dans le mot qu'on
appelle d'amour, il s'agit de quelque chose qui est plein de portée. Disons
que
la conversation qu'à un moment moyen de votre car�rière d'étudiant
vous avez pu
avoir à un dîner de patrons
24
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[25]
également moyens, où la signification des choses qu'on échange a un
caractère
équivalent à celui des conversa�tions de rencontre dans la rue et dans
l'autobus
- ce n'est pas autre chose qu'une certaine façon de se faire
recon�naître, ce
qui justifierait Mallarmé disant que le langage était comparable à
cette monnaie
effacée qu 'on se passe de la main à la main en silence.
Voyons à partir de là ce qui s'établit quand le névrosé
arrive à l'expérience
analytique.
C'est que lui aussi commence à dire des choses. Il dit des choses, et les
choses
qu'il dit, il n'y a pas énormément à s'étonner si, au
départ, elles ne sont pas
autre chose que ces paroles de peu de poids auxquelles je viens de faire
allusion. Néanmoins, quelque chose est fondamentalement différent, c'est
qu'il
vient à l'analyste pour autre chose que pour dire des fadaises et des
banalités.
Il est d'ores et déjà impliqué dans la situation quelque chose qui
n'est pas
rien, puisque, en somme, c'est son propre sens qu'il vient plus ou moins
chercher. Quelque chose est là mysti�quement posé sur la personne de
celui qui
l'écoute.
Bien entendu, il s'avance vers cette expérience, vers cette voie originelle,
avec, mon Dieu, ce qu'il a à sa dis�position. Ce qu'il croit d'abord, c'est
qu'il faut qu'il fas�se le médecin lui-même, qu'il renseigne l'analyste.
Bien
entendu, dans votre expérience quotidienne, vous le re�mettez à son plan,
disant
que ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de parler, et, de préférence,
sans
chercher soi-même à mettre de l'ordre, de l'organisation, c'est-à-
dire à se
mettre, selon un narcissisme bien connu, à la place de son interlocuteur.
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25
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[ 26 ]
En fin de compte, la notion que nous avons du névro�sé, c'est que dans
ses
symptômes mêmes gît une parole bâillonnée, où
s'expriment un certain nombre,
disons, de transgressions à un certain ordre, qui, par elles-mê�mes,
crient au
ciel l'ordre négatif dans lequel elles se sont inscrites. Faute de
réaliser
l'ordre du symbole d'une façon vivante, le sujet réalise des images
désordonnées
dont elles sont les substituts.
C'est cela qui va d'abord s'interposer à toute relation symbolique
véritable.
Ce que le sujet exprime d'abord quand il parle, c'est ce registre que nous
appelons les résistances, ce qui ne peut s'interpréter autrement que
comme le
fait d'une réa�lisation hic et nunc, dans la situation et avec l'analyste, de
l'image ou des images de l'expérience précoce. C'est là-dessus en
effet que
toute la théorie de la résistance s'est édifiée, mais seulement
après la grande
reconnais�sance de la valeur symbolique du symptôme et de tout ce qui peut
être
analysé.
Or, ce que l'expérience rencontre, c'est justement autre chose que la
réalisation du symbole. C'est la tenta�tion, par le sujet, de constituer hic
et
nunc dans l'expé�rience analytique cette référence imaginaire. C'est
ce que nous
appelons les tentatives du sujet de faire entrer l'ana�lyste dans son jeu. C'est
ce que nous voyons par exem�ple dans le cas de l'homme aux rats, quand nous nous
apercevons - vite, mais pas tout de suite, et Freud non plus - qu'à raconter
son
histoire obsessionnelle, la gran�de observation concernant le supplice des rats,
il y a ten�tative du sujet de réaliser ici et maintenant, et avec Freud,
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26
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27]
cette sorte de relation sadique-anale imaginaire qui fait le sel de l'histoire.
Freud s'aperçoit fort bien qu'il s'agit de quelque chose qui se traduit et se
trahit physionomiquement, sur la face même du sujet, et qu'il qualifie de
l'horreur d'une jouissance ignorée.
Le moment où l'on a pu mesurer, poser comme tels, les éléments de la
résistance
survenant dans l'expérien�ce analytique, est bien un moment significatif dans
l'his�toire de l'analyse. On peut dater le moment où on a su en parler d'une
façon cohérente de l'article de Reich, un des premiers articles à ce
sujet parus
dans l'InternationalJournal, au moment où Freud faisait surgir le second temps
dans l'élaboration de la théorie analytique, qui n'est autre que la

théorie du
moi.
Vers cette époque, en 1920, apparaît das Es. A ce moment-là, nous
commençons à
nous apercevoir, à l'in�térieur - il faut toujours le maintenir - du
registre de
la relation symbolique, que le sujet résiste, et que cette ré�sistance
n'est pas
une simple inertie opposée au mouve�ment thérapeutique, comme en physique
on
pourrait dire que la masse résiste à toute accélération. Elle
établit un certain
lien, qui s'oppose comme tel, comme une action humaine, à celle du
thérapeute, à
ceci près qu'il ne faut pas que le thérapeute s'y trompe. Ce n'est pas
à lui, en
tant que réalité, qu'on s'oppose, c'est dans la mesure où, à sa
place, est
réalisée une certaine image que le sujet projette sur lui.
A la vérité, ces ternies ne sont qu'approximatifs.
C'est à ce moment également que naît la notion d'ins-
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27
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[28
tinct agressif, et qu'il faut ajouter à la libido le terme de destrudo, cela
non
sans raison, car, à partir du moment où son but [...] les fonctions
essentielles
de ces relations imaginaires telles qu'elles apparaissent sous forme de
résistance, un autre registre apparaît qui n'est lié à rien de
moins qu'à la
fonction propre que joue le moi.
Je n'entrerai pas aujourd'hui dans la théorie du moi, sinon pour vous dire
qu'il
faut, dans toute notion analy�tique cohérente et organisée du moi,
absolument
distin�guer la fonction imaginaire du moi, comme unité du su�jet
aliéné à
lui-même. Le moi est ce dans quoi le sujet ne peut se reconnaître d'abord
qu'en
s'aliénant. Il ne peut donc se retrouver qu'en abolissant alter ego du moi.
Là
se développe la dimension, très distincte de l'agression, qui s'appelle
d'ores
et déjà l'agressivité.
11 nous faut maintenant reprendre la question en ces deux registres, question de
la parole et question de l'ima�ginaire.
La parole, je vous l'ai montré sous une forme abrégée, joue le
rôle essentiel de
médiation. A partir du moment où elle a été réalisée,
la médiation change les
deux partenaires en présence. Cela n'a rien qui ne nous soit donné jusque
dans
le registre sémantique de cer�tains groupes humains. Lisez à ce propos le
livre
de Leenhardt, Do Kamo.
Ce n'est pas un livre qui mérite toutes les recomman-
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28
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��, �� , � �� ,
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[29
dations, mais il est assez expressif et particulièrement maniable. Il est
excellent comme introduction pour ceux qui ont besoin d'être introduits.Vous y
verrez qu'il se produit chez les Canaques quelque chose d'assez parti�culier sur
le plan sémantique, à savoir que le mot de "pa�role" signifie quelque
chose qui
va beaucoup plus loin que ce que nous appelons ainsi. C'est aussi bien une
ac�tion. Et d'ailleurs, pour nous aussi, la parole donnée est également
une
forme d'acte. Mais c'est aussi bien quel�quefois un objet, c'est-à-dire
quelque
chose qu'on por�te, une gerbe. C'est n'importe quoi. Mais, à partir de
là,
quelque chose existe qui n'existait pas avant.
Il convient de faire aussi une autre remarque. Cette parole médiatrice n'est
pas
purement et simplement médiatrice sur ce plan élémentaire. Elle
permet entre
deux hommes de transcender la relation agressive fondamen�tale au mirage du
semblable. Il faut qu'elle soit encore bien autre chose, car si l'on y
réfléchit, on voit que non seulement elle constitue cette médiation,
mais aussi
bien qu'elle constitue la réalité elle-même.
Cela est tout à fait évident si vous considérez ce qu'on appelle une
structure
élémentaire, c'est-à-dire archaïque, de la parenté.
Elémentaires, les structures
de la parenté ne le sont pas toujours. Les nôtres, par exemple, sont
spécialement complexes, mais, à la vérité, elles
n'exis�teraient pas sans le
système des mots qui les expriment, et le fait est que les interdits qui
règlent
chez nous l'échan�ge humain des alliances, au sens propre du mot, sont
réduits à
un nombre excessivement restreint. De ce fait, nous tendons à confondre des
termes comme père, mère,
�� . ��...

29
��, �� . ��
�� , �� . B�
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��, ��, �� , �� , �� , ��
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�� , � �� , ��
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�� , �� , ��,
[30]

fils, etc., avec des relations réelles. C'est parce que le système des
relations
de parenté s'est extrêmement ré�duit, dans ses bornes et dans son
champ. Mais il
s'agit de symboles.
Masserman a fait là-dessus, dans / 'International Jour�nal of Psychoanalysis
de
1944, un très joli article qui s'appelle "Langage, behavior and dynamic
psychiatry". Un des exemples qu'il donne montre assez la faiblesse du point de
vue béhavioriste. Il croit résoudre la ques�tion de la symbolique du
langage en
donnant l'exemple du conditionnement. On aurait régulièrement fait se
pro�duire
la réaction de contraction de la pupille à la lumière en même
temps que tintait
une clochette. On supprime ensuite l'excitation à la lumière, la pupille
se
contracte quand on agite la clochette. On finirait par obtenir la contraction de
la pupille par la simple audition du mot contract. Croyez-vous avoir ainsi
résolu la question du langage et de la symbolisation? Mais si, au lieu de
con�tract, on avait dit autre chose, on aurait pu obtenir exac�tement le même
résultat. Ce dont il s'agit n'est pas le conditionnement d'un
phénomène. Ce dont
il s'agit dans les symptômes, c'est de la relation du symptôme avec le
système
tout entier du langage, le système des significa�tions des relations
interhumaines comme telles.
L'analyse recoupe très exactement ces remarques, et nous en montre jusque dans
le détail la portée et la pré�sence. La pointe de ce que je viens de

vous dire
est en effet celle-ci - toute relation analysable, c'est-à-dire inter-
�� . ��...

30
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�� "Interna�tional Journal of Psychoanalysis"
�� 1944 �� -�� "Language, Behavior and Dynamic
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�� . �� ,
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[31]
prétable symboliquement, est toujours inscrite dans une relation à trois.
Nous l'avons déjà vu dans la structure même de la parole, ce qui est
réalisable
libidinalement entre tel et tel sujet demande médiation. C'est ce qui donne sa
valeur à ce fait, affirmé par la doctrine et démontré par

l'expé�rience, que
rien ne s'interprète finalement - car c'est de cela qu'il s'agit - que par
l'intermédiaire de la réalisa�tion œdipienne. Cela veut dire que
toute relation
à deux est toujours plus ou moins marquée du style de l'imagi�naire. Pour
qu'une
relation prenne sa valeur symboli�que, il faut qu'il y ait la médiation d'un
tiers personnage qui réalise, par rapport au sujet, l'élément
transcendant grâce
à quoi son rapport à l'objet peut être soutenu à une certaine
distance.
Entre le rapport imaginaire et le rapport symbolique, il y a toute la distance
qu'il y a dans la culpabilité. C'est pour cela, l'expérience vous le
montre, que
la culpabili�té est toujours préférée à l'angoisse.
Nous savons par les progrès de la doctrine et de la théorie de Freud que
l'angoisse est toujours liée à une perte, c'est-à-dire à une
transformation du
moi, c'est-à-dire à une relation à deux sur le point de
s'évanouir, et à
laquelle doit succéder quelque chose d'autre que le sujet ne peut pas aborder
sans un certain vertige. C'est cela qui est le registre et la nature de
l'angoisse. Dès que s'in�troduit le tiers, qu'il entre dans le rapport
narcissique, la
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31
��, �� .
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�� . �� , ��
�� . ��
�� , �� -
[32]
possibilité s'ouvre d'une médiation réelle, par
l'inter�médiaire essentiellement
du personnage qui, par rapport au sujet, représente un personnage
transcendant,
autre�ment dit une image de maîtrise par l'intermédiaire de laquelle son
désir
et son accomplissement peuvent se réaliser symboliquement. A ce moment,
intervient un autre registre, qui est ou celui de la loi, ou celui de la
culpabilité, selon le registre dans lequel il est vécu.
3.
Vous sentez que j'abrège un peu. Je crois pourtant ne pas vous dérouter
trop,
puisque aussi bien ce sont des choses que j'ai répétées maintes fois
dans nos
réunions.
Je voudrais encore souligner un point important con�cernant le registre du
symbolique.
Dès qu'il s'agit du symbolique en tant que ce dans quoi le sujet s'engage dans
une relation proprement hu�maine, dès qu'il s'agit d'un engagement du sujet
expri�mé dans le registre du je, par un je veux ou je t'aime, il y a toujours
quelque chose de problématique. L'élément temporel est très
important à
considérer, et pose tout un registre de problèmes qui doivent être
traités
parallèle�ment à la question du rapport du symbolique et de
l'ima�ginaire. La
question de la constitution temporelle de l'ac�tion humaine est inséparable de
la première. Encore que je ne puisse pas l'aborder dans son ampleur ce soir,
il
me faut au moins indiquer que nous la rencontrons sans ces-
�� . ��...
32
�� , ��
�� , �� , ��
��, �� , ��, �� , �� ,
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�� , �� ,
[33]
se dans l'analyse, et de la façon la plus concrète. Là aus�si, pour
la
comprendre, il convient de partir d'une notion structurale, et, si l'on peut
dire, existentielle, de la signi�fication du symbole.
Un des points qui paraît des plus établis de la théorie analytique
est celui de
l'automatisme, du prétendu auto�matisme de répétition dont Freud a
si bien
montré le pre�mier exemple dans / 'Au-delà du principe de plaisir. On
voit comme
agit la première maîtrise - l'enfant abolit son jouet, par la
disparition. Cette
répétition primitive, cette scansion temporelle fait que l'identité
de l'objet
est maintenue et dans la présence, et dans l'absence.
Nous avons là la portée exacte, la signification du symbole en tant qu'il
se
rapporte à l'objet, c'est-à-dire à ce qu'on appelle le concept. Or,
nous
trouvons là illustré quelque chose qui paraît si obscur quand on le
lit dans
Hegel, à savoir que le concept, c'est le temps. 11 faudrait une
conférence d'une
heure pour faire la démonstration que le concept, c'est le temps. Chose
curieuse, M. Hyp-polite, dans sa traduction de la Phénoménologie de
l'Es�prit,
s'est contenté de mettre une note disant que c'était l'un des points les
plus
obscurs de la théorie de Hegel. Mais, grâce à l'exemple de Freud,
vous touchez
du doigt cette chose simple qui consiste à dire que le symbole de l'objet,
c'est
justement l'objet là. Quand il n'est plus là, c'est l'objet incarné
dans sa
durée, séparé de lui-même et qui, par là même, peut
vous être en quelque sorte
tou-
�� . ��...

33
�� , ��
�� . � �� , ��
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�� -
[34]
Jacques Lacan. Le symbolique.
jours présent, toujours là, toujours à votre disposition. Nous
retrouvons ici le
rapport qu'il y a entre le symbole et le fait que tout ce qui est humain est
conservé comme tel. Plus c'est humain, plus c'est préservé du
côté mou�vant et
décompensant du processus naturel. L'homme fait subsister dans une certaine
permanence tout ce qui a duré comme humain, et, avant tout, lui-même.
Retrouvons un exemple. Si j'avais voulu prendre la question du symbole par un
autre bout, au lieu de partir du mot, de la parole ou de la petite gerbe, je
serais parti du tumulus sur le tombeau du chef, ou sur le tombeau de n'importe
qui. Ce qui caractérise l'espèce humaine, c'est justement d'environner le
cadavre de quelque chose qui constitue une sépulture, de maintenir le fait que
ceci a duré. Le tumulus ou n'importe quel autre signe de sé�pulture

mérite très
exactement le nom de "symbole". C'est quelque chose d'humanisant. J'appelle
"symbole" tout ce dont j'ai tenté de montrer la phénoménologie.
Si je vous signale cela, ce n'est évidemment pas sans raison. En effet, la
théorie de Freud a dû se pousser jus�qu'à la notion qu'elle a mise
en valeur
d'un instinct de mort. Tous ceux qui, dans la suite, ont mis uniquement l'accent
sur l'élément résistance, c'est-à-dire l'élément
action imaginaire pendant
l'expérience analytique, en annulant plus ou moins la fonction symbolique du
lan�gage, sont les mêmes pour qui l'instinct de mort est une notion qui n'a
pas
de raison d'être.
Réaliser, au sens propre du mot, ramener à un certain réel l'image,
en y ayant
inclus, bien entendu, comme
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34
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[35]
une fonction essentielle un signe particulier de ce réel, ramener au réel
l'expression analytique, est toujours cor�rélatif, chez ceux qui la

développent
sous ce registre parce qu'ils n'ont que ce registre, de la mise entre
parenthèses, voire de l'exclusion de ce que Freud a placé sous le chef de
l'instinct de mort, et qu'il a appelé, plus ou moins, l'automatisme de

répétition.
Reich nous en donne un exemple caractéristique. Pour lui, tout ce que le
patient
raconte est flatus vocis, c'est la façon dont l'instinct manifeste son armure.
Point qui est significatif, très important, mais comme un temps de

l'ex�périence. C'est dans la mesure où est mise entre paren�thèses
toute
l'expérience comme symbolique que l'ins�tinct de mort est lui-même exclu.
Bien entendu, cet élément de la mort ne se manifeste pas que sur le plan
du
symbole. Il se manifeste aussi dans le registre narcissique. Mais là, c'est
autre chose dont il s'agit. La mort dans le registre narcissique est beaucoup
plus près de cet élément de néantisation finale qui est
lié à toute espèce de
déplacement, et dont on peut concevoir, comme je l'ai déjà
indiqué, qu'il est
l'origi�ne, la source de la possibilité de transaction symbolique du
réel. Mais
c'est aussi quelque chose qui a beaucoup moins de rapport avec l'élément
durée,
avec la projec�tion temporelle, avec l'avenir comme terme essentiel au
comportement symbolique comme tel.
Vous le sentez, je suis forcé d'aller un petit peu vite. Il y a beaucoup de
choses à dire sur tout cela. L'analyse de notions aussi différentes que
celles
qui correspondent aux termes de résistance, résistance de transfert,
trans-
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35
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[36]
fert comme tel, la distinction entre ce qu'il faut appeler proprement transfert
et ce qu'il faut laisser à la résistance, tout cela peut assez
aisément
s'inscrire par rapport aux notions fondamentales du symbolique et de
l'imaginaire.
Je voudrais simplement, pour terminer, illustrer mon propos. Il faut toujours
donner une petite illustration à ce qu'on raconte. Ceci n'est qu'une
approximation par rapport à des éléments de formalisation que j'ai
développés
beaucoup plus loin avec les élèves au Séminaire, par exemple dans
L'Homme aux
rats. On peut arriver à formaliser complètement à l'aide
d'éléments comme ceux
que je vais vous indiquer. Cela vous montrera ce que je veux dire.
Voilà comment une analyse pourrait, très schémati-quement,
s'inscrire depuis son
début jusqu'à la fin.
rS - ri- il- iR - iS -sS- SI�SR�rR�rS,
soit réaliser le symbole.
rS: c'est la position de départ. L'analyste est un personnage symbolique comme
tel, et c'est à ce titre que vous venez le trouver, pour autant qu'il est
à la
fois le symbole par lui-même de la toute-puissance, qu'il est lui-même
déjà une
autorité, le maître. C'est dans cette perspective que le sujet vient le
trouver
et qu'il se met dans une certaine posture qui est à peu près celle-ci -
C'est
vous qui avez ma vérité. Cette posture est complètement illusoire,
mais c'est la
posture typique.
ri: après, nous avons la réalisation de l'image, c'est-à-dire
l'instauration
plus ou moins narcissique dans laquelle le sujet entre dans une certaine
conduite qui est justement analysée comme résistance. Ceci en rai�son de
quoi?
D'un certain rapport //,
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36
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[37]
Jacques Lacan. Le symbolique..
IMAGINATION IMAGE
il: c'est la captation de l'image qui est essentielle�ment constitutive de toute
réalisation imaginaire en tant que nous la considérons comme
instinctuelle.
Cette réa�lisation de l'image fait que l'épinoche femelle est
cap�tivée par les
mêmes couleurs que l'épinoche mâle, et qu'ils entrent
progressivement dans une
certaine danse qui les mène où vous savez. Qu'est-ce qui la constitue
dans
l'expérience analytique? Je le mets pour l'instant dans un cercle. Voir plus
loin.
Après cela, nous avons iR, où / est transformé en R. C'est la phase
de
résistance, de transfert négatif, ou même, à la limite, de
délire, qu'il y a
dans l'analyse. Certains analystes tendent toujours plus à la réaliser.
L'analyse est un délire bien organisé, c'est une formu�le que j'ai
entendue dans
la bouche d'un de mes maîtres. Elle est partielle, mais non pas inexacte.
Après, que se passe-t-il? Si l'issue est bonne, si le sujet n'a pas toutes les
dispositions pour être psychoti�que, auquel cas il reste au stade iR, il passe
à
iS, l'ima�gination du symbole. Il imagine le symbole. Nous avons dans l'analyse
mille exemples de l'imagination du sym�bole, par exemple le rêve. Le rêve
est
une image sym�bolisée.
Ici intervient sS, qui permet le renversement. C'est la symbolisation de
l'image, autrement dit ce qu'on appel-
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37
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[38]
le l'interprétation. On l'atteint uniquement après le fran�chissement de
la
phase imaginaire qui englobe à peu près ri- il- iR - iS. Commence alors
l'élucidation du symptô�me par l'interprétation, sS�SI.
Ensuite, nous avons SR, qui est, en somme, le but de toute santé. C'est, non
pas, comme on le croit, de s'adap�ter à un réel plus ou moins bien
défini ou
bien organisé, mais de faire reconnaître sa propre réalité,
autrement dit son
propre désir. Comme je l'ai maintes fois souligné, c'est le faire
reconnaître
par ses semblables, c'est-à-dire de le symboliser.
A ce moment-là, nous retrouvons rR, ce qui nous per�met d'arriver à la
fin au
rS, c'est-à-dire très exactement à ce dont nous sommes partis.
Il ne peut en être autrement, car si l'analyste est hu�mainement valable,
ça ne
peut être que circulaire. Et une analyse peut comprendre plusieurs fois ce
cycle.
iS est la partie propre de l'analyse. C'est ce qu'on appelle à tort la
communication des inconscients. L'ana�lyste doit être capable de comprendre le
jeu que joue son sujet. Il doit comprendre qu'il est lui-même l'épinoche
mâle ou
femelle, selon la danse que mène son sujet.
Le sS, c'est la symbolisation du symbole. C'est l'ana�lyste qui doit faire ça.
Il n'a pas de peine - il est déjà lui-même un symbole. Il est

préférable qu'il
le fasse avec complétude, culture et intelligence. C'est pour cela qu'il est
préférable, nécessaire que l'analyste ait une
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38
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[39]
formation aussi complète que possible dans l'ordre cul�turel. Plus vous en
saurez, plus cela vaudra. Cela, sS, ne doit intervenir qu'après une certaine
étape franchie.
Le sujet forme toujours, plus ou moins, une certaine unité, plus ou moins
successive, dont l'élément essentiel se constitue dans le transfert. Et
l'analyste vient à sym�boliser le surmoi qui est le symbole des symboles. Le
surmoi est simplement une parole qui ne dit rien. L'ana�lyste n'a
précisément
aucune peine à la symboliser. C'est précisément ce qu'il fait.
Le rR est son travail, improprement désigné sous le terme de la fameuse
neutralité bienveillante dont on par�le à tort et à travers, et qui
veut
simplement dire que, pour un analyste, toutes les réalités sont en somme
équi�valentes, que toutes sont des réalités. Ceci part de
l'idée que tout ce qui
est réel est rationnel, et inversement. Et c'est ce qui doit lui donner cette
bienveillance sur la�quelle vient se briser le transfert négatif, et qui lui
per�met de mener à bon port l'analyse.
Tout cela a été dit un peu rapidement.
J'aurai pu vous parler de bien d'autres choses. Mais ce n'était qu'une
introduction, une préface à ce que j'es�saierai de traiter plus
complètement et
plus concrètement dans le rapport que j'espère vous faire prochainement
à Rome,
sur le sujet du langage dans la psychanalyse.
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[40]
Jacques Lacan. Le symbolique.. Discussion
Le Pr Lagache remercie le conférencier et ouvre la discussion. Mme Marcus-
Blajan
indique n 'avoirpas com�pris certains mots, par exemple "transcendant". Ce que
l'orateur a dit de l'angoisse et de la culpabilité l'a fait penser à
l'agoraphobie.
J. L. - L'angoisse est liée au rapport narcissique, Mme Blajan en donne une
très
jolie illustration par l'agora�phobie, car il n'y a pas de phénomène plus
narcissique. Chaque fois que j'ai commenté un cas dans mon sémi�naire,
j'ai
toujours montré les différents temps de réac�tion du sujet. Chaque
fois qu'il se
produit un phénomè�ne à deux temps, dans l'obsession par exemple, le
pre�mier
temps est l'angoisse, et le second est la culpabilité, qui donne apaisement
à
l'angoisse sur le registre de la culpabilité.
Le mot "transcendant" vous a paru obscur. Ce n'est pourtant pas un mot très
métaphysique, ni même métap-sychologique. Je vais tâcher de
l'illustrer.
Qu'est-ce que ça veut dire, en l'occasion précise où je l'ai
employé?
Dans le rapport à son semblable, dans le rapport à deux, dans le rapport
narcissique, il y a toujours pour le sujet quelque chose d'évanoui. Il sent
qu'il est l'autre, et l'autre est lui. Ce sujet défini réciproquement est
un des
temps essentiels de la constitution du sujet humain. C'est
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[ 41 ]
un temps où il ne peut pas subsister, encore que sa struc�ture soit toujours
sur
le point d'apparaître, et très préci�sément dans certaines
structures
névrotiques. Là où l'ima�ge spéculaire s'applique au maximum,
le sujet n'est que
le reflet de soi-même. D'où son besoin de constituer un point qui
constitue ce
qui est transcendant. C'est juste�ment l'autre en tant qu'autre.
On peut en prendre mille exemples. Reprenons celui de la phobie. Le fait que
c'est justement à une angoisse semblable que correspond le fait de subsister
au
parte�naire humain quelque chose d'aussi étranger, d'aussi séparé de
l'image
humaine qu'est l'image animale. En fait, quoi que nous puissions penser de
l'origine histori�que réelle du totémisme, car tout cela n'est pas
transpa�rent
en dépit des travaux qui lui ont été consacrés, il y a une
chose très certaine,
c'est qu'il est en tout cas lié à l'interprétation du cannibalisme,
c'est-à-dire
qu'on ne peut pas manger l'autre. Le mode de rapport humain le plus primitif est
certainement l'absorption de la subs�tance de son semblable. Là, vous voyez
bien
quelle est la fonction du totémisme, c'est de faire un sujet trans�cendant au
semblable. Je ne pense pas que le Dr Gessain me contredira.
Nous retrouvons ici un des points qui vous intéres�sent le plus, le rapport
entre enfants et adultes. Pour l'en�fant, les adultes sont transcendants pour
autant qu'ils sont initiés. Le plus curieux est que les enfants ne sont pas
moins transcendants pour les adultes. Par un système de
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41
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[ 42 ]
Jacques Lacan. Le symbolique..;
réflexion caractéristique de toute relation, l'enfant de�vient pour les
adultes
le sujet de tous les mystères. C'est le siège de cette confusion des
langues
entre enfants et adultes dont nous devons tenir compte quand il s'agit
d'intervention sur les enfants.
II y aurait d'autres exemples à prendre, en particulier dans ce qui constitue
la
relation œdipienne de type sexuel, qui est quelque chose du sujet, et qui le
dépasse en même temps. Il y a là constitution d'une forme à une
certaine
distance.
Serge Leclaire - Vous nous avez parlé du symboli�que, de l'imaginaire. Mais il
y
avait le réel, dont vous n'avez pas parlé.
J. L �J'en ai tout de même parlé quelque peu. Le réel est ou la
totalité, ou
l'instant évanoui. Dans l'expé�rience analytique, pour le sujet, c'est
toujours
le heurt à quelque chose, par exemple le silence de l'analyste.
Il se produit à travers le dialogue analytique quel�que chose de tout à
fait
frappant sur lequel je n'ai pas pu insister. C'est un fait de l'expérience
analytique qui vaudrait, à soi tout seul, beaucoup plus qu'une com�munication.
Je prends un exemple tout à fait concret, celui des rêves, dont je ne
sais plus
si j'ai dit qu'ils sont composés comme un langage. Dans l'analyse, ils servent
de langage. Un rêve en milieu ou en fin de l'analyse, c'est une partie du

dialogue avec l'analyste. Eh bien, comment se fait-il que ces rêves, et bien
d'autres choses
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42
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[ 43 ]
encore, la façon dont le sujet constitue ses symboles, portent la marque
absolument saisissante de la réalité de l'analyste, à savoir de la
personne de
l'analyste telle qu'elle est constituée dans son être? Comment se fait-il
qu'à
travers cette expérience imaginaire et symbolique, on aboutisse dans sa
dernière
phase à une connaissance limitée, mais frappante, de la structure de
l'analyste?
Cela pose à soi tout seul un problème que je n'ai pas pu aborder ce soir.
Dr. Mauco �Je me demande s'il ne faut pas rappeler les différents types de
symboles.
J. L. - Le symbole est d'abord un emblème.
Dr. Mauco - Le symbole, c'est du vécu. Par exemple, la maison,
éprouvée d'abord
par un symbole, est ensuite élaborée collectivement, disciplinée
collectivement.
Il évoque toujours le mot "maison".
J. L. - Laissez-moi vous dire que je ne suis pas abso�lument de cet avis. Les
symboles que l'on retrouve aux racines de l'expérience analytique, qui
constituent les symptômes, la relation œdipienne, etc., Jones en fait un
petit
catalogue, et il démontre qu'il s'agit toujours et es�sentiellement de
thèmes
connexes aux relations de pa�renté, à l'autorité du maître, et
à ce qui concerne
la vie et la mort. Tout ce dont il s'agit là, ce sont évidemment des
symboles.
Ce sont précisément des éléments qui n'ont absolument rien
à voir avec la
réalité. Un être complète�ment encagé dans la
réalité, comme l'animal, n'en a
aucu-
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43
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[ 44 ]
ne espèce d'idée.
Il s'agit justement des points où le symbole consti�tue la réalité
humaine, où
il crée cette dimension hu�maine sur laquelle Freud insiste à tout bout
de champ
quand il dit que le névrosé obsessionnel vit toujours dans le registre de
ce qui
comporte au maximum des éléments d'incertitude, la durée de la vie,
la
paternité, etc. Tout cela n'a pas d'évidence sensible dans la
réali�té humaine.
C'est construit, et construit primitivement par certaines relations symboliques
qui peuvent ensuite trouver leur confirmation dans la réalité. Le
père est
effectivement le géniteur. Mais, avant que nous le sachions de source
certaine,
le nom du père crée la fonction du père.
Je crois donc que le symbole n'est pas une élabora�tion de la sensation, ni de
la réalité. Ce qui est propre�ment symbolique - et les symboles les plus

primitifs -introduit dans la réalité humaine quelque chose d'autre, de
différent, et qui constitue tous les objets primitifs de vérité.
Ce qui est remarquable, c'est que les symboles, les symboles symbolisants, sont
tous de ce registre-là. La création des symboles accomplit l'introduction
d'une
réalité nouvelle dans la réalité animale.
Dr. Mauco -... mais sublimée et élaborée. Cela don�ne le
soubassement du langage
ultérieur.
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44
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[45]
J. L. - Là, tout à fait d'accord. Par exemple, pour désigner les
relations, les
logiciens eux-mêmes font tout naturellement appel au terme de "parenté".
C'est
le pre�mier modèle d'une relation transitive.
Octave Mannoni - Le passage de l'angoisse à la cul�pabilité semble
lié à la
situation analytique. L'angoisse peut conduire à la honte, et non pas à
la
culpabilité. Lors�que l'angoisse n'évoque pas l'idée d'un punisseur,
mais d'une
mise à l'écart, c'est la honte qui apparaît. L'an�goisse peut aussi
se traduire
non en culpabilité, mais en doute. Il me semble que c'est parce que l'analyste
est là que l'angoisse se transforme en culpabilité.

J. L. �Tout à fait d'accord. C'est une situation privi�légiée dans
l'expérience
analytique qui fait que l'ana�lyste détient la parole, qu'il juge, parce que
l'analyse s'oriente tout entière dans un sens symbolique, parce que l'analyste
l'a substituée à ce qui a fait défaut, parce que le père n'a
été qu'un surmoi,
c'est-à-dire une loi sans parole, pour autant que ceci est constitutif de la
névrose, que la névrose est définie par le transfert. Toutes ces
dé�finitions
sont équivalentes. Il y a en effet des aiguillages infinis à la
réaction de
l'angoisse, et il n'est pas exclu que certaines de ces réactions apparaissent
dans l'analy�se. Chacune mérite d'être analysée comme telle.
La question du doute, elle, est beaucoup plus proche de la constitution
symbolique de la réalité. Elle y est en quelque sorte préalable.
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45
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[46]
S'il y a une position qu'on puisse qualifier essentiel�lement, au sens où je
l'entends, de subjective, c'est-à-dire que c'est elle qui constitue toute la
situation, c'est bien celle-ci. Quand et comment est-elle réalisée? C'est
un
développement à part.
Wladimir Granoff pose une question sur le fétichisme.
J. L. - En effet, je n'ai pas repris le fétichisme. Le fétiche est une
transposition de l'imaginaire. Il devient un symbole.
Question du D ' Pidoux.
J. L. - Le symbole intervient dans le moindre acting-out.
Didier Anzieu - Lorsque Freud a fait la théorie clini�que, il a emprunté
des
modèles aux théories de son épo�que. J'aimerais savoir si ces
modèles sont du
registre du symbole ou de l'imaginaire, et quelle origine leur don�ner. Quant au
début de schéma que vous proposez aujourd'hui, s'agit-il d'un changement
de
modèle per�mettant de penser les données cliniques adapté à
l'évo�lution
culturelle, ou de quelque chose d'autre?
J. L. - II est plus adapté à la nature des choses, si nous
considérons que tout
ce dont il s'agit dans l'analy�se est de l'ordre du langage, c'est-à-dire, en
fin de compte, d'une logique. C'est ce qui justifie cette formalisation, qui
intervient comme une hypothèse.
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46
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[ 47 ]
Quant à ce que vous dites de Freud, je ne suis pas d'accord que, sur le sujet
du
transfert, il ait emprunté des modèles atomistiques, associationnistes,
voire
mé-canistes, du style de son époque. Ce qui me paraît frap�pant,
c'est l'audace
avec laquelle il a admis, comme mode à ne pas répudier dans le registre
du
transfert, l'amour, purement et simplement. Il ne considère pas du tout que
cela
soit une impossibilité, une impasse, quelque chose qui sorte des limites. Il a
bien vu que le transfert, c'est la réalisation même du rapport humain

sous sa
forme la plus élevée, la réalisation du symbole, qui est là au
dé�part, et qui
est aussi à la fin de tout cela.
Le commencement et la fin sont toujours le transfert. Au début, en puissance,
donné par le fait que le sujet vient, le transfert est là, prêt
à se constituer.
Il est là de�puis le début.
Que Freud y ait fait rentrer l'amour, c'est une chose qui doit bien nous montrer
à quel point il donnait aux rapports symboliques leur portée sur le plan
humain.
En effet, si nous devons donner un sens à ce quelque chose de limite dont on
peut à peine parler qu'est l'amour, c'est celui-ci - la conjonction totale de
la
réalité et du symbo�le, qui font une seule et même chose.
Françoise Dolto - Tu dis réalité et symbole. Qu'est-ce que tu
entends par
réalité?
J. L. - Un exemple. L'incarnation de l'amour, c'est le don de l'enfant, qui,
pour un être humain, a cette valeur de quelque chose de plus réel.
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47
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[48]
Françoise Dolto - Quand l'enfant naît, il est symbo�lique du don. Mais il
peut y
avoir aussi don sans enfant. Il peut donc y avoir parole sans langage.
J. L. �Justement, je suis prêt à le dire tout le temps, le symbole
dépasse la
parole.
Françoise Dolto - Nous arrivons tout le temps à -qu'est-ce que le
réel? Et nous
y échappons tout le temps. Et il y a aussi une autre manière
d'appréhender la
réalité psychanalytique que celle-là, qui pour ma psychologie me
semble très
extrême. Mais tu es un maître si extraor�dinaire qu'on peut te suivre
même si
l'on ne comprend qu'après.
L'appréhension sensorielle est un registre de la réali�té, et elle a
des assises
qui me paraissent plus sûres, préa�lables au langage. S'il n'y a pas
image du
corps propre, tout se passe pour l'adulte avec l'expression verbale de
l'imaginaire. Dès que l'autre a des oreilles, on ne peut pas parler.
J. L. �Tu y penses beaucoup, toi, au fait que l'autre a des oreilles?
Françoise Dolto - Pas moi, les enfants. Si je parle, c'est que je sais qu'il y
a
des oreilles. Je n'en parlerais pas avant l'âge œdipien. On parle
même s'il n'y
a pas d'oreilles. Mais, après l'âge œdipien, on ne peut parler s'il
n'y a pas
d'oreilles.
J. L. - Qu'est-ce que tu veux dire?
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48
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[49]
Françoise Dolto - Pour parler, il faut qu'il y ait bou�che et oreilles. Alors
il
reste une bouche.
J. L. - C'est l'imaginaire.
Françoise Dolto - J'en ai eu hier un exemple, avec un enfant muet qui
dessinait
des yeux sans oreilles. Com�me il est muet, je lui dis - Ce n 'estpas étonnant
qu 'il ne puisse pas parler, celui-là, puisqu 'il n 'a pas de bouche. Il a
essayé avec un crayon de mettre une bouche. Mais il l'a mise à l'enfant
à
l'endroit qui coupait le cou. Il per�drait la tête s'il parlait, il perdrait
l'intelligence, il per�drait la notion d'un corps vertical. Pour parler, il faut
la certitude qu'il y ait une bouche, et qu'il y ait des oreilles.
J. L. - Oui, je veux bien. Mais les faits très intéres�sants que tu mets
en
valeur sont tout à fait liés à quelque chose de complètement
laissé de côté, la
constitution de l'image du corps en tant qu' Urbild du moi, et avec ce tranchant
ambigu, le corps morcelé. Je ne vois pas où tu veux en venir.
Françoise Dolto - Le langage n'est qu'une des ima�ges. Ce n'est qu'une des
manifestations de l'acte d'amour, qu'une des manifestations où l'être,
dans
l'acte d'amour, est morcelé. Nous ne sommes pas complets, puisque nous avons
besoin de nous compléter quand nous avons be�soin de parole. Il ne sait pas ce
qu'il dit, c'est l'autre, s'il l'entend. Ce qui se passe par le langage peut se
passer par beaucoup d'autres moyens.
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49
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[50]
Octave Mannoni - Une remarque. Les dessins ne sont pas images, mais des objets.
Le problème est de savoir si l'image est symbole ou réalité. C'est
extrêmement
difficile.
J. L. - Un des modes les plus accessibles par lesquels, au moins dans la
phénoménologie de l'intention, on abor�de l'imaginaire, c'est tout ce qui
est
reproduction artifi�cielle.
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50
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Introduction aux Noms-du-Père

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[53]
Je n'ai pas l'intention de me livrer à aucun jeu qui res�semble à un coup
de
théâtre. Je n'attendrai pas la fin de ce séminaire pour vous dire
que ce
séminaire est le der�nier que je ferai.
Aussi bien ceci ne sera-t-il pas une surprise pour cer�tains, initiés aux
choses
qui se passent. C'est pour les autres, par égard pour leur présence, que
je fais
cette déclaration.
Je demande que l'on garde un silence absolu pendant cette séance.
Jusqu'à un moment qui était la nuit dernière, très tard, quand
une certaine
nouvelle m'a été apportée, j'ai pu croire que je vous donnerai cette
année ce
que je vous donnais depuis dix ans.
Mon séminaire d'aujourd'hui était préparé avec le même
soin que, chaque semaine,
j'y ai donné toujours. Je ne crois rien pouvoir faire de mieux que de vous le
donner tel quel, en m'excusant qu'il ne doive pas avoir de suite.
1.
J'ai annoncé que je parierai cette année des Noms-du-Père.
Il ne me sera pas possible de vous faire entendre au cours de ce premier
exposé
pourquoi ce pluriel. Du moins
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1.
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[54]
Jacques Lacan. Noms-du-Père
verrez-vous s'ouvrir ce que j'entendais apporter de pro�grès dans une notion
que
j'ai amorcée dès la troisième année de mon Séminaire,
quand j'ai traité du cas
Schre-ber et de la fonction de Nom-du-Père.
Puisque aujourd'hui il est décidé que j'en reste là, je serai peut-
être plus
soigneux que je ne l'ai jamais été pour vous ponctuer dans mon
enseignement
passé les repères où vous auriez pu fonder les linéaments du
Sé�minaire de cette
année. Je voulais cette année nouer pour vous les séminaires des 15,
22, 29
janvier et 5 février 1958, concernant ce que j'ai appelé la
métaphore
pater�nelle, mes séminaires du 20 décembre 1961 et ceux qui suivent,
concernant
la fonction du nom propre, les sémi�naires de mai 1960 concernant ce qui est
intéressé du drame du père dans la trilogie claudélienne, enfin
le sé�minaire du
20 décembre 1961, suivi par les séminaires de janvier 1962, concernant le
nom
propre.
Que je réfère à mes séminaires passés ceux qui vou�dront
s'essayer à voir dans
quelle direction je voulais poursuivre mon discours vous montre qu'il y a là
une
direction déjà très avancée dans sa structuration, qui eût
pu me permettre de
faire cette année le pas suivant.
Ce pas suivant s'enchaîne à mon Séminaire sur l'an�goisse. C'est
pourquoi
j'avais l'intention - et je vais te�nir mon propos - de vous montrer en quoi il
était néces�saire que fût dessiné le relief que mon
enseignement a apporté
l'année dernière.
Au cours de ce Séminaire, j'ai pu donner tout leur poids à des formules
telles
que celle-ci, / 'angoisse est un affect du sujet. Je n'ai point avancé cette
formule
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1961 �� , �� , �� ,
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[55
sans l'ordonner aux fonctions que j'ai longuement as�sises dans la structure,
spécialement celle du sujet, défini comme le sujet qui parle, qui se
fonde et se
détermine dans un effet du signifiant.
A quel temps - si je puis dire "temps", admettez que ce terme d'enfer ne se
réfère pour l'instant qu'au niveau synchronique �, à quel temps ce
sujet est-il
affecté de l'angoisse? Dans l'angoisse, vous ai-je dit, le sujet est
affecté par
le désir de l'Autre, d (A) ici au tableau. Il en est affecté d'une
façon
immédiate, non dialectisable. C'est en cela que l'angoisse est, dans l'affect
du
sujet, ce qui ne trompe pas.
Vous voyez se dessiner dans ce ce qui ne trompe pas à quel niveau radical,
plus
radical que tout ce qui a été dérivé dans le discours de Freud,
s'inscrit la
fonction de signal de l'angoisse. Il n'y a pas moyen de situer cette fonction de
signal, sinon à ce niveau. Ce repérage se conforme aux premières
formulations
que Freud a données de l'angoisse, transformation directe de la libido et
autres. C'est seulement à le poser ainsi qu'elles restent encore
compréhensibles. Freud l'a lui-même ressenti assez pour les maintenir
après
Inhibition, symptôme, angoisse.
D'autre part, je me suis opposé à la tradition psycho-logisante qui
distingue la
peur de l'angoisse de par ses corrélats, spécialement ses corrélats
de réalité,
et les agis-
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55
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[56]
sements qu'elle induit. J'ai changé ici les choses, disant de l'angoisse -
elle
n 'estpas sans objet.
Qu'est-ce que c'est, l'objet a, dont vous avez vu se dessiner, aussi loin que
j'ai pu le mener, les formes fon�damentales? L'objet a est ce qui est chu du
sujet dans l'angoisse. C'est le même objet que je dessinais comme la cause du
désir.
A l'angoisse qui ne trompe pas se substitue pour le sujet ce qui doit s'opérer
au moyen de l'objet a. C'est à cela qu'est suspendue la fonction de l'acte. Le
dévelop�pement de cette fonction était réservé pour l'avenir.

Pour�tant, je vous
le promets, vous ne le perdrez pas tout à fait, puisque je l'ai fait passer
d'ores et déjà dans la par�tie écrite d'un livre que j'ai promis
pour dans six
mois.
Je m'en suis tenu l'année dernière à la fonction du petit a dans le
fantasme. Il
y prend la fonction d'être le soutien du désir, en tant que le désir
est le plus
intensif de ce qu'il est donné au sujet d'atteindre au niveau de la
conscience,
dans sa réalisation de sujet. C'est par cette chaîne que s'affirment une
fois de
plus les dépendances du désir à l'endroit du désir de l'Autre.
Je suis tenté, au moment de vous quitter, de vous rappeler le caractère
radical,
tout à fait restructurant, des conceptions que je vous apporte tant du sujet
que
de l'objet.
Nous sommes détachés depuis longtemps, bien sûr, de toute conception
qui ferait
du sujet une pure fonction de l'intelligence corrélative à
l'intelligible, tel
le nous
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56
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[57]
antique. L'angoisse se montre ici déjà cruciale. Ce n'est pas qu'elle ne
soit
pas dans Aristote, Yagonia, mais il ne saurait s'agir pour la tradition antique
que d'un pathos local qui s'apaise dans l'impassibilité du Tout. Il reste
quelque chose de la conception antique jusque dans ce qui en semble être le
plus
loin, la pensée positiviste, sur laquelle se fonde et vit encore maintenant la
science dite psychologique.

Il y a assurément quelque chose de fondé dans la cor�respondance de
l'intelligence à l'intelligible. La psycho�logie peut nous montrer que
l'intelligence humaine n'est pas autre, dans son fondement, que l'intelligence
ani�male, et ce n'est pas sans raison. De cet intelligible, sup�posé dans le
donné et dans le fait, nous pouvons déduire le progrès de
l'intelligence ou son
adaptation au cours de l'évolution, voire imaginer formellement que ce
pro�grès
se reproduit chez chaque individu. Tout est bien là, à ceci près
qu'il y a une
hypothèse qui n'est même pas aperçue de la pensée positiviste,
et c'est
justement que le fait soit intelligible.
Dans la perspective positiviste, l'intelligence n'est rien de plus qu'un affect
parmi d'autres, fondé sur l'hypo�thèse de l'intelligibilité. Cela
justifie cette
psychologie de tireuses de cartes, qui peut être développée dans les
lieux en
apparence les plus affranchis, du haut des chai�res universitaires. L'affect,
inversement, n'est alors qu'in�telligence obscure.
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57
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[58]
Ce qui échappe à celui qui reçoit cet enseignement, c'est l'effet
d'obscurantisme qu'il en subit. On sait où cet effet aboutit - aux entreprises
de plus en plus inten�tionnelles d'une technocratie, à l'étalonnage

psycholo�gique des sujets en mal d'emploi, à l'entrée dans les ca�dres de
la
société existante, la tête courbée sous l'étalon du
psychologue.
Je dis que le sens de la découverte de Freud est à cela dans une
opposition
radicale.
C'est pour vous le faire sentir que les premiers pas de mon enseignement ont
cheminé dans les voies de la dia�lectique hégélienne.
C'était là une étape nécessaire pour faire brèche dans le
monde dit de la
positivité.
La dialectique hégélienne, quand on la pèse, se ramè�ne dans
son fond à des
racines logiques, comme Hegel lui-même l'� montré, et
précisément au déficit
intrinsè�que de la logique de la prédication. C'est à savoir que
l'universel,
tout bien examiné - et cela n'a pas échappé au logicisme
contemporain �, ne se
fonde que de l'agré�gation, tandis que le particulier, seul à y trouver
l'exis�tence, y apparaît comme contingent. Toute la dialecti�que
hégélienne est
faite pour combler cette faille, et montrer, dans une prestigieuse
transmutation, comment l'universel peut arriver à se particulariser par la
voie
de la scansion de l'Aufhebung.
Néanmoins, quels que soient les prestiges de la dia�lectique
hégélienne - quels
que soient ses effets, via Marx, par lequel elle est entrée dans le monde,
achevant ainsi ce dont Hegel était la signification, à savoir la
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58
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[59]
subversion d'un ordre politique et social fondé sur l'Ecclesia, l'Eglise �,
quelle que soit ici sa réussite - quelle que soit la valeur de ce qu'elle
soutient dans les inciden�ces politiques de sa réalisation, la dialectique
hégélien�ne est fausse. Elle est contredite tant par l'attestation des
sciences
de la nature que par le progrès historique de la science fondamentale, à
savoir
les mathématiques.
Comme l'a vu tout aussitôt le contemporain du déve�loppement du
système de
Hegel, qui était alors le Systè�me tout court, comme l'a vu, chanté,
marqué
Kierke�gaard, l'angoisse est ici le signe ou le témoin d'une béance
existentielle. J'apporte le témoignage que la doctrine freu�dienne est celle
qui
en donne l'éclaircissement.
La structure du rapport de l'angoisse au désir, la dou�ble béance du
sujet à
l'objet chu de lui, où, au-delà de l'angoisse, il doit trouver son
instrument,
la fonction ini�tiale de cet objet perdu sur lequel insiste Freud, là est la
faille qui ne nous permet pas de traiter du désir dans l'immanence logicienne
de
la seule violence comme di�mension à forcer les impasses de la logique.
Freud nous ramène là au cœur de ce sur quoi se fonde ce qui
était pour lui
l'illusion. 11 l'appelait selon le mode de son temps, qui est celui d'un alibi,
la religion. Je l'ap�pelle, quant à moi, l'Eglise.
Freud s'avance avec les lumières de la raison sur ce champ même qui est
celui
par lequel, contre la révolu-
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59
�� Ecclesia, ��, �� - ��
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[60]
tion hégélienne, l'Eglise tient intacte, et dans tout l'éclat que
vous lui
voyez.
C'est au fondement même de la tradition ecclésiale qu'il nous permet de
tracer
le clivage d'un chemin qui aille au-delà, infiniment plus profond, plus
structural, que la borne qu'il a posée sous la forme du mythe du meur�tre du
père.
Et c'est là, sur ce terrain mouvant, combien scabreux, que je voulais
m'avancer
cette année, non sans me flat�ter d'avoir à mon auditoire des oreilles
dignes de
l'en�tendre, je parle des représentants de l'ordre ecclésial.
Pour ce qui est du père - de leur Père, aux Pères de l'Eglise �,
qu'ils me
laissent leur dire que je ne les ai pas trouvés suffisants.
Certains savent que je pratique depuis mon âge pu-bertaire la lecture de saint
Augustin. C'est tard néan�moins, c'est seulement il y a dix ans à peu
près, que
j'ai pris connaissance du De trinitate, et je l'ai rouvert ces jours-ci pour ne
pouvoir que m'étonner de combien Augustin dit peu de choses sur le Père.
Il a su
nous par�ler, bien sûr, du Fils, et combien du Saint-Esprit, mais on a, je ne
dirai pas l'illusion, le sentiment de je ne sais quelle fuite qui se produit
sous sa plume, par une sorte d'automaton, quand il s'agit du Père.
Augustin est pourtant un esprit si lucide que j'ai re�trouvé avec joie sa
protestation radicale contre toute at�tribution à Dieu du terme de causa sui.
Ce
concept est en effet totalement absurde, mais son absurdité ne se peut
démontrer
qu'à partir du relief de ce que j'ai ponctué devant vous, à savoir
qu'il n'y a
de cause qu'après l'émer-
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60
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[61]
gence du désir, et que la cause du désir ne saurait être tenue
d'aucune façon
pour un équivalent de la concep�tion antinomique de la cause de soi.
Celui-là même, Augustin, qui peut formuler cette cho�se contre toute
piété
intellectuelle, fléchit néanmoins au point de traduire Ehyeh acher ehyeh,
que
depuis long�temps je vous ai appris à lire, par Ego sum qui sum, Je suis celui
qui suis, par quoi Dieu s'affirme identique à l'Être. J'avais l'intention
de
vous articuler cette année toutes sortes d'exemples d'autres formules
analogues
dans les textes hébreux, qui vous auraient montré que c'est, en latin
comme en
français, sonnant faux et boi�teux, alors qu'Augustin était très bon
écrivain.
Ce Je suis celui qui suis par quoi Dieu s'affirme identique à l'Être,
motive une
pure absurdité quand il s'agit du Dieu qui parle à Moïse dans le
buisson ardent.
2.
Je vais donc vous rappeler brièvement le sens de la fonction du petit a dans
les
formes diverses dont je vous ai parlé l'année dernière, et dont ceux
qui me
suivent ont pu voir où elles s'arrêtaient.
Dans l'angoisse, l'objet petit a choit. Cette chute est primitive. La
diversité
des formes que prend cet objet de la chute est dans une certaine relation au
mode sous le�quel s'appréhende pour le sujet le désir de l'Autre.
C'est ce qui explique la fonction de l'objet oral.
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61
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2.
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62]
J'y ai longuement insisté, celle-ci ne se comprend que si l'objet qui se
détache
du sujet s'introduit à ce mo�ment-là dans la demande à l'Autre, dans
l'appel
vers la mère, et dessine cet au-delà où, sous un voile, est le
désir de la mère.
Cet acte où le petit, en quelque sorte étonné, renverse la tête
en se détachant
du sein, montre que ce n'est qu'en apparence que ce sein appartient à la
mère.
Il est fondamentalement de son appartenance à lui. La ré�férence
biologique est
ici faite pour nous instruire. Le sein est en effet partie du complexe
nourricier, qui se structure différemment dans d'autres espèces animales.
Il a
en l'occurrence une partie profonde et une partie plaquée au thorax de la
mère.
Une seconde forme de l'objet est l'objet anal, que nous connaissons sous la
phénoménologie du cadeau, du don dans l'émoi. L'enfant lâchant
les fèces les
concè�de à ce qui apparaît pour la première fois comme
domi�nant la demande de
l'Autre, à savoir son désir, qui reste encore ambigu.
Comment les auteurs n'ont-ils pas mieux retenu que c'est à ce niveau que
s'accroche le support de ce qu'on appelle l'oblativité? Que l'on ait pu situer
la conjonc�tion oblative au niveau de l'acte génital ne s'explique que par un

véritable escamotage, révélateur d'une fuite panique devant une
angoisse.
Par contre, c'est au niveau génital que l'enseignement de Freud, et la
tradition
qui s'en conserve, nous situent la béance de la castration.
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62
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[63]
Les psycho-physiologistes contemporains de Freud en réduisent l'obstacle
à ce
qu'ils ont appelé le mécanis�me de la détumescence fausse, tandis
que Freud,
lui, depuis le début de son enseignement, articule ce qui, de l'orgasme,
représente exactement la même fonction que l'angoisse, quant au sujet.
J'ai cru
devoir vous le mon�trer l'année dernière. L'orgasme est en lui-même
angois�se,
pour autant que le désir est à jamais séparé de la jouis�sance
par une faille
centrale.
Qu'on ne nous objecte pas ces moments de paix, de fusion du couple, où chacun
peut même se dire, de l'autre, bien content. Nous, analystes, allons y
regarder
de plus près, pour voir ce qu'il y a, dans ces moments, d'alibi fondamental,
d'alibi phallique, où la femme se sublime, en quelque sorte, dans sa fonction
de
gaine, mais où quel�que chose qui va plus loin reste infiniment au-dehors.
C'est
pour vous le montrer que je vous ai longtemps com�menté ce passage d'Ovide
où se
fabule le mythe de Tiré-sias. Aussi bien faut-il indiquer ce qui se voit de
traces de l'au-delà inentamé de la jouissance féminine, dans le
mythe masculin
de son prétendu masochisme.
Je vous ai menés plus loin. De façon symétrique, et comme sur une
ligne non pas
redescendante, mais cour�be par rapport à ce sommet où se place la
béance désir/
jouissance au niveau génital, j'ai été jusqu'à ponctuer la
fonction du petit a
au niveau de la pulsion scopique.
Son essence est réalisée en ceci que, plus qu'ailleurs,
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63
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[64]
le sujet est captif de la fonction du désir. C'est qu'ici, l'objet est
étrange.
A ce niveau, l'objet est, en première approximation, cet œil qui fait si
bien
dans le mythe d'Œdipe l'équiva�lent de l'organe à castrer. Mais ce
n'est
pourtant pas tout à fait de cela qu'il s'agit.
Dans la pulsion scopique, le sujet rencontre le monde comme spectacle qui le
possède. Il y est la victime d'un leurre, par quoi ce qui sort de lui et qui
l'affronte n'est pas le vrai a, mais son complément, l'image spéculaire,
i(a).
Voilà ce qui paraît être chu de lui. Le sujet est pris par le
spectacle, il se
réjouit, il s'esbaudit. C'est ce que saint Augustin dénonce et
désigne d'une
façon si subli�me, dans un texte que j'eusse voulu vous faire parcourir, comme
concupiscence des yeux. Il croit désirer parce qu'il se voit comme

désiré, et il
ne voit pas que, ce que l'Autre veut lui arracher, c'est son regard.
La preuve en est ce qui arrive dans le phénomène de l'Unheimlich. Chaque
fois
que, soudain, par quelque incident fomenté par l'Autre, son image dans l'Autre
apparaît au sujet comme privée de son regard, toute la trame de la

chaîne dont
le sujet est captif dans la pulsion scopique se défait, et c'est le retour
à
l'angoisse la plus basale.
Elle est ici consignée par l'aleph. C'est aujourd'hui que, à l'usage de
nos
besoins de cette année, j'en devais introduire le signe pour la symboliser.
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64
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��. �� , �� , � �� -��
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�� , � �� , ��
[65]
Voici l'aleph de l'angoisse:
Tel est ce à quoi ressemble, dans sa structure la plus fondamentale, le
rapport
du sujet au petit a.
Je n'ai pas encore dépassé la pulsion scopique, mais je m'arrête ici
pour
marquer ce qui va s'y produire de franchissement, et défaire, à point,
l'imposture que comporte ce fantasme que nous, analystes, devons connaître
bien,
sous la forme où je l'ai articulé pour vous l'année de mon
Séminaire sur le
transfert, dans le terme de l'agalma, sommet de l'obscurité où le sujet
est
plongé dans sa relation au désir.
L'agalma est cet objet dont le sujet croit que son dé�sir le vise, et où
il
porte à son extrême la méconnaissan�ce de l'objet comme cause du
désir. Telle
est la frénésie d'Alcibiade. D'où le renvoi que lui fait Socrate -
Occu�pe-toi
de ton âme, ce qui veut dire : Connais que ce que tu poursuis n'est rien
d'autre
que ce dont Platon fera plus tard ton âme, à savoir ton image.
Aperçois-toi que
la fonction de cet objet n 'est pas de visée, mais de cause mortelle, et fais
ton deuil de cet objet. Il n'est que ton image. Alors tu connaîtras les voies
de
ton désir. Car, moi, Socrate, qui ne sais rien, la seule chose que je
con�nais,
c'est la fonction de l'Éros.
C'est ainsi que je vous ai mené à la porte où nous arrivons
maintenant, celle du
cinquième terme de la fonction du petit a, par quoi va se montrer
l'éventail de
l'objet dans son rapport pré-génital à la demande de
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65
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[66]
l'Autre post-génital, et à ce désir énigmatique où l'Autre
est le lieu de
l'appeau sous la forme du a. Au cinquième terme, le a de l'Autre est, en
somme,
le seul témoin que le lieu de l'Autre n'est pas seulement le lieu du mirage.
Ce petit a-là, je ne l'ai pas nommé, et pourtant, dans d'autres
circonstances,
j'eusse pu vous en montrer l'éclai�rage singulier lors d'une dernière
réunion de
notre So�ciété, qui portait sur la paranoïa. Je me suis abstenu de
parler de ce
dont il s'agissait, à savoir de la voix.
La voix de l'Autre doit être considérée comme un objet essentiel.
Tout analyste
sera sollicité à lui donner sa place, et à en suivre les
incarnations diverses,
tant dans le champ de la psychose que, au plus extrême du nor�mal, dans la
formation du surmoi. A situer la source a du surmoi, peut-être beaucoup de
choses deviendront-elles plus claires.
Nous pouvons partir de l'abord phénoménologique pour situer le rapport
à la voix
de l'Autre comme objet chu de l'Autre, mais nous ne pouvons en épuiser la
fonc�tion structurale qu'à porter l'interrogation sur ce qu'est l'Autre comme
sujet. En effet, si la voix est le produit, l'objet chu de l'organe de la
parole, l'Autre est le lieu où ça parle.
Ici, nous ne pouvons plus échapper à la question -au-delà de celui
qui parle au
lieu de l'Autre et qui est le sujet, qu'y a-t-il, dont le sujet prend la voix
chaque fois qu'il parle?
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66
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��?
[67]
3.
Si Freud met au centre de sa doctrine le mythe du père, il est clair que c'est
en raison de l'inévitabilité de cette question.

Il n'est pas moins clair que, si toute la théorie et la praxis de la
psychanalyse nous apparaissent aujourd'hui comme en panne, c'est pour n'avoir
pas osé sur cette question aller plus loin que Freud.
C'est bien pourquoi l'un de ceux que j'ai formés comme j'ai pu a parlé,
dans un
travail qui n'est point sans mérite, de la question du père. Cette
formule était
mauvaise, c'était même un contresens, sans qu'on puisse le lui reprocher.
Il ne
peut être question de la question du père, pour la raison que nous sommes
au-delà de ce qui peut se formuler comme question.
Je veux seulement essayer de situer comment nous aurions pu aujourd'hui dessiner
l'abord du problème ici introduit.
Il est clair que l'Autre ne saurait être confondu avec le sujet qui parle au
lieu de l'Autre, ne fût-ce que par sa voix. L'Autre, s'il est ce que je dis,
le
lieu où ça parle, ne peut poser qu'une sorte de problème, celui du
sujet d'avant
la question. Or, Freud l'a admirablement ressenti.
Puisque je dois rentrer à partir d'aujourd'hui dans un certain silence, je ne
manquerai pas à vous signaler que quelqu'un qui n'est pas de mes
élèves, Conrad
Stein pour le nommer, a, dans ce champ, tracé la voie. Si je n'avais pas
à
m'interrompre, je vous eusse priés de vous
�� . ��-��

67
3.
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[68]
reporter à son travail, car il est assez satisfaisant pour m'épargner la
tâche
de vous montrer comment, malgré l'erreur et la confusion du temps, Freud a mis
le doigt sur ce qui mérite de rester de chacun de ces auteurs, de Roberston

Smith à Andrew Lang, après la critique, sans doute fondée du point
de vue du
spécialiste, qui a été faite de la fonction du totem par mon ami
Claude
Lévi-Strauss.
Il n'en reste pas moins que Freud est la vivante dé�monstration de combien
celui
qui est au niveau de la re�cherche de la vérité peut dépasser de
haut tous les
avis du spécialiste. Car qu'en resterait-il, n'en restât-il rien d'autre
que a,
puisqu'il doit s'agir du sujet d'avant la question?
Mythiquement - et c'est ce que veut dire mythique ment �, le père ne peut
être
qu'un animal. Le père pri�mordial est le père d'avant l'interdit de
l'inceste,
d'avant l'apparition de la Loi, de l'ordre des structures de l'al�liance et de
la parenté, en un mot d'avant l'apparition de la culture. C'est pourquoi Freud
en fait le chef de la hor�de, dont, conformément au mythe animal, la

satisfaction est sans frein. Que Freud appelle ce père totem prend tout son
sens
à la lumière des progrès apportés par la critique
structuraliste de
Lévi-Strauss, dont vous savez qu'elle met en relief l'essence classificatoire
du
totem.
Nous voyons donc qu'il est nécessaire de placer au niveau du père un
second
terme après le totem, qui est cette fonction que je crois avoir définie
dans un
certain
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68
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�� , �� , �� , �� , ��
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�� , ��-��-
[69]
de mes Séminaires plus loin qu'on ne l'a jamais fait jusqu'à
présent, à savoir
la fonction du nom propre.
Le nom, vous ai-je montré, est une marque déjà ouver�te à la
lecture - ce
pourquoi elle se lira de même en tou�tes les langues - imprimée sur
quelque
chose qui peut être un sujet qui va parler, mais qui ne parlera pas du tout
forcément. La preuve en est que Bertrand Russell peut s'y tromper, et dire que
l'on pourrait appeler John un point géométrique au tableau. Nous

connaissons de
Bertrand Russell d'étranges cabrioles, non sans mérites d'ailleurs, mais
il est
bien certain qu'à aucun moment il n'interroge un point marqué à la
craie au
tableau noir dans l'espoir que ledit point lui réponde.
J'avais aussi relevé comme référence les caractères diversement
phéniciens et
autres que Sir Flinders Pétrie a découverts en Haute-Egypte sur des
poteries
antérieu�res de quelques siècles à l'usage de ces caractères
com�me alphabet
dans l'aire sémite. Ceci illustre pour nous ce fait que la poterie n'a jamais
eu
l'occasion de prendre la parole pour dire que c'est là sa marque de fabrique.
C'est à ce niveau que se situe le nom.
Excusez-moi, mais il faut que j'avance un peu plus vite que je ne l'eusse voulu
en d'autres circonstances. Je vous désigne ici quelque chose de la direction
à
suivre, voyez maintenant quel apport nous donne la voie que nous abordons.
Ne pouvons-nous aller, nous, au-delà du nom et de la voix, et prendre
repère sur
ce que le mythe implique dans
�� . ��-��

69
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��, �� , �� , ��
��, �� . ��
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�� , ��
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[70]
le registre issu de notre progrès, celui de ces trois ter�mes, la jouissance,
le
désir, l'objet?
Il est clair que Freud trouve dans son mythe un sin�gulier équilibre de la Loi
et du désir, une sorte de co-conformité entre eux, si je puis me
permettre de
redou�bler ainsi le préfixe, du fait que, tous deux, conjoints et
nécessités
l'un par l'autre dans la loi de l'inceste, ils nais�sent ensemble, de quoi? - de
la supposition de la jouis�sance pure du père comme primordiale.
Seulement, si cela est censé nous donner l'empreinte de la formation du
désir
chez l'enfant dans son procès normal, ne faut-il pas se poser la question de
savoir pour�quoi ça donne plutôt des névroses? J'ai assez
longue�ment insisté
sur ce point des années durant.
C'est ici que prend sa valeur l'accent que j'ai permis de mettre sur la fonction
de la perversion quant à sa rela�tion au désir de l'Autre comme tel.
C'est à
savoir qu'elle représente la mise au pied du mur, la prise au pied de la
lettre
de la fonction du Père, de l'Être suprême. Le Dieu éternel pris
au pied de la
lettre, non pas de sa jouissance, toujours voilée et insondable, mais de son
désir comme intéressé dans l'ordre du monde, c'est là le
principe où, pétrifiant
son angoisse, le pervers s'installe comme tel.
Voici donc les deux grandes arcatures. Dans la pre�mière, se composent et se
conjuguent le désir dit normal et celui qui se pose au même niveau, le
désir dit
pervers. 11 fallait d'abord poser cette arche pour déployer ensuite
l'éventail
de phénomènes qui vont de la névrose au mys-
�� . ��-��

70
�� , �� - ��, ��
�� : ��, ��, ��?
��, ��
��, �� - � �� - ��-��-��.
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��, �� , �� - �� , �
�� , �� , �� .
�� , �� , �� . � ��
�� , � �� , �
�� , � ��.
�� ,
[ 71 ]
ticisme, et comprendre qu'il s'agit là d'un tout.
La névrose est inséparable à nos yeux d'une fuite devant le
désir du père,
auquel le sujet substitue sa de�mande.
Le mysticisme est dans toutes les traditions, sauf cel�le que je vais
introduire, où on est très gêné à cet égard, une
recherche, construction,
ascèse, assomption, tout ce que vous voudrez, une plongée vers la
jouissance de
Dieu.
En revanche, ce qui fait trace dans le mysticisme juif, jusque dans l'amour
chrétien, et plus encore dans la né�vrose, c'est l'incidence du
désir de Dieu,
qui fait ici pivot.
4.
Je m'excuse de ne pouvoir pousser plus loin ces indications, mais je ne veux pas
vous quitter sans avoir au moins prononcé le nom, le premier nom par lequel je
voulais introduire l'incidence spécifique de la tradition judéo-

chrétienne.
Celle-ci, en effet, n'est pas celle de la jouissance, mais du désir d'un Dieu,
qui est le Dieu de Moïse.

C'est devant lui qu'au dernier terme, la plume de Freud s'est arrêtée.
Mais
Freud est sûrement au-delà même de ce que nous transmet sa plume.
Le nom de ce Dieu n'est que Le Nom, ce qui se dit Shem. Quant au Nom que
désigne
le Shem, je ne l'aurais jamais prononcé dans le Séminaire de cette
année pour
�� . ��-��

71
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�� , ��
�� .
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�� , �� , � ��
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�� . �� , ��
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�� , �� , ��-�� - Shem. ��
��, � �� Shem ��, ��
[72]
des raisons que je vous eusse expliquées, quoique certains connaissent sa
prononciation. D'ailleurs, de pronon�ciation, il n'y en a pas qu'une, nous en
avons beaucoup, par exemple celles que nous ont données les Ma 'assot, et
elles
ont varié au cours des siècles.
Au reste, la propriété de ce terme est bien plutôt
dési�gnée par des lettres
entrant dans la composition du Nom, et qui sont toujours certaines lettres
choisies parmi les consonnes. J'avais fait quelque peu d'hébreu l'année
dernière, à votre intention, les vacances que je vous don�ne vous
éviteront de
faire le même effort.
Dans l'Exode, au chapitre six, l'Élohim qui parle dans le buisson ardent -
qu'il
faut concevoir comme son corps, Kavod, que l'on traduit par Sa gloire, et dont
j'eusse voulu vous expliquer qu'il est bien autre chose �, ce Dieu parlant à
Moïse lui dit - Quand tu iras vers eux, tu leur diras que je m'appelle Ehyeh
acher ehyeh, Je suis ce que je suis.
Je suis �je suis le cortège. Il n'y a aucun autre sens à accorder à
ce Je suis
que d'être le Nom Je suis. Mais ce n 'est pas sous ce Nom, dit l' Élohim
à
Moïse, que je me suis annoncé à vos ancêtres. C'est ce qui nous
a menés au point
où je vous donnais rendez-vous avec le Sémi�naire de cette année.
Dieu d'Abraham, d'isaac et de Jacob, et non Dieu des philosophes et des savants,
écrit Pascal en tête des Pensées. Du premier on peut dire ce que je
vous ai peu
à peu habitués à entendre, à savoir qu'un Dieu, ça se
ren�contre dans le réel.
Comme tout réel est inaccessible, ça se signale par ce qui ne trompe pas,
l'angoisse.
�� . ��-��

72
�� - �� , ��
�� , �� , �� . ��
��, ��, �� -�� , ��
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��, �� , ��
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�� , �� , �� , -
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��, �� : � ��. �� , �� ,
�� . �� , ��
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�� , �� , �� , � �� - ��
�� . � �� , � ��
�� , - �� . ��, � ��
�� , �� , �� ,
��.
73]
Le Dieu qui s'est annoncé à Abraham, Isaac et Jacob, l'a fait sous un Nom
dont
l'Élohim au buisson ardent l'ap�pelle, et que j'ai écrit au tableau. Cela
se lit
El Shaddaï.
Les Grecs qui ont fait la traduction des Septantes étaient beaucoup plus au
courant que nous. Ils n'ont pas traduit Ehyeh acher ehyeh par Je suis celui qui
suis, com�me saint Augustin, mais par Je suis celui qui est - dési�gnant
l'étant, Éimi to on. Je suis l'Étant, et non pas l'être,
éinaï. Ce n'est pas ça,
mais au moins ça a un sens. Ils ont pensé comme des Grecs, que Dieu,
c'est
l'Etant suprê�me. Je = l'Étant.
On ne détache pas comme ça, du jour au lendemain, les gens de leurs
habitudes
mentales. Une chose, pour�tant, est certaine, ils n'ont pas traduit El Shaddaï
comme de nos jours par le Tout-Puissant, the Almighty, ils l'ont traduit
prudemment par Théos, qui est le nom qu'ils don�nent à tout ce qu'ils ne
traduisent pas par Seigneur, Ki-rios, qui est réservé au Shem, c'est-
à-dire au
Nom que je ne prononce pas.
Qu'est-ce qu'El Shaddaï ? Eh bien, même si j'avais dû vous revoir la
semaine
prochaine, il n'était pas prévu que je vous le dise aujourd'hui, et je ne
forcerai pas les portes, fussent-elles de l'Enfer, pour vous le dire.

J'entendais introduire ce que j'eusse pu vous dire par quelque chose
d'essentiel, point de rendez-vous avec notre Kierkegaard de tout à l'heure,
que
l'on appelle dans la tradition juive l'Akedah, la ligature, autrement dit le
sacrifice d'Abraham.
�� . ��-��

73
��, �� , �� , �� , ��
�� .
�� : �� .
��, �� , �� , �� . ��
�� Ehyeh acher ehyeh �� , �� , �� ,
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�� , � �� , éinai. �� , �� , ��
�� . �� , �� , �� - ��
��. �=��.
�� , � ��, �� .
��, ��, �� El Shaddaï, �� ,
�� , the Almighty, �� Theos- ��,
�� . �� Shem, �� ,
�� , �� - ��,
Kirios.
�� El Shaddaï} � �� , � ��
� �� , ��
�� , �� , �� .
��, �� , � ��
� �� , �� , Akedah
- � �� , �� , ��
�� , � �� .
[74]
Je vous eusse présenté le sacrifice d'Abraham sous la forme où la
tradition des
peintres l'� figuré, dans une culture où les images ne sont point
interdites. Il
est d'ailleurs bien intéressant de savoir pourquoi, chez les Juifs, elles le
sont, et pourquoi, de temps en temps, le christianisme a eu la fièvre de s'en
débarrasser.
Fussent-elles réduites à l'image d'Epinal, ces ima�ges, je vous les
donne. Ce
n'est pas pour suppléer à mon Séminaire de cette année, car
assurément les Noms,
eux, ne sont pas là, mais les images, elles, y sont assez en éventail
pour que
vous y retrouviez tout ce que j'ai an�noncé depuis la métaphore
paternelle.
Prenez l'un des deux tableaux qu'en a faits le Cara-vage. Il y a un garçon, la
tète bloquée contre le petit autel de pierre. L'enfant souffre, il

grimace. Le
couteau d'Abra�ham est levé au-dessus de lui. L'ange est là,
présence de celui
dont le Nom n'est pas prononcé.
Qu'est-ce qu'un ange? Voilà aussi une question que nous n'aurons pas à
traiter
ensemble. Cela m'aurait pour�tant bien amusé de vous faire rire de mon dernier
dialo�gue avec le Père Teilhard de Chardin. Mon Père, mais ces anges,
comment
faites-vous pour les supprimer de là Bible, avec votre montée de la
conscience
et tout ce qui s'ensuit? Je cru que je le ferais pleurer. Mais enfin, voyons,
est-ce que, vraiment, vous me parlez sérieuse�ment? - Oui, mon Père, je
tiens
compte des textes, spé�cialement quand il s'agit de l'Écriture, sur
laquelle est
fondée, en principe, votre foi. Avec son nominateur de la planète,
qu'est-ce
qu'il pouvait bien faire des anges?
Cet ange, le voici donc, qui, accompagné ou non du consentement du Père
Teilhard, retient le bras d'Abra-
�� . ��-��

74
� �� , � ��
� �� - ��, ��
��. ��, �� , ��
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��, �� , � �� ? - ��, �� , � ��
��, � �� , �� , �
��, �� . � �� , �� , ��, ��
��?
�� , �� , � �� , �� ,
�� -
[75]
ham. Quoi qu'il en soit de cet ange, c'est bien au titre d'El Shaddaï qu'il
est
là. C'est à ce titre qu'il a toujours été vu
traditionnellement. C'est à ce
titre que se déroule tout le pathétique du drame où nous
entraîne Kierkegaard.
Car enfin, avant ce geste qui retient, Abraham est venu là pour quelque chose.
Dieu lui a donné un fils, puis lui a donné l'ordre de l'amener vers le
lieu d'un
mystérieux rendez-vous, et là, le père lui a lié les mains aux
pieds, comme à
une brebis, pour le sacrifier.
Avant de nous émouvoir comme il est d'usage de le faire en pareille occasion,
nous pourrions nous souvenir que sacrifier son petit garçon à
l'Élohim du coin,
c'était courant, et non pas seulement à l'époque, car ça a
conti�nué si tard
qu'il a fallu sans cesse que l'ange du Nom ou le prophète qui parle au nom du
Nom arrêtassent les Is�raélites sur la voie de recommencer.
Voyons plus loin. Ce fils, me direz-vous, c'est son fils unique. Ce n'est pas
vrai. Il y a Ismaël, qui a déjà quatorze ans à ce moment. Mais
c'est un fait que
Sarah s'était montrée inféconde jusqu'à l'âge de quatre-
vingt-dix ans, et que ce
fut la raison pour laquelle Ismaël na�quit du couchage du patriarche avec une
esclave.
La puissance d'El Shaddaï se prouve d'abord à ceci, qu'il a été
celui qui a su
tirer Abraham du milieu de ses frères et de ses pairs. C'est très amusant
d'ailleurs, quand on lit, de s'apercevoir, si vous regardez le calcul des

an�nées, que beaucoup vivaient encore. Comme Sem avait eu ses enfants à
l'âge de
trente ans, qu'il a vécu cinq cents ans, et que, dans toute la lignée,
ils ont
eu leurs enfants à l'âge de trente ans, on n'était encore
arrivé que vers les
quatre cents ans de Sem au moment de la naissance d'Isaac. Enfin, tout le monde
n'aime pas comme moi la lecture.
�� . ��-��

75
�� . �� , �� , �� , ��
�� El Shaddaï. �� . � ��
� �� , � ��
��. �� , �� , ��-�� . ��
�� , �� , �� ,
�� , �� . ��
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�� . �� , �� , � �� . �� . �
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�� El Shaddaï �� , ��
�� . ��, ��, ��
�� , ��, ��, �� , �� .
��, �� , ��
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��, � �� . �� -
�� , � �� , �� , �� .
[76
Quoi qu'il en soit, cet El Shaddaï est bien aussi pour quelque chose dans cet
enfant du miracle. Sarah le dit -Je suis flétrie. Il est clair que la
ménopause
existe à l'épo�que. Isaac est donc l'enfant du miracle, de la promesse.
Il est
alors aisé de concevoir qu'Abraham tienne à lui.
Sarah meurt quelque temps après. À ce moment-là, il y a beaucoup de
monde autour
d'Abraham, et en parti�culier Ismaël, qui se trouve là on ne s'explique
pas
com�ment. Le patriarche va se montrer tel qu'il est, un formi�dable géniteur.
Il
épouse une autre femme, Ketorah, et il en a, si mon souvenir est bon, six
enfants. Seulement, ce ne sont pas des enfants qui ont reçu la baraka comme
l'enfant de celle qui l'a porté au nom d'El Shaddaï.
El Shaddaïn'est pas la Toute-Puissance, elle tombe à la limite du
territoire de
son peuple. Quand un autre Elohim du côté de Moab donne à ses sujets
le bon truc
pour repousser les assaillants, ça marche, et El Shaddaï dé�campe
avec les
tribus qui l'ont amené à l'assaut.
El Shaddaï est celui qui élit, celui qui promet, et qui fait passer par
son nom
une certaine alliance, qui est transmissible d'une seule façon, par la baraka
paternelle. C'est aussi celui qui fait attendre un fils à une femme
jusqu'à
quatre-vingt-dix ans, et qui fait attendre bien autre chose encore, je vous
l'eusse montré.
Ne me reprochez pas d'avoir fait tout à l'heure trop bon marché de la
sensibilité d'Abraham, car à ouvrir un petit livre qui date de la fin du
XIe
siècle, du nommé Rachi, autrement dit Rabbi Salomon ben Isaac, de Troyes,
qui
est un ashkénaze de France, vous lirez d'étranges commentaires. Lorsque
Abraham
apprend de l'ange qu'il n'est pas ici pour
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76
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[77]
immoler Isaac, Rachi lui fait dire - Alors quoi? Si � 'est ainsi, suis-je venu
pour rien? je vais tout de même lui faire au moins une légère
blessure, pour
sortir un peu de sang. Ça te fera plaisir, Élohim? Ce n'est pas moi qui
l'invente, c'est un Juif fort pieux, et dont les commentaires sont fort
estimés
dans la tradition de la Michna.
Nous voici donc avec un fils, et puis deux pères.
Est-ce là tout? Heureusement qu'elle est là pour nous rappeler que ce
n'est pas
tout, l'image d'Epinal, sous la forme plus somptueuse des tableaux du Caravage.
Il y en a un où le bélier est à droite, et où vous trouverez
cette tête que j'ai
introduite ici l'année dernière, invisi-blement, sous la forme du chofar,
la
corne du bélier. Cette corne lui est incontestablement arrachée.
Je n'aurai pas l'occasion d'en approfondir pour vous la valeur symbolique, mais
je voudrais terminer sur ce qu'est ce bélier.
Il n'est pas vrai que ce soit au niveau de la phobie qu'apparaisse l'animal
comme métaphore du père. La phobie n'est que le retour de quelque chose
d'antérieur, ce que disait Freud en se référant au totem. Le totem
veut dire que
l'homme, n'ayant pas tellement à être fier d'être le dernier venu de
la
création, celui qu'on a fait avec de la boue, ce qui n'est dit d'aucun autre
être, va se chercher des ancêtres honorables. Nous en sommes encore
là comme
évolutionnistes, il nous faut un ancêtre animal.
Je ne vous dirai pas les passages que j'ai consultés, soit dans la Michna,
nommément dans les Pirké Avot, qui sont les sentences, ou maximes, ou
chapitres
des Pères �Je le dis pour ceux que cela peut intéresser, ce n'est pas
grand
comme le Talmud, vous pouvez vous y reporter,
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77
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[78]
cela a été traduit en français - soit dans Rachi. Ce sont les deux
seules
références que j'ai voulu donner aujourd'hui.
Rachi est le plus court à exprimer que, selon la tradi�tion rabbinique, le
bélier dont il s'agit est le Bélier pri�mordial. Il était là,
écrit-il, dès les
sept jours de la créa�tion, ce qui le désigne pour ce qu'il est, un
Élohim. En
effet, ce n'est pas seulement celui dont le Nom est im�prononçable qui
était là,
mais tous les Élohim. Le Bélier est traditionnellement reconnu comme
l'ancêtre
de la race de Sem, celui qui joint Abraham, à assez court terme d'ailleurs,
aux
origines.
Le bélier aux cornes emmêlées se rue dans une haie qui
l'arrête. J'eusse voulu
vous montrer dans ce lieu de la haie quelque chose qui est longuement commenté
par ailleurs. L'animal se rue sur le lieu du sacrifice, et il con�vient

d'insister sur ce sur quoi il vient avidement se repaî�tre, quand celui dont
le
Nom est imprononçable le désigne, lui, pour être sacrifié par
Abraham à la place
de son fils. Ce bélier, c'est son ancêtre éponyme, le Dieu de sa
race.
Ici se marque le tranchant du couteau entre la jouis�sance de Dieu et ce qui,
dans cette tradition, se présenti-fie comme son désir. Ce dont il s'agit
de
provoquer la chute, c'est l'origine biologique. C'est là la clé du
mys�tère, où
se lit l'aversion de la tradition judaïque à l'égard de ce qui
existe partout
ailleurs. L'hébraïque hait la pra�tique des rites métaphysico-
sexuels qui, dans
la fête, unissent la communauté à la jouissance de Dieu. Il met tout
au
contraire en valeur la béance séparant le désir de la jouissance.
Le symbole de cette béance, on le trouve dans ce
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78
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[79]
même contexte, celui de la relation d'El Shaddaï à Abra�ham. C'est
là où,
primordialement, naît la loi de la cir�concision, qui donne comme signe de
l'alliance du peu�ple avec le désir de celui qui l'a élu ce petit morceau
de
chair tranché.
Je vous avais amené l'année dernière, avec quelques
hiéroglyphes témoignant des
us du peuple égyptien, à l'énigme de ce petit a. C'est avec lui que
je vais vous
quitter.
Je vous dirai seulement pour finir que, si j'interromps ce Séminaire, je ne le
fais pas sans m'excuser auprès de ceux qui, depuis des années, ont
été mes
fidèles auditeurs.
Ce sont pourtant certains de ceux-là qui maintenant retournent cette empreinte
contre moi, nourris des mots et des concepts que je leur ai appris, enseignés
des voies et des chemins où je les ai menés.
Dans l'un de ces débats confus au cours desquels un groupe, le nôtre,
s'est
montré véritablement, dans sa fonc�tion de groupe, mené de-ci,
dé-là, par des
tourbillons aveugles, un de mes élèves �je m'excuse auprès de lui
d'avoir à
déprécier son effort, qui eût pu assurément por�ter un
écho et ramener la
discussion à un niveau analyti�que - a cru devoir dire que le sens de mon
enseignement serait que la vérité, sa véritable prise, c'est qu'on
ne l'at�trape
jamais.
Quel incroyable contresens ! Au mieux, quelle impa�tience enfantine !
Faut-il que j'aie des gens qu'on désigne je ne sais pourquoi comme
cultivés,
parmi ceux qui sont le plus immédiatement à portée de me suivre!
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79
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��, �� , �� !
[80]
Où a-t-on vu une science, fut-elle mathématique, où chaque chapitre
ne renvoie
pas au chapitre suivant?
Est-ce là pour autant justifier une fonction métony�mique de la
vérité?
Ne voyez-vous pas qu'à mesure que j'avançais, je m'approchais toujours
d'un
certain point de densité où vous ne pouviez pas parvenir sans les pas
précédents?
A entendre une telle repartie, n'y a-t-il pas lieu d'in�voquer les attributs de
Pinfatuation et de la sottise, sorte d'esprit en forme d'épluchure que l'on
récolte à fonc�tionner dans les comités de rédaction?
De cette praxis qui est l'analyse, j'ai essayé d'énoncer comment je la
cherche,
comment je l'attrape. Sa vérité est mouvante, décevante, glissante.
N'êtes-vous
pas en état de comprendre que c'est parce que la praxis de l'analyse doit
s'avancer vers une conquête du vrai par la voie de la tromperie? Car le
transfert n'est point autre chose, le transfert dans ce qui n'a pas de Nom au
lieu de l'Autre.
Depuis longtemps, le nom de Freud n'a cessé de de�venir plus inopérant.
Alors,
si ma marche est progressi�ve, si elle est même prudente, n'est-ce pas parce
que
j'ai à vous promouvoir contre la pente où l'analyse risque toujours de
glisser,
c'est-à-dire la voie de l'imposture?
Je ne suis pas ici dans un plaidoyer pour moi. Je dois dire pourtant qu'ayant,
depuis deux ans, confié à d'autres le maniement, à l'intérieur
d'un groupe,
d'une politique, pour laisser son espace et sa pureté à ce que j'ai
à vous dire,
je ne vous ai jamais, à aucun moment, donné pré�texte de croire
qu'il n'y avait
pas pour moi de différence entre le oui et le non.
20 novembre 1963
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80
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20 �� 1963 ��.
Indications bio-bibliographiques
Le symbolique, l'imaginaire et le réel
Le titre est d'origine ; la conférence avait été
sténogra�phiée, puis
dactylographiée ; le texte ici publié a été établi par
moi; indiquée dans le
texte, une lacune demeure, page 34 [26], vraisemblablement de peu d'étendue.
Ce fut la première communication dite scientifique de la nouvelle
Société
française de psychanalyse, fraîchement issue de la scission intervenue
dans le
mouvement psycha�nalytique français. Le conflit devait rebondir dix ans plus
tard, et conduire cette fois à "l'excommunication " de La�can et à la
fondation
par celui-ci de son Ecole à lui, qu 'il baptisera: Ecole freudienne de Paris.
La
source d'inspira�tion de la triade lacanienne se trouve dans l'article de
Lévi-Strauss, "L'efficacité symbolique" (publié en 1949, repris dans
Anthropologie structurale. Pion, 1958), qui propose la définition succincte

mais
inédite d'un inconscient vide, sans contenu, pur organe de la fonction
symbolique, impo�sant des lois de structure à un matériel
d'éléments
inarti�culés provenant de la réalité comme du réservoir
d'ima�ges accumulées par
chacun (voir p. 223-225). Le concept du "mythe individuel", qui figure dans ces
mêmes pages, avait été repris par Lacan dans sa conférence de
1952 in�titulée
"Le mythe individuel du névrosé ".
A la suite de sa conférence de juillet 1953, Lacan s'at�tela à la
rédaction du
rapport qu 'il devait présenter deux
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��, ��
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26, �� , �� .
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223-225 �� ). ��
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�� 1953 ��
�� , �� -
82]
Noms-du-Père. Indications...
mois plus tard à Rome, au premier Congrès de la nouvelle
Société, et qui fera
époque ("Fonction et champ de la pa�role et au langage en psychanalyse ".
Écrits, Seuil, 1966, p. 237-322; "Discours de Rome", Autres écrits.
Seuil, 2001,
p. 133-164).
Lacan se réfère au séminaire qu 'il vient d'achever sur l'homme aux
rats, et à
celui de l'année précédente sur l'homme aux loups. Ces
séminaire avaient lieu à
son do�micile, rue de Lille, et n 'étaientpas sténographiés ; il n
'en subsiste
à ma connaissance que quelques notes d'auditeurs ; ils ne pouvaient donc
figurer
sur la liste des Séminaires dont la publication fut prévue et
annoncée. En 1967,
La�can parle du Séminaire des Noms-du-Père comme de son treizième
(voir
ci-dessous), prenant donc en compte les deux évanouis, sans doute parce qu 'au
nombre treize la supers�tition attache certaine valeur maléfique, et que Lacan
avait comme Freud le goût de la numérologie; je rappelle égale�ment

son article
"Le nombre treize et la forme logique de la suspicion " (Autres écrits- p.
85-99), qui se termine par une évocation du Jugement dernier.
��-��. ��...
82
��
�� ("Fonction et champ de la parole et du
langage en psychanalyse", Écrits, Seuil, 1966, p.237-322; "Discours de Rome",
Autres écrits, Seuil, 2001, p. 133-164 *).
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��. �� , ��, ��, ��
�� , � ��, �� , ��
��; �� "��
�� " (Autres écrits, p. 85-99), ��
�� .
[83]
Introduction aux Noms-du-Père
Découvrant la sténographie de cette leçon dans le dos�sier des
Quatre Concepts
fondamentaux de la psychanaly�se que Lacan m'avait remis, je lui proposai de la
placer en tète de ce Séminaire, qui fut le premier à paraître,
en 197 S. Lacan
acquiesça, m'aida à en établir le texte, puis, in ex�tremis, se
ravisa : non, me
dit-il, les psychanalystes ne méri�taient pas de lire ça, ses
élèves comme les
autres. Il maintint cette position jusqu 'à sa mort, en dépit des
représentations que je lui faisais de temps à autre.
Je m'avise que je ne le fais paraître qu 'au lendemain de la mort de mon
père,
le D'Jean Miller, décédé le 25 août 2004, et enterré selon
son vœu dans le rite
hébraïque. Voulais-je faire de cette publication hommage à sa
mémoi�re, ou bien
être sûr qu 'il ne le lirait pas? Les deux ne sont pas incompatibles.
Lacan commence sa conférence en évoquant la nouvelle qui lui fût
apportée "la
veille, très tard": il venait d'être radié de la liste des
didacticiens de la
Société française de psychanalyse par la "commission de
l'enseignement" dont il
faisait partie ; après des années de tractations sordides, sa tête
s'était en
effet révélée être le prix à payer par ses collègues
pour obtenir leur
reconnaissance internationale comme "French Study Group". C'est ce que Lacan
devait appeler quelques mois plus tard son "excommunication " (voir la
première
leçon du Séminaire XI, Les Quatre Con�cepts fondamentaux de la
psychanalyse,
Seuil, 1973, p. 7-17).
II devait revenir sur le sujet à plusieurs reprises. Je me contenterai de
reprendre ici les termes de sa conférence de Naples en décembre 1967 ("La
méprise du sujet supposé savoir". Autres écrits,/�. 337). Citant

Pascal, comme
dans l ' "Introduction aux Noms-du-Père ", il oppose le Dieu des
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83
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�� XI).
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�� "��-��", ��, �� "�� " (��
��, �� -
84]
philosophes (autrement dit, le sujet supposé savoir) et le Dieu d'Abraham,
d'Isaac et de Jacob (Dieu-le-Père), et il écrit: "Cette place du Dieu-le-
Père, �
'est celle que j'ai désignée comme le Nom-du-Père et que je me
proposais
d'illustrer dans ce qui devait être mon treizième séminaire (mon
onzième à
Sainte-Anne), quand un passage à l'acte de mes collègues psychanalystes
m'a
forcé d'y mettre un terme, après sa première leçon. Je ne
reprendrai jamais ce
thème, y voyant le signe que ce sceau ne saurait être enco�re levé
pour la
psychanalyse."
Le propos d'un élève (J. B. Pontalis, alors membre du comité de
rédaction de la
revue de Jean-Paul Sartre) est stigmatisé à la fin de la leçon;
Lacan est revenu
sur ce dit à de multiples reprises, s'y référant sous la forme:
"Pour�quoi ne
dit-il pas (lui, Lacan) le vrai sur le vrai? "
J.-A. M.
NB - Des documents institutionnels intéressant la pé�riode ont
été pour la
première fois publiés dans mes deux recueils aujourd'hui
épuisés, La Scission de
1953, et L'Ex�communication; d'autres figurent dans l'Histoire de la
psychanalyse en France (tome I, Fayard, 1994) d'Elisa�beth Roudinesco.
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84
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NB- �� , �� , ��
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* � ��. 8: "Les non-dupes errent" ["Te, �� ,
��"] - �� "Les Noms du Père" ["�� "].
* � ��. 63: "��, �� , ��" - �� : mythiquement /
mythique ment.
* � ��. 78: ��. ��. - "�� ". �.,
��, 1995.
� �� . �� : �� 1 : ��
�� 2: �5 �� ߻:
�� 11 : ��
�� / �� (��) e.mail:
gnosispublishers@mail.ru ; letterra@yandex.ru
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�� - �. ��, �. ��
�� - �. ��, �. �� - �. ��
�� - �. ��
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��
(��. 1599, �� , ��)
��", �� "��"
119847 ��, �� -�, 17-50 t/f: 2461430 ; e-mail:
gnosispublishers@mail.ru
��/�� - �� "��, t/f: 2471757
�� 18.04.2006. �� 84x108/32. �� . �� 3000
��. �� 3153.
�� . 143200, �. ��, ��.
��, 93.

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Jacques LacanJacques Lacan

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nombre de vues psychologi�ques plus ou moins partielles du sujet patient, nous

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valeur &#224; ce fait, affirm&#233; par la doctrine et d&#233;montr&#233; par

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ceci a dur&#233;. Le tumulus ou n'importe quel autre signe de s&#233;�pulture

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l'instinct de mort, et qu'il a appel&#233;, plus ou moins, l'automatisme de

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de langage. Un r&#234;ve en milieu ou en fin de l'analyse, c'est une partie du

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la r&#233;alit&#233;. Ce qui est propre�ment symbolique - et les symboles les plus

est l&#224; que l'angoisse se transforme en culpabilit&#233;.

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bien vu que le transfert, c'est la r&#233;alisation m&#234;me du rapport humain

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Introduction aux Noms-du-P&#232;re

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au moyen de l'objet a. C'est &#224; cela qu'est suspendue la fonction de l'acte. Le

d&#233;velop�pement de cette fonction &#233;tait r&#233;serv&#233; pour l'avenir.

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science dite psychologique.

de plus en plus inten�tionnelles d'une technocratie, &#224; l'&#233;talonnage

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Le symbolique, l'imaginaire et le réelè

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registre morbide. C'est un élément qu'il nous faut toujours

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dé�montrer le mouvement en marchant. Parler, c'est déjà s'introduire

dommages irréversibles. La réversibilité même des troubles

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�� . ��...

soit le caractère incorporatif que nous donnions à ces fantasmes.

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structure, ses calembours, ses rythmes, sa sonorité. Tout se passe sur

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prononce comme ayant telle ou telle propriété répondant à la

sert tout simplement à vous éviter d'être tué.

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dans l'élaboration de la théorie analytique, qui n'est autre que la

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le détail la portée et la pré�sence. La pointe de ce que je viens de

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valeur à ce fait, affirmé par la doctrine et démontré par

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ceci a duré. Le tumulus ou n'importe quel autre signe de sé�pulture

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l'expression analytique, est toujours cor�rélatif, chez ceux qui la

l'instinct de mort, et qu'il a appelé, plus ou moins, l'automatisme de

Point qui est significatif, très important, mais comme un temps de

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Il n'a pas de peine - il est déjà lui-même un symbole. Il est

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de langage. Un rêve en milieu ou en fin de l'analyse, c'est une partie du

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la réalité. Ce qui est propre�ment symbolique - et les symboles les plus

est là que l'angoisse se transforme en culpabilité.

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bien vu que le transfert, c'est la réalisation même du rapport humain

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Introduction aux Noms-du-Père

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au moyen de l'objet a. C'est à cela qu'est suspendue la fonction de l'acte. Le

dévelop�pement de cette fonction était réservé pour l'avenir.

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de plus en plus inten�tionnelles d'une technocratie, à l'étalonnage

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la conjonc�tion oblative au niveau de l'acte génital ne s'explique que par un

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concupiscence des yeux. Il croit désirer parce qu'il se voit comme

apparaît au sujet comme privée de son regard, toute la trame de la

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en raison de l'inévitabilité de cette question.

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le doigt sur ce qui mérite de rester de chacun de ces auteurs, de Roberston

en fait le chef de la hor�de, dont, conformément au mythe animal, la

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l'on pourrait appeler John un point géométrique au tableau. Nous

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voulais introduire l'incidence spécifique de la tradition judéo-

qui est le Dieu de Moïse.

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